SIMULATEURS ET APPRENTISSAGE : QUELLES DIFFICULTÉS
POUR LES ÉLÈVES DE MAINTENANCE DE VÉHICULES
AUTOMOBILES.
Landry NDOUMATSEYI BOTONGOYE
UMR ADEF - Équipe Gestepro, Université de Provence-IUFM Aix-Marseille-INRP
MOTS-CLÉS : SCHÉMAS – SIMULATEURS – REPRÉSENTATIONS GRAPHIQUES – DESCRIPTEURS – MÉDIATION.
RÉSUMÉ : Le travail que nous présentons traite de problèmes liés à l’utilisation des simulateurs dans la formation des métiers de l’automobile et au rôle de médiateurs qu’ils jouent dans la situation didactique. Ces systèmes sont composés de divers objets (objets analogiques, schémas et représentations graphiques). Aussi, ne facilitent-ils pas toujours la compréhension des élèves. Notre travail porte sur la présentation des quelques descripteurs jugés pertinents dans la construction de la situation didactique.
ABSTRACT : The study presented concerns the problem of using simulators in professional training in the field of automobile maintenance. Various mediations take place in the use of systems composed by various objects (analogical objects, diagrams and graphics). However, they do not always facilitate the comprehension of the pupils. Some descriptors considered relevant in the construction of teaching and learning situations are presented in this paper.
1. CONTEXTE ET ENJEUX DE LA RECHERCHE
Dans les recherches sur la formation initiale en maintenance automobile, les problèmes liés à la simulation et aux simulateurs demeurent importants et peu abordés. Samurçay et Rogalski (1998), Leplat (1997), Béguin et Weill-Fassina (1997) ont étudié l’impact de la simulation dans le domaine de la formation ainsi que les enjeux liés à son introduction dans le cadre pédagogique en milieu industriel, professionnel et scolaire. Il est évident que pour former un technicien à la résolution de problèmes (Patrick, 1992, 1993 ; Allen, Hayes & Buffardi, 1986 ; Shepherd, Marshall, Turner & Duncan, 1977), la manipulation directe de l'équipement réel est souvent souhaitable, mais il peut s’avérer difficile, voire techniquement impossible, de disposer des équipements réels pour des besoins de formation, notamment du fait du coût du matériel et des différents problèmes de sécurité qui s’y rattachent. Par ailleurs, les véhicules automobiles de dernières générations deviennent inappropriés pour le milieu scolaire car ils sont désormais dotés de technologies trop complexes pour des élèves en début de formation. Dans ces conditions, les simulateurs permettent de faire varier un grand nombre de paramètres dans des situations où le réel ne le permettrait pas et constituent de ce fait, un outil de formation approprié. Ainsi, pour ces diverses raisons, la formation professionnelle initiale a de plus en plus recours à la simulation.
2. PROBLÉMATIQUE ET CADRE DE RÉFÉRENCE
L’enjeu de ce travail est de présenter l’implication des simulateurs dans une période ou ces outils occupent désormais une place prépondérante dans le milieu de la formation, de la recherche et celui de la conception. Cette recherche s’inscrit dans le champ de la théorie de l’activité (Vygotski, 1978 ; Luria, 1979 ; Ochanine, 1966 & Leontiev, 1974) où l’instrument joue un rôle important. Pour Leontiev, l’activité est composée d’un sujet, d’un objet (but, objectif ou finalité qui oriente l’activité), d’actions et d’opérations. Ce dernier précise que derrière l’objet se cache un mobile auquel répond l’activité et que les processus engagés dans l’activité sont conscients car guidés par l’objet. La théorie de l’activité met en avant le rôle médiateur des artefacts (l’écriture, les outils, les machines, etc.) qui organisent les fonctions supérieures et permettent de contrôler l’action. La médiation des artefacts est considérée comme moteur et facilitateur de développement des compétences notamment en suscitant des zones proximales de développement (Vygotski, 1985). Parmi les grands courants fondateurs de la psychologie moderne seul celui de Vygotski, a accordé une place décisive à la notion d'instrument en distinguant les outils techniques agissant sur la
sont des instruments sémiotiques qui relèvent du groupe d’instruments "psychologiques" (langage, schémas, écriture, etc.). Les simulateurs représentent des systèmes ou des sous-systèmes de véhicules automobiles réels sous forme d’interfaces graphiques informatiques ou de mallettes analogiques. Ce type de média ne facilite pas toujours la compréhension des élèves. Il convient donc de réfléchir sur les descripteurs (Vergnaud, 1981 ; Verillon, 1996) qui seraient les plus favorables pour faciliter la compréhension des élèves à propos de ces systèmes.
3. MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE 3.1. Recueil des données
Nous nous sommes intéressés au fonctionnement ordinaire de situations de classes. Les observations et entretiens ont été effectués auprès de 10 élèves de 1re BAC professionnel sur un simulateur de système de freinage et de 10 élèves de Terminale BEP sur un simulateur de feux de signalisation visuelle en Maintenance des Véhicules Automobiles. Les élèves avaient entre (16) seize et (18) dix ans.
Nous avons confronté les propos des enseignants à ceux des élèves concernant les descripteurs qui leur semblaient dignes d’intérêt sur simulateurs et qui pourraient faciliter la compréhension des opérateurs (enseignants et élèves) sur l’activité à effectuer.
3.2. Présentation des systèmes observés
Signalisation visuelle
Le système est composé d’un générateur électrique, des ampoules, des fusibles, de plusieurs boîtes électroniques représentant chacun des composants du dispositif simulé. Sur chaque boîte figure des représentations schématiques et symboliques des composants du système. La connexion entre boîtes se fait à l’aide des fils de différentes couleurs (rouges, jaune, noirs et bleu) pour différencier les circuits ou les branchements (figure 1).
Système de freinage
Il s’agit ici du d’un simulateur du système de freinage de type ABS qui permet d’apporter plus de stabilité à la tenue de route et améliore ainsi le freinage. Il est composé d’un pupitre de pilotage, de différents écrans qui affichent les valeurs des pressions et des vitesses, de deux roues symbolisant le véhicule ainsi que des autres éléments du système de freinage classique tels les étriers de roues, les sphères hydro-pneumatiques, le maître-cylindre, la pédale de frein, etc. Les éléments cités sont
représentés sous forme symbolique par des schémas et des symboles sauf la pédale de frein qui est mobile et qui permet de faire varier les paramètres du système (figure 2).
Figure 1 : Simulateur des
feux de signalisation visuelle Figure 2 : Simulateur du système de freinage
4. RÉSULTATS DE LA RECHERCHE
Les différents descripteurs recensés au terme de notre étude sur ses deux systèmes sont :
• Le rapport topologique des objets sur le système : L’identification des relations fonctionnelles entre éléments du simulateur est importante pour connaître la fonction, le fonctionnement et ce à quoi la symbolique représentée renvoie sur le système-référent. Cette connaissance permet aux opérateurs de faire le lien entre les différents éléments. Or, les objets sur simulateur ne répondent pas toujours à la même logique topologique. Pour l’opérateur, le fait de ne pas retrouver les éléments disposés dans leur position respective (position traduisant la disposition sur le véhicule) peut être une source de perturbation en rendant difficile l’identification de l’ordre fonctionnel et du lien d’asservissement entre organes.
• Grandeurs pneumatiques et électriques, représentant la réalité mesurable rencontrée sur
dispositif simulé : Les grandeurs mesurables sont les mêmes, qu’il s’agisse du système réel ou du
simulateur. Ce qui change c’est la manière dont les grandeurs sont symbolisées. Il s’agit la plupart du temps d’effectuer des relevés de tensions, d’intensités et de pressions sur les systèmes et de les interpréter afin de définir dans quel état de fonctionnement se trouve le système. Une pression élevée sera symbolisée en rouge sur le simulateur alors que sur le système réel la grandeur prend une valeur numérisée.
structurellement, fonctionnellement les différents systèmes, de donner une explication à chaque phénomène observé, à chaque image représentée sur le système (générateurs, objets immobiles, en mouvement, etc.).
• Nature des objets qui composent le système : Il est important que les élèves distinguent et sachent différencier les objets mobiles des objets immobiles. L’interprétation de la symbolique des graphismes et de toutes les représentations codés sur les différents systèmes s’avère nécessaire. Les élèves doivent maîtriser le rapport au réel des représentations graphiques et de chaque symbole rencontrés : À quoi renvoie l’interprétation des diodes quand elles sont allumées ou éteintes, que se passe-t-il à cet instant précis.
5. CONCLUSION ET DISCUSSION
Le décodage correct de chaque symbole sur les simulateurs, et la représentation correcte de ce à quoi ils renvoient, permet aux élèves d’appréhender le travail qui leur est demandé. Afin qu’ils puissent transposer leur acquis de formation dans des situations réelles, il faut qu’ils aient acquis un langage cohérent leur permettant de communiquer avec le simulateur et de faire le lien avec les éléments du système réel. Ceci passe par une identification des descripteurs du système et par la connaissance du langage technique adéquat permettant leur représentation sur le simulateur.
Il ressort que le qualificatif « théorique » que les élèves attribuent la plupart du temps au simulateur intervient parce que ces derniers sont amenés à effectuer des opérations de relevés sur des éléments symbolisés et non réels. Les simulateurs sont composés à la base des mêmes éléments rencontrés sur véhicules. Cependant, sur ces systèmes, la ressemblance au système référent est plus structurelle qu’analogique et appropriée aux besoins de la situation didactique.
BIBLIOGRAPHIE
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