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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Différences et inéquités en situation didactique : lecture habermassienne d'une situation de désaccords en classe

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DIFFÉRENCES ET INÉQUITÉS EN SITUATION DIDACTIQUE :

LECTURE HABERMASSIENNE D’UNE SITUATION DE

DÉSACCORDS EN CLASSE

Laure MINASSIAN, Grégory MUÑOZ,

Centre de Recherche en Éducation de Nantes, Université de Nantes.

MOTS-CLÉS : ÉQUITÉ – DISCUSSION – CONTRAT DIDACTIQUE – ARISTOTE – HABERMAS – BROUSSEAU

RÉSUMÉ : Après avoir défini la notion d’équité comme supérieure à la notion de légalité (Aristote, 1990) nous proposons au travers d’une méthodologie basée sur les catégories de Habermas (1981, 2006) d’analyser des interactions en classe. En nous penchant sur le mode d’interrogation de l’enseignante, nous étudierons, à partir du point de vue des acteurs, si ce dernier est « légal » ou/et équitable (ou aucun des deux). Notre exposé concerne un corrigé collectif d’un exercice de mathématique.

ABSTRACT : Having defined the notion of equity as superior in the notion of legality (Aristote, 1990) we propose in the fault a methodology based on the categories of Habermas (1981, 2006) to analyze interactions in class. By tilting us on the mode of interrogation of the teacher, we shall study, from the point of view of the actors, if this last one is " legal " or / and fair (or anybody both). Our statement concerns a collective correct version of an exercise of mathematics.

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1. INTRODUCTION 1.1 La notion d’équité.

Définissons préalablement la notion d’équité qui renvoie à la philosophie aristotélicienne et plus précisément au livre V de l’éthique à Nicomaque : « Nature de la justice et de l’injustice » (1990). Selon le stagirite : « l'équitable, tout en étant juste, n'est pas le juste selon la loi, mais un correctif de la justice légale. La raison en est que la loi est toujours quelque chose de général, et qu'il y a des cas d'espèce pour lesquels il est impossible de poser un énoncé général qui s'y applique avec rectitude ». Par ce propos, Aristote nous indique que les lois humaines sont limitées parce qu’elles ne dictent qu’une conduite générale qui ne peut pas s’appliquer aux cas particuliers. Seul un « correctif » (op. cité) peut y remédier qui relève de l’instance éthique par laquelle on adapte la loi aux cas particuliers. Aussi l’équité est un bien plus juste que le « légal » ; dit autrement le légal n’est pas toujours nécessairement l’équitable.

Ainsi, déterminer l’équitable dans la classe équitable nécessite tout d’abord de statuer ce qui serait légal pour cet objet. Pour autant, existe-t-il des textes de lois définissant comment un enseignant doit mener une classe de façon légale ? Bien sûr le règlement intérieur ou encore les grands principes tels que l’enseignant se doit de ne pas faire de propagande politique ou religieuse nous sont connus, mais ces textes restent très généraux. D’ailleurs, même en ce qui concerne des textes plus précis, tels que le curriculum formel qui pourrait contenir une forme légale d’un comportement attendu, comporte de telles zones d’ombre qu’il permet des interprétations de son contenu, et qui dans l’activité même de la classe subit de nouvelles transformations Perrenoud (1994). Ainsi, aucun texte juridique ne légifère spécifiquement sur le comportement au quotidien que se devrait d’adopter le maître vis-à-vis des élèves. Aussi comment statuer sur l’équitable sans référence légale ? Pour conjurer ce vide juridique, nous décidons de nous en remettre aux us et coutumes. L’usage et la coutume font partie intégrante de la vie professionnelle et les professionnels font appel aux usages et coutumes locaux pour adapter leurs pratiques. L’usage et la coutume ne sont pas la loi, mais c’est l’usage que l’on adopte, lorsqu’il n’est pas en contradiction avec la loi et que cette dernière ne prévoit pas comment réguler un type d’acte spécifique. C’est le cas, par exemple dans le domaine commercial de l’acquittement de la taxe foncière. Par ailleurs, des articles du code civil (389-3, 590 et 663, 671, 674, 1135, 1754, 1159, 1160, 1762, 1777) et commercial (L. 13 juin 1866. concernant les usages commerciaux, art. 2 et 3) mettent en avant le droit coutumier en tant que « source du droit » (Bèye, 2004 ; Colin & Chauveau, 1999). Pour ces derniers, l’usage et la coutume sont reconnus comme tels d’une part s’il existe une répétition spontanée d’une certaine conduite, et d’autre part si l’opinion commune est persuadée que la pratique est obligatoire.

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Quelles seraient les activités dans la classe qui seraient suffisamment répétées au quotidien pour admettre une conduite relevant de l’usage et de la coutume ? L’hypothèse émise est qu’il est d’usage que le maître soit reconnu comme détenteur du savoir didactique, qu’il aide les élèves à l’acquérir, qu’il prévoit la séance de classe, la dirige (en laissant intervenir des élèves), les interroge, et institutionnalise le savoir. Dans le cas où les rôles sont inversés, c’est toutefois (on l’espère) le maître qui a prévu une séance spécifique, par exemple, dans le cadre d’un débat (Orange, 2000) ou d’une situation problème (Fabre, 1999) à éluder en classe, recherchant un investissement des élèves envers les savoirs, par la déconstruction de modèles explicatifs erronés. Mais ici encore c’est l’usage et la coutume qui l’emportent puisque ce type de séance est avant tout prévu de manière antérieure par le maître.

Le cas que nous nous proposons d’analyser ici concerne une situation de classe ordinaire qui ne relève ni du débat ni de la situation problème. Dans le cadre de cet article, nous ne traitons pas de l’ensemble de la situation (Minassian, 2008), mais nous nous intéresserons à la comparaison du traitement par une enseignante des réponses distinctes formulées par deux apprenants.

1.2 Contexte et problématique

Pour cet article, nous nous référerons à la coutume : « c’est le maître qui interroge les élèves ». Le point de légalité posé est justifié par la position haute du maître vis-à-vis des élèves qui voudrait que ce soit le maître qui les interroge de manière coutumière. Comme nous l’avons vu, la notion d’équité est supérieure à celle de la légalité puisqu’elle est une adaptation de la loi. Il ne suffirait donc pas d’interroger les élèves, encore faudrait-il le faire de manière équitable.

Pour le déterminer, notre étude s’appuie sur trois présuppositions contrefactuelles de la philosophie communicationnelle de Habermas (1981, 2006) et en particulier les « rationalités communicationnelles », puisque nous traitons d’un cas de discussion. Nous centrerons plus précisément nos conclusions d’équité sur trois présuppositions contrefactuelles d’une situation de discussion idéale : 1/« que chacun ait les mêmes chances de débattre, 2/« qu’il n’y ait pas de processus d’exclusion ou d’auto exclusion », 3/« que chacun soit dans un processus illocutionnaires », c'est-à-dire qu’il pense ce qu’il dite et n’agisse pas de manière stratégique.

Le cas étudié est constitué par un corrigé d’exercice touchant la notion de l’arrondi. Les apprenants ne sont pas d'accord avec les résultats différents énoncés dans l’espace de discussion. La consigne de l’exercice demande de trouver une valeur représentée par un quart de cercle et d’arrondir cette valeur à la seconde décimale. Or, pour déterminer la seconde il faut se baser sur celle qui suit, et cette dernière est de valeur [5]. Avec cette valeur, les apprenants ne savent pas s’il convient d’arrondir la seconde décimale au chiffre supérieur ou s’il faut conserver le résultat, d’autres effectuent des calculs différents et ne sont pas confrontés à ce dilemme. Enfin, l’enseignante se rend

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compte au moment de la correction que son propre calcul est erroné. Par ailleurs, un devoir sur table va suivre à cette séance, il va donc être urgent de trouver un terrain d’entente pour que chacun puisse déterminer en vue du devoir comment l’arrondi va être pris en compte dans la notation. Y aura-t-il une possibilité d’arrondir avec un seuil de tolérance ou faudra-t-il arrondir au plus juste et comment le déterminer ?

Ce contexte nous amène à poser la notion de « contrat didactique », qui selon Brousseau (1981) est un implicite à la classe qui va surgir et se négocier lors de ruptures. L’espace de discussion convoqué ici met en avant la négociation d’un « contrat didactique » en vue du devoir sur table qui suivra. Notre problématique est donc de déterminer si le contrat didactique est équitable ou simplement légal (ou aucun des deux). Il s’agit simplement de déterminer ici si les traitements de réponses de deux apprenants contrastés relèvent du légal, tel que définit auparavant, ou de l’équitable.

2. MÉTHODOLOGIE :

Pour établir ce constat, nous nous proposons de faire une analyse en deux temps constituée tout d’abord d’une observation vidéo et d’une transcription du moment de discussion analysé (1) puis d’une auto confrontation des acteurs à ces deux traces de leur activité (2).

Dans un premier temps, à partir de notre transcription et de la vidéo d’un extrait de séance, nous réalisons une classification a priori des différents actes de langage. Cette classification est élaborée à partir de celle d’Austin (1970) complétée par celle de Searle (1972) et incorporées dans la théorie de l’action conceptualisée par Habermas (1981). La théorie de Habermas consiste à redéfinir la raison non plus sous sa simple fonction rationaliste mais également sous une forme communicationnelle, c'est-à-dire dans l’engagement des participants à trouver de manière conjointe la meilleure manière de résoudre un problème commun. Nous présentons ci-dessous le tableau de classification avec les catégories énoncées ci-dessus (Tableau 1).

Ce tableau d’après Habermas (1987, p. 387), présente différentes formes d’agir. Pour donner un exemple, l’agir stratégique forme la catégorie rationaliste, les actes de langage qui lui sont caractéristiques sont des perlocutions (d’Austin), dont la fonction consiste à influencer le partenaire. L’orientation d’action vise par conséquent le succès de l’acte prononcé (en faisant admettre au partenaire par une stratégie quelconque la locution énoncée), l’attitude de fond est objectiviste et la prétention à la validité n’a pour objet que la réussite de l’acte posé. Le rapport au monde est objectif car le locuteur cherche à faire produire (par la séduction par exemple) chez l’allocutaire un acte en lien avec la parole produite, ce que Searle classe sous la forme impérative. Chaque acte de parole de

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la situation analysée trouve ainsi une place au sein de cette classification. À la suite de cette première classification, des hypothèses surgissent, alors enrichies par une seconde classification, catégorielle en lien avec les présuppositions contrefactuelles. Ces hypothèses devront être confirmées ou infirmées lors d’entretiens d’auto-confrontation avec l’ensemble des participants la discussion (en groupe pour les apprenants et en individuel pour l’enseignante), selon une méthode clinique critique à la manière de Piaget.

Caractères de pragmatique formelle Type d’action Actes de parole caractéristiques Catégories d’Austin

Fonction de la parole Orientation d’action Attitude de fond Prétentions à la validité Rapport au monde Catégories de Searle

Agir stratégique Perlocutions Impératifs

Influence sur le partenaire.

Succès Objectiviste Efficacité Monde objectif

Impératifs

Conversation Constatatifs Présentation d’état de chose.

Inter-compréhension

Objectivante Vérité Monde objectif

Constatifs

Agir régulé par des normes Régulatifs Instauration de relations interpersonnelles Inter-compréhension Conforme aux normes Justesse Monde social Régulatifs Commutatifs Opératifs Agir dramaturgique

Expressifs Auto représentation Inter-compréhension

Expressive Véridicité Monde subjectif

Expressifs Déclaratifs Réparateurs

Tableau 1 : Classification

Dans un second temps, notre analyse post-entretiens est affinée et ajustée par la prise en compte des interprétations des participants. Nous débutons par une analyse transversale par items et par groupe d’apprenants (d’abord du côté apprenants, puis du côté enseignant puis en croisant des deux), puis proposons une analyse détaillée des réponses des acteurs.

3. RÉSULTATS ET ANALYSES

Nous avons donc choisi de présenter deux apprenants contrastés : Quentin et William. Quentin fait parti des apprenants qui ont réalisé un autre calcul et William de son côté doit faire face au dilemme de l’arrondi avec une décimale déterminante de valeur [5].

3.1 Analyse ante entretiens.

Le cas de Quentin. L’enseignante interroge l’apprenant qui ne lui répond pas. L’enseignante reformule alors sa question afin d’inciter Quentin à répondre. La réponse de Quentin qui fait suite à

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l’incitation de l’enseignante, va être suivie d’un brouhaha dans la classe et l’enseignante va à la suite de ce brouhaha interroger une autre apprenante. Extrait des données de transcription :

Formatrice : Quentin ? Quentin : …………

F : Le rayon alors 90/4*∏, ça fait combien ? Quentin : Euh, j’ai trouvé 281,

Autre élève : Hum…

F : Alors, chacun son tour, Marie, combien ?

Selon l’analyse établie avant les entretiens, nous pouvons dire synthétiquement (voir en annexes I pour le détail) que suite à l’interrogation de l’enseignante, Quentin hésite à donner sa réponse qu’il semble auto réfuter en fonction de la nonjustesse normative de son résultat, qu’il met en doute son résultat, référé à la règle mathématique. À son résultat, les apprenants émettent un brouhaha qui nous a semblé caractériser un désaccord, mettant aussi en doute le résultat énoncé. Enfin, l’enseignante interroge une autre apprenante.

Le cas de William. Extrait de transcription permettant l’analyse du cas de William : Formatrice : Chacun son tour, j’peux pas…

F : William.

William : 68, parce que c’est un 5 après le 8 (incompréhensibles). F : 70,68 ?

Grand brouhaha.

L’interrogation de William effectuée par l’enseignante relève de la recherche de la bonne réponse pour élaborer l’expression symbolique correcte. Est-ce que cette recherche ne passe pas ici par un mouvement stratégique ? En interrogeant William, à ce moment-là, n’y a-t-il pas, de la part de l’enseignante, une volonté d’en finir rapidement avec l’exercice ? William argumente sa réponse pour objecter par avance aux réfutations éventuelles. L’enseignante inscrit son résultat au tableau (alors que celui-ci comme l’argument ne sont pas valides). L’enseignante abandonne son statut pour demander en toute sincérité quel est le bon résultat. Son acte paraît donc viser la recherche conjointe de la bonne réponse. Enfin, la dernière locution, caractérisée par plusieurs, montre que tous ne défendent l’argument et/ou le résultat de William.

3.2 Analyse post-entretiens.

Le cas de Quentin. Du point de vue des apprenants. Quentin confirme que son absence de locution est une auto réfutation ou encore une hésitation à donner son résultat.

Sur le brouhaha qui a suivi son résultat, 6 personnes des 24 commentant ce passage interprètent son intervention (dont lui-même). Ce brouhaha est considéré par les 6 comme une indication d’un « mauvais résultat » ; ce qui confirme notre hypothèse.

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Par ailleurs, Quentin exprime qu’il est victime d’un processus d’exclusion puisque l’enseignante ne cherche pas à comprendre son erreur, mais passe directement à une autre apprenante :

Quentin : Ouais mais justement, continuez après. Diffusion du film

Quentin : Ben voilà, c’est tout le temps comme ça. Dès qu’on a faux, elle va pas chercher à faire comprendre, c’est les autres qui vont répondre, elle va prendre les réponses et puis basta !

Quentin est-il victime d’un processus d’exclusion ? Du point de vue de l’enseignante.

Elle confirme les propos de Quentin :

Enquêteurs : Mais ce que je me suis demandé, pourquoi Quentin ne continue pas son raisonnement ? Formatrice : Parce que je ne veux pas d'erreur pour la correction, j'ai suivi les formations de pédagogie il y a longtemps, et on nous disait qu'il ne fallait pas que les élèves visualisent les erreurs.

E : Oui tu m'avais déjà parlé de ça. F : Alors je me dis il faut la réponse juste.

E : Mais ça, tu penses que tu peux la trouver à chaque fois la réponse juste ? F : Normalement oui.

E : Mais du coup, tu ne t'intéresses pas à Quentin ?

F : De toute façon, je fais une correction pour l'ensemble de la classe, et pas pour un élève en particulier. Ici, l’enseignante confirme et justifie l’exclusion de Quentin. Le passage à une autre apprenante peut être considéré comme un « effet de zapping » des locutions de Quentin. L’interrogationd’une autre apprenante n’est donc pas en lien avec un usage régulatif du langage, mais un usage stratégique qui tend l’évitement de la réponse de Quentin.

Enquêteurs : alors Quentin il trouve 281, et tout de suite après tu interroges Marie.

F : Oui parce que je suis perdue, je cherche la réponse juste, et puis je vois bien que Quentin il a faux, là j'ai plus confiance en Marie que dans Quentin, alors j'interroge Marie.

Le cas de William. Du point de vue des apprenants.

Pour 19 personnes qui ont commenté ce passage, l’interrogation est liée à son statut : pour 5 d’entre eux, « c’est la tête de la classe » ; pour 6, « c’est parce qu’il calcule vite » ; et selon 3, c’est « pour avoir la bonne réponse ». Par conséquent, 14 apprenants sur les 19 indiquent que c’est lié à son statut, confirmant l’hypothèse selon laquelle l’enseignante interroge William dans le but stratégique d’obtenir la bonne réponse ; ce que déclare l’apprenante Marie à William en entretien :

Marie : Non mais là vu le sourire qu’elle a Nadine [prénom de l’enseignante] elle t’a pas interrogé parce que tu parlais. Elle voulait savoir la réponse, c’est tout.

Du point de vue de l’enseignante :

Cette dernière se dit en entretien, démunie par la situation (son propre corrigé était faux). Selon elle, William est « le meilleur de la classe », « il a toujours 20 pratiquement ». En outre, elle précise : « je sais qu’il va me donner la bonne réponse ».

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4. CONCLUSIONS

Nous assistons dans ce dernier cas à un effet de valorisation. L’argument selon lequel il ne faut pas que les élèves visualisent des erreurs tombe, puisque l’enseignante a inscrit le résultat erroné de William au tableau.

Aussi si on peut dire que le fait que le maître interroge les élèves est une coutume, que les élèves dans cette situation de classe approuvent (aucun n’a remis en cause le statut de l’enseignante), notre questionnement de départ concernant la légalité apparaît respecté.

En revanche, le traitement des réponses de la part de l’enseignante comporte des différences, dans le cas de William il y a valorisation, y compris d’une réponse erronée (contraire à l’objectif affiché : la recherche de la bonne réponse), tandis que dans le cas de Quentin il y a exclusion de ses locutions de l’espace de parole. Nous voyons donc apparaître des iniquités dans le traitement des réponses lié à des statuts différents d’apprenants. Ces iniquités qui se jouent dans la classe, se répercuteront dans l’élaboration du contrat didactique lui-même, puisque certains auront l’avantage de la parole tandis que d’autres en seront évincés, comme cet exemple tend à le montrer.

BIBLIOGRAPHIE

ARISTOTE (XXX [1997]). Éthique à Nicomaque. Livre V. Traduit du grec par J. Tricot. Saint-Amand-Montrond : Vrin.

AUSTIN, J. L. (1962-1991). Quand dire c’est faire. Traduction de Xavier Molénat. Paris : Seuil. BEYE, A. (2004). Droit coutumier et développement. Hémisphères, 25.

BROUSSEAU, G. (1980). L’échec et le contrat. Recherches, 41.

BROUSSEAU, G., & PEREZ J., (1981). Le cas Gaël. Doc. ronéo. Université Bordeaux 1, IREM. CCI La Rochelle (2006). Les baux commerciaux, lettre d’information des commerçants de la CCI

de la circonscription de La Rochelle. Ecommerce n°3,

http://www.larochelle.cci.fr/solutions/commerce/ecommerce/bauxcom.pdf

COLIN, J.-P. & CHAUVEAU J.-P. (1999). Guide de production des données de terrain, document méthodologique pour la recherche. IRD/GRET/IIED.

FABRE, M. (1999). Jean-Jacques Rousseau : une fiction théorique éducative, Paris, Hachette. HABER, S. (2001). Jürgen Habermas, une introduction. Paris : Pocket, La Découverte. HABERMAS. J. (1968 [1973]). Connaissance et intérêt. Paris : Gallimard.

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HABERMAS, J. (1987 [2001]). Théorie de l’agir communicationnel, tomes 1 & 2, traduit de l’allemand par J-M. Ferry, Millau ; Paris : Fayard.

MINASSIAN, L. (2008). Brousseau & Habermas ou le contrat didactique & l’agir communicationnel : analyse des interactions. Le cas d’une classe de mathématique.Mémoire de Master de recherche en sciences de l’éducation, Université de Nantes.

ORANGE, C. (2003). Débat scientifique dans la classe, problématisation et argumentation : le cas d’un débat sur la nutrition au cours moyen. ASTER, 37, 83-107.

PERRENOUD, P. (1994). Métier d'élève et sens du travail scolaire. Paris : ESF.

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ANNEXES

1. Détails de l’analyse ante entretiens. 1.1. Analyse du cas de Quentin (tableau 2) :

Tableau 2 : Tableau d’analyse par classification a priori des différents actes de langage de la situation

(Légende : Sc : Social, Rég : Régulatif, Ill : Illocutoire, Int : Instauration de relations interpersonnelles, Inter : Intercompréhension, Conf : Conforme aux normes, Ju : Justesse normative, Op : Opératif, Com : Commutatifs).

Commentaires : selon l’analyse établie avant les entretiens, la première locution de l’enseignante était un acte régulatif parce qu’il renvoie à l’institutionnalisation de l’interrogation d’un apprenant, estimée comme légale. Le monde convoqué est donc un monde social qui se réfère à des normes (« c’est le maître qui interroge ») et le critère de validité est celui de la justesse normative. L’attitude de fond du locuteur est conforme aux normes, la fonction de la parole recherche l’instauration de relations interpersonnelles au travers des normes, l’orientation d’action vise l’intercompréhension ce qui nous fait classer l’acte posé comme illocutoire.

Quentin hésite à donner sa réponse qu’il semble auto réfuter en fonction de la justesse normative de son résultat. Nous émettons cette hypothèse parce que Quentin n’a pas mis en avant un monde subjectif ou ne réfute pas la locution de son partenaire ; simplement il ne répond pas. Selon nous ce non-acte est donc opératif parce qu’il met en avant la règle mathématique et mettant en doute son résultat, ce qui nous amène à classer sa locution dans la catégorie illocutoire.

La troisième locution est une reformulation de la question par l’enseignante, son acte nous semble régulatif parce qu’il incite l’apprenant à donner sa réponse, c’est une nouvelle interrogation telle que nous l’avons décrite pour la première locution.

La quatrième locution est la réponse de l’apprenant à son enseignante : c’est le moment où il donne son résultat. Il confirme ce faisant le statut de l’enseignante, ce qui tend à étayer notre hypothèse sur

14/F : Quentin ? Sc. Rég. Ill. Int. Inter. Conf. Ju. Usage régulatif en accord avec le statut de l’enseignant, qui permet l’interrogation d’un nouvel élève.

15/Quentin : Sc. Op. Ill. Int. Inter. Conf. Ju. Abstention de réaction. Pas ne propose pas une expérience vécue, son abstention nous semble donc rester dans le champ opératif et social régulé par les normes.

16/F : Le rayon alors 90/4*∏, ça fait combien ?

Sc. Rég. Ill. Int. Inter. Conf. Ju. Utilisation de l’acte régulatif conformément au statut d’enseignant.

17/Quentin : Euh, j’ai trouvé 281,

Sc. Op. Ill. Int. Inter. Conf. Ju. Usage de l’acte opératif pour la construction de l’expression symbolique.

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son hésitation, sa non-réponse ne nous semble donc pas être une remise en cause du statut de l’enseignante. Son acte reste donc opératif puisque Quentin donne son résultat, il est donc en conformité avec l’élaboration commune de l’expression symbolique correcte pour la réalisation de l’exercice. Nous classons donc sa locution de la même manière que précédemment.

À son résultat, les apprenants émettent un brouhaha qui nous a semblé caractéristique d’un désaccord. Le résultat de Quentin est donc mis en doute sous le critère de la justesse normative en lien avec l’élaboration d’une expression symbolique correcte ; l’acte a été classé sous la catégorie des actes commutatifs qui rassemblent entre autre les objections ce qui nous amène à poser l’acte comme illocutoire.

Enfin, l’enseignante interroge une autre apprenante, nous pensons qu’il s’agit alors d’un acte régulatif qui l’amène à changer de partenaire, ce changement indique également un nouveau tour de parole ce qui nous amène à classer cette locution sous la catégorie des actes illocutoires.

1.2. Analyse du cas de William (tableau 3)

Tableau 3 : Tableau d’analyse par classification a priori des différents actes de langage de la situation

(Légende : Sc : Social, Rég : Régulatif, Ill : Illocutoire, Int : Instauration de relations interpersonnelles, Inter : Intercompréhension, Conf : Conforme aux normes, Ju : Justesse normative, Op : Opératif, Com : Commutatifs).

Commentaires : l’interrogation de William fait suite à un grand brouhaha et ne semble plus être liée au statut de l’enseignante, mais davantage avec la recherche de la bonne réponse pour élaborer l’expression symbolique correcte, c’est pourquoi nous avons classé cette locution comme acte opératif, ce qui nous amène à classer sa locution dans la catégorie illocutoire.

39/F : Chacun son tour, j’peux pas…

Sc. Op. Ill. Int. Inter. Conf. Ju. Reprise des questions liées au rôle de l’enseignant.

40/F : William. Obj Imp. Perl In. Su. Obji. Ef. Action stratégique en vue de sortir de la discussion et passer à la question suivante.

41/Will. : 68, parce que c’est un 5 après le 8

(incompréhensibles).

Sc. Op. Ill. Int. Inter. Conf. Ju. Réfutation des réponses 70,69 et 70,80. Première argumentation (argument 1).

42/F : 70,68 ? Sc. Com. Ill. Int. Inter. Conf. Ju. Pour une seconde fois, l’acte commutatif est une question qui n’est plus liée au statut de l’enseignant, mais à la recherche conjointe de la réponse.

43/Grand brouhaha Sc. Com. Ill. Int. Inter. Conf. Ju. Réfutation et/ou accord avec l’acte de Vin.

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En revanche l’interrogation de William à ce moment nous interpelle : est-ce que la recherche de la bonne expression ne passe pas ici par un mouvement stratégique ? En interrogeant William à ce moment-là, n’y a-t-il pas, de la part de l’enseignante, une volonté d’en finir rapidement avec l’exercice ? Aussi nous avons classé cet acte sous la catégorie stratégique dont l’orientation d’action vise le succès de l’action et son critère de validité repose sur l’efficacité (obtenir la bonne réponse pour terminer l’exercice). L’attitude de fond est objectiviste, le rapport au monde est objectif (puisqu’il vise à faire produire à l’apprenant la bonne réponse pour passer l’exercice) ce qui nous amène à classer cette locution en acte perlocutoire.

William va donner un premier argument que nous avons classé comme acte commutatif car il semble ainsi objecter par avance aux réfutations possibles : on met 70,68 parce qu’après le 8 il y a un 5 (William évoque la décimale déterminante) et selon lui la décimale [5] engage à conserver le résultat (ce qui en toute rigueur n’est pas valide sous le critère de la justesse normative, en fait à [5], on doit arrondir la seconde décimale au chiffre supérieur, le résultat le plus juste serait ainsi 70,69). Sa locution fait appel au critère de validité de la justesse normative en lien avec les règles mathématiques, ce qui nous amène à poser l’acte comme illocutoire.

Dans le quatrième acte de langage l’enseignante inscrit le résultat de William au tableau tout en demandant l’assentiment du groupe classe (alors que le résultat de William comme son argument ne sont pas valides). L’acte semble opératif, l’enseignante abandonnant là encore son statut pour demander en toute sincérité quel est le bon résultat. Son acte paraît donc viser la recherche conjointe de la bonne réponse, et nous l’avons classé comme opératif dont la fonction est l’instauration de relations interpersonnelles en vue d’élaborer l’expression symbolique correcte, le critère de validité d’un tel acte est la justesse normative en lien avec les normes mathématiques, l’attitude de fond semble portée vers l’intercompréhension, le monde convoqué, aux vues de nos hypothèses, serait sociale, et l’acte posé semble être illocutoire.

Enfin, la dernière locution, caractérisée par plusieurs, certains défendant l’argument de William, d’autres s’y opposant, est classée sous la catégorie des actes commutatifs car ils portent en eux des objections, le critère de validité est la justesse normative en lien avec les règles mathématiques, cet acte réfère, selon cette hypothèse à un monde social interprétant alors la règle au regard de la consigne de l’exercice, l’attitude de fond des locuteurs est conforme aux normes, la fonction de la parole vise l’instauration de relations interpersonnelles et l’orientation d’action concerne l’intercompréhension, ce qui nous amène à poser cet acte comme illocutoire.

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2. Exemple de tableau transversal :

Ce tableau concerne l’interrogation de William par l’enseignante, du point de vue des élèves.

Item 19. Pourquoi William est-il interrogé ? Groupe 1 : Jé Gué, Da, Fl N’ont pas répondu (236).

Groupe 2 : Qu, Lé, An An : Calcule vite, ou parlait à ce moment là et « Mir interroge toujours ceux qui

parlent », ou levait la main

Qu et Lé ne répondent pas. (116-122).

Groupe 3 : Ba, Dav, Any Ba, Dav, Any : Il calcule vite (77-83).

Groupe 4 : Ke, Jé G, Mi-L Ke : « C’est une grosse tête ». (82-94).

« Il a tout le temps bon (…), c’est peut-être pour ça qu’elle l’interroge » Acquiescement de Mi et Jé.

Groupe 5 : Al, Cl, Del Al : « C’est la tête de la classe » Cl et Del : il calcule vite. (94-103).

Groupe 6 : Lu, Ali, Pas Pas et Al : Il a dû parler plus fort que les autres (91-104).

Groupe 7 : Ma, Vin, Jé Ma, Vin : Pour avoir la bonne réponse (189-197). Jé ne répond pas.

Ma : « Vu le sourire qu’elle a Mir elle t’a pas interrogé parce que tu parlais. Elle voulait la réponse c’est tout ».

Vin : « Ben, j’étais à côté de Da donc parler euh non. C’qu’est logique ».

Groupe 8 : Va, Mi, Pi Mi, Pi : « C’est une tête », Mi : ou peut-être qu’il a levé la main. Va ne répond pas. (280-300).

Figure

Tableau 1 : Classification
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