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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Énergie nucléaire : fission ou fusion ?

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Academic year: 2021

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ÉNERGIE NUCLÉAIRE : FISSION OU FUSION ?

Octav ENEA

Université de Poitiers

MOTS-CLÉS : ÉNERGIE - PLASMAS - FISSION - FUSION

RÉSUMÉ : La culture scientifique est indispensable pour prendre les bonnes décisions concernant

le type d’énergie dont nous avons besoin à l’avenir. Car pour ce qui concerne l’énergie nucléaire, il ne faut pas confondre la fusion thermonucléaire contrôlée, source inépuisable d’énergie, qui présente une grande sécurité d’exploitation intrinsèque à long terme, avec la fission nucléaire utilisée actuellement malgré les risques d’incidents et l’énorme quantité de déchets radioactifs qu’il faut traiter ou stocker à long terme.

ABSTRACT : Scientific culture is essential to be able to take the right decisions concerning the

kind of energy we need in the future. Concerning nuclear energy we should make a clear distinction between thermal fusion, which is an inexhaustible source of energy, having a great, long term, security of exploitation, and nuclear fission we are using today despite its high incident risk and the enormous amount of radioactive wastes which must be treated or stocked in the long term.

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1. INTRODUCTION

L’amenuisement progressif des combustibles fossiles, le prix de plus en plus élevé du pétrole et l’insuffisance des énergies renouvelables oblige à réfléchir au type d’énergie sur lequel on peut compter à l’avenir, d’autant plus qu’en 2050 la population de la Terre peut dépasser les huit milliards. Du point de vue technique, l’énergie qui peut être obtenue par la fusion de seulement 300 g d’hydrogène est équivalent à celle qui résulte en brûlant 4000 tonnes de charbon ou 2500 barils de pétrole, de l’exploitation quotidienne de 4600 éoliennes, de l’exposition de 100 Km2 de panneaux solaires par jour, ou de la fission de 1 Kg d’uranium enrichi. Il serait donc intéressant de maîtriser la fusion thermonucléaire afin d’assurer les besoins énergétiques pour le long terme. Cela demande une meilleure connaissance des plasmas et implique des efforts de recherche afin de trouver des solutions techniques aux problèmes posés par la production de l’énergie tirée de la fusion thermonucléaire.

2. L’ÉNERGIE DE FISSION NUCLÉAIRE

Les 58 réacteurs à eau pressurisée (REP) du parc nucléaire français produisent 78 % de l’électricité à un prix (3 centimes d’euro le kWh) inférieur même à celui (3 à 4 centimes d’euro le kWh) obtenu en brûlant le gaz. La France est aujourd’hui largement exportatrice, alors qu’il y a 30 ans elle devait importer 80 % de son énergie électrique. Mais, à partir de 2040, ces 58 REP doivent être arrêtés et leur « déconstruction » (terme que l’EDF préfère à celui de « démantèlement ») prendra plusieurs décennies. Car, comme dans le cas des 9 centrales arrêtées de 1985 à 1994, il faut attendre plus d’une dizaine d’années pour que la radioactivité du Co60 baisse avant de commencer leur déconstruction prévue pour …2025 ! Par ailleurs, sur les 1200 tonnes de déchets radioactifs produits par an, seules 850 sont retraitées, ce qui va conduire à l’accumulation d’une grande quantité de déchets qu’il faut stocker indéfiniment. Aux risques inhérents à l’exploitation des centrales nucléaires en marche, s’ajoute donc celui des déchets radioactifs, un risque environnemental qui peut devenir grave en situation de guerre ou de terrorisme. Dans tous les cas, ce type d’énergie ne peut pas être envisagée pour le long terme car les réserves d’uranium seront finies en moins de 100 ans.

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3. LES PLASMAS

Le plasma est souvent désigné comme le quatrième état de la matière et cela à juste titre car un solide soumis à une source de chaleur commence par se liquéfier, puis passe à l’état gazeux et devient finalement un plasma. L’apport d’énergie cinétique aux matières gazeuses conduit dans un premier temps à la dissociation des molécules neutres, avant de provoquer une ionisation des atomes et des molécules. Ce processus aboutit à la formation d’un mélange de molécules neutres, d’atomes, d’électrons et des ions chargés positivement et négativement. Ce matériau hétéroclite appelé plasma forme la plus grande partie de l’Univers alors qu’il n’apparaît sur Terre que dans des rares états naturels (éclairs ou aurores polaires).

Chaque seconde 600 millions de tonnes d’hydrogène sont transformées en hélium par le Soleil, mais seulement un demi pour cent de cette masse est converti en énergie de rayonnement et diffusé dans l’espace. À la surface de la Terre arrive moins d’un milliardième de cette énergie (entre 100 watts/m2 en Europe et 1000 watts/m2 à l’équateur) qui est néanmoins vitale.

La combustion de 1000 tonnes de matériau de fusion permettrait de couvrir les besoins annuels en énergie de toute l’humanité, à condition de maîtriser la fusion thermonucléaire. Pour le moment ce n’est pas encore le cas, mais les plasmas ont déjà de nombreuses applications industrielles. Ces différentes applications peuvent être décrites au moyen de deux grandeurs – la température et le nombre des porteurs de charges positives et négatives par unités de volume dans le plasma - qui peuvent varier de plusieurs puissances de dix. La décharge lumineuse sous pression atmosphérique réduite, appelée aussi effluve électrique, qui a lieu lorsque la tension électrique entre deux électrodes est suffisamment élevée, constitue la méthode de production la plus simple de plasma, utilisée dans les enseignes lumineuses, tubes à néon, etc. Le rayonnement de ces lampes provient des deux lignes de résonance du mercure situées dans la partie UV du spectre, qui sont excités dans le plasma de néon. Des substances photoluminescentes, utilisées en tant que transformateurs de lumière, absorbent les photons ultraviolets et les métamorphosent en rayonnement visible.

Le traitement des surfaces est un autre domaine d’application des plasmas, dans l’industrie automobile, aéronautique, textile ou de l’emballage. Il s’agit de modifier de manière ciblée la composition et la structure de chaînes moléculaires à la surface des matériaux en interaction avec des plasmas, possibilité largement utilisée pour changer la texture superficielle des polymères et des textiles. À l’aide des plasmas, il devient possible d’enrichir la couche marginale du silicium ou du fluor et de conférer un comportement hydrophobe à des fibres textiles, ce qui permet d’assurer aux vêtements une protection efficace contre la pluie et l’humidité. Dans l’industrie automobile les réservoirs d’essence en matières synthétiques sont dotés de protection déposée par plasma afin de réduire, voire supprimer, la perméabilité aux vapeurs d’essence. D’autre part, les surfaces des

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pare-chocs en matières plastiques sont traitées afin de pouvoir les colorer. L’implantation par plasma est une autre application importante permettant de créer des produits de haute technologie ou des articles de consommation courante. La précipitation des couches fines mais très dures de diamant sur des outils tels que les mèches des perceuses permettent d’accroître considérablement leur durée de vie et offre l’avantage de pouvoir travailler à sec sans injection d’eau de refroidissement. L’industrie de l’emballage recourt également aux plasmas pour améliorer les matériaux : on recouvre à l’aide des plasmas les feuilles de plastique d’une couche ultra fine de quartz afin de réduire leur perméabilité aux gaz. La fabrication des compact disques, la production de matériaux de base pour les cellules photovoltaïques à couche mince ou pour les écrans plats sont d’autres exemples de réalisations rendues possibles par le recours aux plasmas. Les applications industrielles des plasmas sont nombreuses, variées et l’avènement de la simulation numérique ainsi que le développement des méthodes de diagnostic des plasmas, permettent d’espérer des progrès techniques importants de ce secteur.

4. FUSION THERMONUCLÉAIRE

Deux noyaux atomiques à charge positive se repoussent. Il faut donc leur donner une énergie suffisante pour vaincre cette répulsion et leur permettre de fusionner, tout en récupérant une quantité d’énergie utile. Les scientifiques disposent de deux méthodes pour y arriver : le confinement inertiel et le confinement magnétique. Dans le premier cas, les réactions se déroulent pendant le bref laps de temps (quelques milliardièmes de seconde), au cours duquel un granule de combustible d’un dixième de millimètre de diamètre, irradié de façon homogène par de puissants faisceaux de lasers ou d’ions ou d’électrons, est fortement comprimé et chauffé. Il s’agit en fait d’une explosion contrôlée qui se produit pendant la fraction de seconde durant laquelle la matière est confinée par sa propre inertie avant que le plasma ne se dilate en emportant l’énergie de fusion, et que les réactions de fusion ne s’arrêtent. Les expériences en confinement inertiel ont été effectuées pour calibrer les codes des bombes à hydrogène mais cette technique semble ne pas convenir au fonctionnement d’un réacteur qui exigerait des rendements et des fréquences d’explosions (10 par seconde) beaucoup plus élevés. La recherche en confinement inertiel reste essentiellement du domaine militaire et l’essentiel de la recherche internationale en matière de fusion porte sur le confinement magnétique, qui n’est pas susceptible de déboucher sur des applications militaires. De multiples configurations : annulaires (stellarator), annulaires à courant axial (tokamak), etc. ont été essayées, car le plasma avec un seul champ magnétique torique est instable. Il faut lui adjoindre un autre champ, dit poloïdal qui, dans le cas du tokamak, est engendré

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par un courant torique qui parcourt le plasma. Il en résulte un champ hélicoïdal avec des lignes qui tapissent l’anneau du plasma comme des hélices, ce qui lui confère la stabilité recherchée. Des aimants supraconducteurs de grande taille (> 8700 tonnes) doivent générer des champs magnétiques de grande intensité, pouvant atteindre jusqu’à 12 Teslas et nécessitant des câbles supraconducteurs capables de véhiculer un courant de l’ordre de 100 000 Ampères. Le réacteur dans lequel a lieu la fusion et le confinement magnétique doit être réalisé avec des matériaux capables de subir de très hautes températures et les effets d’un intense bombardement neutronique sans produire des déchets radioactifs nécessitant de longues durées de stockage.

Le mélange combustible Deutérium-Tritium est injecté dans la chambre du réacteur où a lieu la réaction de fusion : D + T à He + n + 17,6 MeV produisant des cendres (les atomes d’hélium) et de l’énergie sous forme de particules rapides et de rayonnement. Les neutrons (n) qui emportent 80 % de l’énergie produite, sont absorbés par une couverture épaisse d’environ un mètre entourant le cœur du réacteur et contenant du lithium (Li) qui se transforme en tritium et hélium. Le lithium naturel (92,5 % de 7Li et 7,5 % de 6Li) est un élément abondant dans la croûte terrestre (30 ppm). Suite au ralentissement des neutrons de fusion (14 MeV), la couverture épaisse de lithium s’échauffe : elle doit être refroidie par un fluide caloporteur qui transfère la chaleur hors de la zone du réacteur afin de produire de la vapeur et finalement de l’électricité par des procédés conventionnels.

La fusion thermonucléaire est donc une source d’énergie prometteuse pour l’avenir car elle est avantageuse :

- les combustibles de base (D, Li) sont non radioactifs et abondants ; - la combustion ne peut pas s’emballer, car en stoppant l’injection de combustible frais la quantité de matière fusible présente dans le réacteur ne permet qu’un fonctionnement de quelques dizaines de secondes ; - les problèmes de déchets radioactifs sont limités car les cendres (atomes d’hélium) ne sont pas radioactives.

Néanmoins, plusieurs défis technologiques demeurent : - la mise au point de matériaux pour le réacteur ; - la construction des aimants supraconducteurs capables d’assurer le confinement magnétique du plasma ; la conception d’un système efficace d’extraction des cendres (diverteur) sans lequel la réaction de fusion s’arrête à cause de la dilution du combustible et des pertes thermiques. Mais des progrès importants ont été obtenus grâce à une coopération à l’échelle mondiale et les performances obtenues dans les installations expérimentales (tokamaks) approchent les conditions d’auto-entretien des réactions de fusion, un processus indispensable pour la production d’énergie à l’échelle industrielle. Le coût des centrales à fusion sera certainement plus élevé que celui des centrales nucléaires à fission mais le coût du combustible représente moins de 1 % du coût total du KWh car la consommation quotidienne en Deutérium (à 4000 $/Kg) n’est que de 500g/jour dans un réacteur de 1000 MWe.

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5. CONCLUSIONS

La comparaison de ces deux filières du nucléaire – la fission et la fusion – montre clairement les différences essentielles en matière de sécurité d’exploitation, de toxicité des déchets radioactifs et d’utilisation à moyen et long terme. Aujourd’hui, la recherche sur la fusion est entrée dans une phase où la production expérimentale de puissances de fusion de l’ordre du gigaWatt est un objectif réalisable. Pour progresser dans la recherche et le développement que nécessitent des réacteurs commerciaux, il est important de faire l’effort financier indispensable afin d’aboutir pendant ce 21e siècle, à contrôler la fusion thermonucléaire et à l’utiliser comme principale source d’énergie pour l’humanité.

Il est donc grand temps que les plasmas, ce quatrième état de la matière si abondant dans l’univers et dont les utilisations industrielles sur Terre sont si nombreuses, entrent dans la culture scientifique et technique des élèves, des étudiants et du grand public, qui doivent être informés aussi des efforts entrepris pour maîtriser l’énergie de la fusion thermonucléaire.

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