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Les motivations des développeurs dans l’Open Source. Une revue de la littérature

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Les motivations des d´eveloppeurs dans l’Open

Source

Une revue de la litt´erature

Jean-Jacques Gauguier ∗ 25 novembre 2005

R´esum´e

Ces derni`eres ann´ees, l’Open Source a suscit´e un vif int´erˆet scienti-fique. Aussi bien empiriques que th´eoriques, de nombreux articles ont ouvert plusieurs voies de recherche. Ces travaux couvrent un champ th´eorique important en utilisant aussi bien l’´economie des r´eseaux et des standards, la th´eorie des incitations et des organisations, l’´economie de la propri´et´e intellectuelle ou encore l’´economie publique.

R´ecemment, une controverse s’est d´evelopp´ee entre ´economistes autour des motivations des participants `a l’Open Source. Alors que certains travaux mettent l’accent sur les motivations intrins`eques, d’autres in-sistent sur la pr´epond´erance des motivations extrins`eques dans l’Open Source.

Cet article revient sur cette opposition grˆace `a une revue exhaustive de la litt´erature sur ce th`eme. Apr`es une premi`ere partie o`u l’on re-trace la g´en`ese et les principales caract´eristiques de l’Open Source, on distingue les motivations intrins`eques des motivations extrins`eques. H´erit´ee de la psychologie cognitive, cette distinction est souvent utilis´ee pour analyser le niveau d’implication des individus dans l’Open Source. La troisi`eme partie met en lumi`ere les divergences entre ´economistes sur les facteurs guidant la participation et les motivations des individus dans l’Open Source. La derni`ere partie r´esume les r´esultats empiriques men´es sur cette th´ematique.

Keywords : Open Source Software, Motivation intrins`eque, Motivation ex-trins`eques, Communaut´e.

France Telecom R&D, Tech-Laboratoire d’Economie de l’Innovation, Email: jean-jacques.gauguier@rd.francetelecom.com

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Table des mati`

eres

1 Introduction 3

2 G´en`ese et principales caract´eristiques de l’Open Source 4 3 Motivation intrins`eque et extrins`eque : principes de base et

exemples 10

4 Les motivations des participants `a l’Open Source 14 4.1 Les motivations extrins`eques des d´eveloppeurs . . . 14 4.2 Les motivations intrins`eques des d´eveloppeurs . . . 15

5 Quels r´esultats empiriques ? 16

5.1 L’analyse de la participation des d´eveloppeurs . . . 17 5.1.1 Les caract´eristiques socio-´economiques des participants 17 5.1.2 Le degr´e d’implication des participants . . . 18 5.2 Les motivations des individus . . . 21

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Introduction

Ph´enom`ene polymorphe, difficile `a rendre compte, les travaux portant sur l’Open Source se focalisent g´en´eralement sur un point bien pr´ecis. A ce jour, on peut distinguer trois axes de recherche dans la litt´erature portant sur l’Open Source. Le premier axe, qui rassemble le plus de travaux, porte sur les motivations des d´eveloppeurs. Mˆelant des contributions th´eoriques et empiriques, ces travaux visent `a comprendre pourquoi les d´eveloppeurs participent de mani`ere b´en´evole `a l’Open Source. Le deuxi`eme axe, forte-ment li´e au premier, examine la structuration et l’organisation des projets Open Source. Enfin le troisi`eme axe, en plein d´eveloppement actuellement, mod´elise les dynamiques concurrentielles entre l’Open Source et les projets propri´etaires (typiquement Linux vs. Windows) o`u l’Open Source s’appa-rente `a une strat´egie de diff´erenciation.

Cet article se focalise sur les travaux du premier axe. A l’heure o`u l’Open Source s’industrialise, la compr´ehension des motivations des d´eveloppeurs est primordiale. Pour les entreprises d´esirant f´ed´erer une communaut´e libre autour de projets, la compr´ehension des motivations des d´eveloppeurs est essentielle.

D’un point de vue scientifique, la compr´ehension des motivations des d´eveloppeurs est ´egalement importante. Si la participation d’un d´eveloppeur `

a un projet Open Source sert `a se signaler sur le march´e de l’emploi, l’Open Source redevient un objet d’´etude finalement banal pour l’´economie. Par exemple, dans l’hypoth`ese o`u les motivations des contributeurs sont essen-tiellement carri´eristes, la mise au point de m´ecanismes incitatifs perd de sa complexit´e. Autrement dit, si les ressorts guidant la participation des in-dividus sont similaires aux fondements du march´e du travail traditionnel, le d´eveloppement de l’Open Source n’est plus une anomalie vis `a vis de l’´economie.

Cet article est structur´e de la sorte. Dans une premi`ere partie, nous exposons la g´en`ese et les caract´eristiques centrales de l’Open Source. Par la suite, nous discutons la pertinence de la distinction entre motivations intrins`eques et extrins`eques pour analyser le niveau d’implication des in-dividus dans l’Open Source. La troisi`eme partie r´esume l’apport des tra-vaux ´economiques et les diff´erentes explications fournies par les ´economistes pour justifier la participation et le motivations des individus impliqu´es dans l’Open Source. La derni`ere partie expose les r´esultats empiriques men´es sur

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cette th´ematique.

2

en`

ese et principales caract´

eristiques de l’Open

Source

La naissance du logiciel libre

Bas´e sur le principe de la libre circulation du code source entre la com-munaut´e de d´eveloppeurs, le logiciel libre est aujourd’hui en plein essor. Historiquement, le logiciel libre nait dans les ann´ees 70. En effet, `a cette ´epoque, deux ´ev´enements vont pr´ecipiter une scission au sein de la commu-naut´e des d´eveloppeurs.

Premi`erement, les actions antitrust dans l’industrie informatique abou-tissent `a la dissociation des activit´es de hardware et de software. Cr´eant de facto un march´e du logiciel, ces d´ecisions vont ouvrir de nouvelles perspec-tives commerciales pour le logiciel. Certains d´eveloppeurs donc chercher `a tirer profit de ces nouvelles opportunit´es en revendiquant la paternalit´e de logiciel.

Le second ph´enom`ene prend sa source au sein des universit´es am´ericaines. En effet, le d´eveloppement d’importants projets universitaires dans le do-maine de la programmation informatique et l’arriv´ee du premier r´eseau faci-litant d’´echange de donn´ees pr´efigurant Internet vont conduire `a une scission au sein de la communaut´e des chercheurs. L`a o`u une premi`ere branche d´efend une vision marchande du logiciel et milite pour la n´ecessaire r´etribution de tout travail de conception, d’autres d´efendent une vision communautaire et coop´erative de la connaissance dans laquelle le logiciel est assimil´e `a de la connaissance pure. Richard Stallman, fondateur de la FSF (Free Soft-ware Foundation) va incarner cette philosophie. Afin d’empˆecher toute ap-propriation individuelle d’un logiciel, cet informaticien cr´era plus tard la c´el`ebre licence GPL (General Public License) ou Copyleft (clin d’oeil au copyright). Aujourd’hui, Linux est sans contexte le projet embl´ematique de l’Open Source (mˆeme si la per¸c´ee de Firefox montre qu’il existe un r´eel po-tentiel pour les projets libres). D´evelopp´e au d´ebut des ann´ees 90 par Linus Torvald, Linux concurrence aujourd’hui les solutions propri´etaires de firmes comme Microsoft, ce logiciel de gestion de serveur ´equipe aujourd’hui entre 10 et 15 millions de machines1.

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A private provision of a public good.

Certains travaux th´eoriques mod´elisent l’Open Source comme la fourni-ture d’un bien public par des agents priv´es. En effet, diff´erents m´ecanismes apparentent ce mode de production `a la fourniture d’un bien public2. En tant que bien informationnel, la production d’une logiciel est caract´eris´e par un coˆut fixe important et un coˆut marginal nul 3. De mˆeme, la r´ev´elation du code-source, v´eritable colonne vert´ebrale de l’Open Source, assure la condition de non-rivalit´e en empˆechant toute appropriation individuelle du code-source. Enfin pour prot´eger ce statut de bien public, l’Open Source est structur´e par des r´egimes de propri´et´e intellectuelle sp´ecifiques4. Si, la multiplication des licences peut avoir un impact n´egatif sur la visibilit´e des projets, ces licences visent `a empˆecher toute appropriation individuelle du code-source (condition de non-excluabilit´e)5.

The free riding problem.

connu une forte croissance, passant d’une centaine d’utilisateurs `a environ demi-million d’utilisateurs en 1994.

2Pour ˆetre consid´er´e comme un bien public, un bien doit poss´eder deux caract´eristiques

qui sont la non excluabilit´e et la non rivalit´e.

3

Cette structure de coˆut apparaˆıt comme favorable `a la condition de non-rivalit´e puisque la reproduction d’un logiciel s’effectue `a un coˆut nul.

4

On consid`ere g´en´eralement que les droits de propri´et´e intellectuelle ont un impact in-certain sur la condition d’excluabilit´e. En effet, en l’absence de m´ecanismes incitatifs suffi-sants, la th´eorie standard sugg`ere que le niveau des activit´es de recherche et d´eveloppement va ˆetre inf´erieure au niveau souhaitable avec des cons´equences importantes sur la diffusion des connaissances au sein de la soci´et´e. Ainsi, la propri´et´e intellectuelle se justifie par le besoin de r´emun´erer les individus pour les d´epenses engag´ees en mati`ere de recherche et d´eveloppement. Dans les faits, il est cependant difficile de concilier les incitations `a innover et la diffusion des connaissances au sein de la soci´et´e puisque du fait de son monopole, l’innovateur contrˆole la diffusion du progr`es technique au sein de la soci´et´e. Pour les ins-titutions, il s’agit donc de concilier le meilleur des deux mondes en favorisant `a la fois `a la circulation des connaissances tout en fournissant les bonnes incitations en mati`ere de recherche et d´eveloppement.

5On d´enombre aujourd’hui pr`es de 30 licences plus ou moins restrictives Une licence

est jug´ee restrictive si les am´eliorations du logiciel ne peuvent faire l’objet d’une appro-priation individuelle. L’arch´etype de cette licence est la GPL (General Public Licence). Cette licence est virale puisque l’introduction de lignes de code GPL dans un programme informatique oblige les individus licencier le programme sous licence GPL. A l’inverse, d’autres licences comme LGPL ou BSD autorisent un individu `a valoriser commerciale-ment les am´eliorations apport´ees `a un logiciel sous licence LGPL (avec comme obligation de citer la licence originelle).

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Lorsqu’un produit est disponible gratuitement de nombreuses personnes peuvent ˆetre tent´ees d’utiliser le logiciel sans participer `a son d´eveloppement. Ainsi, le free-riding est souvent mentionn´e comme un obstacle `a la p´erennisation de l’Open Source. En effet, l’adoption de solutions libres par un nombre croissant d’individu pourrait `a terme d´ecourager les d´eveloppeurs `a s’inves-tir dans des projets. Potentiellement, il est donc possible que l’Open Source soit en quelque sorte victime de son succ`es en d´emotivant les d´eveloppeurs ”historiques” qui se sentent flou´es.

Certains auteurs r´epondent que le free-riding n’est pas un probl`eme dans le d´eveloppement du logiciel libre. Pour Perens (2005 [12]), le free-riding ne serait pas un probl`eme puisque l’utilisation d’un logiciel libre ne conduit pas `

a la rar´efaction des ressources6. D’autres auteurs (Besen (2004 [22]), Bald-win & Clark (2004 [28])) mettent en avant les caract´eristiques techniques du logiciel pour minimiser le free-riding. Besen (2004 [22]) r´efute le probl`eme du free-riding en remarquant que le degr´e de complexit´e du logiciel a impact sur l’intensit´e de la participation des individus et sa capacit´e `a am´eliorer un projet. Au fur et `a mesure que l’on d´eveloppe le logiciel, la probabilit´e qu’un individu d´eveloppe le module d´esir´e diminue : plutˆot que d’attendre l’im-probable module, l’individu pr´ef´erera plutˆot d´evelopper lui-mˆeme le module. Baldwin & Clark (2004 [28]) mettent ´egalement l’accent sur la modularit´e des logiciels libres comme facteur d´ecisif en mati`ere de free-riding. A l’aide d’un mod`ele, les auteurs montrent que le nombre de modules d´evelopp´es est un facteur incitatif puissant en mati`ere de coop´eration et, `a l’inverse, un facteur d´efavorable au free riding.

Enfin, von Hippel (2005[40]) remarque qu’il n’existe pas de pressions morales sur les individus se comportant en passager clandestin `a l’exception de quelques phrases (du type ”please donate”ou ”please contribute”). Une des raisons dans la tol´erance envers le free riding r´eside pour von Hippel dans le processus de production du logiciel libre v´eritable hybridation entre l’innovation priv´ee et des mod`eles d’innovation collectifs (private/collectif model of innovation). Pour, l’auteur, la participation active d’un individu dans un projet procure un b´en´efice sup´erieur par rapport `a un individu se contentant d’utiliser des logiciels libres. Alors que la th´eorie classique retient un niveau de satisfaction identique entre les free riders et les individus qui participent d’une fa¸con ou d’une autre `a un projet, von Hippel explique le faible int´erˆet de la part des d´eveloppeurs envers le free riding par l’absence

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de rivalit´e entre les d´eveloppeurs et les free riders.

Release early, release often. Aujourd’hui, pr`es de 90 000 projets Open Source sont r´epertori´es. Or, `a cˆot´e des projets comme Linux ou Send-mail b´en´eficiant d’une audience importante, la plupart des projets peine `a recueillir une masse critique de contributeurs. Ainsi, selon Source Forge 90% des projets sont port´es par un contributeur unique.

Diff´erents ´el´ements influent sur la r´eussite d’un projet. Parmi ces fac-teurs, la conquˆete d’une masse critique de d´eveloppeurs est probablement la plus importante. Plus le nombre de participants augmente, plus d’individus vont utiliser, tester, juger et in fine faire ´evoluer le projet. Ce m´ecanisme s’auto-entretient. En effet, plus le code-source circule, plus il ´evolue, plus il va ˆetre jug´e attractif car la rapidit´e d’´evolution influe fortement sur la dynamique d’un projet. Autrement dit, sans mises `a jour r´eguli`eres, un logiciel devient rapidement obsol`ete en terme de fonctionnalit´e. L’OS De-bian d´evelopp´ee par la communaut´e ´eponyme frˆole l’obsolescence faute de d´eveloppement r´ecent7. D’autres projets comme la suite bureautique Open Office ´eprouvent ´egalement des difficult´es `a rassembler une masse critique de d´eveloppeurs.

Un projet Open Source doit disposer d’une masse critique de d´eveloppeurs pour assurer son d´eveloppement. En mˆeme temps, l’accroissement du nombre de d´eveloppeurs complexifie la coordination entre les individus et l’´evolution du projet. Plus on augmente le nombre d’individus qui participent `a un pro-jet, plus il devient difficile d’int´egrer les modifications apport´ees par chacun. La coordination des d´eveloppeurs est encore plus difficile si l’on retient les arguments d´evelopp´es par Lerner & Tirole (2002, [24]). En effet, pour Lerner & Tirole (2002, [24]) o`u afin de se signaler sur le march´e du travail, les d´eveloppeurs se concentrent sur des projets ou des fonctionnalit´es d’un logiciel facilement observables. Se faisant, il y a un risque pour que les in-dividus d´elaissent les tˆaches plus obscures, mais n´eanmoins essentielles, au fonctionnement du projet. Au final, si ce type de comportement pr´edomine dans l’Open Source, il y a peu de chances que les contributions soient com-patibles les unes avec les autres et que le projet soit fiable.

7

Remarquons toutefois que le retard dans le projet Debian ne provient pas d’un nombre insuffisant de d´eveloppeurs mais plutˆot d’un probl`eme d’organisation et de gestion de projet dans lequel de nombreux individus coop`erent en mˆeme temps.

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Afin d’´eviter le forking, c’est `a dire la multiplication des projets incom-patibles entre eux, une ligne conductrice (roadmap) et des choix concernant l’incorporation de tels ou tels ´el´ements doivent ˆetre effectu´es. Cette volont´e de r´eduire au maximum les efforts dupliqu´es explique probablement pour-quoi les projets Open Source qui atteignent une taille importante se struc-ture fortement8. Pour ´eviter tout gaspillage des ressources (forking, bug), les projets se sont structur´es aussi bien techniquement et que hierarchique-ment. Pour les solutions logicielles complexes, les projets Open Source se distinguent par leur structure modulaire o`u des ´equipes ind´ependantes tra-vaillent sur des modules s´epar´es qui s’ajoutent au projet 9.

Les projets Open Source sont ´egalement organis´e hierarchiquement au-tour de l’initiateur du projet. Dot´e souvent d’un charisme important, cet individu coordonne souvent le projet, `a l’image d’un r´ealisateur de cin´ema, celui-ci poss`ede le final cut, c’est-`a-dire la capacit´e pour l’initiateur de d´ecider ou non de valider certaines contributions et de les int´egrer dans la version propos´ee au public. Toutefois, avec le d´eveloppement des projets, le concep-teur peut difficilement piloter l’ensemble du projet. Dans les faits, un noyau dur compos´e de personnes coopt´ees et relativement qualifi´ees se chargent de la coordination des ´equipes travaillant sur les diff´erents modules du logiciel ainsi que la mise en place d’une raodmap technologique. Au final, les projets sont souvent organis´es de mani`ere pyramidale autour d’un leader ou `a d´efaut d’un nombre restreint de personnes, soit une organisation tr`es diff´erente du bazaar d´ecrit par Raymond (2000[17]).

Par ailleurs, les avanc´ees technologiques ont permis aux projets libres de r´epousser certaines limites organisationnelles. Par exemple, la coordination est facilit´ee par la cr´eation de «mailing list » et des forums de discussions

8Des travaux r´ecents mettent en ´evidence une forte structuration des projets Open

Source. Ainsi, Mockus & al. (2000[10], 2002[25]) d´emontrent une organisation en strates des d´eveloppeurs dans l’Open Source. Sur le plan th´eorique, Curien & alii, (2003[4]) ´etudient `

a l’aide d’un mod`ele les conditions de stabilit´e des communaut´es d’individus. Ils montrent notamment que l’ajout de r´emun´erations p´ecuni`eres ne suffit pas `a assurer le succ`es d’un projet puisque la compatibilit´e entre les phases de cr´eation et de d´eveloppement qui est le probl`eme crucial pour Curien & al. demeure. Edwards (2005)[29] se focalise lui sur le processus de validation des am´eliorations `a l’int´erieur d’un projet Open Source. Il d´emontre `

a l’aide d’un mod`ele que l’int´egration de nouveaux ´el´ements `a l’int´erieur du code source suit finalement un processus assez complexe.

9

Outre la sp´ecialisation des ´equipes, `a l’int´erieur mˆeme des ´equipes, on observe ´egalement une sp´ecialisation des tˆaches selon les connaissances des individus.

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permettant aux individus de faire part des probl`emes rencontr´es `a l’ensemble de la communaut´e de d´eveloppeurs. En l’esp`ece, Internet a donc constitu´e un fabuleux outil pour le d´eveloppement et la structuration des logiciels libre en facilitant la coordination et l’´echange d’informations entre les participants du projet. Internet a permis de r´eduire consid´erablement les coˆuts de coor-dination dans un processus de production s´equentiel et cumulatif puisque les ´echanges de fichiers comprenant les lignes codes ou les remarques concer-nant les probl`emes rencontr´es durant l’utilisation du logiciel se font `a un coˆut quasiment nul10.

The booming business of Open Source Software. De plus en plus, l’Open Source est compatible avec des logiques marchandes. Ainsi, de plus en plus d’entreprises valorisent ´economiquement l’open source. Certaines d’entre elles comme IBM investissent fortement dans l’open source et im-pulsent des projets. D’autres comme Redhat se concentrent sur la fourniture de services li´es `a l’utilisation de logiciel libre. De plus, si l’on observe la dis-tribution des licences Open Source, 70 % des projets utilisent la licence GPL restrictive en terme de l’appropriation des connaissances, les 30 % restant utilisent des licences moins restrictives permettant aux individus de s’ap-proprier ´economiquement les am´eliorations apport´ees.

Bien que l’Open Source ne soit pas un ph´enom`ene nouveau, cette br`eve introduction montre qu’il s’agit l`a d’un ph´enom`ene fascinant. Aujourd’hui l’explosion des projets, l’int´erˆet croissant des entreprises et les initiatives des gouvernements dans l’Open Source facilite l’´emergence d’une v´eritable ´economie de l’Open Source aux multiples probl´ematiques dont les limites restent difficiles `a cerner. La suite de cet article se concentrera essentielle-ment sur ce qui guide la participation et des motivations des d´eveloppeurs dans l’Open Source.

10

Pour expliquer la rapidit´e dans la r´esolution des probl`emes, outre les facteurs tech-nologiques, Lakhani & von Hippel (2000) avan¸cent l’id´ee de ”la solution sur l’´etag`ere” c’est-`a-dire que les probl`emes soulev´es par les utilisateurs sont g´en´eralement solutionn´es tr`es rapidement car un des membres de la communaut´e poss`ede d´ej`a la solution.

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3

Motivation intrins`

eque et extrins`

eque : principes

de base et exemples

La distinction entre les motivations intrins`eques et extrins`eques est clas-sique dans les sciences sociales et plus particuli`erement en psychologie cogni-tive. Si la d´efinition des notions de motivations intrins`eques et extrins`eques varie selon les contributions11, on retient g´en´eralement qu’un individu est motiv´e intrins`equement lorsqu’il entreprend une activit´e pour le b´en´efice re-tir´e de cette activit´e en elle-mˆeme. Lorsque la participation `a une activit´e est guid´ee les b´en´efices indirects, on parlera de motivations extrins`eques. Si un ´ecolier r´efl´echit sur un exercice de math´ematiques parce qu’il appr´ecie cette mati`ere, sa motivation est intrins`eque. S’il travaille seulement parce qu’il sait qu’il va ˆetre puni par ses parents si l’exercice n’est pas r´esolu, sa motivation est extrins`eque.

La distinction entre les motivations intrins`eques et extrins`eques ouvre de nombreuses perspectives de recherche pour comprendre les motivations guidant l’activit´e des individus. Ainsi lorsqu’un individu agit pour des rai-sons non financi`eres, disons par pure altruisme, comment r´eagit-il lorsqu’on ajoute des motivations financi`eres ? Ces nouvelles incitations ont-elles un impact positif sur le degr´e d’implication de l’individu ? Lorsqu’un enfant effectue des tˆaches m´enag`eres par pure altruisme, quel va ˆetre son com-portement lorsqu’on lui promet une r´etribution pour son implication ? Ne risque-t-on pas de d´etruire l’altruisme ? Dans notre exemple, en proposant une motivation `a l’enfant, il est possible que ce dernier conditionne sa parti-cipation `a une r´emun´eration pour toute activit´e future. Alors qu’il effectuait gratuitement une tˆache m´enag`ere, en le r´etribuant, il prend conscience que la valeur de ce service et modifie ses pr´ef´erences : il n’effectue plus cette activit´e par altruisme mais en raison des r´emun´erations qui y sont attach´ees. En psychologie cognitive, cet effet est appel´e : ”crowding out theory”. Il signifie qu’une intervention ext´erieure (par des incitations financi`eres par exemple) peut affaiblir voir d´etruire les motivations intrins`eques d’un indi-vidu. Potentiellement, cet effet peut donc avoir un impact ”net” n´egatif sur le niveau d’implication d’un individu si les incitations mon´etaires ne contre-balancent pas la destruction des motivations intrins`eques.

11Alors que Deci & Ryan [18] placent l’individu au centre de leur d´efinition

(enjoyment-based intrinsic motivation), Linderberg (2001) [38] ´elargit la notion de motivation in-trins`eque aux aspects communautaires (obligation/community based intrinsic motivation)

(11)

Si intuitivement, l’effet destructeur des incitations mon´etaires sur les motivations intrins`eques est concevable, certains auteurs comme Gibbons (1998)[34] et Prendergast (1999)[14] insistent sur la difficult´e de tester em-piriquement la validit´e de la ”crowding out theory” en ´economie. De plus, si le distinguo entre les motivations intrins`eques et extrins`eques est clas-sique en psychologie cognitive, cet aspect est r´ecent en ´economie. En effet, l’´economie postule un lien tr`es fort entre le niveau de motivation et les inci-tations financi`eres. Ainsi, les motivations non mon´etaires et leur impact sur la productivit´e des individus ont longtemps ´et´e d´elaiss´es par les ´economistes. Aujourd’hui, la controverse sur la validit´e empirique de cette th´eorie semble s’estomper avec la multiplication des ´etudes testant l’impact des motivations extrins`eques sur le motivations intras`eques des individus. Dans un r´ecent survey de la litt´erature sur ce th`eme Frey & Jegen (2001)[33]12 montrent qu’il existe de r´eelles preuves empiriques de l’existence de cet effet

13. Ainsi, en se basant sur les r´esultats d’un sondage sur le choix

d’implica-tion d’un abri nucl´eaire, Frey & al. [8] observent que 50,8 % des habitants d’une commune suisse acceptent la construction d’un site probablement par civisme. D´esireuse de faire infl´echir le pourcentage d’opposition `a ce projet, les autorit´es propos`erent alors de r´emun´erer les habitants situ´es aux alen-tours de l’installation nucl´eaire. Or, au lieu d’accroˆıtre le pourcentage d’avis favorable `a la construction du site, le pourcentage d’individus favorable di-minua de pr`es de moiti´e pour se situer `a 24,6 %. Ce r´esultat, inverse `a l’effet attendu mis fin au projet d’implantation.

Dans une autre ´etude, Gneezy & Rustichini (2000b [2]) observent que la mise en place d’un m´ecanisme de p´enalit´e dans une ´ecole se traduit ´egalement par un effet contraire `a l’effet escompt´e. Constatant que certains parents ´etaient syst´ematiquement en retard pour aller chercher leurs en-fants `a l’´ecole (obligeant les professeurs `a rester apr`es la classe), la direction de l’´ecole choisit donc d’infliger des amendes aux parents en retard et de reverser les sommes aux professeurs. Cependant au lieu de diminuer les re-tards, les auteurs observent une forte augmentation du nombre de retards constat´es apr`es l’instauration des p´enalit´es. Gneezy & Rustichini concluent

12On peut aussi se r´ef`erer au survey de la litt´erature de Deci & al. [7] sur les exp´eriences

men´ees par les psychologues.

13Dans ce mˆeme article, les auteurs rendent compte d’un effet inverse appel´e

crow-ding in theory c’est `a dire un renforcement des motivations intrins`eques avec l’ajout de compensations financi`eres.

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que l’introduction de p´enalit´es a modifi´e la perception de l’environnement dans lequel vivent ces parents.

Alors qu’ils n’avaient aucune id´ee des cons´equences ou du coˆut induit par leurs retards (les auteurs utilisent la notion de contrat incomplet pour sym-boliser la relation entre les parents d’´el`eves et l’´ecole ex-ante), l’application de p´enalit´e a conduit `a quantifier ces ´el´ements et `a r´ev´eler de l’information. Ex-post l’incompl´etitude contractuelle diminue avec la r´ev´elation du prix de la surveillance de l’enfant. L’accroissement du nombre de retard montre que les parents ont pu internaliser le coˆut de la surveillance et que certains sont prˆets `a payer pour ce service. En modifiant les r`egles du jeu, l’introduction de p´enalit´e a induit de profondes modifications des normes sociales guidant les comportements des parents d’´el`eves. En effet, lorsque le syst`eme de p´enalit´e est lev´e, les retards ne diminuent pas. Pour les auteurs cela signifie qu’une fois que les individus ont modifier leur perception de leur environnement, il est difficile de revenir en arri`ere ce que les auteurs traduisent par :”Once a commodity, always a commodity”14.

Gneezy & Rustichini (2000a [1]), Ariely & Heyman (2004 [21]) ont aussi mis en ´evidence des effets induits par l’introduction de r´emun´erations dans les sch´emas de motivations des individus. Gneezy & Rustichini (2000a) re-mettent en cause la relation suppos´ee monotone en ´economie entre le niveau de r´emun´eration et l’intensit´e de l’effort. A l’aide de diff´erentes exp´eriences o`u des ´etudiants sont sollicit´es (sans r´emun´eration puis `a l’aide de sch´emas de r´emun´eration diff´erenci´es par la suite) pour r´epondre `a un questionnaire sur le quotient intellectuel, les auteurs d´emontrent qu’un faible niveau de r´emun´eration pour accomplir cette tˆache est peu attractif. En effet, l’in-tensit´e de l’effort, mesur´e ici par le nombre de r´eponses exactes est faible. Les ´etudiants r´epondent au questionnaire sans fournir un effort intellectuel important. Plus marquant, le taux de bonne r´eponse est inf´erieur au taux ob-tenu lorsque les individus ne sont pas r´emun´er´es pour r´epondre au question-naire. Autrement dit, pour un niveau de r´emun´eration faible, l’effet n´egatif (destruction des motivations intrins`eques : r´epondre `a un questionnaire li-brement) est plus fort que l’effet suppos´e positif (l’apparition de motivations extrins`eques donn´ees par le niveau de r´emun´eration) Par contre, au dessus d’un certain niveau de r´emun´eration, le taux de bonne r´eponse augmente validant l’hypoth`ese forte en ´economie sur la relation monotone entre le ni-veau de r´emun´eration et le niveau de l’effort.

(13)

Ariely & Heyman (2004) d´emontrent la coexistence de deux march´es o`u la relation entre le niveau de r´emun´eration et le niveau de l’effort s’ex-prime de mani`ere diff´erente. A l’aide de diff´erentes exp´eriences, ils observent un march´e social (social market ) domin´e par l’altruisme o`u les efforts des individus sont insensibles au niveau de r´emun´eration et un autre march´e, un march´e mon´etaire (monetary market ) o`u l’intensit´e de l’effort s’inscrit dans des relations de r´eciprocit´e : un individu s’engage dans une activit´e s’il re¸coit un niveau de compensation satisfaisant en retour. Par ailleurs, dans le cas o`u coexiste des deux types de march´es, les auteurs soulignent que le fonctionnement de ces march´es mixtes (mixed market ) sera tr`es proche d’un march´e mon´etaire.

Ces diff´erents travaux, pris dans le champ de psychologie cognitive, nous semblent ˆetre parfaitement ´eclairant de l’effet n´egatif que peuvent avoir des interventions ext´erieures lorsque les individus sont anim´es par des motiva-tions intrins`eques. Elles fournissent de pr´ecieux enseignements dans l’ana-lyse de l’Open Source. En distinguant entre les motivations intrins`eques et les motivations extrins`eques ces travaux fournissent un cadre de r´eflexion utile pour ´etudier les motivations des individus participant `a l’Open Source. Quelles motivations dominent chez les d´eveloppeurs ? Agissent-ils par al-truisme, par fun ou par plaisir, autrement dit pour des motivations in-trins`eques ou participent-ils `a l’Open Source pour des motivations essen-tiellement extrins`eques ? D’autre part, au moment o`u l’Open Source s’in-dustrialise, o`u de plus en plus d’entreprises investissent dans l’Open Source en supportant parfois des communaut´es libres ou plus modestement en ac-ceptant que ses employ´es participent durant leur temps de travail `a l’´ecrire d’un code source ouvert15.

Il existe de r´eels preuves que l’ajout d’incitations financi`eres peut alt´erer, voir d´etruire les motivations intrins`eques des individus. Dans le cas o`u une entreprise souhaite coop´erer avec une communaut´e libre, la mise en place d’une r´emun´eration mon´etaire peut ˆetre destructrice. Si les individus sont intrins`equement motiv´e, il y a un risque pour que des individus qui partici-paient librement `a un projet se sentent contrˆol´es avec la mise en place d’un sch´ema de r´emun´eration et in fine r´eduisent consid´erablement leur

partici-15

Dans une analyse r´ecente portant sur les motivations des d´eveloppeurs participant `a l’Open Source, Lakhani & Wolf (2003)[35] trouvent que 40% des individus appartenant `a leur ´echantillon sont r´emun´er´es pour leur participation `a des projets ouverts.

(14)

pation dans un projet Open Source.

4

Les motivations des participants `

a l’Open Source

La mise `a jour les motivations des individus participant aux projets Open Source est un th`eme de recherche majeur dans la litt´erature 16. Bien que nombreux, les r´esultats des travaux divergent cependant sur la nature des motivations guidant les participants aux projets Open Source 17.

Pour certains, compte tenu de l’h´et´erog´en´eit´e des d´eveloppeurs et de leurs motivations, la participation des individus `a l’Open Source s’explique plus par l’altruisme et/ou le plaisir de programmer que par des motivations financi`eres. Pour d’autres au contraire, ces motivations ne sont qu’“une par-tie de l’histoire” : la participation des d´eveloppeurs serait surtout guid´ee par des consid´erations financi`eres soit imm´ediates (ˆetre r´emun´er´e pour participer `

a un projet Open Source) ou diff´er´ees (ˆetre reconnu sur le march´e du travail, se signaler `a des investisseurs capables de financer le projet du d´eveloppeur).

4.1 Les motivations extrins`eques des d´eveloppeurs

A l’int´erieur de la litt´erature traitant des motivations des d´eveloppeurs Open Source, l’article de Lerner & Tirole (2002 [24]) est probablement la contribution la plus souvent cit´ee. Elle est aussi la plus controvers´ee car dans leurs conclusions, les auteurs s’´ecartent des arguments g´en´eralment avanc´ees pour justifier la participation des individus dans l’Open Source. Pour les tenants du courant ”extrins`eques”, les d´eveloppeurs agissent en

16

Comme le soulignent Dalle & al. 2005 [5] : ”the curious obsession among economists : what is motivating the voluntary efforts of F/LOSS developpers ?”, les motivations des d´eveloppeurs ont ´et´e explor´e par de nombreuses ´etudes. Parmi les travaux, citons les contributions de Lerner & Tirole (2001 [23]), Lerner & Tirole (2002 [24]), Johnson (2002 [26]), Johnson (2004 [27]), Raymond (2000 [17]), Myatt & Wallace (2002 [13]), Mustonen (2003 [30]), von Hippel & von Krog (2003 [42]), Hars & Ou (2000 [37]), Hertel & al. (2003), Bitzer & Schr¨oder (2005 [32]), Bitzer & al. [3]), Edwards (2005) [29]), Osterloch & al. (2002 [11]), Dalle & al. (2005 [5]) & Osterloch & al. (2003[39]).

17Rossi (2004)[31] apporte une explication int´eressante sur cette diversit´e des points de

vue :

”scholarly contributions on this matter tend to reflect authors’ personal conception of human nature and their beliefs about the interpretive power of particular theories of social interaction, with the result that the heteroge-neity of the phenomenon has generally been downplayed.”

(15)

Extrinsic Motivations Monetary Rewards

Improve programming skills Future Career Benefits

Technological Concerns (code needed for used need) Enhance Professional Status

Intrinsic Motivations Creative Plesure

Like Working with this Development Team Altruism

Sense of Belonging to the Community

Feel Personal Obligation to Contribute because Use of FOSS Code Sharing with the Community

Fight for Software Freedom (Code should be open) Reputation among Peers

Tab. 1 – Les principales justifications des participants `a l’Open Source. homo-economicus rationnels. Ainsi, pour Lerner & Tirole (2002) la participa-tion des individus est avant tout guid´ee par des motivations extrins`eques. En utilisant son temps libre `a l’´ecriture d’un code-source ouvert, le d´eveloppeur se livre en v´erit´e `a un calcul ´economique. L’individu ”investit”de son temps parce qu’il est sˆur de retirer un b´en´efice (net) de sa participation dans l’Open Source. Dans cette veine, la construction d’une r´eputation sur le march´e du travail et pas simplement `a l’int´erieur d’une communaut´e (Lahkani & von Hippel 2003[41]), constitue pour les auteurs une motivation importante des d´eveloppeurs. Ceci est d’autant plausible que pour les auteurs, l’ampleur et la qualit´e des contributions individuelles est facilement observable non seule-ment par les membres de la communaut´e mais ´egalement par de nombreux observateurs ext´erieurs. De mˆeme, le besoin de se former et la recherche d’une solution `a un probl`eme strictement personnel sont g´en´eralement rang´es dans les motivations extrins`eques.

4.2 Les motivations intrins`eques des d´eveloppeurs

Stallman (1999 [36]) propose une explication alternative aux arguments pr´ec´edents en soutenant que les d´eveloppeurs ne sont pas attir´es par des gratifications financi`eres lorsqu’ils coop`erent dans un projet Open Source. Pour lui, la participation des individus serait fondamentalement guid´ee par

(16)

le d´esir de se fondre dans une culture communautaire ”Hacker Culture” 18, le besoin de r´esoudre des difficult´es techniques ou encore par pure altruisme. D’autres, plus”pragmatiques” comme Raymond (1999 [16]), 2000 [17]) re-connaissent que des motivations financi`eres existent mais elles jouent un rˆole marginal car les motivations des d´evelopeurs se trouvent dans la culture du partage et le besoin de s’adonner `a une activit´e cr´eative en collaboration `a l’Open Source.

De mˆeme l’aspect communautaire de l’Open Source est ´egalement va-loris´e chez les participants. Or, l’identification `a une communaut´e implique g´en´eralement pour l’individu de se conforter `a un ensemble de r`egles et de normes collectives plus ou moins explicites. Il s’agit par exemple de sou-mettre son travail aux jugements de ces pairs (peer review) mais aussi d’ob´eir `

a des r`egles implicites : ”je participe au projet libre car j’ai moi mˆeme profit´e des travaux de la communaut´e”. Enfin, le ressentiment envers les entreprises accus´ees d’abuser de leur position de monopole peut ˆetre `a la base de l’iden-tit´e communautaire 19.

5

Quels r´

esultats empiriques ?

Reprenant la m´ethodologie d’une ´etude men´ee en Europe en 2002 [9], diff´erentes enquˆetes ont ´et´e men´ees aux Etats-Unis [6], au Japon [19] et en Asie[20] afin de mieux connaˆıtre les participants `a l’Open Source. Avec les travaux de Dalle & al. (2005[5]) et de Lakhani & Wolf (2003[35]), ces sur-veys apportent quelques r´eponses sur la participation et la motivation des contributeurs `a l’Open Source.

Dans cette synth`ese, les r´esultats de ce travaux seront analys´es selon trois points : (i)les caract´eristiques socio-´economiques et (ii) le degr´e d’im-plication pour la participation des individus puis (iii) les motivations des individus `a rejoindre un projet Open Source.

18

G´en´eralement le terme ”hacker” est connot´e n´egativement car il renvoie `a la notion de pirate informatique. Ici ”hacker culture” signifie plutˆot ”culture informatique” sans aucun `

a prioiri n´egatif.

19Si cet argument est recevable, comment expliquer le d´eveloppement tardif des suites

(17)

5.1 L’analyse de la participation des d´eveloppeurs

5.1.1 Les caract´eristiques socio-´economiques des participants L’examen des caract´eristiques socio-´economiques permet de dresser le profil type du d´eveloppeur Open Source : de sexe masculin (dans plus de 95 % des cas), plutˆot c´elibataire et assez jeune (26 ans de moyenne d’ˆage pour les Etats-Unis, 27 ans en Europe et respectivement 26 et 28 ans au Japon et en Asie).

Certaines sp´ecificit´es g´eographiques m´eritent toutefois d’ˆetre relev´ees. Par exemple, les individus collaborent pour la premi`ere fois dans l’Open Source `a des ˆages diff´erents selon les pays : les am´ericains et europ´eens (22 ans) seraient plus pr´ecoces que les asiatiques et japonais (respectivement 26 ans et 22 ans). De plus, alors que 10 % des japonais participent depuis le d´ebut des ann´ees 90 `a l’Open Source, la proportion est plus ´elev´ee chez les am´ericains et les europ´eens.

Diff´erentes hypoth`eses peuvent ˆetre avanc´ees pour justifier ces d´ecalages. Aux Etats-Unis, le logiciel libre n’est pas un ph´enom`ene nouveau, il nait v´eritablement dans les ann´ees 70 en r´eponse `a la privatisation croissante de l’industrie du logiciel. A ce titre, l’ant´eriorit´e des Etats-Unis joue un rˆole pr´epond´erant dans le d´eveloppement du logiciel libre tout comme la cr´eation de Free Software Foundation et plus r´ecemment de l’Open Source. En Eu-rope, des projets comme Linux ont probablement acc´el´er´e le d´eveloppement de l’Open Source en attirant de nouveaux contributeurs aux ”early adop-ter”. Le Japon et l’Asie ont ´et´e historiquement moins impliqu´e dans l’Open Source ou d’une mani`ere diff´erente comme le montre le taux important de d´eveloppeurs travaillant sur les projets libres `a partir de Windows. Dans le futur, ces diff´erences sont probablement amen´ees `a s’estomper en raison du dynamisme affich´e par l’Open Source depuis le milieu des ann´ees 90 dans les pays d’Asie.

Concernant le niveau de qualification des participants, les donn´ees tir´ees des diff´erents survey montrent que les d´eveloppeurs ont un niveau d’´etude ´elev´e quelque soit la zone g´eographique (Tab.2). Hormis l’Asie qui se ca-ract´erise par un pourcentage du niveau bachelors relativement important et `

a l’inverse une faible repr´esentation du niveau master en comparaison des autres pays o`u l’on observe des ordres de grandeur assez comparables.

(18)

Asie Japon Europe Etats-Unis - Mean Median Mean Median Mean Median Mean Median

Starting Year 1999,4 2000 1998,4 2000 1998 1996,6 - 1999

Starting Age 24,3 23 26 26,6 22,9 22 - 22

Current Age 27,9 27 31,2 31 27,1 26 - 27

Tab. 2 – Les caract´eristiques li´ees `a l’ˆage et `a l’ann´ee de participation des individus.

- Asie Europe Etats-Unis Japon

Elementary/Technical School (en %) 4,5 13 6,2 8,7

High School 10,5 17 19,4 22,5

University Bachelors 63,9 33 36,3 35,2 University Masters 15,8 28 36,7 (avec PH.D) 27

University PH.D. 5,3 9 - 6,5

Tab. 3 – Niveau d’´etude des contributeurs `a l’Open Source.

La r´epartition des individus selon leur activit´e professionnelle confirme le haut niveau de comp´etence des participants l’Open Source. Ainsi, on observe une forte proportion d’ing´enieurs et `a degr´e moindre une pr´esence impor-tante des programmateurs, des consultants ainsi que les chercheurs parmi les participants `a l’Open Source. Par contre, les ´etudiants sont faiblement repr´esent´es dans les panels puisqu’ils repr´esentent selon les pays seulement 20,6 `a 14,5% des individus.

En r´esum´e, les contributeurs `a l’Open Source seraient donc de sexe mas-culin, jeune, plutˆot c´elibataire avec un niveau d’´etude assez ´elev´e orient´e dans les TIC. Plus ´etonnant, car contraire aux id´ees re¸cues, ces premiers r´esultats indiquent que les projets ne sont conduit par des ´etudiants mais plutˆot par des professionnels (ing´enieurs, programmateurs, consultants ou encore universitaires) travaillant dans le secteur des TIC (Tab.3).

5.1.2 Le degr´e d’implication des participants

L’implication des individus dans les projets Open Source peut ˆetre me-sur´ee de diff´erentes mani`eres. Une premi`ere m´ethode, la plus simple, r´epertorie le nombre d’heures par semaine que les individus consacrent au d´eveloppement d’un code libre (a). D’autres mesurent se focalisent plutˆot sur la qualit´e du travail en diff´erenciant les activit´es men´ees au sein du projet (b), selon le type de responsabilit´e qu’occupe un individu dans un projet ou encore (d)

(19)

- Asie Europe Etats-Unis Japon

Software engineer 27,8 33,3 - 41,1

Engineer (other sectors) 3,0 3,2 - 5,4

Programmer 17,3 11,2 - 10,0

Consultant (IT) 6,0 9,8 - 2,4

Consultant (other sectors) 0,8 0,6 - 0,7

Manager (IT) 6,0 3,2 - 2,2

University/Research Institute (IT) 9,0 5,0 - 4,3 University/Research Institute (other sectors) 3,0 4,3 - 3,5

Student (IT) 10,5 15,3 - 6,5

Student (other sectors) 5,3 5,1 - 8,0

Other 9,3 8,4 - 15,9

Tab. 4 – Occupation des participants `a l’Open Source.

selon le nombre de contacts que l’individu entretient avec le reste de la com-munaut´e.

Le temps consacr´e `a l’Open Source. Dans une grande majorit´e, les ´etudes montrent que les individus se consacrent `a l’Open Source durant leur temps libre en semaine ainsi que le week-end. N´eanmoins, pr`es de 40% des individus contribuent au libre durant leur temps de travail. Si ce dernier chiffre peut paraˆıtre surprenant, la table ci-dessous (Tab.5) montre que la participation de l’Open Source reste pour beaucoup d’individus un hobby. Par d´efinition, c’est le cas pour les individus qui y consacrant une partie de leur temps libre. Mais c’est ´egalement le cas de figure pour les individus qui participent `a l’Open Source durant leur temps de travail o`u `a de tr`es rares exceptions l’Open Source reste cantonn´ee `a une tˆache secondaire puisque le nombre d’heures consacr´e par les individus `a l’Open Source reste faible.

Il est probable que le temps de travail consacr´e par un individu `a l’Open Source varie selon les caract´eristiques du projet. Plus un individu trouvera un int´erˆet dans un projet (sp´ecificit´es techniques, int´erˆet technique du pro-jets, dynamisme de la communaut´e, etc...), plus il va investir du temps dans ce projet. On peut donc penser que plus l’individu est exp´eriment´e, plus il est capable de s´electionner ou conduire les projets l’int´eressant. Cette hy-poth`ese est confirm´ee statistiquement pour les individus ayant particip´e `a plusieurs projets. En effet, les individus consacrent plus de temps sur le projet actuel (ou le dernier projet auquel ils ont particip´e) par rapport aux

(20)

Nombre d’heures hebdomadaires Europe Japon Asie Etats-Unis

Z´ero Heure n.c. 8,5 23 n.c.

Moins de Deux Heures 20,8 28,0 20,3 22,0 Entre Deux et Cinq Heures 26,7 25,2 27,1 21,0 Entre Six et Dix Heures 21,5 15,8 18,0 20,0 Entre Onze et Vingt Heures 14,7 10,4 15,8 n.c. Entre Vingt et Une et Quarante Heures 9,0 6,9 10,5 n.c. Plus de Quarante Heures 7,3 5,2 6,0 n.c. Tab. 5 – La participation des contributions `a l’Open Source (en heures par semaine.

projets plus anciens.

On peut ´egalement connaˆıtre l’implication des d´eveloppeurs en se fo-calisant non pas sur le nombre d’heures hebdomadaires mais plutˆot sur le type de travail r´ealis´e dans un projet. La participation des individus se concentre principalement sur l’´ecriture de code et la correction de bug. D’autres activit´es sont mentionn´ees mais elles sont secondaires : la r´e´ecriture du code code designing, le d´eveloppement de l’interface, la communication du code `a l’int´erieur de la communaut´e ou encore la documentation du code. En dehors de ces tˆaches techniques, peu d’individus consacrent leur temps `a des efforts de communication envers le grand public (26,7 % dans le survey am´ericain).

Le degr´e d’implication peut ´egalement ˆetre appr´ehend´e en r´epertoriant le niveau de responsabilit´e des individus `a l’int´erieur d’un projet. In-tuitivement, on peut penser que plus un individu sera exp´eriment´e dans les projets Open Source, plus il s’impliquera dans le projet.

Les ´etudes empiriques ne confirment pas l’existence d’une corr´elation forte entre l’ˆage et le niveau de responsabilit´e. Certes, on observe bien une relation positive entre l’ˆage des individus et leur degr´e d’implication dans les projets mais dans le mˆeme temps des individus inexp´eriment´es conduisent des projets project leader dans l’Open Source. On peut penser que l’explosion des projets Open Source g´en´eralement conduit par des individus assez jeunes contribue probablement `a att´enuer le relation entre l’ˆage et la conduite d’un projet. Il est ´egalement possible que devant la multiplication et la complexi-fication des projets, l’Open Source s’est heurt´e `a un probl`eme de raret´e des comp´etences. Pour mener `a bien les projets, les membres d’un projet ont

(21)

peut ˆetre ouvert certains niveaux de responsabilit´e aux d´eveloppeurs moins ˆ

ag´es20.

Enfin, le nombre de contacts qu’entretient un individu avec d’autres membres d’une communaut´e permet de mesurer ´egalement le degr´e d’impli-cation des individus dans l’Open Source. Contrairement aux id´ees re¸cues, les participants `a l’Open Source ne forment pas une communaut´e unifi´ee et universelle 21puisque comme le montre le tableau ci dessous, le nombre moyen de contacts r´eguliers qu’entretient un d´eveloppeur dans le libre est faible.

Nombre de contacts r´eguliers Europe Japon Asie Etats-Unis

Z´ero Contacts 17,4 34,6 24,1 n.c.

Entre z´ero et deux contacts 26,1 11,6 17,3 n.c. Entre trois et cinq contacts 24,4 21,7 21,1 n.c. Entre six et dix contacts 14,8 10,5 12,8 n.c. Entre onze et quinze contacts 5,2 8,3 12,8 n.c. Entre seize et Une et vingt contacts 3,6 4,6 3,8 n.c. Entre vingt et un et trente contacts 2,7 3,5 2,0 n.c. Entre trente et un et quarante contacts 0,8 1,7 0,8 n.c. Entre quarante et un cinquante contacts 0,4 1,3 1,5 n.c. Plus de cinquante contacts 4,6 2,3 3,8

Tab. 6 – Nombre de contacts r´eguliers entretenus par les individus inter-rog´es.

5.2 Les motivations des individus

Dans une enquˆete portant sur pr`es de 700 d´eveloppeurs, Lakhani & Wolf (2003) observent que la libert´e de cr´eation permise par l’Open Source est l’argument le plus souvent avanc´e par les personnes interrog´ees. Ceci confirme que les motivations intrins`eques jouent un rˆole pr´epond´erant dans

20

Lorsque l’on cherche `a mesurer la relation entre l’anciennet´e et le niveau de responsa-bilit´e, on obtient ´egalement des r´esultats contrast´es avec d’une part une relation positive entre l’anciennet´e dans l’Open Source (mesur´e par le nombre de projets que les individus ont conduit) et le niveau de responsabilit´e. D’un autre cˆot´e, on observe une forte pr´esence des ´etudiants dans la conduite des projets.

21

Le faible niveau de contacts au sein de la communaut´e semble confirmer les dires de Lerner & Tirole (2002). Malgr´e son d´eveloppement r´ecent, ces auteurs avancent l’hypoth`ese que l’Open Source reste avant tout un ph´enom`ene ´elitiste dans le sens o`u les projets s’organisent et se concentrent autour un nombre r´eduit d’individus.

(22)

la d´ecision des d´eveloppeurs soit `a un niveau individuel (enjoyment-based intrinsic motivation), soit `a un niveau collectif du `a l’appartenance d’un d´eveloppeur `a une communaut´e obligation/community based intrinsic mo-tivations. En mˆeme temps, si les d´eveloppeurs se conforment `a des normes sociales collectives et valorisent la r´eciprocit´e22, les motivations extrins`eques sont pr´esentes chez les individus. Autrement dit, la contribution et la par-ticipation des individus dans l’Open Source sont guid´es par les motivations h´et´erog`enes mˆeme si les motivations intrins`eques dominent. Ainsi les auteurs soulignent (p.14) :

” A clear finding from the cluster analysis is that the FOSS com-munity has heterogeneous in motives to participate and contri-bute. Individuals may join for a variety of reasons, and no one reason tends to domimate the community or cause people to make distinct choices in beliefs.”

Autre point important, cette ´etude indique que la simultan´eit´e d’indivi-dus participant `a l’Open Source pour les raisons intrins`eques et extrins`eques n’a pas d’impact sur le projet. En effet, lorsque l’on mesure le niveau d’enga-gement et le niveau d’effort, il n’existe pas de diff´erence notable entre ceux qui sont r´emun´er´es et ceux qui contribuent b´en´evolement `a l’Open Source en ce qui concerne l’intensit´e de l’effort.

Les diff´erents survey confirment ´egalement le sens des r´esultats de Lah-kani et Wolf sur l’h´et´erog´en´eit´e des motivations dans l’Open Source. Dans le survey am´ericain, 77, 8 % des personnes interrog´ees pensent qu’il est important (voir tr`es important) de rendre le code parfaitement libre apr`es s’ˆetre servi des travaux du libre. Pour 57% des individus la possibilit´e de d´evelopper des liens et collaborer en r´eseau `a la cr´eation d’un produit joue un rˆole crucial dans leur d´ecision de participer `a l’Open Source. De mˆeme, ils sont `a 68,6 % pour la promotion de l’Open Source comme mode de d´eveloppement et encore 61,9 % `a justifier leur participation `a l’Open Source dans la perspective d’offrir des solutions alternatives aux logiciels propri´etaires. A cˆot´e de ces motivations intrins`eques, coexistent des justifications beau-coup plus personnelles comme la possibilit´e de modifier ses propres logiciels et am´eliorer ses connaissances grˆace `a l’Open Source (56,3 %), apprendre le fonctionnement d’un programme sp´ecifique (54,7 %) ou encore devenir un

22

L’importance de la r´eciprocit´e ”je participe car je b´en´eficie de quelque chose de tan-gible en retour” illustre le fait que l’Open Source se situe plus dans une culture de l’´echange (exchange culture) que dans une ´economie du don (gift culture) o`u les b´en´efices attendus sont psychologiques.

(23)

meilleur programmeur (68,6 %).

L’´etude europ´eenne confirment ´egalement la pr´esence de pr´eoccupations individuelles et collectives chez les participants `a l’Open Source. Si l’ap-prentissage et le d´eveloppement des connaissances est mentionn´ee `a 78,9 % comme la principale raison `a leur participation `a l’Open Source, on re-trouve les justifications habituelles : le partage des connaissances et des comp´etences (49,8%), la participation `a de nouvelles formes de coop´eration (34,5 %), l’am´elioration des logiciels libres (33,7%) ou encore la volont´e des proposer une alternative aux solutions propri´etaires (30,1%). Enfin, la pos-sibilit´e d’am´eliorer sa situation professionnelle (grˆace `a l’Open Source) est mentionn´ee par environ 30% des individus.

Par ailleurs, cette ´etude met en ´evidence une ´evolution dans le temps des motivations des d´eveloppeurs. Alors que les individus reconnaissent que les facteurs individuels comme l’am´elioration des comp´etences ou l’acc`es `

a un savoir diss´emin´e consistent les principaux motifs d’adh´esion dans l’Open Source, au fur et `a mesure que le temps passe, l’appartenance `a la commu-naut´e, la promotion du code ouvert ouvert ou encore la volont´e d’´echapper aux projets commerciaux sont souvent pr´esents dans les justifications des individus. Autrement dit les justifications nettement plus ”politiques” se renforcent dans le temps.

Les ´etudes men´ees en Asie et au Japon conduisent aux mˆemes r´esultats avec un d´ecoupage similaire. A pr`es de 65% les d´eveloppeurs justifient leur participation par la possibilit´e d’apprendre et l’am´elioration des connais-sances. Ensuite, on trouve la possibilit´e de mettre en commun la connais-sance et les comp´etences est valoris´ee par 63,9% des d´eveloppeurs asiatiques (seulement 49% pour les d´eveloppeurs japonais). Derri`ere ces motivations dominantes, on observe une s´erie de justifications autour de 30% allant de la r´esolution d’un probl`eme technique impossible `a r´ealiser sur les logiciels propri´etaires, l’am´elioration des logiciels libres ou l’attrait pour le processus collectif en lui-mˆeme. Ces deux ´etudes confirment ´egalement que les mo-tivations politiques se renforcent dans le temps. Ainsi, alors que 45,% des individus rejoignent l’Open Source parce qu’ils pensent que les logiciels de-vraient ˆetre libres, 26,2% des individus restent dans les communaut´es pour cette raison. En Asie, si 18% des individus rejoignent la communaut´e pour limiter la puissance des ´editeurs, plus de 30% des individus interrog´es restent dans la communaut´e pour la mˆeme raison.

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6

Conclusion

Pourquoi des individus consacrent-ils du temps `a d´evelopper un logiciel dont ils ne peuvent esp´erer tirer en b´en´efice direct ? Pour les ´economistes, le d´eveloppement de l’Open Source est `a premi`ere vue une anomalie. Se poser la question des motivations des individus revient d’une certaine mani`ere `a s’interroger si l’´economie, avec ses raisonnements traditionnels, est capable d’appr´ehender toutes les dimensions du ph´enom`ene.

Incontestablement, les sciences sociales ont permis aux ´economistes de mieux comprendre l’Open Source en se basant par exemple sur des grilles d’analyse h´erit´ees de la psychologie cognitive. Ainsi, la plupart des travaux empiriques concluent `a la pr´epond´erance des motivations extrins`eques dans l’Open Source. En mˆeme temps, ces r´esultats montrent ´egalement que les motivations intrins`eques sont loin d’ˆetre absentes : elles ont un impact cer-tain sur le niveau d’implication des individus 23. Au moment o`u le libre

s’industrialise, il s’agit l`a d’un ph´enom`ene nouveau dont on peut penser qu’il va prendre de l’ampleur des prochaines ann´ees.

Par ailleurs, les travaux indiquent qu’il n’existe pas de r´eel clivage entre les individus participant `a l’Open Source selon qu’ils soient ou non r´emun´er´es pour leur contribution au libre. Par exemple, les ´etudes rapportent des ni-veaux d’efforts comparables selon que les individus sont r´emun´er´es ou non. De mˆeme, l’opposition entre la FSF et l’Open Source est peu pr´esent chez les participants au libre alors que l’Open Source est souvent pr´esent´ee comme ´etant plus permissive vis `a vis de la sph`ere commerciale24.

Aujourd’hui, certaines ”anomalies” dans les r´esultats laissent `a penser que notre connaisance sur les motivations des individus reste incompl`ete. Premi`erement, un pourcentage important d’individus (68,5 % dans le cas survey am´ericain) justifient leur participation pour des raisons diverses. Ce pourcentage ´elev´e montre que l’opposition motivation extrins`eque vs in-trins`eque permet de mieux comprendre les motivations des individus `a un

23

Pour Bitzer & al.(2004) [3], les r´esultats des enquˆetes ´etudiant les motivations des d´eveloppeurs doivent ˆetre pris avec pr´ecaution. En effet, il est possible que les r´esultats soit largement biais´es notamment que l’importance des motivations intrins`eques soit sur-estim´ee. Alors que pr`es de 90000 projets libres existent aujourd’hui, impliquant pr`es de 900000 contributeurs, les diff´erents ´etudes portent tr`es souvent sur des projets connus mais peu repr´esentatifs dans la diversit´e du ph´enom`ene.

24On remarque toutefois que la plupart des individus interview´es choisiraient une licence

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niveau collectif, l’identification des motivations des participants `a un niveau individuel butte sur l’h´et´erog´en´eit´e des participants. Deuxi`emement, Dalle & al. observent que les individus justifient leur participation dans l’Open Source pour des raisons intrins`eques mais en mˆeme temps, ils choisissent leur projet sur la base de motivations ´eloign´ees des principes intrins`eques. En effet, ils auraient tendance `a valoriser la visibilit´e du projets et parti-ciper `a un projet si il y a un int´erˆet direct pour les individus `a participer `

a un projet. Troisi`emement, on observe un d´ecallage entre ce que les per-sonnes pensent apporter `a la communaut´e d’un point de vue individuel et les caract´eristiques qu’ils per¸coivent des communaut´es Open Source. Nor-malement on devrait s’attendre `a ce que les deux co¨ıncides puisque l’un est la somme de l’autre. Or, d’importants d´ecalages sont observ´es entre les deux niveaux de perception.

Au fur et `a mesure notre niveau de connaissance s’affine sur le fonc-tionnement de l’Open Source, de nouvelles attitudes, de nouvelles anomalies sont mis `a jour sans que nous sachions les expliquer. De mˆeme, certaines pratiques parfaitement identifi´ees chez les d´eveloppeurs Open Source se mo-difient dans le temps. Par cons´euqent, si nous avons beaucoup appris sur les motivations des participants `a l’Open Source, certaines pistes de recherche restent largement inexplor´ees. Nous nous contenterons d’en enoncer deux ici. L’enchevˆetrement des sph`eres marchandes et non-marchandes dans un nombre croissant de projets aboutit `a la cr´eation d’un v´eritable ´ecosystem autour de l’Open Source. Cette mutation devrait sensiblement modifier les comportements des d´eveloppeurs et bouleverser les limites fix´ees par le prisme motivations intrins`eques et extrins`eques. A l’heure actuelle peu de travaux l’impact du rˆole croissant des entreprises dans le fonctionnement des communaut´es Open Source.

Une autre piste de recherche possible consiste `a ´etudier des projets Open Source moins connus. En effet, les ´etudes ont principalement port´e sur les projets les plus connus du type Linux. Sous certains aspects, ce choix est commode. `a la fois par commodit´e. Bien que l’information sur ces projets n´ecessite des traitements statistiques lourds pour ˆetre interpr´etable, cette information est assez facilement disponible. Par ailleurs, en travaillant sur les projets connus, le chercheur en ´economie est ´egalement facilement identifi´e par ses coll`eges (`a l’image d’un d´eveloppeur dans l’Open Source). Il est donc important de parfaire notre connaissance sur les aspects dynamiques en ce qui concerne des motivations des d´eveloppeurs mais ´egalement tirer

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des enseignements de projet Open Source nettement moins m´ediatis´es.

ef´

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Figure

Tab. 1 – Les principales justifications des participants ` a l’Open Source. homo-economicus rationnels
Tab. 3 – Niveau d’´ etude des contributeurs ` a l’Open Source.
Tab. 4 – Occupation des participants ` a l’Open Source.
Tab. 6 – Nombre de contacts r´ eguliers entretenus par les individus inter- inter-rog´ es.

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