LES REPRESENTATIONS DES ELEVES
SUR L'EVOLUTION BIOLOGIQUE
Corinne FORTIN
UF Didactique de la Biologie, Université Paris 7.
SUMMARY : Typology about evolution conception, settled from content analysis and interviews arnong a sample of 317 pupils of secondary school.
1. LA REPRESENTATION PRO·EVOLUTIONNISTE
"C'est sûrement dans le contexte du jeu du hasard que la roue Céleste a permis la naissance des hommes; mais il aurait pu en être autrement, car c'était une chance sur l'infini" dit un des élèves interrogés. L'image de la roue rappelle celle de la roulette du casino, jeu de hasard s'il en est, oùà partir d'un nombre limité de numéros, on a un nombre infini de tirages possibles.Lescénario pro-évolutionniste est le suivant :àpartir d'un groupe-souche primitif, un petit nombre d'organismes connaissent des conditions écologiques particulières qui les isolent du reste du groupe.Lapression écologique devient alors un stimulus, pouvant faire réagir l'organisme. Si celui-ci dispose d'un capital biologique suffisant, il se transformera sous l'effet par exemple d'une mutation; sinon il s'éteindra. La mutation est donc une réponse de l'organisme aux changements du milieu. Cette représentation n'est pas encore évolutionniste puisque l'élève suppose que, s'il y a mutation, celle-ci est induite par le milieu, et est toujours favorableàl'organisme qui en bénéficie. La représentation pro-évolutionniste décrit l'évolution comme une transformation du disponible en utilisable, et l'extinction comme l'inutilisable suite a l'épuisement des ressources biologiques du disponible.
611
2. LA REPRESENTATION PSEUDO-TRANSFORMISTE
Peut se résumer ainsi : la nature ne fait pas de gâchis. Contrairementàla représentation précédente, toute fonne de hasard est ici bannie. Aucune loterie n'a sa place, et l'histoire de la vie n'est pas le résultat du "jeu des possibles", mais bien le seul jeu possible. Autre caractéristique de cette représentation, l'élève refuse d'accepter l'extinction de certains groupes animaux et ce parce qu'il reste fidèleàune logique détenniniste implacable: "Pour moi, aucun animal n'a réellement disparu, car ceux que je connais ont muté".Lamutation est donc biologiquement programmée en vue d'une continuelle perfectibilité des adaptations, d'où une vision continuiste de l'évolution. L'élève est alors convaincu que les dinosaures n'ont pas disparu, mais qu'ils se sont transformés en nos actuels reptiles en fonction des modifications écologiques.Lamutation n'est pas sélective, puisque tous les groupes en bénéficient le moment venu. Elle est comprise comme un mécanisme régulateur ou rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Les organismes sont dans ce cas le produit inéluctable d'une hiérarchie évolutive, qui fait s'élever un ancien groupe vers un nouveau par l'acquisition de nouvelles adaptations.
3. LA REPRESENTATION NON-EVOLUTIONNISTE
L'élève non-évolutionniste, s'il admet dans une certaine mesure la transformation des organismes, ne lui accorde aucun support biologique, pas même la mutation. Seule compte la capacité d'adaptation: "le monde vivant s'adapte au milieu, ou il meurtàtout jamais". Le plus important dans cette représentation est d'affIrmer d'une filiation entre les groupes animaux. Il n'existe aucune transformation d'un groupe vers un autre dans cette représentation. Tous les groupes étant présentsà l'état primitif depuis l'origine de la vie, et pouvant se perfectionner au cours du temps. Cest au gré des conditions écologiques qu'un groupe se transformera ou s'éteindra. La conception que se fait l'élève non-évolutionniste de l'homme est déterminante dans la structuration de sa représentation. Si tous les animaux peuvent un jour ou l'autre connaître une extinction, l'homme parce qu'''il est plus qu'un animal" n'est pas soumis à une telle extrémité. Grâceàsa seule intelligence,ildomine les aléas de sa condition biologique, et est capable de s'auto-adapter depuis les stades les plus primitifs jusqu'aux plus évolués.
612
4. LA REPRESENTATION ANTI-EVOLUTIONNISTE
L'élève qui exprime cette représentation faitfide tous les éléments objectifs qui lui sont connus, tout simplement parce qu'ils n'entrent pas dans son référentiel religieux. Ainsi certains élèves nous renvoient expressément aux Ecritures pour décrire l'origine de la vie sur Terre: "lire la genèse dans la Bible" ou bien encore "il faut se référer au Coran". Donc, rien de ce qui est n'est accidentel, et tout ce qui existe a vocation d'exister; de même en est-il de l'existence humaine: "l'évolution n'est pas pour moi, une évolution du singeà l'homme, ou une soupe organiqueàl'homme; mais mutation pour les animaux, et progrès dû essentiellement à son intelligence età son imagination pour l'homme" nous dit avec conviction un élève. Il réinvestit ici la mutation comme mécanisme de transformation, mais seulement pour ce qu'il appelle les animaux. L'homme n'étant pasàses yeux un animal, il est dispensé de cet artifice biologique, puisqu'il est biologiquement parfaitement achevé depuis Adam et Eve.
BIBLIOGRAPHIE
GALANGAU-QUERAT(F),1990 -Les représentations de la théorie de l'évolution. In "Actes des I2èmes Journées Internationales" sur l'Education Scientifique, Chamonix les30-31et 1er Février. EdA.Giordan, J. L Martinand etC.Souchon, U. F de Didactique des Disciplines, Université Paris 7,p. 309-314.
HARPER (G. H),1980 -Speciation or irruption: the significance of the Darwin finches, Journal of Biological Education, 14,p. 99-106.
