• Aucun résultat trouvé

Sources et autonomisation du savoir historique en français : l'exemple des récits autour d'Énée dans les histoires universelles médiévales

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Sources et autonomisation du savoir historique en français : l'exemple des récits autour d'Énée dans les histoires universelles médiévales"

Copied!
463
0
0

Texte intégral

(1)

Sources et autonomisation du savoir historique en

français : l’exemple des récits autour d’Énée dans

les histoires universelles médiévales

Mémoire

Kim Labelle

Maîtrise en études littéraires

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

(2)

Sources et autonomisation du savoir historique en

français : l’exemple des récits autour d’Énée dans

les histoires universelles médiévales

Mémoire

Kim Labelle

Sous la direction de :

Anne Salamon, directrice de recherche

(3)

III

R

ÉSUMÉ

Alors que les XIe et XIIe siècles voient l’essor de la littérature vernaculaire, le domaine

historique doit attendre le XIIIe siècle avant l’apparition de la première histoire universelle

rédigée complètement en langue d’oïl, l’Histoire ancienne jusqu’à César. D’abord inspirée du genre en latin, et traduite de cette langue, l’histoire universelle en français, dans les derniers siècles du Moyen Âge, se dissocie, discrètement, de son modèle afin de devenir un genre autonome, donnant naissance à des œuvres originales. Grâce aux récits sur Énée contenus dans des histoires universelles du XIIIe au XVe siècle, il est possible d’observer les

différentes manifestations de ce phénomène d’autonomisation du savoir en français. L’utilisation de sources françaises par les récits plus tardifs au lieu de l’Énéide utilisée par les premières histoires universelles vernaculaires, vient confirmer l’autorité concrète qu’acquièrent les auteurs de textes historiques médiévaux.

Les récits concernant Énée étant inédits, l’objectif premier de ce mémoire est de donner à lire ces textes. Une première partie présente donc des transcriptions interprétatives des textes de sept histoires universelles utilisées pour cette étude, à savoir l’Histoire ancienne

jusqu’à César, la Chronique dite de Baudouin d’Avesnes, le Manuel d’histoire de Philippe de Valois, le Myreur des histors de Jean d’Outremeuse, la Fleur des hystoires de Jean Mansel,

le Miroir du Monde et la Bouquechardière de Jean de Courcy. La deuxième partie se concentre sur le genre de l’histoire universelle et se consacre plus précisément à l’évolution des récits sur Énée, leurs sources, leurs constantes, leurs différences, qui permettent d’observer la constitution d’un savoir historique autonome en français. Une attention particulière est enfin accordée à l’évolution du personnage d’Énée dans ce corpus, puisque le fils d’Anchise est le motif où on peut observer le résultat de l’évolution d’une histoire en français acquérant son indépendance face aux sources premières latines.

(4)

IV

A

BSTRACT

While the eleventh and twelfth centuries saw the rise of vernacular literature, the historical domain had to wait until the thirteenth century before the first universal history was written completely in the language of oïl, the Histoire ancienne jusqu’à César. Originally inspired by the same genre in Latin, and translated from this language, medieval universal history in French, in the last centuries of the Middle Ages, discreetly dissociates itself from its model in order to become an autonomous genre, leading to original works. Thanks to the stories about Aeneas contained in universal histories from the 13th to the 15th century, it is possible to observe the different manifestations of this phenomenon of autonomous knowledge in French. The use of French sources by later stories at the expense of the Aeneid used by the first vernacular universal histories confirms the concrete authority acquired by authors of medieval historical texts.

As the stories about Aeneas are unpublished, the primary purpose of this thesis is to give readings to these texts. The first part presents interpretative transcriptions of the texts of the seven universal histories used for this study, namely, the Histoire ancienne jusqu’à César, the Chronique dite de Baudouin d’Avesnes, the Manuel d’histoire de Philippe de Valois, the

Myreur des histors of Jean d'Outremeuse, Jean Mansel's Fleur des hystoires, the Miroir du Monde and the Bouquechardière of Jean de Courcy. The second part concentrates on the genre of universal history and more precisely on the evolution of the narratives about Aeneas, their sources, their constants, their differences, which make it possible to observe the constitution of a knowledge autonomous history in French. Particular attention is finally paid to the evolution of the character of Aeneas in this corpus, since the son of Anchises is the place where one can observe the result of the evolution of a history in French acquiring its independence from sources first Latin.

(5)

V

T

ABLE DES MATIÈRES

Résumé ... III

Abstract ... IV

Table des matières ... V

Abréviations utilisées ... IX

Remerciements ... XI

Introduction ... 1

1. La translatio imperii et studii et l’autonomisation du savoir en français ... 1

2. État de la question ... 5

3. Pertinence de la recherche ... 8

Première partie : ... 10

Transcriptions des récits autour d’Énée dans les histoires universelles du xiiie au xve siècle ... 10

Chapitre 1 – Justification des témoins ... 11

1. Choix du corpus ... 11

2. Choix des manuscrits de base et de contrôle ... 13

3. Problématique des témoins retenus ... 14

3.1. Histoire ancienne jusqu’à César ... 14

3.2. Chronique dite de Baudouin d’Avesnes ... 15

3.3. Manuel d’histoire de Philippe de Valois ... 16

3.4. Myreur des histors ... 17

3.5. Miroir du Monde ... 17

3.6. Fleur des hystoires ... 18

3.7. Bouquechardière ... 20

Chapitre 2 – Principes d’édition ... 21

1. Principes généraux ... 21

2. Principes spécifiques à la transcription de chaque texte ... 26

2.1. Histoire ancienne jusqu’à César ... 26

2.2. Chronique dite de Baudouin d’Avesnes ... 28

2.3. Myreur des histors ... 30

2.4. Bouquechardière ... 30

Transcriptions des récits autour d’Énée dans les histoires universelles ... 32

(6)

VI

Chronique dite de Baudouin d’Avesnes ... 96

Manuel d’histoire de Philippe de Valois (BnF, fr. 4939) ... 111

Manuel d’histoire de Philippe de Valois (BnF, fr. 19477) ... 113

Myreur des histors ... 115

Miroir du Monde ... 120

Fleur des hystoires ... 123

Bouquechardière ... 129

Deuxième partie : Analyse littéraire ... 227

Chapitre 1 – Le genre de l’histoire universelle au Moyen Âge ... 228

1. Définitions du genre de l’histoire universelle ... 228

2. L’histoire universelle médiévale, réception d’un genre hérité de l’Antiquité ... 231

3. L’histoire universelle médiévale latine ... 232

4. L’histoire universelle médiévale en français ... 233

4.1. Les sources des histoires universelles françaises ... 235

4.2. Les sources de l’histoire d’Énée dans les histoires universelles ... 240

5. Les mécanismes de compilation ... 245

Chapitre 2 – Émergence d’un savoir historique en français entre le xiiie et le xve siècle ... 252

1. Le récit autour d’Énée dans la Chronique dite de Baudouin d’Avesnes : une adaptation réduite de l’Histoire ancienne jusqu’à César ... 252

2. La Fleur des hystoires, un témoin de la popularité de la Chronique dite de Baudouin d’Avesnes ... 260

3. La Bouquechardière, un remaniement de l’Histoire ancienne jusqu’à César ... 265

4. Le Miroir du Monde et le Myreur des histors : une filiation complexe à établir ... 277

5. Remarques conclusives ... 281

Chapitre 3 – Énée et son histoire : une transformation qui témoigne d’une autonomie de la figure d’Énée en français ... 283

1. Le personnage d’Énée dans la littérature médiévale ... 283

2. Les différentes formes de la traîtrise d’Énée ... 287

2.1. Une traîtrise évoquée, mais rapidement oubliée (HAC, CBA, FH) ... 288

2.2. Le Miroir du Monde : une tentative de réhabilitation d’Énée ... 289

2.3. Énée et son voyage : un parcours rédempteur dans la Bouquechardière ... 293

3. Le cas particulier du Myreur des histors : une version française originale ... 298

3.1. Les modifications de la trame narrative et du donné historique ... 298

(7)

VII 4. Remarques conclusives ... 305 Conclusion ... 307 Bibliographie ... 311 1. Corpus d’étude ... 311 1.1. Corpus primaire ... 311 1.2. Manuscrits de contrôle ... 311 1.3. Autres manuscrits ... 312 1.4. Corpus secondaire ... 312 1.5. Lectures complémentaires ... 313

2. Références théoriques et critiques ... 314

2.1. Références générales et dictionnaires ... 314

2.2. Études linguistiques ... 315

2.3. Histoire et histoire universelle ... 315

2.6. Varia ... 318

Annexe 1 ... 321

MHPV... 321

Miroir du Monde ... 321

Myreur des histors ... 321

Fleur des hystoires ... 321

CBA ... 321

HAC ... 321

Abrègement ... 321

Trame virgilienne ... 321

Annexe 2 : L’HAC comme texte-source de la CBA ... 322

Annexe 3 : La CBA comme texte-source de la FH ... 345

Annexe 4 : L’HAC comme texte-source de la B ... 353

Annexe 5 : L’HAC comme texte-source du MM ... 437

Annexe 6 : Liste des témoins des histoires universelles ... 439

1. Les manuscrits de l’Histoire ancienne jusqu’à César ... 439

2. Les manuscrits de la Chronique dite de Baudouin d’Avesnes ... 442

3. Les manuscrits du Manuel d’histoire de Philippe de Valois ... 444

4. Les Manuscrits du Myreur des histors ... 446

(8)

VIII

6. Les Manuscrits de la Fleur des hystoires ... 447

7. Les manuscrits de la Bouquechardière ... 450

(9)

IX

A

BRÉVIATIONS UTILISÉES

Les références aux textes sont présentées par des abréviations correspondant au texte concerné accompagné du numéro de la ligne cité (HAC : Histoire ancienne jusqu’à César ; CBA : Chronique dite de Baudouin d’Avesnes ; MHPV1 : Manuel d’histoire de Philippe de

Valois, BnF, fr. 4939 ; MHPV2 : Manuel d’histoire de Philippe de Valois, BnF, fr. 19477 ;

MH : Myreur des histors ; FH : Fleur des hystoires ; MM : Miroir du Monde et B :

Bourquechardière).

(10)

X À LiseAndrée

(11)

XI

R

EMERCIEMENTS

Mes plus sincères et vifs remerciements vont à ma directrice de recherche, madame Anne Salamon, qui fut pour moi un modèle inspirant en raison du partage d’intérêts de recherches communs, mais également pour son humanité, sa bonté et sa présence d’esprit. Par ses conseils avisés, son investissement, son soutien et ses rétroactions rapides, elle a grandement contribué à mon épanouissement en tant que chercheuse et individu. De même, je tiens à la remercier pour la confiance qu’elle m’a accordée en m’offrant diverses opportunités de recherche et d’enseignement.

Je tiens à remercier ces personnes si importantes qui m’ont apporté support, confiance et joie de vivre tout au long de la rédaction de ce mémoire. Merci à mes parents, pour leur appui indéfectible. Grâce à eux, je peux me permettre d’étudier dans ce qui me passionne vraiment. Merci à mes belles licornes, Raphaëlle, Ariane et Rosalie, pour les fous rires, les journées pâtisserie et toutes les histoires qui ont fait de ces deux dernières années des années exceptionnelles. Merci à Stéphanie, qui depuis le début de notre aventure à Québec, entend chaque idée, chaque crainte sans jamais se lasser. Je remercie également les fantastiques personnes qui m’ont permis un peu de sociabilité pendant ma solitude d’écriture, je pense ici à Jimmy, Christian Cloutier, Christian Jaouich et Martine et qui m’ont probablement trop entendue parler d’Énée et de paléographie. Un merci tout particulier à ma sœur, Katia, pour sa présence à chaque instant de joie et de tristesse, pour ses encouragements de plus en plus farfelus, pour les moments de folie et surtout parce qu’elle croit en moi à chaque seconde. Ce cadeau est inestimable.

Pour le soutien financier, je tiens à remercier Jean-François Montreuil, le Département de littérature, théâtre et cinéma de l’Université Laval ainsi que la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines.

(12)

I

NTRODUCTION

1. La translatio imperii et studii et l’autonomisation du savoir en français

L’influence de l’Antiquité latine sur la littérature française au Moyen Âge est indéniable, surtout pour l’univers narratif, que l’on appelle souvent « matière de Rome » ou « matière antique ». Dans la littérature médiévale en français, elle se manifeste, en particulier dès le XIIe siècle, par l’apparition de romans dits « antiques », qui sont des adaptations en

français d’œuvres latines1. En effet, la pensée médiévale est d’abord caractérisée par le

phénomène de translatio imperii et studii, phénomène qui explique le déplacement du pouvoir et du savoir d’abord de la Grèce jusqu’à Rome, puis de Rome jusqu’en France. Ce passage d’est en ouest a pu s’incarner dans des histoires ou des personnages spécifiques, en particulier celui d’Énée. Ce dernier, en quittant la Grèce pour s’établir en Italie, personnifie le déplacement du savoir, mais également du pouvoir. Son voyage commence par la Grèce, avant qu’il ne s’installe en sol italien, alors que son petit-fils Brutus fondera quant à lui le royaume de Bretagne. Énée et sa lignée représentent donc ce déplacement du pouvoir vers l’ouest. Ainsi, dans cette optique de la translatio, nombre d’œuvres médiévales (en latin ou en français) reprennent le savoir et la matière mis en place par les auteurs antiques. Tandis que les XIeet XIIe siècles voient l’essor des langues vernaculaires, le latin demeure important,

puisqu’elle est la langue privilégiée le domaine religieux, les domaines scientifiques, juridiques et politiques, même si une majorité des seigneurs laïcs ne le comprennent plus et s’expriment plutôt en français, leur langue maternelle. Pour cette raison, de nombreux clercs entreprennent de traduire les textes latins en français afin d’assurer la transmission du savoir ancien et d’assurer sa diffusion auprès d’un public plus large. La translatio implique donc non seulement un déplacement de la matière latine, mais également une traduction et une

1 Les principaux romans antiques sont le Roman de Thèbes, le Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure, le

Roman d’Eneas et le Roman d’Alexandre d’Alexandre de Paris. Quant aux études sur ce sujet, nous renvoyons à Guy RAYNAUD DE LAGE, Les premiers romans français et autres études littéraires et linguistiques, Genève, Droz, 1976 et Danielle BRUSCHINGER [dir.], Le roman antique au Moyen Âge : actes du Colloque du Centre

(13)

2

appropriation2, qui s’incarne, en littérature, dans la translation de textes latins employés comme sources pour les romans antiques3.

Le phénomène de la translatio se manifeste dans l’ensemble des domaines intellectuels du Moyen Âge et notamment dans l’écriture de l’histoire. Dès le XIe siècle, on

observe chez les laïcs – et, en particulier dans l’aristocratie – un goût profond pour l’histoire, et ce jusqu’au XVe siècle. Ils accueillent alors les clercs et les historiens, les encourageant à

écrire, ce qui explique le foisonnement de ce genre littéraire pendant cette époque4. De plus,

les laïcs développent particulier pour l’inscription de leur propre histoire familiale et dynastique au sein de l’histoire du monde5, ce qui entraîne un penchant pour le récit de la guerre de Troie et de la chute de la cité, perçue comme le berceau de la civilisation occidentale.

À partir de la fin du XIIesiècle et au début du XIIIesiècle, ce mouvement d’intérêt

pour la connaissance de l’histoire du monde, mais aussi de celle du royaume de France, prend de plus en plus d’ampleur : « un vaste mouvement tend à constituer l’histoire du passé et des origines, écrite en prose française, en un genre sérieux et autonome offrant toutes les garanties d’authenticité et de véracité accordées jusqu’alors aux ouvrages en latin, langue des genres didactiques et scientifiques6. » Pour ce faire, les clercs s’inspirent d’un genre mis en

2 Comme l’indique Serge Lusignan en commentant le passage de la translatio imperii et studii dans le prologue

du Cligès de Chrétien de Troyes, le phénomène de translatio désigne, au XIIe siècle, une appropriation de la matière. Cette dernière n’est plus fixe et peut être modifiée par les auteurs écrivant en langue vulgaire (Serge LUSIGNAN, Parler Vulgairement. Les intellectuels et la langue française aux XIIIe et XIVe siècles, Montréal, Les

Presses de l’Université de Montréal, 1986, p. 160).

3 Nous faisons ici référence à L’Énéide de Virgile pour le Roman d’Eneas, les récits latins de Darès de Phrygie

et de Dictys de Crète pour le Roman de Troie, la Thébaïde de Stace pour le Roman de Thèbes et une version latine du Pseudo-Callisthène pour le Roman d’Alexandre.

4 Selon Bernard Guenée : « Or, précisément, l’histoire tenait, dans cette culture, une place fondamentale. […]

Les nobles instruits partageaient d’abord avec les clercs le goût de l’histoire troyenne » (Bernard GUENÉE,

Histoire et culture historique dans l’Occident médiéval, Paris, Flammarion, 2011, p. 315).

5 La question du mécénat s’avère très intéressante. Effectivement, de grands seigneurs tentent d’intégrer

l’histoire en tentant de rattacher leur famille à des héros du passé, désirant créer une sorte de mythologie familiale. Cependant, en ce qui concerne les histoires universelles, en l’était, il est difficile d’affirmer avec certitude l’utilisation de cette pratique. Bien qu’il y ait des hypothèses sur la question, il n’y a pas d’études qui démontrent des ajustements de l’histoire pour relier les héros à des grands seigneurs. Il s’agit certainement d’un travail qui serait à faire, que nous n’avons pas fait, puisqu’il ne s’agissait pas de l’objet de notre étude. De plus, Énée, dans les histoires universelles, n’est pas un personnage majeur, faisant en sorte que peu de seigneurs pourraient se penser comme son descendant. Il sert plutôt à expliquer le déplacement du savoir et du pouvoir, puisqu’il est l’incarnation vivante de la translatio.

6 Claude BURIDANT, « La traduction dans l’historiographie médiévale : l’exemple de la Chronique des rois de

France », dans Traduction et traducteurs au Moyen Âge, Paris, Éditions du Centre national de la recherche scientifique, 1989, p. 243.

(14)

3

place dans l’antiquité tardive, celui de l’histoire universelle7, surtout connu au Moyen Âge par des œuvres traduites en latin ou composées directement dans cette langue, en particulier l’Histoire contre les païens8 d’Orose, mais également Eusèbe de Césarée, saint Jérôme,

Isidore de Séville et bien d’autres. Suivant ce modèle, de nombreuses histoires universelles émergent au Moyen Âge, dans un désir toujours chrétien de raconter l’Histoire. Ce genre littéraire apparaît d’abord en latin, pour ensuite se constituer en français à partir du XIIIe

siècle. Adoptant toutes le même principe, raconter l’histoire du monde depuis son avènement, les histoires universelles médiévales commencent leur récit avec la Création du monde pour s’achever à des époques différentes.

Héritier d’une longue tradition grecque et latine, le texte de l’histoire universelle permet d’interroger les rapports progressivement établis avec les sources quand le genre se développe en français9. En effet, rappelons que le concept de translatio imperii et studii, c’est le savoir latin qui sert de source aux clercs français. Les histoires universelles du XIIIe siècle

s’appuient donc aussi bien sur les écrits antiques latins que sur ce qui a été écrit en latin à l’époque médiévale10. Il ne s’agit pas de traductions dites « mot à mot », mais plutôt « une traduction de conception médiévale, qui privilégie le sens sur la lettre, qui ne s’interdit ni de supprimer ni d’ajouter ni de modifier et qui en somme tient plutôt de ce que nous appellerions aujourd’hui une adaptation ; et néanmoins une traduction qui se cantonne à l’adaptation d’un texte antérieur unique et bien identifié, et vis-à-vis duquel elle se maintient d’une certaine proximité11 ». C’est pouquoi nous utiliserons le terme de traduction-adaptation pour décrire les récits qu’on trouve dans les histoires universelles. Toutefois, il est possible d’observer, dès le XIIIe siècle, un détachement de ces sources latines au profit de sources complètement

françaises. C’est ce mécanisme que nous appellerons ici un phénomène d’autonomisation du

7 Hervé INGLEBERT, Le monde, l’histoire : essai sur les histoires universelles, Paris, Presses universitaires de

France, 2014.

8 L’Histoire contre les païens est un texte qui se veut un récit de l’histoire des malheurs du monde, d’Adam

jusqu’à l’époque d’Orose. Ce dernier innove en intégrant également l’histoire des peuples orientaux et en incluant une vision très chrétienne à son récit historique.

9 L’histoire unvierselle médiévale, surtout celle qui se constitue en français, peut également convoquer plusieurs

types de sources. On peut penser certes à des histoires universelles antérieures, à des chroniques antérieures, mais également aux romans de l’antiquité, à des commentaires grammaticaux et bien d’autres. Comme il s’agit de vastes textes encyclopédiques, la nature des sources peut différer.

10 Ces sources sont développées dans le chapitre 1 de la deuxième partie, p. 236-241.

11 Silvère MENEGALDO, « De la traduction à l’invention », dans Claudio Galderisi [dir.], Translations

médiévales. Cinq siècles de traductions en français au Moyen Âge (XIe – XVe siècles), Turnhout, Brepols, 2011,

(15)

4

savoir en français. Les clercs prennent plus de liberté par rapport aux modèles originaux, en réécrivant certains passages et en les modifiant selon la pensée de l’époque, et ces modifications deviennent une nouvelle doxa qui se répand dans les textes en français. Apparaît alors une écriture fondée sur la réécriture et le recyclage dont le lien au latin n’est plus illustré que par un ou plusieurs intermédiaires. Généralement, les auteurs conservent la trame de fond d’origine mise en place par les récits latins, mais remanient une partie de l’histoire, la modifiant selon des besoins précis, et ils s’éloignent de l’écrit premier avec lequel ils peuvent n’avoir eu aucun contact direct. Dans les histoires universelles, ces modifications s’expliquent surtout par la nécessité d’adapter les sources au monde chrétien et de couper des passages jugés trop longs ou d’importance moindre : ces œuvres sont monumentales et la brièveté des récits est souvent favorisée. Les textes retenus pour ce mémoire s’échelonnent du XIIIe au XVe siècle, c’est-à-dire depuis les premiers textes

historiques en français jusqu’à ceux de la fin du Moyen Âge. Ces témoins vont peremettre d’observer le mouvement d’autonomisation de l’écriture de l’histoire en français.

Comme les histoires universelles sont des œuvres à caractères encyclopédiques, nous ne pouvons, dans le cadre d’un mémoire, prétendre traiter en diachronie la totalité de ces ouvrages. Pour cette raison, notre attention sera concentrée sur des récits concernants Énée de différentes histoires universelles. Ces derniers ont semblé être un échantillon particulièrement fécond pour explorer l’influence de la littérature latine au Moyen Âge12. Effectivement, l’œuvre de Virgile très populaire chez les médiévaux13 a d’abord fait l’objet d’une adaptation romanesque en français au XIIe siècle, et l’histoire des pérégrinations d’Énée

jusqu’en Italie se retrouve, sous une forme ou une autre, dans la très grande majorité des histoires universelles en français tout au long du Moyen Âge.

Nous tenterons donc, avec les récits sur Énée, de poser la question de l’hybridation des sources du savoir des histoires universelles et d’examiner comment ce dernier

12 Virgile, comme beaucoup d’autres auteurs latins – Ovide par exemple – était beaucoup étudié dans les écoles

médiévales. Ils étaient des incontournables de la formation des clercs. À ce sujet, nous renvoyons à notre deuxième partie au chapitre 1, p. 233-234.

13 En effet, outre la popularité de Virgile tout au long du Moyen Âge (nous référons aux pages 231-232 du

premier chapitre de la seconde partie), le personnage d’Énée se prête particulièrement bien aux desseins littéraires et culturels des auteurs médiévaux, notamment en ce qui a trait à la question des origines. À ce sujet, nous renvoyons à Émilie DESCHELLETTE, « L’identité à l’épreuve du mythe : la fabrique des origines, d’Énéas à Brutus », dans Queste, 24, 2012, p. 66-84.

(16)

5

s’autonomise en français. Les modèles des premières histoires universelles françaises du corpus à l’étude – celles du XIIIe siècle – sont latines, principalement l’Énéide14 de Virgile,

les Commentaires15 de Servius, le Speculum historiale de Vincent de Beauvais et l’Historia

scholastica de Petrus Comestor (connu également sous le nom de Pierre le Mangeur).

Cependant, il semblerait que les histoires universelles de la fin du XIIIe siècle, ainsi que celles

des XIVe et XVe siècles se distancient de ces sources latines pour se concentrer sur les textes

en français écrits parfois moins d’un siècle auparavant. Le latin ne fait donc plus office de source suprême et le français, au fur et à mesure qu’il acquiert ses lettres de noblesse, le supplante en acquérant l’autorité nécessaire pour qu’on y puise de la matière à traiter. Sera donc étudiée, dans le cadre de ce mémoire, cette constitution d’un savoir en français à travers les différentes réécritures, dans les histoires universelles, des récits sur Énée pendant les trois siècles délimités précédemment.

Nous avons retenu, pour notre corpus, des histoires universelles représentatives pour chaque siècle étudié. Pour le XIIIe siècle, nous étudierons l’Histoire ancienne jusqu’à César

et la Chronique dite de Baudouin d’Avesnes. Les textes du XIVe siècle seront représentés par

le Manuel d’histoire de Philippe de Valois ainsi que le Myreur des histors de Jean d’Outremeuse. Les textes étudiés pour le XVe siècle seront le Miroir du monde, la

Bouquechardière de Jean de Courcy et la Fleur des hystoires de Jean Mansel. Nous

reviendrons en détail sur le choix de ce corpus dans le chapitre 1 de la première partie de ce mémoire.

2. État de la question

Contrairement aux récits de la guerre de Troie16 ou ceux portant sur Alexandre17 et Jules César18, les récits sur Énée dans les histoires universelles n’ont pas fait l’objet de beaucoup

14 Jacques MONFRIN, « Les translations vernaculaires de Virgile au Moyen Âge », dans Actes du colloque de

Rome, Rome, École française de Rome, 1982, p. 202. Voir aussi Catherine CROIZY-NAQUET,Écrire l’histoire

romaine au début du XIIIe siècle, Paris, Honoré Champion, 1999 p. 21.

15 Toujours selon Catherine CROIZY-NAQUET, (ibid.) et Jacques MONFRIN, art. cit., p. 207.

16 Marc-René JUNG, La légende de Troie au Moyen Âge : analyse des versions françaises et bibliographie

raisonnée des manuscrits, Bâle/Tübingen, Francke, 1996.

17 Catherine GAULLIER-BOUGASSAS, « Histoire universelles et variations sur deux figures du pouvoir.

Alexandre et César dans l’Histoire ancienne jusqu’à César, Renart le Contrefait et le Livre de la Mutacion de Fortune de Christine de Pizan », dans Cahiers de recherches médiévales et humanistes, no 14 spécial (2007), p. 7-28.

18 Louis-Fernand FLUTRE, Li Fait des Romains dans les littératures française et italiennes du XIIIe au XVIe siècle,

(17)

6

d’études19. Jacques Monfrin, en 1982, présentait une communication sur les « Translations vernaculaires de Virgile au Moyen Âge » à Rome, traitant plus précisément du récit d’Énée dans l’Histoire ancienne jusqu’à César. Il y exposait les points communs et divergents de cette adaptation médiévale par rapport à l’Énéide, établissant cette dernière comme étant la principale source de cette histoire universelle. Les parallèles établis par Monfrin sont très éclairants et permettent de bien rendre compte de la volonté du clerc d’historiciser le récit d’Énée. L’étude réalisée par Monfrin est ainsi peut-être la seule qui soit véritablement étoffée, puisqu’elle entre dans le détail du texte et ne se contente pas de mentionner vaguement les rapports entre l’œuvre de Virgile et l’histoire universelle du XIIIe siècle.

Tout comme les récits sur Énée, les histoires universelles n’ont pas été très étudiées par la critique essentiellement pour des raisons pratiques : ce sont des textes énormes, majoritairement inédits et, pour la plupart, difficilement accessibles jusqu’à tout récemment, c’est-à-dire avant que ne se mettent en place les projets de numérisation des fonds manuscrits dans les grandes bibliothèques européennes. Depuis quelques années déjà, de nombreux chercheurs commencent à éditer des parties de ces textes, les rendant de plus en plus disponibles pour l’étude. Les histoires universelles font partie d’une très grande tradition textuelle au Moyen Âge et il est maintenant admis que cette dernière est intéressante à étudier, les textes étant des vecteurs importants de la connaissance médiévale de l’Histoire. Leur accessibilité permettra de formuler de nouvelles interrogations et de renouveler ou d’affiner la réponse à plusieurs questions, notamment en ce qui concerne leurs auteurs, leurs commanditaires, leurs sources et aussi la provenance de certains manuscrits. Sur ce dernier point, il est pertinent de mentionner le projet mené sous la direction de Simon Gaunt sur l’Histoire ancienne jusqu’à César qui pose en particulier l’hypothèse de la provenance orientale de ce texte20.

Ce mémoire s’inscrit dans une tendance d’éditions (totales ou partielles) des histoires universelles en français, qui s’est accélérée au cours de la dernière décennie. Parmi les

19 Nous savons pertinemment que l’Énéide, sa réception et son adaptation en français, a été fortement étudiée

par la critique. C’est pourquoi nous nous concentrons sur ce que l’on pourrait qualifier de « rejetons » de l’œuvre de Virgile, peu étudiés par les chercheurs, c’est-à-dire les récits sur Énée que l’on retrouve dans les histoires universelles.

20 Simon GAUNT, « Histoire ancienne : introduction », dans Medieval Francophone Literary Culture

Outside France, [en ligne]. http://www.medievalfrancophone.ac.uk/textual-traditions-andsegments/ histoire/ [Texte consulté le 6 septembre 2017].

(18)

7

chercheurs principaux ayant travaillé sur ce domaine, il est possible de citer Mary Coker Joslin21, qui a réalisé en 1986 une édition de la Genèse dans l’Histoire ancienne jusqu’à

César. Ensuite, Marijke de Visser-van Terwisga22 a fait, en 1999, une édition critique des

parties sur l’Assyrie, Thèbes et les Amazones de l’Histoire ancienne jusqu’à César. Catherine Gaullier-Bougassas, depuis 2014, travaille à l’édition complète de la

Bouquechardière23. Elle a également édité la partie sur Alexandre dans l’Histoire ancienne

jusqu’à César en 201224. Anne Rochebouet propose une édition critique de la partie sur les Perses dans l’Histoire ancienne jusqu’à César25. En dernier lieu, il faut mentionner le projet dirigé par Anne Salamon26, dont le but est de transcrire des histoires universelles du XVe siècle en entier, afin de les donner à lire et de donner une image de leur tradition

manuscrite. L’édition et l’étude des récits sur Énée dans les histoires universelles s’inscrivent dans ce mouvement visant à rendre disponibles à la critique des textes qui étaient autrefois inaccessibles.

Finalement, notre travail s’inscrit dans la réflexion plus large amorcée par Joëlle Ducos qui interroge la question de l’autonomisation du savoir en français dans La

météorologie en français au Moyen Âge (XIIIe-XIVe siècles)27. Elle traite de l’utilisation du français comme langue de savoir : bien qu’elle se penche davantage sur le genre de l’encyclopédie et qu’elle traite des savoirs scientifiques, elle explique que les clercs français ne se contentent pas seulement de traduire des théories, mais aussi qu’ils procèdent également

21 Mary Coker JOSLIN, The heard word : a moralized history : the Genesis section of the Histoire ancienne in a

text from Saint-Jean d'Acre, University Mississippi, Romance Monographs, 1986.

22 L’auteure présente une édition critique des parties mentionnées dans le premier tome. Dans le deuxième tome,

il est possible de trouver une très importante bibliographie ainsi que des chapitres très éclairants concernant la tradition manuscrite, l’édition, l’auteur, l’intérêt de l’Histoire ancienne jusqu’à César, l’analyse du manuscrit BnF, fr. 20125 ainsi qu’une section sur les passages en vers du texte.

23 Cette édition s’inscrit dans le cadre du projet « Mythalexandre », sous la direction de Catherine

Gaullier-Bougassas, qui vise à expliquer les causes de la pratique créatrice autour du personnage d’Alexandre le Grand. Voir à ce sujet le site Internet de Mythalexandre. La création d’un mythe d’Alexandre le Grand dans les littératures européennes (Xe siècle – XVIIe siècle), [en ligne]. http://mythalexandre.meshs.fr/ [Site consulté le 6

septembre 2017].

24 Catherine GAULLIER-BOUGASSAS, L’Histoire ancienne jusqu’à César ou Histoires pour Roger, châtelain de

Lille. L’histoire de la Macédoine et d’Alexandre le Grand, Turnhout, Brepols, 2012.

25 Anne ROCHEBOUET, L’Histoire ancienne jusqu’à César ou Histoires pour Roger, châtelin de Lille. L’histoire

de la Perse, de Cyrus à Assuérus, Turnhout, Brepols, 2016.

26 Nous renvoyons au site de ce projet auquel nous participons. Histoires universelles en français au XVe siècle,

[en ligne]. http://hu15.github.io/histoires-universelles-xv/# [Site consulté le 6 septembre 2017]. L’un des intérêts majeurs de ce projet est que les transcriptions des textes sont diffusées en ligne, ce qui accroît leur accessibilité.

(19)

8

à un vrai travail de création et de synthèse. Ce phénomène transparaît très bien dans les récits sur Énée des histoires universelles. Aussi cette réflexion semble-t-elle tout à fait pouvoir s’appliquer au champ historique et fournir un angle d’approche neuf pour aborder ces vastes compilations que la critique a longtemps dénigrées.

3. Pertinence de la recherche

Comme les récits énéens des histoires universelles s’avère inédits, l’accès est actuellement impossible, pour les lecteurs, à moins de déchiffrer les manuscrits.Ce faisant, transcrire et éditer les textes permet de les rendre plus accessibles et donne à la communauté littéraire la possibilité de les étudier. Ainsi, une part importante de ce mémoire est consacrée à un travail de nature archéologique : il s’agit d’établir les textes, de décrire la tradition textuelle, de justifier le choix des manuscrits retenus par rapport aux autres témoins disponibles et d’exposer les principes d’édition qui guident nos transcriptions. L’édition n’est pas critique, puisqu’un tel projet s’avérerait trop ambitieux et pourrait faire l’objet de plusieurs thèses, à lui seul28. Nous avons donc essayé de fournir une transcription interprétative qui permette au lecteur moderne de lire facilement les textes, mais également d’indiquer les problèmes textuels posés par les témoins suivis grâce à la comparaison avec d’autres témoins. L’objectif premier était simplement de les rendre disponibles, mais également de poser des jalons méthodologiquement solides pour toute personne qui voudrait ensuite utiliser ces transcriptions pour une édition critique. Le deuxième temps de ce travail est une analyse littéraire des extraits, qui tente de tirer profit de leur mise en série, ce qui, pour des raisons pratiques, ne peut jamais être fait.

Analyser les récits sur Énée dans les histoires universelles nous permet ainsi d’étudier et d’approfondir le phénomène de l’autonomisation d’un savoir historique en français. Nous avons établi précédemment que les sources des parties concernant Énée dans notre corpus étaient principalement latines. Ainsi, l’Histoire ancienne jusqu’à César repose sur l’Énéide et les Commentaires de Servius. La Chronique dite de Baudouin d’Avesnes, quant à elle,

28 En effet, il existe entre six et soixante manuscrits pour chacune des œuvres choisies et, en l’absence totale

d’études sur leurs traditions manuscrites – sauf pour l’Histoire ancienne jusqu’à César qui commence à faire l’objet de plusieurs études – le travail d’édition critique serait énorme et beaucoup trop volumineux pour un travail de maîtrise.

(20)

9

utilise comme sources le Speculum historiale de Vincent de Beauvais et l’Historia

scholastica de Petrus Comestor, tout comme le Manuel d’histoire de Philippe de Valois au

XIVe siècle. Les premiers textes de ce genre s’inspirent donc d’auteurs qui écrivent en latin.

On remarque que, pour les récits du corpus des XIVe et XVe siècles, la filiation latine des

sources perd de son autorité au profit de sources françaises, c’est-à-dire les histoires universelles qui les ont précédés. Les écrits en français acquièrent visiblement le statut d’autorité, au détriment même des textes latins. Pourtant, les adaptations du XIIIe siècle des

textes latins ne sont pas des traductions fidèles au sens moderne. Bien que l’Histoire ancienne

jusqu’à César puisse sembler très proche de la version de Virgile, le clerc a fait de

nombreuses modifications29. Ces translations sont en effet des réécritures et les changements apportés sont de plus en plus manifestes au fur et à mesure que l’on avance à travers les siècles. Les auteurs de textes en français sont donc de plus en plus détachés de la matière latine, supprimant, modifiant et ajoutant des passages, se posant ainsi comme de nouvelles autorités autonomes, affranchies des sources latines30. Dans cette optique, nous nous intéressons aux procédés de réécriture utilisés par les clercs afin de s’approprier le texte. Mettre en relation plusieurs histoires universelles nous permet d’identifier ces procédés et de comprendre jusqu’à quel point l’affaiblissement de la source latine au profit de l’utilisation de la source française peut s’opérer.

Cette réflexion sur l’autonomisation du savoir historique en français nous amène à nous questionner sur un autre sujet, à savoir la limite entre littérature et Histoire. En effet, pour toutes les histoires universelles, qu’elles soient latines ou françaises, la source est bien évidemment l’Énéide. Cependant, les récits des histoires universelles se veulent, de par leur caractère historique, le lieu d’énonciation d’une vérité. Dans les textes de notre corpus, Énée est effectivement considéré comme ayant vraiment existé et non comme une pure invention littéraire. Il est manifeste que les auteurs des histoires universelles se sont donnés beaucoup

29 Jacques MONFRIN, art. cit., p. 202-207. Quant à ces modifications, elles seront mentionnées dans la suite de

ce mémoire.

30 Il faut cependant observer que cet affranchissement de la source latine n’est pas manifesté très ouvertement.

En effet, bien que la source française soit présente, elle est rarement revendiquée dans les textes. On continue à citer des auteurs latins, ou bien à insérer des citations traduites du latin, afin de s’assurer d’un certain renom et à fournir des garants. Par contre, l’autorité des sources françaises est bel et bien mise en place, mais cela se voit plus dans le contenu du texte – les ajouts, les modifications, les suppressions – que dans le discours affiché de filiation, qui demeure sensiblement le même.

(21)

10

de mal pour rendre plus crédible le texte initial aux yeux du public médiéval chrétien31. Dans l’Histoire ancienne jusqu’à César, cela transparaît entre particulier par une suppression et une modification des éléments surnaturels ou encore par une abolition des passages purement poétiques et épiques, en particulier les nombreuses énumérations32. L’étude des procédés de réécriture réalisée dans ce mémoire se propose donc d’établir quels sont les moyens envisagés et mis en place par les auteurs pour rendre vraisemblable et véritablement historique la matière héritée directement ou indirectement de Virgile.

Finalement, l’étude de l’évolution du personnage d’Énée permet d’offrir un regard nouveau sur l’utilisation du Troyen dans les textes historiques médiévaux. En effet, le fils d’Anchise a subi une variété d’emplois, surtout dans la littérature, ce qui a récemment été étudié33, mais les modifications opérées sur son personnage dans le domaine de l’histoire posent des questions différentes et sont intimement liées aux contextes géopolitiques des derniers siècles du Moyen Âge. L’utilisation d’un Énée traître, hérité de Darès le Phrygien, dans la partie troyenne des histoires universelles et au contraire la peinture d’un héros n’ayant rien à se reprocher dans les récits concernant Énée posent alors un problème que les auteurs se doivent de résoudre. Ainsi, tout comme les récits dans les histoires universelles acquièrent une vie autonome qui ne doit plus beaucoup à la lecture directe de Virgile, le personnage d’Énée change lui aussi, s’éloignant du héros mis en place dans le récit virgilien et laissant place à un protagoniste à mi-chemin entre la trahison et la réhabilitation, une figure politique et morale complexe qui convient particulièrement aux périodes troubles de la guerre de Cent Ans34.

31 Concernant l’assimilation de la mythologie gréco-romaine par la religion chrétienne, et plus précisément sur

le concept d’évhémérisme utilisé abondamment au Moyen Âge pour intégrer les dieux et les héros dans l’histoire du monde, nous renvoyons aux travaux de Jean PÉPIN, Mythe et allégorie : les origines grecques et les contestations judéo-chrétiennes, Paris, Études augustiniennes, 1976 et Jean SEZNEC, La survivance des dieux

antiques : essai sur le rôle de la tradition mythologique dans l’humanisme et l’art de la Renaissance, Paris, Flammarion, 1980.

32 Jacques MONFRIN, art. cit., p. 202-207.

33 À ce propos, voir Jean-Claude MÜHLETHALER, Énée le mal aimé. Du roman médiéval à la bande dessinée,

Paris, Les Belles Lettres, 2016.

34 La figure d’un Énée traître est particulièrement féconde aux XIVe et XVe siècles, puisqu’elle se prête bien au

contexte déclencheur de la guerre de Cent Ans. Nombre d’auteurs reprendront cette figure pour commenter la situation politique. Nous traiterons plus en profondeur de ce sujet au chapitre 3 de la seconde partie.

(22)

Première partie :

Transcriptions des récits autour d’Énée dans les

(23)

11

Chapitre 1 – Justification des témoins

1. Choix du corpus

Il est impossible de produire un relevé de toutes les histoires universelles, parce qu’elles sont trop nombreuses, beaucoup sont inédites et, parmi ces dernières, il manque souvent aussi une étude de la tradition textuelle. L’idée qui a guidé notre choix a été de retenir des textes qui étaient très lus et largement diffusés. L’établissement de notre corpus s’est donc inspiré de la codicologie quantitative, dont les principes sont détaillés par Frédéric Duval dans Lectures françaises de la fin du Moyen Âge. Petite anthologie commentée de

succès littéraires35. La codicologie quantitative postule que lorsque, malgré tous les types de pertes et de destruction possibles depuis le Moyen Âge, un texte latin est attesté avec un seuil de conservation supérieur à 300 exemplaires, on peut alors supposer que le nombre réel était largement supérieur. Les histoires universelles retenues ici sont ainsi celles dont on conserve aujourd’hui le plus de manuscrits. Bien sûr, comme le mentionne Duval, cette méthode n’est pas la plus satisfaisante. Cependant, malgré les défauts de cette méthode, le nombre de copies parvenues à nos jours est le seul critère qui soit objectif36, même s’il dépend de différents

facteurs de conservation, et qui puisse objectivement nous permettre de considérer si l’un ou l’autre texte médiéval pouvait être estimé comme étant un « succès littéraire » pour les œuvres en français. Duval fixe le minimum de copies conservées à 50, puisque les œuvres en français sont moins nombreuses37. Par rapport au corpus qui nous concerne, nous

35 Frédéric DUVAL, Lectures françaises de la fin du Moyen Âge. Petite anthologie commentée de succès

littéraires, Genève, Droz, 2007, p. 14.

36 Comme l’expliquent Carla Bozzoloet Ezio Ornato, deux sources principales pouvaient théoriquement être

utilisées pour déterminer quels étaient les « succès littéraires » des XIVe et XVe siècles : les catalogues et inventaires de livres établis à l’époque médiévale et les manuscrits conservés. La première source s’avère cependant beaucoup moins objective, puisque trop de données sont manquantes (le nombre de documents est limité, car certaines grandes bibliothèques n’ont pas de catalogue), ce qui fait en sorte qu’elle fournit trop de données incomplètes pour servir de base à une étude. Par conséquent, le nombre de copies conservés demeure la source la plus objective (Carla BOZZOLO et Ezio ORNATO, « Les lectures des Français au XIVe et XVe siècles. Une approche quantitative », dans Ensi firent li ancessor, Mélanges de philologie médiévale offerts à Marc-René Jung, Milan, 1996, p. 713).

37 En ce qui concerne la littérature, la définition n’est pas la même au Moyen Âge qu’aujourd’hui. En effet,

selon Duval, on entend par « litteratura » ce qui est écrit et principalement en latin. Ainsi, elle comprend un bon nombre d’auctoritates latines, commençant par la Bible et comprenant des écrivains de l’Antiquité. C’est pour cette raison que nous incluons l’histoire à la littérature, car la tâche du clerc médiéval est d’abord de « commenter, compiler, remanier et prolonger les œuvres des géants qui les ont précédés », ce qui comprend

(24)

12

assouplirons quelque peu ce nombre de cinquante, puisque le nombre de témoins des textes les plus copiés qui nous sont parvenus se situe entre une trentaine et un peu plus de quatre-vingts38, nombre élevé qui ne s’explique que par le fait que certaines histoires universelles

ont connu des deuxièmes et des troisièmes rédactions39. Il faut également considérer que pour les textes des XIVe et XVe siècles, le temps de diffusion des textes est plus limité, ce qui nous

a particulièrement obligée à assouplir cette règle pour les textes plus récents. En prenant en compte ces particularités, nous avons établi un corpus de texte pour lequel il est possible d’affirmer qu’il s’agit, au Moyen Âge, des œuvres les plus diffusées, pour ce genre spécifique.

Signalons toutefois deux entorses à ces principes : le Myreur des histors de Jean d’Outremeuse et le Miroir du monde. En effet, le MH ne compte qu’onze témoins, mais il était pertinent d’ajouter un texte au corpus du XIVe siècle, puisque la partie concernant Énée

dans le MHPV ne fait que quelques lignes et ne nous donne ainsi pas assez de matière pour produire une analyse en profondeur. De plus, le MH s’avère être un texte riche en ajouts de l’auteur, ce qui incarne parfaitement le processus de distanciantion des sources latines que nous tentons de défendre. Le Miroir du Monde, texte anonyme du XVe siècle, est aujourd’hui

attesté par sept manuscrits, mais son attrait réside dans le fait que son incipit40 est à rapprocher de celui d’autres textes apparentés au genre de l’histoire universelle, c’est-à-dire la chronique. Ainsi, il est possible de trouver des incipit similaires dans la Chronique

universelle abrégée de la Création à Louis XI41 et la Chronique universelle de la Création à

non seulement les œuvres littéraires au sens où nous l’entendons aujourd’hui, mais également des œuvres qui relèvent des domaines scientifiques, historiques et religieux (Frédéric DUVAL, op. cit., p. 11).

38 Selon la section romane de l’Institut de Recherche de l’Histoire des Textes (IRHT), on dénombre 83 témoins

pour l’HAC, 54 pour la CBA, 43 pour le MHPV, 34 pour la Bouquechardière et pour la FH 42.

39 Le MHPV et la FH ont connu une deuxième rédaction, alors que l’HAC a elle-même connu une troisième

rédaction.

40 « Au commencement celluy dieu tout puissant crea le ciel et la terre, la mer, les oyseaulx, les arbres, les

estoiles dedens le firmament, le soleil et la lune pour donner clarté a la terre et a toute creature. » Paris, BnF, fr. 9696.

41 On dénombre aujourd’hui neuf témoins de cette Chronique abrégée. Deux sont des manuscrits et les sept

autres sont des imprimés datant tous des dix dernières années du XVe siècle. L’incipit de cette première chronique va comme suit : « Au commencement du monde Dieu crea le ciel et la terre, la mer, poissons, bestes, oiseaulx, arbres, herbes, le soleil, le firmament, la lune et les estoilles ». Source : Section romane, « Chronique universelle abrégée de la Création à Louis XI, Anonyme » [en ligne]. http://jonas.irht.cnrs.fr/ consulter/oeuvre/detail_oeuvre.php?oeuvre=5373 [Site consulté le 29 mars 2017].

(25)

13

Charles VII42. Comme il est difficile43 de déterminer lequel de ces trois textes a été écrit en premier, il serait imprudent d’avancer l’hypothèse selon laquelle le MM aurait influencé les deux chroniques. Cependant, il est possible d’avancer que ces trois textes étaient manifestement lus et connus et qu’ils se sont nourriss les uns les autres. Comme il s’agit de textes similaires, nous nous sommes permis un peu plus de liberté dans le calcul du nombre d’exemplaires. Par conséquent, le MM, qui est l’histoire universelle la plus longue a été choisie pour représenter ce groupe

2. Choix des manuscrits de base et de contrôle

Une édition critique est, en l’état des connaissances, impossible, car plusieurs traditions textuelles ne bénéficient pas d’une étude. Nous avons donc décidé de réaliser des transcriptions basées sur un manuscrit unique. Dans cette perspective, et en l’absence de stemma et d’étude de la tradition, il ne semblait pas pertinent d’opérer des corrections. Nous avons toutefois signalé les cas d’erreurs évidentes dans le texte ([sic]) et nous ne sommes intervenue qu’en note pour signaler ou commenter ces problèmes44, voire pour proposer une solution, quand cela était possible. Dans ce cas, nous nous sommies fiée à um manuscrit de contrôle.

En ce qui concerne les manuscrits utilisés pour réaliser les transcriptions, nos choix sont expliqués au cas par cas selon la nature des témoins. En général, nous avons essayé de fonder nos choix sur des raisons scientifiques. De nombreux textes étaient disponibles en ligne, ce qui a facilité l’accès aux témoins. Lorsque nous avons pu commander les microfilms, cette solution a été privilégiée. Dans la mesure du possible, afin de répondre à notre exigence chronologique (un corpus permettant d’établir un panorama de pratiques du

42 Selon la section romane de l’IRHT, la Chronique universelle de la Création à Charles VII se retrouve dans

sept témoins. Section romane, « Chronique universelle de la Création à Charles VII, Anonyme » [en ligne]. http://jonas/.irht.cnrs.fr/consulter/oeuvre/detailoeuvre.php?oeuvre=10123 [Site consulté le 28 mars 2017]. L’incipit de cette chronique est le suivant : « Au commencement du monde depuis que dieu olt fait ciel, terre, mer, tenebres, lumiere et les quatre elemens devises l’un de l’autre. Si fist diverses choses comme herbes, arbres, poissons oyseaulx et bestes pour le monde aourner » (Paris, Bibliothèque nationale de France, français 694).

43 Selon la section romane de l’IRHT, le MM aurait été écrit aux alentours de la moitié du XVe siècle ou dans son

troisième quart. La Chronique universelle abrégée de la Création à Louis XI, quant à elle, n’aurait pas été écrite

avant 1483, date de la fin du règne de Louis XI. En ce qui a trait à la Chronique universelle de la Création à Charles VII, elle s’arrête à la mort du roi Charles VI et au commencement du règne de Charles VII, soit aux alentours de 1422.

(26)

14

XIIIe au XVe siècle), nous avons également tenté de nous procurer les témoins les plus anciens

et les plus complets de façon à ne pas trop nous distancer de ce qu’aurait été le texte original. En explorant les traditions manuscrites nous avons remarqué que certaines histoires universelles ont connu d’importantes réécritures (la Chronique dite de Baudouin d’Avesnes par exemple), et il semblait important, dans ce cas, de retenir une version du XIIIe siècle pour

la comparer avec celles du XVe siècle. Il aurait pu être intéressant d’inclure les rédactions plus

récentes de certains textes et d’étudier les phénomènes de contamination, mais en l’absence d’étude systématique de la tradition, le choix des manuscrits à comparer aurait relevé du hasard à moins d’étudier systématiquement des traditions étudiées. Or, cette activité est à l’heure actuelle le projet d’une vie ou d’un groupe de recherche.

En ce qui concerne les manuscrits de contrôle, les choix étaient restreints pour plusieurs d’entre eux, faisant en sorte que certains de nos textes n’ont pas de témoins avec lesquels il était possible de vérifier les éléments problématiques présents dans les manuscrits de base. Ici, l’accessibilité en ligne des témoins a représenté un critère décisif pour le choix des manuscrits de contrôle.

3. Problématique des témoins retenus

3.1. Histoire ancienne jusqu’à César

L’Histoire ancienne jusqu’à César est le texte dont la tradition textuelle a été le mieux étudiée. Il existe quatre éditions de l’HAC et toutes se sont servies du même manuscrit du base, le manuscrit BnF, français 20125. La première édition, réalisée par Mary Coker Joslin45, couvre les 83 premiers folios traitant de la Genèse. La seconde, produite par Marijke Visser-Van Terwisga46traite des sections consacrées à l’Assyrie, à Thèbes, au Minotaure, aux Amazones et à Hercule. Elle inclut les folios 83 à 123. La troisième, réalisée par Catherine Gaullier-Bougassas47, se consacre à l’histoire de la Macédoine et d’Alexandre le Grand et contient les folios 220 à 258. Finalement, la quatrième édition, produite par Anne

45 Mary Coker JOSLIN, op. cit.

46 Marijke VISSER-VAN TERWISGA, Histoire ancienne jusqu’à César (Estoires Rogier), édition critique, tome I,

Orléans, Paradigme, 1995.

47 Catherine GAULLIER-BOUGASSAS, L’Histoire ancienne jusqu’à César ou Histoires pour Roger, châtelain de

(27)

15

Rochebouet48, couvre quant à elle les folios 199 à 220, traitant de la Perse, de Cyrus à Assuérus. La marche à suivre s’est ici imposée d’elle-même et il a semblé logique d’opérer le même choix, puisque le fr. 20125 se trouve également à être le manuscrit le plus ancien et le plus complet que nous possédions de l’HAC.

3.1.1. Manuscrits de contrôle

Afin de déterminer nos manuscrits de contrôle pour l’HAC, nous avons suivi les propositions de Marijke Visser-Van Terwisga49, de Catherine Gaullier-Bougassas50 et d’Anne Rochebouet51. Elles suggèrent quatre manuscrits, celui de la British Library, Additional 15268, celui de la Bibliothèque nationale de France, français 9682, le 562 de la Bibliothèque Municipale de Dijon et le 10175 de la Bibliothèque Royale de Belgique. Comme il ne s’agissait pas d’établir une édition critique, utiliser les deux premiers manuscrits nous a semblé suffisant.

3.2. Chronique dite de Baudouin d’Avesnes

Le manuscrit retenu pour la CBA est le manuscrit 683 de la Bibliothèque municipale de Cambrai. Il s’agit du manuscrit le plus ancien et il est, selon les études récentes, le plus représentatif de l’original52. La CBA est inédite et il n’existe aucune étude de sa tradition manuscrite. Bon nombre des manuscrits de la CBA sont incomplets, la plupart commençant ou s’arrêtant à Tibère (le texte semble avoir circulé en deux volumes) et, en l’absence d’étude complète, il est extrêmement difficile de trouver deux manuscrits qui se suivent. Nous sommes consciente qu’il s’agit d’une tradition qui fluctue énormément entre le XIIIe et le XVe siècle, ce qui fait en sorte qu’il peut y avoir eu un bon nombre d’interventions dans le

48 Anne ROCHEBOUET, L’Histoire ancienne jusqu’à César ou Histoires pour Roger, châtelain de Lille.

L’histoire de la Perse, de Cyrus à Assuérus, op. cit.

49 Marijke VISSER-VAN TERWISGA, op. cit., tome II, p. 11.

50 Catherine GAULLIER-BOUGASSAS, L’Histoire ancienne jusqu’à César ou Histoires pour Roger, op. cit., p. 45. 51 Anne ROCHEBOUET, L’Histoire ancienne jusqu’à César ou Histoires pour Roger, châtelain de Lille.

L’histoire de la Perse, de Cyrus à Assuérus, op. cit., p. 22-29.

52 Selon Anne ROCHEBOUET, « D’une pel toute entiere sans nulle cousture. La cinquième mise en prose du

Roman de Troie, édition critique et commentaire », thèse de doctorat en langue française, Paris, Université Paris-Sorbonne, 2009, p. 207 ; Florent NOIRFALISE, « Family Feuds and the (Re)writing of Universal History : The Chronique dite de Baudouin d’Avesnes (1278-84) », thèse de doctorat, University of Liverpool, 2009 et Anne SALAMON, « Écrire les vies des Neuf Preux et des Neuf Preuses à la fin du Moyen Âge : étude et édition critique partielle du Traité des Neuf Preux et des Neuf Preuses de Sébastien Mamerot (Josué, Alexandre, Arthur ; les Neuf Preuses) », thèse de doctorat en langue française, Paris, Université Paris-Sorbonne, 2011, p. 253.

(28)

16

texte. Toutefois, en plus d’être le plus ancien, le ms. Cambrai, BM 683 présente l’avantage d’être le seul témoin ancien complet à contenir en un seul volume tout le texte, de la Création jusqu’à 1090 et la première croisade. Notre choix est donc dicté par le souhait de disposer d’une version complète et le plus près possible de l’original.

3.2.1. Manuscrit de contrôle

Comme il n’y a pas d’études de la tradition manuscrite concernant la CBA53, nous

avons sélectionné le manuscrit de Bibliothèque Jagellonne Berol. Gall. Fol. 216, disponible en ligne.

3.3. Manuel d’histoire de Philippe de Valois

Pour ce texte, nous avons décidé de prendre deux témoins, puisqu’ils étaient chacun représentatifs d’une rédaction identifiée. En effet, le BnF, fr. 4939 est issu de la première rédaction, alors que le BnF, fr. 19477 témoigne de la deuxième rédaction. Le BnF, fr. 19477 est considéré par la critique comme étant l’un des plus anciens et comme le mentionne André Surprenant, il est dénué des « contaminations54 » créées par les continuateurs. Il s’agit également du manuscrit dont Camille Couderc se sert pour fonder son étude du contenu et la datation du Manuel d’histoire de Philippe de Valois55. En ce qui concerne la première rédaction, deux manuscrits s’offraient à nous : le français 1406 de Bibliothèque nationale de France et le fr. 4939. En l’absence d’étude sur la tradition textuelle, le choix ici a été dicté par l’accessibilité. Seuls ces deux manuscrits sont disponibles en ligne, du mooins à l’amorce de notre étude. Nous avons finalement retenu le fr. 4939, puisque le texte nous apparaissait mieux organisé, du moins pour Énée. De plus, concernant la section sur Énée, elle est, dans les deux manuscrits, quasi-similaire. Le texte semblait meilleur dans celui que nous avons choisi, même s’il est très difficile de juger de l’ensemble à partir d’un si petit fragment.

53 D’ailleurs, notre manuscrit de contrôle ne figure pas sur les listes établies par ARLIMA ou la section romane

de l’IRHT.

54 André SURPRENANT, «“ Unes petites croniques abregees sur Vincent” : nouvelle analyse du manuel dit “de

Philippe VI de Valois” », dans Serge Lusignan, Alain Nadeau et Monique Paulmier-foucart[dir.], Vincent de Beauvais : intentions et réceptions d’une œuvre encyclopédique au Moyen Âge. Actes du XIVe colloque de

l’Institut d’études médiévales, organisé par l’Atelier Vincent de Beauvais et l’Institut d’études médiévales. 27-30 avril 1988, Saint-Laurent, Bellarmin, Paris, Vrin (Cahier d’études médiévales. Cahier spécial 4), 1990, p. 441.

55 Camille COUDERC, « Le Manuel d’histoire de Philippe VI de Valois », Études d’histoire du Moyen Âge dédiées

(29)

17

Comme ce texte est très bref, il semblait peu pertinent pour contribuer à l’établissement de la tradition d’ensemble. Seules d’autres études sur les différents passages pourront venir faire la lumière sur cette tradition.

3.4. Myreur des histors

Le premier critère de sélection a été de trouver un manuscrit qui contienne de manière complète le premier livre, où se situe l’histoire d’Énée. Le manuscrit 10455 de la Bibliothèque royale de Belgique à Bruxelles est celui offre la version la plus aboutie56. De plus, comme nous choisissons des manuscrits qui sont le plus près possiblede la période de rédaction originale, le ms. 10455, qui date du XVe siècle, s’impose. De plus, le ms. 10455 est

celui qu’utilisent Adolphe Borgnet et Stanislas Bormans dans leur édition du MH57. Ce faisant, faute de nouvelle étude sur la tradition textuelle, il a semblé nécessaire que notre manuscrit de base soit celui-ci. Bien que le manuscrit 19303 date également de la même époque, il est incomplet, ce qui nous a empêchée de nous en servir comme manuscrit de base. Alors que le ms. 10455 est désigné comme manuscrit A par Palumbo, le ms. 19303 vient en deuxième choix, puisqu’il lui assigne la lettre B. Le troisième témoin, le manuscrit II. 3029, qui contient lui aussi le premier livre, date du XVIe siècle, ce qui l’élimine d’emblée, puisque

nous recherchons une proximité avec le texte d’origine. Par ailleurs, comme le mentionne Palumbo, il semblerait que les folios huit à vingt-quatre de ce manuscrit soient d’une main plus récente. Comme nous n’avons pas non plus eu accès à ce témoin, nous ne pouvions prendre le risque que l’histoire d’Énée fasse partie de ces folios plus tardifs.

3.5. Miroir du Monde

Pour le MM, la liste des témoins est plus courte. Nous avons retenu le manuscrit de la Bibliothèque nationale de France, français 9686 parce que tous les autres présentaient des

56 Selon Giovanni Palumbo, seuls trois manuscrits contiennent le premier livre du Myreur des histors : celui

que nous utilisons, c’est-à-dire le manuscrit 10455 de la Bibliothèque royale de Belgique, le II. 3029 et le manuscrit 19303, tous situés au même endroit. Ces deux derniers sont cependant incomplets, ne contenant que des parties du premier livre du MH (Giovanni PALUMBO, « Myreur des Histors de Jean d’Outremeuse », dans Maria Colombo Timelli, Barbara Ferrari, Anne Schoysman et François Suard [dir.], Nouveau répertoire de mises en prose (XIVe-XVe siècle), Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 591-610).

57 Adolphe BORGNET et Stanislas BORMANS, Le Myreur des histors, chronique de Jean des Preis dit

Références

Documents relatifs

prenaient conscience de ce devoir moral, notre coopérative pourrait alors assumer son rôle en toute indépendance et réduire au strict minimum les compromis,

Le Jardin de Petitou est installé à Vic-le-Fesq dans un petit local qui nous permet de préparer les paniers, de stocker les produits et de gérer la vie de l’asso-

Au sein de la communauté nous utilisons le nom de Zenk Roulette, le principe est simple nous choisissons une application open source que nous installons sur nos serveurs, à partir

Au sein de la communauté nous utilisons le nom de Zenk Roulette, le principe est simple nous choisissons une application open source que nous installons sur nos serveurs, à partir

Au sein de la communauté nous utilisons le nom de Zenk Roulette, le principe est simple nous choisissons une application open source que nous installons sur nos serveurs, à partir

Au sein de la communauté nous utilisons le nom de Zenk Roulette, le principe est simple nous choisissons une application open source que nous installons sur nos serveurs, à partir

Notre position est ambiguë nous devons l'admettre, nous prônons le partage des connaissances sans restriction, c'est la pierre angulaire de la communauté, mais nous ne sommes

Généralement si au bout d'un mois nous n'avons pas de réponse des propriétaires nous rendons publique le rapport, dans le cas contraire nous nous arrangeons avec les propriétaires