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ans à l’école maternelle : spécificités du curriculum,
spécialité des enseignants
Frédéric Charles
To cite this version:
Frédéric Charles. Découvrir le monde de la nature et des objets avant six ans à l’école maternelle : spécificités du curriculum, spécialité des enseignants. Education. Université René Descartes - Paris V, 2012. Français. �NNT : 2012PA05H023�. �tel-00789811�
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________________________________ cole doctorale n¡ 180 Ç SHS È!
________________________________
Dcouvrir le monde de la nature et des objets avant six ans lÕcole maternelle : spcificits du curriculum, spcialit des enseignants.
__________________________________
Frdric CHARLES
Thse de doctorat, sciences de lÕducation,
sous la direction de M. Jol LEBEAUME et de M. Gilles BAILLAT __________________________________
Soutenue le 30 novembre 2012, 14 heures Amphithtre Durkheim, La Sorbonne
__________________________________ Membres du jury :
Gilles BAILLAT Professeur des Universits. Universit de Reims Champagne-Ardenne.
Jol BISAULT Matre de confrences. Habilit Diriger des Recherches. Universit de Picardie Jules Verne.
Jol LEBEAUME Professeur des Universits. Universit Paris Descartes. Daniel NICLOT Professeur des Universits. Universit de Reims
Champagne-Ardenne.
Danile PRISSET Professeure. Haute cole Pdagogique du Valais et Universit de Genve.
__________________________________
N¡ attribu par la bibliothque
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Laboratoire ducation et Apprentissage (EDA).
quipe dÕaccueil (EA 4071) du dpartement sciences humaines et sociales de lÕUniversit Paris Descartes. Sorbonne Paris Cit.
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Ddicace
Ë Isabelle. Je tÕavais dit, il y trs longtemps, que ton prnom figurerait sur ce mmoire et quÕil nÕappartiendrait quÕ nous deux de savoir ce quÕil y aurait dÕcrit ensuite. Isa, tu tais mes cts quand jÕai crit toutes ces lignes : je te les ddie. Merci.
Remerciements
Ë mes deux directeurs de thse, Gilles Baillat et Jol Lebeaume qui ont su guider mes pas durant ce parcours doctoral.
Merci Gilles Baillat pour le regard incisif quÕil a port sur la mthodologie de cette recherche et ses critiques constructives lors des sminaires doctorants rmois.
Merci Jol Lebeaume pour ses qualits diverses et varies : son plaisir communicatif lors des moments de recherche depuis Ç la commission Lagarrigue È, son exceptionnelle disponibilit en prsentiel ou distance, sa rigueur scientifique et ses qualits humaines. Je remercie Danile Prisset et Jol Bisault dÕavoir accept dÕtre les rapporteurs de cette thse, et Daniel Niclot, dÕavoir accept dÕexaminer mon travail.
Je remercie Jol Bisault pour les changes informels et stimulants que nous avons eus lors de ces annes de recherche.
Aux chercheurs des divers laboratoires que jÕai frquents depuis 2007 : ceux de Cachan, STEF tout dÕabord, o jÕai fait mon Master 2. Ensuite ceux dÕEDA, Paris, et enfin, ceux du CEREP Reims. Je remercie particulirement Jean-Louis Martinand, Maryline Coquid, lisabeth Chatel et Daniel Niclot pour les discussions quÕils ont menes en sminaires doctorants.
Aux tudiants de M2 et doctorants de ces laboratoires, nombreuxÉ mais deux en particulier : Christian pour sa gentillesse, sa rigueur, ses conseils aviss pour les dernires tapes de cette aventure ; Claire ensuite, pour tous nos changes Ç informels È durant ces 5 annes.
Je remercie lÕUniversit de Reims Champagne-Ardenne pour mÕavoir octroy une dcharge doctorale pendant deux annes.
Ë Lucile Barbris, Prsidente de lÕAGEEM jusquÕen 2011, pour sa chaleur mridionale, son engagement et son enthousiasme communicatif. Elle mÕa permis de rcolter des donnes empiriques dans des conditions optimales en juillet 2010 Annecy.
Je remercie les adhrentes de lÕAGEEM que jÕai croises aux congrs dÕHyres-les-Palmiers et dÕAnnecy. Leurs sourires, leur dynamisme ont t rafraichissants pendant ces deux congrs. Je remercie aussi toutes celles qui ont accept de renseigner le questionnaire sur le site dÕAnnecy.
Je remercie sincrement toutes les personnes qui ont pris le temps de relire ma thse et de faire des suggestions complmentaires : Jeannine, Marc, Isabelle et Frdrique.
JÕai t trs touch par les rponses aux invitations que jÕai passes pour ma soutenance. Merci pour les mots ou la prsence lors de cette dernire phase de travail.
Aux enseignantes des classes maternelles qui ont particip cette aventure. Elles mÕont accord beaucoup de leur temps prcieux. Sans elles, une grosse partie de ce travail nÕexisterait pas. Je tiens leur exprimer respect et admiration pour leur travail et ma sincre gratitude.
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Sommaire
Introduction 5
Premire section. Problmatique de la recherche 10
Partie 1 : Enseigner lÕcole maternelle : une spcialit ? 11
Chapitre 1 : Contexte de la recherche 12
Chapitre 2 : Une spcialit des enseignantes de lÕcole maternelle 25
Partie 2 : Panoramas de recherches 31
Chapitre 1 : Tendances dans les investigations des pratiques
enseignantes 32
Chapitre 2 : Des recherches sur/pour lÕcole maternelle 41 Chapitre 3 : Des recherches sur/pour lÕducation scientifique et
technologique des jeunes enfants de moins de six ans 48 Chapitre 4 : Bilan et positionnement de la recherche 53
Partie 3 : Approche curriculaire et discussion conceptuelle 56
Chapitre 1 : Une approche du curriculum 57
Chapitre 2 : Ç The questions of curriculum È : une proposition de Dillon 63 Chapitre 3 : Ç Who ? È : pratiques et spcialit enseignantes 85
Deuxime section. Investigation des pratiques contemporaines 101
Partie 1 : Des pratiques restitues dans des carnets de bord 102
Chapitre 1 : Trois entretiens exploratoires 104
Chapitre 2 : crits rflexifs, entretiens et analyse de contenu 110
Chapitre 3 : Dix pratiques restitues 136
Chapitre 4 : Synthse des dix pratiques restitues 272
Partie 2 : Des pratiques dclares par questionnaire 276
Chapitre 1 : Des questions 277
Chapitre 2 : Des rponses 280
Partie 3 : Tendances pour caractriser une spcialit enseignante 338
Chapitre 1 : Principaux rsultats 339
Chapitre 2 : Proposition dÕattributs caractrisant la spcialit des
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Troisime section. Un enracinement historique des pratiques 351
Chapitre 1 : Une enqute historique 352
Chapitre 2 : Gense et stabilisation de lÕcole maternelle (1881-1970) 358 Chapitre 3 : Le Ç fleuron È intgr et remis en cause (1970-2012) 374
Chapitre 4 : Enracinements historiques 448
Discussion et conclusion 454
Chapitre 1 : Apports et perspectives de recherche 455 Chapitre 2 : Regard critique sur la recherche mene 459
Chapitre 3 : Propositions pour la formation 465
Bibliographie et figures 469!
1. Rfrences 470
2. Sources 480
3. Index des figures 483
Table des matires 489!
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En France, depuis la rcente rforme dite de la Ç masterisation È1 , les enseignants doivent possder le grade de Master pour pouvoir enseigner dans les diffrentes structures dÕenseignement de lÕducation Nationale : coles maternelles ou lmentaires pour le primaire, collges ou lyces pour le secondaire. En plus de ce diplme, ces matres doivent russir un concours de recrutement (CRPE2 ou CAPES3 notamment, ou encore CAPET4 ou CAPEPS5É) pour devenir titulaires.
Dans ce contexte de rforme, depuis 2010, des masters prparant au professorat des coles ont t construits et mis en Ïuvre dans les universits franaises. En France, un tudiant diplm dÕun Master et ayant russi le concours du CRPE peut enseigner en cole primaire, indiffremment en lmentaire ou en maternelle. Cette dernire cole est aujourdÕhui compltement intgre au systme ducatif. Constituant le premier segment de la scolarit, elle est considre, selon lÕexpression convenue, comme le Ç fleuron de ce systme È. La maternelle est la structure dÕaccueil de la petite enfance la plus frquente en France par les enfants gs de deux six ans, avant la scolarit obligatoire. Ainsi, la diffrence de nombreux pays, notamment europens, lÕducation prscolaire est confie des professeurs des coles hautement diplms ( BAC+5).
Cette recherche propose de caractriser la professionnalit de ces enseignants de maternelle par lÕexamen de leurs pratiques relatives la prise en charge de la premire ducation scientifique et technologique (ST) dont ils ont la responsabilit. Cette thse sÕinscrit dans la ligne des travaux portant sur la professionnalit (par exemple : Bourdoncle et Mathey-Pierre, 19956 ; Bourdoncle, 2000 ; Prisset, sous presse7) et complte ceux qui portent particulirement sur la professionnalit des enseignants du premier degr (par exemple : Baillat, 20018 et 20039 ; Coquid, Le Tiec et Garel, 200710 ; Philippot, 200811).
Depuis 192112, il existe une indiffrenciation institutionnelle du statut des personnels enseignants en lmentaire et maternelle (mme concours de recrutement, mme formation et rmunrationÉ). Pourtant, lÕcole maternelle a une histoire qui la distingue fortement de lÕcole lmentaire. CÕest ce constat qui fait poser lÕhypothse centrale de la recherche conduite et prsente : lÕexistence
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1 Ministre de lÕducation nationale, de lÕEnseignement suprieur et de la Recherche (2010). Bulletin
Officiel n¡ 1 du 7 janvier 2010.
2 Concours de Recrutement des Professeurs des coles.
3 Certificat dÕAptitude au Professorat de lÕEnseignement du Second degr. 4 Certificat dÕAptitude au Professorat dÕducation Physique et sportive. 5 Certificat dÕAptitude au Professorat de lÕEnseignement Technique.
6 Bourdoncle, R. et Mathey-Pierre, C. (1995). Autour du mot professionnalit. Recherche et formation,
19, 137-148.
7 Prisset, D. (sous presse). Mais pourquoi parle-t-on tellement de professionnalisation ? Entre
sociologie des professions et nouvelles gouvernances : rflexion autour dÕun concept polymorphe. In B. Wenzel, R. Malet et V. Lussi (d.), Professionnalisation de la formation des enseignants : des
fondements aux retraductions nationales. Berne : Peter Lang.
8 Baillat, G. (2001). Enqute sur la polyvalence des enseignants du premier degr. Rapport de
recherche. Reims : IUFM de Champagne-Ardenne.
9 Baillat, G. (2003). Polyvalence, conceptions didactiques et partage du travail chez les enseignants
du premier degr. Rapport de recherche. Reims : IUFM de Champagne-Ardenne.
10 Coquid, M., Le Tiec, M. et Garel, B. (2007). Exploiter des espaces pour dcouvrir la nature et les
objets. lments de professionnalit dÕenseignants de cycles 1 et 2. Aster, 45, 17-28.
11 Philippot, T. (2008). La professionnalit des enseignants de lÕcole primaire : les savoirs et les
pratiques. Thse de doctorat, Universit de Reims. 500 pages.
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dÕlments spcifiques de la professionnalit des enseignants de la maternelle, les diffrenciant ainsi de leurs collgues de lÕlmentaire. Ces lments dfiniraient une spcialit, concept initialement propos par Martinand (199513) puis dvelopp et discut par Lebeaume (2008a14) et Bisault (2011a15).
Pour mettre au jour cette spcialit considre comme fondamentalement associe la spcificit de lÕorganisation des contenus de lÕcole maternelle, la recherche se positionne dans les perspectives des travaux de didactique du
curriculum (Lebeaume, 200016 ; Martinand, 200317).
LÕinvestigation de cette spcialit est mene selon trois approches complmentaires :
- Des carnets de bord tenus par dix enseignants, associs des entretiens ; - Un questionnaire renseign par 92 enseignants ;
- Une enqute historique permettant de rvler lÕenracinement historique des pratiques objectives par les deux premires investigations.
Ce manuscrit est constitu par trois sections :
- La premire section, consacre la problmatique, est divise en trois parties :
! La premire partie prsente les enjeux scientifiques et socio-ducatifs de la recherche, ainsi que le contexte gnral de cette thse, celui de lÕcole maternelle. Elle caractrise les contenus qui y sont enseigns (notamment ceux relatifs lÕducation ST) ainsi que les pratiques associes. LÕexamen de quelques discours sur (et pour) lÕcole maternelle permet de poser lÕhypothse de travail dveloppe dans cette recherche : lÕexistence dÕune spcialit des enseignants de maternelle, ensemble de caractres les diffrenciant de leurs collgues exerant en lmentaire.
! La deuxime partie dresse Ç lÕtat de lÕart È propos de lÕobjet de recherche. Elle propose lÕexamen dÕun ensemble de travaux traitant de la professionnalit, de lÕcole maternelle et de lÕducation ST des jeunes enfants.
! La troisime partie discute les diffrents concepts ncessaires cette recherche et ainsi son positionnement thorique. Le concept de curriculum, central, permet dÕapprhender les diverses dimensions de lÕobjet et de le circonscrire.
- La deuxime section, organise en trois parties, prsente deux investigations des pratiques contemporaines des enseignants de maternelle :
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13 Martinand, J.-L. (1995). Pour la pratique des sciences et de la technologie. Ides directrices pour
penser les sciences et la technologie lÕcole. In : J.-L. Martinand (Dir.), Dcouverte de la matire et
de la technique (pp. 5-16). Paris : Hachette.
14 Lebeaume, J. (2008a). Les sciences et la technologie dans lÕenseignement obligatoire : curriculums
et spcialits enseignantes. In A. Hasni & J. Lebeaume (Dir.), Interdisciplinarit et enseignement
scientifique et technologique (pp. 33-49). Sherbrooke/Lyon : ditions du CRP/INRP.
15 Bisault, J. (2011a). Contribution lÕlaboration curriculaire dÕune ducation scientifique lÕcole
primaire : modlisation des moments scolaires vise scientifiques. Mmoire dÕHabilitation Diriger
des Recherches, cole Normale Suprieure de Cachan. 191 pages.
16 Lebeaume, J. (2000a). LÕducation technologique. Histoires et Mthodes. Paris : ESF.
17 Martinand, J.-L. (2003). LÕducation technologique lÕcole moyenne en France : problmes de
didactique curriculaire. Revue canadienne de lÕenseignement des sciences, des mathmatiques et
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! La premire partie dtaille et argumente la premire mthode utilise pour investiguer les pratiques enseignantes relatives lÕducation ST. Aprs lÕexpos des informations tires de trois entretiens exploratoires, sont prsents les rsultats du suivi de dix enseignants de maternelle rpartis en deux populations, lÕune exprimente, lÕautre dbutante en maternelle. Ces pratiques sont restitues par les enseignants lors du suivi, effectu pendant deux ou trois trimestres, lÕaide de carnets de bord associs des entretiens semi-directifs. Les transcriptions de ces carnets et des entretiens correspondants constituent un premier ensemble de donnes empiriques.
! La deuxime partie prsente une seconde mthode dÕinvestigation des pratiques contemporaines : un questionnaire. Les pratiques ainsi dclares par un chantillon de 92 enseignants constituent un autre ensemble de donnes empiriques. Leur analyse permet, dÕune part, de prciser les parcours ducatifs en sciences et technologie lÕcole maternelle et dÕautre part, de spcifier les pratiques.
! La troisime partie, conclusive, est une synthse des rsultats des deux parties prcdentes. Elle propose un ensemble dÕattributs pour caractriser la spcialit des enseignants de maternelle. LÕhomognit observe dans les pratiques rvles par les deux investigations entrane lÕmission de lÕhypothse explicative de leur enracinement historique profond.
- CÕest cette hypothse qui est teste dans la troisime section, constitue de quatre chapitres :
! Le premier chapitre prsente lÕenqute historique mene partir de deux types de sources : lÕensemble des textes et programmes officiels parus depuis 1881 et deux revues professionnelles, LÕcole Maternelle Franaise et LÕducation Enfantine tudies sur la priode 1970-2008. Ces sources sont compltes par quelques ouvrages pdagogiques.
! Le deuxime chapitre propose une analyse des sources sur la priode 1881-1970 et le troisime sur 1970-2008.
! Le dernier chapitre discute lÕenracinement historique des pratiques. Elle permet de complter la caractrisation de la spcialit des enseignants de lÕcole maternelle en proposant des attributs supplmentaires.
Ce mmoire sÕachve par une discussion de la recherche mene dans ses dimensions conceptuelles et mthodologiques. Les perspectives majeures ouvertes par cette thse sont ensuite prsentes et enfin, en conclusion, sont suggres des pistes prospectives pour la formation des enseignants de lÕcole maternelle.
Des annexes, sous forme numrique (CD-ROM joint), accompagnent le prsent mmoire. Elles distinguent les travaux empiriques mens :
- Annexes 1 : elles concernent lÕtat de lÕart. Dans ces annexes, est prcis le
corpus des communications dÕun colloque tudi (Lyon, 2011). La feuille de
calcul utilise pour lÕanalyse de ce corpus est mise disposition.
- Annexes 2 : elles prsentent les premires explorations concernant les pratiques restitues et rassemblent les transcriptions et analyses dtailles des trois entretiens exploratoires.
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- Annexes 3 : elles portent sur la premire investigation et fournissent le guide des entretiens semi-directifs, les transcriptions des entretiens et carnets de bord, ainsi que lÕanalyse dtaille de ces discours sur les pratiques.
- Annexes 4 : elles portent sur la deuxime investigation par questionnaire, avec la mise disposition de la transcription des rponses et de la feuille de calcul utilise pour analyser ces rponses.
- Annexes 5 : elles concernent la troisime investigation par enqute historique. La feuille de calcul utilise pour analyser le corpus constitu par des documents des deux revues professionnelles est fournie.
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Premire section.
Problmatique de la
recherche
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Partie 1.
Enseigner lÕcole
maternelle : une spcialit ?
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Chapitre 1. Contexte de la recherche
Ce premier chapitre prsente le contexte et les enjeux de la recherche. Cette prsentation permet, dans le second chapitre, de poser lÕhypothse centrale de ce travail, lÕexistence dÕune spcialit enseignante en maternelle.
1. LÕcole maternelle franaise
Dans le paysage franais des structures dÕaccueil de la petite enfance, lÕcole maternelle se distingue de la crche ou de la halte-garderie par son orientation fondamentalement ducative prise au tournant des annes 1950-1960 (Prost, 198118).
LÕcole maternelle possde la particularit dÕaccueillir de trs jeunes enfants : la France et la Belgique sont en effet les seuls pays accepter des enfants gs de deux ans (INRP, 200519). Bien que facultative, lÕinstruction tant obligatoire en France pour tous les enfants gs de six ans rvolus20, la maternelle est caractrise par sa grande frquentation : elle accueille en effet la quasi-totalit des jeunes franais gs de deux six ans : environ un quart (23,5%) des enfants de deux ans, 95% de ceux de trois ans et 98% - voire plus - des enfants de quatre et cinq ans (Insee, 2009). Pour les parents franais, confier leurs enfants la maternelle est un acte naturel car elle fait en quelque sorte partie du paysage scolaire et aller en maternelle est un Ç rite de passage È oblig comme peut lÕtre celui de lÕentre lÕcole lmentaire ou au collge.!
Dans la tradition organisationnelle installe la fin du XIXe sicle21, comme lÕcole lmentaire, au collge ou au lyce, les lves sont regroups dans des classes en fonction de leur ge : lÕcole maternelle comprend ainsi traditionnellement trois classes : la petite section (PS), la moyenne section (MS) et la grande section (GS) accueillant respectivement les enfants de trois, quatre et cinq ans. Elle peut compter parfois une trs petite section (TPS) pour les enfants gs de deux ans.
LÕcole maternelle est intgre compltement lÕensemble du systme ducatif et constitue le premier niveau de la scolarit franaise. Elle prcde lÕcole lmentaire avec laquelle elle forme lÕcole primaire qui prpare au second degr reprsent par deux types dÕtablissements, le collge puis les lyces professionnel, gnral et technologique.
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18 Prost, A. (1981). Histoire gnrale de lÕenseignement et de lÕducation en France, tome 4. Paris :
Nouvelle Librairie de France.
19 INRP (2005). L'ducation avant six ans. Lettre d'information de la Veille Scientifique et
Technologique, 11.
20 Article L.131-2 du Code de lÕducation.
21 Grard (1887, cit par Lebeaume, 2008b) considre Ç quÕ la suite de lÕducation de la premire
enfance, les programmes de lÕcole sont rpartis selon trois grandes divisions : le cours lmentaire ou cours dÕinitiation, le cours moyen dont le but est de constituer le fonds de connaissances et le cours suprieur o lÕenseignement sÕlve. Cette structuration marque durablement lÕcole et la scolarit obligatoire. Elle est toujours identifiable dans la dsignation des cycles en 1995 È.
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LÕintgration lÕdifice scolaire, stabilise par le dcret du 6 septembre 1990, fait suite la loi dÕorientation de 198922 qui organise lÕenseignement primaire en cycles pluriannuels et qui place la grande section de maternelle cheval sur deux cycles (le cycle des apprentissages premiers et le cycle des apprentissages fondamentaux qui se poursuit lÕcole lmentaire). Cette section se situe prsent pleinement dans le cycle des apprentissages premiers.
LÕcole maternelle est ainsi devenue le premier segment de la scolarit en France, charge de la construction de premires comptences clairement explicites23 et prcises dans les programmes de 199524 sous forme dÕune liste dÕapprentissages, de contenus et dÕactivits.
Sans sombrer dans la tautologie, et en paraphrasant les paroles du Ministre de lÕducation Nationale Jean-Pierre Chevnement (198625) Ç lÕcole maternelle est une cole qui met en place les premiers apprentissages È. La maternelle est en effet une structure dÕducation singulire dans le paysage des structures prscolaires car elle constitue un lieu dÕenseignements et dÕapprentissages : elle est une vritable cole avant la Ç grande cole È, celle qui est obligatoire, lÕlmentaire.
Un rcent film du SNUIpp26, disponible en DVD, montre dÕailleurs lÕorientation fondamentalement Ç scolaire È prise par la maternelle. Intitul Ç Bravo ! Ë lÕcole maternelle, on apprend È, il cherche montrer le rle ducatif jou par les enseignantes27 de lÕcole maternelle.
Depuis sa cration qui remonte au dcret du 2 aot 1881, lÕcole maternelle a su se construire une rputation non conteste, accdant mme au statut de Ç fleuron È du systme ducatif franais (Delauney, 197228). Ce statut sÕest install depuis lÕamplification de sa frquentation des annes 1950-1960, mouvement que Prost (198129) qualifie dÕ Ç cole maternelle pour tous È car elle sÕest vue alors reconnue par tous et en particulier par les milieux favoriss. La maternelle franaise a t longtemps prsente comme un domaine prserv et a servi de rfrence pour de nombreux pays trangers : elle est ainsi devenue dans le monde ducatif franais Ç un modle quasi mythique È (Bouysse, 200330) teint dÕune bonne image.
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22 Ministre de lÕducation nationale (1989). Bulletin officiel spcial n¡4 du 31 aot 1989.
23 Ç LÕcole maternelle permet aux jeunes enfants de dvelopper la pratique du langage et d'panouir
leur personnalit naissante par l'veil esthtique, la conscience de leur corps, l'acquisition d'habilets et l'apprentissage de la vie en commun. Elle participe aussi au dpistage des difficults sensorielles, motrices ou intellectuelles et favorise leur traitement prcoce. È. Ministre de lÕducation Nationale (1989).
24 Ministre de lÕducation Nationale (1995). Bulletin Officiel n¡ 45 du 8 dcembre 1995.
25 Ministre de lÕducation nationale (1986). Supplment au Bulletin Officiel n¡7 du 20 fvrier 1986.
Orientations pour lÕcole maternelle.
26 Syndicat National Unitaire des Instituteurs professeurs des coles et pegc.
27 Le fait que la grande majorit des enseignants de maternelle soient des enseignantes (96%)
conduit utiliser dans la suite de ce travail le fminin. Employer le masculin serait en effet trompeur : il y a en effet 99% de femmes en PS et en MS et 90% en GS. Que le lecteur sache que ce fminin dÕusage inclut les hommes instituteurs ou PE en maternelle.
28 Delauney, A. (1972). Les orientations de lÕcole maternelle franaise. Paris : Nathan. 29 Prost, A. (1981). Op. cit.
30 Bouysse, V. (2003). LÕcole maternelle, un modle quasi mythique ? La revue de lÕinspection
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Pourtant, malgr cette image positive et depuis quelques annes, la maternelle est au cÏur dÕun vif dbat politique aliments par divers rapports (Juilhard, 200931 ; Bouysse, Claus et Szymankiewicz, 201132 ; Papon et Martin, 200933 ; Tabarot, 200834) et propos dÕun Ministre de lÕducation nationale (Darcos, 200835). Selon ces rapports, lÕcole maternelle nÕest pas adapte lÕaccueil de ces jeunes enfants et Tabarot (200836) propose de dvelopper de nouvelles structures dÕaccueil de la petite enfance, des Ç jardins dÕveil È37.
Malgr le niveau trs lev de la frquentation scolaire des ges considrs comme prcoces, une dernire spcificit franaise mise en avant par Langlois (200238) est le faible engagement de la France dans le dbat international sur la qualit et lÕefficacit. Dazay (200839), inspecteur de lÕducation nationale, dplore galement ce faible engagement et dnonce le cot lev des maternelles, qui pour lui, sont des tablissements envahis par les jeux et impuissants faire reculer les ingalits. Mettre cte cte deux titres dÕouvrages rcents, celui de Dazay dÕune part (Ibid.), Il faut fermer les coles maternelles, et celui de Boisdon et Poblete (200940) dÕautre part, Sauvons la maternelle !, met en vidence les vives tensions actuelles qui existent autour de lÕcole maternelle franaise. Le Ç fleuron du systme ducatif franais È serait ainsi pass Ç de lÕassurance au doute È (Bouysse, 200741).
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31 Juilhard, J.-M. (2009). LÕaccueil des jeunes enfants en milieu rural. Rapport au nom de la
commission des affaires sociales du Snat, 545.
32 Bouysse, V., Claus, P. et Szymankiewicz, C. (2011). LÕcole maternelle. Rapport Monsieur le
Ministre de lÕducation Nationale, de la jeunesse et de la vie associative, 108.
33 Papon, M. et Martin, P. (2009). Accueil des jeunes enfants pour un nouveau service public. Rapport
au nom de la commission des affaires culturelles du Snat, 47.
34 Tabarot, M. (2008). Rapport au Premier Ministre sur le dveloppement de lÕoffre dÕaccueil de la
petite enfance.
35 Le 3 juillet 2008, Xavier Darcos, alors Ministre de lÕEducation Nationale fait en effet monter la
tension en contestant lÕemploi, la maternelle des futurs professeurs des coles plus qualifis, et en affichant involontairement son ignorance du fonctionnement dÕun tablissement rserv aux enfants propres dans cette dclaration qui a marqu les esprits : Ç Est-ce qu'il est vraiment logique, alors que nous sommes si soucieux de la bonne utilisation des crdits dlgus par l'tat, que nous fassions passer des concours BAC+5 des personnes dont la fonction va tre essentiellement de faire faire des siestes des enfants ou de leur changer les couches ? Je me pose la question È (Audition du Ministre par la commission des finances du Snat, le 3 juillet 2008). Disponible lÕadresse :
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/08Rentree_elem_Darcos.aspx (consult le 13/09/2011).
36 Tabarot, M. (2008). Op. cit.
37 Ces jardins dÕveil, expriments depuis 2009, se mettent en place depuis la rentre 2011. Ils
reprsentent un mode de garde collectif qui revient moins cher quÕune place de crche normale ou une nourrice domicile. Initis par les communes, les groupements de communes, les associations ou mme par des entreprises, les jardins d'veil sont parfois adosss un tablissement scolaire ou implants dans des locaux communaux dj existants, rhabilits ou bien ramnags.
38 Langlois, A. (2002). Une cole maternelle de qualit, regard des diffrents partenaires ; rsultats de
recherche. Les Sciences de lÕducation Ð Pour lÕére nouvelle, 3, 41-59.
39 Dazay, J. (2008). Il faut fermer les coles maternelles. Le plaidoyer dÕun inspecteur de lÕducation
nationale. Paris : Michalon.
40 Boisdon, T. et Poblete, M. (2009). Sauvons la maternelle ! Paris : Bayard.
41 Bouysse, V. (2007). LÕcole maternelle : de lÕassurance au doute. In L. Chartier et N. Geneix (Dir.),
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2. Des contenus
LÕcole maternelle est une institution dÕenseignement et dÕapprentissages prscolaires avec des textes officiels nationaux qui la rgissent depuis sa cration. Parmi ces textes, les programmes prescrivent des contenus organiss en domaines dÕactivit42 et dans lesquels on ne trouve pas une structuration lie des disciplines scolaires, cÕest--dire une organisation selon un dcoupage particulier et cloisonn des contenus de savoir enseigner.
Depuis 1995, les programmes de lÕcole maternelle fixent des comptences faire acqurir aux enfants la fin de la scolarit maternelle et montrent que la maternelle est bien un lieu majeur dÕenseignement et dÕapprentissages premiers. Ces programmes organisent les contenus en divers domaines dÕactivits43 et prcisent Ç la nature et les contenus des activits È de ces domaines.
Les plus rcents programmes (200844) proposent et structurent lÕenseignement et les apprentissages selon les domaines dÕactivit suivants :
- SÕapproprier le langage : dans ce domaine sont regroupes Ç les activits favorisant le dveloppement du langage oral È, prsent comme Ç le pivot des autres apprentissages È.
- Dcouvrir lÕcrit : ici, il sÕagit Ç dÕactivits visant la familiarisation des lves avec lÕcrit et leur prparation lÕapprentissage de la lecture et de lÕcriture È, ce domaine tant Ç orient vers lÕintroduction progressive des enfants aux apprentissages fondamentaux de lÕcole lmentaire È. Les activits de ce domaine contribuent ainsi faire jouer la maternelle un rle de propdeutique lÕlmentaire.
- Devenir lve : ce domaine vise Ç lÕapprentissage de la vie en collectivit organise par des rgles et donc de ce quÕest lÕcole, pour passer progressivement du statut dÕenfant celui dÕlve È. Ce domaine contribue la fonction de socialisation de la maternelle.
- Agir et sÕexprimer avec son corps : dans ce domaine dÕactivit sont regroupes Ç les activits physiques et les expriences corporelles dont la vise est le dveloppement moteur, sensoriel, affectif et intellectuel de lÕenfant È.
- Dcouvrir le monde : dans ce domaine, il est question Ç des activits varies visant la dcouverte du monde proche de lÕenfant È. Certaines activits ont pour objectif Ç la construction de repres spatiaux et temporels, dÕautres contribuent aux premiers apprentissages mathmatiques et enfin dÕautres permettent la construction de la premire ducation scientifique et technologique È.
- Percevoir, sentir, imaginer, crer : dans ce domaine dÕactivit sont regroupes Ç un ensemble dÕactivits, visuelles, tactiles, auditives et vocales qui visent une premire sensibilisation artistique È.
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42 Nous utilisons ici lÕexpression et lÕorthographe prsentes dans les derniers programmes de lÕcole
maternelle datant de 2008 (Ministre de lÕEducation nationale (2008). Bulletin Officiel Hors-srie du 20
fvrier 2008). LÕorthographe est bien Ç domaine dÕactivit È sans Ç s È. Si dans la suite de ce
mmoire, il est crit Ç domaine dÕactivits È, il sÕagit alors de lÕorthographe prsente dans le texte officiel correspondant.
43 Ces domaines dÕactivits sont : Ç Vivre ensemble È, Ç Apprendre parler et construire son
langage È, Ç SÕinitier au monde de lÕcrit È, Ç Agir dans le monde È, Ç Dcouvrir le monde È, Ç Imaginer, sentir, crer È et Ç Des instruments pour apprendre È.
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Ainsi, par la prsence de ses programmes et sa frquentation par la quasi-totalit des jeunes enfants gs de deux six ans, la maternelle constitue en France le lieu majeur dÕducation. Son rle est donc primordial dans de nombreux apprentissages premiers (langagiers, moteurs, de socialisation par exemple) et la maternelle contribue la construction de connaissances et de comptences dfinis par le socle commun45.
En plus dÕorganiser les contenus en divers domaines dÕactivit, les textes officiels insistent galement fortement depuis 1881 sur la prise en compte de lÕenfant et de ses processus dÕacquisition :
- Ç LÕcole maternelle est une cole centre sur lÕenfant È (Ministre de lÕducation nationale, 199546)
- Ç La maternelle est une cole organise pour les jeunes enfants et il incombe tous les adultes prsents, sous la responsabilit de lÕenseignant, de crer pour chaque enfant les conditions dÕun dveloppement harmonieux, respectueux de ses rythmes de croissance et de sa personnalit È (Ministre de lÕducation nationale, 200247).
- Ç La mise en Ïuvre du programme doit prendre en compte les tapes et le rythme de dveloppement de lÕenfant È (Ministre de lÕducation nationale, 200848).
3. Des pratiques
3.1. Des pratiques caractrises par lÕentremlement des contenus
Les contenus des programmes organiss selon ces domaines dÕactivit et non compartiments, prennent vritablement vie lorsquÕils sont pris en charge par les enseignantes qui, par leurs pratiques, font exister ces contenus. Ces pratiques sont souvent rvlatrices dÕune pdagogie globale, cÕest--dire une pdagogie centre sur lÕlve et qui accorde une importance gale aux divers domaines ducatifs, intellectuels, artistiques, physiques, manuels et sociaux.Assister une journe dÕcole en maternelle, pour un observateur extrieur est compliqu en termes de rfrences : pas de terme prcis renvoyant aux disciplines connues (franais, mathmatiques, histoireÉ) pour nommer ce qui est en train de se drouler sous ses yeux. Le temps des ateliers peut constituer un bon exemple pour illustrer cette difficult. Ce temps pendant lequel certains enfants dialoguent avec lÕenseignante partir dÕun album de littrature de jeunesse alors que dÕautres sont en train de jouer un jeu de domino ou que dÕautres enfin ralisent des activits graphiques, cache en ralit des apprentissages langagiers (pour entrer dans la lecture et lÕcriture), spatio-temporels, logicomathmatiques ou encore en lien avec la causalit.
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45 Ministre de lÕducation nationale (2006a). Socle commun de connaissances et de comptences.
Bulletin Officiel n¡29 du 20 juillet 2006.
46 Ministre de lÕducation Nationale (1995). Op. cit.
47 Ministre de lÕducation Nationale (2002). Bulletin Officiel Hors-srie du 14 fvrier 2002. 48 Ministre de lÕducation Nationale (2008). Op. cit.
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Dans un mme moment de classe, divers enjeux et objectifs sont prsents, souvent la matrise de la langue apparat primordiale49 mais elle est mise en relation avec dÕautres enseignements. Un mme moment est dÕailleurs frquemment li plusieurs des domaines dÕactivit lists auparavant.
Cet entremlement des contenus et des pratiques est prescrit dans les programmes officiels :
- Ç Chaque domaine dÕactivit est essentiel au dveloppement de lÕenfant et constitue un socle pour ses apprentissages. Chaque domaine participe de manire active et complmentaire la conqute du langage et ancre son usage dans des communications authentiques, dans lÕexprience et dans lÕaction. È (Ministre de lÕducation nationale, 199550)
- Ç Toute squence pdagogique relve toujours de plusieurs domaines dÕactivits, sinon de tous. È (Ministre de lÕducation nationale, 200251).
Ë titre dÕexemple, un cycle de travail la piscine peut conduire de nombreuses activits langagires (verbalisations des sensations au coin langage collectif, productions dÕcrits pour prvenir par courrier les parents de cette activit et leur demander dÕaccompagner les enfants sur le trajet menant la piscine) mais aussi contribuer lÕducation scientifique (approche de la respiration, de la flottaison) ou la structuration de lÕespace (travail sur le plan du quartier pour localiser le trajet parcouru pour aller de lÕcole la piscine), etc.
3.2. Des professionnels de lÕenseignement et des apprentissages
Les contenus des programmes de lÕcole maternelle sont pris en charge par des professionnels, soit des instituteurs (fonctionnaires de catgorie B) aujourdÕhui en voie de disparition (la dernire promotion dÕinstituteur a t forme en 1991), soit des professeurs des coles (fonctionnaires de catgorie A).Aprs leur formation universitaire initiale, les instituteurs et professeurs des coles (PE), professionnels de lÕenseignement et de lÕapprentissage ont t forms, selon leur ge, soit dans une N, soit dans un IUFM52.
Alors que les instituteurs ou PE sont qualifis BAC+2 ou BAC+3, la rforme de la Masterisation des enseignants, dbute en 2010, voit ces professionnels enseignants lÕcole maternelle forms BAC+5. Ce haut niveau de qualification constitue un fait unique dans le monde prscolaire et explique en partie les propos de Xavier Darcos cits auparavant, lgitimes peut-tre si on adopte un point de vue essentiellement pilot par le budget du Ministre : cela cote en effet cher lÕtat franais de former une personne si longtemps (au moins jusquÕ 23 ans) pour sÕoccuper de lÕducation de si jeunes enfants.
Un autre fait singulier en France est que le corps des professeurs des coles est unifi, dans le sens o il est constitu par des enseignants qui peuvent exercer soit
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49 Ç LÕobjectif essentiel de lÕcole maternelle est lÕacquisition dÕun langage oral riche, organis et
comprhensible par lÕautre. È (Ministre de lÕducation Nationale (2008). Bulletin Officiel Hors-srie du
20 fvrier 2008.)!
50 Ministre de lÕducation Nationale (1995). Op. cit. 51 Ministre de lÕducation Nationale (2002). Op. cit.
52 Les N (coles Normales) taient des tablissements formant les instituteurs et elles furent
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en lmentaire, soit en maternelle, ce qui est un fait unique. Depuis 192153, les enseignements de lÕcole maternelle sont confis des professionnels qui ont le mme statut, le mme niveau de qualification et de rmunration, la mme formation, les mmes perspectives de carrire que leurs homologues de lÕcole lmentaire.
4. Des discours sur et pour lÕcole maternelle rvlant des
lments spciaux
En parcourant des ouvrages ou des articles gnraux sur lÕcole maternelle, il est frappant de lire la revendication assez rcurrente dÕune spcificit de cette cole qui se veut diffrente des autres coles.
LÕexamen dÕun ensemble dÕouvrages pdagogiques contribue discerner dans les discours sur et pour lÕcole maternelle des lments spciaux au mtier dÕenseignant de maternelle et rvle une tension entre lÕunit institutionnelle du mtier dÕenseignant en cole primaire et sa diversit affiche : ce serait un autre mtier que dÕenseigner en cole maternelle.
Cette premire approche, non base sur des crits scientifiques, est consciente et tente de ne pas tomber dans les ides reues. Mettre au jour quelques lments spciaux vise interroger par la suite les comptences professionnelles lies lÕexistence de ces lments.
Deux ouvrages ont t choisis pour tre examins. Leur caractre contemporain ce travail de recherche et leur large diffusion auprs du monde de lÕducation sont responsables de ce choix. Ces deux livres, qui peuvent tre qualifis de Ç pdagogiques È, portent en eux ce qui semble tre cette revendication.
- Le premier ouvrage retenu est crit par Anne-Marie Gioux (200954) : cette enseignante a eu une longue carrire dÕinspectrice du premier degr et est membre du conseil scientifique de lÕAGEEM55 depuis 2002, ce qui montre son attachement lÕcole maternelle et srement son ct Ç militant È. Paru en 2009, lÕexamen de cet ouvrage rcent parat pertinent pour dbusquer les lments spciaux lÕcole maternelle.
- Le second ouvrage retenu est cosign par Agns Florin et Carole Crammer (200956). Le titre renvoie une criture deux mains : Agns Florin, professeure en psychologie de lÕenfant, a crit les parties concernant les apports de la recherche. Carole Crammer, formatrice et DEA57, a une longue exprience dÕenseignante en maternelle. Elle a crit les parties Ç plus pratiques È et lies aux expriences professionnelles. Ce livre, paru en 2009 sÕadresse aux enseignantes, notamment celles qui dbutent en maternelle. Il
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53 Rapport et dcret du 15 juillet 1921.!
54 Gioux, A.-M. (2009). LÕcole maternelle, une cole diffrente ? Paris : Hachette ducation.
55 Association Gnrale des Enseignants des coles et classes Maternelles publiques. Des dtails
sur cette association seront dvelopps par la suite.!
56 Florin, A. et Crammer, C. (2009). Enseigner lÕcole maternelle. De la recherche aux gestes
professionnels. Paris : Hatier.
57 Directrice dÕcole dÕApplication. Une DEA dirige une cole dans laquelle des professeurs des
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est galement adapt pour mettre au jour des lments spciaux de lÕcole maternelle avec un point de vue plus centr sur la recherche que dans le prcdent ouvrage.
4.1. Ç LÕcole maternelle, une cole diffrente ? È
Dans cet ouvrage au titre qui interpelle, Gioux (200958) tente de dmontrer que lÕcole maternelle est une cole diffrente. Elle met ainsi en avant un certain nombre dÕlments spciaux :
- Tout dÕabord une histoire marque par la tradition et lÕinnovation qui rvle un phnomne identitaire propre lÕcole maternelle.
- Ensuite, des modalits pdagogiques spciales, notamment en ce qui concerne lÕorganisation de lÕespace et du temps et dans une moindre mesure la place du jeu et la dmarche de projet. Ces modalits induiraient des pratiques enseignantes galement spciales.
Gioux fait Ç le point sur les acquis thoriques et sur les pistes concrtes qui caractrisent lÕidentit spcifique de la premire cole È (Ibid., p.6). Pour montrer que lÕcole maternelle est une cole diffrente, Gioux essaye de dvelopper ces caractristiques identitaires.
La premire approche de cette identit est aborde de manire historique : Gioux (Ibid., p. 15) montre en effet la construction dÕune identit spcifique enracine dans lÕhistoire de cette premire cole qui a volu autour dÕun triple rle en fonction du temps : gardiennage, ducatif et propdeutique lÕcole lmentaire. Elle considre que lÕcole maternelle actuelle est la fois une cole qui possde un hritage historique mais qui sÕest galement invente au cours du temps.
LÕauteure dmontre en regardant lÕvolution des textes institutionnels comment Ç de fait, au fil des annes et des ministres, se construit lentement le triptyque Ç enseigner, duquer, apprendre È, dont les termes nuancent savamment le dosage de transmission ou dÕappropriation dans les dmarches proposes ou imposes aux lves. È (Ibid., p.19). Le rle propdeutique cÕest--dire prparatoire aux modles dÕenseignement de lÕcole obligatoire est mis en avant dans les derniers programmes de 2008. Gioux montre ainsi que lÕcole maternelle sÕest construite une lgitimit au fil des annes en construisant cet ensemble Ç duquer, enseigner, apprendre È partir dÕun modle charitable et encyclopdiste.
Dans les chapitres suivants, Anne-Marie Gioux met en avant dÕautres spcificits de lÕcole maternelle, notamment en termes dÕorganisation pdagogique : lÕaspect scolaire est pens diffremment en maternelle.
Elle met tout dÕabord en avant un lment spcial, lÕorganisation de lÕespace et du temps, trs particuliers lÕcole maternelle.
En ce qui concerne les espaces, Ç leur traitement induit les pratiques et rend explicites les choix ducatifs et pdagogiques de lÕenseignant(e) (É) È (Ibid., p.27). Elle montre nouveau lÕimportance de la tradition et de lÕinnovation lÕcole maternelle : Ç LÕcole maternelle contemporaine fournit ainsi un double accs signifiant ceux qui veulent approfondir la connaissance de son fonctionnement :
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- Les espaces gardent trace de lÕhistoire proche, des traditions.
- Ces traces sont souvent des remaniements de la fonction de garde initiale qui ont accd progressivement un statut plus labor que celui du simple cadre matriel : ils sont devenus paramtres contextualiss de la pense des enseignants dans des dimensions fondatrices de lÕducation, de lÕenseignement et de lÕapprentissage dont la maternelle assume la triple fonction. È (Ibid., p.26).
Gioux (Ibid.) insiste sur le fait que le moindre recoin est pens de manire spcifique, non seulement lÕchelle de la classe (les Ç coins È ddis des jeux artistiques, au repos, au bricolage, espace de regroupement, tables ovales pouvant rassembler souvent 8 lves la fois, un espace Ç langage È amnag pour que tous les enfants puissent se voirÉ) mais aussi de lÕcole dans sa globalit (locaux dvolus aux besoins physiologiques comme le sommeil, la soif, la faim, lÕhygine corporelleÉ).
Ë propos du temps, Gioux montre galement son caractre trs spcial, ce Ç temps est qualitativement adapt des enfants de 2 3 ans È (Ibid., p.78). Des temps spcifiques sont galement discernables au cours de lÕemploi du temps dÕun enfant de maternelle : celui des rituels (temps de regroupement o lÕenseignante fait lÕappel, peut lire un conte, co-construit et commente le rythme de vie de la journe, compte et fait compter les enfants, lit une histoire, parle de la mto, etc.) est particulirement mis en avant.
En plus de cette organisation du temps et de lÕespace, penss diffremment, Gioux (Ibid.) met en avant des caractristiques pdagogiques diffrentes lÕcole maternelle, notamment la pdagogie qui accorde une place importante au jeu ainsi quÕ la dmarche de projet.
Sur ce premier point, Gioux (Ibid.) prcise que le jeu est Ç une diffrence identitaire assumer È. Il a toujours t un attribut de lÕcole maternelle allant du jeu libre au jeu ducatif jusquÕ une approche didactique des situations ludiques ayant alors une vise dÕapprentissage prcise. LÕimportance du jeu lÕcole maternelle tmoigne de la centration sur lÕenfant qui existe dans cette cole.
Selon Gioux, le second point de spcificit pdagogique lÕcole maternelle, est la dmarche de projet, qui est une modalit courante : Ç on apprend diffremment lÕcole maternelle, on apprend par projet. È (Ibid., p.193). Cette dmarche tente de fdrer diverses activits de diffrents domaines au service dÕune production finale.
LÕouvrage se termine par un certain nombre de rflexions sur lÕexercice du mtier de PE lÕcole maternelle. Gioux insiste sur le fait quÕil sÕagit pour les enseignantes de maternelle de Ç sÕajuster de manire ncessaire lÕunivers culturel spcifique de la maternelle. È (Ibid., p.141).
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4.2. Ç Enseigner lÕcole maternelle, de la recherche aux gestes
professionnels È
Le livre de Florin et Crammer (200959) propose de considrer lÕensemble des missions de lÕcole maternelle et suggre des pistes de travail concrtes partir de travaux de recherche en psychologie de lÕenfant et dÕexpriences professionnelles. Ce livre met ainsi en avant la relation quÕil peut exister entre la pratique et la recherche.
Il sÕouvre comme le prcdent par un chapitre au titre loquent : Ç LÕcole maternelle franaise : sa spcificit È. Dans ce chapitre est mise en avant la place de lÕcole maternelle comme premier niveau du systme ducatif franais et dont la vocation sÕest historiquement tourne vers le ple de lÕinstruction, alors que dÕautres pays sÕorientaient vers une vocation plus sociale ou hyginiste.
Florin et Crammer (Ibid., p. 23) insistent sur le rle que joue lÕcole maternelle en tant que propdeutique lÕcole lmentaire : elle permettrait ainsi de construire les premiers apprentissages mais aussi de prparer avec ambition la suite de la scolarit en lmentaire.
Les auteures examinent ensuite lÕensemble des domaines dÕactivit des programmes de 2008 et proposent pour chacun de ces domaines des pistes dÕactivits.
Par la suite, des lments spcifiques lÕcole maternelle sont mis en avant, notamment :
- La frquentation par cette cole par des enfants jeunes, voire trs jeunes : il sÕagit alors pour les enseignants de prendre en compte leurs besoins.
- La pdagogie de lÕcole maternelle qui accorde une grande place au jeu, en particulier les jeux libres et les jeux ducatifs.
- La spcificit de lÕorganisation de la journe lÕcole maternelle : comme Gioux (200960), Florin et Crammer (200961) insistent notamment sur les rituels du matin (avec lÕappel, la date, la mtoÉ).
La comparaison des lments entre les deux ouvrages examins permet de faire ressortir :
- Un aspect spcifique dans le livre de Florin et Crammer (Ibid.) : lÕge des enfants.
- LÕide dÕun univers culturel spcifique, rvlant une identit propre lÕcole maternelle, ancre historiquement et associe des modalits pdagogiques spcifiques (organisation spatio-temporelle, approche ludiqueÉ).
Les discours prsents dans ces deux ouvrages permettent de discerner les contours dÕune originalit de lÕcole maternelle, originalit qui se cristallise dans les pratiques qui seront investigues dans cette recherche.
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&*!Florin, A. et Crammer, C. (2009). Op. cit.! '+!Gioux, A.-M. (2009). Op. cit.!
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5. Un
prisme
dÕtude :
lÕducation
scientifique
et
technologique
5.1. Des prmices
LÕinvestigation des pratiques des enseignantes de lÕcole maternelle est ralise en prenant un modle dÕtude, celui de lÕducation ST.
Ë lÕcole maternelle se manifestent les prmices62 de lÕducation ST, savoir les premires manifestations de cette ducation. Ce terme dÕducation est prfr celui dÕenseignement de sciences pour les mmes raisons que Bisault (2011a, p. 963) :
- Tout dÕabord, la dfinition de lÕentit Ç sciences È est loin dÕtre vidente lÕcole primaire.
- Ensuite, il nÕexiste pas dans cette cole des enseignants de sciences.
- Et enfin, les programmes de lÕcole primaire ne se rduisent pas des programmes de Ç contenus È : dans le domaine scientifique comme dans dÕautres domaines dÕailleurs, il existe de nombreux contenus lis des activits ducatives.
Le choix de ce modle dÕtude provient de notre formation initiale et de notre parcours professionnel : agrg en Sciences de la Vie et de la Terre et formateur en IUFM depuis 1999, notre questionnement a port la fois sur les pratiques des PE et sur la didactique des disciplines scientifiques et technologiques.
Depuis ses origines, lÕcole maternelle est le lieu de la premire ducation ST et depuis 1995, les contenus relatifs cette ducation ST sont prsents dans le domaine dÕactivit Ç dcouvrir le monde È. Dans ceux de 2008, ils sont reprables dans trois parties de ce domaine :
- Dcouvrir les objets : dans cette partie sont prescrites Ç la dcouverte dÕobjets techniques usuels et la comprhension de leur usage et de leur fonctionnement È. Des Ç activits de fabrication dÕobjets È sont galement proposes Ç en lien avec lÕutilisation de matriaux, dÕoutils et de techniques divers. Des savoir-tre lis lÕducation la scurit sont aussi viss dans cette partie relative au monde des objets È.
- Dcouvrir la matire : ici, sont prescrites des Ç actions sur divers matriaux dont les enfants doivent dcouvrir les caractristiques È. Cette partie renvoie galement Ç la dcouverte des ralits moins visibles de la matire comme lÕexistence de lÕair et les changements dÕtat de lÕeau È.
- Dcouvrir le vivant : pour finir, sont prescrites Ç des activits lies lÕobservation des diffrentes manifestations de la vie permise par la mise en place de plantations et dÕlevages en classe qui visent notamment la dcouverte du cycle de la vie È. Cette partie relative au monde du vivant comporte aussi Ç la dcouverte du corps et des cinq sens et lÕapprentissage de savoir-tre lis lÕducation la sant et lÕenvironnement È.
Mme si ces trois noms Ç vivant, objet et matire È portent en filigrane les trois disciplines inities et constitues au collge - sciences de la vie et de la Terre,
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62 Le terme de Ç prmisses È aurait pu tre galement utilis : cet enseignement premier prcde en
effet lÕenseignement scientifique proprement dit.
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technologie et physique-chimie - lÕcole primaire et donc de faon encore plus importante en maternelle, ces disciplines scientifiques et technologiques ne constituent encore quÕun horizon lointain. En maternelle, lÕducation ST nÕa pas les formes que peuvent prendre les enseignements compartiments du second degr. Elle est marque par sa relation avec dÕautres prises en charges ducatives en raison de lÕentremlement des contenus et des pratiques et de lÕexistence dÕun unique enseignant assurant lui seul lÕensemble des enseignements.
5.2. Des enjeux socio-ducatifs
LÕducation ST constitue un enjeu majeur pour le dveloppement socio-conomique dÕun pays et le maintien de sa place dans le monde de la recherche, de lÕindustrie et de lÕconomie.
Cette ducation contribue galement lÕappropriation du milieu naturel et artificiel, appropriation fondamentale dans le contexte actuel du dveloppement scientifique et technique qui modifie le travail, la famille ainsi que le milieu de vie.
Diverses enqutes nationales et internationales montrent la baisse dÕintrt et de lÕorientation des lves vers les filires ST64. Cette diminution entre en tension avec un fort besoin de comptences scientifiques et techniques dans le contexte actuel de notre socit qualifie de Ç socit de la connaissance È dans laquelle il rgne une diffusion importante des informations et des savoirs en perptuel changement.
Des recherches rcentes (Suchaut, 200965) montrent lÕimportance de lÕcole maternelle dans le dveloppement de lÕenfant et pour sa russite dans le cursus scolaire. La maternelle joue donc un rle primordial dans la premire ducation ST :
- Tout dÕabord, elle est trs frquente : en 2010, deux millions et demi dÕlves taient scolarits dans 17 000 coles maternelles.
- Ensuite, elle constitue un vecteur privilgi dÕapprentissages dÕattitudes et de savoir-faire indispensables la formation de futurs citoyens.
- Par sa vise ducative, lÕcole maternelle constitue le segment scolaire o se construit cette premire ducation ST, ducation qui doit permettre par la suite lÕenfant une entre russie dans la culture scientifique (Orange et Pl, 2000 66 ). Cette culture lui permettra ensuite de se construire une reprsentation globale et cohrente du monde et de mieux comprendre son environnement quotidien car elle est une dimension fondamentale de la formation des enfants67.
- Enfin, la premire ducation ST doit galement offrir aux enfants la possibilit dÕune premire capitalisation exprientielle (Coquid et Lebeaume, 200368).
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64 Par exemple : Ministre de lÕducation Nationale, de lÕEnseignement Suprieur et de la Recherche
(2006). Les filires scientifiques et lÕemploi. Ourisson, G. (2002). Rapport de la Commission sur la
dsaffection des tudiants pour les tudes scientifiques.
65 Suchaut, B. (2009). LÕcole maternelle : quels effets sur la scolarit des lves ? In C. Passerieux
(Dir.), La maternelle : premire cole, premiers apprentissages (pp. 17-27). Lyon : Chronique Sociale.
66 Orange, C. et Pl, . (2000). Les sciences de 2 10 ans. LÕentre dans la culture scientifique.
Aster, 31, 1-8.
67 LÕducation ST constitue lÕune des sept comptences dfinies par le socle commun que tout lve
doit matriser la fin de sa scolarit obligatoire (Ministre de lÕducation nationale (2006). Op. cit.)
68 Coquid, M. & Lebeaume, J (2003). Ç La dcouverte de la nature et des objets lÕcole, hier et
aujourdÕhui È. Grand N, 72, 105-114, IREM de Grenoble (rd. 2006, Grand N, Ç Ë lÕcole des sciences È, tome 1, 7-16).
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Les expriences dont il est question ici renvoient celles de lÕenfant, pris dans lÕacception psychologique du terme, et son enrichissement plutt quÕune exprience au sens pistmologique du terme. Dans cette perspective, ces expriences de vie initient le Ç parcours ducatif È du curriculum69 des sciences et technologie lÕcole.
Le concept de curriculum sera dvelopp par la suite car il constitue un concept majeur de cette recherche. Il peut tre considr dans un premier temps comme un chemin constitu par lÕensemble des rencontres avec les mondes naturels et artificiels.
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Chapitre 2. Une spcialit des enseignantes de
lÕcole maternelle
1. Le postulat de lÕexistence dÕune spcialit enseignante
Dans ce contexte dÕune institution prscolaire singulire car vritablement intgre un systme ducatif mais frquente par de jeunes voire de trs jeunes enfants, nous postulons que les enseignantes de lÕcole maternelle possdent un ensemble de comptences professionnelles trs diffrentes de leurs homologues de lÕlmentaire, comptences qui constituent ce que nous proposons dÕappeler Ç spcialit enseignante È.Cette recherche vise caractriser cette spcialit enseignante. Malgr lÕhomognit du corps des enseignants du premier degr, il est suppos que cette ralit institutionnelle masque des pratiques spcifiques la maternelle et lies des lments spciaux mis en avant dans les deux ouvrages examins :
- LÕge des enfants.
- Des modalits pdagogiques (lÕorganisation spatio-temporelle, lÕapproche ludiqueÉ).
- Des phnomnes identitaires (une tradition et un univers culturel propres) En plus de ces lments revendiqus sÕy ajoute un lment suppos primordial et non mis en avant dans les deux livres : lÕorganisation du curriculum, constitu par des contenus et des pratiques, entremls.
Ë la spcificit de lÕcole maternelle seraient associes des pratiques spcifiques en relation en particulier avec lÕoriginalit de lÕorganisation des contenus scolaires.
1.1. lments pour tayer ce postulat
Le postulat de la spcialit est tay en premier lieu par la faible quantit de mouvements70 du personnel enseignant observ entre lÕlmentaire et la maternelle (moins de 5%). Pour lÕexprimer simplement, une fois quÕune stabilit professionnelle est observe dans la carrire, un enseignant se fixe sur un segment, soit lmentaire, soit maternelle. De nombreux PE dclarent souvent quÕils Ç sont des enseignants de maternelle et non du primaire È ou quÕ Ç enseigner en maternelle, ce nÕest pas le mme mtier quÕen lmentaire È. Cette position semble montrer que ce sont deux mtiers relativement diffrents ou tout du moins ressentis comme tels.
En second lieu, ce postulat est galement tay par lÕorganisation trs particulire des contenus constitus en domaines dÕactivit trs loigns des disciplines du collge ou mme des matires de la fin de lÕcole lmentaire71. Cette spcificit dans lÕorganisation des contenus pris en charge par les enseignantes dterminerait
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70 Dans une circonscription du premier degr, regroupant des coles primaires, lmentaires et
maternelles, deux cents trois cents enseignants sont grs par un Inspecteur de lÕducation Nationale. Parmi ces enseignants, chaque anne, moins de 5% des enseignants stabiliss sur un segment scolaire - maternelle ou lmentaire - passe dÕun segment un autre (enqute ralise par tlphone auprs dÕune dizaine de circonscriptions de trois dpartements de la Champagne-Ardenne).!
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ainsi des pratiques particulires objectiver par le prisme de lÕducation ST. En maternelle, les disciplines scientifiques et technologiques ne constituent ainsi encore quÕun horizon qui semble lointain, lÕducation ST ne prend pas les formes de lÕenseignement du second degr. Investiguer en particulier cette ducation ST ne peut se faire sans ignorer ses relations avec dÕautres prises en charge par les PE, en raison de lÕorganisation des contenus et des approches pdagogiques mises en avant prcdemment.
En troisime lieu, le postulat dÕune spcialit des enseignantes de maternelle est tay par lÕexistence dÕune tradition, cÕest--dire une culture et une histoire propres lÕcole maternelle (Luc, 198272).
1.2. Questions de recherche et notion de composition
Ces deux dernires propositions organisation des contenus et tradition -permettent dÕavancer cette relation causale : pour caractriser une spcialit des enseignantes de lÕcole maternelle, il sÕagira de rendre intelligible la prise en charge par ces enseignantes des contenus dÕducation ST au sein de cette organisation particulire et de dmontrer lÕexistence dÕune tradition propre ce segment scolaire et susceptible dÕinfluencer les pratiques.
Il sÕagit donc de savoir :
- Quels sont les contenus relatifs lÕducation ST prise en charge par les PE ? - Comment ces contenus existent-ils travers les pratiques enseignantes ? Ces deux premires questions tmoignent dÕune proccupation sur les contenus et donc du positionnement didactique de cette recherche. Cette tude vise lÕintelligibilit des caractristiques et des dynamiques des prmices du curriculum dÕducation ST amorc lÕcole maternelle.
Ensuite, il sÕagit de rpondre cette autre question :
- Quelles relations existe-t-il entre lÕducation ST et les autres parcours ducatifs pris en charge par les PE ?
Il sÕagit ici dÕobjectiver les types de relations entre le curriculum ducatif de sciences et technologie avec les autres parcours ducatifs, curriculums pris en charge par les enseignantes de maternelle. Cette troisime question positionne cette recherche dans la didactique du curriculum.
Les relations entre les divers curriculums crent des rseaux de contenus et de pratiques associes. Ces rseaux forment ce que nous dsignons par Ç compositions È caractrises dans un premier temps par :
- Leurs lments constitutifs, des moments scolaires (Lebeaume, 2000b73), correspondant une sance scolaire, pendant lesquels diverses vises sont concernes, associes diffrents domaines dÕactivit.
- Leur ensemble qui forme un tout cohrent.
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72 Luc, J.-N. (1982). La scolarisation du jeune enfant depuis le dbut du XIXe sicle : action sociale et
projet pdagogique. In J.-N. Luc, La petite enfance lÕcole, XIXe-XXe sicles. Textes officiels (pp.
9-50). Paris : Economica INRP.
73 Lebeaume, J. (2000b). Jeux dÕtiquettes, jeux de Kim, jeux de familles, puzzles ou devinettes