• Aucun résultat trouvé

La reconnaissance juridique de l’« entreprise citoyenne » ou la conséquence de la perception nouvelle de l’entreprise en tant que construction collective

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "La reconnaissance juridique de l’« entreprise citoyenne » ou la conséquence de la perception nouvelle de l’entreprise en tant que construction collective"

Copied!
23
0
0

Texte intégral

(1)

La reconnaissance juridique de l’« entreprise

citoyenne » ou la conséquence de la perception

nouvelle de l’entreprise en tant que construction

collective

Ivan TCHOTOURIAN

Maître de conférences (Université de Nantes, France)

Chercheur associé à la Chaire de Droit des Affaires et du Commerce International (Université de Montréal, Canada)

Ancien titulaire de la Bourse de recherche Lavoisier (EGIDE)

tchout@yahoo.com

Résumé

Aux frontières de la réflexion éthique se situe celle sur le droit des affaires et la gouvernance d’entreprise. Les droits français et nord-américains des entreprises matérialisent un souci d’éthique dans la perception qu’ils offrent de l’équilibre des pouvoirs au sein de la firme. La définition de la finalité des pouvoirs des dirigeants relevant de la corporate governance suscite une éthique liée à cette finalité. En concevant l’entreprise comme une construction collective où doivent intervenir les stakeholders, les instruments juridiques introduisent l’éthique dans la prise de décision des dirigeants et créent un sentiment de développement et de citoyenneté collectifs. La saisine par le monde juridique des paradigmes de la stakeholder theory et de la responsabilité sociale des entreprises témoigne d’une composante sociale caractérisant l’entreprise et consacre l’avènement d’une entreprise nouvelle que certains qualifient d’« entreprise du troisième type ». Loin de n’être qu’une « tour d’ivoire », cette entreprise dispose (par l’intermédiaire de l’espace discrétionnaire dont les dirigeants jouissent dans leur pouvoir de décision) des moyens efficients pour se préoccuper du bien commun et adopter un comportement éthique.

Abstract

Corporate law in north-America and in France demonstrates an ethical thought in the definition of the powers in the companies. The definition of the objectives of the director’s power creates an authentic ethics which is connected with these aims. The tools of corporate and financial law apprehend the corporate social responsibility and the stakeholder theory and develop a collective vision of the company. So, the law introduces ethic in the decision’s process of the directors. Creating a feeling of citizenship, a new perception of the company appears : a third model of enterprise. Far from constituing a « tour d’ivoire », this enterprise has the necessary hability to manage the global common good and to adopt an ethical attitude.

(2)

L’entreprise est « une construction collective où interviennent toutes les parties prenante » (Pierre Klees, Chief Executive Officer, BIAC)

« L’art du comportement juste » qu’est l’éthique1 intervient dans le processus des décisions

complexes auxquels sont confrontés les managers dans leur fonction. La mission de diriger une firme en France et en nord-Amérique consiste à gérer les affaires de la société2 et implique nécessairement une prise de décision3. Or, cette fonction de la gestion amène à s’interroger sur les processus de finalisation, d’organisation et d’animation de l’action collective4. Ainsi que le souligne Freeman, la question pour les dirigeants demeure très présente de savoir « What is

Our Purpose ? »5.

Les outils du droit corporatif et ce, des deux côtés de l’Atlantique, offrent l’opportunité d’enrichir le contexte décisionnel en termes de détermination des problèmes6 et d’identifier les finalités attachées à chaque décision de la direction. Cet enrichissement et cette identification s’avèrent nécessaires pour empêcher que l’éthique ne se révèle n’être qu’un habillage7 ou une simple tentation8. La décision implique la recherche d’un compromis entre les intérêts et les exigences des parties prenantes au développement de l’entreprise et signifie un arbitrage plus que difficile pour les dirigeants9. Cet arbitrage est aujourd’hui grandement facilité par la conquête du territoire juridique opérée tant par la stakeholder theory que par la responsabilité sociale. Au travers de son ouverture à ces deux paradigmes, les droits nord-américains et français des sociétés reflètent une préoccupation éthique forte en concevant l’entreprise comme une structure dans laquelle la notion de collectivité est omniprésente.

L’enjeu de nos interrogations n’est pas négligeable au regard des questionnements que soulève le comportement de nombre de dirigeants de grandes firmes dont l’actualité est le triste témoin (absence de prise en compte de certains partenaires tels que les salariés, détérioration de l’environnement …). Ces questionnements appellent en effet à réfléchir aux moyens de construire des instruments améliorant la prise de décision10. L’éthique, réintroduite au travers d’une perception du droit des sociétés et des marchés financiers perméable à la stakeholder

theory et à la responsabilité sociale des entreprises, ne constitue-t-elle pas un outil efficient ?

La problématique de cet écrit prend appui sur une citation du Doyen Carbonnier : « Lorsque

les auteurs s’interrogent sur les rapports du droit et de la morale, ils pensent à une pénétration de la morale dans le domaine du droit. Mais la question inverse aurait un sens : le droit ne peut-il entrer dans le sanctuaire de la morale et, à la limite, se substituer à celle-ci ? »11. Cette « question inverse » ne trouve-t-elle pas à l’heure actuelle une réponse ? L’entrechoquement de la responsabilité sociale des entreprises et de la stakeholder theory avec le droit (français, européen, nord-américain) des sociétés et des marchés financiers ne donne-t-il pas naissance à une contribution certaine de la construction juridique à l’éthique ? Autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre dans la suite de ces développements ; la teneur des relations entre le droit des affaires (dans son aspect gouvernance d’entreprise) et les concepts de responsabilité sociale, de stakeholder theory et d’éthique se révélant bien complexes.

Notre réflexion s’articule en trois temps. Dans un premier temps, la relation de l’éthique avec le droit des firmes et les concepts de responsabilité sociale des entreprises et de stakeholder

theory sera détaillée (2.). Cette étape étant achevée, la question se posera, dans un deuxième

temps, de déterminer si le droit des sociétés et ses règles de gouvernance intègrent en leur sein la responsabilité sociale des entreprises et la stakeholder theory (3.). Si cette interrogation peut sembler être un écho à la première partie, il n’en est rien. Les évolutions contemporaines du droit amènent à l’émergence d’une situation nouvelle qui modifie les interactions entre l’éthique, la règle de droit, la responsabilité sociale et la stakeholder theory. Dans un dernier

(3)

temps, il conviendra de s’attacher à vérifier de quelle manière cette situation nouvelle contribue à renforcer l’éthique et comment le droit s’inscrit dans une perspective inédite (4.). Au préalable, le cadre d’analyse utilisé doit être spécifié (1.).

1. Cadre d’analyse : un vocabulaire à préciser

Spécifier le cadre d’analyse se révèle ici particulièrement indispensable tant le brouillard se cache derrière chacun des mots employés : « droit », « gouvernance », « responsabilité sociale

», « stakeholder theory », « éthique ». Si la question sous-jacente à notre démarche est claire

(différencier le bien et le mal en affaires), force est de constater que les travaux de recherche en ces domaines ont donné naissance à une pléthore de définitions au contenu souvent trop incertain.

En premier lieu, le droit des affaires est compris dans une acception large et ne se limite pas au droit des sociétés stricto sensu. Il s’agit de l’ensemble des normes édictées par le législateur et par les autorités publiques qui vise à imposer aux entreprises des règles de comportement12. L’exposé du droit des affaires contribue à alimenter la discussion entourant l’impérieuse nécessité d’insérer le souci éthique dans l’économie13 et dans le système capitaliste en général14. Il faut rappeler que l’analyse légale poursuivit dans le cadre de cet écrit s’inscrit dans une perspective comparative des dispositifs français, européens et nord-américains.

En deuxième lieu, la gouvernance est entendue comme synonyme de gouvernance d’entreprise et fait référence à l’ensemble « (…) des mécanismes organisationnels qui ont pour effet de

délimiter les pouvoirs et d’influencer les décisions des dirigeants, autrement dit, qui gouvernent leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire »15. La gouvernance s’intéresse à l’équilibre des pouvoirs dans une entreprise, notamment ceux du conseil d’administration et de la haute direction, et sur une certaine façon de prendre les décisions et d’harmoniser les intérêts. Au regard de notre problématique, nous nous centrerons sur certaines règles du gouvernement d’entreprise qui influencent sur le rôle essentiel de « décideur ultime » reconnu au dirigeant dans l’entreprise16.

En troisième lieu et bien que cette discipline soit marquée par une forte hétérogénéité des travaux académiques17, la responsabilité sociale des entreprises (RSE) peut être définie comme les obligations, légalement requises ou volontairement choisies, qu’une entreprise doit assumer afin de passer pour un modèle de bonne citoyenneté dans un milieu donné18. Ainsi qu’une partie de la littérature gestionnaire contemporaine le laisse entendre, la RSE est perçue comme une interface entre l’entreprise et son environnement19 et apparaît comme le signe d’une transformation du capitalisme20. La RSE présente des liens étroits avec la gouvernance des entreprises puisqu’à l’instar de cette dernière, elle amène à s’interroger sur les intérêts à prendre en compte et sur la raison d’être des entreprises21.

En quatrième lieu, en dépit de définitions diverses22 et du nombre conséquent d’ouvrages consacrés à cette théorie23, la définition de la stakeholder theory retenue sera celle de «

stakeholder theory of Corporate Law ». Cette théorie explique comment le droit des sociétés

traditionnel peut être modifié pour appréhender les principes et pratiques favorisés par l’approche stakeholder, notamment dans ses aspects Ontologic, Deontic et de Governance tels que définis par Heath et Norman. Cette approche se veut protectrice des managers qui favorisent une stratégie de profit non maximum au service des stakeholders et ce, malgré la critique des actionnaires et du marché financier. Importante est, par exemple, la possibilité

(4)

reconnue aux managers de pouvoir de repousser une offre publique d’achat quand les autres investisseurs pensent réaliser des gains plus importants en changeant les dirigeants et la stratégie24.

En dernier lieu, l’éthique est sans aucun doute le concept laissant le plus de marge discrétionnaire à l’interprète tant il n’en n’existe pas de définition consensuelle et que ces réflexions donnent lieu à un grand foisonnement. Objet de bien des convoitises25, l’éthique peut être perçue comme la réflexion qui intervient en amont de l’action26 ou comme le fondement de l’acte de décider ou de choisir la meilleure d’entre deux options27. Sans prendre partie sur l’existence d’une éthique spécifique à chaque domaine de l’activité humaine et sans définir un terme si ambigu28, nous faisons finalement nôtre la position d’Aristote qui analysait l’objet de l’éthique comme le domaine de l’activité humaine en tant qu’action reposant sur une décision permettant de distinguer la bonne et la mauvaise façon d’agir.

Le cadre d’analyse ayant été présenté, les interactions existantes ou potentielles entre la réglementation intéressant la gouvernance d’entreprise, la stakeholder theory, la RSE et l’éthique vont être détaillées en distinguant deux périodes animées d’une philosophie distincte (2. et 3.).

2. La quête infructueuse de morale : une participation séparée des mondes gestionnaires et juridiques à la prise de décision éthique

Cette première situation traduisant une insuffisance d’éthique peut être résumée dans une double affirmation.

D’un côté, la RSE et la stakeholder theory contribuent, par l’ouverture de l’entreprise à son environnement qu’elles induisent, à une meilleure prise de décision et, donc, « à plus d’éthique

» (2.1.). Ces deux outils du monde gestionnaire sont des éléments qui doivent être intégrés

dans un processus décisionnel : ils constituent un éclairage précieux pour décider. Par ailleurs, le concept de RSE est imbriqué dans celui de stakeholder. En effet, la RSE et la stakeholder

theory s’interpénètrent et s’analysent comme un pôle unique dont les domaines se recoupent

sans toutefois fusionner. Comme le note Pasquero29, la gestion des parties prenantes est l’instrument privilégié de la RSE. De manière identique, Joras note que « (…) « le concept de

responsabilité sociale » [est] renforcé par la problématique des parties prenantes »30. Dans un

sens identique, Jameux relève que « (…) la responsabilité de l’entreprise doit être étendue aux

dépositaires d’enjeux (stakeholders) qui, de fait, prennent part, aux activités de l’entreprise »31.

D’un autre côté, la réglementation des firmes est un élément qui ne saurait être négligé par les dirigeants si ceux-ci désirent adopter un comportement réellement éthique (2.2.). La loi apparaît alors comme un minima à respecter pour prétendre adopter une telle démarche. Aussi, le droit contribue-t-il à sa manière à une prise de décision efficiente, principalement, par l’établissement de sanctions.

2.1. Interactions des mondes gestionnaires et éthiques : Pour que le droit des sociétés et des marchés financiers (intégrant la RSE et la stakeholder theory dans son corpus normatif) puisse être considéré comme un élément de renforcement de l’éthique des affaires, il faut s’assurer que le monde gestionnaire (regroupant la RSE et la stakeholder theory) présente des points de jonction avec l’éthique et ce, bien avant sa captation dans la sphère juridique. L’interrogation est donc entière quant à déterminer si la RSE et la théorie des parties prenante sont considérées

(5)

comme des outils favorisant le mouvement éthique. Intègrent-elles ce paradigme ou, ne sont-elles que concepts extérieurs à toute notion d’éthique ?

Pour justifier la relation entre, d’un côté, l’éthique et, d’un autre côté, la RSE et la stakeholder

theory, la littérature gestionnaire et de management est pertinente. C’est au travers de multiples

écrits que se dessinent les liens sous-jacents entre ces trois notions. Ainsi, une analyse moderne de l’éthique, communément admise, amène à prôner une théorie de la responsabilité, responsabilité qui constitue la réponse adéquate à une peur actuelle de l’homme eu égard à la civilisation technologique32. Pourtant, il est nécessaire de circonscrire et de déterminer, le plus précisément possible, la manière d’appliquer cette responsabilité. C’est alors qu’apparaît la RSE. Les activités de la firme ayant des conséquences dans son environnement, la stakeholder

theory s’avère jouer un rôle complémentaire et fournir les personnes avec lesquelles négocier

et avec lesquelles l’entreprise doit avoir une discussion positive pour mener à bien ses activités et prendre les meilleures décisions.

A titre d’illustration, Ballet et De Bry soulignent que l’« agir éthique » n’est possible qu’à condition de déterminer si l’entreprise est responsable et à l’égard de qui l’entreprise doit exercer de telles responsabilités. Dans cette perspective, la responsabilité sociale et la théorie des parties prenantes se combinent pour déterminer et délimiter les responsabilités dans une optique élargie des interactions entre l’entreprise et son environnement33. Proche, Enderle et Tavis souligne en 1998 que les entreprises répondent à trois niveaux d’engagement éthique selon que les politiques et les pratiques sociales de l’entreprise dépassent les obligations légales et font de la responsabilité sociale une des dimensions de ces niveaux éthiques34. De manière identique, Pasquero indique que la responsabilité sociale exprime l’idée que l’entreprise est redevable envers la « société » qui l’entoure. La stakeholder theory doit être alors mobilisée puisqu’elle offre une représentation de l’environnement de la firme35.

Les outils du monde gestionnaire que sont la RSE et la stakeholder theory contribuent à renforcer l’éthique en inscrivant l’entreprise dans son rapport aux autres et à la société et en lui permettant finalement d’être un agent de progrès qui ne se limite pas à la réalisation « toujours

et encore plus » de profits. Les mondes gestionnaires et éthiques présentent donc des frontières

distendues qui permettent une interaction.

Le droit semble lui-même ne pas être étranger à l’influence de l’éthique. Bien que cette norme non juridique puisse sembler de prime abord étrangère à son objet, elle a avec le droit un rapport certain de complémentarité36 (2.2.).

2.2. Interactions des mondes juridiques et éthiques : Le droit s’inscrit dans un mouvement éthique comme a pu l’écrire le Doyen Carbonnier37. Tendance autrefois évoquée38, l’éthique se trouve mise à jour au travers de maints exemples qui parsèment les paysages juridiques français et nord-américains des entreprises et des marchés financiers39. Le domaine corporatif et le domaine financier se révèlent en effet incontestablement marqué par une préoccupation éthique40 et l’apparition d’une « morale extra-contractuelle »41. Outre l’impact des règles présidant à l’organisation du gouvernement d’entreprise (2.2.1.), de nombreux arrêts de la Chambre commerciale font expressément référence à la loyauté pour sanctionner soit le comportement d’un dirigeant à l’égard des associés ou à l’égard de l’entreprise (2.2.2.), soit l’abus d’associés (2.2.3.). De même, la condamnation par les tribunaux et la doctrine de montages (2.2.4.) et les évolutions qu’a connues le secteur financier (2.2.5.) confirment que la vision du droit européen et nord-américain des affaires est celle d’un instrument moral.

2.2.1. La réflexion corporate governance permet d’adapter le droit des sociétés et de définir le système d’administration et de contrôle le mieux à même de satisfaire les attentes des

(6)

investisseurs en restaurant la confiance dans les gouvernements d’entreprise. Ces réflexions, non seulement entraînent une centralisation sur la mission de contrôle du conseil d’administration, mais encore influencent la jurisprudence dans le développement du devoir de loyauté des dirigeants de sociétés. Ainsi, bien que les standards français ou nord-américains du gouvernement d’entreprise s’attachent plus à contenir les comportements délictueux par la mise en place de procédures qu’à définir les comportements vertueux, une préoccupation éthique transparaît de ces standards42. Le préambule de la version révisée des Principes de gouvernement d’entreprise de l’OCDE d’avril 2004 illustre ce fait en soulignant que « le

gouvernement d’entreprise n’est (…) qu’un élément de l’environnement économique général (…) [qui] est fonction (…) notamment [de] l’éthique des affaires (…) ».

2.2.2. La Common law définit les manquements aux devoirs pesant sur les administrateurs des sociétés canadiennes sous des dénominations qui évoquent une consonance éthique. Il en est ainsi des devoirs de diligence (duty of care) et de loyauté (duty of loyalty). Les droits américains et canadiens encadrent ainsi les relations entre la direction d’une société et ses actionnaires dans un rapport fiduciaire impliquant un devoir de bonne foi des dirigeants (duty

of good faith)43. Dans la province de Québec, le droit des sociétés se ressent de ces oscillations

de la morale et de l’influence de la common law. Les articles 122(1)(a) de la Loi sur les

sociétés par actions44 et 322 alinéa 2 du Code civil du Québec45 présentent la particularité

d’avoir codifié les obligations des dirigeants en intégrant l’éthique dans un système juridique de tradition civiliste. Martel résumait dès 1993 l’état du droit canadien en écrivant que l’éthique et l’équité gagnaient du terrain dans le domaine des devoirs des dirigeants d’entreprise46.

Alors que le dirigeant français n’est tenu à aucune obligation vis-à-vis des tiers et des cocontractants, il est tenu depuis peu à une obligation de loyauté47 à l’égard des associés et de la société, obligation que la jurisprudence rattache à sa qualité de dirigeant. A travers deux décisions judiciaires, la Cour de cassation a étendu la notion de faute de gestion pour y inclure des préoccupations éthiques et invite les dirigeants, les actionnaires de référence ou de contrôle de la société, à relever leur niveau d’exigence quand ils pratiquent le droit des sociétés48. Tout d’abord, le dirigeant est dépositaire d’informations dont il doit faire bénéficier les associés. Dans une décision de 199649 relative au rachat d’actions d’un minoritaire par un dirigeant, la Cour de cassation rappelle qu’un dirigeant ne saurait utiliser sa position d’ancien dirigeant d’une société pour lui faire concurrence dans une autre société. Ni fondé sur l’article 1116 du Code civil, ni rendu au visa de l’article 1382 du même code, cet arrêt accepte de retenir la responsabilité du dirigeant au motif qu’il aurait manqué à son « devoir de loyauté » envers un

« actionnaire » indépendamment de la convention d’intermédiation dont l’objet était le

reclassement de la participation minoritaire. Ensuite, le dirigeant doit agir dans l’intérêt de la société et ne doit pas communiquer de renseignements à ses concurrents. Comme en atteste l’arrêt du 24 février 199850, le devoir de loyauté interdit au dirigeant toutes intelligences avec l’ennemi et ce, même en l’absence de clause de non-concurrence. Par conséquent, la jurisprudence française démontre qu’au-delà du respect des règles légales, le juge recherche si le comportement du mandataire social est conforme à l’éthique que pouvait attendre de ce dernier la personne physique ou morale qui a subi un préjudice51.

2.2.3. La doctrine française s’interroge sur le point de savoir si les associés ne seraient pas tenus d’un devoir de loyauté envers leur société. S’il est admis que l’associé doit se comporter comme son statut le lui impose et doit se soumettre à l’intérêt commun, le fait que le devoir de loyauté entraine d’autres devoirs que l’associé n’aurait pas souscrit fait l’objet d’un débat. Seul l’abus de majorité paraît faire l’unanimité autour de lui pour y voir la marque d’un devoir de loyauté de cette majorité envers la société et les minoritaires. En effet, « (…) la jurisprudence

(7)

emploie beaucoup plus volontiers les termes ou l’expression « devoir de loyauté » pour freiner l’appétit des dirigeants de sociétés »52. Pour certains auteurs, c’est au travers des abus de droit que les associés se voient reprocher d’avoir fait passer leur intérêt personnel égoïste avant celui de la personne morale53... ce qui atteste d’un devoir de loyauté54.

2.2.4. L’éthique apparaît également dans la condamnation française de montages destinés souvent à détourner les règles du travail, du droit fiscal, du droit des sociétés ou à faire échapper l’actif aux créanciers sociaux. Le professeur Diener constate que « (…) la création de

sociétés fictives est entrée dans les mœurs du plus grand nombre » et que « (…) le monde des affaires se nourrit de poupées gigognes : chaque structure en englobe de plus petites et

s’insère dans de plus grandes »55. Or, la jurisprudence exprime une réaction morale à travers sa

condamnation d’opérations jugées frauduleuses même en l’absence de sanctions pénales (remise en cause de la constitution de sociétés dans une intention frauduleuse, large application de l’action paulienne aux actes sociaux effectués dans une intention de frauder les droits des créanciers, contestation des actes passés par les dirigeants en cas de fraude). De plus, les magistrats paraissent moraliser la constitution et le fonctionnement des sociétés en n’hésitant pas à recourir à la notion de fictivité (condamnation des scissions patrimoniales artificielles, recherche d’un juste équilibre entre majoritaires et minoritaires).

2.2.5. Si la dérégulation et le décloisonnement des marchés financiers à l’échelle mondiale ont marqué la fin les années 1990, la construction de cette économie sans frontières s’est accompagnée de nombreux abus. Face à ces abus, le besoin s’est fait ressentir tant en Europe qu’en nord-Amérique de mettre en place des règles du jeu plus strictes protégeant le faible contre le fort, le profane contre le professionnel averti, les épargnants honnêtes contre les aigrefins. Inspirée de considérations morales, une réflexion infra-législative a été menée et une réaction législative en parallèle a été développée56 pour s’assurer que l’ensemble des activités financières soit assuré avec diligence, loyauté, neutralité et respecter des exigences éthiques.

A titre d’illustration, l’article 406 de la loi Sarbanes-Oxley exige que chaque société américaine se dote d’un code éthique pour les principaux dirigeants financiers, ou à défaut qu’elle rende publique les raisons pour lesquelles elle ne s’en est pas dotée. En France, le

« Rapport général du groupe de déontologie des activités financières » publié en 1988 sous

l’égide de la Commission des opérations de bourse (C.O.B. devenu l’Autorité des marchés financiers) énonce des règles précises (règles reprises dans les règlements des autorités professionnelles et des intermédiaires eux-mêmes) qui poursuivent deux objectifs fondamentaux : le respect de la primauté des intérêts du client et l’intégrité du marché. En outre, bien que la C.O.B. ait laissé aux professionnels l’élaboration de règles déontologiques, celle-ci impose à l’initiateur d’une O.P.A. et aux dirigeants de la société visée une obligation générale d’information afin d’assurer le respect du principe d’égalité des actionnaires. De manière complémentaire, l’Autorité des marchés financiers a élaboré un certain nombre de règles de conduite dans le domaine des services d’investissement qui sont « (…) [destinées] à

garantir la protection des investisseurs et la régularité des opérations »57. Ces dernières obligent les établissements de crédit fournissant de tels services à « (…) se comporter avec

loyauté et agir en équité au mieux des intérêts de leurs clients »58. Au plan européen, la

directive sur les services d’investissement ne peut être négligée tant celle-ci énonce de nombreuses règles d’exigences déontologiques pesant sur les entreprises d’investissement. En conclusion, bien que le Barbieri déplore « (…) l’hypertechnicité des règles en droit des

sociétés » en concédant qu’« (…) une spéculation effrénée, une recherche forcenée d’un profit non partagé s’accommodent parfaitement de normes techniques »59, le droit des

(8)

sociétés et des marchés financiers démontre un élargissement de la notion de bonne foi et de loyauté. Loin de n’avoir de sanction que dans la voix de la conscience, la pénétration de l’éthique dans le monde juridique apporte à l’éthique la force de l’Etat via l’action en justice60. 2.3. Synthèse : une convergence a posteriori, source de complexité

Il est possible de représenter les relations entre le monde gestionnaire (RSE et stakeholder

theory), le monde juridique et le monde éthique. Cette représentation fait apparaître une

dissociation des mondes juridiques et gestionnaires, ainsi qu’une convergence vers davantage d’éthique, convergence que nous qualifierons de « convergence a posteriori » (schéma 1). Cependant, la difficulté pour un dirigeant de prendre une décision éthique ressort en parallèle. En effet, le schéma 1 témoigne de la nécessité de combiner des composants distincts pour prétendre à une telle décision. Or, de tels composants sont susceptibles de se révéler contradictoires puisqu’ils ne se recoupent pas initialement.

Schéma 1

3. La composante plurielle de l’entreprise consacrée : une participation commune des mondes gestionnaires et juridiques à la prise de décision éthique

En rupture par rapport à la situation qui prévalait dans les années 1980, les années 2000 témoignent d’une évolution de la perception des rapports entre le monde juridique et le monde gestionnaire. Ainsi, les instruments juridiques tendent à s’ouvrir à de nouveaux paradigmes et font une place croissante à des notions qui lui étaient, jusque maintenant, étrangères.

3.1. Interactions du monde juridique et de la RSE : des illustrations françaises qui raisonnent en nord-Amérique

Le paysage juridique français donne forme au concept de RSE (3.1.1., 3.1.2. et 3.1.3.). En parallèle, il est symbolique de relever que le droit nord-américain des sociétés cotées vient de se rapprocher de son homologue français. Alors que les entreprises canadiennes considéraient que l’information extra-financière était peu importante jusqu’alors, la commission des valeurs mobilières de l’Ontario leur a fait savoir le 27 février 2008 qu’elle était prête à étudier la

Convergence

a posteriori

Renforcement par une intégration de l’éthique dans la loi

sous forme de sanction Renforcement par un éclairage sur la meilleure option DROIT DES SOCIÉTÉS Stakeholder theory Responsabilit é sociale M o n d e g e s ti o n n a ir e M o n d e ju ri d i q u e M o n d e é th iq u e

(9)

qualité de la divulgation environnementale et qu’elle ne se contenterait plus de formules d’usage pour rendre compte de telles informations61.

3.1.1. La loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages met à la charge de toutes les sociétés anonymes une obligation d’information. Ainsi, les sociétés exploitant une ou plusieurs installations classées « Seveso

seuil haut »62, c’est-à-dire, susceptibles de créer des risques très importants pour la santé et la sécurité des populations voisines et pour l’environnement, doivent informer leurs actionnaires de ses activités. En conséquence, le rapport de gestion doit donner des informations aux actionnaires sur la « (…) politique de prévention du risque d’accident technologique menée

par la société », rendre compte de la « (…) capacité de la société à couvrir sa responsabilité civile vis-à-vis des biens et des personnes du fait de l’exploitation de telles installations » et

préciser les « (…) moyens prévus par la société pour assurer la gestion de l’indemnisation des

victimes en cas d’accident technologique engageant sa responsabilité »63. En parallèle, la loi

renforce l’assise financière des entreprises qui doivent assurer la dépollution de leur site industriel. En vertu de l’article L. 512-1 du Code de l’environnement, le préfet qui délivre une autorisation d’exploiter une installation classée devra vérifier que l’entreprise apporte des garanties techniques et financières pour faire face à ses obligations de remise en état du site en fin d’activité. De plus, la loi ajoute une obligation durant l’activité des entreprises exploitant une carrière, un centre de stockage de déchets ou une installation présentant des risques importants. L’article L. 516-2 du Code de l’environnement note qu’elles doivent informer le préfet des modifications substantielles relatives à leurs capacités techniques et financières. En outre, la loi a des incidences sur la réparation des atteintes dans le cadre des entreprises en difficulté. Si l’entreprise exploite une ou des installations classées, soumises à déclaration ou à autorisation, l’administrateur doit faire rédiger un bilan environnemental de l’entreprise qui vient compléter son bilan économique et social64. Par ailleurs, le projet de plan de redressement présenté par l’administrateur au président du tribunal tient compte des travaux de remise en état recensés par le bilan environnemental65. Si les administrateurs diligents mentionnaient déjà cet élément par le passé66, la loi du 30 juillet 2003 aggrave le coût de ces travaux en imposant des mesures de remise en état durant l’activité67.

3.1.2. Les obligations de divulgation des sociétés cotées incluent classiquement une information de nature financière. En échos à la préoccupation « développement durable » qui touche les investisseurs et les marchés financiers, cette transparence s’étend aujourd’hui à l’information environnementale et sociale.

L’article 116 I. de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (dite loi NRE) a créé un alinéa 4 à l’article L. 225-102-1 du Code de commerce prévoyant que le dirigeant d’une société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé indique dans son rapport de gestion « (…) la manière dont la société prend en compte les

conséquences sociales et environnementales de son activité ». Un décret du 20 février 2002 est

venu compléter ce dispositif et a ajouté les articles R. 225-104 et R. 225-105 au Code de commerce. A travers ces textes, l’information sociale et environnementale est devenue « (…)

un des aspects de la communication financière obligatoirement réalisée »68. L’information que

les sociétés cotées69 ou les holdings70 doit divulguer est multiple. Pour les données sociales, doivent figurer dans le rapport du conseil d’administration ou du directoire, des informations concernant l’effectif total de la société, les plans sociaux, l’organisation du temps de travail, les rémunérations, les relations professionnelles et le bilan des accords collectifs, les conditions d’hygiène et de sécurité, la formation, l’emploi et l’insertion des travailleurs handicapés, les œuvres sociales et la sous-traitance. Par rapport au bilan social prévu aux articles L. 438-1 et suivant du Code du travail, le rapport annuel adopte une démarche plus qualitative et de

(10)

domaines nouveaux sont évoqués. Les données environnementales fournies dans le rapport de gestion sont de deux types. D’un côté, certaines données sont financières et concernent les mesures prises au titre de la prévention des risques industriels pouvant avoir des répercussions sur l’environnement et les conséquences financières pour la société, occasionnées par des atteintes effectivement portées à l’environnement. D’un autre côté, certaines données sont d’ordre qualitatif portant sur des risques potentiels ou précisant certains événements réels qui n’ont pas encore donné lieu à une traduction comptable. Si ces formulations soulèvent nombre d’interrogations, celles-ci ne doivent pas inquiéter outre mesure. Ainsi que le rappellent Igalens et Joras « (…) il a fallu un siècle à la comptabilité générale pour fixer des normes de

présentation qui ne sont pas encore entièrement satisfaisantes, [aussi] les normes de

présentation du rapport de RSE restent encore à inventer »71. Ce sérieux de l’appréhension de

la RSE est attesté non seulement par les exigences imposées aux commissaires aux comptes, mais également par l’existence de sanctions. Sur le premier point, l’avis technique de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (C.N.C.C.) de 2004 est que les sociétés doivent fixer une « (…) règle du jeu, en terme de périmètre, de définition, de principes et de

critères retenus, dans un souci d’exhaustivité et de comparabilité, mais aussi de transparence et de crédibilité de l’information donnée ». En outre, selon l’avis de la C.N.C.C., les diligences

du commissaire aux comptes sont de deux types : il apprécie si le rapport de gestion satisfait dans son contenu aux obligations d’information prévues par le décret et il vérifie la sincérité et la concordance avec les comptes de ces informations. Sur le second point, à côté de la responsabilité « administrative » pesant sur la société72 et de la responsabilité pénale frappant les dirigeants73, la responsabilité peut être civile. Si la présentation erronée ou fallacieuse d’informations sociales et environnementales est difficilement sanctionnable (cette hypothèse n’ayant pas été prévue par la loi NRE et son décret), le droit commun s’applique74. Aussi, il est concevable sur le fondement de l’article L. 225-251 du Code de commerce que la responsabilité des dirigeants puisse être mise en jeu pour omission d’une information75 motif pris, soit d’une infraction aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux sociétés anonymes76, soit d’une faute de gestion77. Parallèlement, les actionnaires peuvent demander en référé au président du tribunal de commerce, de prononcer une injonction sous astreinte aux dirigeants d’avoir à communiquer des informations sociales et environnementales78. De plus, si le rapport annuel d’une société cotée ne comprend pas les informations sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité, toute personne peut demander au président du tribunal d’enjoindre de communiquer ces informations79. Bien que l’étendue de sa mission prête à discussion, la responsabilité des commissaires aux comptes est aussi engagée quand il n’accomplit pas sa mission correctement en matière environnementale80, de la même manière que dans ses domaines d’intervention plus habituels.

La pratique confirme le dispositif législatif et l’ouverture des entreprises françaises à leur environnement. Aussi, le CFIE-Conseil sur l’information sociale et environnementale qui a analysé les rapports 2006 des sociétés cotées révèle que la transparence des rapports de développement durable progresse lentement, mais sûrement81. Selon cette étude, le volet environnemental et social du reporting fait place à une amélioration notable82 même si la qualité du reporting social a moins progressé par rapport aux années précédentes83. De plus, alors que seulement 35 % des compagnies s’étaient conformé à la loi en 2003 (avec une conformité plus importante pour les sociétés du CAC 40), ce taux est passé à 90 %84. Les craintes de certains auteurs relativement à la prise en compte des données environnementales et sociales ne se sont pas vérifiées : d’un côté, il y a acceptation de la logique de ces données et d’une possibilité de les exploiter et, d’un autre côté, l’entreprise n’a pas nécessairement perçu cette réforme négativement ... la démarche s’est avérée distincte de celle en matière de bilan social.

(11)

3.1.3. L’information sociale et environnementale devient une inscription comptable85. Outre la recommandation du Conseil national de la comptabilité du 21 octobre 200386 dont l’application a été recommandée aux sociétés cotées par l’A.M.F. en 2004 et le règlement 2002-10 du Comité de la réglementation comptable relatif à l’amortissement et à la dépréciation des actifs, le Gouvernement français dans son ordonnance du 20 décembre 2004 a transposé en droit français la directive du 18 juin 2003 et a renforcé le contenu du rapport de gestion de certains types de sociétés. Le rapport du conseil d’administration ou du directoire doit comprendre une analyse des indicateurs clés de performance de nature non financière87 ayant trait à l’activité spécifique de la société88. Pour les sociétés n’établissant pas de comptes consolidés, l’article L. 225-100-1 du Code de commerce dispense les sociétés cotées ne remplissant pas deux des trois critères portant sur le total du bilan, le montant net du chiffre d’affaires ou nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l’exercice, de fournir de tels renseignements89. De même, ne doivent pas fournir les informations relatives aux questions d’environnement et de personnel (informations envisagées par l’article L. 225-100 al. 3 du Code de commerce) les sociétés n’établissant pas de comptes consolidés et dont les titres ne sont pas cotés lorsqu’elles ne dépassent pas à la clôture de l’exercice deux des trois critères qui seront précisés par décret90. Désormais, le rapport annuel individuel et le rapport consolidé de gestion doivent comporter des indicateurs clés de performance de nature non financière ayant trait à l’activité spécifique de la société, notamment des informations relatives aux questions d’environnement et de personnel avec, le cas échéant, des renvois aux montants indiqués dans les comptes annuels et des explications supplémentaires et la description des principaux risques et incertitudes auxquels la société est confrontée91.

La loi du 26 juillet 2005 est venue compléter le dispositif informationnel et a étendu aux informations visées à l’article L. 225-102-1 du Code de commerce les mesures prévues aux deux derniers alinéas de l’article L. 225-102. Aussi, dans le cas où le rapport annuel d’une société cotée ne comprendrait pas les informations sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité, toute personne intéressée peut demander au président du tribunal d’enjoindre, sous astreinte, au conseil d’administration ou au directoire de communiquer ces informations.

3.2. Interactions du monde juridique et de la stakeholder theory : Le shareholder n’est plus seul dans l’entreprise. Au regard de la structure molle et volatile qu’est devenue l’entreprise92, sont apparus de nouveaux acteurs engagés contractuellement avec elle. Les stakeholders sont devenus des acteurs nécessaires à la création de valeur93 et sont les agents non seulement dont le bien-être est affecté par les actions engagées par la firme, mais encore sans le support duquel l’organisation cesserait d’exister94. Or, le droit régissant le fonctionnement des sociétés réagit au stimulus « stakeholder ». A l’heure actuelle, divers mécanismes juridiques témoignent des relations qu’entretiennent les mondes juridiques et gestionnaires. Aux images traditionnelles de pouvoir et de commandement s’attachant à l’entreprise, se substitue progressivement un nouveau paysage dans lequel les règles ont pour objectif de mettre de l’ordre dans l’enchevêtrement des liens et des réseaux. Entre tous les acteurs, le droit participe à la définition des règles du jeu permettant de résoudre les conflits non prévus dans les contrats initiaux passés avec eux95 et de défendre les droits des multiples stakeholders.

L’étude du droit français ou nord-américain conduit à constater l’existence de droits au bénéfice de bien d’autres que les shareholders. L’histoire (3.2.1.) et le concept d’intérêt social (3.2.2.) témoignent que d’autres intérêts que ceux des actionnaires sont pris en compte. Alors que la compagnie a longtemps été perçue au Canada comme une institution noyant le conflit social opposant les employés aux dirigeants96, cette dernière paraît devoir être redéfini aujourd’hui comme un lieu de conflit potentiel institutionnalisé.

(12)

3.2.1. Si les années 2000 témoignent d’un avènement visible de la stakeholder theory dans le monde juridique, la discussion en France et en nord-Amérique est ancienne.

En France, le droit s’est intéressé de longue date à la stakeholder theory. Pour s’en rendre compte, il est nécessaire de faire un détour par le droit de l’entreprise et d’exposer les synthèses construites par des professeurs comme Ripert97, Despax98 ou Paillusseau99. Par exemple, ce dernier indique que l’entreprise est une « réalité sociale »100 reflétant un carrefour d’intérêts de force et de nature très divers101 ou encore, une communauté humaine organisée par le droit102. Au travers des expressions et des termes utilisés, la stakeholder theory n’est pas loin, peut être même est-elle déjà présente.

Au Canada, quelques auteurs ont analysé le concept d’entreprise et renvoient à la stakeholder

theory. Dalphond affirme ainsi que l’existence d’une entreprise en droit civil québécois

dépend d’une série d’éléments parmi lesquels figure la conclusion d’actes juridiques entre l’entrepreneur et les intervenants économiques de l’entreprise réceptifs aux biens ou services103. Mais, ce sont les écrits de Rousseau qui semblent faire appel, le plus ouvertement à la stakeholder theory en relevant que le terme « organisé » (au centre de la reconnaissance d’une entreprise) « (…) [peut être] interprété comme exigeant la présence de mécanismes

d’encadrement hiérarchique qui permettent de conclure que l’activité s’effectue en marge du

marché »104. La jurisprudence québécoise laisse elle-même la porte ouverte à la réception de

la stakeholder theory. En effet, la nécessité d’une multitude d’intervenants est rappelée à diverses occasions105.

Aux Etats-Unis, les discussions entre les juristes Berle et Dodd à compter de 1931 ont alimenté la matière. Alors que Berle défend une vision actionnariale de l’entreprise en raison du fait qu’aucune autre alternative ne paraît claire et raisonnable106, Dodd répond que les dirigeants sont responsables à l’égard de tous les groupes de l’entreprise (actionnaires, salariés, clients et public)107. Finalement, Berle dans son ouvrage The 20th Century Capitalist

Revolution observera que le droit des sociétés évolue indubitablement vers une vision plus

ouverte de l’objectif de la société108.

3.2.2. Le droit français et nord-américain des sociétés fait ressentir cette appréhension de la

stakeholder theory à travers la notion juridique d’« intérêt social » et la manière globale dont

celui-ci est perçu. Sur ce terrain, droit et stakeholder theory s’entrechoquent pour proposer une solution quant à sa définition.

En droit français, si l’intérêt social répond à diverses définitions, une tendance au rejet de la seule prise en compte des seuls intérêts actionnaires se dessine. Certains auteurs prétendent ainsi que l’intérêt social serait l’intérêt de l’entreprise qui transcenderait l’intérêt des actionnaires109. Les décisions financières devraient alors s’apprécier par rapport à l’intérêt que présente pour l’entreprise une telle opération. En ce sens, Paillusseau précise que l’intérêt social ne serait rien d’autre que l’intérêt de l’entreprise110. Au contraire, d’autres auteurs estiment que l’intérêt social doit s’entendre comme l’intérêt propre de la société : celle-ci serait constituée dans l’intérêt des associés qui attendraient une création de richesse et une optimisation de la valeur des titres111. En se fondant sur les articles 1832 et 1833 du Code civil, Schmidt considère en ce sens que la société « (…) a pour objet la réalisation du plus important

bénéfice social dans le seul intérêt des associés »112. Enfin, une partie de la doctrine adopte des positions variables en marge de cette dichotomie. Certains font de l’intérêt social un standard. Bertrel défend ainsi la théorie du « juste milieu » qui analyse la société comme un concept mixte et impose de reconnaître l’intérêt tant des actionnaires que de la société113. En plus de cette diversité doctrinale, la jurisprudence oscille entre intérêt des associés, intérêt de la société et intérêt de l’entreprise et n’a pas clairement délimité les contours de cette notion. En témoignent les nombreux arrêts en matière d’abus de biens sociaux. En cette matière, alors que les magistrats affirment que la loi protège non seulement les intérêts des associés mais aussi le

(13)

patrimoine de la société et les intérêts des tiers qui contractent avec elle, ils adoptent une vision restrictive de l’action civile puisqu’elle ne l’accorde qu’à la société et aux associés.

En droit canadien, l’arrêt de la Cour suprême du Canada Magasins à rayons Peoples Inc.

(Syndic de) c. Wise de 2004114 a bouleversé de nombreuses idées reçues. Devant déterminer si

la mise en place d’une nouvelle politique d’approvisionnement par les administrateurs d’une firme constituait une transgression des devoirs de prudence, de diligence, de loyauté et de bonne foi prévus par l’article 122 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, la Cour suprême du Canada procède à un revirement de jurisprudence. Pour interpréter le respect du devoir de loyauté, celle-ci rompt avec sa vision traditionnelle de l’intérêt de la firme fondée sur la primauté des actionnaires en faveur d’une conception plus large qui reconnaît la pertinence des intérêts de toutes les parties prenantes115. La Cour indique « (…) qu’il ne faut pas

interpréter l’expression « au mieux des intérêts de la société » comme si elle signifiait simplement « au mieux des intérêts des actionnaires » ». De plus, elle note que « (…) pour déterminer s’il s’agit au mieux des intérêts de la société, il peut être légitime pour le conseil d’administration, vu l’ensemble des circonstances dans un cas donné, de tenir notamment des intérêts des actionnaires, des employés, des fournisseurs, des créanciers, des consommateurs, des gouvernements et de l’environnement ».

Le droit américain des sociétés cultive l’incertitude sur la reconnaissance des stakeholders. Même si la tendance jurisprudentielle au dépassement de la maximisation du profit des

shareholders n’est pas affirmée nettement, la schizophrénie de la situation116 et l’incertitude

dont elle est la cause117 profitent à la stakeholder theory. Quelques décisions américaines permettent ainsi de se rendre compte de l’évolution de la perception juridique de l’entreprise. Premièrement, le procès opposant les frères Dodge à Ford Motor en 1919 témoigne de la conception actionnariale de l’entreprise118. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Michigan indique que l’entreprise est organisée d’abord pour le profit des actionnaires et la latitude discrétionnaire des dirigeants ne doit être mobilisée que dans cet unique but. Deuxièmement, rompant avec cette décision, l’affaire Smith Manufacturing Co contre Barlow de 1953 redéfinit le but de l’entreprise119. La Cour suprême du New Jersey soutient que : « (…) les actionnaires

individuels, dont les intérêts privés reposent entièrement sur le bien-être de l’entreprise, ne devraient pas fermer leurs yeux sur les réalités présentes et contrarier l’action à long terme de l’entreprise, en reconnaissant et en s’acquittant volontairement de leur obligations ».

Troisièmement, dans l’affaire Unocal Corp. v. Mesa Petroleum Co. de 1985120, la Cour suprême du Delaware indique que le conseil d’administration doit considérer l’impact d’une offre publique d’achat sur les constituants d’une entreprise autres que les shareholders (créditeurs, consommateurs, employés et peut être la communauté en général). Quatrièmement, dans le cas d’un conflit d’intérêts entre les shareholders et les non-shareholders, la Cour du Delaware a évolué au travers de sa décision Crédit Lyonnais Bank Nederland N.V. v. Pathé

Communications Corp.121. Dans cette affaire où une société se retrouvait en difficultés financières, les actionnaires n’ont pu mettre en jeu la responsabilité du conseil d’administration pour avoir refusé de poursuivre une stratégie favorable aux actionnaires mais nuisibles aux créanciers de la société. Parallèlement, un détour par la doctrine juridique américaine démontre qu’une place est faite aux stakeholders. Deux auteurs sont particulièrement éclairants sur ce point. D’une part, Stout va jusqu’à qualifier l’assimilation de l’objectif de la firme à l’intérêt des actionnaires d’erreur, de sport judiciaire ou encore, de curiosité doctrinale devenue obsolète122. D’autre part, Greenfield développe de nouveaux principes pour le droit américain des sociétés dont l’élément central est que les firmes doivent servir les intérêts de la société «

comme un tout »123. Des spécialistes américains de la finance tels que Zingales et Rajan124

remettent également en cause le paradigme de la valeur actionnariale et de la concentration des efforts des dirigeants en faveur de ces partenaires des sociétés.

(14)

3.3. Synthèse : le monde juridique donne (enfin) les moyens de prendre une décision éthique

L’appréhension par le droit des sociétés des problématiques de RSE et de stakeholders est attestée. Ce phénomène peut être représenté comme suit (schéma 2). Bien au-delà du seul droit français, ce mouvement d’intégration parcourt le droit canadien et le droit américain. Si cette appréhension apparaît diffuse dans le cas américain, elle existe et doit, à ce titre, être signalée. L’évolution du monde juridique donne donc naissance à une entreprise nouvelle qui a les moyens d’assumer sa responsabilité citoyenne. Le chevauchement des mondes juridiques et gestionnaires donnent à l’entreprise un visage composite. En autorisant les dirigeants à tenir compte de la pluralité qui est le socle de leur entreprise et à ne pas ignorer son encastrement dans une structure sociale globale, le droit des sociétés et des marchés financiers les dote des outils pour élargir leur choix dans l’acte de décider et ne pas se limiter leur horizon décisionnel à l’objectif du seul profit.

Schéma 2

4. Conclusion : « il faut savoir saisir ce qui commence »125

Les liens entre le droit des sociétés (français, européen, canadien et américain), la RSE, la

stakeholder theory et l’éthique font apparaître plusieurs points saillants, dont l’élément central

est l’émergence d’une conception de l’entreprise qui ne saurait se désintéresser de ses partenaires, de son environnement126 et, plus globalement, de la société dans laquelle elle évolue … condition sine qua none du développement d’une authentique citoyenneté de l’entreprise. La collectivité est devenue un enjeu majeur du débat éthique dans la mesure où elle appelle à repenser la finalité des entreprises et la problématique de l’intérêt social127. Le droit, la RSE et la stakeholder theory se conjuguent pour mettre en œuvre une modalité de l’agir128 éthique sous la forme d’une décision et, corrélativement, d’une action responsables129. Récemment, Werhane confirme cette opinion en notant : « Stakeholder theory assumes that

the organization and all its stakeholders form a shared moral community, and it appeals to

moral minimums or principles of fairness when evaluating organizational decisions »130.

En outre, l’intégration des notions de RSE et de stakeholder theory dans le droit fait apparaître un point de convergence commune (schéma 2). Cette « convergence a priori » offre l’opportunité de faciliter la prise de décision éthique par les dirigeants. En effet, le point obtenu fournit non seulement un « repère » qui appréhende communément le droit, la RSE et

DROIT DES SOCIÉTÉS Responsabilité sociale Stakeholder theory Convergence a priori M o n d e é th iq u e Captation de la RSE et de la stakeholder

theory par la sphère

(15)

la stakeholder theory, mais encore un « repère efficace ». Cette efficacité est garantie par l’existence d’une réglementation (dont le droit des sociétés est la cause principale) et par le développement d’un contexte d’adhésion à des normes de société à respecter131 (dont la RSE et la stakeholder theory sont à la base). Or, ces deux composants nous semblent indissociables d’une démarche qui se voudrait éthique. Ainsi, Pigé constate que seul un dirigeant libre, liberté autorisée par la marge de manœuvre qu’induit l’introduction de la stakeholder theory et de la RSE dans le droit, peut adopter une conduite éthique132. Parallèlement, il ne doit pas être perdu de vue que dans le contexte économique contestataire que nous connaissons, cette convergence offre l’opportunité de réinventer l’entreprise133 et de proposer un nouveau modèle. Ce modèle ne permettrait-il pas de combattre ce « supercapitalisme » tant décrié134 et la « course au

profit » qu’il induit135 ?

Enfin, cette recherche laisse entrevoir la participation des droits français, européens et nord-américains régissant la gouvernance des entreprises au mouvement éthique. Cette observation confirme ainsi les implications juridiques de l’éthique apparues en ce domaine dès la fin des années 1990136. Mais au-delà même de cette constatation, la convergence de systèmes juridiques, d’essence ab initio si différente, donne une assise forte au concept d’éthique en faisant tomber les barrières nationales qui pouvaient apparaître jusqu’alors comme autant de freins à son expansion. Par ailleurs, le droit des sociétés apporte à la RSE et à la stakeholder

theory et, globalement à l’éthique, sa force137. Si les mondes gestionnaires et éthiques pouvaient parler à l’homme et aux entreprises qu’ils créent, ils ne le faisaient qu’en langage inarticulé. Par l’intervention du droit, une formule va émerger dont l’application sera garantie par une sanction. La condition essentielle de la participation du droit, énoncée par Vogel dans son ouvrage « The market for Virtue », afin d’assurer l’effectivité de l’éthique est ainsi vérifiée138. Malgré ces indiscutables apports du droit « au plus d’éthique », l’éthique ne saurait toutefois se résumer dans le droit. « Le droit n’est pas tout [!] » comme l’énonce Comte-Sponville139 d’autant que celui-ci peut montrer ses limites en pareil discipline140. Prenant l’exemple français de la loi NRE, son impact ne doit pas être exagéré. En effet, ce n’est pas parce qu’une société ne satisfait pas aux exigences de la loi NRE que celle-ci ne mène pas à une politique éthique et, réciproquement, il ne suffit pas de surfer sur la vague verte pour respecter la loi141. Il y a nécessité de combiner les dispositifs juridiques avec le monde gestionnaire pour aboutir à une démarche éthique, seule à même de produire un résultat efficient pour l’entreprise.

Bibliographie

Acquier, A., Aggeri, F., « Une généalogie de la pensée managériale sur la RSE », Revue

française de gestion, Vol. 34, n°104, 2008, p.131.

Allen, F., Carletti, E., Marquez, R., « Stakeholder Capitalism, Corporate Governance and Firm Value », Finance Working Paper n°190/2007, ECGI, octobre 2007.

Allen, W. T., « Our Shizophrenic Conception of the Corporation », Cardozo Law Review, n°14, 1992, p.261.

ALPHA Etudes, « Les informations sociales dans les rapports 2006 : cinquième bilan de l’application de la loi NRE », 31 octobre 2007.

Artus, P., Virard, M.-P., Le capitalisme est en train de s’autodétruire, Paris, La Découverte, 2007.

Baillot, V., « Les infractions liées au contrôle de la comptabilité : Avant-propos », Petites

affiches, n°74, 12 avril 2007, p.25.

Bainbridge, S. M., Corporation Law and Economics, New York, Foundation Press, 2002. Ballet, J., de Bry, F., L’entreprise et l’éthique, Paris, Edition du Seuil, 2002.

(16)

Barbiéri, J.-F., « Morale et droit des sociétés », in La morale et le droit des affaires, Paris, Montchrestien, 1996, p.102.

Berle, A. A., Means, G., The Modern Corporation And The Private Property, New York, Mc Millan, 1932.

Berle, A. A., « Corporate Powers As Powers In Trust », Harvard Law Review, Vol. 44, n°7, 1931, p.1049.

Bertrel, J.-P., « Le débat sur la nature juridique de la société », in Mélanges A. Sayag, Paris, Litec, 1997, p.131.

Bigot, J., « L’exemple du secteur financier à la lumière du droit français », Revue Juridique

Thémis, Vol. 27, nº2-3, 1993, p.247.

Bissara, P., Foy, R., de Vauplane, A., Droit et pratique de la gouvernance des sociétés

cotées : Conseils et comités, Paris, éditions Joly, 2007.

Beauchamp, T. L., Bowie, N. E., Ethical Theory and Business, New Jersey, Pearson Prentice Hall : 2003.

Brunhes, B., « Réflexions sur la gouvernance », Droit Social, n°2, février 2001, p.115. Carbonnier, J., Sociologie juridique, Paris, P.U.F., 2004.

Carbonnier, J., Flexible droit : Pour une sociologie du droit sans rigueur, Paris, L.G.D.J., 2001.

Carbonnier, J., Droit et passion du droit sous la Ve République, Paris, Champs Flammarion, 1996.

Cardot, F., L’éthique d’entreprise, Paris, P.U.F., 2006.

Charreaux, G., Le gouvernement des entreprises, Paris, Economica, 1997.

Constantin, A., « L’intérêt social : quel intérêt ? », in Etudes offertes à B. Mercadal, Paris, Francis Lefebvre, 2002, p.317.

Comte-Sponville, A., Le capitalisme est-il moral ?, Paris, Albin Michel, 2004. Cozian, M., Viandier, A., Droit des sociétés, Paris, Litec, 2001.

Daigne, J.-F, L’éthique financière, Paris, P.U.F., 1991.

Daigre, J.-J., « Le petit air anglais du devoir de loyauté des dirigeants », in Mélanges P.

Bézard, Paris, Montchrestien, 2002, p.79.

Dalle, F., « Entreprise et civilisation », Institut national de prospective, 25 septembre 1990. Dalphond, P. J., « Entreprise et vente d’entreprise en droit civil québécois », Revue du

barreau, T. 54, 1994, p.35.

Darmaisin, S., Le contrat moral, préf. B. Teyssié, Paris, L.G.D.J., 1999.

Delbard, O., « An Analysis of E.U. CSR Policy and Sustainability Reporting Practices The case of the French NRE Law and the « European Paradox » », Working paper, Colloque

Global Governance, The Role of Business and Its Implications for Companies, Stakeholders & Society, EABIS, 20 et 21 septembre 2007, Barcelone (Espagne).

Delga, J., Van Wijk, G., « Ethique, cynisme et dirigeance », in Bournois, F., Duval-Hamel, J., Roussillon, S., Scaringella, J.-L, Comités exécutifs : Voyage au cœur de la gouvernance, Paris, Eyrolles, 2007, p.821.

Despax, M., L’entreprise et le droit, Paris, L.G.D.J., 1957.

Diener, P., « Ethique et droit des affaires », Dalloz, Chron., 1993, p.17.

Dodd, E. M., « For Whom Corporate Managers are Trustees ? », Harvard Law Review, Vol. 45, n°7, 1932, p.1145.

Enderle, G., Tavis, A. L., « A Balanced Concept of the Firm and the Measurement of it’s Long-Term Planning and Performance », Journal of Business Ethics, Vol. 17, n°11, 1998, p.1129.

(17)

Evraert, S., Lacroix, M., « Responsabilité sociale et Reporting de la Performance », in Le Roy, F., Marchesnay, M., dir., La responsabilité sociale de l’entreprise, Paris, éd. EMS, 2005, p.37.

Freeman, R. E., Harrison, J. S., and Wicks, A. C., Managing for Stakeholders : Survival,

Reputation, and Success, New Haven & London, Yale University Press, 2007.

Freeman, R. E., « The Wal-Mart Effect and Business, Ethics, and Society », The Academy of

Management : Perspectives, Vol. 20, nº3, 2006, p.38.

Greenfield, K., The Failure of Corporate Law : Fundamental Flaws and Progressive

Possibilities, Chicago, The University of Chicago Press, 2006.

Hart, O., « Corporate Governance : Some theory and implications », Economic Journal, 1995. Heath, J., Norman, W., « Stakeholder Theory, Corporate Governance and Public Management : What can the History of State-Run Enterprises Teach us in the Post-Enron era ? », Journal of Business Ethics, Vol. 53, 2004, p.247.

Imbs, P., « Conclusion génrale », in Imbs, P. dir., L’entreprise exposée à des responsabilités

élargies, Paris, éd. EMS, 2005, p.241.

Ionescu-Somers, A., « View of Managers about their Stakeholder Environment : An Update », in Steger, U., dir., Inside the Mind of the Stakeholder : The Hype Behind Stakeholder

Pressure, IMD, EABIS, 2007, p.29.

Jameux, C., « Responsabilité sociale de l’entreprise : retour en territoire économique ou enjeu gestionnaire ? », in Le Roy, F., Marchesnay, M., dir., La responsabilité sociale de

l’entreprise, Paris, éd. EMS, 2005, p.271.

Jarrosson, B., « Le dirigeant seul face à la décision », in Bournois, F., Duval-Hamel, J., Roussillon, S., Scaringella, J.-L, Comités exécutifs : Voyage au cœur de la gouvernance, Paris, Eyrolles, 2007, p.453.

Joras, M., Igalens, J., « Le rapport de responsabilité sociale de l’entreprise », in Imbs, P. dir.,

L’entreprise exposée à des responsabilités élargies, Paris, éd. EMS, 2005, p.27.

Joras, M., « Vers l’émergence d’une éthique sociétale de l’entreprise », in Imbs, P. dir.,

L’entreprise exposée à des responsabilités élargies, Paris, éd. EMS, 2005, p.205.

Jonas, H., Le principe responsabilité, Paris, Champs Flammarion, 1998.

Laroche, H., « Dirigeant et décision », in Bournois, F., Duval-Hamel, J., Roussillon, S., Scaringella, J.-L, Comités exécutifs : Voyage au cœur de la gouvernance, Paris, Eyrolles, 2007, p.448.

Lathelize-Bonnemaizon, M., « Bilan et perspective du devoir de loyauté en droit des sociétés », Petites affiches, n°125, 23 juin 2000, p.7.

Le Cercle des économistes, La guerre des capitalismes aura lieu, Lorenzi, J.-H., dir., Paris, Perrin, 2008.

Le Nabasque, H., « Le développement du devoir de loyauté en droit des sociétés »,

R.T.D.Com., 1999, p.273.

Maati, J., Le gouvernement d’entreprise, Bruxelles, de Boeck Université, 1999.

Malecki, C., « Informations sociales et environnementales : de nouvelles responsabilités pour les sociétés cotées ? », Dalloz, 2003, p.820.

Maréchal, J.-P., Dictionnaire de l’autre économie, Paris, Folio actuel, 2006, p.376.

Martel, P., « La loyauté et la bonne foi des dirigeants de compagnies au Québec : l’éthique et l’équité gagnent du terrain », Revue Juridique Thémis, Vol. 27, nº2-3, 1993, p.309.

Martel, M., Martel, P., La compagnie au Québec, Vol. 1, éd. Wilson & Lafleur, Martel Itée, 2005.

Mathey, N, Recherches sur la personnalité morale en droit privé, thèse Paris II, 2001.

Mercier, S., « L’institutionnalisation de l’éthique dans la gouvernance de l’entreprise », in Bournois, F., Duval-Hamel, J., Roussillon, S., Scaringella, J.-L, Comités exécutifs : Voyage

Références

Documents relatifs

Moi, Michel BELLI , directeur de la société ORSYS , renouvelle ce jour mon engagement vis-à-vis du Pacte mondial de l’ONU et mon implication à respecter et faire respecter les

La conjonction d’un diagnostic d’assez fort isolement du monde des enseignants de la conduite et de la sécurité routière, par rapport au monde de l’éducation à la

Ces effectifs nous permettent, dans une deuxième partie, d’estimer les besoins de renouvellement de la main-d’œuvre consécutifs aux sorties d’emploi des plus âgés,

EASDAQ 9 9 4.1 Cadre generai 99 4.2 L'inscription d'instruments financiers sur EASDAQ 102 4.3 Membres d'EASDAQ 108 4.4 Règles en matière d'information 108 4.5 Système de négociation

Tandis que la valeur à l’intérieur (la plus faible) correspond à la proportion de la modalité chez l’ensemble des filles (ou des garçons pour les classes de garçons) (ex : 84

La loi de transformation de la fonction publique parachève l’évolution engagée par la loi 3 du 5 juillet 2010 portant rénovation du dialogue social dans la fonction publique,

La simplification des normes est un domaine dans lequel le Sénat a déjà pris des initiatives fortes comme, par exemple, l’adoption de la résolution du 13 janvier

L’objet de ce travail est de s’interroger sur les contributions de la « Stakeholder Theory » (SHT) à l’éclairage du concept de responsabilité sociétale de l’entreprise