• Aucun résultat trouvé

L'inhibition de la fonction symbolique chez les agresseurs sexuels

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "L'inhibition de la fonction symbolique chez les agresseurs sexuels"

Copied!
92
0
0

Texte intégral

(1)

MÉLANIE GIRARD

6 F

Pô .5

F?

L'INHIBITION DE LA FONCTION SYMBOLIQUE

CHEZ LES AGRESSEURS SEXUELS

Mémoire présenté à

la Faculté des études supérieures de l'Université Laval

pour l'obtention

du grade de maître en psychologie (M.PS.)

École de psychologie

FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSITÉ LAVAL

OCTOBRE 1999

(2)

Z/z ^ÔMc/zozz ¿yzMZo/zgzzg pgrzzzef 6/g z»gM/6z/zfgr /gf 6z^gc/f g/ 6/g /g¿! gjcprzzzzgr p6zr /a

jzg/zfgg, /g /6z/zg6zgg gf /g y^füKTMg 6zzz /fg% ¿¿g rgcozzrzr 6zzz ^76zff6zgg à /'6zc/g /zozzr /gf Z/6״z6/zzzrg.

Dgf oZf gz^6zfzozzf yâzfgf fzzr /gf 6/g/z»gzz6ZMff fg%wg/f ozzf j?grzMZf 6/g ràvg/gr ^zzg cgr/6zzMf 6zv6zzg»f

zzzzg yÔMC/zom fy/?zZo/z^zzg 6/^/zczgzzfg. Z/z ^zrgfgzz/g fgcAgrc/zg g%6z77zzzzg /a ybMcfzoM fyzzzZo/zgzzg cAgz 30 6zgrgffgzzrf fg%zzg/f gf c/zgz 30 fzÿ'gff ybnwzzzf zzzz grozzpg fg/τζοζ«. Cgffg yö/zcfzozz gff

gv6z/ugg j5ar /gf z»ffrzzzMg/zff ^rc/zgf^g-fgff à 0 g/g/Mgnff (C4T-P) gf /%/zg//g 6/'6z/g^zf/r^7Mzg 6/g

Zbrozzfo (T45"-20/. Z)gf 6/z^rgzzcgf fzgnz/zc6zfzvgf fozzf r^grggf gzzfrg /gf 6/gz6% growpgf gf

fzgM6z/g«f g'z/g /gf agrgffgz/rf fg%ug/f o/zf 6/6zv6z?zf6zgg /a /ôzzcfz6)zz fymZo/z^zzg zzzAzôgg gzzg /g

groupe témoin. De plus, il est démontré que leur fonction symbolique est inhibée à un niveau ¿)/%f fgygfg. /gf fcorgf oZfg/zzzf à /WT-0 «g co/rg/gzzf j?6zf 6zvgc cg!6% 6/g /a ZW&20

fzzgggfwz/ g'ug /gf 6/gz¿c 7»gf«rgf /zg rgpàrgzzf j96zf /gf /zzg/Mgf ^/zgMomá/zgf. ^zgzz gug 6/'6zwfrgf

rgc/zgrc/zgf fozgzzf »¿6zgff6zzz־gf, cgf ràfzz/f6zff 6/ë#z0Mfrg?zf /a /zgrfzzzg/zcg 6/g rgcozzwzzfrg

/'ZZz/zzZzfZOM 6/g /6Z yÔMCfZOM fy7?z/z6)/zgzzg COfMTMg gf6ZZZf ZZZZg /zZZZZfg c/zgz J?/zZfZgZZTf 6/g/zZZ^ZZ6ZZZff

(3)

AVANT-PROPOS

La présentation de ce travail, tel qu'il est aujourd'hui, n'aurait pas été possible sans l'aide et le support de personnes vraiment extraordinaires. Je profite de ces quelques lignes pour leur dire à quel point j'ai apprécié tout ce qu'elles m'ont apporté et surtout, pour les en remercier.

Je remercie mon directeur, M. Jean-Marc Lessard, pour m'avoir guidée tout au long de cette recherche et pour m'avoir donné la liberté de travail dont j'avais besoin. Travailler avec vous est un réel plaisir.

Merci à M. Roger Gravel, mon codirecteur, pour m'avoir respectée dans mes intérêts de recherche, pour ses précieux conseils et pour la confiance qu'il m'a accordée. Je suis

persuadée que vous saurez faire en sorte que cette recherche ouvre la porte à d'autres et je vous en suis reconnaissante.

Un merci spécial au personnel de la Clinique dévaluation et de traitement des troubles du comportement sexuel, particulièrement à M. Marcel Couture, pour m'avoir permis

d'intégrer ses groupes de thérapie afin que je puisse faire mon expérimentation. Merci pour votre soutien et vos encouragements.

Je remercie M. Hans !vers et M. Denis Lacerte pour l'aide qu'ils m'ont apportée au moment de l'analyse des données.

Je ne veux pas oublier M. Louis Brunet et Mme Louise Desrosiers qui ont répondu à mes nombreuses questions et qui ont su me référer aux bonnes personnes avec une réelle

(4)

Si un tel travail n'a pu se faire sans l'aide de toutes ces personnes, moi je n'aurais pu le faire sans le support de ces autres personnes...

Merci à mes parents, Joseph et Ange-Anna, pour avoir cru en moi et pour m'avoir toujours fait sentir que j'étais capable de réussir. C'est grâce à vous si je suis rendue là où je suis maintenant. Je vous aime très fort.

Merci à mes frères Dominic et Donald et à mon beau-frère André pour leur

participation au recrutement des sujets. Votre aide m'a été vraiment précieuse. Merci aux autres membres de ma famille, Martine et Cari, Marjolaine, Daniel et Martine, Chantal et Lyne sans oublier mon filleul Charles, de même qu'Émilie, Hugo et Jessie. L'intérêt que vous avez manifesté à mon travail et tous vos petits mots d'encouragement qui sont toujours tombés aux bons moments m'ont permis de terminer dans les délais les plus brefs.

Finalement, je remercie mon copain, Marc, pour avoir eu la patience de m'endurer tout au long de la rédaction de mon mémoire et pour sa confiance en mes compétences. Je t'aime. Merci aussi à Garfield et à Anna, pour leur présence.

"Le chagrin qui ne trouve pas d'issue dans les larmes fait pleurer les autres organes. "

(5)

TABLE DES MATIERES

Page 1 1eaa*a«aaaaaaaaa«1 !···*···< RÉSUMÉ 2 AVANT-PROPOS 4 ,״ !···a···a··a··*···!

TABLE DES MATIÈRES

6 LISTE DES TABLES

7

1»···«···*···■a···«··«····

>···■·•••••*••«•«0···

! a«e···*«···a····a···«e···a·a! CHAPITRE I. L'INHIBITION DE LA FONCTION SYMBOLIQUE CHEZ LES AGRESSEURS SEXUELS...7

La formation des symboles...8

Symbolisation et fantasmatisation...12

L'alexithymie...15

Lafonction symbolique et l'alexithymie chez les agresseurs sexuels...20

Objectifs de la présente recherche...22

CHAPITRE Π... 24 MÉTHODE... 24 Sujets... :...24 Critères d'inclusion...25 Instruments....27 Procédure...29 Analyses statistiques...31 CHAPITRE ΠΙ... 32 RÉSULTATS...32 Hypothèse 1... 33 Hypothèse 2...34 Hypothèse 3... 35 39 ····«···*«·׳ aa · !··· CHAPITRE IV DISCUSSION...39

Discussion des résultats....39

Implication dans le traitement des délinquants sexuels...43

Quelques indications pour le traitement...44

Limites de la recherche...45

(6)

ANNEXE C : Échelle d'alexithymie de Toronto à 20 items (TAS-20)... 63

ANNEXE D : Psychiatrie Symptom Index (PSI)... 66

ANNEXE E : Profil sociodémographique... .69

ANNEXE F : Formulaire de consentement... 72

ANNEXE G : Données brutes des groupes expérimental et témoin au TAS-20 et au AT-9 a..·..·.·...■·■■.*..·.ו·..■··...·....«·...··■o···..■·.«·».·«...·■.«.·...·..·■o■«.«.»·■.a...···.■.·.*..·....a.···■·1·..·.· 74

ANNEXE H : Exemples de protocoles AT-9 normaux... 77

ANNEXE I : Exemples de protocoles AT-9 d'inhibition primaire.... ... 82

(7)

LISTE DES TABLES

Table Page

I Caractéristiquessociodémographiquesdesgroupesexperimental(n = 30) et

témoin(n= 30)... 26

Π Mesuredetendancecentrale, dedispersionetpourcentageobtenuaux

DIFFÉRENTS TESTS POUR LES GROUPES EXPÉRIMENTAL (n = 30) ET TÉMOIN (n = 30)...32 JH TABLEAU DE CONTINGENCE DES FRÉQUENCES (POURCENTAGES) OBSERVÉES DES VALEURS

ASSOCIÉES AUX SCORES AT-9 POUR LES GROUPES EXPÉRIMENTAL (11=30) ET TÉMOIN (n =

30)...34 IV TABLEAU DE CONTINGENCE DES FRÉQUENCES (POURCENTAGES) OBSERVÉES POUR LES

NTVEAUX D'INHIBITION DE LA FONCTION SYMBOLIQUE DES GROUPES EXPÉRIMENTAL (11=30) ET TÉMOIN (n = 30)... 35

V Coefficientdecorrélation (r) etd'association (φ) entrel'échelled'alexithymie

de Torontoetl'Archétype-testà 9 élémentspourlesgroupesexpérimental (n=

30), TÉMOIN (n = 30) ET TOTAL (n = 60)... 36 VI Tableaudecontingencedesfréquences (pourcentages) observéesdesvaleurs

ASSOCIÉES AUX SCORES TAS-20 POUR LES GROUPES EXPÉRIMENTAL (n = 30) ET TÉMOIN (n

(8)

2 ΊΑΗΖΕΠΤΟΑΖλΕ Σ/1 FOAC7TOA ^FMBOZJQMF CBEZ2E^AGRE&SEML9

Une personne est aperçue, en Γoccurrence une femme, une pulsion est ressentie: le désir, un acte est commis: le viol. Entre les trois, rien ne semble s’être produit et pourtant, il aurait dû y avoir quelque chose. Une parole, une pensée, un fantasme, quelque chose qui aurait peut-être empêché l’inévitable de se produire. Aucun substitut n’a été trouvé à «l’objet de désir», ni à la pulsion, la symbolisation n’a pas joué son rôle. La déficience de la fonction symbolique serait-elle une cause du passage à l’acte ?

L'objectif de cette recherche est de vérifier, de façon empirique, si la fonction

symbolique des agresseurs sexuels est inhibée comparativement à celle des sujets d'un groupe témoin. Elle se veut être un support à des observations cliniques et à quelques études déjà faites sur le sujet. Afin de bien définir le sujet de la recherche, un relevé de littérature est d'abord fait sur le concept de la fonction symbolique. D'abord, la formation des symboles est décrite dans une perspective psychanalytique. Par la suite, il est question de la symbolisation et de la fantasmatisation. Le concept d'alexithymie, en tant que mode de fonctionnement mental résultant d'une carence de la symbolisation, est ensuite exploré. Enfin, les études faites sur la fonction symbolique et l'alexithymie chez les agresseurs sexuels sont rapportées et les hypothèses de la présente recherche sont énumérées.

(9)

8

Dans le chapitre Π, la méthode utilisée pour vérifier les hypothèses de recherche est décrite. Deux groupes sont utilisés: un groupe d'agresseurs sexuels et un groupe témoin. Leur description est faite dans la section sujets. La fonction symbolique est mesurée à l'aide de l'Archétype-test à 9 éléments décrit et expliqué dans les instruments. L'échelle d'alexithymie de Toronto à 20 items est également utilisée. Le déroulement de !'expérimentation est soigneusement expliqué dans la procédure. A la suite sont indiquées les analyses statistiques prévues pour valider les hypothèses. Les résultats pour chacune des hypothèses sont décrits au chapitre ΠΙ. Le dernier chapitre comprend la discussion des résultats, !'implication dans le traitement des agresseurs sexuels, quelques indications pour le traitement et enfin, les limites de la recherche. Mais tout d'abord, d'où vient la fonction symbolique ?

La formation des symboles

Godfrind (1989) s'interroge sur les origines et les modalités du processus de

symbolisation. Elle considère que la fonction de symbolisation se construit spécifiquement dans la relation à l'objet primitif, et plus précisément, dans la relation au psychisme de la mère. Cette construction se ferait de manière progressive, en deux temps: celui de l'organisation des prémisses de la symbolisation, puis l'avènement de la symbolisation. Les résultats d'une étude faite par Warkentin, Baudonnière et Harguîes (1995) vont dans le sens d'un modèle selon lequel l'émergence de la fonction symbolique se ferait effectivement progressivement, vers 18 mois, avec acquisition successive des différentes manifestations comportementales.

Godfrind situe d'abord les prémisses de la symbolisation dans la période de vie antérieure à la séparation moi/non-moi. Elle insiste particulièrement sur la dialectique qui se noue entre le bagage corporel du bébé et !'interprétation qui en est donnée par la mère. C'est la capacité de rêverie de la mère qui rend compte du réceptacle interprétatif que constitue le psychisme maternel. La mère reçoit les messages qui viennent du bébé (excitations, sensations, perceptions, affects) et les lui renvoie passés au filtre de son élaboration

préconsciente. C'est cette forme d'interaction entre le bébé et sa mère qui rend compréhensible le passage de !'économique au psychique. "Cette circulation contribue en la mise en place

(10)

d'images mentales, fantasmes d'actions et d'interactions qui incluent l'objet de la satisfaction et également l'impact de la pensée de l'objet. La trace intériorisée de ce type d'échanges avec la mère constitue la matrice de la symbolisation, processus de transformation des données du corps en images mentales intégratrices et ce, grâce à la médiation du psychisme maternel" (Godfiind, 1989, p. 1803).

Quand les choses se passent bien, la fonction symbolique est une fonction de transformation de la sensorialité et des affects en images mentales qui les intègrent. Le langage s'organise sur cette fonction et constitue notamment la possibilité de pouvoir nommer les choses du corps et de communiquer avec l'entourage (Godfrind, 1989).

Selon Segal (1957) la formation des symboles doit être examinée dans le contexte de la relation du moi avec ses objets. Le processus de formation des symboles présuppose donc un certain degré de développement du moi et le fonctionnement des idées et de la mémoire (Blum, 1978). La description de Segal se base sur le concept de la position schizo-paranoïde et la position dépressive, élaboré par Mélanie Klein, qui forment le stade de développement oral.

Le principal mécanisme de défense à cette période est !'identification projective. Le sujet projette, par le fantasme, une partie de lui-même dans l'objet. L'objet devient identifié avec la partie du soi qui est ressentie comme réprimée. De la même façon, l'objet interne est projeté en dehors et identifié à une partie du monde externe qui arrive à le représenter. Les premières projections et identifications sont le commencement du processus de symbolisation (Segal, 1957).

La formation des symboles se développe donc graduellement depuis la position schizo- paranoïde jusqu'au niveau de la fonction dépressive. Quand les symboles sont formés par identification projective il en résulte ce que Segal (1978) appelle une équation symbolique ί Une partie du moi vient s'identifier au sujet ce qui a comme conséquence la formation d'un symbole assimilé avec une chose symbolisée. Le symbole ne doit pas représenter l'objet, mais doit être traité comme s'il était l'objet. Dans la position dépressive, l'objet est abandonné et le

(11)

10

symbole créé dans le monde interne. Un objet interne commence avec une représentation d'objet mais n'est pas assimilé à lui. L'équation symbolique est utilisée pour dénier la

séparation entre le sujet et l'objet. Le symbole est utilisé pour surmonter et accepter sa perte. En résumé, Segal croit que la symbolisation origine de !'identification projective, avant tout dans la relation au sein et par conséquent au corps de la mère dans son ensemble. Quand cette projection résulte en des dommages mutuels ou en une identification abusive omnipotente, les symboles formés sont excessivement concrets, vides de sens ou bizarres. Si la projection n'est pas exagérément envieuse ou narcissique et si la réponse de la mère n'est pas dénaturée, l'enfant introjecte le sein et est capable de fonction symbolique.

Le modèle de Bion (1957), inspiré de la théorie de Mélanie Klein et qui veut que le symbolisme résulte des conflits durant les expériences de l'enfant en relation avec le corps de la mère, explique que l'enfant projette dans le sein les émotions insupportables qu'il nomme éléments bêta. La mère les élabore et leur donne un sens, ces éléments peuvent alors être restitués sous forme d'éléments articulés dits alpha (cité par Millaud, 1998). Si la réponse de la mère est appropriée l'enfant peut alors introjecter le sein comme étant un contenant capable de traiter avec les émotions. L'introjection d'un tel contenu est une condition préalable

nécessaire pour l'élaboration de la position dépressive. La relation entre le contenant et le contenu peut être mutuellement destructrice ou mutuellement vide comme elle peut être mutuellement créatrice. Si la relation entre le contenant et le contenu est de nature positive, l'élaboration dépressive et la formation dépressive des symboles peuvent être faites. Si cette relation est déséquilibrée, elle affecte immédiatement la nature de la formation des symboles.

Lorsque le développement de la fonction symbolique est achevé, il n'est pas

irréversible. Si l'anxiété est trop forte, une régression à la position schizo-paranoïde peut se produire à n'importe quel stade du développement individuel et !'identification projective peut être utilisée comme défense contre l'anxiété, même chez un individu non-psychotique (Segal 1957, 1978). Mélanie Klein (citée par Segal, 1978) arrive à la conclusion que l'anxiété

encourage le développement du symbolisme mais que l'anxiété excessive le paralyse. Lorsque la partie du moi est confuse avec l'objet, le symbole qui a été créé et qui est fonction du moi devient à son tour confus avec l'objet qui est symbolisé. Les perturbations dans la relation

(12)

entre le moi et les objets sont reflétées dans la perturbation de la formation des symboles (Segal 1957).

Cette conceptualisation trouve écho dans les travaux de Rosenfeld (1952) avec les psychotiques. La reconnaissance de l'objet externe substitué est une condition nécessaire pour que quelqu'un ressente le besoin de communiquer. Il observe que la communication verbale est perturbée par le patient incapable d'opérer avec les symboles et qu'un état de confusion survient lorsqu'il y a utilisation excessive de !'identification projective. Cette confusion entre le soi et l'objet, laquelle mène également à une confusion entre la réalité et les fantasmes, est accompagnée par une difficulté à faire la distinction entre l'objet réel et la représentation symbolique.

Il semble que la plupart des auteurs considèrent la formation des symboles comme un processus qui s'élabore progressivement au cours de la petite enfance. C'est dans la relation à la mère que l'objet externe trouve sa signification et peut être assimilé à un symbole reconnu et accepté par l'enfant. Ce processus vise essentiellement à réunir et intégrer l'intérieur avec l'extérieur, le sujet avec l'objet, les anciennes expériences avec les nouvelles (Segal, 1957). Il y a convergence des théories dans le rôle que la projection et l'introj ection jouent dans le développement des symboles (Blum, 1978). Il importe que la formation et !'utilisation des symboles se fassent adéquatement puisqu'ils sont indispensables pour le commencement du développement intellectuel et émotionnel. Le processus symbolique est pertinent dans le développement du moi, de la communication et de l'action intra-psychique (comme les signaux d'anxiété, le langage interne), de même que dans le langage social (Blum, 1978). De plus, la symbolisation est active durant toute la vie et sous-tend, à un plus haut degré de sophistication, les opérations de pensées chez l'adulte. Si elle est mal commencée, c'est l'ensemble de l'activité psychique qui va en souffrir (Rodrigué, 1956), notamment la capacité de communiquer.

Selon Segal (1957), la formation des symboles gouverne la capacité de communiquer puisque toute communication est faite au moyen de symboles. La verbalisation peut donc être considérée à partir de la relation entre contenant et contenu. Contrairement aux autres formes

(13)

12

de symbolisme, le langage peut être savant, bien que le bébé commence par créer des sons onomatopéiques. Ces sons doivent être repris par !'environnement et convertis en langage et ensuite en mots. L'enfant vit une expérience et la mère fournit les mots ou les phrases entourant cette expérience. Elle contient, comprend et exprime la signification. Elle lui fournit un contenu. L'enfant peut alors internaliser le mot ou la phrase contenant la signification (Segal, 1978).

Excepté dans un état régressif, quand le processus rationnel du langage et ses fonctions de communication peuvent être perdus ou durant une régression contrôlée au service du moi, le langage demeure une acquisition remarquablement stable associée à une pensée abstraite et conceptuelle. II permet à la fois de prendre une distance entre le monde interne profond et les expériences externes (Blum, 1978). Le langage joue également un rôle quand vient le temps, pour la symbolisation, de métaboliser les expériences vécues.

Symbolisation et fantasmatisation

En 1989, Pelsser fait "une mise au point" sur ce qu'on appelle symboliser. Il dégage trois directions essentielles que peut prendre le terme symbolisation dans la littérature

psychanalytique: 1) La symbolisation désigne la capacité d’utiliser des symboles, c'est-à-dire de mettre en relation des éléments symbolisants et des éléments symbolisés qui resteront néanmoins distincts; 2) la symbolisation désigne la capacité de métaboliser les expériences vécues par le biais de l'appareil psychique et des mécanismes d'élaboration psychique; 3) La symbolisation désigne la capacité de faire appel au tiers ou de se situer soi-même en tiers à l'occasion d'une série d'étapes décisives dans le développement individuel. La symbolisation prise dans le sens de l'élaboration psychique, de la mentalisation, s'avère être celle à explorer pour voir !'implication de la fonction symbolique dans le passage à l'acte.

Pelsser écrit "la symbolisation désigne la capacité d'organiser des contenus psychiques, de métaboliser les expériences vécues par le biais d'un travail psychique faisant appel au langage, à la pensée et au fantasme" (p. 717). Elle se caractérise par une multitude de

(14)

fonctions pratiques permettant de transformer et de relier différentes données psychiques. D'abord, le sujet acquiert la capacité de prendre une distance face à l'objet extérieur puisqu'il est en mesure de se le représenter. De ce fait, il est capable de prendre une distance face à la pulsion et à la satisfaction de ses besoins car l'objet extérieur est internalisé et devient un objet interne. Jones (1916) adopte un point de vue semblable en disant que lorsqu'un désir doit être abandonné et réprimé, il peut s'exprimer par la voie symbolique puisque l'objet du désir, abandonné avec tolérance, est remplacé par un symbole (cité par Segal, 1978). Le sujet acquiert la capacité d'être moins dépendant des stimulations internes provenant des pulsions et des stimulations externes provenant des objets de !'environnement investi. Les stimuli

n'exercent plus un effet perturbateur sur le fonctionnement psychique. Le sujet développe la capacité de dire les choses par le truchement du langage, de nommer les pulsions et les objets, la relation aux pulsions et objets et de se situer par rapport à eux. La capacité de parler, qui va de pair avec la capacité de penser, éloigne le sujet de l'agir dans le sens le plus large. Ils écartent la décharge à travers le comportement et l'organisme. Le sujet développe la capacité de trouver une issue adéquate à la charge affective liée aux expériences personnelles. Il ne s'agit pas juste de traduire l'affect en paroles mais plus fondamentalement de ressentir et d'éprouver sur le plan psychique les affects de base. La symbolisation adéquate permet à l'affect de se manifester essentiellement au niveau du langage, de la mise en branle affective et de l'expression. Le sujet a la capacité d'avoir des fantaisies et de se figurer l'objet, ceci

désigne, en fait, la fantasmatisation. Enfin, le sujet garde la capacité de faire la relation et la distinction entre le langage et la réalité, et entre la fantaisie et la réalité. L'utilisation du langage passe alors par le domaine du symbolique.

La capacité de symboliser introduit donc une distance entre le sujet et l'objet, de même qu'entre le sujet et la pulsion puisqu'il est capable d'avoir recours à la pensée, au langage et au fantasme plutôt qu'à l'agir, par exemple, dans l'expression de ses affects.

Le passage à l'acte, qui expulse l'affect à l'extérieur, et la somatisation, qui conserve l'affect exclusivement à l'intérieur, sont considérés comme les deux extrêmes dans les modes d'expression de l'affect. Dans ces deux cas, il ne se produit pas seulement un échec à

(15)

14

La symbolisation réussie implique que le sujet soit d'abord capable de nommer l'affect, ensuite d'être "en contact" avec un état d'âme particulier éprouvé intérieurement et enfin, d'exprimer l'affect à travers une décharge affective extérieure. "Lorsque l'affect peut s'exprimer et être nommé, il n'existe pas de danger de passage à l'acte ou de symptômes somatiques" (Pelsser, 1985). L'affect est en quelque sorte neutralisé et ne risque pas d'entraîner une issue pathologique.

Chez le somatisant, la pulsion qui n'est pas reprise au niveau mental pour y trouver une expression, reste figée en des formes somatiques, plus ou moins distordues, puisqu'elle reste dynamique et sensible à tous les stimuli. Chez le délinquant, la pulsion s'exprime dans une décharge motrice (Pelsser, 1989). Le fantasme, convenablement utilisé, pourrait satisfaire à cette pulsion, mais encore faut-il que le sujet soit capable d'y avoir recours.

Crépault (1979) définit l'imaginaire érotique comme la faculté qu'a l'humain de se représenter mentalement des désirs érotiques par l'entremise de fantasmes. Quelques années plus tard, il écrit que "certains déviants sexuels ont une pensée strictement opératoire et sont pratiquement incapables de traduire leurs désirs sous formes de fantasmes" (Crépault, 1981, p. 207). De plus, il ajoute que la majorité d'entre eux ont un imaginaire érotique très limité et polarisé uniquement sur leur déviance. Joyce Mc Dougall (1978) constate le même

phénomène, à savoir que "l'individu dont la vie sexuelle est centrée sur une perversion manifeste et organisée fait souvent preuve d'une vie fantasmatique singulièrement pauvre, sa structure surmarque ne lui permettant d'imaginer des rapports sexuels que dans une

perspective limitée" (citée par Crépault, 1981, p. 207).

Gravent, Meitzer et Tartagino, indépendamment, arrivent à un même portrait des abuseurs sexuels primaires. Ils ont une pensée d'orientation concrète, accompagnée d'une capacité réduite de libération par le fantasme ou par tout autre comportement de sublimation. C'est pourquoi ces sujets apparaissent comme ayant aucune autre alternative pour se libérer de leur tension qu'à travers une décharge manifeste (cités par Hammer, 1969). Kubie souligne également une incapacité de transformation symbolique dans la perversion (cité par Hammer, 1969).

(16)

L'imaginaire fantasmatique, qui se développe à partir des symboles formés durant la petite enfance, est une voie de sublimation particulièrement efficace pour prendre une distance face à la pulsion, au désir. Le langage joue également un rôle fondamental dans l'expression de l'affect relié à la pulsion. Lorsque la symbolisation échoue, on constate "une incapacité d'utiliser le langage en tant que langage, une incapacité d'utiliser le fantasme en tant que fantasme, une incapacité de traduire l'affect en tant qu'affect" (Pelsser, 1989, p. 720). Il s'en dégage deux axes essentiels: soit que le sujet utilise le langage et la fantaisie mais en leur refusant leur caractère proprement symbolique; soit que le sujet n'utilise ni le langage ni la fantaisie pour traduire ses affects mais qu'il utilise d'autres modes d'expression tels la somatisation ou encore le passage à l'acte. Cet échec de la symbolisation a été observé cliniquement par de nombreux auteurs, ils l'ont nommé "pensée opératoire" ou encore "alexithymie".

L ,alexithymie

On doit à Marty, MUzan et David (1963) le terme de "pensée opératoire" pour décrire un phénomène récurrent observé chez les somatisants dans lequel la fonction symbolique semble faire défaut.

Le sujet donne l’impression première d'une adaptation sociale correcte. L'absence de liberté fantasmatique est l'une de ses caractéristiques les plus importantes. La charge liée aux affects et aux émois est mal véhiculée et peu ou pas élaborée par les fonctions mentales. Il y a une pauvreté de la rêverie comme de la vie onirique, un appauvrissement des échanges

interpersonnels, associé à une paralysie de l'expression verbale.

En 1972, Sifneos invente le terme "alexithymie" (du grec a : absence de, lexis : mot,

thymos : émotion), c'est-à-dire l'absence de mot pour exprimer ses émotions, pour désigner ce

trouble. Pour clarifier quelque peu le concept d'alexithymie, il fait une différence entre affect, émotion et sentiment. Selon lui, les émotions comportent deux versants: les "visceral

(17)

16

émotions ("visceral emotions") sont la dimension biologique de l'affect, l'émotion est exprimée par des moyens comportementaux et médiatisée par le système limbique. Les émotions sont aussi présentes chez les animaux, mais ceux-ci n'ont pas de sentiments. Les sentiments ("feeling emotions") sont l'aspect psychologique de l'affect (fantaisies subjectives et pensées associées à l'affect). L'activité néocorticale est nécessaire pour qu'il existe des sentiments, ce qui n'est pas le cas pour les émotions ("visceral emotions"). L'affect est un état interne possédant à la fois des composantes biologiques et psychologiques; il est un produit de l'émotion et du sentiment (Sifneos, 1977 cité par Pedinielli, 1992). Les patients

alexithymiques auraient donc des émotions, mais ne pourraient exprimer leurs sentiments. Les réponses physiologiques et comportementales prédomineraient sur les réponses cognitives, expériencielles (vécues), physiologiques et expressives (Pedinielli, 1992).

Depuis, les nombreuses observations cliniques ont permis de faire ressortir des caractéristiques communes aux patients alexithymiques. Les manifestations alexithymiques "nucléaires" sont au nombre de quatre: incapacité à identifier et exprimer verbalement les émotions et les sentiments; limitation de la vie imaginaire (peu de rêve, absence frappante de fantasme); pensée à contenu pragmatique, mode d'expression très descriptif, abordant plus volontiers les aspects triviaux des événements vécus; recours à l'action pour éviter les conflits ou exprimer les émotions (Sifneos, Apfel-Savitz et Frankel, 1977; Apfel et Sifneos, 1979; Pedinielli, 1992; Coreos, Guilbaud, Speranza, Stephan et Jeammet, 1998). Selon les études, d'autres manifestations, congruentes avec la définition générale de l'alexithymie, ont été soulignées auxquelles les auteurs donnent une importance non négligeable. Les sujets alexithymiques peuvent également présenter: 1) une difficulté frappante à reconnaître et décrire leurs propres sentiments de même qu'à différencier états émotionnels et sensations corporelles (Nemiah, Freyberg et Sifneos, 1976 cités par Taylor, 1990; Taylor, Ryan, Bagby, 1985). 2) Une description sans fin de symptômes physiques et des plaintes telles que tension, irritabilité, frustration, douleur, sentiment de vide, ennui, tourment, agitation et nervosité (Sifneos, Apfel-Savitz et Frankel, 1977; Apfel et Sifneos, 1979). 3) Une absence de capacité d’introspection (Wames, 1988; Pedinielli, 1992). 4) Un mode de communication qui laisse supposer une pensée symbolique absente ou notablement réduite qui rend leurs attitudes intérieures, sentiments, désirs et pulsions inapparents (Nemiah et Sifneos, 1970 cités par

(18)

Taylor, 1990). 5) Ils peuvent sembler bien adaptés et montrer un haut degré de conformisme social mais qui demeure superficiel. Selon McDougall (1974), il s'agit d'une "pseudo-

normalité" car lorsqu'on y regarde de plus près, ils ne sont pas vraiment en contact avec leur propre réalité psychique (citée par Taylor, 1990 et Pedinielli, 1992). 6) Ils ont tendance à établir une dépendance dans leurs relations interpersonnelles ou encore préfèrent la solitude et l'évitement des gens (Sifheos, Apfel-Savitz et Frankel, 1977; Apfel et Sifheos, 1979; Taylor, 1990). 7) Ils présentent une faible capacité d'empathie induite par l'absence de capacité à reconnaître les sentiments ou encore par la difficulté à percevoir et comprendre les expressions faciales et non-verbales des émotions (Krystal, 1979 cité par Taylor, 1990 et Pedinielli, 1992; Parker, Taylor et Bagby, 1993). 8) Ils ont de brusques accès de décharge émotionnelle

(Krystal, 1979 cité par Pedinielli, 1992). 9) Ils ont, le plus souvent, des personnalités de types narcissique, évitant, passif-agressif ou dépendant-passif et psychopathique (Sifheos, Apfel- Savitz et Frankel, 1977). Comme il est possible de constater, l'alexithymie réfère à un ensemble de caractéristiques cognitives et comportementales qui peuvent être présentes à différents niveaux chez les individus qui possèdent les attributs de la définition générale.

Freyberger (1977), est le premier à effectuer une distinction entre l'alexithymie

primaire et secondaire. L'alexithymie primaire serait un facteur prédisposant à l'expression de troubles psychophysiologiques. Cette forme est considérée comme "innée", rebelle à la plupart des traitements et déterminante. Pour Sifheos, elle renvoie à un modèle génétique et neuropsychologique. L'alexithymie secondaire constituerait un état transitoire réactionnel à un traumatisme intense. Cet état, qui est une réaction à l'angoisse suscitée par la maladie ou le traumatisme, peut être transitoire (dans le cas de la maladie) ou permanent (dans les suites de traumatismes). Elle serait un facteur protecteur contre la signification émotionnelle et la gravité de la maladie ou de l'événement, elle est donc assimilée à un mécanisme de défense. Pour Sifheos, le caractère secondaire serait soit lié à un traumatisme, soit à des mécanismes de défense psychologique marqués par l'usage excessif du déni et de la répression des affects ou encore soit à des facteurs socioculturels (cité par Coreos, Guilbaud, Speranza, Stephan et Jeammet, 1998; Lesser et Lesser, 1983; Pedinielli, 1992).

(19)

18

En 1993, Bazin (cité par Nkam, Langlois-Théry, Dollfus et Petit, 1997; Coreos, Guilbaud, Speranza, Stephan et Jeammet, 1998) distingue l'alexithymie-trait et l'alexithymie- état. "Dans un optique psychodynamique, l'alexithymie-trait révèle une pensée de tonalité factuelle, un échec de la symbolisation des conflits et une impossibilité à se former un imaginaire corporel. L'économie narcissique se trouve marquée par une faible estime de soi, une répression de l'hostilité et des affects pouvant favoriser une "dépression essentielle", exposant au risque de décompensation psychosomatique" (Coreos, Guilbaud, Speranza, Stephan et Jeammet, 1998, p. 670). L'alexithymie-état rejoint la définition de l'alexithymie secondaire, c'est-à-dire un état secondaire à l'angoisse suscitée par une maladie somatique grave ou un traumatisme important et serait assimilable à un mécanisme de défense transitoire

L'étiologie de l'alexithymie a été expliquée à partir de plusieurs points de vue incluant des modèles génétique, neurophysiologique, d'apprentissage social, développemental et psychodynamique (Taylor, 1984; von Rad, 1984). Pedinielli (1992) distingue les différents modèles étiologiques de l'alexithymie en deux grandes catégories: les modèles

neuropsychologiques et cognitifs, et les modèles psychanalytiques. Le courant

psychanalytique a été à l'origine du concept d'alexithymie puisqu'il en a fourni le premier modèle sous le terme de pensée opératoire. McDougall (1980) considère le concept comme une fonction défensive contre les douleurs morales intolérables et les angoisses provoquées par certaines situations interpersonnelles ou traumatisantes et qui pourrait contrer la

dislocation du sentiment d'identité, la frustration et le risque représenté par le débordement imaginaire (citée par Pedinielli, 1992). L'incapacité à supporter la douleur psychique,

l'apparition défensive de l'alexithymie sont rapportées à l'existence de traumatismes précoces qui renvoient à la toute petite enfance et à la relation primaire avec la mère (McDougall, 1980, 1982; Bertagne, Pedinielli et Marlière, 1992; Pedinielli, 1992).

Les auteurs s'entendent pour dire qu'il n'y a pas une explication étiologique unique à l'alexithymie (Nemiah, 1977; Buchanan, Waterhouse et West, 1980; Lesser, 1981; Taylor, 1990). Pedinielli (1992) conclut en disant que même s'ils construisent des réalités ou des niveaux différents, les modèles ne s'opposent pas systématiquement. Toutefois, la question de l'étiologie demeure complexe. Mis à part le fait que les différentes conceptions théoriques

(20)

infèrent chacune une étiologie spécifique, les réalités cliniques posent des questions difficiles à résoudre. Il semble alors prudent de considérer l'alexithymie comme un phénomène

possédant plusieurs étiologies correspondant aux mêmes mécanismes.

Il est possible d'observer des caractéristiques alexithymiques chez des patients

présentant des douleurs d'ordre psychogène (Blummer et Heilbronn, 1982; Mendelson, 1982; Demers-Desrosiers et al., 1983) et des troubles liés à des états de stress post-traumatique (Krystal, 1979). D'autres auteurs estiment que l'alexithymie pourrait être une condition prédisposant aux conduites d'addictions (Krystal et Raskin, 1970, Wurmser, 1974 cités par Taylor, 1990; Krystal, 1979). L'utilisation de l'objet addictif servirait à compenser les

défaillances dans les systèmes de défense et dans les capacités du moi à réguler et moduler les émotions et les pulsions (Bertagne, Pedinielli, Marlière, 1992; Pedinielli, 1992; Coreos, Guilbaud, Speranza, Stephan et Jeammet, 1998). Bruch (1979), Garfinkel et Gamer (1982) ont décrit des perturbations comparables chez des patients ayant des troubles de conduite alimentaire (cités par Taylor, 1990). On retrouve l'alexithymie chez des patients avec des troubles affectifs majeurs ou des dépressions masquées (Lopez Ibor, 1972; Blumer et Heilbronn, 1982 cités par Taylor, 1990). Modell (1976, 1980) et Langs (1978) décrivent un mode de communication tout à fait similaire chez des patients atteints de troubles narcissiques de la personnalité, bien qu'ils n'utilisent pas le terme alexithymie (cités par Taylor, 1990). Enfin, on retrouve l'alexithymie dans la population générale mais elle y est toutefois beaucoup plus faiblement représentée que parmi les sujets atteints d'une maladie somatique ou d'un autre trouble psychologique (Bertagne, Pedinielli et Marlière, 1992).

En 1982, Keltikangas-Järvinen, en se basant sur l'idée de Tuovinen (1973), voulant que les acting-out apparaissent particulièrement chez les personnes pour qui la transition de

l'action à la pensée est impossible à cause de l'absence de fantaisies, avance l'hypothèse que l'alexithymie est présente chez les délinquants violents. Les résultats indiquent que les caractéristiques fondamentales des sujets violents sont une incapacité de fantasmer complètement, une difficulté à exprimer des idées abstraites ou des émotions verbales,

caractéristiques qui sont assimilables au concept d'alexithymie. En 1996, Nora Dembri relève des aspects communs pouvant expliquer la propension à l'agir dans les dessins de patien

(21)

20

ayant commis des délits majeurs contre la personne. Elle note, entre autres, l'absence

d'éléments correspondant à la position dépressive, des processus primaires de pensées et une symbolisation innefficiente. McDougall (1982), quant à elle, a observé la présence de l'alexithymie chez des patients avec des perversions sexuelles. La conception d'un lien entre limitation de la vie imaginaire et le recours fréquent à l'acte est classique en psychopathologie d'inspiration psychanalytique. Le recours à l'action est logiquement associé aux troubles de la fonction imaginaire.

La fonction symbolique et l’alexithymie chez les agresseurs sexuels

Plusieurs auteurs suggèrent que la délinquance et les phénomènes d'agirs agressifs et sexuels pourraient être directement reliés à un défaut de la capacité de symbolisation des sujets obligeant ceux-ci à recourir au geste ou à l'expulsion d'un affect pour se libérer d'un contenu psychique non symbolisé (Brunet, 1980; Brunet et Legendre, 1983; Brunet, Arpin, Cyr, Dionne, Dulude, Lajoie et Poupart, 1985; Casoni, 1985, 1988; Pelsser, 1982 cités par Brunet,

1997) . Or, qu'ils fassent référence au concept d'inhibition de la fonction symbolique, à l'alexithymie ou même au concept de carence de l'élaboration psychique avancé par

Chasseguet-Smirgel (1987) et repris par les auteurs du livre "Le passage à l'acte" (1998), les auteurs sont d'accord pour dire que l'absence de mentalisation s'observe d'une façon toute particulière chez les personnalités qui ont une propension aux passages à l'acte (Millaud, 1998) .

Dans son ouvrage sur la personnalité de î'abuseur sexuel, Van Gijseghem (1988) écrit "le fait est bien documenté: le délinquant habituel n'a pas de vie de fantaisie. Il ne rêve pas, il n'imagine pas, il ne produit pas aux tâches sollicitant la mentalisation" (p. 73). En ce qui concerne les abuseurs sexuels qui apparaissent comme ayant davantage une vie de fantaisies actives, leurs fantaisies sont habituellement limitées et typiquement répétitives, compulsives, sans émotion et généralement perçues par l'agresseur comme une pulsion qui a besoin d'une satisfaction immédiate (Beltrami, 1985; Crépault 1986; Money, 1986 cités par Ravart, 1990).

(22)

Il semble que c'est Beltrami (1984, 1985 cité par Ravart, 1990) qui a initialement décrit la présence des caractéristiques de l'alexithymie chez les abuseurs sexuels d'enfants après avoir noté que plusieurs patients manifestent des structures mentales concrètes, des fantasmes et des images sexuelles pauvres, et une difficulté marquée de reconnaître, de tolérer,

d'exprimer et de résoudre les souffrances émotionnelles. Étant donné le peu de progrès des individus dans un traitement dont l'accent est mis sur la modification de la déviance sexuelle par l'éveil érotique, les fantasmes et les distorsions cognitives, Beltrami, Ravart et Jacob (1987) émettent l'hypothèse que la transition entre l'action et la fantaisie peut être impossible chez plusieurs abuseurs sexuels à cause de l'inhibition de la fonction symbolique. Ils tentent de vérifier leur hypothèse auprès de 15 abuseurs sexuels reconnus coupables de gestes pédophiliques intra-familiaux (23 %) ou extra-familiaux (77 %) sans recours à la violence. L'âge moyen des sujets est de 39 ans avec une scolarité moyenne de 10 ans. Les mesures de dispersion ne sont pas en revanche rapportées. Ils complètent en outre l'inventaire

multiphasique de la personnalité Minnesota comprenant l'échelle d'alexithymie de Kleiger et Kinsman (1980) et une méthode d'expression graphique comme le AT-9 (Demers-Desrosiers et al., 1983). Dans ce dernier cas, le répondant doit réconcilier dans un dessin 9 symboles proposés, puis écrire une petite histoire et compléter un questionnaire expliquant sa production graphique. Cette épreuve permet d'apprécier la richesse de la fonction symbolique, et le cas échéant, le niveau d'inhibition (primaire ou secondaire) de cette fonction. Il est intéressant que Beltrami, Ravart et Jacob aient proposé à leurs sujets deux dispositifs différents: un

questionnaire et une méthode projective. Par contre, on sait depuis que l'échelle d'alexithymie de Kleiger et Kinsman (1980) ne contient pas tous les items représentatifs du construit puisque son élaboration dérive d'une approche critérielle plutôt que conceptuelle (Bagby, Parker et Taylor, 1991). L'échelle d'alexithymie de Toronto à 20 items (Loas, Fremaux et Marchand,

1995) s'est imposée dans l'intervalle. Néanmoins les résultats obtenus démontrent que 10 sujets (66 %) ont la fonction symbolique inhibée selon l'AT-9 dont 8 à un niveau secondaire et 2 à un niveau primaire. L'échelle du MMPI révèle que seulement 4 sujets sur les 15 (27%) sont alexithymiques.

En 1990, Ravart reprend cette étude dans le cadre d'un rapport d'activités pour l'obtention du grade de maîtrise en sexologie. Son échantillon compte alors 25 abuseurs

(23)

22

sexuels de type non-violent, c'est-à-dire qu'ils ont rapporté n'avoir jamais commis d'abus sexuels avec violence physique. Parmi ceux-ci, on compte 15 pédophiles et 10 sujets

incestueux dont la moyenne d'âge est de 41.6 ans (s =10.0) et leur scolarité est en moyenne de 10 années (s = 2.9). L'évaluation de l'inhibition de la fonction symbolique se fait à partir de l'Archétype-test à neufs éléments (AT-9) administré individuellement dans le cadre d'une évaluation psychiatrique requise par la justice. Les résultats indiquent que 72% des sujets ont démontré une fonction symbolique inhibée à divers degrés. Parmi ceux-ci, 10 présentent une fonction symbolique inhibée comparable à l'alexithymie primaire, 8 présentent une forme moins sévère d'inhibition de la fonction symbolique comparable à l'alexithymie secondaire et enfin, 7 présentent une fonction symbolique normale. Les résultats de cette étude exploratoire tentent de supporter les observations cliniques qui suggèrent la présence de l'alexithymie parmi plusieurs abuseurs sexuels d'enfants.

Bien que les résultats de ces deux études soient intéressants et ouvrent la porte à de nouvelles avenues, l'absence de groupe témoin est une lacune à laquelle il faudrait remédier

dans les futures recherches. De même, !'utilisation d'échelle d'alexithymie de meilleure qualité est à envisager.

Objectifs de la présente recherche

Plusieurs auteurs déplorent le manque de données empiriques en ce qui concerne la fonction symbolique (Demers, 1985), principalement en ce qui a trait à son implication chez les personnes qui ont recours au passage à l'acte dans l'expression de leur vécu émotionnel (Pedinielli, 1992; Ravart, 1990). Cette recherche vise a augmenter les données empiriques dans le domaine de la fonction symbolique particulièrement chez les agresseurs sexuels afin de supporter les nombreuses observations cliniques et les quelques études exploratoires déjà faites. Elle reprend, en quelque sorte, celle de Beltrami et al. (1987) en ajoutant, cette fois, la formation d'un groupe témoin et en s'appuyant sur deux dispositifs: soit l'échelle d'alexithymie de Toronto à 20 items (TAS-20) et ΓArchétype-test à 9 éléments (AT-9).

(24)

L'hypothèse générale est que la fonction symbolique des agresseurs sexuels est significativement plus faible que cette même fonction chez un groupe témoin. Cette hypothèse donne lieu à trois hypothèses spécifiques qui se traduisent comme suit:

Hypothèse 1:

La capacité de symboliser, telle que mesurée par l'Archétype-test à 9 éléments, est significativement plus faible chez les agresseurs sexuels que chez un groupe témoin.

Hypothèse 2:

Le niveau primaire d'inhibition de la symbolisation, tel que mesuré par VArchétype-test à 9 éléments, est significativement plus fréquent chez les agresseurs sexuels que chez un groupe

Hypothèse 3:

Il y a une corrélation significative entre l'Échelle d'alexithymie de Toronto à 20 items et la mesure de la fonction symbolique mesurée par TArchétype-test à 9 éléments.

(25)

CHAPITRE Π

MÉTHODE

Sujets

Le groupe expérimental est composé de 30 abuseurs sexuels judiciarisés qui ont reconnu leur culpabilité aux chefs d'accusation, qui ont purgé leur sentence et qui sont au début de leur traitement à la Clinique d'évaluation et de traitement des troubles du

comportement sexuel du Centre Hospitalier Robert-Giffard. Bien qu'ils soient en traitement sur ordonnance de la Cour, ils acceptent de participer à la recherche sur une base volontaire. Le processus thérapeutique s'inspire du modèle de prévention de la récidive (Pithers, 1990) et exige deux séances par semaine, l'une axée sur leur vécu au quotidien et l'autre sur des thèmes spécifiques. Il s'agit de résolution de conflits, gestion de la colère, affirmation de soi, etc. Leur diagnostic sexuel est basé sur la nomenclature du DSM-IV qui a été quelque peu modifiée par la clinique afin d'apporter des précisions au diagnostic. A titre d'exemple, le code 302.20 renvoyant à la pédophilie au DSM-IV peut être nuancé par un code comme 302.201 pour pédophilie homosexuelle secondaire. L'annexe A présente les diagnostics sexuels de chaque sujet. Le groupe se compose de 16 sujets ayant commis des abus sur des mineurs (53.33 %), 3 exhibitionnistes (10 %), 2 violeurs (6.67 %), 1 qui a fait preuve de sadisme (3.33 %), 1 qui a fait des attouchements sexuels sur un adulte (3.33 %), 2 (6.67%) qui ont des troubles sexuels non spécifiques (téléphones obscènes et coprophilie) et 5 qui sont polydiagnostiqués (16.67%). Leur âge varie entre 20 et 55 ans avec une moyenne de 38.9 ans (s = 7.21) et leur niveau de scolarité est entre 7 et 18 ans avec une moyenne de 11.07 ans (s =

(26)

2.94). L'expérimentation se tient à la cinquième séance de leur programme de thérapie de groupe qui s'échelonne sur 54 séances. La cinquième séance est choisie afin de permettre aux individus d'apprivoiser le groupe auquel ils appartiennent et de prendre connaissance des objectifs de leur cheminement.

Le groupe témoin est composé de 30 sujets dont l'âge moyen est de 39.37 ans (s = 7.09) et le niveau de scolarité moyen de 12.4 ans (s = 2.14). Les sujets ne sont pas recrutés au moyen d'annonces, mais plutôt interpellés directement dans leur milieu de travail connu de !'expérimentatrice. Ils ont accepté de participer à la recherche sur une base volontaire mais n'auraient sans doute pas pris l'initiative de le faire s'ils avaient été exposés à une publicité. Cette façon de faire permettait de minimiser la participation de personnes en quête de collaboration à des recherches en psychologie.

Critères d’inclusion

Au départ, le groupe expérimental était composé de 36 sujets dont 5 ont été retirés de !'échantillon parce que leur âge avancé rendait l'appariement difficile et 1 parce qu'il n'avait pas complété l'épreuve.

Pour être retenu dans le groupe témoin, les sujets devaient se situer aux niveaux moyenne basse (MB) et basse symptomatologie (BS) du Psychiatrie Symptom Index (PSI) de F.W. Ilfeld (1976). De plus, ils ne devaient pas avoir répondu oui à l'une des deux questions suivantes: 1) Avez-vous déjà pensé ou songé, durant votre adolescence, à avoir des jeux sexuels avec une personne beaucoup plus jeune que vous ? 2) Avez-vous déjà eu, durant votre adolescence, des jeux sexuels avec une personne beaucoup plus jeune que vous ? Au départ, le groupe témoin comptait 34 sujets dont 4 ont dû être retirés de !'échantillon parce qu'ils ne répondaient pas aux critères d'inclusion.

La Table I présente les caractéristiques sociodémographiques pour les deux groupes. Ils sont comparables au niveau de l'âge et de la scolarité mais diffèrent en ce qui a trait au

(27)

26

statut civil et au statut occupationnel. En effet, on retrouve plus de célibataires dans le groupe expérimental et davantage de chômeurs au sens large, ce qui s'entend aisément chez des individus qui sortent de prison.

Table I

Caractéristiques sociodémographiques des groupes expérimental (ri = 301 et témoin (n = 301.

Groupe

Variable expérimental (n = 30) témoin (n = 30)

ÂGE (années) moyenne 38.9 39.37 écart-type 7.21 7.09 SCOLARITÉ (années) moyenne 11.07 12.4 écart-type 2.94 2.14 STATUT CIVIL (%) célibataire 50 16.67 marié 13.33 70 union de fait 10 13.33 divorcé 23.33 0 veuf 3.33 0 STATUT (%)

travail temps plein 30 86.67

travail temps partiel 10 3.33

sans emploi 43.33 0

études temps plein 13.33 10

(28)

Instruments

La fonction symbolique des sujets est mesurée avec ΓArchétype-test à 9 éléments (AT- 9) créé par Yves Durand en 1970 (voir ANNEXE B). Ce test mesure la capacité de

symbolisation des sujets. Il comporte trois parties: la réalisation d'un dessin avec 9 symboles stimuli (une chute, une épée, un refuge, un monstre dévorant, quelque chose de cyclique, un personnage, de l'eau, un animal, du feu); la rédaction d'un récit afin de raconter "ce qui se passe" dans le dessin; enfin un bref questionnaire pour compléter la cueillette d'informations supplémentaires. Le test permet d'étudier la manière dont le sujet reconnaît et résout

l'angoisse avec les éléments proposés, ce qui suppose la capacité d'utiliser un processus imaginatif. Les agents de résolution de l'anxiété sont le personnage et l'épée, le refuge ou l'élément cyclique. L'utilisation de l'épée représente l'orientation héroïque, !'utilisation du refuge l'orientation mystique et !'utilisation de l'élément cyclique l'orientation synthétique. La présence de l'une de ces infrastructures est nécessaire pour avoir un protocole normal.

L'impossibilité d’intégrer les éléments dans un dessin et dans une histoire indique une limitation de la fonction symbolique (Cohen, Demers-Desrosiers et Catchlove, 1983;

Pedinielli, 1992). La correction du test se fait selon le système de cotation quantitatif (SAT-9) élaboré et mis au point en 1983 par Cohen, Demers et Catchlove et qui repose sur une

attribution de points à la présence, à la combinaison et à l'articulation des invariants dans le dessin et/ou la production écrite. Tous les protocoles avec un score négatif au SAT-9 sont considérés comme anormaux et reflètent une inhibition de la fonction symbolique. Ces protocoles sont soumis à une évaluation projective (PAT-9) proposée par Demers (1982,

1983) afin de déterminer la sévérité de l'inhibition de la fonction symbolique (primaire ou secondaire).

Le test s'effectue avec un crayon de plomb HB, sans gomme à effacer. La durée d'exécution est limitée à 30 minutes dans les consignes données au sujet mais le temps nécessaire leur est laissé pour la réalisation complète de l'épreuve.

Taylor (1984) et Lesser (1985 cité par Ravart, 1990) rapportent une bonne fidélité interjuges et une mesure empirique valide de l'inhibition de la fonction symbolique.

(29)

Demers-28

Desrosiers (1985) et Cohen et al. (1985) rapportent que le PAT-9 et le SAT-9 ont un haut niveau de fidélité interjuges (0.87 et 0.93). La SAT-9 démontre également une solide consistance interne (0.80 et 0.96 pour le score total et les sept regroupements examinés séparément). La validité de construit a été démontrée par Demers-Desrosiers et al. (1983) en corrélant le SAT-9 avec le BIQ et l'échelle d'alexithymie du MMPI. Les résultats ont

démontré une corrélation significative entre le SAT-9 et la BIQ et une corrélation non-

significative avec l'échelle d'alexithymie du MMPI. Cette dernière n'est pas non plus corrélée significativement avec le BIQ.

La version française de l'échelle d'alexithymie de Toronto à 20 items (TAS-20) est utilisée pour mesurer l'alexithymie (voir ANNEXE C). La TAS-20 est une échelle d'auto- évaluation mesurant les différentes facettes cliniques de l'alexithymie: 1) la difficulté à identifier ses sentiments; 2) la difficulté à décrire ses sentiments; 3) les pensées tournées vers l'extérieur. Elle comprend 20 items cotés de 1 (désaccord complet) à 5 (accord complet), avec un score total allant de 20 à 100. La note seuil pour la version à 20 items au sein d'une

population française a été déterminée par Loas et al. (non publié) (cité par Loas, Fremaux, Otmani et Verrier, 1995). Les sujets ayant un score plus grand ou égal à 56 sont donc considérés alexithymiques. Les paramètres métrologiques ont été déterminés par Loas et al. en 1995. La consistance interne a été mesurée par le coefficient alpha de Cronbach (0.79) pour lequel une valeur supérieure à 0.7 est considérée comme satisfaisante. La validité interne de l'échelle est reflétée par les corrélations significatives entre les items et le score total avec une moyenne élevée (0.52). Les paramètres métrologiques sont jugés satisfaisants.

Le Psychiatrie Symptom Index (PSI) est une version abrégée du Hopkins Symptom Distress Checklist et permet de déterminer le niveau de symptomatologie des sujets (voir ANNEXE D). Ce questionnaire d'auto-évaluation comprend 29 items dont les résultats se répartissent selon une échelle à quatre niveaux : 1) haute symptomatologie (HS = score de 36 et plus); 2) moyenne élevée (ME = 35 à 20); 3) moyenne basse (MB = 19 à 5) et 4) basse symptomatologie (BS = 4 à 0). Plus le niveau de symptomatologie au PSI est élevé, plus il y a risque de présenter de sérieuses difficultés psychologiques. La validité du PSI est basée sur celle du Hopkins Distress Checklist car Ilfeld utilise telle quelle sa version abrégée (Perrault,

(30)

1987). La traduction du questionnaire a été faite par les chercheurs du projet pilote de l’Enquête Santé Québec (Kovess, Murphy, Tousignant et Fournier, 1985). La version française possède une bonne cohérence interne (coefficient alpha variant entre 0.72 et 0.96). L'analyse des composantes principales avec rotation varimax permet de distinguer quatre facteurs correspondant aux quatre construits théoriques mesurés par ce questionnaire: la dépression, l'anxiété, l'agressivité et des troubles cognitifs (Kovess, Murphy, Tousignant et Fournier, 1985). Les réponses des francophones et des anglophones n’étant pas

significativement différentes, la fiabilité de la version française se veut donc comparable à celle de la version anglaise (Perrault, 1987).

Un profil sociodémographique est utilisé pour recueillir les renseignements personnels tels que le sexe, l'âge, le statut civil, le statut et le niveau de scolarité des sujets. Le profil est complété par six questions auxquelles le sujet répond par oui ou non, questions qui visent à repérer l'éventuelle possibilité de conduites sexuelles déviantes chez les participants du groupe témoin (voir ANNEXE E).

Procédure

Les sujets du groupe expérimental sont évalués à leur cinquième rencontre de thérapie après avoir préalablement été invités à participer à la recherche une semaine plus tôt. La passation de groupe s'est faite au Centre Flospitalier Robert-Giffard par la présente expérimentatrice avec l'assistance de trois stagiaires en psychologie. Les participants ont d'abord donné leur consentement écrit, ce qui leur permettait de participer à la recherche (voir ANNEXE F). Par la suite, ils ont complété, dans l'ordre et selon les procédures standards, le profil sociodémographique, l'échelle d'alexithymie de Toronto (TAS-20), le Psychiatrie Symptom Index (PSI) et l'Axchétype-test à 9 éléments (AT-9).

Les sujets du groupe témoin ont d'abord été recrutés par une tierce personne sur leur lieu de travail environ deux semaines avant la date prévue pour !'expérimentation. Les personnes volontaires ont été évaluées en groupe, à leur milieu de travail, par

(31)

30

l'expérimentatrice après avoir donné leur consentement écrit. Elles ont complété les épreuves suivantes dans l'ordre et selon les procédures d'administration décrites par les auteurs

respectifs: le profil sociodémographique, l'échelle d'alexithymie de Toronto (TAS-20), le Psychiatrie Symptom Index (PSI) et l'Archétype-test à 9 éléments (AT-9).

Tous les sujets, du groupe expérimental et du groupe témoin, avaient un espace, à une table, suffisamment grand pour pouvoir exécuter les tâches proposées sans interaction avec leurs voisins. Le silence était demandé pendant tout le long de !'expérimentation et les

participants devaient faire signe à !'expérimentatrice en cas d'interrogation. L'expérimentatrice se déplaçait alors pour répondre à la question du sujet qui concernait, la plupart du temps, la compréhension du sens des questions posées dans les différents tests. L'expérimentation a durée en moyenne 1 heure 30 pour l'ensemble des sujets.

Les questionnaires d'alexithymie ont été corrigés selon la cotation suivante: désaccord complet = 1, désaccord relatif = 2, ni accord ni désaccord = 3, accord relatif = 4, accord complet = 5. Les items numéros 4, 5,10,18 et 19 ont été recodés en soustrayant leur valeur de 6. Le score total est obtenu par la somme de tous les items. Un score égale ou supérieur à 56 signifie que le sujet est alexithymique et est classé comme tel.

Tous les Psychiatrie Symptom Index ont été corrigés selon la méthode utilisée dans l'Enquête de Chicago Ilfeld. Chacune des réponses aux 29 questions est notée de 0 à 3 : jamais = 0, de temps en temps = 1, assez souvent = 2 et très souvent = 3. La somme des

scores obtenus par un individu est divisée par le score maximum (29 X 3) et multipliée par 100 pour l'obtention d'un score standardisé sur cent (Perrault, 1987). Ce score est ensuite réparti selon l'échelle à quatre niveaux, de basse symptomatologie à haute symptomatologie.

Les protocoles AT-9 ont tous d'abord été corrigés objectivement (SAT-9) selon la procédure de quantification décrite par Cohen (1983) et traduite par Girard (1998). Les

protocoles avec un score SAT-9 négatif sont considérés anormaux et reflètent l'inhibition de la fonction symbolique. Ils sont alors soumis à l'évaluation projective (PAT-9) proposée par

(32)

Demers-Desrosíers (1982,1983) afín de déterminer le niveau d'inhibition (primaire ou secondaire).

Analyses statistiques

Les analyses statistiques sont effectuées avec le logiciel Microsoft Excel 97. Le test T de Student est utilisé pour vérifier l'hypothèse voulant que les abuseurs sexuels aient la fonction symbolique inhibée comparativement à un groupe témoin. Un test de Khi-deux est également fait sur les données recodées afin de mieux appuyer les résultats. Ce même test sert ׳ à vérifier l'hypothèse deux et voir si la fonction symbolique est plus sévèrement inhibée

(primaire vs secondaire) chez les abuseurs sexuels. Enfin, les données du AT-9 et du TAS-20 sont soumises au coefficient de corrélation (r) et au coefficient d'association (phi) afin de vérifier s'il existe un lien entre ces deux séries de résultats. Tous les tests inférentiels ont été réalisés avec un alpha nominal égal à .025 unilatéral après correction pour l'inflation de l'erreur de type I (Kirk, 1998) pour les tests T.

(33)

CHAPITRE HI

La normalité des résultats a été observée. En regardant les données recueillies, il est possible de remarquer deux données dites aberrantes parce qu'elles sont à plus de deux écart- types de la moyenne. Ces deux données sont retirées de !'échantillon pour faire les analyses statistiques. La table II présente les mesures de tendance centrale et de dispersion pour l'ensemble des sujets aux différents tests; l'annexe G, les données brutes.

Table Π

Mesure de tendance centrale, de dispersion et pourcentage obtenu aux différents tests pour les groupes expérimental (n = 30) et témoin (n = 301.

Groupe Abuseurs (n = 30) Témoin (n = 30) Tests 0.46 (0.30)" 1.44 (1.17)" 0.40 (0.24)" 1.53 (1.28)" 0.27 (0.03)" 1.82 (1.31)" -0.40 (-0.66)" 2.42 (2)" Archétype-Test à 9 éléments (score brut) moyenne écart-type Archétype-Test à 9 éléments (score pondéré) moyenne écart-type

(34)

Échelle d'alexithymie de Toronto à 20 items

moyenne 56.67 44.9

écart-type 12.93 12.02

Psychiatrie Symptom Index (%)

basse symptomatologie (BS) 3.33 40

moyenne basse (MB) 40 60

moyenne élevée (ME) 23.33 0

haute symptomatologie (HS) 33.33 0

Note. Les valeurs entre parenthèse représentent les moyennes et écart-types sans les données aberrantes.

*n = 29.

Hypothèse 1

Afin de voir si effectivement les abuseras sexuels ont la fonction symbolique inhibée comparativement à un groupe témoin, un test T est d'abord fait sur les données brutes de ΓArchétype-test à 9 éléments. Le résultat indique qu'il n'y a pas de différence significative entre la moyenne du groupe expérimental 0.03 (s = 1.31) et celle du groupe témoin de 0.30 (s = 1.17) (t (55) = -0.84, n.s.). Comme les scores bruts ne prennent pas en considération le niveau de symbolisation (primaire vs secondaire), il est possible que pour cette raison la différence entre les deux groupes ne soit pas apparente. En codifiant les données, c'est-à-dire en donnant la valeur 0 à ceux qui ont un score AT-9 positif, donc qui n'ont pas la fonction symbolique inhibée, la valeur 1 à ceux qui ont la fonction symbolique inhibée à un niveau secondaire et la valeur 2 à ceux qui ont la fonction symbolique inhibée à un niveau primaire, !'utilisation du test de Khi-deux permet de voir le lien existant entre le fait d'être un abuseur sexuel ou non et les différents niveaux de symbolisation. La table ΠΙ présente les fréquences observées pour chacune des trois valeurs. Le résultat au test de Khi-deux démontre l'existence d'un lien entre le niveau de l'inhibition de la fonction symbolique et le statut d'abuseur sexuel (%:(2) = 9.03,2<.05).

(35)

34

Table ΠΙ

Tableau de contingence des fréquences (pourcentages) observées des valeurs associées aux scores AT-9 pour les groupes expérimental fn = 30) et témoin fn = 30).

Groupe Valeur Total 0 1 2 Abuseras 12 (20) 8 (13.33) 10 (16.67) 30 (50) Témoin 17 (28.33) 12 (20) 1 (1.67) 30 (50) Total 29 (48.33) 20 (33.33) 11 (18.33) 60 (100)

Une pondération de -2 est alors ajoutée à tous les scores AT-9 qui correspondent au niveau primaire d'inhibition tel que corrigé selon la méthode qualitative (PAT-9) afín de mettre en évidence la différence entre primaire et secondaire. La nouvelle moyenne du groupe expérimental étant de - 0.66 (s = 2) et celle du groupe témoin de 0.24 (s = 1.28) un test T permet de voir qu'il y a une différence significative entre les deux moyennes (1(48) = -2.03, p < .025).

En accord avec les précédents résultats, il est démontré que la fonction symbolique des agresseurs sexuels est significativement plus faible que celle d'un groupe témoin. Cependant, afin de faire ressortir cette différence significative, il importe de tenir compte du niveau d'inhibition de la fonction symbolique tel que déterminé par l'évaluation qualitative des productions graphiques.

Hypothèse 2

Étant donné qu'il est démontré que les agresseurs sexuels ont la fonction symbolique plus déficiente que celle du groupe témoin, il est possible de voir si le niveau d'inhibition de la fonction symbolique est davantage de niveau primaire que secondaire chez les agresseurs

(36)

sexuels comparativement au groupe témoin. En fait, il s'agit de voir s'il y a un lien entre le fait d'être abuseurs sexuels et d'avoir la fonction symbolique inhibée à un niveau primaire. En ne considérant que les sujets dont la fonction symbolique est inhibée et en utilisant les scores codifiés, c'est-à-dire la valeur 1 pour le niveau secondaire et 2 pour le niveau primaire, le test de Khi-deux permet de vérifier l'existence de ce lien. La table IV donne les fréquences observées pour chaque niveaux. Le résultat du test démontre que les agresseurs sexuels ont effectivement la fonction symbolique inhibée davantage à un niveau primaire qu'à un niveau secondaire et que les sujets du groupe témoin l'ont davantage à un niveau secondaire (χ2 (1) = 7.54, p<.01).

Table IV

Tableau de contingence des fréquences (,pourcentages! observées pour les niveaux d'inhibition de la fonction symbolique des groupes expérimental in = 30) et témoin (n = 30).

Niveau

Groupe

Expérimental Témoin Total

Primaire 10 (32.26) 1 (3.23) 11 (35.48)

Secondaire 8(25.81) 12 (38.71) 20 (64.52)

Total 18 (58.07) 13 (41.94) 31(100)

Hypothèse 3

La dernière hypothèse tente de démontrer l'existence d'une corrélation entre un test qui mesure le concept d'alexithymie, le TAS-20 et un qui mesure l'inhibition de la fonction symbolique, ΓΑΤ-9. Dans un premier temps, le coefficient de corrélation linéaire est

(37)

36

déterminé pour les résultats au TAS-20 et à ΓΑΤ-9. La table V présente les résultats obtenus. Les coefficients sont r (29) = - .26, n.s. pour le groupe expérimental et r (29) = .2, n.s. pour le groupe témoin. Le coefficient de corrélation pour les deux groupes est de r (58) = -.11, n.s. Ces trois résultats, qui ne sont pas significatifs, démontent qu'il n'y a pas de corrélation linéaire entre les résultats obtenus au TAS-20 et à ΓΑΤ-9.

Lorsque les résultats sont considérés en catégories 0 et 1 (0 pour non et 1 pour oui), il est possible de voir s'il y a une association entre les deux variables, soit l'alexithymie et la

fonction symbolique. On nomme coefficient phi (φ) le coefficient d'association qui détermine s'il y a un lien entre les deux caractères. La table V donne les coefficients d'association phi. Le résultat obtenu pour le groupe expérimental est phi (29) = .33, n.s., le résultat pour le groupe témoin est phi (29) = . 16, n.s. et pour les deux groupes réunis phi (58) = .15, n.s. En faisant les tests d'hypothèses, il en résulte qu’aucun de ces coefficients d'association ne sont significatifs au seuil déterminé. C'est donc dire qu'il n'y a pas d'association entre les résultats obtenus au TAS-20 et ceux obtenus à ΓΑΤ-9.

Table V

Coefficient de corrélation (r) et d'association ftp) entre l'échelle d'alexithymie de Toronto et ΓArchétype-test à 9 éléments pour les groupes expérimentai (n = 30). témoin (n = 30) et total In = 60).

Groupe

Coefficient expérimental (n = 30) témoin (n = 30) total (n = 60)

-.26 .12 -.11

.33 .16 .15

Pearson (r)

(38)

Il semble qu'il n'existe pas de lien entre le concept d'alexithymie tel que mesuré par l'échelle d'alexithymie de Toronto à 20 items (TAS-20) et l'inhibition de la fonction

- symbolique telle que déterminée par l'Archétype-Test à 9 éléments (AT-9) tant au sein d'un même groupe qu'en regroupant tous les sujets dans un seul groupe. Cependant, il est

intéressant de voir s'il y a une différence entre les résultats au TAS-20 des abuseurs sexuels et ceux du groupe témoin. En faisant un test T sur les moyennes le résultat indique que les agresseurs sexuels ont une moyenne plus élevée au TAS-20 que les sujets du groupe témoin (t (58) = 3.65, p < .025). En utilisant les scores codifiés (0 = non et 1 = oui) un test de Khi-deux permet de constater l'existence ou non d'un lien entre l'alexithymie et l'appartenance au groupe d'abuseurs ou au groupe témoin. La table VT présente les fréquences observées pour ces valeurs. Le résultat est significatif au seuil déterminé et confirme le lien entre le fait d'être abuseur et l'alexithymie telle que mesurée par la TAS-20 (χ2 (1) = 5.71, p < .05).

Table VI

Tableau de contingence des fréquences (pourcentages! observées des valeurs associées aux scores TAS-20 pour les groupes expérimental (n = 30) et témoin (h = 30).

0 Valeur 1 Total Abuseurs 14 (23.33) 16 (26.67) 30 (50) Témoin 23 (38.33) 7(11.67) 30 (50) Total 37 (61.67) 23 (38.33) 60 (100)

À la lumière de ces résultats, il convient de dire qu'il y a plus de sujets alexithymiques au sein du groupe d'abuseurs sexuels que parmi les sujets du groupe témoin. Toutefois, comme il n'y a pas de lien associatif entre le TAS-20 et l'AT-9, les sujets considérés

(39)

38

alexithymiques n'ont pas nécessairement la fonction symbolique inhibée et ceux qui l'ont, ne sont pas automatiquement alexithymiques.

Figure

Table IV
Table VI

Références

Documents relatifs

Os acessos uvaia coletados na região serrana do Estado do Espírito Santo possuem ampla variação genética e os resultados os parâmetros genéticos indicam condição favorável para

Au Québec, les effets du navettage aéroporté (NA) – aussi connu sous le nom de fly-in, fly-out (FIFO) – ont été bien documentés dans les communautés qui accueillent des

Using partial queries and given a negative example, QUACQ is able to find a constraint of the problem the user has in mind in a number of queries logarithmic in the size of

127 0 18 Dépendant Non inséré Célibataire Sans enfant 127 18 18,25 Indépendant Non inséré Célibataire Sans enfant 127 18,25 19 Indépendant En emploi (temps partiel) Célibataire

As τ increases, non-durable good strategy 2 becomes more attractive to the seed producer who has discovered a small innovation, while the durable good strategy is still adopted by

2 Deux publications essentielles parmi toutes sont à relever pour notre sujet : le manuel (volumes 47-48 de la revue Mouseion) concernant la protection des monuments et œuvres

Cependant, les critères d’attribution des marques d’usage ne sont toujours pas déterminés tant dans les dictionnaires français que dans les ouvrages russes ou ukrainiens :

Durant le XVe siècle, le parcours politique de Pierre d’Amboise représente le noyau central qui définit la mutation des liens entre la maison d’Arnboise et le pouvoir royal