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Enjeux sociocritiques et sémio-rhétoriques du Grand vestiaire de Gary

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(5)

Hugo Roy

Enjeux sociocritiques et sémio-rhétoriques

du

Grand vestiaire

de

Gary

Mémoire de maîtrise soumis à

la

Faculté des études

supérieures et de la recherche en vue de l'obten tian du

diplôme de Maîtrise ès Lettres

Département de langue et littérature françaises

Université

~lcGill

~{ontréal, Québec

Décetnbre

1996

(6)

1+1

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(7)

A1stract

Beginning with the premise that aU literary texts are rhetorical in nature, this thesis explores the impact of the persuasive function in Romain Gar~/s

La

grand L'cstia;rc from the perspective of his poetics, defined in Pour Sganarcllc. The

analysis of typical narrative, descriptive and dialogal techniques used by the author brings to the fore al once the textual sites in which Gary's central precept, the univocity of rneaning, is upheld, and the presence of arnbiguities that undermine il. Likewise, the analysis of the novel's socio-historical context highlights ils idealogical dimension, 'tvhich is bath inherent ta the \\'ork and responsible for certain

indeterminacies that foreclose the passibility of a unique rncaning.

F

inally, it is shawn that the rbctorical figures in GaryOs text, which are designed, by their overwhelming presence, la forcefully reconfinn the univocity of meaning, aisa generate a series of equivocations. This thesis demonstrates that while

Le

grand L'estiaire is indeed based on literary techniques that ensure its cffectiveness, the novel is at odds with Gar~"'s poetics and ultimately represents ils funclional

(8)

RéSUnlé

Parlant de la proposition selon laquelle tout texte est rhétorique, ce mémoire étudie la porléc dc la fonction pcrsuasive tcllc qu·clle se déploie dans L(! grand

I..°(!stiairc de Romain Gary au regard des éléments d·arl poétique contenus dans Pour Sganarcl/(!.

univocité de sens étant centrale chez Gary, l'exploration des procédés narratifs, descriptifs et dialogaLLx typiques de l'auteur permet de faire ressortir à la fois le lieu d"inscription de ses conceptions et les équivoques intratextuel1cs qui en nlinent l·actualisation. Par un appel à la conjoncture socio-historique, la dimension idéologique est considérée inhérente au roman, de telle sorte qu·elle introduit à son Lour un caractère flou qui élirnine par avance la possibilité d·WI sens univoque.

À

ces donnécs s"ajoutent des figures rhétoriques omnipréscntes dans l'œuvre de Gary qui, tout en cherchant, elles aussi, à réaffirmer avec force l'univocité du roman, entraînent une série d·amhiguïtés. Il ressort de ce mémoire que L(! grand L"(!stiairc, cependant qu'il déploie des procédés d' écriture qui le rendent efficacc, est décalé par rapporl aLLX préceptes de l"art poétique garycn dont ce roman représente l'échec fonclionnel.

(9)

Rernercietnents

Je tiens d"abord il remercier le professeur Gillian Lane-~lercierpour ses précieuses indications lors de l"élaboration du projet préalable à l"écriture de ce nlémoire, de même que pour ses commentaires précis tout au long de la rédaction du texte"

.\lia reconnaissance

la

plus profonde va aussi à mes parents, Jean-:\"oël Roy ct Irène Plante, pour leur indéfectihle soutien tant rnorai que financier. lvlerci

également à mon frère Jacky Roy qui, par son encouragement, a largement contribué li. rendre mon travail plus facile. Toute ma gratitude à~nès Bonnin dont la présence de tous les instants et les lectures attentives ont en grande partie fait de ce rnémoire ce qu'il est.

Je remercie enfin mes aInis Jean-Sébastien Dubé, Hans Ivcrs, Dominique Forlier, Louis Gagné et Sébastien Hamel qui n"ont cessé de me stimuler.

(10)

Table des m.atières

1

n troduction

Hypothèses ct corpus

Le tour du Grand r:csl;a;rc : étapes el rnéthode

1.

Au

mo1t1ent d'écrire

Le

grand vestiaire! :

la

France

entre

1945

et

1948

La situation sociale: désorganisation ct suspicion Discours el idéologies d"après-guerre

a) l~n monde politique chancelant

b) \'

ers une mutation de l·identité française

2.

Dans

Le grand

~c!stiaire :

vers un art du rorn.an garyen

l

3

12

12

14

14

17

21

Pour Sganarcllc :

le

rorllan selon Gary

21

Stratégies narratives 27

a)

A.

propos de l·ordrc du récit

17

b) Focalisation

30

Stratégies descriptives

34

cl) Statut

du

descripteur et dimension descriptive

35

b) Descriptif et faLL~-merveillelL~

37

c) Personnages et descriptions

-1-1

La part

du

dialogue: inscription et fonctionnement

du

verbal

-1-6

a) Réalisme, sociolcctes et compétence langagière

-1-7

(11)

l

3.

L'uhac

du

Grand

l'asiiaire! :

le

versant

idéologique du

roman

Pour une définition de l'idéologie

Idéolo~iedu roman et conjoncture social

a) Idéologies du Grand L"l!sHairl! et imaginaires socia.ux h) Poétique garyenne et idéologèrnes

c) Social, dialogisme et ma.ximes idéologiques d) Idéologies et fa1.Lx

13h

02

03

bb

07

71

74

80

4.

La rhétorique

du

(;rand vestiaire: argumentation et fonction

persuasive

du

roman <.)()

...-\.rguments romanesques: bouffons et passages théâtralisés <.) 1

d) Pour une déÜnilion des fra~nlenLs héLéro~ènes

91

6) Fragments hétérogènes: un exemple de passage théâtralisé <.)3

c) Passages théâtralisés et camavalisation '-)7

d)

La

métadiégèse cc cinéma )) comme fonne hétérogène

103

\rision crépusculaire, ressentiment et lutte contre la réalité

lOS

a) \'ision crépuscula.ire du monde: quelques exemples

105

b) Personnages et ressentiment: apologie de la victime

108

Considérations terminales:

Gary,

le ronlan et la rhétorique

111

Conclusion

118

Bibliographie

124

(12)

j

'-Introduction

Dès l'instant où l'on décide d'analyser l'ceuvre de Romain Gary, plusieurs problènles sc posent avec force quant il la matière de l'investi~cltion, et cc, (lvant mêrnc que l'élaboration d'une méthode ne s'amorce, L'une des principales questions concerne la prise en compte de lacomposant(! biographique (c'est-à-dire de l'enscrnble des données extraites de la vie privée de l'auteur telles qu'on les retrouve dans les biographies, les autobiographies, les entretiens, les témoignages, etc), cl donl l'inclusion dans l'appclreil crilique il litre de paramètre clualytique <lpparaît forl

répandue en éludes

~dryennes

..

A.

la décharge des <luteurs s'élant tournés vers celle composante, empressons-nous de concéder que Gary cul en effet une vie peu

banale, pleine de rebondissements ct de rnystères, que son existence, comme celle de

~lalraLL'X, fascine presque autant que son ccuvre. Il ne s'agit pas ici de récuser ces

études, mais plutôt d'affirmer les choix - nécessaires - qui seront les nôtres tout ,lU long de notre lecture de Gary. Ainsi, <lvouons-Ie franchement, les données hiographiques ne seront pas considérées comme signifiantes dans le cadre de notre travail pour la simple raison qu'à notre <lvis elles n'interviennent pas - du rnoins pas ,lU plan qui nous intéresse - d,lns 1."1 constitution du texte tel qu'il sc donne il

lire.

Cela ne veut cependant pas dire que nous aborderons le texte comme un ensemble fermé ct totalement déserté (lelr cc qui lui est extérieur. A.u contraire, certc"1ins éléments extérieurs, conunc

tl

conjoncture socio-historique, pennettenl de préciser certains enjeLL'X du texte étudié. L""n objectera que la vie de l'auteur, elle clussi, offre de nambreuses possibilités analytiques, ce que nous acceptons d'emblée, Mais là où nous croyons risquée celle intervention, c'est lorsque vient le temps d·objcdil.:cr au ma:cinlWl nolre ulélhude, En fail, un degré de cerliLude acceplable,

(13)

notamnlcnt quant cHOC événements historiques, surtout dans la rnesure où ils sont ell1SSi récents que CelL"< qui nous retiendront, semble davantage facile à obtenir que lorsqu'il s'agit de seLvoir si Gary était angoissé, s'il était pessimiste ou s'il CL effecti-vemenl voté pour de (jauBe lors de telle ou telle élection, :\ous sonlmes cependant tout-à-fait conscient que les historiens ne s'entendent pas tous, p'Lr exemple, sur l'Üllportdllceefj-~diz;edu Pdrti COll11l1ulliste dans l'histoire de Id France, nIais

il

demeure que le pourcentage de VOLX recueilli en

1946

par les conlmunistes est

qUeLnt à lui un fait indiscutable. 4o.\insi, en nous en tenant à ce type de données historiques, et à quelques-unes de leurs résultantes, nous espérons diminuer la subjectivité des rapprochements effectués par la suite...-\utrement dit, lorsque des éléments extérieurs à l'(~uvre seront récupérés, nous tenterons de réduire au

minimum la parl d'interprétation de ces éléments en nous contentant le plus possible des faits admis. C'est donc d'abord letexte lui-même qui nous intéresse, ct si nous faisons en cours de route appel alLX données historiques, ce sera parce que celles-ci collaborent à notre avis de façon directe à la composition du texte, qu'clIcs deviennent en quelque sortestructurantes. Bien que notre position soit pilrlialc (laquelle ne ('est pas

?),

les choix qu'elle implique ct qui sont explicités ici n 'cx-c1uent pas que d'autres approches puissent être utilisées par certains cherc heurs. En fail, ces précisions ont pour seule raison d'être l'affichage sans aucun Cam()UfIc1~C dcs choix qui sont les nôtres en désignant d'entrée de jeu la voie que nous corn ptons eluprulller,

Au vu de ces remarques, Dominique Rosse apparaît comme l'un des r.lres J. elvoir élaboré, dans son Roma;n Gary ct la modern;té, une méthode critique .lussi efficace que juste, et dont les paramètres analytiques émergent d'une connelisSc1[lCe approfondie des rouages de l'œuvre ~aryenne, Puisque ('ouvrage de Rosse est le seul qui soit entièrement consacréà une étude (dirons-nous) technique de l'n~ll''Te

(14)

~~lryenne, il va de soi que nous nous appuierons largetnent sur cc texte c<lpital. C

Clel

explique, en outre, le nombre restreint d'études gal}'cnnes citées dans nolre lr~lvaiL

[cl

plupart des ,uiicles et des mono~raphiesn'offrant c1ucune prise au type d"lnalyse

l{UC nous cnLrcprenuns.

Hypothèses

et

corpus

Posons donc dès maintenant, pour les préciser un peu plus loin, les grands cl."{es de notre démarchc.

En

nous appuyant, cntre autres, sur le textc de

D,

Rosse et sur le voluminctL"{ essai Pour Sganare/le (dans lequel Gary définit sa conception du roman), il s'clgira de montrer que le rom,ln garyen s'arlicule autour d'une poétique au service de cc que nous désignerons comme laj~ndion pcrsuasit.'c du roman, et dont l'un des préccptes cardinau."C est l'obligation pour le roma.ncier de viser l'uni-L'oeitéde sens par l'utilisation de structures ct de figures permettant, en principc,

une seule lecture, ce qui revient à affirmer la non-liberté du lecteur,

La.

quête d'uni-vocité (dans ses implications rhétoriques) est en quelque sorle le fil conducteur qui traversera chacune des parlies de notre étude, celte quête déterminant les para-mètres de la fonction persuasive. i\.insi, et ce sont là les principales stations de notre tour du Grand L'estiaire, la quête d'univocité, et la fonction persuasive lui étant clssociée, sont perceptibles à travers ladimension idéologique et par la mise en place d'arguments proprement rhétoriques à l'intérieur même du roman. D'1ns cette

optique, le roman est rhétorique, argumentatif, ,lU même titre que n'importe quel

discours polilique (nous y reviendrons plus à fond dalls

le

qualriènlc chapilre), C'esl la nécessité d'actualiser la fonction persuasive qui peut expliquer la présentation,

(15)

,

'-

scion un anglc précis, dcs événctnents tirés du ~ontextesocial qui devient alors, lui

aUSSi, un élénlent structurant.

Ces hypothèses seront mises à l'épreuve ~râceà l'exploration des enjeLL~ sociocritiques, sémiotiques et rhétoriques d'un roman de

1948,

Le grand r:es6airc.

La

restriction que nous nous ilnposons quant au corpus primilire tient à ce qu'il s'agit pour nous d'effectuer une série de :ooms, correspondc1.nt ~hacunil LLnc

dinlension précise du Grand L'cstiaire, à partir desquels nous espérons obtcnir, en les intégrant et les disposcl.nt de façon à farIner une vue en plongée du roman, une vision d'cnsemblc pouvant êtrc ultérieurcment récupérée dans l'étudc d'autrcs ccuvres de Gclry. On pourra nous reprocher cet objectif qui force un traitement relativement succinct des dimensions explorées, ce que nous concevons tout à fait. Disons ccpendant qu"aurions-nous choisi, par exemple, de traiter uniquement de I"aspect idéologique du roman,

il

aurait forcément fallu laisser tomber ccrtaines données ct passer rapidenlent sur d'autres, toute étude devant faire face à une contrainte d "espace, ..-\.insi, il est apparu perlinent, dans

le

cadre d'un mémoire, de faire le tour du jardin, pour rcprendre ('cxpression populaire, en nous clrrêtant le plus longtelnps possible dans ses principales stations de manière à en esquisser les implications, quitte à y revenir éventuellement dans le cadre d'une étude plus vaste.

Dans celte perspective,

Le

grand L'cstiaire nous a semblé intéressant d'abord pcl.rce qu'une grande partie des études garyennes concerne les quatre textes signés ÉIl1ile Àjar, probablenlent à cause de leur richesse stylistique, et laissent donc quelque peu de côté le reste de l'œuvre, En outre, aucune des études répertoriées ne s'est concentrée spécifiquement sur

Le

grand r:cstiaire, et ce, malgré le faH que l'clnalysc dc cc roman permeHe à notre avis une généralisation, celui-ci reprenant des techniques utilisées dans

Tu/;pc,

roman immédiatement antérieur, tout en clnnonçant celles qui se déploieront dans les textes suhséquents, On se demandcra

(16)

5

,llors pourquoi a,,'oir choisi Lc grand t'cs6a;rc plutôt que Lcs ccrf~-r:olants par

cxcnlple. Justifions-nous sinlplement en disant qu'à la fois le ntoment de publica-tion du (-;rand t'cstia;re, ,lU lendemain de la Seconde Guerre, ct le fait qu'il ntet en perspective une situation sociale difficile, le rendent fascinant du point de vue des iInplications idéologico-rhétoriques qu'il renferme, ces implications pouvant être s,lisies grâce il une sorte d'archéologie des mécanismes romanesques utilisés.

Le tour

du

Grand

vestiaire:

étapes et méthode

C'est justement l'importance de la conjoncture socio-historique dans laquelle Lc grand L'cs6a;rc fut écrit ct publié qui rend selon nous incontournable, dans le premier chapitre de ce travail, la mise en perspective des événements historiques qui composèrent la période

1945-1948.

Cette période, bien que relativement courte, fut néanmoins chargée du point de vue événementiel. si bien qu'il est pratiquement impossible de rapporter l'ensemble des données historiques qui la caractérisent. L'objectif de celte section est donc de nous doter d'un appui temporel aussi solide que possible à partir duquel nous pourrons InictLx saisir la dimension idéolo~ico­ rhétorique duGrand L·csf;a;rc. Grâce à celte dimension, les rapprochenlents pour-ront éviter le piège de l'approche référentielle en dépassant le siInple relevé des similitudes et des différences entre les événements décrits dans le récit et ceu.x réellenlent produits. Incluse dans l'analyse idéologique, l'histoire devient en quelque sorte un élément structurant pouvant être analysé par l'entremise de la poétique

~dryennc, BreL nous espérons partir des données hisloriques pour ulonlrcr que

Le

(17)

l"

ne fois cc survol conclu, des constantes rclatives ,1ll..'"'C procédés n("lnaUfs,

descriptifs et dialogalLx pourront être dégagées de manière à expliquer le fonctionne-nlent plus proprement mécanique du Grand L'csfia;re, C"est donc une sorte de

découpage technique qui constituera le cœur du second chapitre de notrc étude par lequel nous tenterons de dégager les implications formelles de la poétique garyenne,

Il

s'agira alors, dans une large mesure (parce que ce n'est pas

le

seul élément qui nous retiendra), d"ohserver cOInmenl la quête d'univocité se développe en une série de procédés d"écriture, Précisons cependant que nous ne comptons pas cffectuer ici une étude théorique, mais plutôt une (lpplication, dans le but de saisir la densité du Grand l:cs6airc, d"élénlcnts théoriques divers dont la fonction est d"objcctiver le plus possible notre travail. ,A.insi, le décryptage amorcé ici passera p,"lr une méthode hybride empruntant, dans un preInier temps, ses paramètres à t"l sémiotique, Sans entrer dans une suile de définitions, il faut néanmoins préciser que

la

sémiotique se présente souvent comme la discipline qui étudie les signes : mais Les derniers sont, pour ainsiJire, la tl1ati~re premi~re grâLe à quoi tout être communique avec d'autres êtres sur

la

base d\m quelconque système de communication

letl

met en c..X'uyre le processus que Peirce a nl'mmés$m;os.? ~lais, Jans le rn'(.~C'$St1S de sémiose, jamais on ne prcxède par échange de signes isolés. ~lêm(' lorsqu"on utilise un signe ..1pparcmment iSl,lé - lm mot, lm signal routier, un ~estede

la

main - ("ln se fonde toujours sur un contexte' ... 1.l

En se basant sur cette conception dynarnique, notre méthode cherchera il déter-mincI' la manière dont les signes se disposent dans

Le

grand t'cstia;rc de manière à

conférer à ce dernier une origin("llilé cl une efficacité qui lui sont propres, tout en constituant une application évidente

Je

l"art poét;quc de Gary. Parart poétique, nous entendrons un ensemble de règles (écrites ou non; publiées ou non), particulières à l'auteur, à parlir desquelles il construit son ou ses texte(s) de manière, sinon à atteindre, du moins àapprocher son idé'"ll esthétique. Dans une perspective

(18)

sémio-tique, l'art poétique est (llors un cadre plus ou moins ri~ideà. l'intérieur duquel les

si~nes peuvent se disposer; il est donc, à l'origine, un élément structurant. C'est

grâcc à l'observation dc la disposition des signes à l'intérieur du Grand L'cstiairc, c'cst-à-dire des techniques structurantes, que nous tenterons de détermincr le degré de présencc des éléments dc l'art poélique garyen tel qu'ils sont définis dans Pour Sganarel/e.

L-\.fin que le lien entre le second ct le troisième chapitre ressorte clairemcnt, quelques précisions s'imposent relativement à }, usage que nous comptons faire des préceptes contenus dans Pour Sganarcllc et des événemcnts retenus dans le survol historique, Pour bien comprendre ce qui suit, il faut considérer que, pour nous, 1cl.

sém;os;s est une activité interprétative par laquelle on procède a.u décrypt(lge, au décodagc du sens rattaché à un tenne ou une expression, ~lis en présence d'un terme, un individu doit effectuer une recherche dans son réservoir de significlllions pour pouvoir saisir le sens précis de ce terme dans le contexte où il a été utilisé. Pour

L

T

, Eco, cette opération doit nécessairement tenir compte du fait que cc

I.:on-te~~e et circonstances sont indispensables pour pouvoir conférer à [unel expression

sa signification pleine ct entière, mais (cette) expression possède une signification virtucllc qui permet au locuteur de deviner son contexte ))2 • •Ainsi, la cOlnpréhension

d'un texte passe par une sélection qui s"effectue, d'une part, grâce au.x expressions contenues dans ce texte (co-texte d'énoncé), ct, d'autre part, grâce a.u.'"<: circonsLlllces de leur apparition (situation d'énonciation). Toujours selon Eco, ces sélections sont de deu.x ordres, Dans un premier temps, il peut s'agir d'une sélcdion contextuelle, laquelle cc enregistre les cas générau.'"<: où un terme donné pourrait être occurrenl en

concomitance (et donc être co-occurrent) avec d'autres termes d'un même 5~'Slème séIniotiquc ))>. Ainsi, les cc sélections contextuelles prévoient des contextespossibles:

(19)

8

dit, la sélection contextuelle est le résultat d' une sitUiltioll où sont co-occurrents, d,lns un même co-texte, pelr exemple l'expression Ifenlme vêtue de noir/ ct le tenne /funérailles/, co-occurrence qui rend possible la sélection du sens associé il

l'ex-pression, lequel ,lurait été différent si le tenne relié à l'expression elvait été /cou-vent/.

On peut dire, en sitl1plifialll, que pour sa part laséled;on circonstancielle obéil à la même logique, il ceci près que le terme elssocié à l'expression tire son sens

d'éléments issus d" un ,lutre système sémiotique ou, plus précisément encore, de la situation d'énonciation. C'est le cas notamment du terme /poursuite/ qui signifie dans le jargon policier (proche du sens général) cc courir après un individu pour

l'arrêter», ct qui, dans le discours juridique signifie te acte [...1rédigé contre qqn qui

clenfrein t

la

loi, n'a pas respecté une obligation )5. Relenons ici que pour décoder le

sens précis de l'expression, il est nécessaire de le relier à un autre système, un elutre code sémiotique que celui dans lequel

il

apparaît, c'est-à-dire à une connaissance d'une situation de poursuite policière dans un cas, el à une situation juridique dans l·,lutre.

À

la IUIllière de ces données, nous pouvons dire que le deLLxièule chapitre de nohe étude consistera, ddns un premier temps, en l'observation de la manière dont s'opèrent les sélections contextuelles, c'est-à-dire à la façon dont on peut com-prendre cerlaines formes du Grand r:cst;a;re en fonction de leur disposition en un nlênle co-texte-roman. C eHe première étape est à notre avis capitale puisqu'elle pernlet d'avoir une prise textuelle à partir de laquelle nous pourrons préciser, delns un dClL"<ième temps, l'importance des sélections circonstancielles dans le récit à l'aide de Pour Sganarcllc, dès lors conçu comme un système sémiotique distincl à partir duquel d~ssens peuvent être inférés grâce à des sélections circonstancielles. En d"autres tennes, il s"agira ici de tenir compte du sujet d"énonciation, c'est-à-dire

(20)

q

CT~lry lui-Inêrne leI qu'il se donne à lire il tl fois dans Legrand L'cstiairc el dans Pour

Sganarelie ,

Ce premier pas franchi, il nous semble absolumenl nécessaire de changer la lentille de nolre c,lméra pour espérer corn prendre le roman dans toule sa significa-tion, C'est ainsi que le lroisiènlc chapilre éttrgira nolre perspective grâce il la prise en \10111pte d'un dulre syslèlue séllliotique dont les illlplïca.lions penllettelll J'dulres sélections circonstancielles, et qui correspond, dans

le

cas qui nous intéresse, à l'ensemble des faits historiques s'étant produits entre

1945

et

1948.

Pour parvenir il cette nouvelle mise en perspective, nous intégrerons l'idéologie à notre 'ln~llyse par

l'entremise de la sociocritique, celle-ci concevant le lexle comme autonome tout en

adnH~ttanll'imporlance du cadre social dans lequel ce texle fut écritO. \" ous choisissons donc, arbitrairement nous le concevons bien, d'étudier l'apport de la conjoncture socio-historique du point de vue des ancrages idéologiques qu'elle

permet de repérer: à notre avis l'idéologie offre de vasles possibilités J'analyse qUelnt

,lU sens circonstanciel du récit. Lel pertinence de l'aspect idéologique du Grand

l:estiaire semble confirmée par D, Rosse pour qui

la conception garyenne de la fiction est idéaliste dans Sl'n désir de transfor-mer le monde au seul niveau de la représentation, du signifié,

de

l'imagi-naire, et en niant le réel. C'est pourquoi elle s'enlise dans l'idéologie, le IlH.'Ssa.;e qui s'inscril dans la slruclure, insiste et répète, \rise la plénituded

à combler le trou du réeL-;

l""irâce à ce commentaire, il apparaît que, malgré les affirmations de Gary au sujet de l'idéologie - sur lesquelles nous reviendrons - , cette dernière agit bel cl bien conlme un élélnent dynelmique dans Lcgrandl'cstiairc, Autrement dit, c'est le contrat qui s'élablit entre le texle et l'extralexte (ici les éléments historiques et les conceptions idéologiques de Gary), qui donnent à lire certains enjeu.x idéologiques,

(21)

10

que nous chercherons il présenter dans le but ,lvoué d'ajouter dLL"<: procédés du C-;rand L"cstiaire une dUtre dinlension.

c('

lon~ détour, devons-nous insister sur ,-=e point vise un objectif ultime,

soil celui de faire ressortir l-imporlance rhétorique des procédés luis au jour dans les chapitres

.1

et 3. L',lspect rhétorique est doublentent impliqué dans la quatrième étape de notre démarche. D"lbord, il est le

fil

d'.-\riane qui traversera les différents chapitres, alL'"{ côtés de

la

quête d'univocité dont nous avons parlé plus haut. Ensuite, il partir du moment où, nous l'avons dit, le roman (et tout récit) est essentiellement rhétoriqueS, il semble évident que des figures typiques se trouvent dans le roman et influencent directement la fonction pcrsuasÏL'c de ce dernier, \""ous

nous attarderons donc, d'lns le quatrième chapitre, il la nlise en relief du rôle que setnblenl jouer des procédés rhétoriques empruntés, dt une part (lU mondc carnat"a-/csquc ct, d'autre parl, au mode dtécriture pamphlétaire.

Il

s'a~it donc d'une analyse nlultidiInensionnelle du l-;rand t"csHairc de ROlnain G(lry dont les paramètres convergent vers une cible unique: l'intégration des points soulevés dans les trois premiers chapitres il ce que l'on pourrait tlppeler la rllétorique romanesque garyenne , C eHe rhétOrique, nous le verrons, est perceptible il tous les plans textuels et possède l'avantage

de

déboucher sur une conception plus nelle des InécanisInes textuels ~aryensqui, croyons-nous, peuvent ultérieuretllent pennettre l'analyse poussée de la nlajorité des œuvres de G(lry,

(22)

Il

Notes

L. L". Eco, l..!signe, p. 2l}. .2. l ". Eco, Ixdor infabula, p. 1n.

l ( '. F.c,'. Ibid. p. 10.

-1-. l'. Eco. Ibid. p. 10. :'\OUS,;ouli~non:o.

5. Ixpetit Robert 1. p. 1501.

n. :'\ous définiromdavanta~ele tennesociocritique un peu loin, au moment J'en extraired~éléments

d'andl~~e préci~. F.n outre. c,mlOle il ne,.·d~it pd~ ici d'une~tudethéorique. I~ quelqu~ text~

,.,-,cio-critiqu~retenus l'ontétéen fonction despiste~ qu'i~ dé~d~eaient par rapporlriladirection de notre

étude. Deplus, élant donnée I"étendue de~etravdiL ilnous a fdllu Idi!l~er quelqu~lexteg de cMé-!l. pour nel'di!'·dlourdir.

7. D. ROllse,Romain Gary ct lamodt!rndé. p. ~O.

8. :-\ousreviendrons sur cette conception, pour1.1 préciser et l'appuyer, dan~

le

quatrième chapitre de n ..,he étude.

(23)

1

Au

m.ontent

d

7

écrire

Le

grand

vestiaire

la

France entre

1945

et

1948

Redisons-le: il est inlpensable, dans le cadre d'une ,lussi hrève étude,

J'effectuer Wle lllÎse en relief exhaustive des facleurs sociaLL'<, éCOllOllül{ues el poli-liques qui caractérisent la société françaisc de ('immédiat a.près-~uerre,~-\insi, ce ch'lpitrc vise plus à souligner quelques éléments susccptibles d'cnrichir notre lecturc du Grand l"Cst;a;rc qu'à nuancer ou commcnter les événenlents, cc qui constitue davantagc le havail dc l'historien que celui du littéraire, :\ous devons ,lÏnsi sélectionner les données, avec cc que ccla comporte d'a.rbitraire, dans le but dc conservcr celles qui apparaissent essentielles à notre travail; il s'agit donc d'un survol raisonné d'une courtc période dc l'histoirc de France1•

La

situ.ation sociale : désorganisation

et

suspicion

Il paraît fertile de considércr les effets de la Secondc l."""Tuerre sur

tl

collec-tivité française du point de vuc des réévaluations qu'clle a forcées, des transmuta-tions qu'clle ,1 accélérées en désorganisant l'ensemblc dc cette société. Dans H;sfo;rc

de la sociétéfrança;sc dcpu;s 1945, Dominique Borne souligne à cc titre l{tle «

I.t

société françaisc, qui se caractérisait jusque-là r19451 par la lenteur de ses é\'nlu-lions, semblc rompre avec cc qui l'enracinait solidenlent dans son pclSsé »". l.~r. :l

1,1

Libéralion, la déstructuration de celle société passe J'abord par

Id

conslaldlion d'une destruction matériclle sans précédent: soixantc-quatorze déparlenlcnls: lou-chés, les voies de communications et lcs moyens de transport réduits presque

:t

(24)

13

né'lnt', ce qui rend pénible le ravit,üllement des ville~, Sur le plan économique,

(c l'insuffisance tragique des produils disponibles, alors que la masse monélaire s'cst ~(lnfléepcndant la ~uerre, cntraîne les classiques problèmes inflationnistes, que ne peul enr<lyer le hloc<lge des pri.."< »4, CcHe inflation hors de contrôle ruine nombre

d'épargnants et diminue considérablement le niveau de vie des salariés;), On voit alors <lPP'1r<lîlre JeLLx phénonlènes synlplolualiques Je la

désor~anisalion

Jc l'Él.ll : le marché noir et la corruption, qui se développent ,1VCC une vivacité étonnante,

...\ cclle cohuc, résult,ü d'une déslabilisation tanl physique qu'écononlique, s'ajoute un sentiment national de suspicion, sorte de paranoïa collective qui, bien qu'clIc ne concerne pas tous les Français, inquiétcra unc large proportion d'cntrc CLL"<, Quatre ,lnnées d'occupaHon étrangère ont en effet semé une crainte profonde dans l'csprit de plusieurs Français, certains ayant résisté, d'autres étant dClncurés ncutres (autant quc cela fut possible), et d'autres, enfin, ayant collaboré plus ou moins ouvertement ,lvec l'ennemi. Cc sont ces collaborateurs, perçus comme des traîtres bien avant la Libération, qui font Ics frais d'uneépuraHon, phénomènc multiformc dont l'ampleur est, encore aujourd'hui, difficilement préciséc p,lr les historiens, Jean-Jacques Becker mentionne qu'il cst très difficile de cc conn,lîire le

nombre exact de victimes de celte répression ,. spontanée ", Ccrtains ,luteurs ont parlé de plus de

100 000

victimes, mais ce chiffre semble toul il fait exagéré »0,

Becker penche plutôt du côté de l'évaluation faite par le général de Gaulle dans ses ,\fémoires, soil environ

10 000

exé~uli(Jns (donlb 675 antérieures àla Lihératioll), estimation acceptée par le Comité d'Histoire de la Seconde Guerre mondiale, ..-\u-delà de ccs querelles de chiffres, il faut retenir qu'une tension règne alors au sein de la population avec suffisamment d'intensité pour avoir une incidence sur les tentatives de redéfinition identitairc du peuple franç<1.is.

(25)

14

Enfin, outre les exécutions somnl,lÏres, la répression prit des fonnes dn:erscs.

~lentionnonssimplement l'épuration administrative, qui Viscl principalcInent la

nlise hors circuit des fonctionnaires collaborateurs, l'épuration économique, dont les cihles furent CCtL~ qui avaient profité de l'Occupation pour s'cnrichir, et l'épura-tion de la presse, qui se conclut par la mise ,lU ban des journ,llL~ parus sous

l'Occupation avec l'dccord des AlleulduJsl,

Discours et idéologies

d

7

après-guerre

a) ('n monde politique chancelant

Ces incerlitudes socio-économiques ,1ccroissent les problèmes qui clffligent le monde politique,

J

.-J.

Becker dégage à ce sujet trois interrogations qui préoccupent

lel

classe politique fran'.Saise dès septeIubre

194-t :

(c ...\. qui doit revcnir le pouvoir?

Qui ,1 ledro;f de l'occuper? Qui possède la légitimité? »8. Ces questions s',lvèrent

capitales, d'autant plus que, le ~ouvcrnement de \'ichy dissous et ses parlisans

éloi~nés,

les politiciens ont le ch'lmp libre pour réfornler l'Étel! scion d'autres paraIuèlres que ceLL..,;: du Il1aréchal Pétain, C'est donc ,lU 1110 Ille III Je redéfinir l'É lat

et ses structures que la confusion prend un caractère concret pour la classe poli-lique. Toutefois, il faudra attendre avant d'effectuer quelque changement que ce soit, les infrastructures détruites et l'absence d'un million ct demi de Français, retenus en Allemagne, rendant impossible la tenue immédiate d'un scrutin.

Les tensions politiques provenaient en premier lieu d'un héritage empoi-sonné: celui légué par une Résistance idéologiquement hétérogène. Bien que le terme Rés;stancc semble décrire un mouvement unifié, le fait est qu'elle était cOIuposée de phalanges de droite, donl ROllldin Gary faisait partie, el de

(26)

CUlll-15

nlandos communistes et socialistes, ce qui compliquera les choses lorsque les résis-tants voudront tirer un profit politique de leur implication militaire_ Comme le dit Becker

la

siLuaLi("ltl en 19-14 lesLI j-autanL plus cnrnplexellue Jeux forces IpeuvenLI prétendre détenir l"autt"lrité : j"une part la rJsisfance exiJril.'ure représentée par legénéral deGatJle et leGl.."'Utvrnement prot-isQire de la République

jrançaisl!

l...

j, d-autre parl la résistance intérieure représentée par leC,--ms(!il

n<ltictn<l!

dl!

II

RJsisf'lnCI.· et par les m('luvements Je résistance.9

Toujours selon Becker, en se constituant en formation politique, les groupes

directenlent issus de la Résistance espèrent prendre le pouvoir, ce qui, dans les faits, sera un échec.

De tous lcs groupes résistants, c'cst le Parti communistc français

(PCf)

qui connaît en

1945

la plus grande montée de popularité. En fait, (c par rapport au.'C

dernières élections législatives de la

lIle

République, celles de

193h,

le Pclrli communiste [passel de

15,2

%

des suffrages exprimés à

26,12

<Jo ct [devicntfla première force politique française ))11

1

• CeHe progression fulgurante du communisme

pcut, dans unc cerlaine rnesure, être vue comme un retour de balancier dîl à la déception d" un han nombre de Français face aux gouvemenlents qui avaient détenu le pouvoir jusque-là, rancccur qui coûtera cher, pour un temps du moins, ,lUX partis

traditionncls que l"opinion publique tient responsables de I"Occupation.

Chez les partis de droite, et chez les Français aHachés à leurs principes, l",lscension du Parti communiste suscite une forle réticence.

Si

le modèle soviétique est un exemple pour les communistes français, leurs détracteurs y voient unc

entrave il leurs libertés, perception a.limentée par la communauté internttlionale,

I"A.n~letcrrc

cl les États-C'l1is en tête, qui dénonce l"l"'RSS avec vigucur_ Ce discours anli-communisme s·intensiHera avec la déclaration de Churchill, qui affirma le

5

mars

1946

quO un cc rideau de fer » est tombé sur le continent, et par

(27)

1h l"ann(ln~e, le

11

mars

ILJ47,

de ladoctrine Truman visant àclrrêtcr la progression du

~o111111unIS Ille.

L"hésitation d" une partie de la France entre un mode de vic rural et lc

rythrne cffréné des villes!1, la destruction des infrastructures, l"clffrontement plus ou

moins violent des idéologies politiques, sont donc auiant d'éléments qui clccentuent l"irnpression d"cffondrement dcs structurcs sociales, Difficile cllors de rcconstruire le pays ct, plus cncorc, de rêver à un quelconque idéal français" Les membres de la classe politique tentent bien de mettre leurs différends de côté pour en arriver, par exemple, à une constitution, mais le tripartisme, qui s'amorce le

23

janvier

l <.)4n

suite il la signature d'une charte de collaboration, sorte de «( pacte de

non-agres-sion »12entre les socialistes

(SFIO),

le

PCF

ct le

lvlRP,

va faire rcssortir clvec êcbt la fragilité, voirc 1" utopisme des alliclnces : le tripartisme meurt après quinze mois d"une vie plutôt artificiellc. Cet épisode reHète une fois de plus la profondeur des divisions inhérentes à une société françcûse pourtant convaincue de la nécessité de sc rebâtir cll1SSi rapidement que possible" Les nombreu.'"<: scrutins tenus dans la seule année

1<.)46

témoignent dc l"instclbilité ressentie par le monde politique français, instabilité transmise a.u peuple ne serait-cc que par l'impression d"incohérence qui

5"en dégage.

Le début d'une solution poindrcl néclnmoins le

7

avril

1<.)47

à Strasbourg, avec la naissance du Rassemblement populairej~ança;s

(RPF)

du général de l-;aulle. Sept jours plus tard, le général fcliL une Jédcualion qui propose aLL"< Fran-Sais une vision réorganisatrice" Bccker mentionne que «( le lancement du

RPF

rencontra un

très grand succès,. les adhésions se COtllptèrent par centaines

de

milliers venant des horizons politiques et sociau.'C les plus divers, témoignant de l'immense prestige conservé par de Gaulle »u. Le général dc,,;endra une figure dominante dans l'esprit d'intellectuels au passé gauchiste imposant, le plus puissant d'cntre eu.'X étant .A.ndré

(28)

l

l i

:VLllrau."C, mais Llussi de modérés tlll."C idécs non moins précises, comme ROmtlin Gary. Bien sûr, les crises n'ttllaient pas s'arrêter comme par enchantement, mais lenlement la notion d'idéal français allait ressurgir, cc qui allait pennettre à l'iden-tité du peuple de sortir de sa torpeur.

b) \/

crs lIne

mutation

de

/'idcmtité

française

Conllue si la Jésorganisalion sociale et é~olloIniquehérilée Je

Id

G ucrre n'était pas suffisilnte, d'autres éléments font chanceler l'identité nationale. Parmi CLL"C,

tt

l( querelle de

b

laïcité n oppose les partisans de l'école confessionnelle ct CCu.x

de l'école libre ....-\insi, ce ne sont pas uniquement les routes ct les ponts que l'on tente de reconstruire, la valeur du franc que l'on souhaite voir t1ugmenter ct se stabiliser, mais L1ussi l'ensemble ducode moral que l'on veut réformer suite tlu."C horrcurs vécues lors de la Guerre. D'une manière plus globt1le, ce sont les éléments qui composent l'identité des Français qui doivent être nommés, re-nommés,

débat-tus

ct tlcceptés par le plus grand nombre,

Il

semble que l'identité française ait vécu durement l't1ffrontement entre les ;mag;na;res sociaux. D. Borne enlprunte l'expression à l'historien des sociétés (:1 des nlcntalités nlédiévales Georges Duhy , qui a montré cc comment les clercs du

XI"

siècle ont élaboré une image du corps social (les - trois ordres " : cell."( qui pril'nt, ceux qui cornballent, ceu.x qui produisent) el conunent le succès de celle vision Je t1 société a modelé à son tour les pratiques sociales »L~. De ce concept, Borne l'xlrait

trois ima.ginaires principaux qui prennent leur source dans les grands cour.ln ls idéologico-politiqucs de l'après-guerre français: /';maginaire gaulliste. l';mag;na;rc mar.âstect l'imaginaire pacifié. ~nus préciserons, dans le chapitre consacré à

(29)

l·idéo-18

lo~ie sous-je"'lCente tlU (-;rand L'cstia;rc, l'importance de cc phénomène identitaire, nltlis disons pour ('instant que

kIlts ces imaginaires, largement diffusés, parcourent le C<..lrpS social et à leur lnur m<..lJèlenl les pratiques, par adhésion ouaucontraire par rejet de limaginaire propt"lsé. La s<..'Iciété se produit clle-même par le regard de chacun de ses memhres qlÙ emprunte lUle imageJ'cnsemble du corps afin dl.' pouyoir sc penser lui-nlêmc au sein de la société. L'idéologie naît de cet allerel retour entre l'individuel et le collectif.1:;

C'est en constt"'ltant l'tlmpleur des différences de point de vue que l'on peut dire que l'identité française a souffert des déchirements entre les trois grands imaginaires sociate", ne serait-cc qu'à cause de la confusion qui en résulta,

Toutefois, les imaginaires sociaLL"C ont beau se proclamer modernes, l'hésita-tion entre tlncien ct nouveau, dont nous avons déjà parlé, rend les choL"C difficiles10,

Entre

1<145

et

1948,

on ne sait plus comment renforcer la fibre française, lant ct si bien que, pour plusieurs, la seule explication au manque de vigueur du peuple est la présence de plus en plus grande d'étrangers en France. GiraudoLL"C, pour qui le culte de l'entreprise a évincé la famille, affinne que les immigrants éliminent les

Françtlis de souche, discours qui laisse croire que les fanlômes de l'affaire Dreyfus planent encore au-dessus du pays, On le voit, l'extrémisme issu d'un nationalisme farouche fait tlussi ptlrtie intégrante des pensées qui caractérisent la France. :\'ou-hlions pas qu'à ce Inoment, nonlbreLL~ sont ceLL"C qui cherchent à obtenir une trihune politique: cependant, très peu parviennent à la garder. Ce n'est qu'après une lente cristallisation des imaginaires principaux, processus auquel de Gaulle con-tribue grandement, que la France comprend ce qu'elle devient ct, surtout, cc qu'clle veut devenir,

Enfin, un dernier phénomène semble avoir accentué la confusion identitaire des Français, Lorsqu'en

1<147

les ministres communistes sont mis à l"écart du gouverncment, une partie du peuple, qui s'était reconnue dans leur idéal (entendons

(30)

19

leur~ulle de l'ouvrier), déclenche des ~rèves qui s'<lvèrenl être plus que de simples revendications ouvrières. Selon Borne, cela s'explique par le fait que (c le monde

ouvrier, (lppu),é pa.r son histoire, cl. dorénavant une identité constituée qu'il entend

préserver )),-, . ..\.

la

quête d 'iden lilé nationale va donc s'ajouter celle d'une classe, certes partie intégrante de la collectivité, mais dont les objectifs lel concernent d'a.hord comme groupe, ..-\.insi

les conl1ils sOciatL~de47 et 48s'inscrivent d'abord dans un contexte s(JCial Jifficile : inl1ation, diffict.Jtés d'approvisionnement, marché noir, problèmt.."'S de lo~ement, faiblesse des salaires. ~lais ils témoignent aussi de la volonté Je la -classe oU'\TÏère et de ses organisations de maintenir une identité qui n'est pas aussi naturellement reconnue qu'en 1945u~,

De1.ns cette optique, la violence des mouvements sociatL,,{, ccttc volonté d'affirmation exprimée lors des grèves, peuvcnt êtrc comprises comme une résistance de la C(elSSC oU".Tière face à l'cnfennemcnt dans une pauvreté et une impuissance polilique qu'clIc a déjà connues. Il faut cependant dire quc ce phénomènc ne résulte pelS uniquement des crises françaiscs d'alors, cc genre dc revendications et de lcnsions élant le lot de l'ensenlble des sociétés démocratiques, dans la mesure où ces der-nières sont le lieu d'inscription de multiples demandcs reliécs à unc doxa inlpossible à contourner1ll•Or, cette particularité des démocraties al1elit s'intensifier dans la

France d'après-guerre qui parvient mal, dans un contexte difficile, il répondre positivement aux revendications de citoyens s'appuyant sur des principes déIno-cratiques chèrement acquis depuis la Révolution,

Àu vu des données caractérisant ('atmosphère générale qui baignait l'Hexa-gone entre

1945

et

1948,

nous sommes à même de constater avec

J.-1.

Becker qu'il

n'cst pas lrès étonnant dans ces conditions que les effets cumulatifs dOins-titutions peu favorables à Wl exécutif stable ct fort, dcs difficultés

(31)

!

\, partisans et adversaires de b bicHé... , aient d<:'lOnéli la vic de la [V"

Rép-bliquc W1 aspect klunncnté"~ù

..:\.insi, c'est une France quise réorganise mlll, mais qui comnlence à préciser ses conlours, que Garyobserve ,lU mornenl d'écrire

Le

grand L'cstiairC!.

Notes

1. Étclnt donné cet objectif. n(lU~ .tv0n~préféré clppuyer notre propŒ~urun nombre relativementT~treint

d·OUVTcl~~.En fait, apr~avoircon~ulté5amir 5ouJ. prof~~eurau département d'bistoire de l't' niwT!Oité

de Montréal.

il

est apparu queI~ text~de D. Borne et de j.-J. Becber~uffi~aientamplement pour notre ,;urval, celui-ci. ~t-i1 hondele redire. ne \;~.tnt qu 'une pr~ent.ltion ~énér.lle d~ f.tit~.A cc,;dcu~ tcxte~

~'aioutera 5limplement l'article deL. Mouffe dont le!1 pdramètre5 analytiques concernant l'identité du

citoyen pennettront J'éclairer notreprop~.

1. D. Borne. Histoire de la sociétéfran~aise depuis lQ45. p.5.

3. Voici dce~ujet quelque!J-un~d~ Jonné~ mennonné~pdr Jean-Jacques Becberdan~,;on bildn J~

d~truetion~:Moyens de transport(deu.~ tier-l des wa.tons de marchandises. 14500 locomotivC!O ,;ur 17

500.JeLL~ner9 des cart105l. ete) ;Voies de communications(qOOpontta.4900 bilomètreg devoi~.800'0

des quaig portuaires, etc). Voir J.-J. Becker. Histoire politiqued~la France depuis /Q45. p.20.

+.

D. Borne. Histoire de la sociét; française depuis /045. p..ZO. 5. J. -

J.

Becber. Histoirtt politique di! 'a France dttpuis /Q4S.p. 41.

n. J..J. Becker. Ibid. p. 18.

1. Surc~ qu~non5.voirj.~J. Becker. Ibid. p. 14.

8. /.-1. Becber. Ibid. p. 5. 9. J.-J. Becber. Ibid, p,6. 10. J.-I. Becker. rbid. p. 17.

11. En effet. .\ partir de 1920 la populanon urhaine dépasse pour la première fois la population rurale et1e!1

hdnlieu~. /étdntdéveloppé~en périphérie des villes. tran~fonnentun paY!Ja~e iusqu'dl()~ campd~nnrJ.

T oulcfois. le monde rural Ilésite entre un lrdditionn.Ji:Jme Jb.lud etW1modenliilme incertain.:li bien

qu'en 1945. leschoix de la population d~ campa~nesne :lont pdil encoredéfinitif~.Les mutations rapideg qu'entraîne la Seconde Guerre marquent donc profondément la France rurale. habituée .\ de lentes tran~ft!Zuranon9.ce qui ne veut cependant p<Ul dire que les citadins viventtou~cegchan~ement~ :lans problème!J. Voiràce 9ujet D. BorneHistoire de la soc;iti française tkpuis1945,p. L8ss.

1~. Voir J.-J. Aecber.Histoire politique de la Franct/ depuis /Q4S. p, 35. 13. J.-J. Becker. lbid. p. 45.

14. D. Borne, Histoire de la société /ratlçaise depuis 1045. p. 9. 15. D. Borne.lbid. p. 10.

10. V'lir.\ ce :lujet D. Borne. lbid. p. la.

L7. D. Borne, Ibid, p.15.

18. D. Borne. Ibid. p. 25,

1q. Voir .\ ce :lujet C. Mouffe•• LitizeniJhip and Political [dennty., p. 28-41. 20. J.•j. Becker.Histoire politique de la France <:kpuis1945.p.42.

(32)

2

Dans

Le grand vestiaire

vers un art du rOIIlan garyen

Bien qu'il fut nécessaire de nous y aHarder dès lc début,

il

serail illusoirc dc

~roireque

la

luise eu perspe~tivedes faits historiques llldrqUduts de l'après-~uerre français soil suffisante pour nous mener à une analyse des enjeLL"C idéologiques et rhétoriques du Grand r:cstiairc. En fait, une étude de la cOlnposante historique hasée uniquement sur une séquence d'événelnents aurait lôt fait de nous isoler dans une conlpréhension purement référentielle du roman (lcs faits étant rcprésentés de telle ou telle façon dans le récit), oubliant ainsi les procédés d'écriture qui confèrent à ce roman un statut particulier. Ce n'est qu'à la lunlière des traits dominants de

l'organisation du Grand L'csf;a;rl? que les rapprochements avec lc contextc social pourront être faits, non plus uniquenlcnt à titre référentiel, rnais dans une optique d'interaction idéologique entre les deux entités que sont la société frança.ise et le rornan de Gary. Selon cette logique, il convient donc de définir les principaLL"C facteurs structuralL"C qui constituent, en quelque sorte, la charpentc duC-;rand L·cstiaire. Mais avant toute chose, arrêtons-nous un moment à Pour Sganarc//e, cet essai dans lequel Gary a tenté de définir sa conception du rOlnan et de l'écriture.

P01.tr

Sganarelle :

le roman selon

Gary

Posons d'abord que Pour Sganarc//c est probablement l'un des ouvrages les plus contradictoires publiés en France au XX~siècle. Ce long ess,l.i de

476

pages se déploie autour d'une suite d'affirmations plus ou moins appuyées, les concepts qui

(33)

s'y relrouvenl él41nl

~onlrcdits

quelques

pa~es

plus loin.

~.\

force de releclures, il est néùnnloins possible de déduire un cerlain nOlnbre de préceptes à partir desquels un schénla de l'art poétique de Gary peut êlre esquissé. ~ous en présenterons seule-ruent quelques aspects, d' une part parce quO un relevé systématique de toutes les nuances que contient l"essai est irréalisable et, d"autre part, parce que la plupart d'eutre elles u"ouvrent aucune diulensiun suppléluentaire ala conception ~énérclle. ;Ylentionnons enfin qu'étant donné ses nombreuses contradictions, l"extraction des aspects cardinau."C de Pour Sganarcllc exige un décodage forcément p'lrlial. Ce qui suit correspond donc à notre lecture de cet essai, lecture qui, il va sans dire, n"est pas exclusive.

R~chcrchcd'un personnage ct d'un roman.

\!

oilà non seulement le sous-litre

de Pour Sganarclle, olais aussi son objectif qui est, entre autres, l"explication d' une vision idéale du roman et des personnages perçus comme indispensables. 0n est dans un premier tenlps frappé par les origines de cette vision idéale qui sont, non

pas esthétiques, nIais philosophiques. Ces origines témoignent en fait de

b

nécessité de luHer contre une réalité aliénante que Gary désigne sous le nom de Pll;ssancc. Ce dernier a beau associer, après coup, la notion de lutte à la littérature, ~eb ne change rien au fondement de l·essai. \'oici de façon plus précise comnlenl s'cxprime cette idée dès le début de Pour Sganarcl'e :

Je viens de relireGut?rret2f Paix et ma frustration augmente: cette œuv1"t.'

accomplie, vicil)rieuse de la réalité, ne fait que creuser mon désir impérietL'<: de rivaliser, mc.)i aussi avec la Ptùssance, celle du monde authentique. ;

C'est donc une volonté de r;"'a/;ser avec le monde dit authentique, de se frollcr :t lui au rnoyen de

l'art

dans l'espoir d'une victoire, qu"insuHle à

Gary

l"œuvre Je Tolsloï.

~141Ïs

cOlnlllent combaltre celte réalité par l'arl

?

À

cela, Gary répond que cc

lcl

volonté de changer la réalité est [... ] inhérente à

la

nature Inême de l"art )).~....-\ulrc-OIent dit, si la réalité ne convient pas, il faut la modifier, et c'est à l"lrt que revi.ent,

(34)

) 'l

.~..)

~râced sa nature propre, la tâche d'effectuer celte mutation. Si celte mission échoit

,lUcréateur, c"est qu'il est un observateur privilégié qui se rend rapidetnent conlpte

que cc le nlondc extérieur ne peut conunander que la rivalité I)J.

C

cs premières remarques entraînent dès lors la recherche de l'arme la plus efficace pour réussir ceUe mission. ~laintes fois mentionnée dans Pour Sganarcllc, la lneilleure stratégie consiste selon Gary il rétrécir, voire il effacer

la

fronlière qui sépa.re le réel de l'imaginaire4- de manière ilconfondre d'abord le lecteur, m,lis ,"\ussi

la réalité elle-même. Dans celte optique,

la réalité n'est plus là qu'un engrais de l'imaginaire, un fadeur Jélenninant de la ccmtaminati(ln de l'imaginaire par l"existence .. 'luthentique ., dans un hut de vraisemblance, c'est à dire de réalisme. L'n~uvre règne s<...urn<.lisement par son mensonge romanesque aux allures de réalité, elle possède le monde et se possède totalement hors de toute somnission à ce qui l'a inspirée

1... 1:'

Il s'agit là de la pierre angulaire de cet art poétique selon lequell"œuvre, ct plus particulièrement le roman, doit emprunter les apparences du réel pour ainsi alteindre un degré de réalisme plus élevé que celui du réel lui-même,

C'est donc un alliage dc fiction - ou d'imagination, les termes sont en f,lit souvent interchangeables chez Gary - ct de réalité qui compose l'essentiel de l'ccuvre d'art : cc on ne voit [d'ailleursl pas comment le mélange d'imagination el de réalité peul être autre chose qu'une création ) ) 0 . Cela apparaît d'autanl plus vrai que

même la beauté obéit à cette logique en ce qu'cllc nc cc prépare pas une réalité spécifique, mais le changement et le dépassement continus de toute réalité ))';". Enfin, ceUe substitution s'opère uniquement dans et grâce à 1'(1~u'\rre, cc le nlélan~e de réalité el d'imagination ne (pouvantl se réclamer d'aucune aulre authenlicité que celle de l'œuvrc »0. Dès lors, on comprend mieu."C ce ilquoi correspond le réalisme

garycn quise résUllle ainsi:

Le réalisme est une manièreparliculi~rementrusée Je faire passer pour réalité ce qui ne l'est pas, et amener

Isiclle

lecteur à vouloir lme autre

(35)

l

réùlité inilccessible, une autre identité hisk'lrique, qui n'est ni l:ellequ'il

~ùnnclîtni même~cllcdu roman.'.!

Il ressort donc que le rOlnan est un support idéal. voirc supéricur, sur lcqucl sc dévc-loppe une nouvelle réalité ...:\.. partir de ce IlloIIlerlt, «( ce que le rOIllancicr peul fclire

pour une société dans sa rivalité avec la Puissance, c'est seulement ce qu'il peut faire

1

lLl

pour c roman» .

Dans ccltc optique, Gary pose son

Roman total

et sa contre-partie négative, le

Roman tota/;ta;rc.

~on sans être en complète contradiction avec les objectifs émis

jusqu"ici, ce que l"on pourrait qualifier pour le moment de notation paratextuelle'1

ouvre sur une opposition avec laquelle il faudra bien se débrouiller, étant donné l'insistance de Gary sur celle dernière. De tous les éléments définitoires que l'auteur

~reffe à. ces termes, retenons simplement que cc dans un roman total, le personnage ne saurait être fbcé dans aucune situation, dans aucune conception idéologique, concentré dans aucune rigueur déterministc exclusivc [...1»l..~. Inversement, le

roman totalitaire, cc [ •••1cn réduisant la complcxité d'cxistcrà un seul de ses aspccts, fut-il essentiel, en enfermant le lecteur et le roman dans une seule situation [...1»lJ

astreint le personnage à ce que Gary désigne comme une condition totalitaire. Bien que floue, cctte distinction a au nloins le méritc de ramcner sur le plan de l"csthétique romanesque cc qui jusqu'à maintenant, rappelons-le, avait les allures d'un traité de philosophie. Mais quelles conceptions plus spécifiques à. l"acte de création lui-même découlent de ces données? En fait, bien qu'il faille souvent déduire la pcnsée sous-jacente aLL"<: préceptes reliés àcettc idée de roman

lotaVtotalitaire, cerlaines données offrcnt une prisc menant au tendon d"Achille de cette poétique: l'univocité de sens.

Cette notion d'univocité est déduite logiquement d"affirmations multiples.

(36)

25

concevoir une autre réalité. Dans ce même ordre d'idée, l""iary établit une critique de la psychanalyse qu'il conclut cn disant quc

ce qui conlptc, c'est que le sujet y croie là la nouvelle réalitél, qu"il yadhère, qu"il accepte l'explication, qu"il entre dans le mL'ndc lltl tout a l'air de se

sentir, qu'il donne SLln adhésion r...1.1..

La seule véritable épreuve est ainsi relative à la persuasion du lecteur face à l'univers proposé par le roman, épreuve que Gary associe à ce qu'il appelle ['authenticité (et qui n'est pas définie clairement dans l'cssai) de la manière suivante: et

1/

n'existe pas

d'autre critère d'authenticité et de vérité en art que le pouvoir de cont:a;ncre )1:'.

À

celle

volonté avouée de convaincre correspond, à notre avis et en toute logique, l'utilisa-tion d'arguments qui nc laissent aucune équivoque possihle, sans quoi [e lecteur peul ne pas adhérer, cc qui, pour Gary, équivaut à ['échcc du roma.n, En fait, on voit mal commenl persuader quelqu'un à ('aide de formes, d'hypothèses ou d'clrgu-ments vagues el non clairement affirmés,

Or, c'est justement lorsque l'on tente de pousser plus loin celte logique quc les contradictions les plus flagrantes apparaissent. Ainsi, cependant qu'il pose la persuasion en loi romanesque, et qu'il va même jusqu'à dire qu'an cc ne saurait

concevoir de lecteur libre )10, Gary affirme qu'un ronlan total

Ilaissel, en quelque sorte, au lecteur la liberté de chllisir le personnage, l'aspect dominant sous lequel il déciderait d'aborder, de \"oir la situation de l"humanité à son étape historique. Il ne s"agit nullement Je fournir au lecteur un magma, tUt matériau, mais une totalité d'expériences qtÙ

lui

Ilaissella possibilité de décider du sens dominant de l'œuvre l... I.t;

~-\u vu de cette remarque, on conlprend mal, compte tenu de la non-liherté du lecteur prônée auparavant et de la conception selon laquelle le roman total exprime

tout ce que le monde contient (nous y reviendrons), où se situe un roman qui doit à. la fois être efficace du point de vue persuasif et laisser le lecteur libre de choisir le sens dOlninant de l'œuvre. En outre, la confusion vient aussi du rejet par Gary de

(37)

toute lecture critique qui chercherait le sens caché d'un texte. En fail, pour L-;ary l'œuL'rL? OUl:eric est une œUL'rL? qui

dit tout

et rend automatiquement caduques de telles critiquesi~,

Force nous est de constater (et c 'est ce qu'il nous faut retenir de cet exercice) que, une fois toutes ces données contradictoires débroussaillées, la possibilité

d'interprétation laissée clU lecteur est au fond une fausse liberté, du moins dans la perspective

d'un

roman total-ouvert, celui-ci n'offrant aucune prise à la multiplicité de sens. En d'autres termes, Gary affirme et réaffirme d'une part la définition d'un rOlnan idéal dans lequel le personnage ne serait pas fi.~édans une seule identité (le lecteur ayant ainsi le choi"{ de celte identité) ct, d'autre part, la non-liberlé du lecteur, la nécessité de le persuadcr et l'inIpossibilité de lire un scns caché ou autre,

différent

de celui que l'auteur a voulu y Inettre. C'est là à notre avis une contra-diction fondamentale de Pour Sganare/lc.

Bien conscient que celte déduction semble un peu rapide, nous conlptons sur la mise en relief des techniques narratives, descriptives ct dialogales pour en délllontrer le bien-fondé. Que nos lecteurs veuillent donc bien considérer avec nous que l'arl du roman garyen repose sur une sorle de quête d'univocité que viennent mincr de subtiles glissements ct ambi~uïlésdécoulant de la contradiction cardinclle notée ci-dessus. :\ous verrons que cette quête est perceptible à. partir du hesoin de vraisemblance prôné par Gary que nous pouvons associer à la volonté de convaincre

(38)

Stratégies narratives

Ce préambule appelle maintenant une étude plus approfondie des enjeLL~ tcxlucls du C-;rand t·csHa;rc, c·cst-à-dirc des procédés d"écrilure que I·on pcut qualifier de lypiqucs de cc roman.

Il

cst évident que les composantcs n'lrrativc, descriptive et dialogale sont étroitement liées l·une à I·autre, mais il convienl, pour éviter la confusion, d'en traiter séparément afin de parvenir à y relever des cons-t,lntes. C·est pourquoi nous nous attarderons, dans un premier temps, aLL~stratégies Ihlrralivcs mises en place dans

Le

grand t'csHairc en tentant de les saisir par le biais des éléments d'art poétique retenus de Pour Sganarc//c.

a)

,i

propos de.?

l'ordre!

du

récit

Il

convient tout d'abord d'observer comment Luc, le narrateur-héros de l·his-toire qui est raconté~ (et, donc, narrateur auto-diégétique), organise les segments n'lrratifs cn verlu des pouvoirs rattachés à son statul. On sc dcmande ainsi d,llls quel ordre I·histoire une fois découpée, hachurée, estrcco/léc par l·instancc ntur,tlive

qu"est Luc sous la forme d'un récit mettant l·accent sur telle ou telle portion du déroulement initial de l'histoire. Considérant que, dans une large mesure, Ll5truc-lurc du récitclassique cc n·intervertit jamais l"ordrc du récit sa.ns lc dire » .... " . ~"'ul­

zen remarque que cc Gary prolonge résolument l"csthétique naturaliste d" un

.\\tlUptlS-sant et s·avoue ouverlement créateur d·illusions, Dieu tout-puis.\\tlUptlS-sant dans 5{)[1

univers romanesque ».~l). : \ous reviendrons sur la notion de toute-puissance, mais

(39)

rapproche du récit classique. Il renferme néanrTIoins quelques modifications de l·ordre du récit desquelles nous pouvons déduire cerlains enjeLLx.

La prenlière intet"\'Crsion notable est uneanalcps~<?Xtl?Tnc comp/~tit"c qui survient au monlent où Luc entre dans l·apparlemenl de \'anderpuue et qui

dépeint. après coup, la vie de Luc et son père dans une petite maison du \'ézierso Ce retour en arrière place le discours, et ce très tôt dans le récit, sur la frontière lénue entre réalité et fiction, par un anthropomorphisme quiélève les meubles de la maison au rang d·êtres vivants:

Je me souviens, nLltamment, d"un fauteuil très sec et très dr0it, près de la cheminée, dans lequel mon père aimait s "asseClirr()ur sécher ses hottes et

l{ui Illè faisail Wl peu peur;

r

avais luujùurs lOinlpn..>ssiùn l{u·W1 beau jùur

il

allait se lever et quitter la maison, en daquant la porle. ~1on père s·était aperçu de ma frayeur et lorsqu·il avait quelque reproche à me faire, il disait" je vais te donner au fauteuil,

il

va t'emmener Jans la forêt et nn ne te reverra plus .. et mon ennemi, me semhlait-t-il, ch0isissait ce m(lment pour craquer d"tm ton particulièrement sinistre. 1p. 33- 34)..21

Cet anthropomorphisnle auquel s"adonne Luc scmble êtrc le résultat d·une conven-lion entre son père et lui, si bien que le monde magique qui l·entoure est fortement inspiré de l·attitude d'un autre personnage. Dès lors, l·analepse ainsi déployée joue un rôle capital, soit celui de définir la nature du rapport entre la fiction et

b

réalité, rapporl, nous l'avons vu dans notre survol de Pour Sganarcllc, essentiellement basé sur une pennéabilité quasi complète.

A.

parlir de

~e

passage, le narrateur peul

nlettre en scène des situations qui, sans être analeptiques, n ·en font pas nloins appel à

1,1

même convention et, par conséquent, se trouvent d'avance justifiées par celle analepse typique. C·est le cas au monlent où \'anderpuue déambule dans la rue après avoir fait l'acquisition d' un vieu.x veston ayant apparlenu à un certain Gestard-Feluche :

(40)

Je fis quelques pas, puis me reh'urnai : le\'ietLX trottait rapidement en caressant la manche

Je

(iestard-Feluche, je suis certain qu'il lui parlait.

Ip.153)

En nous appuyant. pour définir la nature de ce passage analeptique, sur la constatalion de D. Rosse selon laquelle Le grand L'cs6airc se structure à parlir d'un systèlne d..,,<:iologique reposant, entre autres, sur l'opposition entre le monde des enfants, ù-"Ciologisé positivement, et celui des adultes, cl..'"<iologisé négativcment~, il apparaît que l'analepse-type du Grand t'cs6aire, en remontant il ('cntlnce du héros, présente un monde féérique rempli des promesses de l'imagination vive, ce qui conlraste avec l'avenir incertain qui attend le narrateur à l'âge adulte. :\ous rejoignons encore une fois l'un des aspects fondamentau.x de Pour Sganarelle, il savoir la nécessité d'entrer en guerre contre un monde extérieur qui appelle la

rivalité, e'est dans la logique de cet affrontement que l'analepse axiologisée positive-ment, l'ana/epse euphorique, sert de pivol stratégique autour duquels'arliculeront les structures du l'"';rand r:estiaire.

Les anachronies garyennes ne fonctionnent cependant pas toutes de façon aussi simple. Il s'en trouve quelques fonnes plus complexes, ~omme cette prolepse qui conclut un dialogue en style indirect impliquant Luc et Sacha Darlington :

Enfin, me confia-t-il plus tard, il avait gardé le souvenir d'un taudis du East End et d'tm sergent-majl1r des Royal Fusilliers en train de rouer de coups une femme nue. ~lais enfin, rien ne prouvait que ce

fût

son père, c'était peut-être un clienL (p. 107)

Ici, le narrateur mentionne par avance des paroles qui seront prononcées plus tard, paroles qu'il ne répétera pas dans le récit, ce qui parle à croire qu'ils'agit d'une prolepse interne complétive, anticipation qui vient compenser une ellipse ou une paralipse ultérieurc.23. D'aucuns pourraient cependant objecter que c'est un soLtL'cnir de Sacha que Luc rapporte dans cet extrait et qu'il serait plus juste, le narrateur choisissant d'imbriquer celte analcpse dans la prolepse englobante, de parler

Figure

Table des m.atières

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