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ARTheque - STEF - ENS Cachan | La philosophie silencieuse dans la formation des enseignants

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Academic year: 2021

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LA PHILOSOPHIE SILENCIEUSE DANS LA fORMATION DES ENSEIGNANTS

B. VUILLEUMIER Laboratoire de Didactique et d 'Epistémologique des Sciences Université de Genève MOTS CLEFS: RESUME:

SCIENCE - PHILOSOPHIE - CONNIVENCES TACITES.

La philosophie des sciences et l'épistémologie ne figurent pas au programme de la formation des enseignants en sciences.

Cette formation est-elle donc dépourvue de composantes philoso-phiques ?Nous avons cherché à répondre à cette question et notre investigation nous a permis de dégager une philosophie implicite de l'éducation scientifique.

Nous caractérisons quelques traits de cette «philosophie silencieuse» qui modèle profondément le savoir dispensé aux futurs enseignants.

(Travail réalisé avec l'appui du Fonds National Suisse de !a Recherche Scientifique. Crédit 1 540082,00).

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1. INTRODUCTION.

Le~étudiants Qui se desti nentâl'en~eignement de~sciences acquièrent leur for mation scientifique il l'Université. Cette formation, qui ne se distingue donc en rien de celle des licenciés ou des diplômés des facultés des sciences, est ensuite complétée par une formation pédagogique. Maisilaucun moment de sa formation, le futur enseignant n'est appeléil rétléchir sur l'origine, la valeur et la portée des sciences Qu'il étudie En d'autres termes la philosophie des sciences, et plus particulièrement l'épistémologie, sont absentes des plans d'études des facultés des sciences. La formation des scientifiques et des futurs enseignancs est-elle donc totalement dépourvuedecomposantes philosophiques?

Nous avons cherchéil répondreilcette question en recensent quelques thèmes prégnants de cette formation et en exami nant leurs relations avec la philosophie. Notre investigation nou~; a permisdedégager une philosophie implicite de l'éducation scientifique. Nous en spécifions quelques traits qui modèlent profondément le savoir dispensé aux futurs enseignants.

2. LES GRANDS PARADIGMES DE LA CULTURE SCIENTIFIQUE.

Lesconnaissanc:e~; scientifiques dispensées au COIJrs de la füt'mation des enseignants sont généralement séparées du contexte historique, des composantes sociales, économiques et psyctlologiques qui ont accompagné leur naissance. Les acquis du passé sont épurés et remaniés avant d'être sanctionnés par la science actuelle qui constitue la référence et garantit la valeur et l'objectivité des théories enseignées. Les perspectives historiques, lorsqu'elles sontutilisée~, servent davantage ilillustrer l'enchâssement rationnel des théories qu'à mettre en évidence la part de fortuit ou le'> speculations métaphysiques qui peuvent avoi r présidéilleur émergence. Les .pproches quantitatives sont omniprésentes et les succès prédictifs des théories fortement sOlJlignés

Par conséquent, les am:iennes théories ainsi que les~spe(t~;sut'jectifs et qualitatifs du savoir sont souvent ignorés ou masqués par une foi inébranlable en la supériorité de la science actuelle.

CertaHIS auteur~; ont Men dlerché il relati'v'iser ce:, as pee\:; de l~ culture scientifique en préconi?oant des approches originales:

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"Pourquoi ne préparerions- nous pas l'entrée de chaque hypothèse dans l'enseignement par "un exposé sommaire, mais fidèle, des vicissitudes qui ont précédé son entrée dans la "Sciençe ? la méthode légitime, sûre, féconde, pour préparer un esprit il recevoir une 'llypothèse physique, c'est la méthode historique."(1)

"Seule une référence const.ante au psychologisme peut donner une mesure de l'effic~itéde 'la pen3ée scientifique et établir cette penséeOMISun non- psyct,ologisme assuré."(2)

"Il n'y a pas d'idée, si ancienne et absurde soit-elle, qui ne soit capable de faire progresser "t,otre c('nnal,:sance Toute 1'hhtolre de la pensée s'intègre dans la SCleflce et sertil "dfnéliorer chaque théol'ie particulière. Les interventions politlque.s ne sont pa:, non plu.sil "t-e,ieter On pelJt en aVOlr besoirl pour vainct-e le chauvinisme de 18 science qui résisteil "tout changement du statu quo."(3)

MaiS la formation des enseignants est demeurée fidèle aux grands thèrne~' de la cultlJre scientifique et étrangement avare de considérations historiques,~'sychologique; ou politiques Elle n'a pas davantage intégré lescritique~ d'auteur~ comme Poi ncerf qUI, dès la fi n du siècle p'lssé.(1ntsouli~néavec pertinence le,: li mites des méthodes quentitativ(':

COr;,[fjCllt expliquer que l'édlJCation scientIfique soit restée sourdeljces aspec!3?

Les l'oisons k plus souvent invoquées par les formet.eurs S(lntie frIenque de temps et les difficuités t-édhjbltoires

a

tralter de tels SUjets Nous pensons pour rlotre pert que si css deux f'lisons P"'UvHlt constituer un otdacle ill'lntroduC:l0n de nouveaux Hit.mes, el1es ne salJraient Jûshfier leur exclusion, m expliquer la prééminence des thèmes actuels Nous sommes enclins

a

croi re Qu'ur, r.ourant de pensée 8 pré3idé ~ ces choix et nou,' allons tâcher de lec~r8rtériser 30mm&;reinent avant d'examiner les relations ll'Jl1 entretien' ôVec l';:nege '-'" 10 science ,·i-ttic:ulée nar l'éduca!ionKientifique

1) P.DUHEM, L,; fl1l~'l".r~ p'~{I~·.i:'iUJ! .~~'n~)~)J~f~.f ~-.J;,-tr-r.'C!til"tt.Pdri$ 1906

2) G BACHELARD, L..r.;f!',;.'u1i,,-m.o JPp!!~'u,f Pd'-;' 1949

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3. UN CERTAIN COURANT DE PENSEE.

Au début du XVIIe siècle, Francis Bacon se propose de restaurer les sciences. Il préconise de parti r des faits et d'utiliser1'induction pOIJr attei ndreàla connaissance. Newton, en donnant àla philosopie naturelle l'outil mathématique qui faisait encore défaut chez Bacon, promulgue les méthodes quantitatives au premier plan. Le succès de sa théorie., qu'il présente comme une philosophie expérimentale, renforcera comidérablement et durablement les convictions empi ristes chez les savants:

"Je n'ai pu encore parvernr àdéduIre des phénomènes le raison de ces propriéth de le "gravité, et je n'imagine point d'hypothèse Car tout ce Qui ne se déduit point des "Phénomènes est une Hypothèse: et les Hypothèses, soit métaphysiques, soit phy~;iques, "soit mécaniques, soit celles des Qualités occultes ne doivent pas être reçues dans la "philosophie expérimentale. Dans cette philosophie, on tire les propositions des "phénomènes et on les rend ensuite générales par induction." (1 )

Au;~I~siècle, Auguste Comte donne une forme extrêmeàcelte conception de la science. Il s'agit pour lui de substituer eux conceptions subjectives de l'âge théologique et métar,hysique des conceptions purement objectives pour accéderàl'âge positif :

"Tous les bons esprits reconnaissent aUJourd'hui que les études réelles sont stt'ic!ement "ci rconscritesàl'anal yse des phénomènes r,our découvri r leut'sl ob effectives." (2) Comte cantonne la connaissance scientifique dans l'énoncé de lois et de rapports et. s'opposeàtoute théorie concernant la struct'Jre des choses. Le positivisme comtien assigne donc des li mitesà la connaissance scientifique t1ais les positivistes logiq ues entendront bien investi r tous les domai nes de la connaissance comme le prkise Otto Neurath, un des membres du Cercle de Vienne'

(1) 1.NEWTON,f'ni1o'fp>.',.m.Jt!l,Ù11.1tlqf.j~"'-if>.' /.1 pMi<',.-vpM..f1.Jti.Jr>.'!!~, trad.d~ l'lm~du Chôt~l~t.Paris 1756.

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"Le Cercle de Vienne L.Jentend créer une ambiance Qui soit affranchie de la métaphysique, "aux fins de promouvoir les études scientifiques en tous les domaines, en faisant appelil ']'analyse logique

L..I

Tous les représentants du Cercle de Vienne sont convenus Que la "philosophie n'existe pas en tant Que disci pli ne parallèlement à la science, avec des "propositions Qui les sont propres. Le corpus des pt'opositions scientifiques épuise la "totalité de tous les énoncés dotés designification

LI

113 [les membres] souhaitent "élaborer une science Qui soit affranchie de toute vision du monde." (1)

4. LA PHILOSOPHIE SILENCIEUSE.

Si l'on rapproche les paradigmes de la culture scientifique précédemment dégagés du courant de pensée que nous venons d'esquisser et qui va de Bacon aux positivistes logiques, on ne peut être que frappé par l'adéquation de ceux-là à celui -ci. En effet:

-la prédomi nance et la valorisation des faib objectih font écho aux philosophies expéri mentales et inductives de Bacon et de Ne'v.'ton .

-1 'idée d'une supériorité des nouvelles théories sur les anciennes et l'absence de préoccupations histonques traduisent la loi des trois états d'Auguste Comte La science.. il l'instar du positivisme, ne se soude pas de 1'6ge métaphysique et encore moins de 1'6ge théologique et instaure une hiérarchie entre les différents secteurs de la connaissance.

-l'importance mineure accordée aux aspects subjectifs ou philosophiques répond aux recommandations du Cercle de Vienne.

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-]'lItcent porté sur le cDrllttère qUllntitatif et prédictif de la science illustre une conception déterministe, actuellementdomi nante, qui remonteilNewton et prend pour modèle la mécanique céleste.

Curieusement, certai nes critiques autorisées adresséesilce courantdepensée sont passées sous silence, aussi bien par la culture Que par j'éducation scientifiques. Relevons-en quelques- unes: -le processus de formation des théories généralement présenté comme un modèledf'la croissance

objective s'est révélé être, au travers d'études historiques fouillées, un écheveau hétéroclite de croyances religieuses, deprésuppositions métaphysiques et d'analogies inattendues.

-les systèmes abandonnés depuis longtemps comme la physique aristotélicienne, la cosmologie ptolémaïque, la théorie du phlogistique et du calorique, n'ont souvent pas moins de rigueur déductive et d'harmonie Que les théories QIJi les ont remplacés.

-l'activité intellectuelle des tlommes de toute une époque a pu être fécondée ou li mitée par leur adhésionildevastes principes inacessibles 8 toute vérification et 8toute réfutation.

-les modèles prédictifs et Quantitatifs, pierre angulaire du credo scientifique déterministe, sont impuissants il rendre compte de nombreux phénomènes généralement présentés comme prévisi bles.

Ainsi donc, d'une manière générale l'éducation scientifique privilégie certains thèmes et omet ou camoufle les critiques dont .ils sont l'objet. Ce faisant, elle donne de la science une image caricaturale et outrancièrement rationalisée, notamment en ce Qui concerne le contexte de découverte.

S'il n'est évidemment pas possibleilcette éducation d'intégrer tous les résultats de la recherche et s'il est normal qu'elle effectue certains choix, il serait souhaitable qu'eHe ne se conforme pas uniquement aux impératifs d'unephilosophie de t!lpe positiviste et Qu'elle prhente aux futurs enseignants d'autres courants de pensée par le biais de l'histoi re ou de la philosophie des sciences psr exemple.

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