CULTURE SCIENTIFIQUE ET CROYANCES
AFRICAINES : DE LA PEDAGOGIE DE LA
SUPERPOSITION A LA PEDAGOGIE DE
L'INTEGRATION
Mamadou SARR
V.F.de Didactique des Disciplines V niversité Paris 7
SVMMARY : The acquisition of scientific knowledge by an African schoolboy does not necessarily imply the questionning of his previous traditional beliefs. Could not a scientific teaching relying on cultural facts and practices contribute inavoi,~ingthe two types of knowledge to be superposed and favour their integration ?
1. INTRODUCTION
Le savoir scientifique dispensé àl'école et les croyances africaines sont deux types de connaissances que l'élève africain s'approprie, sans nécessairement les confronter ou rechercher les liens possibles. TI s'établit une sorte de superposition de ces deux savoirs qui peuvent être ou sembler contradictoires. Si bien qu'un ensemble de questions se posent. L'enseignant scientifique africain ne pourrait-il, dans ce cas, interroger ces faits et pratiques culturelles et bâtir son enseignementà partir d'eux?
La démarche qui s'inspire de ces pratiques familièresàl'élève, pennettrait-elle d'éviter que ce dernier superpose les deux types de savoir ?
Dans quelles conditions peut s'exercer une bonne interrogation de ces savoirs?
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2. QUELQUES EXEMPLES D'ILLUSTRATION
Trois cas nous aideront à dégager quelques pistes de réflexions concernantlaprise en compte des faits et pratiques culturelles dans l'enseignement scientifique en Afrique.
.maladies mais pour conftrmer un pouvoir occulte (le sorcier invisible). En effet, des élèves de sixième (12-14 ans) surtout, continuent de nier l'existence des microbes. Et quand bien même ils en découvrent au microscope (qui n'est pas toujours disponible), ils restent sceptiques sur leurs rôles dans les maladies. Un élève est allé jusqu'à avancer que le sorcier est capable de se transfonner en microbe pour attaquer sa victime. Nous sommes ici en présence d'un exemple d'obstacle de type animiste décrit par Bachelard dans "la Fonnation de l'esprit scientifique"(p 148).
Des activités pédagogiques adéquates (expérimentation, exploitation de textes) qui s'appuient sur cet obstacle, peuvent aider à faire évoluer les conceptions des élèves.
Mais une action éducative en aval sur les parents peut améliorer les résultats scolaires. Par exemple dans certaines localités du Sénégal les maladies de fin de saison des pluies sont encore considérées comme le tribut à payer pour les récoltes.
Orces maladies peuvent très bien s'expliquer, du moins en partie, par les eauxderuissellement et d'inftltration transportant toutes sortes de matériaux dont les pesticides et les microbes. D'où l'intérêt, aussi bien pour les parents que les élèves à connaître le cycle de l'eau qui ne serait plus seulement un résumé d'étatsdela matière mais un support pour comprendre des faits qui touchent à la santé des populations.
Pourraient aussi être exploitées à des fins pédagogiques, des pratiques culturelles comme les "bois sacrés" et la chasse rituelle ou "misse" des sérères du Sénégal..
Les "bois sacrés" sont les demeures inviolables des totems. C'est une façon, localisée certes, mais réelle de protéger les zones boisées. Ceci pourrait inspirer la création de jardins scolaires ou de périmètres de reboisement pour lesquels les élèves édicteraient des règles de conduite. Leur violation ferait l'objet de "sanctions" : par exemple, augmentation du temps à donner pour l'entretien des jardins. Ils seraient des supports pédagogiques mais aussi aideraient à financer l'équipement des écoles par la vente des produits de jardinage.
Quantàla chasse rituelle ou "misse", elle est organisée par chaque villageàl'approche de la saison des pluies. TI est interdit de revenir bredouille quitteàapporter des fruits (mangues, acajou). Au-delà de son caractère mythique, cette chasse présente des aspects écologiques et économiques certains. Elle permet de réguler les populations de petits rongeurs et protéger les futures récoltes. Un jeu de rôles qui met en présence "un écologue", "un forestier", "un gardien de la tradition", permettrait aux élèves de confronter les arguments des uns et des autres, de mieux comprendre le sens des pratiques culturelles et probablement favoriser la formation de leur esprit critique.
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3. CONCLUSION
Ces trois cas nous amènentà penser qu'une "pédagogie de conjugaison" aiderait à l'intégration par les élèves des faits culturels et du savoir scientifique. Mais encore faudrait-il que cette pédagogie s'ouvre au milieu extrascolaire, notamment par l'éducation directe ou indirecte (par le biais des élèves) des populations.
4. BIBLIOGRAPHIE
BACHELARD (G.), 1986. - La formation de l'esprit scientifique. Contributionàune psychanalyse de la connaissance objective. Ed. Vrin (l3ème édition), Paris, 256 p.