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Le rôle de l'hétérosexisme sur la construction identitaire de la maternité chez les mères sociales lesbiennes ayant réalisé un projet de vie familial

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Academic year: 2021

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© Mylène Péloquin, 2020

Le rôle de l'hétérosexisme sur la construction identitaire

de la maternité chez les mères sociales lesbiennes

ayant réalisé un projet de vie familial

Mémoire

Mylène Péloquin

Maîtrise en service social - avec mémoire

Maître en service social (M. Serv. soc.)

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Le rôle de l'hétérosexisme sur la construction identitaire

de la maternité chez les mères sociales lesbiennes

ayant réalisé un projet de vie familial

Mémoire

Mylène Péloquin

Sous la direction de :

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iii

R

ÉSUMÉ

L'image de la famille occidentale d'aujourd'hui s'est grandement diversifiée avec l'apparition de nouvelles structures familiales. Parmi ces nouveaux modèles familiaux, l'homoparentalité se distingue par la présence de deux parents de même sexe. Malgré les nouvelles règles en matière de filiation du projet de loi n°84 qui octroient qui octroie les mêmes droits et les mêmes responsabilités aux couples de même sexe que les couples hétérosexuels, les familles homoparentales sont encore sujettes à la controverse puisqu'elles dérogent de la signification culturelle et traditionnelle de la famille occidentale.

À partir du témoignage de huit mères sociales1 lesbiennes, cette recherche qualitative explore le rôle de l'hétérosexisme dans la construction identitaire du rôle maternel chez la mère sociale. Les résultats de cette recherche exposent les différents impacts de l'hétérosexisme sur l'expérience de la maternité sur les répondantes. Brièvement, la maternité pour ces femmes est une source significative de valorisation. La confiance en soi ou le réseau de soutien entourant ces femmes constitue également des facteurs clés. En revanche, la figure familiale père/mère qui perdure dans la société laisse peu de place pour le parent n'ayant pas porté l'enfant. Il peut être difficile pour ces femmes de se bâtir en tant que mère considérant l’absence de diversité dans la représentation de la famille. Les entretiens relèvent également l’absence d’instances susceptibles de répondre aux questions spécifiques des mères sociales. À différents degrés, il ressort du discours des participantes qu’un milieu inadapté aux réalités des familles homoparentales peut les amener à éprouver un certain sentiment d’illégitimité. Ces constats démontrent que des améliorations sont encore nécessaires par rapport à la place que l’on accorde à la mère sociale dans la société.

1 D’un point de vue pratique dans l’écriture de ce mémoire et pour la conduite des entretiens, le terme mère sociale est utilisé pour faire référence à la mère n’ayant pas porté l’enfant.

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iv

T

ABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii

TABLE DES MATIÈRES ... iv

LISTE DES TABLEAUX ... vi

REMERCIEMENTS ... vii INTRODUCTION ... 1 CHAPITRE 1–PROBLÉMATIQUE ... 4 1.1OBJET D'ÉTUDE ... 4 1.2PERTINENCE SOCIALE ... 4 1.3PERTINENCE SCIENTIFIQUE... 6 1.4PERTINENCE DISCIPLINAIRE ... 6 1.5DÉMARCHE DOCUMENTAIRE ... 7

1.6RECENSION DES ÉCRITS ... 7

1.6.1ENJEUX ASSOCIÉS À LA MATERNITÉ ... 7

1.6.2CONSÉQUENCES DE L'HÉTÉRONORMATIVITÉ SUR LE PLAN FAMILIAL ... 8

1.6.3CONSÉQUENCES DE L'HÉTÉROSEXISME SUR LE PLAN SOCIAL ... 9

1.6.4STRATÉGIES UTILISÉES PAR LES MÈRES ... 10

1.7LIMITES MÉTHODOLOGIQUES DES RECHERCHES ACTUELLES ... 12

CHAPITRE 2–CADRE THÉORIQUE ... 14

2.1MODÈLE DE CONSTRUCTION IDENTITAIRE ... 14

2.1.1DÉVELOPPEMENT DU MODÈLE ... 14

2.2DÉFINITIONS DES CONCEPTS CLÉS ... 18

2.3PROPOSITION DE RECHERCHE ... 19 CHAPITRE 3–MÉTHODOLOGIE ... 20 3.1PARADIGME ÉPISTÉMOLOGIQUE ... 20 3.2TYPE DE RECHERCHE ... 21 3.3APPROCHE PRIVILÉGIÉE ... 21 3.4POPULATION À L'ÉTUDE ... 21

3.5ÉCHANTILLONNAGE ET MÉTHODE D'ÉCHANTILLONNAGE ... 23

3.6COLLECTE DES DONNÉES ... 23

3.7MÉTHODE D'ANALYSE ... 23

3.8CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES ... 24

CHAPITRE 4–PRÉSENTATION DES RÉSULTATS ... 25

4.1PROFIL DES RÉPONDANTES ... 25

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v

4.2.1HOMOSEXUALITÉ ET DÉSIR D’ÊTRE MÈRE ... 28

4.2.2PROCESSUS RÉFLEXIF ... 29

4.2.3GROSSESSE ET PREMIERS MOIS DE L’ENFANT ... 33

4.2.4ABSENCE DE LIEN BIOLOGIQUE ET LA NOTION DE DIFFÉRENCE ... 35

4.3RECONNAISSANCE SOCIALE ... 37

4.3.1RÉACTION DE L’ENTOURAGE ... 37

4.3.2ÉTAPE ENTOURANT LA CONCEPTION DE L’ENFANT ... 39

4.3.3ASPECT ADMINISTRATIF/LÉGISLATIF ET APPELLATION ... 42

4.3.4RAPPORTS AVEC LES STRUCTURES SOCIALES ... 45

4.3.5SITUATIONS DE PRÉJUDICES ... 49

4.3.6APPRÉHENSIONS ET STRATÉGIES POUR SURMONTER LES DIFFICULTÉS ... 51

4.4CONSONANCE EXISTENTIELLE ... 55

4.4.1FONCTIONNEMENT ET RÉALITÉ DE L’ENFANT ... 55

4.4.2AVANTAGES/ DÉSAVANTAGES DE LA STRUCTURE FAMILIALE ... 60

4.4.3ATTITUDE VIS-À-VIS LES PRÉJUGÉS ... 65

4.4.4 ACCESSIBILITÉ ET AMÉLIORATIONS À IMPLANTER ... 66

4.4.5OUVERTURE ET INCLUSION ... 69

CHAPITRE 5–SYNTHÈSE ET DISCUSSION ... 72

5.1POSITIONNEMENT IDENTITAIRE SELON LE MODÈLE DE BAJOIT ... 72

5.1.1ACCOMPLISSEMENT PERSONNEL ... 72

5.1.2RECONNAISSANCE SOCIALE ... 74

5.1.3CONSONANCE EXISTENTIELLE ... 77

5.1.4LE TRAVAIL DU SUJET SELON BAJOIT ... 80

5.2LIMITES DE LA RECHERCHE ... 83

5.3PISTES POUR LA RECHERCHE ... 84

5.4PISTES POUR L’INTERVENTION ... 84

CONCLUSION ... 86

BIBLIOGRAPHIE ... 87

ANNEXE1:QUESTIONNAIRE DÉMOGRAPHIQUE ... 93

ANNEXE2:GUIDE D'ENTREVUE ... 102

ANNEXE3:AFFICHE DE RECRUTEMENT AUPRÈS D'ORGANISMES ET DES RÉSEAU SOCIAUX ... 104

ANNEXE4: ANNONCE DE RECRUTEMENT ENVOYÉE PAR LE COURRIEL DE L'UNIVERSITÉ LAVAL ... 105

ANNEXE5:FORMULAIRE DE CONSENTEMENT ... 106

(6)

vi

L

ISTE DES

T

ABLEAUX

TABLEAU 1 :SCHÉMA EXPLICATIF ………..……….……..………...…17

TABLEAU 2 :DONNÉES SOCIODÉMOGRAPHIQUES DES RÉPONDANTES ………..………... 25

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vii

R

EMERCIEMENTS

Enduré mon rythme

Je tiens d’abord à remercier les huit participantes qui ont volontairement partagé leur vécu et sans qui il m’aurait été impossible de réaliser ce projet de recherche. Grâce au temps et à la confiance qu’elles m’ont accordés, j’espère avoir été en mesure d’offrir une voix, aussi fidèlement que possible, à ces femmes. Il s’agit d’un privilège d’avoir échangé avec elles sur un thème qui me tient à cœur.

Je souhaite également remercier ma famille, ma conjointe et mes amis qui m’ont encouragée à poursuivre, et ce, malgré les obstacles. Plus personnellement, à la détermination de ma mère et celle de Josiane qui me questionnait sans cesse sur l’avancement de la rédaction de mon mémoire. Sans votre ténacité, j’en serais encore probablement à la transcription des verbatim. Merci de n’avoir jamais cessé de croire en moi et de n’avoir jamais douté de ma capacité à réaliser ce projet.

Je tiens aussi à remercier Sophie d'avoir pris de son temps pour la correction finale de ma rédaction, et ce, malgré ses engagements personnels et professionnels.

Pour terminer, je remercie ma directrice, Claudine Parent, qui a été pour moi une source inestimable de motivation. Chacune de nos rencontres m’a permis de me « remettre sur les rails » et de persévérer davantage. Ta disponibilité, tes judicieux conseils, ta compréhension et surtout ta patience m’auront permis de mener à terme ce projet.

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1

I

NTRODUCTION

Les dernières décennies ont connu une période de transformations majeures avec l'apparition de nouvelles structures familiales. Largement attribuables au déclin de la nuptialité et à l'augmentation des divorces, le visage de la famille s'est amplement diversifié (Quéniart & Poissant, 1997). Parmi ces nouveaux modèles familiaux, l'homoparentalité se distingue par la présence de deux parents de même sexe, allant par le fait même, à l'encontre de la représentation traditionnelle de la famille composée d'un seul père et d'une seule mère possédant nécessairement des liens biologiques avec l'enfant (Leblond de Brumath & Julien, 2007). Par conséquent, le virage vers une pluralité de configurations familiales « nous force à revoir et à repenser les rôles parentaux » (Côté, 2009, p.25). Au fil du temps, le Québec établit en 2002 de nouvelles règles en matière de filiation avec le projet de loi n°842, permettant dorénavant à deux parents de même sexe de voir leurs noms sur l'Acte de naissance d'un enfant dans le cadre d'un projet parental (Assemblée nationale du Québec, 2002). Il s'agit d'une réforme de taille dans la reconnaissance de l'homoparentalité, ébranlant par le fait même, les conceptions hétéronormatives existantes (Coté & Lavoie, 2018). L'augmentation du nombre de familles homoparentales (gay baby boom) est également attribuable à l'avancement des technologies en matière de procréation assistée et à l'ouverture à l'adoption au Québec (Alby, 2018 ; Imaz, 2017 ; Ministère de la Famille, 2016). Avec ces nouvelles configurations familiales, les parents n'ont pas forcément de liens biologiques avec l'enfant (Cadoret, 2007).

Malgré toutes ces avancées, certaines perceptions erronées persistent au sujet de l'homoparentalité (Greenbaum, 2015a). Ces conceptions restent profondément ancrées au sein de la culture québécoise, et ce, malgré l'adoption d'une Politique de lutte à l'homophobie (2009) ainsi que de la mise en œuvre d'un Plan d'action gouvernemental de lutte contre l'homophobie et la transphobie. Par conséquent, la « discrimination à laquelle [ces familles] peuvent se heurter contribuerait à rendre complexe leur formation et leur fonctionnement » (Ministère de la Famille, 2015, p.5). Ces attitudes engendrent une multitude de conséquences, notamment un fort sentiment d'inadéquation chez les familles qui y sont confrontées sur une base quotidienne (Brown & Perlesz, 2008, Crespi, 2008,

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2

Hayman, Wilkes, Halcomb & Jackson, 2013 ; Hunter, 2015). Ce sentiment d'inadéquation serait particulièrement présent chez les parents n'ayant pas de lien biologique avec l'enfant (co-parent ou parent social). Cela est d'autant plus le cas chez les couples lesbiens, puisque les co-mères défient le modèle hétéronormé de la maternité qui est fondé sur la reproduction biologique (Gross, 2008). Il existe également un écart important chez les futures mères qui entreprennent un projet familial puisqu'elles ont à priori toutes les deux la capacité de porter l'enfant bien qu’une seule mènera le projet à terme. Par conséquent, Glazer (2001) explique que la pression sociale accordée à la capacité de procréer chez la femme joue un rôle significatif sur le niveau d'estime de soi et peut s'avérer particulièrement ardue pour les femmes qui ne vivent pas de grossesse. Parallèlement, l'homosexualité étant encore un sujet délicat, les perceptions sociales sur l'homoparentalité auront indubitablement une influence sur la façon dont ces femmes se perçoivent. Les mères n'ayant pas de lien biologique sont donc à risque d'une double stigmatisation (Crespi, 2009). Dans son ouvrage, Cadoret (2007) explique que dans certaines cultures le lien biologique n'est pas suffisant pour établir un lien de parenté. Ceci montre que l'importance accordée au lien biologique dans la culture occidentale découle en grande partie d'un construit social. Ce constat milite en faveur d’une meilleure compréhension de la réalité vécue par les mères sociales dans les foyers féminins.

La présente recherche vise à mieux comprendre le rôle de l'hétérosexisme dans la construction identitaire du rôle maternel chez la mère sociale. Ce projet se limite à l'expérience de la femme dans un couple lesbien puisqu'elles vivent des opportunités et surmontent des obstacles distincts à la parentalité (ex. avoir accès aux techniques de procréation assistée) auxquels les hommes n'ont pas accès (Vyncke et al, 2008). Autrement dit, il est pertinent de questionner ces femmes à savoir comment elles se perçoivent en tant que mères dans la société québécoise. Ainsi, la question examinée cherche à comprendre : quelle est l'influence de l'hétérosexisme sur la construction identitaire du rôle maternel de la mère sociale dans un couple lesbien? De plus, une attention particulière sera accordée aux stratégies qu'elles mettent en place pour favoriser la construction de leur identité maternelle.

Ce projet de mémoire s'inscrit dans le paradigme épistémologique constructiviste puisque l'homoparentalité remet en question certains éléments de la structure traditionnelle de la famille, soit la notion de lien biologique ainsi que la dyade homme et femme. Conséquemment, en raison de

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récentes transformations sociales et l'ouverture à diverses configurations familiales, plusieurs individus ne se reconnaissent plus nécessairement dans la structure de la famille nucléaire. Dans son article, Cadoret (2007) mentionne que la récente visibilité de ces configurations familiales remet en question la représentation populaire voulant que la parenté occidentale soit attribuée uniquement aux facteurs biologiques. Ainsi, la vision constructiviste illustre que certains dogmes tenus pour acquis sont en réalité des construits sociaux (Mayer & Ouellet, 2000). C'est en étudiant ces fondements du point de vue des acteurs concernés qu'il sera possible de mettre en lumière les transformations dans les représentations du rôle parental.Ultimement, il ne s'agit pas de renier la biologie, mais de reconnaître la contribution des autres facteurs, voire plus inclusifs, tels que l'éducation ou la transmission d'un statut visant à assurer le bien-être de l'enfant (Cadoret, 2007). C'est en étudiant davantage l'homoparentalité, tout en contestant certains fondements et tabous qu'il deviendra de moins en moins nécessaire de lutter pour faire valoir les droits des personnes appartenant à cette minorité sexuelle. Par conséquent, la déconstruction de l'hétérosexisme chez les familles lesboparentales ne peut se faire autrement qu'en offrant une voix à ces femmes.

Ce mémoire est divisé en cinq chapitres distincts. Dans le premier chapitre, sur la problématique, il sera question de l'objet d'étude; la pertinence scientifique, sociale et disciplinaire; la démarche documentaire réalisée; la recension des écrits ainsi que les limites méthodologiques des études consultées seront abordées. Dans le second chapitre, une section sera consacrée à la description de la perspective théorique, soit à la définition des concepts clés et la théorie utilisée. Le troisième chapitre présente la méthodologie qui sera utilisée pour conduire cette recherche. Cette section inclut ; le paradigme et l’approche privilégiée, le type de recherche, la population à l’étude, l’échantillonnage, le mode de collecte des données, la méthode d’analyse, ainsi que les considérations éthiques. Le chapitre quatre, offre une brève description des participantes suivi de la présentation des données recueillies durant les entretiens. Enfin, le dernier chapitre présente une synthèse des principaux résultats en relation avec le cadre théorique et la recension des écrits suivie d’une brève conclusion.

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4

C

HAPITRE

1

P

ROBLÉMATIQUE

1.1

O

BJET D

'

ÉTUDE

Actuellement, les recherches sur l'expérience maternelle lesbienne ont essentiellement confondu les familles planifiées et les familles issues d’union ex-hétérosexuelle recomposées ce qui a eu pour effet de gonfler les données statistiques (Leblond de Brumath & Julien, 2007). Toutefois, il est établi qu'il est préférable d'analyser les différentes compositions familiales séparément puisque chacune comporte ses propres spécificités (Vyncke et al., 2008). Par exemple, les familles planifiées sont « formées de parents ayant intégré une identité homosexuelle avant de former leur projet parental » (Vyncke et al., 2008, p. 190) alors que les familles recomposées homoparentales proviennent de la « formation d'une union homosexuelle à la suite d'une séparation d'un couple de sexes opposés » (Vyncke et al., 2008, p. 194). En d'autres mots, la mère n'ayant pas de lien biologique n'exerce pas le même rôle auprès des enfants; celui de parent versus celui de nouvelle conjointe de la mère des enfants. Ceci illustre donc pourquoi il n'est pas possible de généraliser les conclusions de recherches antérieures aux mères sociales (Chevrier, 2009). Dans le même ordre d'idées, il existe peu de connaissances touchant exclusivement l’expérience de la maternité chez la mère sociale dans la littérature scientifique. Wojnar et Katzenmeyer (2014) rapportent d'ailleurs un manque de connaissance significatif sur le rôle de la mère non biologique au sein de la famille dans la recherche scientifique. De plus, la majorité des échantillons combinent les mères biologiques et sociales plutôt que de se concentrer uniquement sur ces dernières pouvant ainsi induire des contradictions dans les résultats d'une étude en raison de problèmes méthodologiques (Chevrier, 2009).

1.2

P

ERTINENCE SOCIALE

Depuis les dernières décennies, le Canada a vu une augmentation grandissante du nombre de familles atypiques (Bonhert, Milan & Lathe, 2014) ce qui a également donné lieu à plusieurs changements dans le recensement de 2001 sur les familles au Canada. Les familles formées d'un couple de même sexe et leurs enfants sont alors apparues dans le portrait statistique canadien. Au Québec, on estime qu'en 2006, environ 1 410 enfants vivaient dans une famille homoparentale, alors que ce chiffre était estimé à 830 en 2001 (Ministère de la Famille et des Ainés, 2011). Il s'agit d'une augmentation importante pouvant toutefois être attribuée aux modifications législatives de la loi 84 sur

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les nouvelles règles en matière de filiation. L’instauration du programme universel et gratuit de procréation assistée en 2010 a également contribué à cet essor. Ainsi, on estime dorénavant le nombre de familles homoparentales à 4350 en 2016 (Ministère de la Famille et des Ainés, 2018). Le portrait des familles offert par Naitre et Grandir montre que 8% des couples homosexuels ont au moins un enfant, dont 77% sont dirigés par des femmes (Couillard, 2015). Toutefois, la gratuité du service de procréation assistée a pris fin en novembre 2015 par l’implantation du projet de loi 203. Ceci pousse ainsi les familles à recourir au financement privé comprenant des taux d’intérêts parfois élevés (IRIS, 2016) ou à se diriger davantage vers les inséminations artisanales pour la réalisation de leur projet familial.

Par ailleurs, la mise en place d'une Politique de lutte à l'homophobie (2009) et le renouvellement du Plan d'action gouvernemental de lutte contre l'homophobie et la transphobie pour 2017-2022 indiquent que le Québec s'engage à combattre les préjugés envers les minorités sexuelles. Le défilé de la Fierté gaie qui se tient année après année à Montréal est aussi un agent de changement social important dans la communauté, mais également un moyen d’acquérir de la visibilité pour la population LGBT (Bastien-Charlebois, 2016). Parmi ces réformes, l'adoption de la Loi sur l'union civile, les nouvelles règles en matière de filiation et la légalisation du mariage entre personnes de même sexe rendent la mise sur pied d'un projet familial possible pour ces couples (Coté & Lavoie, 2018 ; Ministère de la Justice, 2009). Bien que plusieurs mouvements sociaux et mobilisations politiques aient contribué à l'avancement des droits LGBT, il n'en demeure pas moins que ce sujet d’intérêt est relativement récent. C'est pourquoi ces familles nécessitent le même niveau d'attention et de visibilité que les autres structures familiales (Lavoie & Greenbaum, 2015). L'inverse ne ferait qu'accentuer l'incompréhension et l'intolérance envers ces configurations familiales.

Projet de loi n° 20 : Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée. La gratuité des services de procréation assistée a été abandonnée par l'adoption de ce projet de loi, en vigueur depuis novembre 2015.

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6

1.3

P

ERTINENCE SCIENTIFIQUE

En ce qui a trait à la pertinence scientifique, la littérature dénombre peu d'études réalisées au Québec. De plus, une majorité d'entre elles favorise une approche qualitative, ce qui limite la généralisation des résultats. D'ailleurs, nombreuses sont les études qui ne différencient pas le vécu des mères et des pères homosexuels. Pourtant, les couples féminins ne sont pas nécessairement confrontés aux mêmes interrogations et défis (Lagabrielle, Marcotte & Grennbaum, 2015). À cet effet, Greenbaum (2015b) maintient que les études antérieures ont principalement été axées sur le développement de l’enfant ou les capacités parentales comparant les familles hétéroparentales aux familles homoparentales plutôt que de s'intéresser à l'expérience de ces dernières en tant que parent. Il est donc pertinent d'investiguer davantage sur cette question dans l'objectif d'être mieux outillés à répondre aux besoins de ces femmes. Les nouvelles connaissances visées par ce mémoire constituent une opportunité de mieux documenter l'expérience de la mère sociale et ainsi influencer les pratiques futures. De plus, Lavoie et Greenbaum (2012) affirment qu'au fil des années, certains articles sur les familles homoparentales ont été publiés sans même prendre en considération les données empiriques. Selon eux, ces conduites auraient tendance à engendrer la construction de mythes non fondés. À l'inverse, le développement des connaissances scientifiques « constitue la première étape [vers] le changement des attitudes et des croyances » (Lavoie & Greenbaum, 2012, p.142) au sujet des familles de même sexe.

1.4

P

ERTINENCE DISCIPLINAIRE

Quant à la pertinence disciplinaire, elle vise à apporter des connaissances en vue de soutenir les travailleurs sociaux qui auront à intervenir auprès de familles homoparentales. La recherche permet d'informer les professionnels sur les défis et enjeuxuniques dans lesquelles les familles dirigées par un couple homosexuel évoluent, mais également sur les nouveaux éléments issus de la littérature en raison du contexte évolutif de la situation. Par exemple, les modifications législatives ont amené leurs lots de transformations dans la condition de ces hommes et ces femmes. Lavoie et Greenbaum (2012) expliquent que les pratiques habituelles auprès des familles hétéroparentales ne sont pas forcément conçues pour répondre aux besoins des familles homoparentales. Ainsi, des travailleurs sociaux mieux outillés seraient en meilleure position pour accompagner adéquatement les parents et futurs parents LGBT. Pour ces motifs, les professionnels ont avantage à « mieux connaître le vécu des familles

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7

homoparentales et les recherches au sujet de ces familles afin de travailler en équipe avec elles » (Lavoie et Greenbaum, 2012, p.145).

1.5

D

ÉMARCHE DOCUMENTAIRE

La démarche documentaire a grandement été simplifiée grâce à l'utilisation de nombreux mots clés, ainsi que par les critères d'inclusion et d'exclusion ayant servi à préciser et clarifier la recherche. Par exemple, les critères retenus portaient essentiellement sur les familles lesboparentales et les naissances planifiées alors que les résultats sur les pères gais ou les foyers uniquement masculins étaient systématiquement exclus. Les principaux mots-clés employés afin de développer la recension des écrits sont les suivants : heterosexism*, heteronormative, hétéronormatif, homophob*, stigma, stigmatization, prejudice*, préjugé*; "famille* homoparent*", "mère sociale", co-mère, lesboparent*, "same sex mother*", "lesbian mother*", social mother*, "co-mother*" et "two mother*".Les banques de données ayant été consultées dans le cadre de ce travail proviennent principalement de PsycInfo, Google Scholar, Érudit, Cairn, Repères, Social Services Abstracts et Research Gate. L'utilisation des références à la fin des textes a également été bénéfique pour recueillir des articles supplémentaires. De plus, des sites internet comme Statistique Canada, Naître et grandir et le site du Gouvernement du Québec en lien avec l'homoparentalité ont également contribué à approfondir les connaissances sur le sujet.

1.6

R

ECENSION DES ÉCRITS

La recension des écrits fait état des articles scientifiques en lien avec la question de recherche. Cela permet ainsi de préciser l’avancement des travaux de recherche sur la construction identitaire de la maternité chez les mères sociales lesbiennes.

1.6.1ENJEUX ASSOCIÉS À LA MATERNITÉ

Le désir d'accès à la maternité rejoint les femmes de couples lesbiens tout autant que les femmes de couples hétérosexuels. Toutefois, plusieurs femmes issues de couples lesbiens décrivent le processus menant à une grossesse comme étant exigeant puisque la démarche revêt des expériences à caractère unique qui se distinguent des couples hétérosexuels (Wojnar & Katzenmeyer,

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2014 ; Bos, Van Balen & Van den Boom, 2007). Ces dernières doivent prendre des décisions complexes, incluant le choix de la méthode de reproduction; le choix de la personne qui portera l'enfant; la répartition des tâches parentales ainsi que les difficultés qui sont associées à ces choix, telles que la pression sociale attribuée au lien biologique ou bien la conception traditionnelle des rôles parentaux (Crespi, 2008). Le manque de connaissances sur la diversité des structures familiales peut également engendrer la création de stéréotypes et de préjugés, comme le mythe populaire voulant que les parents de même sexe possèdent moins d'aptitudes parentales que les parents de sexe opposé (Lavoie et Greenbaum, 2012). À cet égard, les 11 jeunes adultes du Québec issus d'une recomposition familiale homosexuelle rencontrés dans l'étude de Robitaille & Saint-Jacques (2009) confirment la présence de stéréotypes envers l'homosexualité et l'homoparentalité. Par ailleurs, plusieurs auteurs maintiennent que les familles composées par des mères lesbiennes sont propices à une plus grande ouverture à la diversité sexuelle (Cohen & Kuvalanka, 2011 ; Tasker & Golombok, 1995). À cet effet, Cohen et Kuvalanka (2011) illustrent que 90% des mères lesbiennes interviewées estiment avoir transmis à leurs enfants une éducation sans limitation sur les choix en matière de préférence sexuelle.

1.6.2 CONSÉQUENCES DE L'HÉTÉRONORMATIVITÉ SUR LE PLAN FAMILIAL

Il apparaît parfois difficile pour la mère n'ayant pas de liens biologiques d'affirmer sa place au sein de la famille puisque la culture dominante dicte en quelque sorte quel rôle appartient à la mère et au père. Ceci correspond à ce que Crespi (2008) décrit comme un désavantage puisque cette mère a peu de repères en raison du peu d'espace que lui attribue une société hétéronormative. L'article de Gross (s.d.) abonde dans ce sens en soulignant que les rôles parentaux sexués ne laissent aucune place à cette seconde mère. Bien que présentant un échantillon de petite taille, l'étude californienne de Comeau (1999) sur les mères non biologiques indique que toutes les répondantes (n=4) vivent de la frustration vis-à-vis le manque de reconnaissance de la mère sociale. L'inégalité ressentie entre le statut de la mère biologique et la mère sociale entraîne parfois des conflits au sein de la relation du couple de conjointes (Comeau, 1999; Côté, 2009). Pelka (2009) a notamment établi d'après sa série d'entrevues auprès de 30 couples lesbiens qu'un sentiment de jalousie ou d'envie peut se former chez la mère sociale par rapport au lien privilégié que la mère biologique entretient auprès de l'enfant (ex.: être enceinte ou allaiter) puisque celle-ci possède également les mêmes capacités biologiques à exercer ce rôle, à l'inverse d'un père. L'étude de Golberg (2008) sur la perception de la préférence de l'enfant entre ses deux mères (n=60; 30 biologiques / 30 sociales) abonde dans ce sens. En effet,

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l'auteur rapporte que huit mères non biologiques expriment de sérieux sentiments de jalousie, d'exclusion et de rejet en lien avec la relation de leur conjointe avec l'enfant. Il s'agit néanmoins d'une minorité de l'échantillon. Par ailleurs, l'étude quantitative portant sur l’exploration du processus décisionnel associé à l’élaboration d’un projet de maternité chez les couples de femmes lesbiennes de la région de Montréal (n=25) indique que 94% d'entre elles sont satisfaites de leur relation et vivent peu de désaccords (Leblond de Brumath & Julien, 2007).

L'étude de Pelka (2009) souligne que l'importance accordée au lien biologique dans la culture dominante accentue le sentiment d'insécurité chez la mère sociale. De ce fait, les couples de femmes doivent constamment défendre l'importance du rôle de la co-mère dans le fonctionnement familial (Hunter, 2015). L'étude menée par Brown et Perlesz (2008) a relevé dans la littérature une liste de 45 termes différents pour désigner la mère non biologique de l'enfant. Dans son étude auprès de 23 familles françaises, Descoutures (2006) relève que les termes associés à ces femmes, tel que deuxième mère ou mère non biologique, met l’accent sur ce qu’elles ne sont pas. L'absence de consensus sur le terme à employer à l'endroit de celle-ci vient renforcer l'ambigüité de son rôle au sein de la famille. D'après les auteurs, le langage est un porteur puissant de sens, et si mal utilisé, peut discréditer l'importance du rôle de la mère n'ayant pas de lien biologique (Brown & Perlesz, 2008). Pourtant, les résultats de la recherche qualitative de Bos et ses collaborateurs (2007) établissent que ces dernières sont davantage impliquées que les pères hétérosexuels en tant que parent, créant ainsi un sentiment de satisfaction élevé dans la relation de couple. Parallèlement, les résultats obtenus par Tasker et Golombok (1998) indiquent que la participation des co-mères dans les soins destinés à l'enfant est attribuée égalitairement (90% des cas) contrairement à celle des pères dans les couples hétérosexuels (entre 37% et 47%). Alors qu'une minorité de couples participant à l'étude de Pelka (2009) et de Crespi (2008) se conforment à séparer leurs rôles parentaux selon le modèle hétérosexuel traditionnel, la majorité des mères lesbiennes rencontrées par Côté (2009) affirment répartir les tâches en fonction de leurs préférences personnelles.

1.6.3 CONSÉQUENCES DE L'HÉTÉROSEXISME SUR LE PLAN SOCIAL

Bon nombre de mères lesbiennes affirment que le système et les méthodes de travail du personnel en soins de santé ne sont pas conçus pour elles, mais bien selon un cadre hétéronormatif (Hayman, Wilkes Halcomb & Jackson, 2013 ; Hunter, 2015). Les répondantes des études recensées ajoutent également que le personnel en soins n'est pas suffisamment formé pour intervenir auprès

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d'elles. Par exemple, Hayman et ses collaborateurs (2013) identifient différents types d'homophobie expérimentés par les 15 couples de femmes australiennes interrogées; soit l'exclusion (ex.: refus d'accès à la salle de réveil); la présomption d'hétérosexualité ainsi que des questionnements inappropriés. Dans l'analyse canadienne de Hunter (2015) sur l'utilisation de blogues chez les mères lesbiennes anglophones (n=30), certaines blogueuses dénoncent le fait que bien des gens ont encore de la difficulté à accepter qu'un enfant puisse avoir deux mères. Toujours selon cette étude, une femme partage dans son blogue que le médecin a tenu pour acquis qu'elle était dans une relation hétérosexuelle alors que sa partenaire était assise à ses côtés. Les mères homoparentales indiquent aussi qu'elles doivent souvent faire face à des questions sur leur arrangement familial, notamment sur qui est la « vraie » mère (Hunter, 2015 ; Kranz & Daniluk, 2006). Le malaise des gens vis-à-vis leurs structures familiales se reflète également dans les situations du quotidien tel que dans les cours prénataux où une blogueuse raconte que l'instructeur a été incapable d'utiliser le terme « partenaire » afin d'inclure la co-mère (Hunter, 2015). Les mêmes difficultés sont appréhendées par les familles homoparentales dans les établissements scolaires. Toutefois, dans l’étude de Lindsay et collaborateurs (2006) treize familles sur les 20 familles composées de mères lesbiennes (n=36) et leurs enfants (n=43) mentionnent avoir obtenu du soutien de la part des professeurs et de la direction alors que seulement quatre ont perçu qu'il était préférable de garder le silence. Ces variations peuvent être attribuables aux différences régionales en termes de reconnaissance de l'homoparentalité présente dans le continent australien.

1.6.4 STRATÉGIES UTILISÉES PAR LES MÈRES

Différentes formes de stratégies pour limiter les expériences négatives sont utilisées par les familles lesboparentales. Les récits de vie contenus dans l'étude de Hayman et ses collaborateurs (2013) sur les services de santé ont permis de relever deux stratégies développées par ces femmes afin de réduire les risques d'expérience négative. Il y a la sélection (screening) qui consiste à se renseigner par le biais de connaissances ou à travers des blogues sur l'attitude d'un établissement envers l'homosexualité et il y a la persévérance (crusading) pour celles qui considèrent qu'il s'agit d'une opportunité afin de normaliser et d'augmenter la visibilité de l'homoparentalité (ex.: par des plaintes envers les établissements ou les services). Dans le même ordre d'idées, les résultats d'une étude sur les expériences personnelles de 10 couples lesbiens en lien avec la maternité révèlent qu'elles visitent la garderie ou l'établissement scolaire avant l’entrée de l’enfant dans ces établissements afin de valider

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l'ouverture à la diversité et pour s'entourer d'un réseau soutenant (Kranz & Daniluk, 2006). Les principales stratégies utilisées par les 20 familles interviewées par Lindsay et ses collaborateurs (2006) pour favoriser un réseau de soutien comprennent la sélection rigoureuse des écoles et le coming out aux membres du personnel et de la direction dès le début de l'année scolaire.

D'un point de vue plus personnel, il peut arriver que les deux conjointes choisissent de synchroniser leurs grossesses (Ben-Ari & Livni, 2006) ou bien d'alterner d'une à l'autre (Imaz, 2017 ; Crespi, 2009) comme stratégie pour atténuer la tension reliée au lien biologique. De plus, lorsqu'il est possible, ces femmes utilisent le même donneur afin de favoriser un sentiment d'appartenance devenant ainsi la liaison biologique entre leurs enfants et elles-mêmes (Kranz & Daniluk, 2006). L’induction de l’allaitement chez la mère n’ayant pas porté l’enfant est également un moyen pour favoriser le lien d’attachement avec l’enfant (Imaz, 2017 ; Wahlert & Fiester, 2013 ; Zizzo, 2009). Pour ce faire, ces femmes doivent avoir recours à la stimulation manuelle à l’aide d’un tire-lait, ainsi qu’à l’utilisation de suppléments et d’agents pharmacologiques (Imaz, 2017, Juntereal & Spatz, 2019). Cependant, l’étude de Juntereal & Spatz (2019) sur l’expérience du co-allaitement chez les couples de mères lesbiennes révèle que seulement 21% des participantes (n=68) ont eu accès à de l’information sur l’induction de l’allaitement de la part des professionnels de la santé. Par ailleurs, bon nombre de ces couples choisissent d'avoir recours aux services de procréation assistée avec donneur inconnu puisque la connaissance du géniteur vient parfois complexifier la relation familiale. Ainsi, ce choix garantit aux mères qu'elles n'auront pas à partager le pouvoir parental avec une tierce personne (Julien et al., 2002 ; Touroni & Coyle, 2002). Les lois canadiennes protègent également l'anonymat des donneurs et des familles en matière de procréation assistée, rompant toute reconnaissance possible d'un lien de parenté ou de responsabilité de l'homme envers l'enfant (Atkinson et coll., 2015). Parallèlement, près de la totalité des mères (n=68) rencontrées dans le cadre de l'étude de Short (2007) révèlent qu'un autre moyen de se distancer du père biologique est d'utiliser l'appellation de « donneur » plutôt que « père ». Ceci renforce un développement identitaire positif chez la mère sociale et consolide sa place auprès de l'enfant (Leblond de Brumath & Julien, 2007). Cependant, ces femmes s'assurent généralement d'avoir suffisamment de figures masculines dans leur entourage pour pallier cette absence (Côté, 2009 ; Kranz & Daniluk, 2006). Les résultats de l'étude de Leblond, de Brumath & Julien (2007) dévoilent que les conjointes ayant choisi un donneur connu manifestent un degré de détresse plus élevé que celles qui ont eu recours à une clinique de fertilité en raison de la présence

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12

d'un tiers dans la configuration familiale. Cette détresse peut être attribuable à la crainte que le donneur s’impose davantage dans la vie de l’enfant que ce qui était initialement prévu (Coté, 2009 ; Leblond, de Brumath et Julien, 2007). Crespi (2008) maintient que certains couples choisissant un donneur anonyme le font pour éviter que la mère n’ayant pas de liens biologiques avec l’enfant se sente dévaluée face à la présence d’un donneur. En revanche, les mères ayant recours à des donneurs connus justifient leurs choix par le fait qu'il est du droit de l'enfant de connaître son géniteur et que cela est favorable au développement de son identité (Côté, 2009).

Plus symboliquement, les couples de lesbiennes utilisent divers moyens pour compenser l'absence de lien biologique avec la mère sociale. Par exemple, l'utilisation d'appellation qui reflète des rôles égaux (ex. mommy et mum) ou bien l'emploi des deux noms de famille (Cadoret, 2007 ; Kranz & Daniluk, 2006) sont des moyens courants. Toujours dans le but de combler l'absence du lien biologique, plusieurs couples vont même jusqu'à choisir un donneur qui partage certaines caractéristiques physiques ou culturelles avec la mère sociale (Kranz & Daniluk, 2006). Une autre éventualité pour ces femmes est le choix de la méthode par fécondation in vitro qui se traduit par « un don d'ovocyte, inséminé artificiellement, d'une femme à sa compagne, qui portera l'enfant » (Cadoret, 2002). Cette méthode est également connue sous le nom de ROPA (Réception d’ovules du partenaire). Ainsi, elles se répartissent le rôle de mère biologique et mère gestative, défini comme étant une « maternité partagée » (Imaz, 2017 ; Escoda, 2016). Ceci offre aux mères la possibilité d'obtenir un sens d'équité au sein de la relation et réduit significativement la présence de jalousie au sein du couple (Pelka, 2009 ; Pennings, 2015).

1.7

L

IMITES MÉTHODOLOGIQUES DES RECHERCHES ACTUELLES

Les études préalablement citées comptent un nombre limité de recherches canadiennes. On retrouve d'ailleurs plusieurs études anglo-saxonnes, qui ne reflètent pas nécessairement la réalité du Québec, tant sur le plan des représentations sociales de la famille que des lois actuellement en vigueur. De plus, la recherche documentaire a généré peu d'études portant exclusivement sur les mères lesbiennes. Par ailleurs, les études touchant exclusivement les mères de même sexe ne font pas toujours la distinction entre une ex-relation hétéroconjugale et une famille planifiée (Cohen & Kuvalanka, 2011, Lindsay et coll., 2006). Ceci peut induire un biais important puisque l'accès à la

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13

maternité des femmes ayant construit un projet de vie familial est bien différent de celles qui le sont devenues dans le contexte d'une union ex-hétérosexuelle.

Par ailleurs, les données recueillies dans certaines études comportent des menaces à la validité externe puisqu'elles semblent difficilement transférables en raison de leurs petites tailles. Les conclusions de l'étude de Hayman et ses collaborateurs (2013) sur les types d'homophobie présents dans le système de santé australien mettent en lumière la réalité vécue par les mères lesbiennes, mais ne regroupent que 15 participantes. Il est donc questionnable à savoir si l'échantillon est suffisamment diversifié. Il en va de même pour Robitaille & Saint-Jacques (2009) avec un échantillon composé de 11 jeunes adultes et pour l'étude de Comeau (1999) qui comprend seulement quatre participantes. Cette dernière étude sur le rôle des mères non biologiques détient également des menaces à la validité interne puisque trois des quatre participantes possédaient à la fois le statut de mère sociale et biologique. Il est donc peu probable que les résultats de cette recherche reflètent bien la réalité de l'ensemble des mères non biologiques. En plus du nombre limité de recherches sur le sujet, l’âge de certaines études recensées ne reflète plus nécessairement la réalité d’aujourd’hui, particulièrement suite à la modification de loi4 en matière de filiation établie depuis 2002.

4 En référence au projet de loi n°84, qui permet maintenant à deux parents de même sexe d’avoir leurs noms sur l’Acte de naissance d’un enfant.

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14

C

HAPITRE

2

C

ADRE THÉORIQUE

2.1

M

ODÈLE DE CONSTRUCTION IDENTITAIRE

Sur le plan théorique, le modèle de construction identitaire du sociologue belge Guy Bajoit (1997) a été choisi afin de structurer la démarche de recherche et guider l'analyse des données qui ont été collectées. Le modèle de construction identitaire de Bajoit (1997) est également connu sous le nom de « gestion relationnelle de soi ». Il se définit comme « le processus par lequel l'individu [...] gère les tensions existentielles entre les attentes des autres vis-à-vis de lui et ses propres attentes envers lui-même » (Bajoit, 1997, p.117). L'intérêt derrière ce choix est donc d'en venir à mieux comprendre comment la maternité se construit chez les mères sociales d'un couple lesbien dans un contexte où l'hétérosexisme est encore très présent.

2.1.1 DÉVELOPPEMENT DU MODÈLE

Vivre en collectivité implique son lot d’avantages et d’inconvénients. Selon Bajoit (2009a), bien que les relations sociales soient généralement source de solidarité et de coopération, elles peuvent néanmoins être source de compétition, de contradiction et de conflits. Il n’existe pas selon Bajoit (2003 et 2009a) de relations sans inégalités, aussi subtiles soient-elles. Toutefois, « sans les autres et leurs ressources, on ne peut ni s’épanouir personnellement ni être reconnu socialement » (Bajoit, 2009a, p.114). Ainsi, toute relation sociale éveille des attentes du collectif chez les acteurs et se déroule sous formes de contraintes (Bajoit, 2003; Bajoit, 2009b). L’auteur reconnait 5 formes de contraintes inégalement réparties parmi les membres de la collectivité autour desquelles se construisent les relations sociales;

▪ La puissance; capacité détenue par des membres dirigeants à obliger la collectivité à travailler, produire et accumuler de la richesse. Il existe deux types de puissance, soit la puissance dirigeante (assure le bien-être général) et la puissance dominante (assure son bien-être au détriment des autres).

▪ Le pouvoir; capacité de certains membres influents à obliger une collectivité à respecter des lois, des règles afin de favoriser leurs propres intérêts.

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15

▪ L’autorité; capacité à contraindre les membres de la collectivité à assimiler les rôles sociaux auxquels on s’attend d’eux.

▪ L’influence; habileté à intervenir dans les prises de décisions importantes et à convaincre des groupes d’intérêts à faire des compromis pour le bien-être de tous. Entre de mauvaises mains, les personnes possédant de l’influence peuvent privilégier leurs intérêts en brimant l’intérêt général.

▪ L’hégémonie; habileté à imposer ses intérêts aux membres de la collectivité.

Ces contraintes constituent ce que Bajoit (2003) reconnait comme le contrôle social. À cela, l’auteur ajoute qu’un individu « ne supporte les contraintes du collectif que si elles ont, pour lui, un sens » (Bajoit, 2009b, p.56). Toutefois, cette conviction a tendance à s’atténuer en période de changements. En d’autres mots, l’individu accepte ces contraintes tant et aussi longtemps qu’elles reflèteront ses croyances ou valeurs. Par ailleurs, d’importantes transformations telles que l’apparition de nouvelles structures familiales sont indubitablement source de frictions au sein de la collectivité. Bajoit (2003) explique que durant les périodes de transition sociale, des conflits émergent entre les groupes progressistes et les groupes conformistes. Ces derniers, ancrés dans une vision passéiste, persistent à défendre certaines valeurs ou acquis en voie de transformation, alors que la population visée par ces changements en subit les contrecoups. Par exemple, l’adoption de la loi 84 octroyant aux couples de même sexe le droit de profiter des mêmes privilèges que les couples hétérosexuels en matière de filiation n’a pas instantanément changé la perception des Québécois au sujet de l’homoparentalité.

Parallèlement, Bajoit maintient que l'identité d'une personne n'est jamais définitivement acquise puisqu'elle fluctue en fonction du contexte historique, culturel et social (Mellini, 2009), Cela désigne un processus de repositionnement identitaire. D'un côté, l'individu doit perpétuellement « traiter l'influence des autres sur lui, et de l'autre, il doit savoir comment se construire comme individu, et mener son action sur les autres » (Bajoit, 1997, p.126). Ceci expose l’effort continu du sujet qui tente sans cesse de conserver un équilibre entre ces deux facteurs. Ainsi, l'identité chez un individu « consiste à concilier ou réconcilier trois identités : l’identité désirée – ce que l’individu voudrait être, l’identité engagée – ce qu’il est et a été, et l’identité assignée – ce qu’il croit que les autres voudraient qu’il soit » (Mellini, 2009, p.7). Autrement dit, c'est à travers la conciliation de ces trois sphères identitaires que l'humain apprend à se construire pour l'atteinte de ses buts. L'individu est alors

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16

constamment engagé « dans une triple quête, soit : la réalisation de ses engagements identitaires5, l’accomplissement personnel et la reconnaissance sociale » (Mellini, 2009, p.7), et ce, dans toutes les facettes de sa vie. Ces objectifs ne sont pas nécessairement faciles à atteindre, surtout en période de transformation sociale. Par exemple, il se peut que la réalisation de soi entre en tension avec le désir de reconnaissance sociale. Dans le cas de l’étude, le désir de devenir mère est à l’encontre de la vision « traditionnelle » de la famille. Il arrive même que la tension soit si forte d'un côté ou de l'autre que l'individu renonce à l'un de ceux-ci (Bajoit, 2003, 1997). Bien que l'individu déploie des efforts constants pour réunir ces trois sphères, il n'y arrivera jamais entièrement puisque « ce que l’individu attend de lui ne coïncidera jamais avec les deux autres » (Bajoit, 2009a, p.107). Ceci a pour répercussion d'induire un fort sentiment de malaise, d'incomplétude ou même d'insatisfaction (Bajoit, 2003). En d'autres mots, l'incompatibilité entre l'une de ces sphères provoque des tensions existentielles, créant ainsi une confusion identitaire chez l'individu.

Par ailleurs, Bajoit (2003) distingue trois types de tensions: le sujet dénié; le sujet divisé; et le sujet anomique. Dans le premier cas, il s'agit d'un déni de reconnaissance sociale occasionné par une incohérence entre l'identité engagée et l'identité assignée. Le second indique que l'individu souffre d'un déni d'accomplissement personnel puisqu'il ne parvient pas à concilier son identité engagée et son identité désirée. En dernier lieu, le sujet anomique fait allusion à une souffrance relative à une dissonance existentielle, dans laquelle l'identité assignée et l'identité désirée sont à l'opposé. Ces éléments sont traduits dans le schéma explicatif suivant développé à partir d'une figure illustrée dans Bajoit (2003).

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17

Tableau 1 : Schéma explicatif

Pour résoudre les tensions existentielles, l’individu possède quatre moyens de résolution, dont chacun pouvant revêtir deux formes distinctes, communément appelés par Bajoit (2009a) logiques du sujet :

▪ Persévérer ; Rester fidèle à ses convictions en repoussant les limites qui lui sont imposées. ▪ L’affrontement ; braver l’interdit social et culturel pour faire reconnaitre son droit. Le

sujet peut utiliser des moyens légitimes (ex. : revendications, manifestations) ou illégitimes (ex. : violence)

La conciliation ; faire coexister plusieurs attentes en acceptant leurs incohérences

les unes avec les autres.

▪ Compenser ; renoncer à une attente pour la remplacer par une nouvelle.

La substitution ; Se contenter des compensations qu’apporte la vie sociale afin de

l’aider à faire son deuil. Revêt une attitude plutôt pragmatique.

La sublimation ; S’investir dans une cause de grande envergure, en espérant que

cette voie lui rapportera un jour. ▪ Abandonner ; Temporairement ou définitivement

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18

Le renoncement ; Abandon définitif afin d’en faire son deuil. Il se fait une raison et

n’en souffre pas.

▪ Se distancier ; consciemment ou inconsciemment

Le détachement ; Apprend à se dissocier, à faire la part des choses.

Le refoulement ; S’efforcer d’oublier, mais refait surface par des moyens détournés,

déplacés ou déguisés lui fournissant une forme de satisfaction ou bien de reconnaissance.

2.2

D

ÉFINITIONS DES CONCEPTS CLÉS

Les principaux concepts associés à la présente étude sont; l'hétérosexisme et l’hétéronormativité, l'identité ainsi que la maternité.

Hétérosexisme et hétéronormativité: Tout d'abord, il est nécessaire de différencier le concept de l'hétérosexisme du concept de l'hétéronormativité. Ce dernier renvoi à la notion de complémentarité et de déterminisme en matière de sexe - le masculin et le féminin; de genres - l'homme et la femme et de rôles sociaux - un père et une mère (Côté & Guilmaine, 2017 ; Bastien-Charlebois, 2011). Ceci à pour conséquences d'exclure et d'inférioriser les gens qui ne cadrent pas avec ces modèles. Cette population marginalisée regroupe entre autres les lesbiennes et les gais ainsi que les personnes bisexuelles et trans (Bastien-Charlebois, 2011).

En ce qui a trait à l'hétérosexisme, ce terme désigne la conviction que l'hétérosexualité est supérieure à toutes autres orientations sexuelles (Côté & Guilmaine, 2017). Suivant la même logique, Bastien-Charlebois (2011) fait référence à la destinée hétérosexuelle, perpétuant la croyance que les couples de mêmes sexes n'ont pas lieu d'être. L'auteure relève également diverses attitudes par lesquels s'opèrent l'hétérosexisme, tels que le privilège hétérosexuel, la présomption d’hétérosexualité, la division entre le public et le privé, l'injonction au silence, l'appel à l’assimilation, la prétention à la discrimination inverse et le langage infériorisant. Ces manifestations d’hétérosexisme sont des pratiques sociales qui « occultent la diversité des orientations et des identités sexuelles dans les représentations courantes [...] en tenant pour acquis que tout le monde est hétérosexuel (Ministère de la Justice, 2009, p.14). Ceci a pour effet de maintenir la différenciation sociale et de contribuer à l’amplification de stéréotypes envers les personnes ou groupes n'adhérant pas à ces normes. En

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19

résumé, l'hétéronormativité se définit par la reconnaissance de l'hétérosexualité comme étant favorable alors que l'hétérosexisme fait davantage référence à la hiérarchie des orientations sexuelles (Bastien-Charlebois, 2011, Côté & Guilmaine, 2017).

Identité: Selon la définition du dictionnaire Larousse, l'identité réfère aux caractéristiques

déterminantes d'une personne qui constitue son individualité et sa singularité. De plus, l'identité « se construit sous le regard des autres et dans le rapport aux autres » (Drouin-Hans, 2006, p.9). Autrement dit, le concept de l'identité réfère au processus continu de l'individu à se construire en interrelation avec les autres ainsi qu'à trouver sa place au sein de la société. Considérant que le concept de « mère sociale » est relativement récent, cette dernière doit travailler sans relâche afin de se faire valoir en tant que mère légitime auprès de la société hétéronormative dans laquelle elle doit évoluer.

Maternité:Ce terme est associé à la fonction remplie par la femme en tant que mère. Historiquement,

la maternité définissait le rôle principal auquel la femme s'identifiait (Gauvreau, 1991). Toutefois, les revendications de certains mouvements sociaux ont transformé le sens de la maternité pour une représentation plus égalitaire et inclusive (McMahon, 2001). Gauvreau ajoute que « la maternité a revêtu [...] des formes nouvelles dues aux transformations importantes ayant modifié les comportements reproducteurs » (Gauvreau, 1991, p.342). Ceci fait référence aux formes de contraceptions, mais également à l'utilisation des techniques de procréation assistée, offrant ainsi aux femmes une certaine forme de contrôle. Auparavant inaccessible aux couples féminins, l'accès à la maternité pour ces femmes témoigne d'une ouverture de la société à un changement social. Néanmoins, la présence de mentalités hétérosexistes envers ces familles montre qu'il reste encore du chemin à parcourir.

2.3

P

ROPOSITION DE RECHERCHE

Concrètement, la présente étude s’applique à mieux comprendre l’expérience de la maternité des mères sociales de couples lesbiens ayant planifié l’arrivée d’un enfant en étudiant la construction de leur identité désirée, engagée et assignée. Il s’agit de détecter les tensions éventuelles entre ces différentes sphères identitaires et les efforts déployés par ces femmes pour les concilier et atteindre leurs buts, dont celui de devenir une mère à part entière à leurs yeux et aux yeux des autres.

(27)

20

C

HAPITRE

3

M

ÉTHODOLOGIE

3.1

P

ARADIGME ÉPISTÉMOLOGIQUE

Cette démarche s'inscrit dans l’épistémologie socioconstructiviste où l’interaction de l’individu avec son environnement devient l’élément central. Étant donné que l’homosexualité est encore un sujet délicat, les représentations sociales sur l'homoparentalité auront indubitablement une influence sur la façon dont ces femmes se perçoivent. Dans le cas de la recherche actuelle, l’objectif est de mieux comprendre l'interprétation que font ces mères de leur propre expérience avec la maternité en interaction avec leur environnement.

D’abord, les tenants du constructivisme énoncent que la vérité et la connaissance sont des constructions plutôt qu’un phénomène inhérent à la réalité (Guba et Lincoln, 1989; Schwandt, 1994). Dans leur ouvrage, Guba et Lincoln (1989) relèvent la présence d’une multiplicité de réalités socialement construites. À cela, ils ajoutent que ces réalités n’existent pas en dehors de la conception humaine. Il n’existe donc pas de lois absolues, mais une grande importance est cependant accordée à l’interprétation de l'expérience vécue par l'acteur. Le constructivisme va donc à l'encontre de la notion d'objectivité commune au positivisme et au post positivisme (Allen, 1994; Guba et Lincoln,1989).

Par ailleurs, la vérité est définie comme étant « la construction la mieux fondée et la plus sophistiquée sur laquelle il existe un consensus parmi les personnes les plus compétentes » (traduction libre de Guba & Lincoln, 1989, p.86). Autrement dit, les personnes ou groupes possédant le plus d’influence sont en mesure d’exercer un certain contrôle sur les autres, tout en protégeant leurs propres intérêts. Ces constructions sont, par la suite, assimilées par les individus qui tentent sans cesse d’établir un sens à leurs expériences. Néanmoins, ces constructions sont mises à l’épreuve lorsque des éléments divergents et incompatibles entrent en conflit avec celles-ci (Guba & Lincoln, 1989). D'autant plus que la présence de plusieurs réalités favorise l'ouverture aux changements; transformant en nouvelle réalité ce qui était auparavant perçu comme un problème (Allen, 1994). Ainsi, la perception de ce que constitue la famille a largement évolué au cours des dernières décennies et diffère grandement d’une culture à une autre. D’ailleurs, les finalités d'une recherche dite constructiviste sont principalement « le dépassement d'une connaissance actuelle, le rejet d'une interprétation dominante

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21

[ou bien] la résolution [...] d’un problème concret nouveau posé par l’évolution du monde social » (Mucchielli, 2004, p. 17). C’est donc en offrant une voix à ces femmes qu’il deviendra possible de connaitre et de s’adapter à cette nouvelle réalité qu’est l’homoparentalité.

3.2

T

YPE DE RECHERCHE

Le type de recherche privilégié dans le cadre de ce mémoire est d'une nature exploratoire. L'expérience de la maternité du point de vue de la mère sociale est un sujet rarement examiné dans la littérature scientifique. Par conséquent, l'objectif général de cette recherche est de développer davantage de connaissances en lien avec l'expérience lesboparentale de la mère sociale afin de mieux repérer ce qui distingue et caractérise son expérience identitaire. Il s'agit donc d'en apprendre le plus possible sur le sujet pour ensuite en dégager des hypothèses pour les recherches à venir (Yegidis et Weinbach, 2006). Plus précisément, l’étude vise à comprendre comment et sous quels aspects les obstacles liés au développement de l'identité de mère se matérialisent et quelles sont les stratégies utilisées par ces femmes pour y faire face.

3.3

A

PPROCHE PRIVILÉGIÉE

Étant donné que l'objectif de ce mémoire vise à mieux comprendre l'expérience de ces femmes en lien avec la maternité, l'approche qualitative semble la plus appropriée. Elle est flexible et permet à l'intervieweur de s'adapter aux participantes sans toutefois déroger de ses objectifs. L'approche qualitative « cherche à élucider la nature des pratiques sociales, des relations et des croyances ainsi que la signification des expériences humaines du point de vue des participants » (traduction libre de Lietz & Zayas, 2010, p. 190). En d'autres mots, cela permet d'étudier en profondeur le phénomène de l'hétérosexisme chez les mères sociales ainsi que l'interprétation subjective qu'elles en font dans la construction de leur identité de mère sociale. Par conséquent, l'utilisation du qualitatif dans le cadre de ce projet de mémoire est tout à fait justifiée.

3.4

P

OPULATION À L

'

ÉTUDE

La population à l'étude dans le cadre de cette recherche est composée de mères s'identifiant comme étant homosexuelles ou bisexuelles ayant entrepris un projet de vie familial planifié par

(29)

22

procréation artificielle avec donneur inconnu, mais plus spécifiquement adressé aux mères qui ne possèdent pas de liens biologiques avec le ou les enfant(s). Malgré plusieurs similitudes, les diverses techniques de procréation doivent être différenciées puisqu'elles ont des implications différentes sur le plan biologique et légal. Un projet de maternité planifié entre deux femmes est similaire à la structure traditionnelle biparentale hétérosexuelle, car la mère sociale est impliquée avant même la conception de l'enfant et possède les mêmes droits légaux. En raison de la présence d'un tiers (structure triparentale), les familles issues d'une union ex-hétérosexuelle ou d'une insémination avec donneur connu6 sont donc exclues de cette recherche. Les familles ayant adopté un enfant sont également exclues puisqu'aucune des deux mères ne possède de lien biologique avec l'enfant ce qui leur confère un statut semblable sur ce plan. Il est d'autant plus important que ces femmes n'aient pas d'enfants biologiques issus d'une union antérieure puisque cela pourrait influencer la manière dont elles se perçoivent en tant que mères sociales.

Idéalement, un minimum d’un enfant issu du projet de vie familial (s'il y en a plus qu'un) doit être âgé au minimum entre 2 et 3 ans afin de maximiser le nombre d'expériences reliées à l'hétérosexisme (ex. l'entrée à la garderie, l'utilisation du système de santé, etc.). Toutefois, en raison des nouvelles règles de filiation en vigueur depuis juin 2002, il est important que les enfants soient nés après cette date pour que les expériences puissent être semblables. Ceci dit, une entrevue téléphonique de présélection a été effectuée afin de valider l'admissibilité des répondantes aux critères de cette recherche. Aucun autre critère n'a été établi en ce qui a trait aux variables sociodémographiques telles que l'âge des mères, le niveau de scolarité, le statut d’emploi, le revenu et l’état civil. Une mixité de ces variables était même souhaitable afin d'obtenir différents points de vue et ainsi rejoindre un maximum de femmes. Un questionnaire sociodémographique (Annexe 1) a d’ailleurs été rempli par les répondantes afin de dresser un portrait sommaire de ces femmes et ainsi vérifier la variété des profils. Ces données sont présentées sous forme de tableau au chapitre suivant.

6 Le donneur connu fait partie intégrante du portrait familiale, alors que le rôle du donneur inconnu est limité au don de sperme.

(30)

23

3.5

É

CHANTILLONNAGE ET MÉTHODE D

'

ÉCHANTILLONNAGE

Considérant qu'il s'agit d'une étude sur une population très précise, mais difficilement identifiable; l'échantillon a été constitué selon la méthode non probabiliste. L'échantillon a été composé de volontaires puisqu’il aurait été inconcevable d'établir un échantillon aléatoire de la population à l'étude dans le cadre de cette recherche (Ouellet & St-Jacques, 2000). Considérant aussi que l'homoparentalité est une caractéristique difficilement observable; envisager toute autre technique d'échantillonnage se serait avéré complexe. Initialement, un échantillon comprenant entre 8 et 12 candidates était envisagé. Au cours de la période de recrutement, huit femmes ont accepté de participer à la recherche. Les méthodes de recrutement pour atteindre ces femmes se sont effectuées à l'aide des organismes LGBT et les organismes dédiés à la famille. De plus, des annonces de recrutement ont été communiquées par le biais des médias sociaux aux groupes LGBT (ex. Facebook) ainsi qu'à la communauté universitaire de l'Université Laval. Afin d’obtenir un nombre suffisant de répondantes, l’échantillonnage « boule de neige » a aussi été utilisé.

3.6

C

OLLECTE DES DONNÉES

Étant donné que l'intérêt derrière ce projet est le sens donné à l'expérience subjective des mères sociales en lien avec la maternité, l'entrevue de recherche semi-dirigée a été utilisée dans le cadre de ce mémoire. Ce type d'entrevue assure un certain niveau de liberté tout en encadrant le déroulement de l'entrevue. Comme il est suggéré par Mayer et Saint-Jacques (2000), les principaux points à aborder qui se trouvent en annexe 2 ont été fournis aux candidates avant la tenue de l'entrevue. En plus d'être la forme la plus utilisée (Mayer & Saint-Jacques, 2000; Royer, Baribeau & Duschesne, 2009), il s'agit d’un type d'entretien sécurisant pour le chercheur débutant. Ainsi, ce dernier peut aller suffisamment en profondeur dans les thèmes qu'il souhaite traiter avec le répondant, tout en suivant une structure préétablie. Afin d'aborder les principaux thèmes présentés dans la grille d'entrevue, la durée des entretiens a varié entre 60 à 90 minutes selon les répondantes.

3.7

M

ÉTHODE D

'

ANALYSE

L’analyse de contenu thématique est apparue la plus appropriée pour ce type de recherche puisque cela permet de regrouper et de catégoriser les éléments ressortant des entretiens réalisés.

(31)

24

Mayer et Deslauriers (2000) suggèrent quatre étapes essentielles à l’analyse de contenu; la préparation du matériel; la préanalyse; le codage du matériel ainsi que l’interprétation des résultats. D’abord, chacun des entretiens a été intégralement retranscrit à l’aide du logiciel de traitement de texte Word. Par la suite, les entretiens ont été relus à maintes reprises afin de se familiariser avec leur contenu. À cette étape, des éléments significatifs aux yeux de la chercheure concernant les principales dimensions du guide d’entrevue (Annexe 2) ont été surlignés. Les données retenues pour élaborer la grille de codifications ont donc été choisies en fonction des grandes dimensions issues du modèle de Bajoit (1997) soit : (1) l’accomplissement personnel (2) la reconnaissance sociale (3) et la consonance existentielle qui ont ensuite été subdivisées en différentes sous-dimensions. Cette catégorisation a facilité une analyse et une interprétation la plus précise possible en fonction de la question de recherche ainsi que dans l’optique d’en dégager des hypothèses recevables.

3.8

C

ONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES

La présente recherche a été soumise à l'évaluation du Comité de recherche de l'Université Laval, puisque ce mémoire fait appel à la participation de sujets humains. Cette démarche a permis de démontrer que toutes les mesures possibles ont été prises en considération afin de respecter l'intégrité et la dignité des répondants. Plusieurs mesures ont donc été appliquées. D'abord, les buts et les objectifs poursuivis par cette recherche ont été clairement détaillés dans l'affiche de recrutement destinée aux organismes (Annexe 3) ainsi que l'annonce de recrutement envoyée par le biais de l'Université Laval (Annexe 4). Par la suite, l'accord de chacune des participantes pour participer à la recherche a obligatoirement été obtenu par la signature du formulaire de consentement (Annexe 5). Les éléments contenus dans ce formulaire ont été expliqués aux participantes afin de leur permettre de fournir un consentement libre et éclairé. Les moyens comme l'utilisation de noms fictifs, le rangement du matériel confidentiel sous clé ainsi que sa destruction après la diffusion des résultats garantissent également aux répondantes la confidentialité de la démarche. Les avantages et inconvénients de participer à cette recherche y ont aussi été exposés. Pour terminer, une liste des ressources d'aide disponibles (Annexe 6) a systématiquement été remise à chacune des participantes advenant qu'un besoin de soutien se fasse sentir suite à l'entrevue.

(32)

25

C

HAPITRE

4

P

RÉSENTATION DES RÉSULTATS

Avant de présenter l'ensemble des résultats, il convient de dresser une description des éléments sociodémographiques de l'échantillon (Tableau 4.1) suivie d’une courte description individuelle du parcours de chacune des participantes. À noter que des noms fictifs ont été utilisés afin d’empêcher l’identification des participantes. Par la suite, les données recueillies durant les entretiens sont présentées en lien avec les trois grandes dimensions du modèle de Bajoit (1997) utilisées dans le guide de l'entrevue, soit l'accomplissement personnel, la reconnaissance sociale ainsi que la consonance existentielle. Finalement, les éléments prédominants ressortant de l'analyse thématique sont présentés dans l’optique de formuler une première ébauche de réponse à la question de recherche.

4.1

P

ROFIL DES RÉPONDANTES

Dans cette recherche, l'échantillon utilisé compte huit femmes réparties dans plusieurs régions du Québec. De ce nombre, trois des répondantes sont âgées entre 18 et 29 ans, trois autres ont entre 30 et 39 ans alors que les deux dernières entre 40 et 49 ans. La plupart d'entre elles (n=6) proviennent d'un milieu urbain, soit 100 000 habitants ou plus (Statistique Canada, 2015). La majorité (n=7) des répondantes ont fait des études collégiales, dont quatre détiennent au minimum un baccalauréat. La totalité de ces femmes (n=8) occupe un emploi à temps plein leur rapportant un revenu annuel situé entre 30 000$ et 79 999$. Ces éléments sont illustrés dans le tableau suivant.

Figure

Tableau 1 : Schéma explicatif
Tableau 2 : Données sociodémographiques
Tableau 3 : Schéma explicatif appliqué

Références

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