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La personnalité limite à l’adolescence : facteurs étiologiques de la sévérité des comportements d’automutilation non suicidaire et de tentatives de suicide

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Academic year: 2021

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La personnalité limite à l’adolescence :

facteurs

étiologiques de la sévérité des comportements

d’automutilation non suicidaire et de tentatives de

suicide

Mémoire doctoral

Lydia Vallières

Doctorat en psychologie

Docteure en psychologie (D. Psy.)

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La personnalité limite à l’adolescence : Facteurs étiologiques de la sévérité

des comportements d’automutilation non suicidaire et de tentatives de suicide

Mémoire doctoral

Lydia Vallières

Sous la direction de :

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Résumé

Le trouble de la personnalité limite (TPL) est une psychopathologie complexe et sévère longtemps considérée comme apparaissant à l’âge adulte. Il est désormais reconnu comme survenant entre la puberté et le début de l’âge adulte. Bien que le TPL ait été largement étudié chez les adultes, la recherche auprès des adolescents en est encore à ses débuts. Le TPL est le seul trouble du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux 5e édition (APA, 2013) à inclure parmi ses critères la présence de comportements automutilatoires et/ou suicidaires. Bien que l’automutilation non-suicidaire (AMNS) survienne habituellement à l’adolescence et que le TPL soit le trouble présentant le plus haut risque suicidaire, peu d’études se sont penchées sur ces problématiques particulières qui touchent pourtant une proportion importante des adolescents limites. Ce mémoire doctoral a comme premier objectif d’examiner la fréquence de l’AMNS et de la tentative de suicide chez les adolescents de la communauté qui présentent ou non un TPL. Le second objectif de ce projet de recherche est d’explorer la contribution relative d’un vécu de trauma et de l’agressivité sur la sévérité des comportements autodestructeurs (c.-à-d. AMNS et TS) en considérant l’effet médiateur des traits de personnalité limite. Des questionnaires ont été complétés par 479 adolescents âgés de 12 à 21 ans recrutés dans les écoles secondaires de la ville de Québec. D’une part, les adolescents présentant un TPL sont plus susceptibles de s’engager dans de l’AMNS et de faire une tentative de suicide. Ils ont également tendance à rapporter un nombre légèrement supérieur d’épisodes d’AMNS. D’autre part, l’abus sexuel contribue directement à la sévérité des comportements autodestructeurs, alors que la contribution de l’agressivité s’effectue via la personnalité limite et elle est modérée par l’âge.

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Table des matières

Résumé ... iii

Listes des tableaux ... v

Listes des figures ... vi

Listes des abréviations ... vii

Remerciements ... viii

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Contexte théorique ... 2

Le trouble de la personnalité limite ... 2

L’automutilation non suicidaire ... 4

Les tentatives de suicide ... 7

Le trauma ... 10 L’agressivité ... 12 Objectifs et hypothèses ... 14 Chapitre 2 : Méthodologie ... 15 Participants ... 15 Procédure ... 15 Mesures ... 16

Borderline Personality Feature Scale for Children (BPFS-C) ... 16

Functional Assessment of Self-Mutilation (FASM) ... 16

Childhood Experience of Care and Abuse-Questionnaire (CECA-Q) ... 17

Child Behavior Checklist-Youth Self-Report (CBCL-YSR) ... 18

Analyses statistiques ... 18

Chapitre 3 : Résultats ... 20

Chapitre 4 : Discussion ... 23

Limites et recherches futures ... 28

Conclusion ... 32

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Listes des tableaux

Tableau 1 Fréquences relatives à la présence ou l’absence d’AMNS dans les 12 derniers mois selon la présence ou l’absence d’un TPL………..………...48 Tableau 2 Fréquences relatives à la présence ou l’absence de TS dans les 12 derniers mois selon la présence ou l’absence d’un TPL……...………...49 Tableau 3 Statistiques descriptives en fonction de l’âge ainsi que pour l’échantillon total..50 Tableau 4 Corrélations entre la personnalité limite, la sévérité des comportements

autodestructeurs, l’agressivité et le trauma pour l’échantillon total…...………...51 Tableau 5 Corrélations entre la personnalité limite, la sévérité des comportements

autodestructeurs, l’agressivité et le trauma pour les moins de 15 ans………..52 Tableau 6 Corrélations entre la personnalité limite, la sévérité des comportements

autodestructeurs, l’agressivité et le trauma pour les 15 à 21 ans………..53 Tableau 7 Résultats du modèle de médiation modéré pour expliquer la sévérité des

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Listes des figures

Figure 1 Distribution du nombre d’épisodes d’AMNS dans les 12 derniers mois selon la présence ou l’absence d’un TPL………...55 Figure 2 Modèle de médiation modéré pour expliquer la sévérité des comportements

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Listes des abréviations TPL Trouble de la personnalité limite PL Personnalité limite

AMNS Automutilation non-suicidaire TS Tentatives de suicide

CS Comportements suicidaires

BPFS-C Borderline Personality Feature Scale for Children FASM Functional Assessment of Self-Mutilation

CECA-Q Childhood Experience of Care and Abuse-Questionnaire CBCL-YSR Child Behavior Checklist-Youth Self-Report

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Remerciements

Le présent mémoire doctoral n'aurait pu être réalisé sans la contribution de plusieurs personnes qui m’ont accompagnée au cours de mon parcours doctoral. Les lignes suivantes visent donc à témoigner de l’énorme reconnaissance et la gratitude que j’éprouve envers ces personnes qui m’ont aidée à garder le cap vers mon objectif et à croire en ma capacité à l’atteindre.

Je tiens d’abord à remercier ma directrice de mémoire doctoral, Mme Lina Normandin. Vous avez su me traduire votre intérêt pour les troubles de la personnalité et le travail avec les adolescents. Je tiens également à remercier à M. Stéphane Sabourin, professeur et membre de mon comité de mémoire doctoral, pour votre soutien et votre apport au présent mémoire doctoral. Un grand merci à Michaël et Hélène pour votre aide et votre guidance au cours de la réalisation de ce beau projet.

Merci à ma grande amie, Sarah Chabot, avec qui j’ai traversé en simultané l’expérience du doctorat en psychologie. Tu as su rendre ce long parcours rempli d’angoisses, de frustrations et de petites victoires d’autant plus agréable par ta présence et ton amitié. Mes amies de longue date, Camille, Claudie, Caroll-Ann, pour n’en nommer que quelques-unes, merci pour votre support et vos encouragements. Vous m’avez aidée à décrocher lorsque j’en avais besoin. Sans le savoir, vous m’avez aidée à terminer.

Les membres de ma famille ont été présents pour moi tout au long de mon cheminement. Un merci bien spécial à mes parents, Dominic et Julie, de m’avoir toujours aidée (à tous les niveaux!) et encouragée à réaliser mon doctorat. Tout comme mon frère et ma sœur, Félix et Laurie-Ann, je vous suis infiniment reconnaissante pour votre écoute, votre support, vos mots qui m’ont motivée à continuer, et, plus spécialement, d’avoir toujours cru en moi et en mes capacités d’atteindre mes rêves peu importe leur grandeur.

Enfin, Louis-Félix, merci pour ta patience à travers mes moments de frustrations et de découragements. Je te remercie de m’avoir permis de penser à autre chose qu’aux études et d’avoir apporté un équilibre à ma vie. Tu as toujours su très bien user d’humour pour me changer les idées. Merci de m’avoir accompagnée et supportée à travers ce parcours tumultueux tout en te réalisant dans tes études et ta carrière. Merci, finalement, d’être à mes côtés et d’embellir autant ma vie.

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Introduction

Le trouble de la personnalité limite (TPL) est une psychopathologie associée à une souffrance et à un dysfonctionnement important. Bien qu’il soit reconnu que les premiers symptômes sont d’abord observés durant l’adolescence (Winsper et al., 2015), peu est actuellement connu sur les débuts de la pathologie (Chanen, 2015). Une des problématiques majeures associées au TPL est la forte prévalence d’automutilation non-suicidaire (AMNS) et de tentatives de suicide (TS; Goodman et al., 2017; Kaess, Brunner et Chanen, 2014, 2017; Muehlenkamp et al., 2011). Or, peu d’études se sont centrées sur les facteurs étiologiques de ces comportements autodestructeurs chez les adolescents et encore moins ont examiné les facteurs distinguant ceux qui se mutilent de ceux qui font une TS. Dans le but d’intervenir de manière adaptée afin de réduire les comportements autodestructeurs au début de leur développement, il est primordial que la recherche s’intéresse aux facteurs associés à la sévérité de l’AMNS et des TS.

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Chapitre 1 : Contexte théorique Le trouble de la personnalité limite

Le TPL est une psychopathologie complexe et sévère (Desrosiers et Paquette, 2016) caractérisée par une instabilité marquée au niveau de la régulation des émotions, du contrôle des impulsions, des relations interpersonnelles et de l’image de soi (American Psychiatric Association [APA], 2013). Il est associé à une souffrance et à un dysfonctionnement important. Il s’agit d’un trouble psychiatrique difficile à traiter et qui entraîne des coûts sociaux et économiques élevés (Lieb, Zanarini, Schmahl, Linehan et Bohus, 2004; Salvador-Carulla et al., 2014). Chez les adolescents et les jeunes adultes, ces taux se situent entre 1% et 3% dans la population générale (Zanarini et al., 2011), 11% à 27% chez les patients suivis en ambulatoire (Chanen, 2004; Ha, Balderas, Zanarini, Oldham et Sharp, 2014) et atteignent 43% à 49% de la population psychiatrique hospitalisée (Levy et al., 1999).

Bien que le TPL ait longtemps été considéré comme un trouble apparaissant à l’âge adulte, il est désormais reconnu comme survenant entre la puberté et le début de l’âge adulte (Bornovalova, Hicks, Iacono et McGue, 2009; Chanen, 2015; Crowell, Beauchaine et Linehan, 2009; Miller, Muehlenkamp et Jacobson, 2008). Néanmoins, peu est actuellement connu sur les débuts de la pathologie (Chanen, 2015). Bien que des études aient démontré que les symptômes atteignent leur apogée entre 14 et 17 ans (Bornovola et al., 2009), certains cliniciens demeurent réticents à l’idée de poser ce diagnostic avant l’âge de 18 ans (Griffiths, 2011; Paris, 2013).

Plusieurs raisons peuvent expliquer la réticence à poser un tel diagnostic durant cette période développementale. Notamment, certains considèrent que les manifestations du TPL à l’adolescence seraient mieux expliquées par des symptômes d’un trouble de l’Axe I (Chanen, Jovev et Jackson, 2007). Pourtant, de plus en plus d’études rapportent une dissociation en regard à l’évolution et à l’issue de la pathologie entre le TPL et les troubles de l’Axe I (Bornovalova et al., 2009; Crick et al., 2005).

D’autres auteurs s’opposent à l’utilisation du diagnostic de TPL chez les adolescents de par leurs doutes quant à sa stabilité (Johnson, Chen et Cohen, 2004; Levy et al., 1999),

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considérant le manque de constance de la personnalité durant l’adolescence en raison des nombreux processus développementaux en cours (Meijer, Goedhart et Treffers, 1998). En effet, certains chercheurs et cliniciens croient que les symptômes sont transitoires et propres à la période de l’adolescence, c’est-à-dire qu’il se résorbent avec le temps (Paris, 2014). Notamment, des études empiriques indiquent que les traits de désinhibition et d’affect négatif tendent à diminuer entre l’adolescence et l’âge adulte; reflétant un niveau de maturité accru et une capacité à s’adapter à des exigences environnementales de plus en plus difficiles (Blonigen et al., 2009 ; Bornovalova et al., 2009). Or, des études réalisées auprès d’adultes présentant un TPL rapportent que la stabilité des symptômes est moindre qu’on ne le pensait auparavant, bien que leur validité prédictive soit considérable (Gunderson et al., 2011; Hopwood et Zanarini, 2010). En effet, la recherche indique que le TPL n’est pas un trouble chronique qui perdure tout au long de la vie, mais est plutôt marqué par des phases aigues (Bornovalova et al., 2009; Gunderson et al., 2011; Zanarini et al., 2004), ce qui signifie que les individus atteints par cette pathologie ne présentent pas de symptômes élevés et constants, ceux-ci variant en nombre et en intensité entre autres selon des circonstances environnementales (Crowell et al., 2009; Selby et Joiner, 2009). La recherche suggère donc que l’instabilité de la présentation clinique associée au diagnostic de TPL n’est pas propre aux adolescents (Bornovalova et al., 2009; Chanen et al., 2004; Miller et al., 2008; Stepp et al., 2014; Winsper et al., 2015).

Des appuis empiriques existent également concernant la validité prédictive du diagnostic de TPL durant l’adolescence (Fonagy et al., 2015; Johnson et al., 2004; Kaess et al., 2014), celui-ci prédisant des déficits dans le fonctionnement jusqu’à 20 ans plus tard (Winsper et al., 2015). La validité et la fiabilité du diagnostic de TPL à l’adolescence sont également appuyées empiriquement (Chanen et Kaess, 2012; Kaess et al., 2014; Miller, Esposito-Smythers, Weismoore et Renshaw, 2013).

Enfin, une récente méta-analyse (Winsper et al., 2016) s’est penchée sur la validité étiologique et psychopathologique du TPL chez les adolescents. La validité étiologique fait référence au degré auquel le TPL chez les adolescents est associé à des facteurs de risque similaires à ceux retrouvés chez l’adulte (Van Os, Linscott, Myin-Germeys, Delespaul et

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dans laquelle les adolescents ayant un TPL présentent des profils de comorbidité, de symptômes et de comportements inadaptés semblables à ceux des adultes limites (Van Os et al., 2009). Les résultats indiquent que le TPL chez les adolescents partage un certain nombre de caractéristiques psychopathologiques et étiologiques communes au TPL chez les adultes (Winsper et al., 2016), ce qui suggère que le TPL à l’adolescence est un concept valable. Notamment, on note un taux de prévalence élevé de psychopathologies comorbides et de suicidalité au sein des deux groupes d’âge, de même que l’association à des facteurs de risques similaires, tels que l’abus sexuel, physique et psychologique et la négligence (Winsper et al., 2016). Les conclusions appuient donc la reconnaissance clinique de la pathologie chez les adolescents (Winsper et al., 2016).

Bref, malgré une longue controverse entourant le diagnostic de TPL chez les individus âgés de moins de 18 ans, le TPL à l’adolescence est de plus en plus reconnu comme une pathologie légitime et qui mérite une intervention et un traitement précoce (Chanen, 2015). Il est d’ailleurs désormais inclus dans le DSM-5 (APA, 2013) et est reconnu par le UK National Institute for Clinical Excellence (NICE, 2009). La réticence de certains à poser un tel diagnostic auprès d’adolescents manifestant des symptômes limites entraîne néanmoins de mauvais diagnostics (Paris, 2013) et des interventions précoces peuvent être manquées (Chanen, Jovev, McCutcheon, Jackson et McGorry, 2008). De ce fait, la recherche clinique démontre une réduction significative des symptômes limites et des dysfonctionnements associée à des interventions durant l’adolescence (Hawes, 2014). En ce sens, il est primordial que davantage d’études se penchent sur le TPL à l’adolescence afin d’appuyer le diagnostic dès un jeune âge et ainsi favoriser une intervention précoce. L’automutilation non suicidaire

Un des critères diagnostiques du TPL est la présence de comportements, de gestes ou de menaces d’automutilation (APA, 2013). L’association entre le TPL et l’AMNS est d’ailleurs rapportée dans diverses études cliniques (Crowell et al., 2012; Muehlenkamp, Ertelt, Miller et Claes, 2011; Sadeh et al., 2014) et communautaires (Brickman, Ammerman, Look, Berman et McCloskey, 2014; Cerutti, Manca, Presaghi et Gratz, 2011; Klonsky et Olino, 2008). Les études rapportent que l’apparition de l’AMNS survient habituellement à l’adolescence, plus précisément entre 11 et 15 ans (Glenn et Klonsky,

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2011; Klonsky, 2011). En effet, le TPL est associé à une très forte prévalence d’AMNS chez les adolescents allant jusqu’à 91 à 100% des cas (Chanen et al., 2007; Goodman et al., 2017; Kaess, Fischer-Waldschmidt, Resch et Koenig, 2017).

De plus en plus de preuves soulignent l’importance du TPL dans le développement de comportements d’AMNS chez les adolescents (Goodman, Roiff, Oakes et Paris, 2012). L’adolescence est une période développementale critique pour comprendre la relation entre l’AMNS et le TPL considérant que l’AMNS atteint son pic durant cette période (Klonsky, 2011; Whitlock, Eckenrode et Silverman, 2006), et que les traits limites commencent à se cristalliser au même moment (APA, 2013; Crowell et al., 2009; Sadeh et al., 2014). Il est donc primordial que des études s’attardent davantage aux facteurs qui potentialisent l’AMNS chez les adolescents limites, particulièrement considérant qu’il s’agit d’une période durant laquelle le développement de stratégies adaptatives de régulation émotionnelle est crucial à la régulation des émotions et à la santé mentale futures (Ahmed, Bittencourt-Hewitt et Sebastian, 2015).

L’AMNS fait référence à une blessure auto-infligée, détruisant directement et délibérément le tissu corporel, sans intention suicidaire consciente et qui n’entraîne pas de blessure manifestement mortelle (Nock, 2010). Elle inclut un large éventail de comportements, tels que se couper, se gratter au point de saigner, se brûler, se mordre, s’infliger des coups engendrant des ecchymoses et interférer avec la cicatrisation (Nock, 2010). Plus de la moitié des automutilateurs ont recours à plusieurs méthodes (50-70%; Klonsky, 2011; Whitlock et al., 2006). Ces comportements peuvent survenir de manière épisodique ou récurrente (Sarno, Madeddu et Gratz, 2010). La sévérité des symptômes limites est d’ailleurs associée à une plus grande probabilité que les comportements d’AMNS soient répétitifs (Muehlenkamp et al., 2011).

Par ailleurs, il est reconnu que les individus atteints d’un TPL endossent généralement un grand nombre de fonctions d’AMNS (Brausch, Muehlenkamp et Washburn, 2016), suggérant une généralisation de tels comportements au quotidien (Vega et al., 2017). L’AMNS survient généralement au cours d’un épisode d’émotions négatives

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par divers motifs psychologiques regroupés en deux catégories, soit les fonctions intrapersonnelles et les fonctions interpersonnelles (Bentley, Nock et Barlow, 2014; Klonsky, 2007). Les fonctions intrapersonnelles sont associées à des changements dans l’état interne. Elles incluent entre autres la régulation des états internes (Andover et Morris, 2014; Jacobson et Gould, 2007; Kleindienst et al., 2008; Klonsky, 2009; Sadeh et al., 2014; Selby et Joiner, 2009), l’atténuation de la dysphorie liée aux évènements stressants (Gunderson & Ridolfi, 2001), le déplacement de l’attention d’une douleur psychologique vers une douleur physique (Paris, 2005), l’autopunition liée à un sentiment de culpabilité (Kleindienst et al., 2008; Paris, 2005; Sadeh et al., 2014) et la tentative de traitement des états dissociatifs, c’est-à-dire retrouver un certain contact avec soi-même (Paris, 2005). Les fonctions interpersonnelles impliquent quant à elles des changements dans l’environnement externe (Klonsky et Glenn, 2009), ce qui renvoie, par exemple, à la communication à autrui d’une détresse profonde (Paris, 2005), au fait de tisser des liens entre les pairs, au désir de vengeance (Klonsky et Glenn, 2009), etc. Des processus de renforcement, positif et négatif, sont également impliqués dans le maintien de l’AMNS : l’AMNS peut susciter le soutien d’autrui (renforcement interpersonnel positif), atténuer les critiques sévères d’autrui (renforcement interpersonnel négatif), augmenter le sentiment de maîtrise de soi (renforcement intrapersonnel positif) ou atténuer les affects négatifs (renforcement intrapersonnel négatif; Nock, 2010).

Selon deux études récentes portant sur l’AMNS chez des adolescents et des jeunes adultes limites (Andrewes, Hulbert, Cotton, Betts et Chanen, 2018; Vega et al., 2017), une seule étude (Sadeh et al., 2014) a étudié les motifs entourant l’engagement dans l’AMNS chez les adolescents atteints d’un TPL. En utilisant un modèle multidimensionnel, Sadeh et ses collaborateurs (2014) ont établi que les fonctions intrapersonnelles et interpersonnelles de l’AMNS sont liées à différents groupes de symptômes limites. Ils ont trouvé que les symptômes de dérégulation émotionnelle sont positivement liés aux fonctions intrapersonnelles de l’AMNS, alors que les symptômes de perturbation relationnelle sont positivement liés aux fonctions interpersonnelles de l’AMNS. Ces premiers résultats ont d’ailleurs été appuyés par l’étude de Vega et ses collaborateurs (2017). Les conclusions de Sadeh et ses collaborateurs (2014) confirment également les résultats d’études précédentes (Klonsky, 2007; Muehlenkamp, Brausch, Quigley et Whitlock, 2013; Zetterqvist, Lundh,

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Dahlström et Svedin, 2013) concluant que les fonctions interpersonnelles de l’AMNS sont moins fréquentes que les fonctions intrapersonnelles, ce qui réfute la croyance que l’AMNS chez les patients limites est principalement motivée par un désir de manipuler les autres ou encore d’attirer l’attention (Vega et al., 2017). En effet, la régulation émotionnelle serait le motif premier, présentée par plus de 90% des individus (Andrewes et al., 2018; Klonsky et Glenn, 2009; Sadeh et al., 2014; Selby et Joiner, 2009), suivie par l’autopunition (Sadeh et al., 2014). Considérant que les adolescents atteints d’un TPL ont davantage de symptômes de dérégulation émotionnelle (Glenn et Klonsky, 2009), on note que ceux-ci s’engagent plus fréquemment dans des comportements d’AMNS que les adultes (Turner et al., 2015). Néanmoins, lors d’un dysfonctionnement interpersonnel cliniquement significatif, les conflits interpersonnels représentent un déclencheur important de l’AMNS, et ainsi une cible d’intervention à ne pas négliger (Sadeh et al., 2014; Muehlenkamp et al., 2013). Il est à noter qu’aucune étude (Sadeh et al., 2014; Vega et al., 2017) n’a démontré d’associations entre les symptômes de dérégulation comportementale du TPL et les différentes fonctions de l’AMNS.

En outre, en plus du fait que jusqu’à 80% des patients diagnostiqués avec un TPL afficheront des comportements d’AMNS (Snir et al., 2015; Zanarini, Frankenburg, Hennen et Silk, 2003), il s’agit du trouble ayant le plus haut risque suicidaire. La littérature suggère que 70% des patients limites feront une tentative de suicide au cours de leur vie (Gunderson et Links, 2008). Parmi ceux-ci, 8% à 10% mourront éventuellement par suicide (APA, 2013), ce qui représente un risque 400 fois plus élevé qu’en population générale (Gunderson et Ridolfi, 2001). Il est donc peu dire que le TPL représente un problème important de santé publique en termes de mortalité (Oumaya et al., 2008).

Les tentatives de suicide

Les idéations suicidaires font référence à la réflexion, aux pulsions et à l’intention de s’engager dans des comportements suicidaires (Nock, 2010; Goodman et al., 2012). La littérature indique une prévalence d’idéations suicidaires chez les adolescents supérieure à n’importe quel autre groupe d’âge (Nock et al., 2008). Les comportements suicidaires (CS) comprennent la TS et le suicide. Ils font référence à un acte autodestructeur dans lequel un

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mais pas de la TS (Goodman et al., 2012; Nock, 2010). Les CS ont tendance à se manifester à la fin de l’adolescence (Darke, Torok, Kaye et Ross, 2010; Nock et al., 2008). Néanmoins, ils représentent actuellement un problème de santé majeur au sein de la population adolescente (Goldsmith, Pellmar, Kleinman et Bunney, 2002), constituant la troisième cause de décès chez les individus âgés de 10 à 24 ans (World Health Organization, 2014). Il est à noter que le rapport est de 1:100 entre le suicide complété et les TS (Gould, Greenberg, Velting et Shaffer, 2003). En ce sens, considérant l’impact considérable sur la santé publique et la possibilité que les comportements non létaux deviennent fatals, il est essentiel que la recherche s’attarde davantage aux facteurs de risque de tels comportements auprès des adolescents (Glenn, Bagge et Osman, 2013) et éventuellement aux mécanismes sous-jacents.

Tel qu’indiqué par Boisseau et ses collaborateurs (2013), le TPL est le seul trouble psychiatrique significativement plus fréquent chez les patients faisant des TS récurrentes. En effet, 60 à 70% des individus atteints d’un TPL présentent des CS (Oldham, 2006). Comme les comportements et les idéations suicidaires font partie de la définition même du TPL (APA, 2013) et qu’une forte association entre cette pathologie et le risque suicidaire chez les adultes est bien établie (Evren et al., 2011; Soloff et Chiappetta, 2012), certaines études suggèrent également une association entre le TPL et le risque suicidaire chez les adolescents (Goodman et al., 2017; Jacobson, Muehlenkamp, Miller et Turner, 2008;Kaess et al., 2017; Muehlenkamp et al., 2011). Considérant que l’adolescence est une période marquée par des dérèglements émotionnels, lesquels sont également typiques du TPL, et qu’un lien soit établi entre la dérégulation émotionnelle chez les adolescents et les CS (Esposito, Spirito, Boergers et Donaldson, 2003; Spirito, Valeri, Boergers et Donaldson, 2003), une attention particulière de la part des chercheurs et des cliniciens doit être portée aux adolescents limites (Selby et Yen, 2014).

Par ailleurs, la prédiction du risque suicidaire réel au sein de cette population est particulièrement difficile. D’une part, les TS de faible létalité sont plus fréquentes chez le TPL comparativement aux autres pathologies (Stanley et Brodsky, 2001). Les comportements suicidaires peuvent être perçus comme une recherche d’attention et de la manipulation par les cliniciens et l’entourage (Stanley et Brodsky, 2001). S’ajoute à cela le

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fait que les facteurs précipitants apparaissent souvent comme triviaux aux yeux des autres (p. ex. un nouveau copain annule une sortie; Stanley et Brodsky, 2001). Par conséquent, cela mène à une complexité au niveau de l’évaluation du risque suicidaire, rendant plus difficile de statuer sur l'imminence de l'agir (Stanley et Brodsky, 2001). Or, pour l’individu vivant avec un TPL, de tels évènements sont souvent perçus comme une confirmation d’un sentiment intense de méchanceté ou d’indignité, ce qui en retour peut rapidement engendrer des tendances suicidaires (Stanley et Brodsky, 2001). D’autre part, les résultats d’une étude longitudinale (Selby et Yen, 2014) portant sur les idéations suicidaires chez une population d’adolescents limites post-hospitalisation indiquent une plus grande instabilité des idéations suicidaires comparativement à une population adulte, correspondant au stade développemental de ces premiers. Or, cela ne signifie pas que la problématique est moins grave ou encore qu’il faille moins s’inquiéter, mais plutôt qu’il est plus difficile de prédire le risque suicidaire et ainsi, davantage d’attention de la part des chercheurs et des cliniciens doit être portée à cette problématique (Selby et Yen, 2014).

Tout comme l’AMNS, les TS chez les individus limites sont précoces et répétitives (Venta, Ross, Schatte et Sharp, 2012). En effet, la recherche indique que les idéations suicidaires sont plus fréquentes et apparaissent plus tôt dans la vie chez les adolescents limites comparativement au groupe contrôle (Venta et al., 2012). De plus, les résultats d’études empiriques démontrent qu’en moyenne, les individus atteints d’un TPL font trois TS au cours de leur vie (Gunderson et Ridolfi, 2001). Cette multiplicité n’exclut toutefois pas le caractère potentiellement grave de ces actes considérant que le nombre de tentatives antérieures est un prédicteur du risque de tentatives futures et de la létalité (65% des suicides complétés ayant des antécédents de TS; Soloff, Fabio, Kelly, Malone et Mann, 2005).

Par ailleurs, les moyens les plus couramment utilisés pour attenter à sa vie sont la surdose et se couper, et ce autant chez les adolescents que chez les adultes présentant un TPL (Goodman et al., 2017). Les motifs menant un individu limite à attenter à sa vie sont particuliers. Au sein de la population générale, les motifs premiers de TS sont pour soulager la détresse ou mettre fin à ses jours (Scoliers et al., 2009), alors que les individus atteints

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d’un TPL se livrent à de tels actes davantage pour en retirer un soulagement émotionnel ou pour influencer les autres à agir différemment (Brown, Comtois et Linehan, 2002).

Bref, considérant le caractère chronique et saillant des tendances suicidaires et de l’AMNS chez les individus limites, l’exploration d’un continuum entre ces deux types de comportements autodestructeurs, ainsi que la mise à jour de mécanismes explicatifs de cette transition, s’avèrent essentielles pour mieux comprendre ces phénomènes. Ceci aurait des retombées tant pour l’évaluation et la prise en charge appropriées du risque suicidaire chez ces individus qui représentent un des plus grands défis pour la psychiatrie moderne (Goodman et al., 2012).

Le trauma

Un des facteurs de risque bien connu de l’AMNS (Lang et Sharma-Patel, 2011; Levesque, Lafontaine, Bureau, Cloutier et Dandurand, 2010; Maniglio, 2011; Pierro, Sarno, Perego, Gallucci et Madeddu, 2012; Tatnell, Hasking, Newman, Taffe et Martin, 2017) et des CS (Krysinska, Heller et De Leo, 2006; Oldham, 2006; Soloff, Lynch et Kelly, 2002) est la présence de traumas actuels ou passés. Diverses formes de traumas vécus par les adolescents sont recensées dans la littérature.

À cet égard, l’abus physique fait référence à la violence exercée sur l’enfant par les parents. Elle est définie en termes de coups infligés par les parents ou d’autres membres plus âgés du ménage. Cela comprend une gamme d’attaques, mais celles dites plus sévères sont généralement des attaques répétées où des outils tels que des ceintures ou des bâtons sont utilisés, ou encore où des coups de poing ou de pied peuvent survenir causant des dommages (Bifulco, Bernazzani, Moran et Jacobs, 2005). L’abus physique implique presque toujours un contact physique, à l’exception des menaces avec des armes ou des tentatives d’infliger des blessures (Smith, Lam, Bifulco et Checkley, 2002). L’intensité de l’attaque et la fréquence sont des indicateurs de sévérité (Falgares et al., 2018).

Pour sa part, l’abus sexuel désigne un contact physique ou une approche de nature sexuelle, inadaptée à l’âge par un adulte avec l’enfant (Bifulco et al., 2005). Il implique les expériences sexuelles non désirées, où l’enfant ou l’adolescent a été forcé d’avoir des rapports sexuels contre son gré, ainsi que les expériences troublantes avec une personne en

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position d’autorité (Smith et al., 2002). Cela exclut toutefois les contacts sexuels volontaires avec des pairs (Bifulco et al., 2005). La gravité de l’acte dépend des facteurs suivants : le degré de l’intrusion du contact sexuel, la relation de confiance avec l’auteur, la fréquence et la durée de l’abus (Falgares et al., 2018).

Pour ce qui est de l’abus psychologique, ceci fait référence à une relation caractérisée par le contrôle et la dominance de la part des figures parentales envers l’enfant, comprenant des comportements tels qu’humilier, terroriser, exploiter, corrompre, priver intentionnellement de besoins ou d’objets de valeur, ainsi que désorienter cognitivement (Falgares et al., 2018). La gamme des expériences et la fréquence de celles-ci déterminent la sévérité (Falgares et al., 2018).

Par ailleurs, la négligence parentale fait référence à la négligence des besoins matériels, physiques, sociaux, éducatifs et affectifs de l’enfant par le parent (Smith et al., 2002); alors que l’antipathie parentale reflète le degré de critique, d’aversion ou de froideur manifesté par le parent envers l’enfant (Smith et al., 2002). Cette dernière désigne l’hostilité, la froideur et le rejet de la part des parents envers l’enfant, dont des comportements de « bouc émissaire » (Bifulco et al., 2005). Le comportement des parents doit être suffisamment intense et omniprésent pour être qualifié d’antipathie parentale marquée (Bifulco et al., 2005). Enfin, la perte d’un parent fait référence au décès ou à la séparation parentale au cours d’une période d’un an ou plus (Falgares et al., 2018).

La sévérité de l’expérience traumatique vécue durant l’enfance est associée à la sévérité de l’acte autodestructeur ultérieur; un trauma plus sévère étant davantage associé à des TS qu’à de l’AMNS (Hamza, Stewart et Willoughby, 2012; Jacobson et al., 2008; Muehlenkamp et al., 2011; Whitlock et Knox, 2007). La multiplicité d’événements traumatiques a également un impact sur la gravité et la persistance de l’AMNS et des CS (Edwards, Holden, Felitti et Anda, 2003; Yates, 2004). Ceci dit, l’impact du trauma, surtout de l’abus sexuel, est particulièrement important à l’adolescence étant donné que les premières relations amoureuses et sexuelles ont lieu durant cette période (Ensink, Biberdzic, Normandin et Clarkin, 2015).

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Un historique de trauma représente également un important facteur de risque par rapport au développement du TPL, tel que démontré par des études rétrospectives et prospectives (Crawford, Cohen, Chen, Anglin et Ehrensaft, 2009; Venta et al., 2012; Winsper, Zanarini et Wolke, 2012). Notamment, l’étude de Venta et ses collaborateurs (2012) rapporte que 52,6% des adolescents ayant un diagnostic de TPL ont des antécédents d’abus sexuel, comparativement à 17.5% des adolescents présentant d’autres pathologies. De plus, les expériences traumatiques vécues durant l’enfance prédisent l’apparition précoce des symptômes du trouble (Belsky et al., 2012).

Considérant que la littérature associe le trauma à la fois au TPL et aux comportements autodestructeurs (c.-à-d. AMNS et CS), des études se sont penchées plus particulièrement sur la relation entre ces comportements et le trauma chez les sujets ayant un TPL. Elles concluent que le trauma représente un facteur de risque majeur de l’AMNS (Dubo, Zanarini, Lewis et Williams, 1997; Klonsky et Moyer, 2008) et des CS (Geissbühler et Links, 2009; Krysinska et al., 2006; Links, Kolla, Guimond et McMain, 2013; Soloff et al., 2002) chez les individus limites, ce qui va dans le même sens que les résultats d’études antérieures rapportant que le trauma est un important facteur de risque de ces deux comportements autodestructeurs. Néanmoins, ce lien n’a pas été étudié au sein de la population adolescente, ni placé dans un modèle plus complexe d’évolution ou non de la sévérité des comportements autodestructeurs.

L’agressivité

Des auteurs avancent que des antécédents de traumas vécus durant l’enfance peuvent influencer le développement de certains aspects de la personnalité, dont l’agressivité, pouvant prédisposer l’individu à s’engager dans de l’AMNS et des CS (Muehlenkamp et Gutierrez, 2004; Nalavany, Ryan et Hinterlong, 2009). L’agressivité est largement reconnue comme un marqueur précoce des traits limites (Stepp et al., 2014) et des études chez les enfants et les adolescents montrent une association entre celle-ci et le TPL (Belsky et al., 2012; Crowell et al., 2009; Crowell et al., 2005; Stepp et al., 2014). Soloff, Feske et Fabio (2008) et Paris (2005) suggèrent d’ailleurs que les CS observés chez les individus ayant un TPL découleraient de l’interaction entre des expériences de vie

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défavorables (p. ex. trauma) et une vulnérabilité au niveau du tempérament (p. ex. agressivité).

L’agressivité peut être mesurée à travers une attitude et des comportements plus hostiles. Elle se définit par une propension générale à s’engager dans des actes d’agression physique et verbale, à être en colère et à tenir des croyances hostiles envers autrui (Bushman, 1996; Buss et Perry, 1992). Il est à noter que l’agressivité rapportée chez les sujets limites est généralement dirigée contre soi (Oquendo et Mann, 2000). De même, les études indiquent que l’agressivité est fortement corrélée avec l’AMNS (Cloutier, Martin, Kennedy, Nixon et Muehlenkamp, 2010;Dougherty et al., 2009) et avec les CS (Crowell et al., 2005; Horesh, Orbach, Gothelf, Efrati et Apter, 2003) chez les adolescents limites. Par ailleurs, un niveau d’agressivité supérieur est liée à des comportements à risque plus sévères (Ensink et al., 2015; Pierro et al., 2012). Comme les adolescents limites ayant fait des TS peuvent être différenciés de ceux n’en n’ayant jamais fait par leur niveau d’agressivité (McGirr, Paris, Lesage, Renaud et Turecki, 2007; Renaud, Berlim, McGirr, Tousignant et Turecki, 2008) et que le niveau d’agressivité est associé au degré de létalité de l’acte (Dumais et al., 2005), on peut croire qu’un individu affichant des traits plus agressifs serait plus enclin à adopter des CS comparativement à de l’AMNS. À cet effet, une étude indique que les individus rapportant à la fois de l’AMNS et des TS affichent un niveau d’agressivité plus élevé (Stanley, Gameroff, Michalsen et Mann, 2001). Toutefois, le niveau d’agressivité n’est pas lié à la fréquence d’engagement dans de tels actes (Pierro et al., 2012). Une étude rapporte néanmoins que l’agressivité est liée au nombre de TS (Soloff et al., 2002).

En somme, l’agressivité, trait typique du TPL (Stepp et al., 2014), serait non seulement associée à l’AMNS (Cloutier et al., 2010; Dougherty et al., 2009; Pierro et al., 2012; Selby, Bender, Gordon, Nock et Joiner, 2012; Snir et al., 2015) et aux CS (Chesin et al., 2010; Crowell et al., 2005; Horesh et al., 2003; Keilp et al., 2006), mais elle prédirait également la sévérité du comportement autodestructeur dans lequel l’individu s’engage (Dumais et al., 2005). Le niveau d’agressivité pourrait donc différencier les adolescents s’engageant dans l’AMNS de ceux faisant des TS. Or, davantage d’études doivent

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s’attarder aux facteurs pouvant différencier les adolescents limites s’engageant dans de l’AMNS de ceux qui font des TS afin de valider empiriquement ces propos.

Objectifs et hypothèses

Dans un premier temps, l’étude vise à examiner la fréquence de l’AMNS et de la TS chez des adolescents provenant de la communauté qui présentent ou pas un TPL selon le seuil établi par le BPFS-C. Il est attendu que les adolescents présentant un TPL rapportent une fréquence supérieure d’AMNS et de TS que les adolescents sans TPL.

Dans un deuxième temps, l’étude vise à évaluer la contribution relative de l’agressivité et du vécu de trauma dans la sévérité des comportements autodestructeurs (c.-à-d. AMNS et TS) chez les adolescents de la communauté s’étant déjà mutilés, en considérant l’effet médiateur de la personnalité limite (PL). Ceci permettrait l’enrichissement des modèles théoriques de la relation entre l’AMNS et les CS, favorisant ainsi l’identification des adolescents à risque de développer des comportements autodestructeurs plus sévères dans le but d’améliorer les efforts de prévention. Il est attendu qu’un plus haut niveau d’agressivité, de même que l’exposition à des éléments traumatiques, soient associé à une sévérité plus élevée des comportements autodestructeurs.

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Chapitre 2 : Méthodologie Participants

L’échantillon est constitué d’adolescents et de jeunes adultes de la communauté, recrutés dans les écoles secondaires de la région de Québec et à l’université Laval. L’échantillon inclut un total de 479 participants, dont 50,5% sont du sexe féminin, 32,4% du sexe masculin et le sexe est inconnu pour 17,1%, âgés entre 12 et 21 ans (M = 14,66, ET = 1,8). 92,1% des participants sont d’origine caucasienne (Amérique du Nord, Europe, etc.), 1,3% d’origine asiatique (Chine, Cambodge, etc.), 2,3% d’origine afro-américaine (Afrique, Haïti, etc.), 0,8% d’origine latine (Mexique, Cuba, etc.), 0,2% d’origine autochtone (Inuit, Métis, etc.), 0,6% proviennent du Moyen-Orient, 1,4% sont d’origine autre et l’origine ethnique est inconnue pour 1,3%.

Un sous-échantillon est utilisé pour répondre au deuxième objectif de l’étude incluant les participants rapportant au moins un épisode d’AMNS. Ce sous-échantillon est constitué de 76 participants, 65,8% du sexe féminin, 21,1% du sexe masculin et le sexe est inconnu pour 13,1%, âgés entre 12 et 21 ans (M = 14,78, ET = 1,95). En regard à l’origine ethnique, 90,8% des participants sont d’origine caucasienne (Amérique du Nord, Europe, etc.), 2,6% d’origine asiatique (Chine, Cambodge, etc.), 2,6% d’origine afro-américaine (Afrique, Haïti, etc.), 1,4% d’origine autochtone (Inuit, Métis, etc.) et l’origine ethnique est inconnue 2,6%.

Procédure

Les participants sont recrutés à l’université Laval et dans les écoles secondaires de la ville de Québec, Canada. Les participants âgés de 14 à 21 ans sont directement invités à remplir une série de questionnaires en ligne. Les participants âgés de 12 à 13 ans sont invités à fournir un consentement parental avant leur participation, puis, une fois le consentement reçu, un lien leur est envoyé par courriel afin de les inviter à remplir les questionnaires en ligne. Les questionnaires sont complétés à la maison ou durant les temps libres à l’école. Tous les participants ont la chance de gagner l’une des 20 cartes-cadeaux de 50$ dans un centre commercial de leur choix.

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Mesures

Borderline Personality Feature Scale for Children (BPFS-C). Le BPFS-C (Crick et al., 2005) est un questionnaire qui évalue de manière dimensionnelle quatre caractéristiques principales du TPL chez les enfants et les adolescents, à savoir l’instabilité affective, les problèmes d’identité, les relations négatives et l’AMNS. Il comprend 24 items évalués sur une échelle de type Likert en cinq points (Pas vrai du tout, Rarement vrai, Parfois vrai, Souvent vrai, Toujours vrai). Un score total des caractéristiques limites, allant de 24 à 120, est calculé à partir des réponses aux 24 items. Seul le score total est utilisé dans la présente étude. Un score plus élevé indique davantage de caractéristiques limites. Un score de 66 est suggéré afin d’établir la présence d’un TPL (Chang, Sharp et Ha, 2011). La recherche supporte la validité concomitante et la validité de critère de cet outil (Chang et al., 2011). Le BPFS-C présente une cohérence interne adéquate avec des alphas de Cronbach allant de 0.76 à 0.89 (Sharp, Mosko, Chang et Ha, 2011). La version française du BPFS-C présente également une bonne cohérence interne avec un alpha de Cronbach de 0.91 pour le score total (Ensink, Bégin, Kotiuga, Sharp et Normandin, 2019).

Functional Assessment of Self-Mutilation (FASM). Le FASM (Lloyd-Richardson, Kelley et Hope, 1997) est un questionnaire auto-rapporté qui évalue 11 moyens courants d’AMNS (p.ex. se couper ou se tailler la peau, se brûler, se frapper volontairement, etc.) et 22 fonctions possibles de l’engagement dans ces comportements. Les participants doivent indiquer s’ils se sont engagés dans différents types de comportements d’AMNS au cours des 12 derniers mois et combien de fois ils l’ont fait. Un item évalue également la présence de TS (« En prenant part à ces actes, essayais-tu de te tuer ? »). Le nombre d’épisodes d’AMNS rapporté dans le FASM est utilisée comme indicateur du degré de sévérité de l’AMNS. Un indice de sévérité est ensuite appliqué sur la base des informations précédentes (sévérité de l’AMNS et présence de TS), allant de 1, représentant un seul épisode d’AMNS sans continuation, à 5, représentant de l’AMNS sévère et au moins une TS. Celui-ci constitue la variable dépendante utilisée pour répondre au deuxième objectif et est référée subséquemment comme la variable « sévérité des comportements autodestructeurs ». Le FASM présente une bonne cohérence interne (r = 0.66), une structure factorielle robuste (IFI = 0.91; CFI = 0.90; RMSEA = 0.05; χ2/df = 1.41) et a été validée auprès d’échantillons d’adolescents cliniques (Guertin,

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Lloyd-Richardson, Spirito, Donaldson et Boergers, 2001; Nock et Prinstein, 2004) et communautaires (Lloyd, 1998; Lloyd-Richardson et al. 1997). La version française du FASM est utilisée dans la présente étude. Cette version a été traduite en français, puis traduite de nouveau en anglais afin d’évaluer l’équivalence. La validité de la version française fait actuellement l’objet d’examens approfondis, mais les données préliminaires soutiennent sa validité (données non publiées).

Childhood Experience of Care and Abuse-Questionnaire (CECA-Q). La traduction française du CECA-Q (Smith et al., 2002) est un questionnaire élaboré parallèlement à l’entrevue Childhood Experience of Care and Abuse (CECA; Bifulco, Brown et Harris, 1994). Ce questionnaire évalue principalement sept formes d’évènements traumatiques, soit l’abus physique (p.ex. « Quand tu étais un enfant ou un adolescent, as-tu déjà été frappé à répétition avec un objet (comme une ceinture ou un bâton), botté ou brûlé par quelqu’un dans la maison? »), l’abus sexuel (p.ex. « Quand tu étais enfant ou adolescent, as-tu déjà eu des expériences sexuelles non désirées? »), l’abus psychologique (p.ex. « Elle/il aimait me voir souffrir »), la négligence parentale (p. ex. « Elle/il s’occupait de moi quand j’étais malade »), l’antipathie parentale (p. ex. « Elle/il me faisait sentir non désiré »), la perte (p. ex. « Est-ce qu’une de tes figures parentales est morte ? ») et le renversement de rôle (p. ex. « Est-ce que tes parents se fiaient sur toi pour les supporter émotionnellement quand tu étais enfant ? »). Pour chaque type de trauma, les participants notent une liste d’éléments se référant à leurs expériences avant l’âge de 18 ans. Une échelle de type Likert en quatre points (Jamais, Une fois, Parfois et Souvent) est utilisée pour les variables d’abus psychologique, de négligence parentale, d’antipathie parentale et de renversement de rôles. Une échelle de type Likert en trois points est utilisée pour les variables d’abus physique, d’abus sexuel et de la perte d’un parent (Non, Incertain, Oui). À partir de ces scores, un score total est calculé pour chaque échelle indiquant la fréquence pour les variables d’abus psychologique, de négligence parentale, d’antipathie parentale et de renversement de rôles, et la présence ou l’absence pour les variables d’abus physique, d’abus sexuel et de la perte d’un parent. Le score total de chacune des échelles est utilisé. Ce questionnaire a été validé dans des échantillons cliniques (Smith et al., 2002) et communautaires (Bifulco et al., 2005).

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Child Behavior Checklist-Youth Self-Report (CBCL-YSR). Le CBCL-YSR (Achenbach et Rescorla, 2001) est un questionnaire auto-rapporté composé de 118 items de type Likert en trois points (0 = Faux, 1 = Assez/parfois vrai et 2 = Souvent/très vrai). Il évalue les problèmes émotionnels et comportementaux chez les enfants et les adolescents. Dans le cadre de la présente étude, seule la sous-échelle « Agressivité », comprenant 17 items (p.ex. « Je suis méchante envers les autres », « J’agresse physiquement les gens » et « Je suis colérique »), incluse dans l’échelle des difficultés extériorisées, est utilisée. Le score brut de celle-ci est calculé, puis transformé en score T. Un score T supérieur à 69 indique des difficultés à un niveau cliniquement significatif. La version française du questionnaire est utilisée. Celle-ci a été validée et affiche des propriétés psychométriques adéquates (Achenbach et Rescorla, 2001). La cohérence interne est satisfaisante avec un alpha de Cronbach de 0.84 pour les difficultés extériorisées et de 0.89 pour les difficultés intériorisées.

Analyses statistiques

Pour répondre au premier objectif, des analyses statistiques ont été effectuées à l’aide du logiciel statistique Statistical Package for the Social Sciences (SPSS, version 25). Deux khi-carré de Pearson et un test de Mann-Whitney pour échantillons indépendants ont été effectués afin de répondre au premier objectif, soit d’examiner la sévérité de l’AMNS et des CS chez des adolescents de la communauté qui présentent ou pas des éléments du TPL. Le premier khi-carré a pour but de vérifier l’association entre le TPL selon le BPFS-C et la présence de comportements d’AMNS. Le test de Mann-Whitney compare la distribution du nombre d’épisodes d’AMNS entre le groupe d’adolescents présentant un TPL selon le BPFS-C et le groupe n’en présentant pas. Le deuxième khi-carré étudie l’association entre le TPL selon le BPFS-C et la présence de TS.

Afin d’explorer la contribution relative de l’agressivité et du vécu traumatique dans la sévérité des comportements autodestructeurs (c.-à-d. AMNS et TS) chez les adolescents de la communauté s’étant déjà mutilés, en considérant l’effet médiateur de la personnalité limite, des analyses exploratoires ont d’abord été effectuées à l’aide du logiciel SPSS version 25. Des statistiques descriptives incluant la moyenne et l’écart-type ont été effectuées sur l’ensemble du sous-échantillon ainsi qu’en fonction de l’âge. L’adolescence

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étant typiquement divisée en deux sous-étapes dans la littérature, soit de 10 à 14 ans pour la première, puis 15 ans et plus pour la deuxième (Curtis, 2015), les analyses ont été effectuées en fonction des moins de 15 ans et des 15 ans et plus. Des corrélations ont été réalisées pour l’ensemble des participants et scindées selon l’âge afin d’identifier de possibles modérations. Il est à noter que différentes formes d’événements traumatiques ont été étudiées : l’abus physique, l’abus sexuel, l’abus psychologique, la négligence parentale, l’antipathie parentale, la perte d’un parent et le renversement des rôles témoignant d’une parentification de l’enfant.

Des analyses acheminatoires ont été effectuées à l’aide du logiciel Mplus version 7 dans l’objectif de tester un modèle de médiation modéré visant à expliquer l’effet de l’agressivité et du trauma sur la sévérité des comportements autodestructeurs, et ce en tenant compte de la personnalité limite et de l’âge. Les données manquantes ont été traitées à l’aide de la méthode du maximum de vraisemblance à données complètes (MVDC; Wothke, 2000). L’adéquation du modèle proposé aux données est établie en considérant les indices de fit suivants : l’indice d’ajustement comparé (CFI), l’approximation de l’erreur quadratique moyenne (RMSEA), la statistique chi-carré (χ2) et le ratio du chi-carré sur les degrés de liberté (χ2/df ; McDonald et Ho, 2002). La combinaison d’une valeur de 0.90 ou plus pour le CFI, d’une valeur inférieure à 0.06 pour le RMSEA, d’une valeur de χ2 non statistiquement significative, ainsi qu’une valeur inférieure à 3 pour le χ2/df traduisent d’un ajustement satisfaisant du modèle proposé aux données de l’échantillon (Kline, 2010). La procédure de bootstrap a été utilisée afin de tester la signification des effets indirects conditionnels. Pour ce faire, 5000 échantillons aléatoires ont été générés afin d’obtenir un intervalle de confiance à 95% corrigée pour le biais (Edwards et Lambert, 2007).

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Chapitre 3 : Résultats

Il était postulé que les adolescents qui dépassent le seuil minimal de 66 révélant la présence d’un TPL au BPFS-C rapportent une fréquence supérieure d’AMNS et de TS que les adolescents qui n’atteignent pas ce seuil. Les résultats d’un test du khi-carré d’indépendance statistique montrent que les adolescents ayant un TPL selon le BPFS-C sont plus susceptibles de présenter au moins un épisode d’AMNS au cours des 12 derniers mois (χ2 = 34.138; dl = 1; p < 0.001). Parmi les adolescents qui dépasse le seuil du TPL selon le BPFS-C, 63,5% rapportent au moins un épisode d’AMNS contre 36,5% qui n’en rapportent pas. Parmi les adolescents qui n’atteignent pas ce seuil, 30,5% rapportent au moins un épisode d’AMNS contre 69,5% qui n’en rapportent pas. Les fréquences sont présentées dans le tableau 1.

Les résultats du test de Mann-Whitney pour échantillons indépendants montrent une différence marginalement significative au niveau de la distribution du nombre d’épisodes d’AMNS entre ces deux groupes (p = 0.067). Ceci suggère que les adolescents qui présentent un TPL selon le BPFS-C ne présentent pas une distribution du nombre d’épisodes d’AMNS au cours des 12 derniers mois totalement similaire à ceux sans TPL. La figure 1 présente la répartition du nombre d’épisodes d’AMNS selon chaque groupe.

En ce qui concerne la présence de TS, les résultats indiquent de faibles fréquences attendues rendant l’utilisation du khi-carré de Pearson impossible. Le recours au test exact de Fisher est alors plus approprié. Les résultats montrent une présence significativement plus élevée de TS chez les adolescents présentant un TPL selon le BPFS-C que chez les adolescents sans TPL (p = 0.046). Parmi les adolescents ayant fait au moins une TS, 70% atteignent le seuil du TPL selon le BPFS-C. Les fréquences sont présentées dans le tableau 2. Bref, les résultats suggèrent que les adolescents qui présentent un TPL selon le BPFS-C sont plus susceptibles de s’engager dans de l’AMNS et le font à une fréquence un peu différente de ceux sans TPL. Ils sont également plus susceptibles de faire une TS.

Le tableau 3 présente les analyses descriptives pour les variables de personnalité limite, de sévérité des comportements autodestructeurs, d’agressivité et de trauma. La moyenne et l’écart-type sont présentés en fonction de l’âge (moins de 15 ans VS 15 ans et

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plus) ainsi que pour l’échantillon total. Il n’y a pas de différence de moyennes significative entre les deux groupes d’âge.

Les tableaux 4, 5 et 6 présentent les corrélations entre l’agressivité, le trauma, la personnalité limite et la sévérité des comportements autodestructeurs, et ce pour l’échantillon total, pour les moins de 15 ans et pour les 15 ans et plus respectivement. Les résultats montrent également que l’agressivité est fortement corrélée à la personnalité limite (r=.636). Il est à noter que la personnalité limite est significativement corrélée à la sévérité des comportements autodestructeurs seulement chez les moins de 15 ans (r=.357), témoignant d’une possible modération de l’âge.

À la lumière des résultats, seule la présence d’abus sexuel et la fréquence de l’abus psychologique de la part de la mère, variables les plus reliées à la fois à la personnalité limite (r=.150 et r=.200 respectivement) et à la sévérité des comportements autodestructeurs (r=.246 et r=.130 respectivement), ont été incluses dans le modèle de médiation modérée à titre de variables indépendantes pour la mesure de trauma. Bien que ces corrélations ne soient pas statistiquement significatives, notamment en raison du petit échantillon, les tailles d’effet et le traitement des données manquantes dans le modèle justifient leur inclusion dans celui-ci. La figure 2 présente les résultats du modèle incluant trois variables indépendantes, soit l’agressivité, la présence d’abus sexuel et la fréquence d’abus psychologique de la part de la mère, un médiateur personnalité limite, un modérateur âge, ainsi que la variable dépendante sévérité des comportements autodestructeurs. Les résultats sont présentés de façon détaillée au tableau 7 et les coefficients standardisés sont indiqués sur le modèle de la figure 2. Le modèle s’ajuste bien aux données avec un CFI = 0.992, un RMSEA = 0.037 [0.000, 0.167], un χ2 = 5.525 (p > 0.05) et un (χ2/df) = 1.105.

L’analyse de médiation modérée montre un effet direct de la présence d’abus sexuel sur la sévérité des comportements autodestructeurs (B = 0.26, p < 0.05). Ainsi, un vécu d’abus sexuel augmente la sévérité des comportements autodestructeurs. D’autre part, l’agressivité a un effet indirect sur la sévérité des comportements autodestructeurs, via la

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indirect varie en fonction de l’âge de l’adolescent. L’effet indirect est significatif chez les moins de 15 ans (EI = 0.292, IC à 95% = [0.021, 0.684]), mais pas chez les 15 ans et plus (EI = -0.076, IC à 95% = [-0.391, 0.352]). Ainsi, chez les adolescents âgés de moins de 15 ans, lorsque le niveau d’agressivité est plus élevé, les comportements autodestructeurs sont plus sévères, et ce, en passant par la personnalité limite. Les résultats indiquent que 41,8% de la variance de la personnalité limite et 17,2% de la variance de la sévérité des comportements autodestructeurs sont respectivement expliquées par le présent modèle.

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Chapitre 4 : Discussion

Le premier objectif de ce mémoire doctoral est d’examiner le niveau d’engagement dans l’AMNS et la TS chez des adolescents de la communauté qui présentent ou pas un TPL selon le BPFS-C. D’une part, la présente étude a permis de confirmer les résultats des recherches cliniques et communautaires antérieures stipulant que le TPL est associé à un risque accru d’AMNS chez les adolescents (Crowell et al., 2012; Muehlenkamp et al., 2011; Sadeh et al., 2014; Brickman et al., 2014; Cerutti et al., 2011; Klonsky et Olino, 2008). En effet, les adolescents atteignant le seuil du TPL selon le BPFS-C sont plus susceptibles de présenter au moins un épisode d’AMNS au cours des 12 derniers mois que ceux n’atteignant pas ce seuil. La prévalence significativement plus élevée d’AMNS chez ces adolescents, comparativement au groupe de comparaison, corrobore également l’importance du TPL dans le développement de l’AMNS chez les adolescents (Goodman et al., 2012). Or, le taux de prévalence d’AMNS chez les adolescents limites est de 63,5% dans la présente étude, alors que des taux allant de 91 à 100% sont rapportés dans les études précédentes (Chanen et al., 2007; Goodman et al., 2017; Kaess et al., 2017). Cet écart peut être expliqués par une différence au niveau des échantillons utilisés. En effet, les études antérieures ont utilisé des échantillons cliniques, alors que le présent projet se base sur un échantillon communautaire. Notamment, l’échantillon de Goodman et ses collaborateurs (2017) inclut des sujets ayant initialement été hospitalisés et l’échantillon de Chanen et ses collaborateurs (2007) est constitué d’adolescents provenant d’une clinique externe dans le cadre d’un essai clinique d’un traitement pour le TPL. D’abord, il faut considérer que les adolescents limites sont majoritairement référés en cliniques en raison de leurs comportements d’AMNS (Chanen et al., 2007). Il n’est donc pas surprenant que le taux d’AMNS chez la population clinique soit de presque 100%. De plus, l’échantillon de Kaess et ses collaborateurs (2017) est constitué d’adolescents qui se sont présentés d’eux-mêmes à une clinique externe spécialisée pour prise de risque et comportement d'automutilation (AtRiSk), ce qui pourrait constituer un groupe spécifique. En effet, la recherche d’aide est faible chez les adolescents qui s’automutilent (Pumpa et Martin, 2015). Ainsi, leurs résultats pourraient ne pas être représentatifs des adolescents en général.

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Par ailleurs, les résultats de la présente étude indiquent une faible différence du nombre d’épisodes d’AMNS rapporté par les adolescents présentant ou non un TPL selon le BPFS-C. Or, les études antérieures concluent à une fréquence d’AMNS plus élevée chez les adolescents atteints d’un TPL comparativement à ceux sans TPL (Kaess et al., 2017; Goodman et al., 2017). Il faut toutefois considérer l’origine clinique de celles-ci. En effet, il est possible que le contact avec un service clinique à cet âge indique une forme plus sévère de TPL. La recherche montre que la sévérité des symptômes limites est associée à une plus grande probabilité que les gestes d’AMNS soient répétitifs (Muehlenkamp et al., 2011). Ainsi, la faible différence trouvée au niveau de la distribution du nombre d’épisodes d’AMNS pour chaque groupe (avec ou sans TPL) peut être due à l’origine communautaire de la présente étude, traduisant une sévérité moindre de la psychopathologie.

Relativement aux TS, les résultats montrent une présence significativement plus élevée chez les adolescents limites comparativement au groupe de comparaison, ce qui va dans le même sens que les études précédentes suggérant une association entre le TPL et un risque suicidaire accru (Goodman et al., 2017; Kaess et al., 2017; Muehlenkamp et al., 2011). Parmi ces études, seuls Goodman et ses collaborateurs (2017) et Kaess et ses collaborateurs (2017) ont examiné la prévalence de TS au sein d’un groupe d’adolescents limites, celle-ci atteignant respectivement 76% et 67,89%. Or, dans la présente étude, parmi les adolescents présentant un TPL, seulement 14,3% rapportent avoir fait au moins une TS. D’une part, l’origine communautaire de l’échantillon actuel peut expliquer ces disparités, celle-ci traduisant des antécédents moindres de TS et de psychopathologie comparativement à un échantillon clinique. D’autre part, le recours au FASM pour mesurer la TS peut expliquer le taux de prévalence inférieur obtenu. En effet, l’énoncé évaluant cette variable stipule que l’individu a essayé de se suicider durant un geste d’automutilation. Cela exclut donc les actes suicidaires n’étant pas survenus au cours d’un geste automutilatoire (p.ex. par intoxication de médicaments). Or, les études précédentes ont utilisé deux instruments de mesure distincts afin d’évaluer ce même construit, lesquels tiennent compte de toute TS.

Le deuxième objectif du présent mémoire doctoral est d’évaluer la contribution relative de l’agressivité et du trauma dans la sévérité des comportements autodestructeurs

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(c.-à-d. AMNS et TS) chez les adolescents de la communauté s’étant déjà automutilés, en considérant l’effet médiateur de la PL. Les résultats du modèle de médiation modérée permettent d’une part l’enrichissement des modèles théoriques de l’AMNS et des CS, et, d’autre part, favorisent l’identification des adolescents à risque de développer des comportements autodestructeurs plus sévères dans le but d’améliorer les efforts de prévention.

En regard au trauma, il est mis en évidence qu’un vécu d’abus sexuel augmente la sévérité des comportements autodestructeurs, alors que ce n’est pas le cas pour l’abus psychologique perpétué par la mère. Divers aspects sont à considérer dans l’interprétation et la compréhension de ces résultats. D’une part, l’impact de l’abus sexuel est particulièrement important à l’adolescence étant donné que les premières relations amoureuses et sexuelles ont lieu durant cette période (Ensink et al., 2015), ce qui peut expliquer que seul l’abus sexuel influence la sévérité des comportements autodestructeurs à ce stade. D’autre part, l’abus sexuel est considéré comme la forme la plus sévère d’expérience traumatique (Hahm, Lee, Ozonoff et Van Wert, 2010; Boxer et Terranova, 2008) et la recherche indique que la sévérité du trauma vécu est associée à la sévérité de l’acte autodestructeur ultérieur (Hamza et al., 2012; Jacobson et al., 2008; Muehlenkamp et al., 2011; Whitlock et Knox, 2007). Par ailleurs, l’abus sexuel teinte non seulement la représentation psychologique de soi d’un individu, mais aussi le rapport qu’il entretient avec son corps (Van der Kolk, 2014). L’abus sexuel représente une violation du corps, pouvant mener au développement d’attitudes ou de sentiments négatifs envers son propre corps (Preti et al., 2006). En menaçant l’intégrité de l’adolescent, l’abus sexuel peut faire obstacle au développement d’une représentation positive de soi et de son corps, ce dernier étant plutôt devenu une source de honte ou de dégoût (Vogt, 2012). Le rapport négatif au corps qui en découle, couplé à l’absence de sécurité dans son corps, peut conduire l’adolescent à le rejeter et s’en dissocier, ou encore à l’attaquer, par exemple via de l’AMNS. Il est également possible que l’expérience d’abus sexuel engendre des déficits au niveau des capacités d’autorégulation. En effet, un tel vécu peut amener l’adolescent à éviter d’explorer les états mentaux, le conduisant à réguler ses émotions hors de la relation

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recours à l’agir (p.ex. l’AMNS ou les CS) est alors priorisé au détriment de la pensée réflexive et de la parole (Eizirik et Fonagy, 2009).

Relativement à l’agressivité, il appert que celle-ci influence la sévérité des comportements autodestructeurs via la PL, et ce, chez les moins de 15 ans. Il est donc possible d’avancer que l’agressivité contribue à l’augmentation de la sévérité des comportements autodestructeurs au sein de ce groupe d’âge. Afin de supporter ce constat, il importe d’abord de rappeler que l’agressivité est associée au degré de létalité de l’acte (Dumais et al., 2005), et que, chez les individus limites, l’agressivité est généralement retournée contre soi (Oquendo et Mann, 2000). De plus, il est à noter que l’agressivité représente une dérégulation émotionnelle (Bateman et Fonagy, 2016) et que le motif premier d’engagement dans un geste d’AMNS est la régulation émotionnelle (Andrewes et al., 2018; Klonsky et Glenn, 2009; Sadeh et al., 2014; Selby et Joiner, 2009). De même, la littérature établi un lien entre la dérégulation émotionnelle chez les adolescents et les CS (Esposito et al., 2003; Spirito et al., 2003). Il n’est donc pas surprenant de conclure que l’agressivité joue un rôle dans l’engagement dans ces comportements autodestructeurs.

De plus, bien que la présente étude n’ait pas étudié le phénomène de l’agressivité sous cet angle, il est possible de comprendre son impact sur la sévérité des comportements autodestructeurs, via la PL, en considérant la théorie de l’esprit, aussi connue sous le nom de la mentalisation. Cette dernière se définit comme la capacité d’un individu à donner un sens à ses propres états mentaux et à ceux des autres (Bateman et Fonagy, 2016). Lors d’un état d’excitation émotionnelle, cette capacité devient instable, résultant en des déficits de mentalisation (Bateman et Fonagy, 2016). Ces déficits peuvent exacerber les difficultés psychologiques existantes (Hatkevich, Venta et Sharp, 2019). Il importe de rappeler que les individus plus agressifs présentent une plus grande propension à être dans un état de colère (Bushman, 1996; Buss et Perry, 1992). Ainsi, à titre d’exemple, le fait d’être en colère (excitation émotionnelle) pourrait réduire les capacités à mentaliser de l’adolescent. Si celui-ci rapporte des traits limites, et donc typiquement une fragilité au niveau de l’estime de soi et de l’abandon (difficultés psychologiques), il serait possible que ces déficits l’amènent à interpréter à tort les informations sociales comme du rejet, de l’abandon ou des critiques. En retour, ceci pourrait exacerber certaines croyances, telles qu’être sans valeur

Références

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