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L’esthétique transcendantale du lieu de mémoire. La reconnaissance des traces et l’écriture de l’histoire d’après Maurice Halbwachs

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Academic year: 2021

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NATHANAËL WADBLED

L’esthétique transcendantale du lieu de mémoire.

La reconnaissance des traces et l’écriture de l’histoire d’après M. Halbwachs

In Sandie Attia, Ingrid Streble, Nathalie Le Bouëdec et Alice Volkwein (dirs.), Der Spur auf der Spur. Sur les traces de la trace, Heidelberg, Universitätverlag Winter, 2016 p. 129-139.

Les catégories de la mémoire

Chaque souvenir s’intègre à une certaine place dans l’ensemble des représentations et de l’histoire de celui qui le convoque. Il ne vaut que par sa fonction dans cet ensemble, c’est à dire dans ses relations d’un coté aux autres souvenirs, dont la chaine forme une histoire cohérente, et d’un autre coté, comme corollaire, par rapport au sens de cette histoire dont il est un élément et qui définit l’identité de celui qui se souvient. N’est donc retenu du passé que ce qui s’intègre ainsi à une histoire. Une telle conception semble correspondre à celle développée par Maurice Halbwachs : les souvenirs séraient des choses passées transformées en éléments d’une histoire, organisées dans l’espace et le temps.

« Quand nous évoquons un souvenir, quand nous le précisons en le localisant... On dit quelquefois que nous le rattachons à ce qui l'entoure ; en réalité c'est parce que d'autres souvenirs en rapport avec celui-ci au milieu desquels nous vivons... points de repères dans l'espace et le temps, notions historiques, géographiques ... nous sommes en mesure de déterminer avec une précision croissante ce qui n'était d'abord qu'un schéma vide d'un événement d'autrefois »1.

La mémoire fournirait ainsi les cadres organisant les choses passées. Elle les produit comme souvenirs. Un souvenir, ce n'est donc pas découvrir quelque chose resté là comme on découvre un fossile. Il semble que la conception de Maurice Halbwachs de la production et de la lecture des souvenirs corresponde à la structuration et à la découverte du sens d'une phrase.

La mémoire range et organise en effet les choses du passé en séries signifiantes de souvenir. Il ne

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s’agit pas, bien sûr de dire que ce dont on se souvient n’a pas existé, mais que ce dont on se souvient n’est accessible comme souvenir qu’à travers une certaine organisation signifetnai, c’est-à-dire une certaine mémoire. Nous avons toujours déjà à faire avec une histoire organisée, dans la mesure où nous y reconnaissons des parties et relations causales.

Sans un certain ordonnancement, il serait impossible de distinguer les évènements les uns des autres et de les articuler, de les mettre en rapport de manière pertinente. Il ne s’agirait pas, à proprement parler, de souvenirs d’éléments historiques car ils seraient indiscernables et tous équivalents, sans qu'il ne soit possible de percevoir leurs spécificités les uns par rapport aux autres. Il s'agirait, sans ordre préétabli, d'une masse indifférenciée de choses équivalentes dans laquelle il faut mettre un ordre. Ils ne seraient même pas ordonnés suivant un ordre chronologique, tous équivalents en tant que passés : ils sont d’une certaine manière dans le même lieu temporel. C’est ce lieu qu’il s’agit d’organiser pour le rendre lisible et compréhensible comme le sien propre de celui qui se souvient.

Les souvenirs sont donc le produit d’une synthèse, au sens kantien du terme2

: il s'agit d'ordonner ce qui est donné pour le rendre homogène et compatible avec, d'un coté une place dans le déroulement de l’histoire qu'il exemplifierait, et d'un autre côté avec le sens de cette histoire qui permet de rendre compte de ce qu’on est. Mise en ordre et produite par la mémoire, cette série constitue l’histoire : les différents éléments trouvent une place différenciée, spatialement, temporellement et causalement. L’histoire est ainsi une unité de compréhension, le résultat d’une synthèse qui range pour rendre compréhensible. Ce schéma serait le sens de la vie, c’est-à-dire la structure de l’identité de celui qui, se remémorant, rend compte de son existence et par là même définit qui il est.

Les cadres de la mémoire sans matière sont vides : la critique antidogmatique de Blondel

La mémoire serait donc un schéma vide dans lesquels les souvenirs se produisent en lui donnant son contenu. Il semble aisé de conclure que celle-ci se donne son propre contenu sans besoin d’être en présence de ce dont elle se souvient ; comme s’il n’était nul besoin de faire l’expérience de ce qu’il s’est passé pour en synthétiser le souvenir. Si celui qui se souvient a été témoin de quelque chose, ce quelque chose n’est plus présent au moment de la production du souvenir, donc à la rigueur peu importe qu’il en ait été le témoin. À la limite, ce qu’il s’est passé est à ce moment aussi peu présent pour lui que pour quelqu’un à qui cela serait raconté. C’est en

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substance ce que Maurice Blondel critique dans la conception d’Halbwachs3.

Pour Blondel, on ne peut séparer le souvenir du reflet de l'intuition sensible. Elle serait, de manière très kantienne, le préambule indispensable à la perception. L’objection est en fait la reformulation de la remarque de Kant sur l’usage des catégories transcendantales pour la connaissance4 : les intuitions sans concepts sont aveugles, les concepts sans intuitions sont vides. Les catégories, en tant qu’elles rendent homogènes l’intuition et les concepts, sont le lien nécessaire entre les deux pour qu’il y ait connaissance. Comme pour la connaissance, le seul critère de l'authenticité d'un souvenir n’est pas la vraisemblance, c’est-à-dire sa prise en charge par les cadres de la mémoire ou les catégories. Il faut également une intuition à synthétiser, une matière. Pour Blondel, il faut bien en juger en fonction de la persistance des intuitions sensibles initiales5.

« Je ne songe pas à contester que nous reconstruisons en grande partie notre passé à l'aide des matériaux collectifs et à peu de choses près anonymes, mais pour que nous ne confondions pas la reconstitution de notre propre passé avec celle que nous pouvons faire de celui de notre voisin, pour que ce passé empiriquement, logiquement, socialement possible, nous paraisse identifié avec notre passé réel, il faut qu'en certaines au moins de ces parties il soit quelque chose de plus qu'une reconstruction faite avec des matériaux rapportés »6.

La difficulté qui se pose dans le cas de la mémoire, par rapport à la connaissance qui est le problème de Kant, est la persistance de l’intuition de quelque chose qui est depuis longtemps passé. Or, dans la perspective de Maurice Halbwachs, la matière d’un souvenir ne saurait être le reste ou la résonnance d’une intuition initiale pure dans la mesure où il a avant tout un statut de signifiant. La nécessité d’une matière du souvenir n’est cependant pas contradictoire avec sa conception : s’il ne peut être question pour lui d’une impression intérieure qui demeurerait et pourrait être retrouvée, il faudrait donc qu’il reste une trace matérielle qui permette de refaire l’expérience de ce qu’il s’est passé. Il suggère cette solution dans la démarche même de son ouvrage sur La topographie légendaire des lieux saint7 qui est, d’une certaine manière la réponse et la prise de conscience du problème posé par Blondel :

« Une vérité pour se fixer dans la mémoire d'un groupe doit se présenter sous la forme concrète d'un évènement, d'une figure personnelle ou d'un lieu ; une vérité purement abstraite, en effet, n'est pas un souvenir, car un souvenir qui nous reporte dans le passé, une vérité

3

Cit. in G. Namer, Halbwachs et la mémoire sociale, Paris, L'Harmattan, 2000.

4 CRP, op. cit.

5 M. Blondel, cit.in G. Namer, op. cit. p 111. 6

M. Blondel, cit. in Ibid. p 110.

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abstraite, n'a aucun point d'attache avec la suite des évènements, elle se confond avec un vœu, une aspiration »8.

Faire l’expérience intuitive du passé : sur les lieux de mémoire.

Dans la Topographie, Maurice Halbwachs traite de la mémoire d’une croyance, mais ses analyses peuvent être étendues à toute forme de mémoire. Ce qu’il s’est passé étant actuellement absent, la certitude que quelque chose fut tel ou tel évènement à reconstituer est de l’ordre de la croyance, et doit être l’objet d’une perception pour que sa vérité soit connue. Maurice Halbwachs ne se contente donc pas de définir les catégories transcendantales de la mémoire, il en cherche la matière. Il montre que la mémoire a besoin de l’intuition d’une matière pour produire ses souvenirs, et que sans celle-ci, les dits souvenirs sont oubliés et ne peuvent être rappelés. Il semble que les lieux de mémoire puissent donner cette matière.

L’objet de la Topographie est de chercher les lieux considérés comme porteurs du souvenir afin de dégager des lois de structuration de ces espaces de mémoire. Le lieu « est comme un témoignage sensible, c'est une certitude sensible qui s'ajoute aux autres et qui est peut-être plus décisive : le passé devient en partie le présent »9. La perception du mémorial ou du lieu de mémoire permet ainsi de percevoir ce dont il s’agit de se souvenir. Il est en ce sens peut - être possible de dire du lieu de mémoire ce que Barthe dit de la photo – d’ailleurs Sarah Dornier-Agbojan semble suggérer dans un article sur Maurice Halbwachs que la photographie serait en quelque sorte un lieu de mémoire10 – : il a une fonction constatative11.

C’est une trace de ce qu’il s’est passé, permettant d’en faire l’expérience perceptive, de constater qu’un certain passé a eu lieu, ou plus exactement est lieu. En ce sens il fournit la matière aux souvenirs : si les lieux sont oubliés, alors les souvenirs attachés disparaissent avec ; ils ne peuvent plus être connus. La matière du contenu de la mémoire ne semble donc pas être une trace mnésique mais une trace concrète extérieure qui lui sert de support. Maurice Halbwachs considère que, si les souvenirs se conservent, c’est qu’ils sont établis sur le sol et que l’emprunte dure matériellement de sorte qu’elle peut être ressaisie intuitivement à tout moment. L’évènement passé peut être mis en présence dans les lieux de mémoire, y avoir lieu. C’est en ce sens que Maurice Halbwachs explicitera dans La mémoire collective12, l’idée selon laquelle l’espace est un cadre de la

8 Ibid., p 124.

9 Ibid., p 1.

10 S. Dornier-Agbojan, « Quand la photographie de famille s'associe à M. Halbwachs pour parler de mémoire » in B.

Péguignot (dir.), Maurice Halbwasch : le temps, la mémoire et l'émotion, Paris, L'Harmattan, 2007.

11

Cf. R. Barthes, La chambre claire, Paris, Seuil, 1980, cité in Ibid. p 106.

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mémoire. La matière des souvenirs, ce qui en termes kantiens est donné par l’intuition, est toujours spatialement inscrit.

La mémoire comme faculté du lieu.

L’enjeu de l’ouvrage de Maurice Halbwachs est de montrer que cette nécessité d’une matière du souvenir n’est en aucun cas contradictoire avec sa thèse selon laquelle les souvenirs sont des reconstructions signifiantes indépendantes de ce qu’il s’est véritablement passé. Ces traces données spatialement dans les lieux de mémoire sont déjà organisées pour être données à la perception de manière compréhensible.

« Le lieu a reçu l'empreinte du groupe, et réciproquement. Alors, toutes les démarches du groupe peuvent se traduire en termes spatiaux, et le lieu occupé par lui n'est que la réunion de tous les termes. Chaque aspect, chaque détail de ce lieu a lui-même un sens qui n'est intelligible que pour les membres du groupe, parce que toutes les parties de l'espace qu'il a occupé correspondent à autant d'aspects différents de la structure et de la vie de leur société, au moins à ce qu'il y a eu en elle de plus stable »13.

Il ne s’agit pas seulement de l’organisation du lieu selon le temps et l’espace, mais selon un certain temps et un certain espace. Cela dépasse donc ce que Kant considère comme les conditions de la perception14 et suggère que le lieu de mémoire est déjà la présentation d’une matière synthétisée. Maurice Halbwachs montre que les lieux de mémoire, pris par ceux qui s’y rendent comme l’occasion de faire l’expérience directe et d’attester intuitivement de ce qu’il s’est passé, sont en réalité des constructions – plus à proprement parler que des reconstructions. Il s’agit d’une présentation plus que d’une représentation, ou alors d’une représentation performative. Il ne s’agit pas dans ces lieux de retrouver des faits objectifs, mais de conforter les croyances historiques de ceux qui s’y rendent en en produisant la trace. Le pèlerinage permet de vérifier les dogmes et les articles de foi, de donner une matière à un jugement synthétique à priori, c’est-à-dire dans une perspective kantienne de garantir une connaissance15.

« Nous ne cherchons pas si les traditions sur les lieux saints sont exactes, sont conformes aux faits anciens, nous les prenons toutes formées à partir du moment où elles nous apparaissent et nous les étudions au cours des siècles qui suivent. Si comme nous le croyons la mémoire

13 Ibid. 14

CRP, op. cit.

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collective est essentiellement une reconstruction du passé, si elle adapte l'image des faits anciens aux croyances et aux besoins spirituels du présent, la connaissance de ce qui était à l'origine est secondaire sinon tout à fait inutile, puisque la réalité du passé n'est plus là »16.

En fait, Maurice Halbwachs suggère que le lieu de mémoire correspond déjà à un certain ordonnancement. Par son organisation spatiale, le lieu de mémoire correspond déjà à une certaine conception causale de l’évènement dont il est la trace. D’un point de vue interne, les mémoriaux présentent une succession de stations selon un certain ordre ; d’un point de vue externe ils sont insérés et mis en relation dans un environnement plus large qui en fait un élément d’un ensemble géographique et temporel le dépassant. Le lieu de mémoire donne ainsi déjà une interprétation. Maurice Halbwachs donne l’exemple emblématique de la Via Sacra qui symbolise le passage de Jésus homme à Jésus ressuscité : la localisation se lit comme l'itinéraire d'un récit à partir duquel l’histoire chrétienne devient possible17

. Le lieu perçu est déjà homogène à la causalité interne de la passion et externe de l’histoire du christianisme. En termes kantiens, ce qui est perçu est déjà homogène avec les concepts a priori permettant d’en rendre compte.

Il n’y aurait donc aucune matière pure disponible du souvenir, mais uniquement de la matière déjà synthétisée. La synthèse des catégories semble faite une fois pour toutes. Ainsi la mémoire ne serait pas une faculté de l’individu mais du lieu, l’individu se contentant de lire et de décoder ce qui lui est donné à voir. Cette perception ne fait qu’exemplifier le concept, déjà en sa possession, de l’évènement. Le lieu de mémoire est déjà un signifiant, plus exactement une matière signifiante. La lecture de Maurice Halbwachs peut suggérer que, plus qu’un cadre, le lieu – c’est-à-dire l’espace qualifié – est la condition transcendantale de la connaissance mémorielle. Si lui même ne va pas jusque là, d’un coté un certain kantisme que j’ai cherché à montrer, ainsi que l’inachèvement du chapitre sur l’espace en raison de la déportation de l’auteur à Buchenwald, peuvent autoriser une telle interprétation libre, ou plus exactement une telle utilisation de sa pensée.

Ouverture : épistémologie du devoir de mémoire

La sociologie de la mémoire développée par Maurice Halbwachs peut ainsi justifier une histoire de la mémoire centrée sur les lieux de mémoire, plus que sur les représentations mnésiques que les individus croient pouvoir garder en eux sans support extérieur. Cette méthode a deux conséquences, qui constituent en fait les deux thèses explicites majeures de Maurice Halbwachs.

16 M. Halbwachs, La topographie légendaire des Evangiles en Terre Sainte, op.cit., p 7. 17

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Premièrement : si la fonction transcendantale de la mémoire est assurée par les lieux, organisée par une certaine communauté et dans un certain contexte culturel déterminant les cadres et l’usage des catégories transcendantales, alors la connaissance objective de la vérité du passé dont on se souvient est fonction d’un certain lieu de la culture. Deuxièmement : si la mémoire est une telle faculté du lieu, alors elle a une fonction essentiellement sociale. Chaque individu va percevoir le passé de la même manière et ainsi prendre conscience de son inclusion dans une communauté fondée sur une histoire commune. Deux enjeux donc de cette qualité du lieu de mémoire : un épistémologique et un sociopolitique. Maurice Halbwachs suggère ainsi une sorte de kantisme relativiste qui semble correspondre à la position épistémologique pouvant permettre de penser ensemble le témoignage et l’historiographie. Il cherche les garanties d’une connaissance objective du passé, mais il en fait une fonction sociale dont le champ de vérité et l’efficacité sont limités à un certain lieu de la culture qui s’instaure paradoxalement sur la conviction de détenir une vérité définitive.

Contre toute une perspective historiographique, qui par la plume de March Bloch a été âprement reprochée, l’histoire serait donc essentiellement l’histoire de la mémoire et non la recherche de ce qu’il s’est véritablement, et une fois pour toutes, passé. La vérité historique est constamment différée et l’événement semble être de la même nature que l’archive qu’étudie Jacques Derrida (Mal d’archive), toujours en construction et pour cela toujours écrite au futur antérieur. La méthode historique la plus adéquate serait en fait l’historiographie. Approcher l’événement historique signifierait, comme Maurice Halbwachs le fait lui même avec l’histoire Sainte, déconstruire la concrétion de ses formations anachroniques. Il faudrait montrer que cette conception correspond à une certaine épistémologie contemporaine de la discipline historique considérée comme écriture narrative18 et performative du passé19.

Si l’objectivité du souvenir, c’est-à-dire en fait les catégories de la mémoire, est socioculturelle, c’est que, pour Maurice Halbwachs, y a plusieurs compréhensions possibles des mêmes éléments. Il montre dans La mémoire collective, que chaque individu est en fait une communauté de mémoires virtuelles. Ces courants de mémoire correspondent aux différents groupes dont l’individu peut faire partie et qu’il actualise librement selon la fonctionnalité de certains cadres vis à vis de certains objets, ou simplement par libre association d’idées. Contrairement à ce qu’il suggère dans Les cadres, Maurice Halbwachs considère alors que les cadres et l’usage des catégories de la mémoire ne seraient donc pas imposés de l’extérieur.

Cependant, si la mémoire est une faculté du lieu, ces deux conceptions ne sont pas contradictoires. Les individus n’ont pas le choix : le lieu leur impose d’actualiser tel ou tel courant

18

P. Ricoeur, Temps et Récit. I : L’intrigue et le récit historique. III : Le temps raconté, Paris, Seuil, 1991.

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de mémoire. Il est imposé de l’extérieur comme une norme. Devant un lieu de mémoire, chacun ne peut faire partie que d’un seul et même groupe, car le choix du courant de mémoire organisant les souvenirs est déjà fait une fois pour toutes. Lire le lieu de mémoire avec un autre code pour en décoder les significations le rendrait incompréhensible, et l’individu s’adonnant à cette pratique aurait ainsi perdu le sens de l’histoire. Une telle démarche serait, au sens propre, insensée, folle de ne pas reconnaître ce que tous attestent. Il faudrait montrer que le lieu de mémoire permet une attestation oculaire commune et incontestable20. Dans cette mesure, l’organisation des lieux de mémoire est une technologie de production et de sédimentation de la communauté. D’une certaine manière, il s’agit de l’instauration d’un devoir de mémoire.

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