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La Micro-Assurance a-t-elle une place en France ?

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Academic year: 2021

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Dominique Abgrall, Patrick Fosso

To cite this version:

Dominique Abgrall, Patrick Fosso. La Micro-Assurance a-t-elle une place en France ?. 2017.

�hal-01582104�

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La Micro-Assurance a-t-elle une

place en France ?

Dominique ABGRALL, Patrick FOSSO

Groupe de Travail sur la Micro-Assurance, Institut des Actuaires

groupe_microassurance@institutdesactuaires.com

Résumé

Pourquoi développer de la micro-assurance en France ? Est-ce possible ? Le Groupe de Travail de l’Institut des Actuaires, en parallèle de son travail de veille des projets internationaux de micro-assurance, se penche sur la question de la pertinence du développement de la micro-assurance dans notre pays.

I.

Introduction

La micro-assurance est un concept histori-quement issu de celui de la micro-finance1 qui, depuis quelques années, fait l’objet de dispositifs visant à améliorer l’accès aux services bancaires pour des populations précaires en France. Les initiatives de micro-assurance, quant à elles, y restent marginales bien que le concept se soit largement répandu dans les pays en développe-ment. Cette solution alternative à la distribution traditionnelle des produits d’assurance s’appuie sur une intégration sociale et contribue à déve-lopper le rôle de Public Risk Management de l’assurance. [Nabeth, 2006] initie la littérature française sur le sujet en la destinant à des po-pulations habituellement exclues des réseaux traditionnels, et en situation de précarité avérée. Ainsi, selon [Camdessus, 2012], certaines initia-tives ont vu le jour sur le marché de l’assurance en France, comme l’Association pour le Droit à l’Initiative Économique (ADIE) ou la Fondation Entrepreneurs de la Cité. Ces projets ont été ou sont toujours soutenus par des acteurs clas-siques de l’assurance : AG2R La Mondiale, April Group, AXA, La Banque Postale, BNP Paribas, la Caisse des Dépôts, CFDP Assurances, CNP

Assurances, Finaréa, HannoverRe, le Groupe Malakoff Médéric, la MACIF, la Matmut, etc. Dans cet article, nous donnons la vision du Groupe de Travail sur les possibilités de déve-loppement de la micro-assurance en France.

II.

Les piliers de la

micro-assurance

Un business model de micro-assurance peut être identifié à travers trois piliers2 qui

s’ins-pirent essentiellement du cadre conceptuel donné par [Hay et Mourot-Levy, 2014] : (1) Une

po-pulation cible non couverte3par les réseaux

traditionnels, mais solvable au vu du risque considéré. Historiquement, la micro-assurance s’intéresse aux cas d’exclusion en raison de la relative précarité de la population visée (rôle de Public Risk Management). Cette contrainte implique que les montants assurés soient relati-vement faibles. Nous ajoutons que, dans une cer-taine mesure, la réalisation du risque doit mettre en péril la stabilité sociale de l’individu assuré. Ainsi, les garanties sont strictement adaptées aux besoins identifiés. (2) Un réseau de

dis-tribution et de contrôle alternatif à l’approche

Au nom du Groupe de Travail sur la Micro-Assurance. Les auteurs remercient également le Dr Huguette Boissonnat ainsi que M. Vincent BEAUGRAND, Directeur du Fonds CMU, et son équipe pour les échanges sur le Fonds CMU.

1. Cf. Création de la Grameen Bank par le Professeur Muhammad YUNUS, Prix Nobel de la Paix 2006. 2. Cette définition est une représentation du marché de la micro-assurance généralement observé. Elle n’est toutefois pas universelle. Noter : (i) que le terme d’assurance inclusive est parfois utilisé et (ii) que certains Codes des Assurances (Inde, zone CIMA) mentionnent explicitement la micro-assurance.

3. Dans [Crosemarie, 2015], page 149, le CESE donne un objectif clair pour la micro-assurance : « Améliorer

l’accès à une assurance de qualité pour les familles à bas revenus. » Voir aussi [Komarnicki, 2014] pour un focus

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traditionnelle. Ce réseau doit pouvoir permettre une réduction extrême des coûts de distribution et de suivi des assurés. En pratique, l’enjeu est de tarifer et de provisionner en présence de don-nées incomplètes. (3) Un risque assurable4

(i.e. non systémique, avec une anti-sélection faible ou inexistante, et l’absence d’aléa moral) et rentable. La micro-assurance peut suppo-ser l’adjonction de subventions permanentes comme pour l’assurance-récolte5, ou liées au

démarrage. En outre, le sujet de la rentabilité va de pair avec le choix du réseau de distribution. Ces trois piliers sont requis pour identifier généralement les projets de micro-assurance. La rentabilité du mécanisme doit ainsi s’appuyer sur une distribution massive de la solution d’as-surance en raison de la faible marge dégagée pour chaque assuré. Cela oblige également une réduction forte des coûts de développement et de mise en place du système. Les coûts mar-ginaux de distribution doivent rester faibles, ce qui explique la nécessité d’un réseau de dis-tribution alternatif peu onéreux. Le point le plus délicat est de maîtriser l’aléa moral via un contrôle efficace en cas de sinistre. Ce contrôle doit permettre de conserver un équilibre éco-nomique, sans complexifier les processus de gestion et alourdir les coûts associés. L’assuré, solvable, doit financer lui-même le coût de sa garantie, même si ce financement est indirect comme cela peut être le cas dans les projets de micro-assurance adossés à un micro-crédit.

Le caractère de relative précarité de la po-pulation cible peut être défini par rapport à un certain standard. Ainsi, les projets de l’ADIE et de la Fondation Entrepreneurs de la Cité s’adressent à de petits entrepreneurs dont les revenus sont faibles et dont la précarité est en-gendrée par le projet d’entreprise lui-même. A l’opposé, l’assurance des smartphones contre la

casse ou le vol pourrait être confondu à tort avec de la micro-assurance (primes potentiellement faibles, réseau de distribution alternatif, etc.) : la notion de précarité n’est pas adossée à la po-pulation cible et la réalisation du risque ne met pas en péril la stabilité sociale de l’assuré. Dans un autre domaine, une assurance collaborative auto-organisée ou une tontine ne peuvent pas être assimilées à de la micro-assurance lorsque la mise en place d’une telle structure reflète une forte compétence organisationnelle bien qu’al-ternative aux réseaux classiques.

III.

Quel marché pour la

micro-assurance en France ?

Avec un tel business model, quel est le mar-ché cible en France ?

Assistance sociale, solidarité et assurance

Pour bien saisir l’intérêt de la question posée dans ce paragraphe, il faut revenir à la définition de l’assurance comme le concept complémentaire de l’assistance sociale6 car la place de Public

Risk Manager de l’assureur se définit plus

fa-cilement par rapport aux trois entités qui, en France, contribuent à lutter contre la précarité7. L’État est la première entité et a un rôle d’assistance sociale. Celle-ci se caractérise par une solidarité financée par l’impôt et contrôlée par les administrations nationale et territoriales. Son objet est de garantir un niveau minimal de prise en charge des risques par la collectivité et de fournir un service social sans contrepar-tie directe. Ainsi, le rôle de l’État est relative-ment clair8. Les exemples sont nombreux : la

prise en charge systématique des patients dans les hôpitaux publics, l’existence du Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de dom-mages (FGAO), la complémentaire santé

gra-4. Selon [FFSA, 2009], tous les risques liés à la pauvreté ne sont pas assurables. Cf. [Picard, 2003] pour une définition de l’assurabilité.

5. Cf. par exemple [Goslinga, 2014]. 6. Cf. [ViePublique, 2006].

7. [Decourt, 1998] analyse les effets de ces trois composantes qui génèrent malgré tout un processus d’exclusion. 8. Cf. Loi n.98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions dans la prise en charge des populations exclues ou en voie d’exclusion.

9. Le Fonds CMU (Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie) est un établissement public national à caractère administratif avec trois missions principales : (i) financer la CMU Complémentaire et l’Aide pour une Complémentaire Santé, (ii) suivre et analyser le fonctionnement des

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tuite (CMU-C) destinée aux personnes à faibles revenus et gérée par le Fonds CMU9, etc. En sus de l’assistance sociale, la solidarité est his-toriquement prise en charge par les associations en France. Enfin, l’assurance a pour rôle de proposer des solutions de stabilité sociale sur le marché privé : aléa moral limité, viabilité économique, concurrence entre les acteurs, etc.

Quelle marge de manœuvre pour la

micro-assurance ?

Le rôle de Public Risk Management de la micro-assurance découle de cette volonté de capter un marché étroit à la frontière de l’assis-tance sociale et de la solidarité tout en restant de l’ordre du marché privé. Toutefois ces der-nières sont très sujettes à la fraude (ou aléa moral) alors que la micro-assurance s’appuie sur un aléa moral très faible en raison de la contrainte sociale.

Il s’agit de trouver des marchés potentiels qui, selon les piliers de la micro-assurance, sont rentables et protègent une population de la précarité.

Lors de notre rencontre avec le Fonds CMU, organisme qui gère la CMU-C et l’ACS, quelques pistes ont été évoquées. Tout d’abord, le mar-ché des risques liés à la santé est une priorité de l’État10. Ensuite, selon l’équipe du Fonds

CMU, la précarité n’est pas définitive. L’as-sureur privé pourrait s’investir dans un suivi de ces populations avec l’objectif de capter la clientèle potentielle en l’accompagnant dans sa sortie de précarité. Dans cet exemple, le réseau alternatif serait le partenariat avec le Fonds CMU lui-même. Toutefois, cette piste n’est possible que pour les organismes d’assurance ayant été retenus pour la gestion de l’aide à la complémentaire santé (ACS).

Le développement de la micro-assurance en France est-il vraiment limité au marché des auto-entrepreneurs ? En effet, les initiatives françaises ne semblent pas si éloignées de certains acteurs

de l’assurance traditionnelle et l’assimilation des auto-entrepreneurs à la précarité est discutable. En revanche, la distribution de garanties aux populations en réelle précarité, par le tissu as-sociatif dense et efficace, peut être un réseau alternatif de distribution pertinent. Ce serait une application directe de la notion d’intégra-tion sociale qui est à l’origine du concept de micro-assurance. Donnons un exemple pratique. Depuis plusieurs années, les réflexions d’ATD Quart Monde ont largement contribué à mettre en place la CMU-C et l’ACS tels que nous les connaissons. Aujourd’hui l’expérience concrète des personnes en précarité est claire. La couver-ture obsèques est absente des aides nationales alors que la demande est récurrente et le besoin réel. Une telle garantie, distribuée par les asso-ciations et financée par les bénéficiaires, consti-tuerait un marché potentiel de micro-assurance.

IV.

Conclusion

Les exemples de projets existants de micro-assurance en France montrent que des initiatives sont possibles là où le marché actuel est inadé-quat (cas des auto-entrepreneurs) ou insuffisant (cas d’un complément à la CMU-C et à l’ACS). Les trois conditions requises pour construire un business de micro-assurance peuvent être ainsi remplies : (1) Une population cible exclue des réseaux traditionnels mais solvable : auto-entrepreneurs, personnes aux revenus précaires, personnes en voie d’exclusion, etc. (2) Un réseau de distribution et de contrôle alternatif : le tissu dense des associations Loi 1901, les buralistes11,

etc. (3) Un risque assurable et rentable qui répond à un besoin réel.

L’assurabilité du risque et la rentabilité sont les enjeux majeurs d’un tel projet. Il revient à l’actuaire de construire les modèles qui déter-mineront la faisabilité réelle. Au vu de cette analyse, nous encourageons la communauté ac-tuarielle à se pencher davantage sur le sujet pour apporter des éléments de réponse à cette dernière question.

dispositifs et à ce titre formuler des propositions d’amélioration et (iii) élaborer et publier la liste nationale des organismes complémentaires habilités à gérer la CMU-C.

10. Cf. Circulaire n.DGOS R4-2013-246 du 18 juin 2013 relative à l’organisation et le fonctionnement des permanences d’accès aux soins de santé (PASS).

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Interview du Dr Boissonnat

1.Vous êtes directement en contact avec les personnes en situation de précarité. Quelles sont leurs premières préoccupations au quotidien ?

Parler de leurs premières préoccupations est difficile pour moi. La précarité impacte l’ensemble de la vie d’une personne et les préoccupations sont tellement nombreuses, et tellement ingérables qu’elles sont toutes premières.

Mais je dirais que c’est le manque de protection, de sécurité, la peur du lendemain, l’anxiété générée parce qu’on ne maîtrise plus rien dans sa vie, qui sont omniprésents. Joseph Wresinski, fon-dateur du Mouvement ATD Quart-Monde12, disait de la précarité qu’elle est l’absence de sécurités :

absence de ces sécurités qui permettent aux personnes d’assumer leurs obligations professionnelles, leurs responsabilités familiales et sociales. Ne pas être sûr de son environnement et de son avenir immédiat pèse sur les individus au-delà même des préoccupations liées à leurs ressources du moment. Cela les amène à vivre un enchaînement d’évènements et d’expériences de vie négatifs.

Une femme me confiait que sa préoccupation première : « C’est de me sentir protégée, jamais je

n’ai pas eu peur ! » D’autres militants d’ATD Quart-Monde13 m’ont rappelé « qu’au-delà des belles

phrases sur la pauvreté, il fallait dire haut et fort que la principale préoccupation pour eux, c’est les enfants, le futur des enfants, tout faire pour les protéger et leur donner un avenir meilleur ».

2. Dans un contexte de désengagement progressif de l’Etat dont les richesses ne permettent plus d’assurer pleinement les minima sociaux, avez-vous observé une évo-lution de la population que vous côtoyez au sein d’ATD Quart-Monde ?

Nous avons observé un appauvrissement des plus pauvres dans les années 2005-2012, une situation alarmante sur le plan de la santé, du logement et des droits et des modifications notoires dans la prise en charge des plus pauvres. Ce qui a changé, suite à celles-ci, c’est la perte de confiance dans les aides de l’Etat. Mme Zimmer, militante Quart-Monde, le résume ainsi : « L’erreur, c’est

de se laisser entraîner dans le piège de l’assistance : on tourne en rond en s’enfonçant de plus en plus dans la précarité. C’est la spirale de l’échec. Les aides, c’est comme des yo-yo, elles vous font remonter un peu puis tu ne les as plus, et tu redescends plus bas qu’avant ! Quand tu as ce que tu as avec ton argent, tu sais que tu peux compter dessus, on ne te le reprend pas du jour au lendemain ». Les plus pauvres nous alertent également souvent sur la fragilité de ceux qui tombent dans la pauvreté, ceux qui suite à la conjoncture actuelle perdent leur emploi et découvrent la précarité.

« On les voit dans les supermarchés, ils n’ont pas l’habitude, ils choisissent mal, ils n’y arriveront

pas ! »

« Ceux qui deviennent pauvres, c’est le socle de la société qui descend, c’est dangereux, ils ne

courberont pas le dos comme nous ! Ils vivront mal l’exclusion, la marginalisation ».

Cependant, la Conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale14 a permis des

avancées significatives dans la lutte contre la pauvreté. Elle a surtout, je crois, créé les conditions de l’émergence de dynamiques de la société civile. C’est cela qui nous semble aller dans le bon sens. La recherche de solutions issues de la réflexion des plus pauvres a été favorisée avec des résultats positifs dans le domaine du travail, de l’école, de la santé en redonnant de la place à l’individu

12. Grande pauvreté et précarité économique et sociale, RAPPORT CES 1987

13. Militants Quart Monde : personnes ayant connu ou vivant dans la grande pauvreté membre d’ATD Quart-Monde 14. social-sante.gouv.fr/ministere/documentation-et-publications -officielles/rapports/solidarite/article/conference-nationale-contre-la-pauvrete-et -pour-l-inclusion-sociale

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et à la dynamique collective. Je citerais le programme territoire zéro chômeurs de longue durée15, le rapport au CES sur une école de la réussite pour tous16, et la mutuelle pour tous17 avec des contrats collectifs santé initiés par le Mouvement ATD Quart-Monde et validés via les contrats ACS.

3.La dignité de la personne est au cœur de vos réflexions. Quelles sont les idées re-çues sur les populations défavorisées qui sont généralement réfutées (volonté de sortir de la précarité, paradoxe du surcoût de l’assurance à la carte pour un besoin restreint, etc.) ?

Je pense que le malentendu sur la nature de ce qu’est la pauvreté a entraîné un malentendu sur les solutions à apporter. La pauvreté c’est l’insécurité. Mais elle ne met pas en cause les qualités humaine de celui qui la subit et encore moins sa dignité.

L’assistance est considérée par beaucoup d’entre nous comme un plancher, de ressource de survie, d’action supportable. Or il n’en est rien ! Elle ne garantit pas d’échapper à la faim, au froid, à la destruction des liens familiaux. Elle ne garantit pas, à l’homme disqualifié par la misère de retrouver sa dignité. Fondamentalement, cette réponse par l’assistance ou la commisération traduit un refus

d’accueillir la contribution des pauvres à notre société et à sa réflexion elle ne traduit pas une

volonté de les insérer. Alors, elle devient inacceptable, tant pour le contribuable qui n’en voit pas la contrepartie que pour les bénéficiaires qui sont humiliés, car on répond par la soupe populaire à leur espoir d’appartenir à la société. (J Wresinski18)

« Le stress, la reproduction, la perte d’habitudes, de transmission, le regard de l’autre, les stéréotypes

et les préjugés, le travail des très jeunes pour nourrir la famille constituent les bases d’un cercle vicieux du court terme qui caractérise la pauvreté »

« Mais nous devons relever la tête, sortir de la pauvreté ce n’est pas tant par l’argent que par la

dignité d’être humain »

« Dans le monde de l’assurance nous avons souvent entendu dire "mais nous avons un produit plan-cher, et ils n’en veulent pas". Mais nous-même nous ne l’aurions pas pris, le produit ne correspondait

pas au besoin exprimé », disent les militants.

Nous avons publié un livre, écrit avec des personnes en précarité, Pour en finir avec les idées

fausses sur les pauvres et sur la pauvreté19, qui reprend 104 assertions couramment entendues à

propos de pauvreté et qui les réfute.

« Non les plus pauvres ne se complaisent pas dans la pauvreté, oui ils veulent en sortir mais surtout

que leurs enfants puissent en sortir. Oui ils sont porteurs de propositions pour améliorer et humaniser notre société. »

4. Au sein d’ATD Quart-Monde, vous portez la défense des plus faibles depuis plu-sieurs dizaines d’années maintenant. Quelles leçons avez-vous pu tirer de cette grande expérience ?

15. http ://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/experimentation_territoires_zero_chomage _longue_duree.asp

16. http ://www.lecese.fr/travaux-publies/une-cole-de-la-r-ussite-pour-tous 17. http ://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/7eme.pdf

18. Rapport de M. Joseph Wresinski à M. Michel Rocard, Ministre du Plan et de l’Aménagement du Territoire, Décembre 1982

19. https ://www.atd-quartmonde.fr/ledition-2015-de-en-finir-avec-les-idees-fausses- sur-les-pauvres-et-la-pauvrete-en-librairie-/

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La première leçon que j’ai tirée de mon cheminement avec les plus pauvres est le respect. Ap-prendre et s’apAp-prendre, entendre et s’entendre, expliquer et s’expliquer. Patiemment découvrir la réalité de l’autre et partager la vôtre et construire un chemin ensemble. Souvent je me dis que nous creusons des galeries, qui sont autant de pistes pour permettre de sortir de cet emprisonnement que construit la misère. Mais c’est ensemble, forts de la confrontation et de la construction, que nous pouvons proposer ces pistes pour que notre société rassemble l’ensemble de ses citoyens.

Vous savez, dès la fondation du Mouvement nous pensions que la paix ne serait pas assurée sans efforts considérables de développement pour tous. Dans les années 70, cette pensée s’est encore affirmée. Pour asseoir la paix, le développement devait être juste, ses profits équitablement répartis entre les peuples et, aussi, entre les différentes parties composant chaque peuple. A ce stade, l’inter-dépendance entre paix, développement et les Droits de l’Homme devint alors pour nous une évidence. Pas de citoyen de seconde zone ! En effet, quand le travail, l’instruction et même la nourriture ne sont pas assurés, quel usage les hommes peuvent-ils faire de leur réalité de citoyen et des droits et devoirs qui lui sont associés ?20

C’est une des grandes leçons que j’ai apprise. Notre action doit veiller à rester globale, à redonner à tout être humain sa dignité et sa faculté à retrouver ses dynamiques personnelles et surtout lui permettre de rejouer collectif. La force de notre fondateur Joseph Wresinski en 1957 est d’avoir imaginé le collectif dans ce monde de pauvreté qu’on avait exclu et caché hors de notre société, atomisé au bord de nos cités dans des habitats précaires. Je ne dis pas que c’est facile, mais agir ensemble et regrouper des personnes qui par définition vivent cachés derrière leurs volets est une expérience que nous vivons dans le monde entier et qui nous enrichit.

5. La réforme de l’ACS a-t-elle eu un impact sur les garanties obsèques incluses dans le produit d’assurance complémentaire santé d’ATD Quart-Monde ?

La réforme de l’ACS a permis de faire accéder les personnes vivant sous le seuil de pauvreté à des mutuelles de bonne qualité sous forme de contrat collectifs co-assurés. Le modèle retenu au niveau national est inspiré du contrat collectif imaginé et mis en place par ATD Quart-Monde. Mais ce contrat ne comporte pas de volet obsèques alors que c’était l’une des demandes fortes des militants Quart-Monde. Lorsque je leur avais demandé ce dont ils avaient besoin dans leur contrat, ils m’avaient dit : « que l’hôpital ne nous endette pas et qu’on puisse enterrer dignement nos morts ». Nous avons donc repris nos recherches21 avec les sociétés de pompes funèbres pour avoir une

proposition convenant aux personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté et au cahier des charges qu’elles ont rédigé, qui se résume à « la dignité, être enterrés habillés et non plus nus, et lavés si

possible et qu’il reste une trace de notre passage ».

6. Les personnes ciblées par les actions d’ATD Quart-Monde sont aussi le terreau du développement des solutions de micro-assurance. Cependant, il existe aujourd’hui très peu de données fiables qui permettraient aux acteurs de développer des techniques et des produits adaptés à cette population. Quelles seraient les autres principales contraintes pour ATD Quart-Monde en vue d’un développement en collaboration avec la micro-assurance ?

La première contrainte est du domaine du recueil de données pour nous aussi. La vie en précarité

20. D’après Joseph Wresinski, Communication écrite présentée à l’occasion de la 43ème session de la Commission des Droits de l’Homme des Nations unies, en février-mars 1987, à Genève.

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isole l’individu et peu à peu le coupe de son milieu social. Il est donc difficile de collecter des données sur ces populations. D’autre part rien dans la vie en précarité n’est linéaire, la vie est vécue de ruptures en ruptures et ceci met en difficulté les chercheurs. La pauvreté est considérée comme

anormale, heureusement pourrions-nous dire, mais les conditions de vie en pauvreté échappent aux

normes émises par les institutions et les schémas habituels de recueil de données ne fonctionnent pas. Je me souviens très bien d’une étude22intéressante menée sur la nutrition des enfants. Les plus

pauvres se sont écartés de l’étude, non pas volontairement, mais parce qu’il fallait consigner au jour le jour sur plusieurs semaines les aliments donnés aux enfants avec précision. Ils étaient dans l’impos-sibilité de le faire en raison de leurs conditions d’habitat, d’approvisionnement et du rapport à l’écrit qui est difficile. Nos retrouvons toujours les mêmes écueils, le manque de données fiables et collectives. La pauvreté est encore souvent traitée de façon individuelle. Mais les personnes en précarité, constituent un groupe social qui doit être une source d’inspiration pour les chercheurs.

La deuxième contrainte, j’en ferai même un préalable, c’est de construire avec les plus pauvres et non de faire pour les plus pauvres. Entendre leurs besoins, leurs aspirations et leurs propositions d’amélioration. Ceci demande des efforts mais permet de les retrouver là dans leur réalité et c’est ainsi que nous obtiendrons une adéquation forte entre le produit et le besoin.

Références

[Camdessus, 2012] Camdessus, M. (2012). Rapport annuel de l’observatoire de la microfinance. Observatoire de la microfinance, Banque de France.

[Crosemarie, 2015] Crosemarie, P. (Février 2015). La microfinance dans les Outre-mer. Les avis du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE).

[Decourt, 1998] Decourt, G. ( 1998). Assurance, vulnérabilités et processus d’exclusion. publication CNRS.

[FFSA, 2009] FFSA ( 2009). Vulnérabilité, assurance et solidarité. Revue Risques, 77. Rubrique Analyses et débats.

[Goslinga, 2014] Goslinga, R. (Août 2014). Crop insurance, an idea worth seeding. TED Talk. [Hay et Mourot-Levy, 2014] Hay, F.-X. et Mourot-Levy, R. (Juin 2014). La Microassurance, un

outil de "Public Risk Management". L’Actuariel.

[Komarnicki, 2014] Komarnicki, F. (Promotion 2014). Comment améliorer la couverture

assuran-tielle de base des personnes vulnérables en France ? Focus sur les assurances complémentaires santé et multirisques habitation. Mémoire CNAM. Master 2 Droit, économie et gestion. Mention

Management. Spécialité Gestion de la qualité globale et du développement durable.

[Nabeth, 2006] Nabeth, M. (2006). Micro-assurance. Défis, mise en place et commercialisation. Dalloz.

[Picard, 2003] Picard, P. (Juin 2003). Les frontières de l’assurabilité. Risques, FFSA, 54.

[ViePublique, 2006] ViePublique (Mai 2006). Assistance, assurance et protection sociale. www.vie-publique.fr.

22. Avis de l’Anses relatif aux disparités socioéconomiques et aux apports nutritionnels et alimentaires des enfants et adolescents, Saisine no2012-SA-0085, Décembre 2012, 306p : D’une manière générale, les études en population

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