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ARTheque - STEF - ENS Cachan | La Génétique et les publications de généalogie : une relation ambiguë

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Academic year: 2021

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LA GÉNÉTIQUE ET

LES PUBLICATIONS DE GÉNÉALOGIE

UNE RELATION AMBIGUË

Véronique MAFFÉO

L.I.R.D.H.I.S.T., Équipe de Didactique de la Biologie, Université Lyon 1

MOTS-CLÉS: ÉTHIQUE - GÉNÉTIQUE - GÉNÉALOGIE· VULGARISATION

RÉSUMÉ: Depuis une quinzaine d'années, des articles présentant des notions de génétique sont inclus dans les publications de généalogie, science ayant pour objet la recherche de filiations. Cette présence s'explique en partie par le fait que les généalogistes contribuent parfois à la mise en place de fichiers pouvant êrre utilisés par des généticiens, dans un cadre de recherche sur les maladies héréditaires, ouàd'aurres fins. Dans ce contexte, la génétique est-elle présentée aux généalogistes de manière objective ou critique, avec les dérives possibles quant à l'utilisation de tels fichiers ?

SUMMARY : Since about fifteen years, articles presenting genetic notions are included in reviews of genealogy, science of filiations research, because the genealogists con tribu te sometimes to the creation of files which can be used by geneticists, in a framework of research on hereditary sicknesses, or for other purposes. In this context, is genetic presented to genealogists with objectivity or criticism, and with possible drifts in such files use?

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1. INTRODUCTION UNE GÉNÉTIQUE DE PLUS EN PLUS PRÉSENTE

Depuis un quart de siècle, les recherches généalogiques se sont démocratisées et ont attiré de nombreux amateurs (76 000 officiellement déclarés aux Archives Départementales en 1992). Ce sont des généalogistes en quête d'une hislOire de leurs ancêtres, et qui de ce fait, ont établi ou fait établir des filiations sociales à partir de documents officiels comme les actes de naissance, mariage et décès. Depuis une quinzaine d'années, des articles présentant des notions de génétique sont inclus dans les principales publications destinées à ces généalogistes. Or la génétique concerne les filiations biologiques et non sociales: Quelles sont les relations entre ces deux domaines?

L'objectif présent est de détenniner les raisons de la présence de tels articles de vulgarisation sur la génétique et d'examiner les idées diffusées. L'étude des publications de généalogie les plus répandues, commeGé-magazineetLa revue française de généalogiemontre essentiellement deux types d'approche de la génétique dans la généalogie:

- la généalogie au service de la génétique, ou le généticien généalogiste, - la génétique au service de la généalogie, ou le généalogiste généticien.

Ces deux approches nous serviront de fil conducteur pour la suite de ce texte, et dans chaque cas, des résumés d'articles représentatifs seront présentés puis commentés.

2. LA GÉNÉALOGIE AU SERVICE DE LA GÉNÉTIQUE 2.1 La généalogie et les maladies héréditaires

La génétique fait appel à la généalogie dans le cadre des maladies héréditaires, avec la recherche d'un ancêtre commun à plusieurs patients, et de là, la déduction des populations à risque, en vue d'une médecine dite prédictive. Plusieurs articles de généalogie traitant de cet aspect ont été publiés. Par exemple, en juin-juillet 1981, le docteur Patrice Labune, dans un article deLa revue française de généalogie,traite des facteurs et des risques de la consanguinité qui accroît le risque de révélation d'une maladie héréditaire de façon d'autant plus fone que cette maladie est rare. L'auteur précise qu'il est souhaitable d'éviter les unions consanguines au moins jusqu'aux cousins issus de germains, et qu'une enquête généalogique est nécessaire pour identifier le lien de parenté entre les individus concernés et pour retrouver la tare héréditaire.

En avril-mai 1987, un lecteur deLa revue française de généalogie(numéro 49, page 33) rapporte les propos du professeur Jacques-Michel Robert, chef de service de génétique de l'Hôtel-Dieu de Lyon. Selon lui, des travaux sur des milliers d'arbres généalogiques ont montré que certaines maladies sont spécifiques à une région et affectent, par là même, toutes les personnes qui en sont originaires. Pour ce professeur,"Il suffit de demander son nom à un malade pour être en mesure, lorsque son parronyme est propre à une région, de deviner la maladie dontilsouffre éventuellement.".Il précise aussi que ce type de recherche est autorisé, à condition que les dossiers soient hermétiques, et ne sonent pas du domaine médical.

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En mai 1990, Bertrand Dumas de MascareI. dans un très court article de la revue Gé-maRazine, rraite de l'eugénisme qui est une théorie sociale de maintien des seules conditions favorables à l'amélioration de la race. Il dénonce la pratique de deux médecins britanniques qui ont dépassé le stade du dépistage en obtenant, in vitro, le sexage d'embryons de trois jours pour éviter l'éventuelle transnùssion d'une maladie héréditaire n'affectant que le sexe masculin.

À aucun moment les conséquences ou dérapages de la médecine prédictive ne sont abordés dans les deux premiers articles, tant au niveau familial (conséquences psychologiques pour J'individu concerné), qu'au niveau social (poids des décideurs économiques et politiques sur les parents, comportements des assureurs et des employeurs vis-à-vis d'un sujet à risque).

Pourtant les conséquences peuvent être lourdes: en 1992, aux États-Unis, des femmes risquant de développer un cancer du sein ont préféré subir une ablation mammaireàtitre préventif.

Le généalogiste est-il conscient des aspects négatifs de la médecine prédictive lorsqu'il contribueà la constitution d'un fichier, d'autant plus qu'il est fortement sollicité pour publier sa généalogie et l'ensemble de ses recherches qui peuvent toucher d'autres familles?

Le dernier article sur l'eugénisme tire la sonnette d'alarme, mais la revue n'a laissé que très peu de placeà l'auteur pour s'exprimer!

2.2 Le fichier BALSAC au Québec

Dans la revue régionaleNos Ancêtres et Nous du 4e trimesrre 1992, Luc Dupont signale que le Québec va bientôt posséder un fichier informatique de population, fichier débuté en 1971 par Gérard Bouchard (historien et généticien des populations) sur les aspects sociaux, et incluantà partir de 1979 la génétique humaine suiteà une discussion avec Albert Jacquard. Il permet de reconstituer automatiquement la totalité des généalogies de la population des souches françaises, depuis les débuts de la Nouvelle France jusqu'à nos jours. Ce fichier baptisé BALSAC donne aux généticiens un nouveau moyen d'étudier la nature et la distribution de nombreuses maladies génétiques. L'auteur précise alors que l'éthique pointe le bout de son nez: doit-on informer tous les membres vivants d'une généalogie d'un risque de maladie héréditaire, et quelles seraient les conséquences psychologiques d'une telle nouvelle?

L'auteur pose clairement le problème de la confidentialité des données et de l'éthique, mais ne souligne pas les dérapages possibles suiteàune utilisation de ce fichier sur un autre plan que celui strictement médical. Le généalogiste éclairé peut toutefois établir un parallèle entre la situation au Québec et celle en France où fleurissent des programmes de fichage sensés aider le généalogiste dans ses recherches, sans préciser les autres utilisations possibles.

2.3 Le programme PAGI en France

En décembre 1991, Jean-Pierre Pélissier présente, dans la revue Gé-magazine, son programme PAGI - étude sur la mobilité des populations anciennes - mis en place par l'I.N.R.A. depuis février 1990, et fondé sur une collaboration avec les généalogistes. Les informations recueillies systématiquement dans les actes sont le nom, les prénoms, l'âge, le sexe, les lieux d'origine et de résidence, le métier, et la signature. En avril 1993, dans la même revue, Pélissier, fait le point sur le programme PAGI qu'il

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juSlifie aux généalogistes conune étant une sauvegarde des registres menacés par les manipulations et une mine d'informations facilitant les recherches.

Le généalogiste est ici trompé: la protection des registres est un prétexte car ils le sont par leur microfilmage en cours depuis les années 60, en outre, ils contiennent les informations d'origine. Par contre, la possibilité future d'utiliser cet immense fichier pour des recherches autres que démographiques - comme ce fut le cas pour BALSAC - n'est pas soulignée.

3, UNE GÉNÉTIQUE NÉCESSAIRE

À

LA GÉNÉALOGIE

3.1 Les apports de la génétique

L'éditorial de la revueNos Ancêtres et Nousdu 1er trimestre 1985 (numéro 25, page 3) souligne que le généalogiste "n'a plus le droit d'ignorer les travaux des généticiens", tout en se demandant néanmoins si la génétique peut aideràétablir une filiation. L'auteurremarque que la bio-généalogie avec les groupes sanguins et le système HLA est impuissante en ce qui concerne les filiations du passé. La patho-généalogie, très complexe et fondée sur les maladies héréditaires peut conclureàune parenté entre deux personnes atteintes d'une même maladie, mais la réalité n'est pas aussi simple. La mo ho- énéalo .e, fondée sur des ressemblances h si ues, est très contestée.

En bref, le généalogiste ne doit pas ignorer la génétique même si ceÜe-ci ne peut pas l'aider à établir une filiation dans le passé...

En janvier 1990, le généticien Albert Jacquard est interviewé dans la revueCé-magazine.Il précise que "la génétique est la science de la non-ressemblance entre parents et enfants"et que "la ressemblance entre parents et enfants résulte uniquement de deux causes" :l'inné (informations biologiques) et l'acquis (informations culturelles), ces deux informations ne s'additionnant pas car elles sont totalement différentes. Il souligne aussi que la représentation généalogique "considère simplement le rapport social et culturel"avec une ligne verticale pour relier la fratrie aux parents, or our le énéticien, l'enfant"résulte d'un tira e indé endnnt dans le atrimoine énéti ue des arents". Cet entretien permet de relativiser l'impact de la génétique sur la généalogie, et Albert Jacquard en profite pour rappeler que deux informations sontà considérer: l'inné et l'acquis.

DansLa revue française de généalogied'octobre-novembre 1992, son fondateur Christian Mazenc précise que l'étude des généalogies ascendantes et descendantes ont été d'un très grand secoursà la science génétique. Il écrivait"on ne parlera plus de "forces mystérieuses" mais de traits physiques ou moraux ui se sont transmis ar le 'eu des amètes mâles et emel/es".

L'auteur ne nuance pas ses propos - tout est génétique - et ne cite pas ses sources bibliographiques.

3.2 Les écrits du Docteur Beaubernard

Médecin passionné de généalogie, il a écrit plusieurs articles sur la génétique dans les revues de généalogie et a même publié en 1992 un ouvrage,L' héritage biologique: ce que les enfants tiennent de leurs parents,aux éditions Christian.

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Dans la revueHistoire et généalogie de juillet-août 1989, il présente l'appon des empreintes génétiques en généalogie biologique, après une description sommaire de la structure chimique de l'A.D.N. et du principe d'obtention des empreintes génétiques. L'auteur cite ses sources: des publications de Jeffreys et ses collaborateurs parues dans Nature. Il pense que la généalogie biologique, fondée sur ces empreintes, pourrait s'exercer ainsi dansle passé, sur des familles"dont persisteraient quelques débris organiques".Dans la revueGé·magazinede mai 1990, il traite de l'hérédité et de la médecine, en soulignant que le généalogiste ne peut ignorer l'existence ni l'intérêt des maladies héréditaires. L'auteur présente rapidement le vocabulaire des généticiens: A.D.N., allèle, chromosome, gène, maladie héréditaire... Dans la revueGé-magazinede février 1993, il présente son ouvrage,L'héritage biologique.Pour son auteur,"la bio-généalogie doit s'entendre comme une généalogie biologique opposéeàla généalogie sociale",et"la génétique rend compte de l'apparence physique, de l'état de santé, et même selon certains, du caractère d'un individu". Quant àson ouvrage L'héritage biologique,il présente des exemples de transmission d'indices morphologiques dont celle de la couleur des yeux. Selon l'auteur, des parents aux yeux clairs sont homozygotes et leurs enfants auront les yeux clairs! Ce n'est que56pages plus loin que l'auteur rectifie ses propos: la couleur des yeux n'est pas due à l'action d'un seul couple de gènes allèles, l'union de deux humains aux yeux clairs ne donnant pas 100%d'enfants aux yeux clairs.

Le Dr. Beaubernard s'intéresse plusàla généalogie actuelle ou future qu'à celle du passé. Il a le mérite de citer ses sources et de définir succinctement différents termes de génétique. Par contre, malgré une rectification tardive, son mauvais exemple sur la couleur des yeux risque de provoquer des conflits dans cenaines familles: la simplification à l'excès conduit à l'erreur.

4. CONCLUSION

Celte étude nous montre que c'est essentiellement la génétique qui a besoin de la généalogie et non l'inverse: en effet, la génétique ne peut pas être d'une grande utilité au généalogiste amateur établissant des filiations sociales. Les anicles sur les maladies héréditaires et la médecine prédictive sont peu objectifs, cenaines notions de génétique diffusées sont contestables (transmission des caractères moraux ou de la couleur des yeux).

Actuellement, les généalogistes subissent des pressions pour publier les généalogies ascendantes et descendantes, pour étoffer leur arbre avec des données sur la vie sociale de leurs ancêtres, pour réaliser des cousinades regroupant plusieurs milliers de personnes descendant d'un même couple. Parallèlement, des fichiers informatisés se développent, entre autres sur le réseau Internet. En bref, nous pouvons être fichés sans même le savoir, et les fichiers généalogiques plus ou moins exacts représentent une mine d'informations pour les généticiens.

La confidentialité des fichiers quantàelle peut laisser à désirer: une expérimentation, publiée en 1989 dans la revueNature,a été réalisée en Franceà panir d'un fichier confidentiel de donneurs de sperme pourtant protégé par le secret médical, l'objectif étant de déterminer l'appon génétique du père

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biologique dans l'intelligence de l'enfant par comparaison du Q.l. de demi-germains paternels (Charles, 1992).

Devons-nous nous en inquiéter dans le contexte actuel où le débat inné-acquis resurgit et où le tout-génétique s'impose de plus en plus? Ne serait-il pas temps que le généalogiste prenne conscience des perversions possibles d'une généalogie mal util isée ?

Par exemple, ne peut-on pas craindre dans l'avenir un fichage des enfants en fonction des antécédents familiaux sur plusieurs générations, fichage qui dirigerait sa vie?

Ces craintes sont corroborées par un entretien du Pr. Dupâquier(Larevue française de gênéalogie , numéro 109, avril-mai 1997), généalogiste, nouveau membre de l'Institut et responsable d'une enquête-fichage sur 3000 familles. Celui-ci souligne que "la généalogie a conquis un srmur scienrifique. Pour la science, les données qu'elle a accumulées représenre un énorme pO/enrie!.Le

biologique ici se rêvèle comme le rerreau sur lequel pousse le social".

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