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Le droit au logement et le sans-abrisme en Belgique

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Academic year: 2021

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Le droit au logement et le sans-abrisme en Belgique

Auteur : Copette, Alexandra Promoteur(s) : Fierens, Jacques

Faculté : Faculté de Droit, de Science Politique et de Criminologie

Diplôme : Master en droit à finalité spécialisée en droit pénal (aspects belges, européens et internationaux) Année académique : 2015-2016

URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/1149

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FACULTE DE DROIT, DE SCIENCE POLITIQUE ET DE CRIMINOLOGIE Département de Droit

Le droit au logement et le sans-abrisme en Belgique

Alexandra C

OPETTE

Travail de fin d’études

Master en droit à finalité spécialisée en droit pénal

Année académique 2015-2016

Recherche menée sous la direction de :

Monsieur Jacques FIERENS

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RESUME DU TRAVAIL

Ce travail aborde la matière du droit au logement des sans-abri en Belgique. Il débute par la définition de trois notions pertinentes au regard de la problématique envisagée : la pauvreté, le logement et le sans-abrisme. En second lieu, il procède à une analyse succincte des normes internationales ayant consacré le droit au logement. Le droit de différentes organisations internationales y est abordé: le droit des Nations unies, le droit du Conseil de l’Europe et le droit de l’Union européenne. Pour chacune des normes examinées, les effets juridiques du droit au logement consacré sont envisagés. Dans une troisième partie, la question du droit au logement en Belgique, ainsi que son effectivité concrète est abordée. La consécration constitutionnelle du droit au logement est examinée ainsi que les interventions législatives dans ce domaine. Dans une quatrième partie plus « pratique », les différentes aides sociales mises à la disposition des sans-abri et qui sont rattachées au droit au logement sont envisagées. Nous distinguerons le droit à l’aide sociale du droit à l’intégration sociale qui forment tous les deux le droit de l’aide sociale. Enfin, en ce qu’il permet la collaboration entre les autorités publiques et les acteurs privés, le projet Housing First Belgium visant à favoriser l’intégration sociale des sans-abri est envisagé afin de clôturer ce travail.

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REMERCIEMENTS

Je souhaite remercier Monsieur Jacques FIERENS, Professeur à l’Université de Liège, pour sa

disponibilité lors de la réalisation de ce travail de fin d’études. Même si je ne l’ai pas souvent sollicité, son écoute lors de notre réunion ainsi que les conseils qu’il m’a donnés lors de la correction de mon plan provisoire m’ont permis d’améliorer le présent travail.

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TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION ... 9

I. PREMIERE PARTIE : QUELQUES DEFINITIONS ... 11

A. LA PAUVRETE ... 11

B. LE LOGEMENT ... 12

C. LE SANS-ABRISME ... 12

II. DEUXIEME PARTIE : LE DROIT AU LOGEMENT EN DROIT INTERNATIONAL ... 15

A. LE DROIT DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES ... 16

1) La Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 ... 16

2) Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 .... 16

3) La Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 ... 17

B. LE DROIT DU CONSEIL DE L’EUROPE ... 17

1) La Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950 ... 17

2) La Charte sociale européenne du 18 octobre 1961 et la Charte sociale européenne révisée du 3 mai 1996 C. LE DROIT DE L’UNION EUROPEENNE ... 23

III. TROISIEME PARTIE : LE DROIT AU LOGEMENT EN DROIT BELGE ... 24

A. LA CONSECRATION DU DROIT AU LOGEMENT DANS LA CONSTITUTION BELGE ... 25

1) Le droit à un logement décent inscrit à l’article 23 de la Constitution ... 25

2) Quelle effectivité du droit constitutionnel au logement ? ... 25

a) Sur la base de l’article 23 alinéa 1ier consacrant le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine ... 25

b) Sur la base de l’article 23 alinéas 2 et 3, 3° ... 26

1. L’absence d’effet immédiat propre ... 26

2. Catégorisation des effets juridiques ... 26

a. L’effet d’orientation ... 27

b. L’effet d’irradiation ... 27

c. L’effet de stabilisation ou effet de standstill ... 28

3. Le droit au logement comme droit de protection ... 30

B. LES « DEBITEURS » DU DROIT AU LOGEMENT ... 30

1) La répartition des compétences en matière de logement ... 30

a) Les Régions ... 31

b) L’Etat fédéral ... 32

c) Les communes ... 32

2) Problèmes liés à la répartition des compétences et solutions apportées ... 33

IV. QUATRIEME PARTIE : LE DROIT AU LOGEMENT DES SANS-ABRI A TRAVERS LE DROIT DE L’AIDE SOCIALE ... 34

A. LE DROIT A L’AIDE SOCIALE DES SANS-ABRI ... 35

1) Les conditions d’octroi de l’aide sociale ... 35

2) Les formes d’aides permettant l’accès au logement ... 38

a) L’hébergement en structure d’accueil d’urgence ... 39

b) La guidance sociale ... 39

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d) La garantie locative ... 40

e) La prime d’installation ... 42

f) L’adresse de référence ... 43

B. LE DROIT A L’INTEGRATION SOCIALE DES SANS-ABRI ... 44

1) Les conditions d’octroi ... 44

2) Le revenu d’intégration sociale ... 45

V. CINQUIEME PARTIE : LA COLLABORATION ENTRE LES SERVICES PUBLICS ET LES ASSOCIATIONS PRIVEES DANS LA LUTTE CONTRE LE SANS-ABRISME : « HOUSING FIRST BELGIUM » ... 46 CONCLUSION ... 48 BIBLIOGRAPHIE ... 50 I. DOCTRINE ... 50 II. JURISPRUDENCE ... 52 III. LEGISLATION ... 53

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« Vaincre la pauvreté n’est pas un geste de charité. C’est un acte de justice. Il s’agit de protéger les droits humains fondamentaux. Toute personne, partout dans le monde, a le droit de vivre dans la dignité, libre de toute crainte et de toute oppression, libérée de la faim et de la soif, et libre de s’exprimer et de s’associer comme elle l’entend »

Nelson MANDELA, Prix Ambassadeur de la conscience, Amnesty international, 2006.

INTRODUCTION

Le droit au logement fait partie intégrante des droits économiques, sociaux et culturels qu’on appelle généralement « droits fondamentaux de la seconde génération ». Au départ, il fût consacré en droit international, avant d’être inscrit à l’article 23 de la Constitution belge. Il ne fait aucun doute que le droit au logement est élémentaire afin de mener une vie conforme à la dignité humaine. Néanmoins, il ne suffit pas de consacrer ce droit, mais il faut également garantir son effectivité. C’est la différence entre ce que les auteurs appellent généralement « law in action » et « law in the books »1. A cet égard, la plupart des théoriciens du droit affirment généralement qu’un droit dont la violation ne serait pas sanctionnée, n’est pas un véritable droit2.

Afin de répondre à la question de l’effectivité du droit au logement, il faut s’interroger sur la nature des obligations des pouvoirs publics au regard de ce droit. On constate qu’en Belgique, les autorités publiques ont une obligation de moyen dans l’exécution du droit au logement3.

Cela implique que l’Etat doit tout mettre en œuvre afin que chaque personne bénéficie d’un logement décent. Par ailleurs, l’Etat n’est pas obligé d’arriver au résultat escompté. A

contrario, certains pays en quête de plus d’effectivité du droit au logement ont fait un choix

plus audacieux en faisant du droit au logement une véritable obligation de résultat pour les pouvoirs publics. En France et en Ecosse par exemple, certaines personnes ont le droit de prétendre à l’octroi d’un logement si elles remplissent quelques conditions4. Dans ce cas, c’est

donc une obligation plus forte qui pèse sur les autorités.

Toujours en ce qui concerne l’effectivité du droit au logement, le rôle de la jurisprudence est primordial puisque ce sont les juges qui sont à même d’apprécier le respect, par l’Etat, de ses obligations en matière de droit au logement.

1 R.J.S. SCHWITTERS, Recht en samenleving in verandering, Heerlen, Open School, 2000.

2N. THIRION estime que c’est notamment le cas des droits économiques, sociaux et culturels. Concernant le droit à un logement décent, ce n’est pas selon lui un véritable droit puisque le sans-abrisme n'est pas encore anticonstitutionnel. Il en déduit que l’article 23 n’est pas réellement une règle juridique car même si cette norme est contenue dans la Constitution, il n'oblige personne. (N. THIRION, Théories du droit, Faculté de droit de l’Université de Liège (notes de cours), 2012-2013).

3 B. HUBEAU, "La mise en œuvre du droit fondamental au logement : mais (comment) le droit fondamental au logement fonctionne-il ? », dans N. BERNARD ET B. HUBEAU (éd.), Recht op wonen : naar een resultaats-verbitenis ? Droit au logement : vers une obligation de résultat ? », Bruxelles, La charte, 2013, pp. 15 et 16. 4 Ibidem.

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Concernant plus spécifiquement ce travail, au regard de l’étendue de la matière, il ne fait aucun doute que nous n’avons pas la prétention de commenter l’ensemble du droit au logement en Belgique. En conséquence, nous nous concentrerons uniquement sur les sans-abri qui sont les victimes les plus directes de l’absence d’un droit au logement opposable en Belgique. En outre, pour ces personnes, le manque d’un logement n’est généralement que la partie visible de l’iceberg. Pour cette raison, il ne suffit pas de trouver un « toit » aux sans-abri mais il faut également les aider à le conserver. En conséquence, un accompagnement social doit être garanti afin que la personne aidée apprenne à gérer ce logement5. C’est

notamment l’objectif de « Housing First Belgium » qui est un projet implémenté actuellement en Belgique dans le but de lutter plus efficacement contre le sans-abrisme. Nous reviendrons sur ce projet à la fin de notre travail.

De plus, en raison de la limite de caractères imposée, certaines matières ne pourront pas être abordées. Nous n’aborderons pas les questions liées aux logements insalubres et aux expulsions qui sont pourtant des causes potentielles du sans-abrisme. Nous n’envisagerons pas non plus le droit au logement des étrangers en Belgique de manière complète, et nous nous limiterons à énoncer les mesures mises en place afin de garantir l’hébergement de ceux-ci. Enfin, nous n’aborderons pas les aides au logement des sans-abri prévues dans les instruments régionaux que sont les allocations de déménagement, d’installation et de loyer, les logements de transit au sein des agences immobilières sociales et les logements sociaux.

Le travail est structuré comme suit. Nous commencerons par définir les notions de pauvreté, logement et sans-abrisme, tant celles-ci sont au cœur de la problématique envisagée. Ensuite, nous analyserons la consécration du droit au logement en droit international et en droit belge, ainsi que les effets juridiques y étant attachés. Pour terminer, et dans le but d’appréhender la matière de manière plus « pratique », nous envisagerons l’aide sociale au sens large qui peut être octroyée aux sans-abri afin de remédier à leurs problèmes de logement.

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I. PREMIÈRE PARTIE : QUELQUES DÉFINITIONS

A. LA PAUVRETE

« Le vocabulaire relatif à la pauvreté regorge de concepts : à coté du sous-prolétariat, on trouve les nouveaux pauvre; à coté de la pauvreté, la précarité »6. Néanmoins, la « précarité » diffère de la « pauvreté ». En effet, les personnes en situation précaire sont celles que l’on appelle parfois les « nouveaux pauvres ». Ces personnes subissent une baisse de revenus financiers mais conservent un poids politique, des droits ainsi que la capacité de se faire entendre et respecter7. Les personnes pauvres, quant à elles, ne sont pas entendues, ne détiennent plus de droit sur autrui et ne bénéficient d’aucune respectabilité8. « La pauvreté c‘est être empêché d’exercer ses droits fondamentaux »9. Il semblerait donc que ces deux

notions ne recouvrent pas exactement la même réalité.

Plusieurs définitions de la pauvreté existent ce qui en fait une notion relative. Les critères utilisés pour la définir, sont multiples et les définitions données bien qu’étant semblables, ne sont jamais identiques10. Le dictionnaire « Le Robert » donne une définition « basique » de la pauvreté : « C’est l'état d'une personne qui manque de moyens matériels, d'argent ; insuffisance de ressources ». Une définition intéressante est également donnée par un auteur anglais qui indique que la pauvreté et l’exclusion sociale consistent en « la privation ou la non-réalisation de droits sociaux »11.

Il existe néanmoins un élément qui est constamment présent dans toutes les définitions « la notion de manque »12. Pour Monsieur Hugues-Olivier HUBERT, chercheur à la Fédération des

Centres de service social13, il existe une définition qui peut servir de « socle commun » face à cette multitude de définitions: « la pauvreté caractérise un état de manque qui empêche un certain nombre de besoins fondamentaux d’être comblés »14.

Le présent travail étant dédié aux personnes sans-abri, ce sont des situations de pauvreté, voire d’extrême pauvreté, que nous allons rencontrer. Non seulement « victimes » d’une pauvreté monétaire, les sans-abri sont également en situation de pauvreté sociale puisqu’ils sont généralement exclus de la société. En effet, ils ne sont pas (ou peu) entendus, respectés et considérés dans la société capitaliste actuelle.

6 X. DIJON, « Introduction historique et philosophique », dans V. VAN DER PLANCKE (dir.), Les droits sociaux fondamentaux dans la lutte contre la pauvreté, Bruxelles, La charte, 2012, p. 36.

7 J. FIERENS, Droit de l’aide sociale, Faculté de droit de l’Université de Liège (notes de cours), 2014-2015. 8 Ibidem.

9 Ibidem.

10 H-O. HUBERT, « Introduction historique et philosophique », dans V. VAN DER PLANCKE (dir.), Les droits sociaux fondamentaux dans la lutte contre la pauvreté, Bruxelles, La charte, 2012, p. 43.

11 G. ROOM, e.a., New poverty in the European Community, London, Macmillan, 1990. 12 H-O. HUBERT, « Introduction historique et philosophique », op. cit., p. 43.

13 Mais également maître de conférences aux FUNDP et membre du Centre Droits fondamentaux & Lien social. 14 H-O. HUBERT, « Introduction historique et philosophique », op. cit., p. 43.

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B. LE LOGEMENT

Il y a lieu de s’interroger sur ce que recouvre concrètement le droit au « logement ». Si c’est précisément le mot « logement » qui est utilisé dans différentes normes, ce n’est pas un hasard. En effet, il y a lieu de faire une différence entre « loger » et « habiter ». Le verbe loger signifie « procurer à quelqu'un un lieu d'habitation, un abri »15. C’est un « rapport pratique à une construction, au confort et à la sécurité qu’elle procure »16. Le verbe habiter signifie quant à lui « avoir son domicile quelque part, y résider de manière relativement permanente, y vivre »17. Ce dernier verbe a donc une connotation plus « communautaire » et vise également

les liens sociaux que l’on peut créer par le logement puisque habiter « inclut la relation aux autres membres de la famille, aux voisins, à l’habitation elle-même, au quartier, à la région ». Il résulte de tout ceci que « le droit est plus apte à appréhender le logement que l’habitation » puisqu’il ne peut pas réguler toutes les relations humaines18.

En Belgique, la définition « du logement » est de la compétence de chaque Région puisque ce sont elles qui détiennent des prérogatives spécifiques en cette matière19. En fonction de la Région dans laquelle on se trouve, la définition n’est donc pas la même20.

C. LE SANS-ABRISME

Il existe au niveau européen, une définition du sans-abrisme qui a été donnée la « Fédération Européenne d’Associations Nationales Travaillant avec les Sans-abri »21. La FEANTSA a lancé, en 2005, une typologie européenne de l’exclusion liée au logement appelée « European Typology of Homelessness and Housing Exclusion »22. Cette typologie est utilisée par de nombreux organismes nationaux ainsi que par l’Observatoire européen sur le sans-abrisme, créé par la FEANTSA, et qui réalise régulièrement des statistiques en matière de logement. ETHOS établit quatre catégories conceptuelles d’exclusions liées au logement : être sans-abri, être sans-logement, être dans un logement précaire et être dans un logement inadéquat23. Dans

15http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/loger/47657.

16 J. FIERENS, « Logement familial et droit au logement », Le logement familial, actes du 5e Colloque organisé par l’Association Famille & Droit à Liège le 27 et 28 novembre 1998, Diegem, E. Story-Scientia, 1998, p. 424. 17http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/habiter/38780?q=habiter#38710.

18 J. FIERENS, « Logement familial et droit au logement », op. cit., p. 424.

19 Article 6, §1, IV, 1° de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, M.B., 15 août 1980. 20 Des définitions du logement sont données dans les normes suivantes : Article 1er 3° du Code wallon du logement ; Article 2, §1, 3° du Code bruxellois du logement.

21

En abrégé FEANTSA. La FEANTSA est une A.I.S.B.L de droit belge qui regroupe 130 organisations travaillant avec les sans-abri dans une trentaine de pays dont les pays membres de l’Union européenne. Elle collabore également avec l’Union européenne.

22 En abrégé ETHOS. ETHOS est un instrument qui établit un cadre commun pour les différents pays impliqués dans la lutte contre l’exclusion liée au logement. Son utilisation favorise la récolte des données statistiques et permet l’élaboration d’une politique efficace dans cette lutte pour le droit au logement.

23 Premièrement, dans la catégorie des « sans-abri » on retrouve deux types de personnes : celles qui vivent et dorment dans la rue et qui n’ont pas accès à un hébergement d’urgence et celles qui se trouvent en hébergement

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un bilan sur l’ETHOS daté de 2006, la FEANTSA précise que cet instrument élabore une « définition axée sur le logement plutôt qu’une définition fondée sur les statuts sociaux (…) »24.

Par rapport à ces catégories conceptuelles, le présent travail utilise le terme sans-abri de manière totalement neutre et comme recouvrant ces diverses formes d’exclusions liées au logement.

En Belgique, une référence à ETHOS est faite à l’article 3 de l’Accord de coopération concernant le sans-abrisme et l’absence de chez-soi du 12 mai 2014, conclu entre l’Etat fédéral, les Communautés et les Régions25.

En droit belge, la notion de sans-abri est utilisée à plusieurs reprises dans la législation spécifique aux C.P.A.S. sans pour autant y être définie26. Néanmoins, une telle définition est

donnée dans d’autres instruments. Tout d’abord, la personne sans abri est définie dans les travaux préparatoires de la loi du 12 janvier 199327 contenant un programme d’urgence pour

une société plus solidaire qui a institué la prime d’installation. Elle est caractérisée comme étant « la personne qui n’a pas de résidence habitable, qui ne peut, par ses propres moyens, disposer d’une telle résidence et qui se trouve dès lors sans résidence ou dans une résidence collective où elle séjourne de manière transitoire, passagère en attendant de pouvoir disposer d’une résidence personnelle »28. Dans un arrêt du 27 août 2004 la Cour du travail Bruxelles a défini la notion de résidence collective29.

Ensuite, une autre définition, ressemblant fort à la précédente, a été donnée dans l’arrêté royal du 21 septembre 2004 visant l’octroi d’une prime d’installation par le C.P.A.S. à certaines personnes qui perdent leur qualité de sans-abri : « il faut entendre par sans-abri : la personne qui ne dispose pas de son logement, qui n'est pas en mesure de l'obtenir par ses propres moyens et qui n'a dès lors pas de lieu de résidence ou qui réside temporairement dans une maison d'accueil en attendant qu'un logement soit mis à sa disposition »30. On retrouve la

d’urgence. Deuxièmement, dans la catégorie des « sans-logement » on retrouve cinq types de personnes qui sont généralement hébergées provisoirement dans une institution. Ensuite, dans la catégorie « logement précaire » il y a les personnes qui sont provisoirement hébergées par des amis ou de la famille, les personnes menacées d’expulsion et les personnes menacées de violence domestique. Enfin, les personnes se trouvant dans un « logement inadéquat » sont celles qui vivent dans des structures non conformes et provisoires, dans un logement indigne et dans des conditions de surpeuplement sévère. Ces catégories sont reprises dans ETHOS-Le bilan, 2006, p.1, consultable sur, http://www.feantsa.org/spip.php?article121&lang=en.

24 ETHOS-Le bilan, 2006, p. 9, consultable sur, http://www.feantsa.org/spip.php?article121&lang=en.

25 Cet article dispose que les parties à l’Accord reconnaissent cette typologie, sans pour autant que cela ne modifie le champ d’application des dispositions légales mentionnées dans l’accord ou l’interprétation qui en est faite. (Accord de coopération concernant le sans-abrisme et l’absence de chez-soi du 12 mai 2014, M.B., 10 novembre 2014).

26 N. BERNARD et L. LEMAIRE, Expulsions de logement, sans-abrisme et relogement, Dossiers du J.T. n°77, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 177.

27 La loi du 12 janvier 1993 contenant un programme d’urgence pour une société plus solidaire, M.B., 4 février 1993.

28 Doc. parl., Ch. Repr., sess. ord., 1992-1993, n° 630/5, p. 34.

29 La résidence collective est « celle qui échappe à toute maîtrise individuelle de la part de son occupant en vertu d’un droit réel ou personnel, voire d’une tolérancc ; Qu’ainsi la résidence est gérée par un tiers (centre public d’aide sociale, pouvoir public, association privée) qui y organise un logement à caractère précaire transitoire (maisons d’acceuil, centres d’hébergement, dortoirs d’urgence). », C. trav. Bruxelles, 27 août 2004, R.G. n°43.370, Chron. D.S., 2006, liv. 4, p. 226.

30 Article 1er de l’arrêté royal du 21 septembre 2004 visant l’octroi d’une prime d’installation par le centre public d’action sociale à certaines personnes qui perdent leur qualité de sans abri, M.B., 5 octobre 2004.

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même définition dans les travaux préparatoires de la loi du 26 mai 2002 relative au droit à l’intégration sociale31. On retrouve également une définition similaire à l’article 3 de l’Accord

de coopération susmentionné32.

Toutefois, cette définition du sans-abri est « incomplète dès lors qu’elle ne prend pas en considération le cas des personnes qui sont hébergées provisoirement par un particulier »33. En l’occurrence, une circulaire du 26 octobre 2006 du ministre de l’Intégration sociale tente de compléter cette définition, mais n’y arrive pas totalement et indique que « sont également

visées les personnes qui sont hébergées provisoirement par un particulier en vue de leur porter secours de manière transitoire et passagère »34. Dans deux arrêts de 200935, les Cours du travail de Liège et de Bruxelles ont repris cette définition plus large36.

Au niveau de la réalité chiffrée du sans-abrisme, force est de constater que plusieurs estimations ont été réalisées, sur la base de critères différents. Il n’est pas évident d’avoir une idée du nombre exact de sans-abri, tant cette situation peut varier dans le temps et dans l’espace. Au niveau européen, même avec un outil comme ETHOS qui peut nous guider dans le dénombrement, il est impossible d’obtenir un chiffre clair puisque les méthodes de recensement varient d’un pays à l’autre37. D’ailleurs, aucun recensement officiel n’existe en

Europe ou en Belgique. De plus, la difficulté d’établir un chiffre précis est encore accrue par le fait que bon nombre d’étrangers en situation de séjour illégal sont sans abri, mais ne sont pas toujours pris en compte dans les statistiques.

En outre, sur le site internet du Service de la lutte contre la pauvreté on constate qu’il n’y a que des évaluations du nombre de sans-abri réalisées par des associations38. On constate qu’à la date du 15 juillet 2015, 17.000 personnes étaient sans abri en Belgique39. Cette estimation

provient d’une évaluation faite par la FEANTSA en 200340 et est à prendre avec des pincettes car elle ne tiendrait pas compte des personnes en situation illégale qui se retrouvent très souvent en difficultés en matière de logement41.

31N. BERNARD et L. LEMAIRE, Expulsions de logement, sans-abrisme et relogement, op. cit., 2010, p. 177 ; Rapport bruxellois sur l’état de la pauvreté, 2008, p. 14

32 Accord de coopération du 12 mai 2014.

33 N. BERNARD et L. LEMAIRE, Expulsions de logement, sans-abrisme et relogement, op. cit., 2010, p. 178. 34 Ibidem.

35 C. trav. Liège, 3 mars 2009 R.G. n°8666/08, J.T.T., 2009, liv. 1035, p. 174 ; C. trav. Bruxelles, 28 mai 2009, R.G. n° 51.581.

36 N. BERNARD et L. LEMAIRE, Expulsions de logement, sans-abrisme et relogement, op. cit., 2010, p. 178. 37 A cet égard le rapport rédigé dans le cadre de la Conférence européenne de consensus sur le sans-abrisme des 9 et 10 décembre 2010 est très éloquent. « Absence de chez-soi et politiques en la matière en Europe : les enseignements de la recherche », 2010, consultable sur, http://feantsaresearch.org/spip.php?rubrique28&lang=fr. 38http://www.luttepauvrete.be/chiffres_sans_abri.htm

39 Ce chiffre est donné sur le site internet du Service : http://www.luttepauvrete.be/chiffres_sans_abri.htm 40 Ce chiffre est également repris dans un document du SPP Intégration Sociale40 daté de 2012 et qui s’appuie à son tour sur un document intitulé « EU Employment and Social Situation Quarterly Review » datant de juin 2012. (« Focus n°2 – Lutte contre le sans-abrisme et l’absence de chez soi », SPP Intégration Sociale, p. 2, consultable sur, http://www.mi-is.be/sites/default/files/statistics/focus2.pdf).

41 « Focus n°2 – Lutte contre le sans-abrisme et l’absence de chez soi », SPP Intégration Sociale, p. 2, consultable sur, http://www.mi-is.be/sites/default/files/statistics/focus2.pdf.

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Toujours d’après le Service de lutte contre la pauvreté, environ 5000 personnes seraient sans-abri en Wallonie42. Dans la Région de Bruxelles-Capitale, la Strada, qui est un centre d’appui

au service des acteurs sociaux et politiques, a procédé à un dénombrement des personnes sans abri durant la nuit du 6 novembre 2014. Au total, 2603 personnes sans abri ont été recensées. Le dénombrement concernait les catégories reprises dans la typologie ETHOS des exclusions liées au logement43. Les chiffres de 2014 sont interpellants puisque près de 1000 personnes de

plus étaient sans-abri par rapport au dénombrement réalisé lors de la nuit du 19 novembre 200844. En Flandre une recherche à été menée à la demande du ministre du bien-être afin de

dénombrer les sans-abri: « entre le 15 janvier et le 15 février 2014, 711 adultes et 53 enfants étaient enregistrés en accueil d’hiver; 3019 adultes et 1675 enfants étaient enregistrés dans des centres d’hébergement des CAW’s45 et des logements de transit des C.P.A.S. »46.

II. D

EUXIÈME PARTIE

:

L

E DROIT AU LOGEMENT EN DROIT

INTERNATIONAL

« C’est du droit international qu’[est] d’abord venue l’exigence de généralité et d’universalité de la protection économique, sociale et culturelle »47. En conséquence, il n’est pas étonnant de constater que les premières consécrations du droit au logement ont eu lieu sur la scène internationale. Nous allons donc analyser les différents instruments juridiques internationaux le proclamant, dans l’ordre chronologique de leur adoption. Pour chaque instrument nous vérifierons si la Belgique est liée par la norme, et si tel est le cas, nous analyserons les effets juridiques de celle-ci en droit interne belge.

Nous allons rappeler brièvement les effets juridiques qu’une norme internationale peut avoir en droit interne. Le mot norme est envisagé dans cette section comme synonyme du mot « disposition ». En effet, quand on parle d’effet juridique d’une convention ou d’un traité, il faut vérifier l’étendue de celui-ci « disposition par disposition ». Premièrement, une norme internationale peut avoir un effet direct et être directement applicable en droit interne48. La

42http://www.luttepauvrete.be/chiffres_sans_abri.htm.

43 Ainsi les personnes dénombrées comme étant des sans-abri sont confrontées à des réalités très différentes puisque : 412 personnes ont réellement passé la nuit en rue, 367 étaient hébergées dans des centres et maisons d’accueil d’urgence, 813 étaient en maisons d’accueil, 316 étaient hébergées dans des services d’hébergement non agréées, 193 ont logé dans des immeubles occupés après négociation avec les propriétaires, 44 personnes étaient logées dans une communauté religieuse, 422 personnes étaient dans des squats, et 36 personnes se trouvaient dans des hôpitaux. Ces chiffres sont tirés du rapport réalisé par la Strada après le dénombrement de 2014 consultable via : http://www.lstb.be/images/LaStrada_Denombrement_2014_rapport_FR.pdf.

44 Durant lequel on avait compté 1771 personnes sans abri.

45 Centrum voor algemeen welzijnswerk = centres pour l’aide sociale générale. 46http://www.luttepauvrete.be/chiffres_sans_abri.htm

47 J. FIERENS, « L’efficacité juridique de la consécration des droits économiques, sociaux et culturels », dans J-C. SCHOLSEM (coord)., Le point sur les droits de l’homme, coll. Formation permanente CUP, Université de Liège, vol. 39, mai 2000, p. 179.

48 Selon la définition de J. VERHOEVEN : « l'applicabilité directe peut être entendue de l'aptitude d'une règle de droit international à conférer par elle-même aux particuliers, sans requérir aucune mesure interne d'exécution, des droits dont ils puissent se prévaloir devant les autorités (juridictionnelles) de l'Etat où cette règle est en vigueur ». ("La notion d''applicabilité directe' du droit international", Rev. b. dr. int., 1980, p. 243).

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Cour de cassation belge a même été plus loin dans son célèbre arrêt Le ski du 27 mars 1971, en indiquant qu’un traité directement applicable en Belgique devait prévaloir sur toute norme interne49. Deuxièmement, une norme internationale peut avoir un effet de standstill appelé aussi « effet cliquet ». C’est un effet moindre par rapport au précédent puisque la norme internationale qui a un effet cliquet ne sera pas directement invocable en droit interne. L’effet

standstill est une obligation faite à l’Etat partie de ne pas régresser dans la mise en œuvre du

traité50. L’Etat ne peut donc légiférer que de manière à se rapprocher des engagements qu’il a pris. Cette théorie de l’effet cliquet a été admise par les cours suprêmes belge51. Enfin, une

norme internationale est parfois une simple recommandation dotée d’une simple valeur déclarative et qui s’apparente à une ligne de conduite proposée aux Etats parties.

A. LE DROIT DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES

1) La Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre

1948

Le droit au logement est mentionné à l’article 25 §1 de la Déclaration52. Au regard de la formulation de cet article, on constate qu’il inscrit le droit au logement dans sa dimension familiale53. La Déclaration n’est qu’une recommandation dépourvue d’effet juridique et la Cour de cassation belge ainsi que le Conseil d’Etat l’ont rappelé à plusieurs reprises54. En

outre, la valeur morale et donc politique de cet instrument ne saurait être ignorée et d’autres normes internationales s’en sont inspirées55.

2) Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et

culturels du 16 décembre 1966

Le droit a un logement suffisant y est consacré à l’article 11 §1, qui s’inspire directement de la Déclaration universelle des droits de l’homme56. Cet article, a fait l’objet d’une

49 Cass., 27 mai 1971, Pas., 1971, p. 886 ;

50 J. FIERENS, « Logement familial et droit au logement », op. cit., p. 427.

51 C.A. n°33/92, 7 mai 1992, M.B., 4 juin 1992 ; C.E., 6 septembre 1989, Rev. trim. D.H., 1990, p. 184 ; Cass., 20 décembre 1990, J.L.M.B., 1991, pp. 1206-1211.

52 Cet article énonce : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, (…) ».

53 « s’il te plait dessine-moi un logement » J fierens, In droit au logement, vers une obligation de résultat, p. 135, Lacharte,

54 Cass., 15 mars 1965, Pas., 1965, I, p. 734 ; Cass., 6 janvier 1993, Pas., 1993, I, p. 15 ; C.E., 9 février 1966, Pas., 1966, IV, p. 97 ; C.E., 12 mars 1993, R.A.C.E, 1993.

55 J. FIERENS, « Logement familial et droit au logement », op. cit., p. 426.

56 L’article 11§1 du Pacte énonce « Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu'à une amélioration constante de ses conditions d'existence. Les Etats parties prendront des

(19)

interprétation par le Comité européen des droits économiques, sociaux et culturels dans

l’Observation générale n°4, ce qui a renforcé sa portée57. Le comité précise que ce droit à un

logement suffisant s’applique à tous et ne doit pas être entendu dans un sens restreint. Le Pacte a été ratifié par la Belgique.

Au niveau de l’effet juridique de cet article, en raison de sa formulation, il fait plus office de ligne de conduite pour les Etats parties au Pacte. Néanmoins, à la lecture de l’article 2 §1 du Pacte on peut soutenir qu’un effet de standstill s’attache à l’article 11 ainsi qu’aux autres dispositions58. L’observation du Comité va également dans ce sens, en ce qu’elle indique que

le Pacte oblige les Parties à « prendre toutes les mesures nécessaires » pour garantir la pleine réalisation du droit au logement suffisant. En outre, les cours d’arbitrage et de cassation ont reconnu un tel effet à un autre article du Pacte59.

3) La Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989

La Convention mentionne le droit au logement à l’article 27§3 dans lequel elle consacre le droit à un niveau de vie suffisant pour tout enfant60 Le logement fait partie des mesures appropriées pour mettre en œuvre ce droit à un niveau de vie suffisant. Cette Convention a été ratifiée par la Belgique et cette disposition pourrait être dotée d’un effet de standstill61.

B. LE DROIT DU CONSEIL DE L’EUROPE

1) La Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre

1950

mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit et ils reconnaissent à cet effet l'importance essentielle d'une coopération internationale librement consentie ».

57 Com. D.E.S.C., Le droit à un logement suffisant (article 11 §1 du Pacte), observation générale n°4, E/1992/23, 13 décembre 1991. Accessible sur : https://www1.umn.edu/humanrts/edumat/IHRIP/frenchcircle/og4.htm 58 L’article 2§1 du Pacte dispose « Chacun des Etats parties au présent Pacte s'engage à agir, tant par son effort propre que par l'assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l'adoption de mesures législatives ».

59 Cet effet de standstill a été reconnu à l’article 13, §2, c), C.A., 7 mai 1992, n°33/1992 ; il a également été reconnu à l’article 13, §2, b), Cass., 20 décembre 1990, Pas., 1991, I, p. 392.

60L’article 27 dispose de la Convention dispose « 1. Les Etats parties reconnaissent le droit de tout enfant à un

niveau de vie suffisant pour permettre son développement physique, mental, spirituel, moral et social.

2. (…)

3. Les Etats parties adoptent les mesures appropriées, compte tenu des conditions nationales et dans la mesure de

leurs moyens, pour aider les parents et autres personnes ayant la charge de l’enfant à mettre en oeuvre ce droit et offrent, en cas de besoin, une assistance matérielle et des programmes d’appui, notamment en ce qui concerne l’alimentation, le vêtement et le logement.

4. (…) »

(20)

La Convention européenne des droits de l’homme est un instrument entièrement dédié aux droits civils et politiques appelés également « droit de la première génération » et n’a donc pas vocation à consacrer des droits économiques, sociaux et culturels62. En conséquence, aucune disposition de la Convention ne protège explicitement le « droit au logement ». La doctrine s’interrogeait même à un moment donné sur l’intérêt d’analyser la place du droit au logement dans cet instrument tant cela pouvait se résumer à un « exercice intellectuel largement gratuit (…) »63.

Toutefois, la Cour européenne des droits de l’homme, dans sa tâche d’interprétation de la Convention, a reconnu une certaine « perméabilité de la Convention » aux droits économiques et sociaux64. En effet, dans l’arrêt Airey c. Irlande du 9 octobre 1979 la Cour affirme,

concernant la sphère des droits économiques et sociaux, que « nulle cloison étanche ne sépare celle-ci du domaine de la Convention ». Elle poursuit en indiquant que parmi les droits civils et politiques « nombre d’entre eux ont des prolongements d’ordre économique ou social »65. Elle indique néanmoins ne pas ignorer que c’est en fonction de la situation financière des Etats que les droits économiques et sociaux connaissent un développement plus ou moins grand66.

Dans les années 1980-1990, pour une partie de la doctrine, plusieurs arrêts rendus par la Cour permettaient d’entrevoir « un début de reconnaissance d’un droit subjectif au logement trouvant son fondement par ricochet dans le droit au respect du domicile garanti par l’article 8 de la Convention »67. Pour ces mêmes auteurs, l’espoir de voir le droit au logement ainsi

consacré s’est envolé, lors de l’entrée en vigueur du Protocole n°11 qui a procédé à une restructuration des mécanismes de contrôle établit par la Convention68.

Aujourd’hui, la doctrine estime que le droit au logement n’est pas un « droit conventionnellement garanti » par la Convention européenne des droits de l’homme 69. En

conséquence, si une personne est privée d’un logement décent, elle ne pourra pas réclamer la fourniture de celui-ci aux autorités sur base de la Convention70. Néanmoins, l’imagination des

plaideurs n’a pas de limite et quelques-uns ont proposé des constructions juridiques audacieuses qui n’ont pas réellement aboutit devant la cour.

62Les droits économiques, sociaux et culturels ont été envisagés par le Conseil de l’Europe dans des instruments

ultérieurs, la charte sociale européenne et la charte sociale européenne révisée, que nous envisagerons dans la section suivante.

63 F. TULKENS et S. VAN DROOGHENBROECK, « Le droit au logement dans la convention européenne des droits de l’homme – Bilan et perspectives », dans N. BERNARD et C. MERTENS (dir.), Le logement dans sa multidimensionnalité – Une grande cause régionale, éd. de la Région wallonne (Coll. « Etudes et documents »), Namur, 2005, pp. 311 à 325.

64 Ibidem, pp. 312 à 313.

65 Cour. Eur. D.H., arrêt Airey c. Irlande, 9 octobre 1979, § 26. 66 Ibidem.

67 P. LAMBERT, « Le droit au logement dans la Convention européenne des droits de l’homme », dans D. PLAS et M. PUECHAVY (dir.), Le droit au logement : vers la reconnaissance d’un droit fondamental de l’être humain ?, p. 16.

68 Ibidem, p. 17.

69 F. TULKENS et S. VAN DROOGHENBROECK, « Le droit au logement dans la convention européenne des droits de l’homme – Bilan et perspectives », op. cit., p. 317.

(21)

Certains requérants ont formulés, sans succès, un grief sur la base de l’article 3 de la Convention qui prohibe la torture et les peines ou traitements inhumains et dégradants. Par exemple, dans l’affaire O’Rourke c. Royaume-Uni, dans laquelle un ex-détenu sans abri avait été expulsé d’un hébergement provisoire par les autorités et avait été contraint d’errer dehors quelques semaines alors qu’il était très malade, la Cour estima non fondé le grief sur base de l’article 371. La Cour n’a pas considéré que la situation atteignait le niveau minimum de

gravité des mauvais traitements requis par cet article.

D’autres encore ont tenté de fonder un droit conventionnel au logement sur la base l’article 8 de la Convention, en ce que cet article garanti le droit au respect de la vie privée et familiale ainsi que le droit au respect du domicile72. La Cour n’a pas fait droit à cette proposition et

dans un arrêt Chapman c. Royaume-Uni du 18 janvier 2001, elle a indiqué que même si il est souhaitable que toute personne dispose d’un domicile au nom de la dignité humaine « l’article 8 ne reconnaît pas comme tel le droit de se voir fournir un domicile, pas plus que la jurisprudence de la Cour »73. Cette position de la Cour a encore été confirmée par la suite74.

Enfin, d’autres tentatives encore ont eu lieu sur la base de l’article 1ier du premier protocole additionnel à la Convention garantissant le droit au respect des biens. La Cour rappelle à plusieurs reprises, que cet article ne concerne que la protection des biens existants de l’individu et ne garanti pas le droit d’en acquérir75. On peut donc en déduire que cette

disposition n’impose pas aux états l’obligation de fournir un logement à ceux qui n’en disposent pas.

Par ailleurs, il ne faut pas négliger l’impact de l’arrêt Öneryldiz c. Turquie rendu le 30 novembre 200476. Cette affaire concernait la destruction de plusieurs taudis, construits

illégalement sur un terrain appartenant aux autorités. Cette destruction était survenue à la suite d’une négligence des autorités Turques. La Cour a considéré qu’il y avait eu une violation de l’article 1ier du premier protocole en reprochant à l’Etat de ne pas avoir respecté les obligations positives77 découlant de cet article. La Cour à souligné que le requérant bien que

n’étant pas propriétaire du fond était propriétaire de « l’habitation » en elle-même et des objets qui la composait. La Cour affirma que la construction de ce « logement » ainsi que le fait d’y vivre avec sa famille représentait pour le requérant un « intérêt économique substantiel »78. En outre, pour la haute juridiction, la passivité prolongée des

autorités avait permis à l’intéressé de conserver cet intérêt pendant un long moment et le requérant avait donc acquis un « bien » au sens de l’article 1P179. La cour a considéré que

l’Etat n’avait pas respecté ses obligations positives de veiller au respect des biens des requérants et avait fait preuve de négligences. Aucune conclusion générale ne peut être tirée

71 Cour. eur., D.H., décision O’Rourke c. Royaume-Uni, 26 juin 2001.

72 F. TULKENS et S. VAN DROOGHENBROECK, « Le droit au logement dans la convention européenne des droits de l’homme – Bilan et perspectives », op. cit., p. 318.

73 Cour. eur. D.H., arrêt Chapman c. Royaume-Uni, 18 janvier 2001, § 99. 74 Cour. eur. D.H., décision Volkova c. Russie, 18 novembre 2003.

75 Voy. not. Cour eur. D.H., décision Potocka et autres c. Pologne, 6 avril 2000. 76 Cour. eur. D.H., arrêt Öneryildiz c. Turquie, 30 novembre 2004.

77 Voy. sur cette notion F. SUDRE, « Les"obligations positives" dans la jurisprudence européene des droits de l’homme », Rev. trim. dr. h., 1995/23, pp. 363 à 384.

78 Cour. eur. D.H., arrêt Öneryildiz c. Turquie, 30 novembre 2004, § 142. 79 Ibidem.

(22)

de cet arrêt au vu des circonstances particulières de l’espèce, mais certains auteurs y voient dores et déjà une nouvelle « vitalité » redonnée au droit au logement dans la Convention80.

Au vu de tout ce qui précède, on peut considérer que la Cour n’est pas encline a considérer le droit au logement comme un « droit conventionnellement protégé ». Est-ce à dire que la Convention et la Cour se désintéressent totalement du droit au logement ? Madame TULKENS,

juge à la Cour européenne des droits de l’homme, ainsi que Monsieur VAN

DROOGHENBROECK, professeur, affirment que la Cour reconnaît au logement un « intérêt

conventionnellement protégé »81. Cette affirmation se vérifie au fil de la jurisprudence de la

Cour. Elle reconnaît notamment que le logement « (…) occupe une place centrale dans les politiques sociales et économiques de nos sociétés modernes »82. La cour admet ainsi des

limites au droit de propriété, posées par les Etats, lorsqu’elles constituent la mise en œuvre d’une politique sociale de logement83. La Cour a également admis que l’absence d’un

logement décent, pouvait nuire aux droits garantis par la Convention, notamment à l’article 8 et le respect de la vie familiale84. Plus récemment, la Cour a condamné la France parce que

celle-ci avait fait procéder à des expulsions de gens du voyage. La haute juridiction a considéré que les expulsions constituaient une ingérence disproportionnée au droit au respect de la vie familiale et au respect du domicile85.

En conclusion, même si le droit au logement n’est pas inscrit tel quel dans la Convention, on peut constater qu’au fil de la jurisprudence (tantôt sur la base de l’article 8, tantôt sur la base de l’article 1P1), la Cour européenne des droits de l’homme s’y intéresse de plus en plus. Le droit au logement détiendrait actuellement dans la Convention un statut « d’intérêt conventionnellement protégé » mais il n’est pas impossible que cela change un jour, et que le logement devienne un « droit conventionnellement protégé ». En effet, comme l’a déjà répété la Cour à plusieurs reprises : « la Convention est un instrument vivant à interpréter à la lumière des conditions actuelles »86.

2) La Charte sociale européenne du 18 octobre 1961 et la Charte

sociale européenne révisée du 3 mai 1996

La Charte sociale européenne est l’équivalent de la Convention européenne en ce qui concerne les droits économiques, sociaux et culturels. Au sujet du traitement différencié des droits sociaux par rapport aux droits civils et politiques, la doctrine considère que la dichotomie entre les droits de la première et de la seconde génération est regrettable et

80P. LAMBERT, « Le droit au logement dans la Convention européenne des droits de l’homme », op. cit., p. 18. 81F. TULKENS et S. VAN DROOGHENBROECK, « Le droit au logement dans la convention européenne des droits de l’homme – Bilan et perspectives », op. cit., p. 320.

82 Cour. eur. D.H., arrêt Mellacher et autres c. Autriche, 19 décembre 1989, § 45.

83 Voy. not., Cour. eur. D.H., arrêt Scollo c. Italie, 28 septembre 1995 ; Cour. eur. D.H., Velosa Barreto c. Portugal, 21 novembre 1995.

84 Cour. eur. D. H., arrêt Wallovà et Walla c. République tchèque, 26 octobre 2006. 85 Cour. eur. D.H., arrêt Winterstein et autres c. France, 17 octobre 2013.

(23)

artificielle87. Pour ces auteurs, « tout homme est à la fois citoyen et être sociale de manière indivisible »88. Il est donc dommageable pour eux, d’avoir dressé une typologie des droits de

l’homme et de les avoirs consacrés dans deux instruments différents.

La Charte contient ses propres mécanismes de contrôle, ce qui a pour conséquence, que les droits économiques, sociaux et culturels consacrés dans celle-ci, ne seront pas contrôlés par la Cour européenne. Au regard de la jurisprudence de la Cour, nul ne conteste qu’un tel contrôle de proportionnalité entre les buts poursuivis et les moyens mis en œuvre par le législateur est possible89. Il semblerait donc, que ce soit plus en raison d’un choix politique qu’en raison de

contraintes techniques, que ce contrôle de la Charte par la Cour ne soit pas mis en place. Dans sa version initiale, la Charte ne prévoyait pas expressément le droit au logement. Les seules références au logement, se situaient aux articles 16 et 19 §4 c). L’article 16 consacre le droit des familles à une protection sociale, juridique et économique notamment par la construction de logements adaptés aux besoins de celles-ci90. L’article 19 §4 c) mentionne le droit pour les travailleurs migrants et leurs familles, en matière de logement, de ne pas subir un traitement moins favorable que celui réservé aux nationaux. La Charte avait été ratifié tardivement mais intégralement par la Belgique91.

La Charte a été révisée en 1996 et ratifiée en partie par la Belgique. En effet, contrairement à la Convention européenne des droits de l’homme, la charte peut être ratifiée « à la carte » puisque, hormis pour 6 articles, chaque pays peut décider par quelles dispositions il souhaite être lié92.

Les articles 16 et 19 § 3 c) mentionnent toujours le logement mais de nouveaux articles le font également. L’article 15 dispose que les Etats doivent prendre des mesures visant à assurer la pleine intégration des personnes handicapées, notamment par l’accès au logement. L’article 23 oblige les Parties à mettre à disposition des personnes âgées, des logements appropriés à leurs besoins et leur état de santé. L’article 30 consacre le droit à la protection contre la

87 V. VAN DER PLANCKE et M. SANT’ANA, « Protection des droits sociaux fondamentaux et lutte contre la pauvreté au sein du Conseil de l’Europe », dans V. Van der Plancke (dir.), Les droits sociaux fondamentaux dans la lutte contre la pauvreté, Bruxelles, La charte, 2012, p. 213.

88 V. VAN DER PLANCKE et M. SANT’ANA, « Protection des droits sociaux fondamentaux et lutte contre la pauvreté au sein du Conseil de l’Europe », op. cit., p. 214.

89 J. FIERENS, « Logement familial et droit au logement », op. cit., pp. 430 à 431. 90

L’article 16 dispose : « En vue de réaliser les conditions de vie indispensables au plein épanouissement de la famille, cellule fondamentale de la société, les Parties contractantes s’engagent à promouvoir la protection économique, juridique et sociale de la vie de la famille, notamment par le moyen de prestations sociales et familiales, de dispositions fiscales, d’encouragement à la construction de logements adaptés aux besoins de la familles, d’aide aux jeunes foyers ou de toutes autres mesures appropriées ».

91 La ratification a eu lieu en 1990. 92

L’article A de la troisième partie de la charte indique que « 1. Sous réserve des dispositions de l'article B ci-dessous, chacune des Parties s'engage:

A. à considérer la partie I de la présente Charte comme une déclaration déterminant les objectifs dont elle poursuivra par tous les moyens utiles la réalisation, conformément aux dispositions du paragraphe introductif de ladite partie;

B. à se considérer comme liée par six au moins des neuf articles suivants de la partie II de la Charte: articles 1, 5, 6, 7, 12, 13, 16, 19 et 20;

C. à se considérer comme liée par un nombre supplémentaire d'articles ou de paragraphes numérotés de la partie II de la Charte, qu'elle choisira, pourvu que le nombre total des articles et des paragraphes numérotés qui la lient ne soit pas inferieur à seize articles ou à soixante-trois paragraphes numérotés ».

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pauvreté et l’exclusion sociale, et plus spécifiquement, impose l’obligation pour les Etats de prendre des mesures afin d’assurer un accès « effectif » au logement. La Belgique a ratifié l’ensemble de ces dispositions, excepté l’article 2393.

De plus, à l’occasion de cette révision, le Conseil de l’Europe a introduit spécifiquement le droit au logement dans la Charte, à l’article 3194. Eu égard au sujet qui nous occupe, cette consécration est importante puisque le §2 indique que les Parties s’engagent « à prévenir et à réduire l'Etat de sans-abri en vue de son élimination progressive ». Malheureusement, force est de constater qu’encore aujourd’hui95, la Belgique a choisi de ne pas ratifier cet article.

Malgré la consécration constitutionnelle du droit au logement en 1994, la Belgique considère que, dans l’état actuel de sa législation, le degré d’exigence requis par l’article 31 n’est pas atteint96.

Cependant, ce n’est pas pour autant que la Belgique est exonérée de toute obligation en matière de droit au logement sur base de la Charte. En effet, à la suite d’une réclamation collective introduite par la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, devant le Comité européen des droits sociaux, la Belgique a fait l’objet d’un constat de violation en raison des carences de sa législation par rapport au droit au logement97. L’affaire en question

concernait les problèmes rencontrés par les gens du voyage en matière de logement98. C’est notamment sur la base des articles 16 et 30 de la Charte lus en combinaison avec l’article E99

que le Comité est arrivé à ce constat de violation100. On remarque par ailleurs, qu’une décision du Comité concernant les problèmes de logement des gens du voyage à l’encontre de la France, est fondée directement sur l’article 31 puisque ce pays l’a ratifié101.

En conséquence, le constat de violation à l’égard de la Belgique constitue une décision très intéressante. En effet, permet de constater que même si la Belgique n’a pas ratifié l’article 31,

93 A cet égard, il est intéressant de consulter la liste d’acceptation des dispositions de la Charte disponible via

http://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/163/declarations?p_auth=jVH0iEcq

94Cet article énonce : « En vue d'assurer l'exercice effectif du droit au logement, les Parties s'engagent à prendre des mesures destinées:

1. à favoriser l'accès au logement d'un niveau suffisant;

2. à prévenir et à réduire l'état de sans-abri en vue de son élimination progressive;

3. à rendre le coût du logement accessible aux personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes ». 95 A la date du 25 avril 2016.

96 Projet de loi portant assentiment à la Charte sociale européenne révisée et à l’annexe, faites à Strasbourg le 3 mai 1996, Sénat, sess. ord., 2000-2001, Doc. Parl., 2-838/1.

97 Com. E.D.S., décision FIDH c. Belgique, 21 mars 2012, réclamation n° 62/2010.

98 En effet, le droit au logement de cette minorité n’est pas protégé de manière suffisante par la législation belge : Par exemple, comme nous l’avons déjà mentionné, une caravane n’est pas considérée comme un logement protégé en Wallonie. De plus, les règles et les critères de salubrité, sécurité et habitabilité prévues dans les trois régions pour les logements ne sont pas, aux yeux du Comité, adaptés aux caravanes et peuvent amener les autorités à déclarer la majorité des caravanes inhabitable. (Com. E.D.S., décision FIDH c. Belgique, 21 mars 2012, réclamation n° 61/2010, § 82).

99 L’article E qui prévoit un principe de non-discrimination.

100 C’était un constat violation basé sur l’article 16 combiné avec l’article E qui prévoit la non-discrimination dans la jouissance des droits garantis par la Charte. Le comité a également conclu à une violation de l’article 30 qui assure le droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

101 Com. E.D.S., décision Forum européen des Roms et des Gens du voyage c. France, 24 janvier 2010, réclamation n° 64/2011.

(25)

c’est par le truchement d’autres articles de la Charte qu’elle peut détenir des obligations en matière de droit au logement.

C. LE DROIT DE L’UNION EUROPEENNE

Actuellement, l’Union ne détient aucune compétence en matière de logement et celui-ci reste de la responsabilité des Etats membres. Dans les traités, aucune base juridique ne lui permet d’adopter des règlements ou directive dans cette matière. La raison de cette absence de compétence peut s’expliquer par le fait que l’ancienne Communauté européenne avait été instituée dans un but strictement économique et n’avait pas pour objectif de se préoccuper des questions sociales102. Nonobstant ce fait, une politique sociale européenne se dessine très clairement depuis les années 1970103, mais il faut constater que celle-ci reste majoritairement dédiées aux travailleurs et syndicats104.

Néanmoins, l’Union ne se désintéresse pas totalement de la problématique du logement. Au niveau politique, cela apparaît clairement dans plusieurs résolutions du parlement européen105. Au niveau législatif, ce n’est que de manière indirecte, dans l’exercice de ses compétences, que l’Union va traiter de la question du logement. En effet, parmi les objectifs de l’Union, inscrits dans le Traité sur l’Union européenne106, figure la lutte contre l’exclusion sociale et les discriminations107. De plus, l’article 9 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne108 indique également que « dans la définition et la mise en œuvre de ses politique et actions, l’Union prend en compte les exigences liées (…) à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte contre l’exclusion sociale (…) ».

Un exemple de ce « traitement incident » des questions relatives au logement réside dans le règlement n°1612/68 relatif à la liberté de circulation des travailleurs. Dans cet instrument, l’Union va mettre en œuvre ses compétences en matière de liberté de circulation des travailleurs109, et dans ce cadre là, elle va prévoir des obligations pour les Etats membres en matière de logement110. Un autre exemple concerne la directive 2000/43/CE qui interdit la

102 O. DE SCHUTTER et N. BOCCADORO, « Le droit au logement dans l’Union européenne », CRIDHO, 2/2005, Faculté de droit de l’Université catholique de Louvain, p. 15.

103 A partir du sommet de Paris en 1972.

104 O. DE SCHUTTER et N. BOCCADORO, op. cit., p. 15.

105 Quelques exemples : résolution sur les aspects sociaux du logement, Parlement européen, A4-0088/1997 ; résolution sur une stratégie de l’Union européenne pour les personnes sans abri, Parlement européen, B7-0475/2011 ; résolution sur le logement social dans l’Union européenne, Parlement européen, A7-0155/2013. 106 Ci-après T.U.E.

107 Article 3 §3 du Traité sur l’Union européenne. 108 Ci-après T.F.U.E.

109 Article 45 du Traité sur le fonctionnement de l’union européenne.

110 Article 9 et 10 du règlement (CEE) n°1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, J.O.C.E., n° L 257, 19 octobre 1968, p. 2.

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discrimination raciale111 ou une fois encore, en mettant en œuvre une de ses compétences112, l’Union va interdire les discriminations en matière de logement113.

En outre, en matière de droits fondamentaux, l’Union s’est dotée de son propre instrument : la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Initialement adoptée le 7 décembre 2000 et proclamée une seconde fois le 12 décembre 2007, elle a acquis, depuis le Traité de Lisbonne114, la même valeur juridique que les traités. Ceci est confirmé par l’article 6 §1 du

T.U.E.

L’article 34 de la Charte, concernant la sécurité sociale et l’aide sociale, est l’unique article qui envisage le logement115. Cet article indique que l’Union reconnaît et respecte le droit à une aide au logement afin d’assurer une existence digne aux personnes dans le besoin. Cependant, le champ d’application de cette disposition est limité en vertu de l’article 51 de la Charte qui indique que celle-ci ne s’adresse qu’aux institutions de l’Union ainsi qu’aux Etats membres et uniquement lorsque ceux-ci mettent en œuvre le droit de l’Union. De plus la Charte n’étend pas le champ de d’application du droit de l’Union au-delà des compétences dont elle dispose déjà116. Cela réduit donc terriblement la portée de l’article 34 de la Charte étant donné que « dans l’état actuel de l’exercice des compétences de l’Union européenne, il n’existe pas de politique européenne du logement »117. En conséquence, il faut en déduire que l’objectif de réalisation du droit au logement est confié aux Etats membres118.

III. TROISIÈME PARTIE : LE DROIT AU LOGEMENT EN DROIT

BELGE

111 Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique, J.O.C.E., n° L 280, 19 juillet 2000, p. 22-26.

112 Article 10 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

113 Article 3, §1, h) de la directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique, J.O.C.E., n° L 280, 19 juillet 2000, p. 22-26.

114 Le Traité de Lisbonne est en vigueur depuis le 1ier décembre 2009.

115L’article 34§ 3 énonce: « Afin de lutter contre l'exclusion sociale et la pauvreté, l'Union reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et à une aide au logement destinées à assurer une existence digne à tous ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, selon les règles établies par le droit de l'Union et les législations et pratiques nationales ».

116

L’article 51 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose que : « 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. En

conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives et dans le respect des limites des compétences de l'Union telles qu'elles lui sont conférées dans les traités.

2. La présente Charte n'étend pas le champ d'application du droit de l'Union au-delà des compétences de l'Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l'Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les traités ».

117 O. DE SCHUTTER et N. BOCCADORO, op. cit., p. 55. 118 Ibidem.

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