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Le syndrome de Boerhaave

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Rev Med Liege 2004; 59 : 4 : 203-204

"On ne trouve que ce que l’on cherche; on ne cherche que ce que l’on connaît (adage chirurgical)" IN T RO D U C T I O N

Le syndrome de Boerhaave correspond à une rupture spontanée de l’œsophage; elle s’inscrit fort à propos dans le thème des douleurs paroxystiques médiastinales profondes. Sa rela-tive rareté et les indices inauguraux fort réguliè-rement négligés du début font que le diagnostic est souvent tardif, ce qui assombrit le pronostic de cette affection. 280 ans après le premier cas rapporté (1), cette pathologie reste grave, car grevée d’une mortalité de 10 à 50 %, fortement dépendante de la précocité du diagnostic et de la qualité du traitement (2).

PAT H O L O G I E D E L’A F F E C T I O N

La distinction doit être clairement définie entre perforation et rupture de l’œsophage :

- la perforation résulte a) d’un traumatisme direct (instrumental assez souvent), ou b) d’une maladie pariétale de l’œsophage (comme le car-cinome), ou c) de l’association des deux.

- la rupture, contrairement à ce qui précède, est une déchirure apparemment spontanée. La rupture transmurale complète sera seule consi-dérée ici et répond au syndrome. Les déchirures de seulement une partie de la tunique œsopha-gienne (comme la muqueuse par exemple dans le syndrome de Mallory-Weiss) ne seront pas inclues dans ce syndrome.

En fait, le qualificatif "spontanée" de la rup-ture est inapproprié, car la lésion est causée par une augmentation brutale de la pression intra-œsophagienne au-dessus du niveau critique de rupture. Ce sont des vomissements violents qui le plus souvent génèrent cette lacération. L’absence de séreuse protège mal l’organe contre la rupture. Durant le vomissement, l’œsophage inférieur peut se dilater jusqu’à 5 fois son diamètre normal sous l’effet de la pression (2). Ce phénomène explique que non seulement la rupture peut se créer, mais aussi pourquoi elle siège le plus sou-vent au niveau du tiers inférieur de l’œsophage, et

qu’enfin le contenu gastrique (bien souvent rem-pli d’aliments abondants, mais aussi septiques) est injecté sous pression dans le médiastin posté-rieur. La plèvre contiguë est régulièrement rom-pue et l’effusion se fait donc ensuite vers la cavité pleurale. L’œsophage distal est plus proche de la plèvre gauche (l’œsophage moyen plus proche de la plèvre droite); ceci explique où se dirigera l’épanchement pleural. L’épanchement pleural est donc plus régulièrement à gauche puisque la rup-ture est basse sur l’œsophage.

La suite, en l’absence de traitement, sera celle d’une médiastinite et de sa morbidité septique qui évoluera vers le décès.

CL I N I Q U E

La description des symptômes et des signes cliniques et radiologiques garde son intérêt. Cependant, l’attention doit se focaliser sur les leçons tirées des cas rapportés; il en émerge deux points fondamentaux pour un diagnostic précoce que l’on retrouve toujours dans l’anam-nèse … bien conduite.

Le diagnostic, au stade de la tétrade de Gott (3) (douleurs de la base thoracique avec vomis-sements et hématémèse, emphysème sous-cutané du cou, détresse respiratoire et prostration) est caricatural, mais correspond à un stade beaucoup trop tardif.

LE S S Y M P T Ô M E S

La douleur reste un symptôme constant. Sa localisation, soit à la base du thorax ou au niveau du haut abdomen, en épigastrique, souvent irra-diée dans le dos, peut se confondre avec un nombre important de pathologies aiguës du tho-rax (cardiaques par exemple) ou de l’abdomen (pancréatite…). Avant qu’apparaisse la cohorte classique des événements, toutes les observa-tions concordent pour souligner deux points importants (4) :

- la douleur survient dans le contexte de vomissements violents. Cette observation est la règle. C’est malheureusement à ce stade que le diagnostic précoce est souvent manqué !

- la rupture dite spontanée prédomine chez des patients non vierges d’antécédents médi-caux: 41 % ont des lésions connues d’ulcère peptique, 40 % ont une consommation d’alcool importante, 10,1 % sont porteurs d’une maladie ( 1 ) C h e f d e S e r v i c e A s s o c i é , ( 2 ) C h e f d e C l i n i q u e

Adjoint, (3) Chef de Clinique Associé, (4) Chef de Cli-n i q u e , ( 5 ) P r o f e s s e u r, C h e f d e S e r v i c e , S e r v i c e d e C h i r u r g i e a b d o m i n a l e , S é n o l o g i q u e , E n d o c r i n e e t d e Transplantation, CHU Liège.

LE SYNDROME DE BOERHAAVE

RÉSUMÉ : La rupture spontanée de l’oesophage, encore appe-lée le syndrome de Boerhaave, demeure une urgence chirurgi-cale encore à l’heure actuelle. Le diagnostic précoce conditionne la validité de la réparation et le pronostic final.

BOERHAAVE’S SYNDROME

SUMMARY : Spontaneous rupture of the oesophagus, so called Boerhaave’s syndrome, still remains a surgical emergency. Early diagnosis governs the appropriate repair and the vital prognosis. KEYWORDS: Boerhaave’s syndrome - Rupture of the oesophagus

P. H

ONORÉ

(1), A. D

E

R

OOVER

(2), O. D

ETRY

(3), B. D

ETROZ

(4), M. M

EURISSE

(5)

(2)

neurologique. Seulement 5 % seraient "bien por-tants" au départ. On comprend dès lors mieux la répartition de 9 hommes pour 1 femme; cepen-dant, la connaissance de la pathogénie doit quand même prévaloir : on a décrit des syn-dromes survenant chez les femmes à la suite de vomissements volontairement induits dans le contexte d’une boulimie nerveuse (4).

LE S S I G N E S C L I N I Q U E S

L’hématémèse n’existe que dans à peine un peu plus de 1 % des cas. Les signes cliniques plus sévères de dyspnée (39 % des cas), puis de choc septique (32 % des cas) sont classiques, mais sont le reflet d’un diagnostic tardif. Les signes cli-niques du début sont pauvres : l’examen abdomi-nal est peu évocateur ; l’emphysème médiastiabdomi-nal (parfois audible : "médiastinal crunch" ou signe de Hamman) est tardif ; l’emphysème sous-cutané du cou, typique au palper, n’apparaît sou-vent qu’après 12 heures d’évolution.

LE S E X A M E N S C O M P L É M E N TA I R E S

La biologie sanguine révèle souvent un syn-drome inflammatoire.

La radiographie du thorax démontre réguliè-rement un pneumomédiastin (fig. 1) et souvent un épanchement pleural. Le diagnostic de certi-tude se confirme par l’opacification de l’œso-phage avec un produit hydrosoluble. En clair, une fois suspecté le syndrome de Boerhaave se diagnostique sans délai par une radiographie d’œsophage à la gastrografine.

LE T R A I T E M E N T C H I RU R G I C A L

Le traitement chirurgical est incontournable et urgent. La voie thoracique (gauche le plus

souvent) identifie la lésion correspondant tou-jours à une déchirure longitudinale de taille variable (de 0,5 à 10 cm).

Le traitement consiste alors à :

1) nettoyer le médiastin et la plèvre, puis les drainer ;

2) traiter la cause avec soit une réparation pri-maire si les conditions loco-régionales et géné-rales le permettent, soit une résection de l’œsophage si le délabrement est majeur ou l’in-tervention trop tardive (au-dessus de 24 heures); la reconstruction est alors faite de façon différée, habituellement deux à trois mois plus tard; 3) l’antibiothérapie est impérative couvrant entre autres les germes anaérobies.

Le délai avant traitement conditionne le pro-nostic. Pour les ruptures adéquatement diagnos-tiquées et traitées, la mortalité peut être réduite (0 %) (5), mais elle peut dépasser 75 % si le retard au traitement dépasse 48 heures.

CO N C L U S I O N

Le syndrome de Boerhaave représente une des urgences les plus graves qui soit.

Le pronostic dépend grandement de la préco-cité du diagnostic et du traitement bien conduit. Des indices anamnestiques ciblés orientent adé-quatement une démarche diagnostique rapide. L’opacification à la gastrografine de l’œsophage doit être faite sans délai pour éliminer ou confir-mer le diagnostic.

La chirurgie urgente et appropriée reste le gold standard du traitement.

RÉ F É R E N C E S

1. Boerhaave H. — Atrocis, nec descripti prius, morbi

his-toria. Leyden : Secundum medicae artis leges conscripta

Lugduni Batavorum Boutesteniana, 1724.

2. Skinner DB.— Perforation of the esophagus :

Sponta-neous (Boerhaave’s syndrome), traumatic, and following esophagoscopy. In : Sabiston DC, ed. Textbook of

Sur-gery. Saunders WB & Cie, Philadelphia, 1991. 3. Singh GS, Slovis CM.— "Occult" Boerhaave’s

syn-drome. J Emerg Med 1998, 6, 13-16.

4. Brauer RB, Liebermann-Meffert D, Stein JH, Bartels H, Siewert JR.— Boerhaave’s syndrome : analysis of the literature and report of 18 new cases. Dis Esophag 1997,

10, 64-68.

5. Defraigne JO, Honoré P, Boverie J et al.— Le syndrome de Boerhaave. J Chir (Paris) 1989, 126, 659-662.

P. HONORÉ ET COLL.

Rev Med Liege; 59 : 4 : 203-204 204

Fig. 1. Pneumomédiastin

Les demandes de tirés à part sont à adresser au Pr. P. H o n o r é , S e r v i c e d e C h i r u r g i e a b d o m i n a l e , C H U Sart Tilman, 4000 Liège.

Figure

Fig. 1. Pneumomédiastin

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