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Troubles psychiques liés à la maternité : Troubles puerpéraux

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A CT A PSY CHIA TRICA BELGICA – N° 112/1 – 2012 – 39-45

1. Médecin assistant en psychiatrie adulte, Université Catholique de Louvain, Belgique

2. Doctorante en médecine, candidate en gynécologie et obstétrique, Université Catholique de Louvain, Belgique 3. Médecin assistante en Psychiatrie adulte, Université de Liège, Belgique

4. Centre de Recherches du Cyclotron, Université de Liège, Belgique & Depression Clinical and Research Program, Massachusetts General Hospital,

Harvard Medical School. Emarge au Fonds National de la Recherche Scientifi que de Belgique

The postpartum period is a key moment in the development or the worsening of mental illnesses, which can be minor (e.g., baby blues, transient psychological disorders) or potentially serious (e.g., psychosis, depression). In some cases, the risk of death (maternal suicide, infanticide, altruistic suicide) is important. This is why the early and accurate identifi cation of these disorders should allow the establishment of targeted and effective intervention strategies.

Key words : Postpartum depression - Puerperal psychosis - Psychiatric disorders in pregnancy - Baby blues

Troubles psychiques liés à la maternité :

Troubles puerpéraux

Motherhood and mental illness : postpartum disorders

Kevin Namêche

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, Cindy Gathy

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, Gladys Mikolajczak

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, Martin Desseilles

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Troubles psychiatriques

puerpéraux

Cinq à six fois plus fréquents que pendant la grossesse, ils ont lieu majoritairement dans les deux mois suivant l’accouchement.

Post-partum blues

a) Défi nition : Aussi appelé « syndrome du troisième jour », « baby blues », « maternity blues » ou encore « fi èvre du lait », ce trouble affecte de 15 à 85 % des accouchées (Sut-ter, Lacaze et al. 2005; Jouppe 2007).

Il apparaît entre le deuxième et le dixième jour suivant l’ac-couchement et les symptômes s’estompent généralement en une semaine tout au plus. Le pic d’incidence semble se trouver au cinquième jour (Henshaw 2003). Le post-partum blues est relativement bénin, frôlant le pathologique, et est souvent bien reconnu par l’entourage dont le soutien suffi t généralement pour en observer la résolution spontanée.

b) Clinique : Il s’agit d’un syndrome dysphorique transitoire dont les signes sont rarement tous présents. Il arrive même que le baby blues passe inaperçu.

On peut retenir quatre catégories principales de symptômes: (1) Les perturbations affectives. Morosité anxieuse, crises de

larmes. Les motifs évoqués par la patiente sont incon-sistants et concernent la santé de son bébé, la sienne, ou l’incapacité à materner. Parfois il n’y a pas de motif invoqué : « ça coule tout seul ».

(2) Les manifestations caractérielles. Elles sont d’allure

ré-gressive. Irritabilité, agressivité hargneuse inexpliquée, sentiment d’abandon contrastant avec l’attitude sur-protectrice de l’entourage et le contexte d’événement heureux.

(3) Les manifestations cognitives. Diffi cultés à lire, à se

concentrer, oublis. Ces troubles semblent fortement évocateurs d’une organicité.

(4) Les manifestations psychosomatiques. Fatigue, céphalées,

lombalgies ou douleurs abdominales. Ces symptômes sont souvent présents et liés à l’anxiété du postpartum. Se rajoutent à ces symptômes des troubles de l’appétit et du sommeil, probablement indicateurs d’une évolution vers un trouble thymique plus sérieux.

c) Pathogénie: Une double origine a été décrite : (1) hor-monale avec la chute brutale du taux d’œstrogènes et de progestérone, (2) psychique avec une hypersensibilité ma-ternelle aux besoins de l’enfant, toute l’attention de la mère étant focalisée sur son bébé. Winnicott a appelé cet état « la préoccupation maternelle primaire » qui serait une forme d’initiation à la relation mère-enfant.

Par ailleurs, à la naissance, la mère vit un double deuil : celui de la grossesse qui s’achève et celui de l’« enfant parfait » imaginé qui se confronte à l’enfant « réel » qui vient de naître.

d) Évolution : Dans 90% des cas, la situation se résout en une semaine. Cependant, pour certaines femmes (10%) les symp-tômes se prolongent au-delà d’une semaine, malgré la pré-sence active de l’entourage. Ceci signale souvent l’évolution vers une dépression post-natale, voire parfois une psychose. Une étude a montré que la présence d’un postpartum blues expose les patientes à un risque plus élevé de développer des troubles dépressifs ou anxieux dans les trois mois après l’ac-couchement. D’où l’intérêt d’une attention toute particulière à l’état psychique de la parturiente pour la prévention et le traitement précoce de la survenue d’un trouble psychiatrique durant cette période à risque (Reck, Stehle et al. 2009).

e) Prise en charge : Celle-ci consiste essentiellement en une attitude d’écoute empathique et de réassurance. Les entre-tiens avec la mère ont pour objectifs de lui permettre d’ex-primer son ressenti, de lui expliquer que ce qu’elle vit est normal et de s’assurer de la qualité de son environnement. Cette démarche est essentielle pour prévenir l’évolution

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aux per du bébé ou un sentiment de ne pas en avoir la capacité

physique (épuisement), des phobies d’impulsion (la peur de faire du mal au bébé entraîne un comportement d’évite-ment), une irritabilité envers le mari et les autres enfants de la famille, des somatisations diverses (douleurs abdominales, céphalées) et enfi n, chez le bébé, la présence de troubles de l’appétit, l’absence de prise de poids et des troubles du sommeil (Durand 2001). Le tout étant accompagné par la culpabilité que ces états génèrent chez la mère.

Le test d’Edinburgh (EPDS pour Edinburgh Postnatal De-pression Scale) permet de se faire une première idée de la santé psychique de la nouvelle mère (Teissedre et Chabrol, 2004). Il consiste en dix questions à choix multiples posées à la maman au jour 2 ou 3 après l’accouchement; chaque ré-ponse a une valeur allant de 0 à 3. Un score sur 30 points est établi, le seuil à partir duquel le risque de dépression post-natale se majore est de 11 (Cox, Holden et al. 1987). Cette échelle est un bon moyen de dépistage (bonnes sensibilité, spécifi cité et valeur prédictive positive) du risque de faire une dépression dans le post-partum.

d) Facteurs de risque et hypothèses étiologiques : (1) chez la mère : chutes hormonales suite à l’accouchement (progesté-rone, œstradiol - cependant l’étude récente de Klier, Muzik et al. 2007 remet en cause son implication étiologique dans la dépression post-natale, cortisol, hormones thyroïdiennes), âge maternel inférieur à 20 ans, primiparité, ambivalence par rapport à la grossesse, antécédents d’interruption volontaire de grossesse (qui peut réactiver un sentiment de culpabilité), malheurs pendant la grossesse (perte d’un proche, d’un enfant, séparation du conjoint), troubles relationnels de la parturiente avec sa mère ou son conjoint, abandon de l’enfant par le père. L’histoire personnelle de la mère (antécédents de dépression, carences affectives, abus sexuels durant l’enfance) et sa si-tuation socioprofessionnelle (diffi cultés socio-économiques, professionnelles, matérielles) sont également importantes. Concernant les facteurs de risque obstétricaux, on retrouve les grossesses non désirées ou non planifi ées, l’hypertension gravidique, la césarienne en urgence, et un retour précoce au domicile (Nakku, Nakasi et al. 2006). (2) Chez le bébé, petit poids, handicap et irritabilité (bébé « diffi cile ») renforcent le sentiment d’incapacité d’être une bonne maman.

e) Évolution : Il y aurait 50 % de résolution spontanée en 3 à 6 mois (Durand 2001) et 50% de persistance au-delà d’un an. Parfois la dépression du post-partum peut constituer une entrée dans un trouble dépressif récurrent et/ou récidiver lors d’une grossesse ultérieure.

f) Prise en charge : Elle est psycho-sociale, médicamenteuse ou sous forme d’hospitalisation.

PSYCHO-SOCIALE : Avant toute chose, le souci est celui de la prévention de la survenue de cette pathologie par la for-mation adéquate du personnel soignant. Une préoccupation précoce de l’état maternel positive l’avenir psychique de la patiente. L’attitude thérapeutique doit être centrée sur la relation mère-enfant, avec revalorisation des capacités ma-ternantes de la mère. Bien souvent, la femme masque son vers des troubles plus graves.

Une étude menée par H. Chabrol et al. a montré l’intérêt préventif certain d’une information claire sur le baby blues donnée à la future mère durant la grossesse; celle-ci peut ainsi se préparer aux potentiels bouleversements atten-dus après l’accouchement et réduire l’intensité de ce blues (Chabrol, Coroner et al. 2007).

Dépression du post-partum

a) Défi nition : Il s’agit d’un trouble dépressif majeur survenant

dans le post-partum. Selon le DSM-IV-TR, le trouble doit débuter dans les quatre premières semaines du post-par-tum pour obtenir cette spécifi cation (American Psychiatric Association 2000).

Pour établir le diagnostic (DSM-IV-TR), la patiente doit avoir présenté au moins cinq des symptômes suivants durant une même période d’au moins deux semaines. Ces symptômes ne devaient pas être présents antérieurement.

Symptômes d’une dépression majeure : (1) Humeur dépressive

(2) Perte d’intérêt (3) Perte ou gain de poids (4) Insomnie ou hypersomnie

(5) Agitation ou ralentissement psychomoteur (6) Fatigue ou perte d’énergie

(7) Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive (8) Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer (9) Pensées de mort ou idées suicidaires

(1) ou (2) doit faire partie des cinq symptômes.

En outre, un épisode dépressif majeur du post-partum se dis-tingue par les spécifi cations suivantes (O’Hara 2009) : (1) la dépression survient, de façon prédictive et inaugurale, au dé-cours de la naissance ; (2) les conséquences de cet état pour la femme et ses relations à long terme, en particulier celles qui concernent le nouveau-né, sont notables et péjorent le déve-loppement social, cognitif et émotionnel de ce dernier ; (3) il peut y avoir développement d’une pathologique spécifi que chez le nourrisson avec trouble de l’attachement.

b) Généralités : La fréquence est de 6,5 à 12,9 % dans les six mois suivant la grossesse. Les pics de fréquence se situent à 2 et à 6 mois après l’accouchement (Pearlstein, Howard et al. 2009).

L’entrée dans la dépression peut être la persistance et/ou l’intensifi cation des symptômes du baby blues au-delà d’une semaine, ou l’apparition de symptômes dépressifs plus tar-difs, dans l’année suivant la naissance.

Cette pathologie est actuellement encore trop souvent sous-diagnostiquée car le début peut être insidieux et la mère est rarement capable d’appeler à l’aide. Il lui parait interdit de dire qu’elle ne se sent pas mère, qu’elle ne se sent pas capa-ble de s’occuper de son bébé ou que ce dernier l’ennuie.

c) Signes d’appel : En plus des critères diagnostiques du DSM-IV-TR précités, on notera une absence de plaisir à

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grandiosité, symptômes schizophréniformes (hallucinations), perplexité, agitation, troubles du sommeil, confusion, anorexie. Les idées délirantes concernent fréquemment l’enfant : anor-malité, fi liation satanique.

L’étiologie de la psychose puerpérale est en grande partie biolo-gique et correspond quasiment toujours à un trouble bipolaire dont l’accouchement a joué un rôle déclencheur. La diminution œstrogénique rendrait hypersensible les récepteurs centraux. Cela explique que des antécédents personnels ou familiaux de troubles psychotiques augmentent le risque de psychose puer-pérale et qu’avoir vécu un épisode augmente le risque d’en vi-vre un second lors d’une grossesse ultérieure.

Au point de vue du traitement, une hospitalisation s’avère sou-vent nécessaire. Il existe des unités d’hospitalisation « mère-enfant » où les interactions entre la patiente et son mère-enfant sont valorisées et renforcées. Une chambre seule et le soutien du partenaire sont préférables.

Au niveau médicamenteux, le premier objectif est de sédater la patiente avec une intensité qui permettra de la protéger elle, son enfant et son entourage. Dans ce cadre, sont utilisées les benzodiazépines tranquillisantes (lorazépam, diazépam) et les antipsychotiques atypiques (rispéridone, olanzapine).

Vu la grande tendance de la psychose puerpérale à prendre l’ap-parence d’une manie, l’emploi de thymostabilisateurs tels que le lithium (contre-indiqué si allaitement) ou le valproate, est très fréquemment indiqué (Stocky and Lynch 2000).

Troubles thymiques sévères :

a) Accès dépressif majeur : Il correspond souvent à un ta-bleau de mélancolie délirante avec une thématique centrée sur l’enfant. Le trouble apparaît dans les premières semaines suivant la naissance mais prolonge parfois une dépression mineure de la grossesse. Parmi les facteurs de risque, sont observés: des antécédents personnels ou familiaux de psy-chose maniaco-dépressive, les femmes jeunes (adolescen-tes), la primiparité après 35 ans, des malformations du bébé et un post-partum blues sévère.

Les caractéristiques cliniques d’une mélancolie délirante sont: un sentiment d’incapacité, de culpabilité, d’indignité; une désorientation; une absence de reconnaissance des pro-ches; une négation du mariage, de la grossesse et/ou de la maternité; des idées délirantes concernant le nouveau-né (responsabilité d’une menace de mort pesant sur son en-fant, conviction d’une substitution d’enen-fant, de sa mort, d’un changement de sexe, de pratiques maléfi ques sur l’enfant et la mère); une allure parfois stuporeuse. L’ensemble de ce tableau est généralement vécu dans une atmosphère d’an-goisse de mort omniprésente.

L’intervention doit se faire dans l’urgence car le risque de suicide, d’infanticide ou des deux est fort important (Horn-stein et Trautmann-Villalba, 2007). La surveillance et le trai-tement en milieu hospitalier, sous contrainte si nécessaire, semblent être la solution la plus adéquate (l’idéal étant une unité mère-bébé). L’ECT est une possibilité thérapeutique à ne pas négliger.

mal-être. Toute la diffi culté est de le détecter et d’amener la patiente à se faire aider d’un point de vue psychique (psy-chologue, psychiatre, groupes de mères, généraliste, etc.) mais aussi social (assistants sociaux).

MEDICAMENTEUSE : Si cela s’avère nécessaire, l’allaite-ment sera interrompu et la mise en route d’un traitel’allaite-ment antidépresseur et/ou anxiolytique sera entreprise.

HOSPITALISATION : Lors d’une chronicisation de la mala-die dépressive, cette solution doit pouvoir être envisagée. L’idéal est un séjour en unité mère-bébé afi n de développer des liens le plus rapidement possible. Le retour à domicile nécessitera un suivi psychique.

Dépression post-abortum

Il s’agit d’une entité rare. Une interruption de grossesse peut engendrer une dépression réactionnelle associée à un senti-ment de culpabilité, surtout si cette interruption est liée à un problème maternel.

De nombreux troubles psychiatriques tels que des troubles anxieux comme l’agoraphobie, les attaques de panique ou le syndrome de stress post-traumatique apparaitraient plus fré-quemment chez les femmes ayant vécu un avortement. Les troubles présentant la plus grande différence de fréquence sont les abus d’alcool et de drogues (avec ou sans dépendance) ainsi que la dépression majeure. La plus petite différence se voit dans les troubles bipolaires (Coleman, Coyle et al. 2009). Les morts anténatales forcent à accomplir un travail de deuil. Pour éviter ou minimiser l’avènement de troubles psychi-ques futurs, il est important que les parents voient leur en-fant mort, lui donnent un nom et organisent les funérailles. Ces actions, aussi diffi ciles soient-elles, permettent la réali-sation du deuil.

Outre cela, un soutien lors d’une grossesse ultérieure sera sou-vent nécessaire. Pour rappel, la mort anténatale représente un facteur de risque de dépression du post-partum pour une gros-sesse itérative.

Troubles psychotiques du post-partum

Comme précisé précédemment, le « post-partum » pour le DSM-IV-TR se situe dans les quatre semaines suivant l’accou-chement.

Les troubles psychotiques du post-partum sont essentiellement de trois types : les troubles thymiques sévères, les épisodes dé-lirants aigus et les états schizophréniformes.

Les décompensations psychotiques du post-partum concer-nent approximativement 1 à 2 accouchées sur 1.000 et il existe une importante hérédité spécifi que de ce trouble (Brockington 2004). Par ailleurs, la présence d’antécédents de bipolarité re-présente un facteur de risque non négligeable. Le pic de fré-quence se situe dans les deux semaines qui suivent la fi n de la grossesse. Le début est souvent soudain et prend une allure dramatique. Parfois, le trouble apparaît comme un baby blues plus sévère (insomnie, agitation, irritabilité, labilité de l’humeur). Après quelques jours, le tableau clinique s’enrichit: élation,

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aux • CONFUSION : Désorientation spatio-temporelle,

pertur-bation du rythme veille-sommeil, onirisme transitoire, per-plexité anxieuse, hallucinations.

• DELIRE :

– De persécution : les idées délirantes et les hallucinations (auditives et visuelles) sont centrées sur la naissance et sur l’enfant (négation du mariage, négation de la maternité, doute sur l’origine de l’enfant ou sur son sexe; crainte que l’enfant ne soit menacé de mort, qu’une malédiction pèse sur lui, qu’il soit malade ou malformé).

– Confusion d’identité entre la maman et son enfant sur le-quel elle projette des éléments délirants en rapport avec sa propre mère.

– Parfois, les délires ont une tonalité mégalomaniaque (déli-res de grandeur).

L’évolution (Dayan 1999) est variable avec une infl uence de

l’en-tourage sur les signes cliniques et leur intensité. Le pourcentage de suicide à court et long terme est estimé à 5% et environ 4% des femmes commettront un infanticide.

Dans la plupart des cas, l’évolution est favorable en quelques semaines. Le risque de récidive lors d’une grossesse ultérieure diminue avec l’augmentation de l’intervalle entre deux gros-sesses et augmente par l’existence d’épisodes antérieurs non puerpéraux. Le taux de récidive est également moins important lorsque l’épisode psychotique aigu débute précocement dans le postpartum, qu’il est accompagné de signes confusionnels et dénué de troubles thymiques.

Le risque de récurrence par grossesse varie entre 20 et 30%. Il faut noter que 50 à 65% des patientes rechutent sur un mode thymique (essentiellement bipolaire) en dehors de toute pé-riode puerpérale, ce risque de rechute étant moins élevé pour les mères ayant des antécédents exclusivement puerpéraux. La chronicisation sous la forme d’une schizophrénie est à suspec-ter devant la survenue tardive du trouble et la présence d’une discordance affective durant l’épisode.

Le traitement : Il s’agit d’une urgence thérapeutique. Le diagnos-tic précoce et la prise en charge immédiate permettent de ré-duire le risque de mortalité maternelle et/ou infantile, d’assurer autant que possible une récupération complète et de prévenir le risque d’épisodes futurs (Sit, Rothschild et al. 2006). Une hospitalisation dans un service spécialisé de psychiatrie com-me une unité mère-bébé est à envisager sous plusieurs condi-tions. Il faut que cela soit compatible avec les agissements de la patiente et que les risques d’actes hétéro-agressifs envers le nou-veau-né ne soient pas trop importants. S’il n’y a pas d’unité de ce type disponible dans un service de psychiatrie, l’idéal est d’hospi-taliser la mère seule et d’arranger des moments de contact avec son bébé qui favoriseront son évolution. Quoi qu’il en soit, un soutien psychothérapeutique est nécessaire, centré sur la mère et sur la relation mère-enfant, avec la participation du père. Un traitement adapté par neuroleptiques, entrepris précoce-ment en milieu hospitalier, donne souvent de bons résultats après deux ou trois semaines. Notons qu’une étude récente a montré qu’utiliser des œstrogènes en prévention d’une

psy-b) Accès maniaque: Il débute de façon précoce et brutale, le plus souvent dans les deux premières semaines post-accouchement. Dans 50% des cas, l’évolution se fait vers une mélancolie.

Les caractéristiques cliniques sont multiples : désorganisa-tion psychotique (désorientadésorganisa-tion, agitadésorganisa-tion); hallucinadésorganisa-tions renforçant les idées mégalomaniaques de toute puissance, d’être investi d’une mission divine; parfois persécution ou érotomanie (délire dans lequel le sujet croit être aimé et qui le fait évoluer par différents stades d’illusion, d’espoir, de désillusion et de rancœur); souvent état mixte avec accès dépressifs majeurs ou avec une psychose puerpérale. Psychose délirante aiguë :

Cette entité est aussi connue sous les noms de bouffée délirante aiguë, psychose oniroïde, épisode confuso-délirant ou trouble schizo-affectif en fonction de leurs caractéristiques cliniques. Elle concerne 1 à 2 naissances pour 1.000 (Kemp, Bongartz et al. 2003), principalement des femmes primipares et, parfois, s’avère être la récidive d’un épisode similaire vécu lors d’une grossesse antérieure.

Les facteurs de risque sont multiples : antécédents psychiatri-ques personnels (dans 1/3 des cas) ou familiaux; primiparité, complications obstétricales lors de l’accouchement (Blackmo-re, Jones et al. 2006; Nager, Sundquist et al. 2008); diffi cultés relationnelles mère-fi lle; immaturité affective, environnement socio-économique défavorable (Nager, Johansson et al. 2006); parturiente de plus de 35 ans.

Les premières manifestations sont des insomnies intenses, des cauchemars, une anxiété importante (en particulier centrée sur l’état de la peau du bébé), des comportements étranges, des symptômes rappelant le blues du troisième jour avec accen-tuation, une confusion mentale apparaissant progressivement (initialement vespérale) ainsi qu’un désintérêt croissant pour le nourrisson.

Des symptômes hypomaniaques (états d’excitation passagers inhabituels) sont à déceler car ceux-ci sont typiquement re-trouvés, précocement après la naissance, chez les femmes qui développent une psychose puerpérale (Heron, McGuinness et al. 2008).

Parfois tout ceci est précédé par des perturbations anxio-dé-pressives en fi n de grossesse (d’où l’importance d’y être atten-tif) et/ou par un post-partum blues sévère.

Ensuite vient la « bouffée délirante » proprement dite, dont le début est brutal, dès les premiers jours du post-partum, avec un pic de fréquence au dixième jour. Les accès survenant plus tardivement sont de mauvais pronostic et révèlent parfois une schizophrénie.

Le tableau clinique au stade d’état comprend trois composantes : • DYSTHYMIE : Fréquemment au premier plan, sous forme

d’alternance rapide, dans la même journée, de moments à tonalité mélancolique (risque d’actes auto- et hétéro-agres-sifs sur l’enfant) et d’accès de type maniaque (excitation in-tense). L’angoisse est très importante.

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Données étiopathogéniques.— Plusieurs hypothèses sont à l’étude (génétiques, infectieuses, hormonales, psychodyna-miques) mais aucune ne permet d’expliquer l’ensemble des signes cliniques rencontrés dans les psychoses puerpérales.

Conséquences de ces

diffé-rents troubles pour l’enfant

Il n’y a pas de lien causal direct entre les troubles psychiques rencontrés par la mère et ceux qui pourraient se développer chez l’enfant. De plus, le bébé exerce aussi une infl uence sur la maladie maternelle, notamment par son comportement («bébé diffi cile» versus «bébé calme»).

Divers paramètres sont à prendre en compte : les caractéristi-ques propres du bébé et son aptitude à faire face à la maladie maternelle, le moment de la grossesse où apparaissent les trou-bles, l’attitude de l’entourage.

On peut observer chez le nourrisson des modifi cations de com-portement, de l’irritabilité ou des symptômes de type dépressif. Un trouble psychique sévère dans le post-partum entraîne, certes, la séparation immédiate de la mère avec son enfant. Mais ce fait n’est pas obligatoirement lourd de conséquences; le bébé peut très bien évoluer, confi é à la famille bienveillante, à une unité hos-pitalière ou à une pouponnière. Cependant, il est fondamental de rétablir précocement le lien entre la mère et le nouveau-né, par le biais d’une hospitalisation conjointe mère-enfant ou, si cela n’est pas possible, par la présentation transitoire du bébé à sa maman, le but étant de rétablir la réalité de l’enfant vivant et de démentir les idées délirantes le concernant.Le plus souvent, le lien s’établit ou se rétablit normalement dès la guérison de l’accès.

Les dépressions évoluant à bas bruit et de manifestation tardive, ont un impact plus péjoratif sur le développement de l’enfant. L’élaboration des premières relations materno-infantiles peut en être affectée. Un plus grand nombre d’attachement sur un mode « insécure » (trouble de l’interaction entre la mère et son enfant) est observé dans ces familles par rapport à la population générale.

chose du post-partum, pour contrecarrer la chute œstrogéni-que liée à l’accouchement, n’apporte pas d’avantage probant (Kumar, McIvor et al. 2003).

En cas d’échec des neuroleptiques ou si le risque de suicide/in-fanticide est présent (cas sévères), l’ECT demeure la meilleure option thérapeutique (Forray and Ostroff 2007). De plus, elle permet une résolution rapide des symptômes, ce qui fait parfois poser l’indication d’ECT bien plus précocement que l’utilisation de moyens pharmacologiques. Finalement, un suivi de la patien-te, et éventuellement de son enfant, sera assuré.

Le diagnostic différentiel se fait avec la réactivation d’une psy-chose schizophrénique ou d’un délire oniroïde, une psypsy-chose maniaco-dépressive ou une psychose aiguë organique (patho-logies infectieuses - « encéphalite psychotique puerpérale », rarissime; pathologie vasculaire - thrombophlébite cérébrale provoquant des céphalées; pathologies neurologiques - crises comitiales et signes neurologiques focalisés; intoxications – dro-gues, médicaments).

Etats schizophréniformes.— Appelés ainsi car prenant les formes cliniques de la schizophrénie, ces troubles psychiques peuvent se voir très précocement chez la mère après la mise au monde.

Pour rappel, le DSM-IV-TR attribue le terme «schizophrénifor-me» à un trouble d’allure schizophrénique dont la durée dé-passe un mois, mais ne dure pas plus de six mois.

Différents tableaux cliniques sont possibles :

• Décompensation psychotique : agitation délirante, discor-dance idéo-affective, bizarreries du comportement, négati-visme, repli autistique.

• Schizophrénie dysthymique : excitation, dépression délirante et discordante; inadéquation de la mère aux besoins de son bébé, repli, bizarreries.

• Révélation d’une schizophrénie réelle (signes cliniques dans les antécédents).

• Mode d’expression d’une psychose maniaco-dépressive.

Conclusion

Le postpartum est une période encore trop souvent banalisée et dont les enjeux psychiques passent fréquemment inaperçus aux yeux des proches mais aussi des soignants.

Or, c’est un moment où une attention particulière à la mère est requise en vue de l’accompagner et la soutenir de façon adéquate durant cette période riche en remaniements psychiques (devenir mère) et physiques (chute hormonale, modifications corporelles).

Il est également important d’être attentif aux « signaux d’alerte » qui peuvent être évidents (difficultés obstétricales, séparation précoce mère-enfant) mais aussi plus discrets (tristesse, troubles du sommeil). Ceux-ci imposent alors une vigilance supplémentaire et éventuellement l’initiation d’une prise en charge.

Parfois, une simple fatigue en période périnatale peut précipiter un trouble de l’humeur (partum blues, dépression post-natale) ou une psychose (Ross, Murray et al. 2005). Un lien a été établi entre le manque de sommeil et la survenue de telles pathologies, si bien que l’éviction des dettes de sommeil de la nouvelle maman entre dans le cadre de la prévention, voire même du traitement de la dépression et de la psychose post-natale.

L’articulation constante et adaptée des différents intervenants (infirmières, médecins, assistants sociaux, psychologues, etc.) avec les parents et leur enfant est fondamentale à chaque étape de la maternalité.

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Mots clés : Dépression du post-partum - Troubles psychiatriques puerpéraux - Psychoses gravidiques - Post-partum blues

Résumé

Auteur correspondant :

Kevin Namêche

Cliniques universitaires Saint-Luc, Psychiatrie adulte Avenue Hippocrate, 10, 1200 Bruxelles Belgiquekevin.nameche@gmail.com

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