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Le Forum social mondial : origine et participants

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Université du Québec à Montréal Tel : (514) 987 3000 # 3910 Pavillion Hubert-Aquin, Local A-1560 www.ceim.uqam.ca 1255 rue St-Denis

Montréal (Québec) H2X 3R9

Le Forum social mondial : origine et participants

Dorval Brunelle *

Cette année, le Forum social mondial VI (FSM) passe en mode polycentrique, c’est-à-dire qu’il se tiendra comme par les années passées à la fin janvier, mais cette fois-ci dans trois villes, Bamako au Mali, Caracas au Venezuela et Karachi au Pakistan1. Pour souligner cet

évènement, la présente chronique propose deux thèmes. Le premier est consacré à un retour en arrière sur la quadruple origine de ces forums, tandis que le deuxième présente les premiers résultats d'une enquête effectuée durant le FSM V en janvier 20052. Nous allons donc revenir

* Directeur de l’Observatoire des Amériques. Professeur titulaire au Département de Sociologie de l’Université du Québec à Montréal.

1 Pour raison de force majeure, la catastrophe écologique de

l’automne dernier , la tenue du FSM à Karachi a été reportée en mars 2006.

2 Cette enquête a bénéficié de plusieurs apports tout à fait

déterminants. Je tiens, en premier lieu, à remercier Antimo Farro, professeur au département de sociologie de l’Université La Sapienza, à Rome, qui m’a gentiment refilé le questionnaire qu’il avait mis au point dans le cadre d’une recherche interuniversitaire portant sur les participants aux forum sociaux européens. Je tiens à remercier également les étudiantes au Baccalauréat en relations internationales et droit international (BRIDI) de l’UQAM présentes au FSM de 2005 qui ont eu l’obligeance et la générosité d’administrer le questionnaire aux participants du forum. Enfin, je tiens à remercier Raphaël Canet, Nathalie Guay, Émilie Joly, ainsi que mon collègue Yves Chaloult, du département de sociologie de l’Université nationale de Brasilia, qui ont tour à tour travaillé à la traduction du questionnaire et à l’organisation de l’équipe sur le terrain à Porto Alegre, de même que mon collègue Rachad Antonius pour sa contribution à l’entrée des données et à la préparation de la matrice, et Jean-Luc Pilon pour l’aide qu’il m’a apportée dans la préparation des tableaux.

rapidement sur le contexte de la mise sur pied du premier forum au tout début des années 2000, après quoi nous allons présenter un portrait d’ensemble des participants au FSM V, en commençant avec quelques variables qui constituent ce qu’on appelle une radiographie, avant de passer à des questions plus substantielles comme le rapport à l’action, les objectifs et les moyens d’action.

La quadruple origine du Forum social mondial (FSM)

Même si les facteurs politiques et sociaux qui ont poussé à la création du FSM sont loin d’être étanches et qu’ils se superposent beaucoup plus qu’ils ne s’opposent, nous allons en distinguer quatre parmi les plus importants. Le premier facteur et le plus déterminant est, sans conteste, l’organisation de manifestations contre le Forum économique mondial (FEM) qui se tient à Davos, en Suisse, au mois de janvier de chaque année. Cette initiative, connue sous le nom de l’Autre

Davos, est lancée pour la première fois à Zurich,

en 1999. Depuis lors, les rencontres de l’Autre

Davos ont lieu en même temps que celles du

FEM. Cette stratégie soulève immédiatement deux questions : pourquoi s’attaquer au FEM et qu’implique l’idée d’en prendre le contre pied? Car l’organisation de l’Autre Davos n’est pas la première mobilisation du genre contre une organisation internationale, loin de là. D’ailleurs plusieurs auteurs font remonter la petite histoire

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des mobilisations à grande échelle et, du coup, l’origine lointaine du FSM, à la contestation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) de la part des organisations syndicales et sociales des États-Unis, du Mexique et du Canada, au tout début des années quatre-vingt dix, ou encore, à la contestation de l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) en 19983.

D’autres accordent moins d’importance à la première contestation contre le FEM, en janvier 1999, et davantage à la mobilisation contre la troisième Rencontre ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en novembre de la même année à Seattle.

Cela étant, le choix du FEM en tant que cible était sans doute, en rétrospective, plus révélateur qu’on le laisse croire souvent. Il convient de rappeler à ce propos que le FEM, au moment de sa création en 1971, n’avait pas la portée ni l’envergure qu’il aura vingt-cinq ou trente ans plus tard. Car c’est vraiment à compter des années quatre-vingt et, surtout, à compter de la fin de la guerre froide, que le FEM assumera un rôle de plus en plus important en tant que relais central dans le processus de mise en place des nouveaux programmes et des nouveaux cadres normatifs susceptibles de lever les entraves à la relance de la croissance économique4.

La notion de relais sert ici à mettre en relief l’émergence d’un lieu nouveau où se retrouvent et se côtoient hommes politiques et gens d’affaires à l’occasion de rencontres au cours desquelles les seconds avancent des propositions que les premiers sont invités à suivre afin de favoriser l’essor d’une économie globale. Ces nouvelles alliances entre les gouvernements, les organisations internationales et les milieux d’affaires élargissent le cercle des parties prenantes à la définition des orientations des politiques, mais elles le font de manière

3 C’est le cas d’Ignacio Ramonet, « Caracas », Le Monde

diplomatique, janvier 2006, p.1.

4 En effet, c’est à compter de 1982 que le FEM achemine ses

invitations auprès des organisations économiques internationales comme la Banque mondiale, le FMI et le GATT. Cette initiative aura des suites déterminantes, comme en témoigne le fait que le forum de 1982 débouchera sur la convocation d’une réunion informelle des ministres du Commerce de 17 pays, à Lausanne la même année, réunion qui proposera l’ouverture d’un nouveau cycle de négociations multilatérales, le Cycle de l’Uruguay. Le cycle sera inauguré en 1986 et il débouchera sur la création de l’OMC en 1994. C’est du FEM également qu’est issue la proposition d’incorporer le Mexique à un accord nord-américain de libre-échange. Voir : D. Brunelle, Dérive

globale, Montréal, Éditions Boréal, 2003, p. 152.

hautement sélective. En effet, en bénéficiant ainsi d’un nouvel espace de délibération à la fois restreint et sélectif, à l’intérieur duquel les débats sont menés de la manière la plus discrète, les acteurs économiques et politiques cherchent à se positionner quelque part en amont de la décision politique et, surtout, en amont des parlements. Cette promotion politique des acteurs économiques entraîne un déclassement concomitant des acteurs sociaux qui sont de

facto exclus des débats les plus importants pour

l’avenir de leurs sociétés nationales. Bien sûr, ces acteurs peuvent toujours se rabattre sur leurs institutions nationales de délibération et de représentation, mais ce repli soulève immédiatement la question de savoir quel peut être l’effet utile du parcours fléché imposé par les protocoles de la démocratie représentative, si les véritables instances décisionnelles sont déjà compromises dans des engagements souscrits et négociés autour de tribunes qui sont inaccessibles aux acteurs en question ? En un sens, ce serait donc aussi par défaut que les acteurs sociaux et les organisations sociales sont contraints d’internationaliser leur action et de passer à l’offensive au niveau mondial, afin de rétablir en leur faveur un équilibre socio-économique qui leur échappe de plus en plus aux deux niveaux international et national.

Comme quoi, prendre le contre pied du FEM ne visait pas seulement à contester l’orientation de l’économie à l’échelle globale, mais visait également, au delà de la défense de la démocratie représentative et du maintien de la publicité des débats politiques, à explorer les voies nouvelles de la démocratie participative, de l’horizontalité des débats et de l’innovation sociale.

Le deuxième facteur qui a poussé des acteurs sociaux et des organisations sociales à se rallier à l’idée de convoquer un FSM est imputable aux insatisfactions grandissantes devant les piètres résultats des consultations et autres conférences préparées par l’ONU, que ce soit sur l’environnement à Rio, en 19925, sur les femmes

à Beijing, en 19956, ou sur le développement

social à Copenhague, en 19957. Pour plusieurs de

ces organisations, ces insatisfactions se sont muées en véritables désillusions les fois suivantes, quand il a été question d’établir les

5 Il s’agit de la Conférence de l'ONU sur l'environnement et

le développement.

6 Il s’agit de la quatrième Conférence mondiale sur les

femmes.

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bilans des actions entreprises, c’est-à-dire de faire les suivis et de rédiger de nouveaux plans d’action, cinq ou dix ans plus tard, lors des conférences Rio+5 à New York, Rio+10 à Johannesburg, Beijing+5, puis Beijing+10 à Beyrouth, Copenhague+5 à Genève et Copenhague+10 à New York.

Le troisième facteur est le rôle joué par certains mouvements et journaux, le mouvement ATTAC en France, le Monde diplomatique, de même que par les grandes organisations syndicales, entre autres, qui, incapables de maintenir une opposition frontale face aux pouvoirs économiques et politiques en place, conviennent de passer en mode propositionnel et d’agir en tant que vecteurs dans la création d’un nouvel espace public de discussion, d’abord autour de l’Autre Davos dont il a été question plus tôt, plus tard et, en parallèle, autour de la création du FSM à Porto Alegre, à compter de janvier 20018.

Il y a enfin un quatrième facteur, qui est loin d’être négligeable, puisque c’est celui qui explique pourquoi le projet de création d’un FSM a finalement atterri au Brésil. Ce facteur, ou mieux, cet ensemble de facteurs renvoyait à la jonction qui avait été établie au cours des ans entre des militants, des groupes et des organisations, comme le Mouvement des sans terre, la Centrale unique des travailleurs (CUT) ou le Parti des travailleurs (PT). Dans le cours de leurs luttes contre le modèle néo-libéral de développement en cours d’application dans le pays, ces organisations cherchent à mettre en valeur les initiatives qui ont été prises et les expériences qui ont été tentées dans certaines villes où le PT assumait le pouvoir, dont la ville de Porto Alegre, qui servait de laboratoire à la mise en place d’une expérience originale de démocratie participative9.

8 Ce que reflète avec éloquence la substitution du terme

altermondialiste à celui d’antimondialiste qui avait cours

auparavant pour désigner cette mouvance.

9 Porto Alegre a été une des premières villes à appliquer une

politique de budget participatif à la suite de l’élection d’un maire pétiste en 1988. Le PT sera battu aux élections municipales et remplacé par le Parti populaire socialiste (PPS) en 2004. Il convient de noter que le PT avait également remporté les élections dans l’État de Rio grande do Sul en 1998. Il les perdra aux mains du Parti du Mouvement démocratique brésilien (PMDB) en 2002.

Les résultats du sondage : provenance, âge et emploi

Le FSM apparaît désormais comme un événement social et culturel majeur. Lors des FSM I, II et III tenus à Porto Alegre, au Brésil, au mois de janvier en 2001, 2002 et 2003, le nombre des participants passe successivement de 20, à 50 et à 100 000. À Mumbai, en Inde, en 2004, le nombre des participants au FSM IV tombe à 74 000, mais il repart à la hausse au FSM V et il atteint 155 000 à l’occasion de son retour à Porto Alegre en 200510.

Un succès de cette ampleur et de cette dimension ne peut manquer de soulever l’intérêt des analystes et, à l’instar de plusieurs autres11, il

nous a semblé à la fois intéressant et important de nous pencher sur ce phénomène qu’est le FSM pour chercher à savoir qui sont ces participants et participantes, d’où ils viennent, ce qu’ils recherchent et ce qu’ils attendent de leur implication dans ce rituel. Nous allons présenter les résultats préliminaires d’une enquête menée à l’aide d’un questionnaire administré dans quatre langues, portugais, espagnol, anglais et français, auprès de quelque 1000 répondants durant la tenue du FSM V12.

10 Le décompte se fait comme suit : au FSM I : 20.000

participants, 4.700 délégués de 117 pays, 1.870 journalistes accrédités, 420 ateliers, séminaires et d’autres activités organisées par les participants ; 16 conférences et 22 témoignages; au FSM II : 50.000 participants,12.274

délégués représentant 123 pays, 3.356 journalistes accrédités, 96 séminaires, 27 conférences et 622 activités autogérées (séminaires et ateliers organisés par les entités participantes du FSM); au FSM III : 100.000 participants, dont 20.000 délégués, d’un total de 123 pays et plus de 4.000 journalistes accrédités.10 conférences, 22 témoignages, 4 tables de dialogue et controverse et 36 panneaux. Ce noyau d’activités a réuni un total de 392 conférenciers de divers pays, chiffre trois fois supérieur à celui de 2001; au FSM IV : 74.126 participants, représentant 1.653 organisations de 117 pays, 3.200 journalistes, 1.203 activités autogérées (séminaires, ateliers, réunions). Enfin, au FSM V, les participants étaient issus de 135 pays, ils ont eu droit à 6880 communications et autres présentations. Plus de 200 000 personnes se sont retrouvées à la marche d’ouverture et 2500 activités différentes ont été organisées avec l’appui de plus de 3000 volontaires. En ligne : www.forumsocialmundial.org.br

11 L’Institut brésilien d’analyses sociales et économiques

(IBASE) a également effectué un sondage auprès des participants au FSM V. En ligne : www.forumsocialmundial.org

Voir aussi : Éric Agrikoliansky et Isabelle Sommier, directeurs, Radiographie du mouvement altermondialiste, Paris, La Dispute, 2005. Cette étude porte sur les participants français au Forum social européen de 2003.

12 Sur ces 1000 questionnaires, 811 ont été retenus aux fins

de la présente analyse. Le sondage d’IBASE quant à lui reposait 2540 entrevues.

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Il est important de rappeler, avant d’entrer dans le vif du sujet, que le FSM n’est pas une organisation, ni même un congrès, encore moins une assemblée délibérante. D’ailleurs le FSM se définit lui-même comme « un espace de débat démocratique d’idées, d’approfondissement de la réflexion, de formulation de propositions, d’échange d’expériences et d’articulation de mouvements sociaux, de réseaux, d’ONG et autres organisations de la société civile qui s’opposent au néo-libéralisme et à la domination du monde par le capital et par toute forme d’impérialisme »13.

En termes de provenance (Tableau 1), 66,5% des répondants de notre échantillon étaient d’Amérique latine, tandis que le quart était issu des pays développés du Nord14. Ils étaient

majoritairement jeunes, 43% avaient 25 ans et moins, (Tableau 2) et ils comptaient au total un peu plus de femmes (51,3%) que d’hommes. Ils étaient fortement scolarisés, puisque 80% d’entre eux avaient une formation universitaire et 14% une formation collégiale. Au niveau de l’emploi (Tableau 3), le plus grand nombre se définissait comme étudiants (26,6%), qui formaient ainsi, avec les enseignants (6,5%), les professeurs et les chercheurs dans les universités (5,2%) le contingent le plus important (38,3%), devant les employés dans le secteur public ou privé (9,5%), les cadres dans le secteur public ou privé (4,7%) et les professionnels indépendants (8,6%). Quant aux ouvriers, aux travailleurs manuels dans les services et aux travailleurs non qualifiés, ils comptent chacun pour 1,1%, 1,8% et 0,6%, derrière les sans-emploi (3,7%) et les retraités (2,8%). En somme, le FSM rassemble surtout des intellectuels et des professionnels, et très peu de travailleurs manuels15.

En termes de statut d’emploi, la moitié des répondants (48,9%) occupait un emploi permanent, le tiers (30%) un emploi temporaire, 13% un emploi autonome et 3,6% travaillait dans l’économie informelle. Ces données, jointes à celles qui ont été présentées ci-dessus, montrent

13 Voir le site du FSM. En ligne :

www.forumsocialmundial.org.br/main.php?id_menu=19&cd _language=3

14 Ces résultats diffèrent de ceux de l’IBASE, puisque 80%

des répondants à leur enquête provenaient du Brésil et près de 9% d’Amérique latine, tandis que 4,5% étaient issus d’Europe et 2,6% des Etats-Unis et du Canada

15 Même si notre échantillon diffère de celui d’IBASE, nos

résultats convergent avec les leurs sur ce point.

à quel point le statut d’emploi des participants correspondait peu à celui de l’ensemble de la population, dans les pays d’Amérique latine surtout où, dans bien des cas, près de la moitié de la population active est engagée dans le secteur informel ou dans des activités relevant d’une forme ou d’une autre de travail au noir16.

Il est intéressant de juxtaposer ces résultats à ceux (Tableau 4) du sondage de l’Institut brésilien d’analyses sociales et économiques (IBASE). En effet, le sondage en question montrait également à quel point les répondants bénéficiaient d’un statut d’emploi qui correspondait peu à l’état de la structure d’emploi de la population active dans la plupart des pays au Nord comme au Sud17.

Perception et raisons d’agir

Quant à la perception du mouvement, 67% des répondants le qualifiaient d’altermondialiste et 21% d’antimondialiste, une prise de position qui se reflète dans les raisons d’agir et les objectifs, comme nous le verrons bientôt. Au niveau de leur implication préalable avant de joindre le mouvement alter ou antimondialiste, 28,1% des répondants disaient avoir été impliqués dans une organisation non-gouvernementale (ONG), 22,3% dans un parti politique, 15,2% dans un syndicat, 12,2% dans le mouvement environnementaliste, 10,5% dans des organisations de luttes urbaines, 10.5% dans des organisations religieuses et 7,3% dans le mouvement féministe. Quand on prend en compte que les répondants pouvaient recourir à des choix multiples, le poids des ONG et des partis politiques par rapport aux cinq autres types d’implication est un révélateur intéressant du fait

16 Comme c’est le cas en Colombie et au Pérou, entre autres.

Quant au Brésil, le nombre des travailleurs dans le secteur informel serait de 13,9 millions sur 84 millions, au total. Mais ce chiffre ne correspondrait pas à la réalité, puisque d’autres études avancent que le travail informel y accaparerait plus de 55% de la main-d’œuvre active. Voir, Le

Brésil marginalisé : des millions de personnes en situation

informelle, 9 janvier 2006. En ligne :

http://www.autresbresils.net/article.php3?id_article=197. Voir aussi : Dan Gallin, Droits sociaux et secteur informel, juillet 1999. En ligne :

http://www.global-labour.org/droits_sociaux_et_secteur_informel.htm

17 Le cas du Québec mérite d’être souligné à ce propos car,

selon le Rapport Bernier, l’emploi dit atypique serait passé de 16,7% de la main-d’œuvre active totale en 1976 à 36% en 2001. Voir J. Bernier, G. Vallée et C. Jobin, Les besoins de

protection des personnes en situation de travail non traditionnelle, (Rapport Bernier), Ministère du Travail,

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que les premières ont joué un rôle central dans la

transnationalisation des pratiques militantes et

que les seconds ont occupé un rôle déterminant dans la politisation des enjeux sociaux. Par ailleurs, à ce moment-là, leur mobilisation s’exerçait à l’échelle locale pour 35,3% des répondants, à l’échelle régionale pour 21,2%, nationale pour 22,4%, continentale pour 4,8% ou internationale pour 10,6%.

Le questionnaire avait également cherché à cerner la signification de l’action

altermondialiste en proposant d’évaluer la

pertinence de neuf énoncés (Tableau 5). La première remarque à consigner à ce propos porte sur deux des trois scores les plus bas récoltés par deux énoncés radicaux et les scores les plus hauts, par deux énoncés généraux. « Renverser les leaders » et « détruire les symboles de la domination » ont des scores de 18,2% et de 38,6% respectivement, tandis que « faire valoir des principes moraux » et « protéger l’environnement » atteignent 73,2% et 71,8%. Quatre des cinq énoncés restants obtenaient des scores entre 50,3% des répondants pour « construire un mouvement d’opposition au capital financier » et 60% pour « se solidariser avec les victimes de la mondialisation ». L’avant dernier score très important parmi les plus bas, 32,7%, était accordé au deuxième énoncé, « protéger mon identité nationale face à l’économie globale ». Ce résultat est intéressant en ce qu’il ne reflèterait pas cette idée fort répandue selon laquelle la globalisation éroderait les prérogatives des gouvernements.

Par ailleurs, contrairement à la dispersion qui prévalait à propos de la signification de l’action, la convergence domine nettement quand il est question d’explorer les raisons pour lesquelles il est important de lier les actions entreprises avec celles qui se déploient à d’autres niveaux (Tableau 6). Qu’il se soit agi de partager des critiques, d’établir une connexion entre intérêts communs, d’union contre la mondialisation ou de transformer la réalité sociale, les scores cette fois se situaient à l’intérieur d’une fourchette allant de 52,5% à 67,2%.

Quant aux scores accordés aux questions portant respectivement sur les objectifs visés et sur les moyens de les atteindre (Tableaux 7 et 8), ils montrent à quel point l’accord est important sur les premiers et à quel point les moyens pacifiques, et surtout les manifestations (76,9%), l’emportent sur tous les autres moyens d’action.

D’ailleurs, parmi les moyens qui concentrent la plus grande défaveur, on peut relever l’action violente, qui récolte 89,9% de non et les barrages routiers, qui en récoltent 73,9%, mais aussi les activités syndicales, qui viennent en troisième place avec 71,4% de non.

Échelle d’action et objectifs

Nous venons de voir qu’aux yeux des répondants au questionnaire, leur mobilisation antérieure s’exerçait essentiellement à l’échelle locale pour 35,3% des répondants et à l’échelle internationale pour 10,6%. Or, quand on cherche à évaluer l’échelle de la mobilisation actuelle, les scores diffèrent peu (Tableau 9), puisque c’est encore le niveau local qui prédomine (29,6%), suivi du niveau national (21%) et du niveau international (13%).

Enfin, et le plus significatif sans doute, quand on cherche à évaluer par ordre d’importance, à partir de sept énoncés, les objectifs poursuivis par le mouvement altermondialiste, on voit une très forte concentration des choix autour de deux d’entre eux, à savoir « faire pression sur les gouvernements » et « élargir la participation citoyenne ». Deux énoncés obtiennent des scores somme toute faibles, ce sont : « construire des réseaux à l’intérieur des mouvements sociaux » et « trouver des solutions aux problèmes locaux ». Les trois derniers, « faire des liens avec les partis politiques », « opérer à travers les médias » et « protester » récoltant des scores très faibles.

Conclusion

Le portrait d’ensemble que nous avons tracé nous fait voir des participants à la mouvance

altermondialiste qui sont jeunes et intellectuels,

et dont l’action militante s’exerce essentiellement de manière pacifique au niveau local. D’ailleurs la participation à un forum mondial ne semble pas entraîner de changement important au niveau des échelles d’action, contrairement à ce à quoi on aurait pu s’attendre dans la foulée de la présentation de la quadruple origine du FSM. De plus, ces répondants semblent fort éloignés de tout radicalisme et très portés à recourir à des moyens fort pacifiques d’intervention.

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Mais il faut ajouter, en terminant, que cette première interprétation d’ensemble doit être approfondie, parce qu’il y a de fortes chances qu’une manipulation moins grossière de nos variables nous livre d’autres résultats. C’est ainsi, par exemple, qu’il serait intéressant d’établir une distinction entre participants du Nord et ceux du Sud, entre ceux qui se définissent comme alter et ceux qui se définissent plutôt comme antimondialistes, entre les hommes et les femmes, entre les jeunes et les autres, etc. En effet, tel quel, le portrait tracé ne peut pas rendre compte des nombreuses fractures et autres contradictions qui traversent actuellement le mouvement altermondialiste. C’est à ce travail d’analyse plus approfondi qu’il faudra désormais se consacrer.

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ANNEXES : TABLEAUX

Tableau 1:

Provenance des répondants.

Région Fréquence Pourcentage Pourcentage cumulatif

Québec 19 2,3 2,3 Canada 69 8,5 10,9 États-Unis 33 4,1 14,9 Brésil 382 47,1 62,0 Mexique 5 0,6 62,6 Amérique Latine et

autres pays des Amériques 109 13,4 76,1

Europe 89 11,0 87,1

Autres pays développés 72 8,9 95,9

Afrique et autres

pays en développement 17 2,1 98,0

Données manquantes 16 2,0 100,0

Total 811 100,0

Tableau 2 :

Âge des répondants.

Données répondants Âge des Fréquence Pourcentage

Données valides 25 ans et moins 315 38,8

De 26 à 40 ans 231 28,5 De 41 à 55 ans 131 16,2 56 ans et plus 55 6,8 Total 732 90,3 Données manquantes 79 9,7 Total 811 100

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Tableau 3 Emploi

Données Emploi Fréquence Pourcentage

Valides Cadre dans le secteur public ou privé 38 4,7

Employé dans le secteur public ou privé 77 9,5

Enseignant 53 6,5 Professionnel indépendant 70 8,6 Employeur 24 3,0 Artisan/Commerçant 9 1,1 Professeur/chercheur à l'université 42 5,2 Ouvrier 9 1,1

Travailleur manuel dans le secteur des services 15 1,8

Travailleur non-qualifié 5 0,6

Étudiant 216 26,6

Retraité 23 2,8

Personne au foyer 1 0,1

À la recherche d'un premier emploi 11 1,4

Sans emploi 30 3,7 Autre 93 11,5 Total 716 88,3 Manquantes 95 11,7 Total 811 100 Tableau 4

Occupation des répondants, en pourcentage.

Occupation Pourcentage

Étudiant 40,8

Employé du secteur public 17,5

Employé d’ONG, de partis ou de syndicats

11,5

Employé d’entreprise privée 8,9

Travailleur indépendant 8,4

Autres 12,9

Total 100,0

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Tableau 5

Importance des raisons d’agir.

Importance des raisons d'agir réponse Pas de (%) Pas Importa nt (%) Peu importan t (%) Assez importan t (%) Très importan t (%) Faire valoir des principes moraux

d'égalité et de justice 6,0 2,3 3,5 14,1 73,2

Protéger mon identité nationale

face à l'économie globale 7,8 11,8 20,0 26,8 32,7

Proposer une mondialisation

alternative 7,0 4,8 7,4 22,7 57,2

Changer les structures politiques et

la démocratie 8,5 2,6 6,0 27,1 54,6

Détruire les symboles de

domination 8,8 7,2 18,2 26,3 38,6

Renverser les leaders 13,4 13,3 30,7 23,4 18,2

Construire un mouvement

d'opposition au capital financier 8,3 4,2 10,0 26,4 50,3

Se solidariser avec les victimes de la

mondialisation 7,8 1,7 4,8 24,7 60,0

Protéger l'environnement et le

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Tableau 6

Finalités des raisons d’agir. Finalités des raisons d’agir Pas de réponse (%) Pas Important (%) Peu important (%) Assez important (%) Très important (%) Partager mes critiques et

propositions alternatives 6,5 2,2 4,9 32,8 52,5

Établir une connexion entre nos intérêts communs

5,4 1,0 2,6 26,4 6.3,6

S'unir contre la domination de la

mondialisation 7,5 2,3 7,0 26,9 55,2

Transformer une réalité

sociale que je condamne 8,0 1,2 3,6 19,0 67,2

Tableau 7

Importance des effets de la mobilisation

Importance des effets de la mobilisation Pas de réponse (%) Pas Important (%) Peu important (%) Assez important (%) Très important (%) Renforce la démocratie 8,0 4,6 6,5 25,8 53,4

Change le regard que l'on

pose sur la mondialisation 8,3 2,3 5,9 31,8 50,1

Développe des relations

horizontales 10,9 2,8 7,4 31,8 45,5

Aborde des enjeux qui traversent les frontières nationales

8,5 2,2 5,3 28,1 67,2

Promeut la paix, s'oppose

à la guerre 6,9 3,2 4,6 18,2 65,5

Promeut la paix, s'oppose

au terrorisme 11,7 5,4 12,2 19,9 49,0

Tableau 8 :

Types de mobilisation.

Type de mobilisation Pas de réponse (%) Oui (%) Non (%)

Manifestations 4,6 76,9 17,5

Barrages routiers ou occupations 4,6 20,6 73,9

Activités liées à un parti politique 4,6 30,2 64,2

Activités syndicales 4,6 23,1 71,4

Nouvelles formes d'expression et de participation 4,6 42,2 52,3

Boycotts de multinationales 4,6 34,3 60,2

Pétitions 4,6 37,5 57,0

Initiatives alternatives dans les médias ou Internet 4,6 31,1 63,4

Actions violentes contre la propriété 4,6 4,6 89,9

Mise sur place d'institutions ou de réseaux 4,6 31,2 63,3

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Tableau 9

Échelle de mobilisation.

Échelle de mobilisation Pas de réponse (%) Oui (%) Non (%) Ne s’applique pas (%)

Locale 7,6 29,6 32,9 18,5 Régionale (Infranationale) 7,6 18,4 44,1 18,5 Nationale 7,5 21,1 41,6 18,5 Continentale (Supranationale) 7,5 5,4 57,2 18,5 Internationale 7,5 13,3 49,3 18,5 Tableau 10

Importance des objectifs du mouvement altermondialiste. Ordre d’importance: Pas de réponse (%) Ne s’applique pas (%) 1 (%) (%) 2 (%) 3 (%) 4 (%) 5 (%) 6 (%) 7 (%) 8 (%) 9 (%)10 Faire pression sur

les gouvernements et institutions pour qu'ils changent leur politique 17,9 19,6 12,6 6,0 7,9 5,7 5,4 2,8 4,2 6,4 0,0 0,0 Construire des réseaux à l'intérieur des mouvements sociaux 18,2 19,9 7,4 10,9 8,1 7,6 5,1 3,8 2,6 4,8 0,0 0,1 Trouver des solutions aux problèmes locaux 18,6 19,9 6,7 6,4 8,4 6,4 6,9 5,9 3,8 5,4 0,0 0,0

Faire des liens avec des partis politiques pour développer des alternatives gouvernementales 19,9 20,0 2,8 4,9 4,4 7,2 7,8 9,4 7,2 4,9 0,0 0,1 Élargir la participation citoyenne 17,9 19,9 12,0 9,2 7,5 5,3 5,3 3,2 1,6 6,5 0,0 0,1 Opérer à travers les médias 19,7 19,9 2,3 2,6 3,3 6,7 8,5 13,4 8,1 3,9 0,0 0,0 Protester 20,5 19,9 1,1 2,7 4,4 4,4 6,8 8,0 14,9 5,8 0,0 0,0

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