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Toxicomanie et mineurs judiciarisés : recension des écrits

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Academic year: 2021

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CAHIER NO 20

TOXICOMANIE ET MINEURS JUDICIARISÉS RECENSION DES ÉCRITS

Pascal Schneeberger Serge Brochu Marjolaine Dion

(1995)

LES CAHIERS DE RECHERCHES CRIMINOLOGIQUES CENTRE INTERNATIONAL DE CRIMINOLOGIE COMPARÉE

Université de Montréal

Case postale 6128, Succursale Centre-ville Montréal, Québec, H3C 3J7, Canada Tél.: 514-343-7065 / Fax.: 514-343-2269 cicc@umontreal.ca / www.cicc.umontreal.ca

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Recension des écrits

Document rédigé

par

Pascal Schneeberger

Sous la direction

de

Serge Brochu

Assistante de recherche

Marjolaine Dion

Centre international de criminologie comparée pour le Regroupement des centres Alternatives Domrémy-Montréal Préfontaine

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TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION 1 CHAPITRE PREMIER : Recension sur le thème jeunes-délinquance-toxicomanie 3 Introduction 4 La consommation des adolescents 4 La criminalité des adolescents 5 Drogue et criminalité 6 Explications de la relation drogue-crime 7 a) la drogue cause le crime 7 b) le crime cause la consommation de drogue 8 c) les facteurs de risque 9 d) le syndrome général de déviance 12 e) le style de vie déviant 12 Conclusion 13 CHAPITRE SECOND : Caractéristiques des mineurs sur-consommateurs de drogues

de la région de Montréal 15 Introduction 16 Limites des études 16 Les études québécoises 18 Les études montréalaises 21 Synthèse 23 Conclusion 24 CHAPITRE TROISIÈME : Caractéristiques des jeunes consommateurs de drogues

pris en charge par les centres de réadaptation montréalais 25 Introduction 26 Consommation des mineurs judiciarisés 26 Caractéristiques des sur-consommateurs desservis par les CHJDA 29 Conclusion 32

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Montréal 35 Introduction 36 Méthodologie 36 Caractéristiques de la clientèle 37 Problématique 38 Difficultés rencontrées par les intervenants 39 Attentes et demandes des intervenants 41 LISTE DES RÉFÉRENCES 43

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d'argent afin de réaliser des études concernant l'amélioration éventuelle des services à offrir aux personnes toxicomanes judiciarisées. La Régie Régionale de Montréal a transféré ce budget au regroupement Alternatives, Domrémy-Montréal et Préfontaine qui a décidé d'effectuer une étude des services d'aide destinés aux jeunes sur-consommateurs judiciarisés. L'objectif de cette étude est donc de déterminer comment il est possible d'offrir des services mieux adaptés aux mineurs judiciarisés présentant une sur-consommation de psychotropes. Il va de soi que la clientèle des jeunes en difficulté constitue un champ très vaste. Aussi, sans nier que cette clientèle ne se limite pas aux adolescents sous mandat judiciaire, il sera davantage fait mention de la clientèle prise en charge en vertu de la Loi sur la Protection de la Jeunesse et de la Loi des Jeunes Contrevenants.

Dans un premier temps, le chapitre 1 traitera de la problématique toxicomanie-jeunesse-délinquance. Par la suite, le second chapitre présentera un profil des habitudes de consommation des adolescents de la province de Québec et plus particulièrement montréalais. Le troisième chapitre aura pour objet de décrire les caractéristiques des adolescents sur-consommateurs pris en charge par un centre de réadaptation de la région de Montréal. Finalement, le dernier chapitre sera consacré à la présentation du point de vue des intervenants oeuvrant dans le secteur des Centres Jeunesse concernant l'amélioration des services offerts aux mineurs sur-consommateurs judiciarisés.

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CHAPITRE PREMIER

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L'adolescence est reconnue comme une période de la vie où nombre de changements et d'expériences surviennent. C'est en effet à ce moment que les jeunes sont à la recherche d'une identité propre, d'une appartenance, qu'ils contestent l'influence parentale. De nouveaux horizons s'ouvrent à eux. C'est également à cette époque que certains adolescents expérimenteront leurs premières relations amoureuses et qu'ils feront l'essai de la cigarette, de l'alcool ou de la drogue. Ce ne sont bien sûr pas tous les jeunes qui vivront ces expériences; toutefois, bon nombre d'entre eux auront l'occasion de le faire. On remarque par ailleurs que depuis le début des années 80, de moins en moins déjeunes font l'essai de substances psychoactives illicites (Greenwood, 1992).

La consommation des adolescents

Une étude réalisée auprès d'une population juvénile aux Etats-Unis indique que près de 60% des adolescents ont consommé de l'alcool au cours du mois qui a précédé l'enquête (Adger, 1991). En 1990, 27,7% de la population juvénile américaine âgée entre 12 et 17 ans rapportaient avoir consommé une drogue illicite au cours de leur vie (Hammerle, 1992). De façon générale, la substance psychoactive privilégiée par les jeunes est l'alcool, suivi du cannabis puis de la cocaïne (Brochu, 1995a; Huizinga, Loeber & Thornberry, 1994). Plus près de chez nous, une étude réalisée par le Gouvernement du Québec à l'échelle provinciale indique que 66% des étudiants de niveau secondaire interrogés ont admis avoir déjà consommé de l'alcool et que 17% ont fait l'essai d'une drogue dans leur vie (Gouvernement du Québec, 1994). Les produits qui ont été le plus souvent expérimentés sont les dérivés du cannabis, les drogues chimiques, les médicaments, la cocaïne, la colle et le crack. Plusieurs auteurs mentionnent toutefois que la majorité des adolescents qui consomment une substance psychoactive ne le font qu'à titre exploratoire (Hawkins, Catalane & Miller, 1992; Adger, 1991; Newcomb & Bentler, 1989) et que ce comportement doit être perçu comme normatif (Perry & Murray, 1985) puisqu'il s'agit souvent d'un phénomène normal à l'adolescence.

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C'est plutôt lorsque la consommation devient régulière et qu'un style de vie particulier y est rattaché qu'un problème risque de survenir. Ainsi, aux États-Unis, 19% des sujets d'un échantillon d'adolescents du secondaire fument la cigarette à tous les jours, 4% consomment de l'alcool sur une base quotidienne et 3% font usage de marijuana de façon journalière (Adger, 1991). Au Québec, 9% des étudiants âgés de 12 à 18 ans fument la cigarette régulièrement, 4% consomment fréquemment des boissons alcoolisées et finalement, moins de 1% d'entre eux font un usage habituel de drogues (Gouvernement du Québec, 1994).

Chez les jeunes itinérants, la situation semble être un peu plus problématique. Une étude conduite par Smart & Adlaf auprès d'une population sans domicile de la région de Toronto (1991) indique que 6% des jeunes de leur échantillon (13-24 ans) déclarent avoir consommé de l'alcool tous les jours dans l'année qui a précédé l'enquête. Seize pourcent de ces jeunes affirmaient avoir consommé quotidiennement du cannabis.

La criminalité des adolescents

La consommation de substances psychoactives n'est pas le seul comportement déviant que l'on peut constater à l'adolescence; la perpétration de délits de la part des jeunes est également une activité que l'on remarque. Ainsi, certains auteurs rapportent qu'entre 48% et 59% des adolescents ont déjà été impliqués dans une délinquance mineure (menus larcins, petits vols, batailles)(Elliott & Huizinga, 1984; Fagan, Piper & Moore, 1986). Par ailleurs, le Federal Bureau of Investigation (FBI) rapportait en 1991 une hausse des taux d'arrestation pour meurtres et homicides involontaires de l'ordre de 61% chez les jeunes âgés de moins de 18 ans entre 1981 et 1990 aux États-Unis. Dans la population adulte, une augmentation de 5,2% était enregistrée pour la même période en ce qui concerne ces types de délits. On constatait également auprès de la population juvénile un taux de viols (28%), d'assauts (56,5%) et de vols de véhicules (54,2%) plus élevé en 1990 qu'au début des années 80. Ces chiffres ne sont guère rassurants sur les activités de la jeunesse américaine. On remarque par contre qu'une minorité de délinquants (7,5%) persistants sont responsables de la

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1987; Shannon, 1978).

Au Québec, si l'on considère la délinquance auto-rapportée par les adolescents, on constate que plus de 80% d'entre eux ont enfreint la loi dans l'année qui a précédé l'entrevue (LeBlanc, 1994; LeBlanc & Tremblay, 1988). Plus cette délinquance s'est manifestée dans un jeune âge, plus elle risque d'être présente à l'adolescence (Loeber & LeBlanc, 1990).

Drogue et criminalité

Depuis les dernières décennies, il est une tendance voulant que la consommation de drogue et la criminalité soient associées dans la population adulte. Plusieurs études sur ce thème ont d'ailleurs été réalisées (Russell, 1993; DeWitt, 1992; Harlow, 1991; Wellisch, Anglin & Prendergrast, 1993). Pourquoi n'en serait-il pas de même dans la population juvénile? On a donc entrepris une série d'études qui ont tenté de faire un lien entre les hauts taux de criminalité enregistrés chez les jeunes et la forte proportion d'entre eux qui ont consommé des substances psychoactives.

Ainsi, aux États-Unis, on constate qu'entre 37% et 43% des adolescents arrêtés présentent des traces de drogues dans leur urine (Dembo & al., 1987; US Department of Justice, 1990; Wish & Gropper, 1990). On retrouve également des taux de prévalence de consommation relativement élevés dans la population juvénile en détention. Dembo, Williams & Schmeidler (1992) ont administré des tests d'urine à un échantillon d'adolescents qui étaient admis dans un établissement de détention en Floride. Leurs résultats indiquent que 37% d'entre eux présentaient des traces de marijuana dans leur urine alors que 10% des jeunes testaient positifs à la cocaïne. Dans le même ordre d'idées, Farrow & French (1987) indiquent que 31% de la population juvénile composant leur échantillon rapportaient un usage quotidien d'alcool et que 50% d'entre eux consommaient de la marijuana à tous les jours. On remarque également que les personnes qui présentent des traces de drogues dans leur urine ont eu plus fréquemment des démêlés antérieurs avec la justice

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(principalement pour des crimes contre la propriété) que ceux chez qui on n'a pas décelé la présence de drogue (Wish & Cropper, 1990).

Par ailleurs, on remarque que dans une population générale d'adolescents, le nombre d'infractions officielles et auto-révélées est supérieur chez les consommateurs de cocaïne et d'héroïne que chez les jeunes qui ne consomment pas ces produits (Elliott & al., 1985; Johnson & al., 1986). L'alcool est également associé à des crimes graves chez les jeunes (Akers & al., 1979; Elliott & al.,

1985; White & al., 1987).

Toutes ces recherches semblent donc parvenir à la conclusion qu'il existe un certain lien entre la consommation de drogue et la criminalité dans la population juvénile. C'est toutefois au niveau de l'explication de cette relation que les chercheurs ne parviennent pas à un consensus (White, Johnson & Garrisson, 1985). On remarque qu'il existe principalement cinq types d'explication: 1) la consommation de drogues engendre la délinquance; 2) l'implication dans des activités délictueuses entraîne la consommation de substances psychoactives; 3) la délinquance et l'usage de drogue dépendent tous deux de la présence d'un troisième facteur (ou d'une constellation de facteurs); 4) les deux comportements font partie d'un syndrome général de déviance; et 5) les deux phénomènes traduisent l'adhérence d'un individu à un style de vie déviant.

Explications de la relation drogue-crime

a) la drogue cause le crime

Plusieurs auteurs soutiennent que la consommation de drogues entraîne la délinquance (Kandel, Simcha-Fagan & Davies, 1986; Newcomb & Bentler, 1988). Le rationnel qui soutient cette affirmation se base sur deux modèles. Premièrement, les auteurs avancent la possibilité que les propriétés psychopharmacologiques des substances psychoactives rendent l'individu qui en fait usage plus enclin à l'expression de comportements violents. Deuxièmement, d'autres chercheurs indiquent que les coûts relatifs à l'achat de drogues ne peuvent pas toujours être couverts par le faible revenu

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que possèdent les adolescents et que ces derniers feront alors appel à la délinquance pour continuer à se procurer leur drogue.

Cette hypothèse se base sur des études telles que celles de Chaiken & Chaiken (1985) et Collins & Bailey (1987) qui démontrent que la consommation d'héroïne et de cocaïne à un jeune âge est prédicteur d'une persistance de la commission de crimes acquisitifs à l'âge adulte. Elle s'appuie sur des recherches qui indiquent que le comportement de consommation est apparu avant celui de délinquance (Robins & al., 1980; Bean & Wilkinson, 1988; Ball & Nurco, 1983; Inciardi, Pottieger & Faupel, 1982).

Toutefois, cette conception ne fait pas runanimité. En effet, un nombre important de consommateurs de drogues ne se retrouveront pas impliqués dans la délinquance (Brochu, 1995a). Comment soutenir alors que la drogue cause le crime. Ne serait-ce pas plutôt l'inverse?

b) le crime cause la consommation de drogue

Les recherches conduites par certains scientifiques ont démontré que la délinquance était souvent présente avant l'apparition de l'usage de substances psychoactives (Hawkins & al., 1987; Brook & al., 1980; Inciardi, 1979). Ainsi, par ordre chronologique, la petite délinquance ferait son apparition en premier lieu puis la consommation de drogues et finalement une délinquance plus sévère. Ainsi, LeBlanc (1986) de même que Brochu & Douyon (1990) mentionnent qu'en moyenne les jeunes commettent leurs premiers délits vers l'âge de 10 ans alors que leurs expériences initiales de consommation de substances psychoactives illicites apparaissent autour de leur 13ème anniversaire. Selon Brochu (1995b) la disponibilité de moyens pécuniaires est un élément important en ce qui concerne la consommation de drogues. Cet argent pourra provenir d'une allocation, d'un travail ou encore d'un délit. Certains chercheurs expliqueront que cet argent procurera aux adolescents les moyens et les occasions de s'initier à la consommation de substances psychoactives (Brochu, 1995a).

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Pagan, Weis & Cheng (1990) font toutefois remarquer que si l'on analyse de près les définitions attribuées par les chercheurs à la délinquance et à la consommation de drogues, on remarque qu'il y a de fortes différences. Ainsi, certaines recherches identifient la délinquance à partir des registres officiels ou s'attardent à une criminalité plus "sérieuse" alors que d'autres définissent ce terme dans un sens plus large allant jusqu'au vol d'une gomme à mâcher dans le dépanneur du coin (Brochu, 1995a). De la même façon, certains s'intéresseront au premier usage de substances psychoactives alors que d'autres ne retiendront que le moment de l'usage régulier de ces produits. D'autres incluront la consommation d'alcool dans leurs études alors que plusieurs ne s'attarderont qu'aux drogues illicites. Il devient alors difficile de déterminer l'ordre d'apparition des deux phénomènes puisque les referents ne sont pas toujours les mêmes.

En somme, les études répertoriées indiquent que parfois la délinquance précède la consommation de drogues et que parfois, cette dernière apparaît après l'usage de substances psychoactives. L'étude très minutieuse de la chronologie de ces comportements ne nous lancerait-elle pas sur une fausse piste? La consommation et la délinquance ne constitueraient-elles pas des manifestations d'un phénomène plus englobant? En ce sens, des auteurs ont avancé la possibilité que ces deux comportements ne soient pas reliés entre eux de façon directe, mais qu'ils soient plutôt en relation avec un ou plusieurs autres éléments. On discute alors de facteurs de risque.

c) les facteurs de risque

Plusieurs études ont tenté de déterminer quels facteurs étaient à la base de la délinquance et quels étaient ceux qui influençaient la consommation de substances psychoactives. Bien sûr, l'un et l'autre de ces comportements problématiques sont ressortis comme étant des facteurs expliquant l'autre comportement. Toutefois, les auteurs se sont aperçus que certains facteurs se révélaient expliquer à la fois la délinquance et la consommation de drogue. Ils se sont alors interrogés sur la possibilité que drogue et crime puissent être reliés à des facteurs communs.

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Ainsi, dans sa recension des écrits sur les éléments pouvant expliquer la délinquance, Yoshikawa (1994) mentionne trois types de facteurs de risque: par rapport à l'enfant, par rapport à la famille et par rapport au contexte environnemental. Le premier niveau de facteurs rattaché à la délinquance est en fonction des caractéristiques du jeune. Ainsi, le fait d'être un garçon, d'avoir eu des complications à la naissance, et d'éprouver des difficultés d'apprentissage constituent des facteurs qui prédisposent à la délinquance. D'autres éléments expliquant la criminalité des adolescents sont reliés à sa famille. Yoshikawa (1994) énumère donc les suivants: manque de supervision parentale, rejet de l'enfant par ses parents, attachement que ce dernier ressent envers eux, abus sexuel et physique antérieur et noyau familial éclaté. Finalement, le fait de vivre dans une famille et une communauté à faible revenu économique et où sévit un taux élevé de criminalité et de violence sont des éléments environnementaux qui prédisposent à la délinquance. Certains auteurs ajoutent d'autres facteurs de risque à cette liste (Huizinga, Loeber & Thornberry, 1994; Stouthammer-Loeber & Loeber, 1988). Ainsi, un faible niveau de socialisation, l'hyperactivité du jeune de même que l'influence des pairs et des relations sexuelles précoces seraient prédicteurs de la délinquance.

Par ailleurs, d'autres études ont permis de dresser une liste des facteurs prédisposant à la consommation de drogues (Hawkins, Catalane & Miller, 1992; Guy, Smith & Bentler, 1994; Dembo & al., 1989, 1993). On retrouve donc en premier lieu certains facteurs reliés à l'individu ou aux relations interpersonnelles. On trouve dans cette catégorie des facteurs d'ordre physiologique (hérédité, besoin élevé de sensations fortes), la consommation des parents, le manque de discipline et d'implication parentales, les conflits familiaux, les échecs scolaires, l'absence d'attache affective à la famille, l'association avec des pairs consommateurs et les abus physiques et sexuels antérieurs qui sont tous des facteurs qui prédisposent à la consommation de drogues. Dans un deuxième temps, on retrouve des facteurs d'ordre contextuel qui favorisent l'usage de drogue. Ces facteurs sont la disponibilité du produit, la pauvreté de même que la désorganisation du voisinage. La liste n'est pas exhaustive car elle serait trop longue.

On remarque tout de même que nombre de ces facteurs se retrouvent à la fois responsables de la délinquance et de la consommation de drogues. Parmi les plus fréquemment nommés, citons

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une certaine distanciation face aux institutions de socialisation (famille, école), la fréquentation de pairs déviants et un contexte socio-économique défavorisé (Brochu, 1995a). Altschuler & Brounstein (1991) font toutefois remarquer à juste titre que les études ne s'entendent pas toujours sur l'identification des facteurs de risque. Dembo & al. (1993) mentionnent par ailleurs que bien que de nombreuses recherches fassent mention des facteurs de risque, bien peu sont celles qui ont étudié la stabilité de ces facteurs à travers le temps.

En fait, les liens qui unissent les facteurs de risque à la criminalité et à la consommation de drogue ne sont pas simples. Un seul facteur n'est pas toujours suffisant pour expliquer la relation. Par contre, l'interaction de plusieurs éléments serait à l'origine des deux phénomènes. Toutefois, cette interaction est difficile à circonscrire. Elle semble d'ailleurs varier en fonction du contexte socio-culturel, de l'âge ou de l'échantillon des sujets (Altschuler & Brounstein, 1991). La situation se complique davantage lorsque certains auteurs rapportent que des facteurs de protection peuvent atténuer le rôle des facteurs de risque dans l'apparition d'un comportement criminel et/ou de consommation. En effet, on s'est aperçu dans l'étude des facteurs de risque qu'il existe certains cas où les éléments de risque sont présents mais où le résultat attendu (consommation, criminalité) ne se produit pas. Par exemple, Wills, Vaccaro & McNamara (1992) ont conduit une recherche auprès de 1 289 adolescents américains âgés entre 11 et 13 ans. Leurs résultats indiquent que même si les adolescents de l'échantillon présentent tous des facteurs de risque élevés, les jeunes bénéficiant d'un grand support émotionnel et matériel de la part de leurs parents ont une plus faible propension à consommer des drogues. D'autres études ont permis d'identifier davantage de facteurs de protection. Ainsi, on constate qu'un fort degré d'adhésion aux valeurs religieuses (Newcomb & Felix-Ortiz, 1992), de bonnes performances scolaires (Zingraff & al., 1994; Wills, Vaccaro & McNamara, 1992), une forte estime de soi (Vittaro, Pelletier & Gagnon, 1994) de même que des affects positifs (Wills, Vaccaro & McNamara, 1992) sont des facteurs qui "protégeront" en quelque sorte l'individu face à la consommation de drogue et à la délinquance et atténueront l'impact des facteurs de risque qui y sont associés.

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d) le syndrome général de déviance

Une explication fort populaire du lien qui unit criminalité et consommation de substances psychoactives chez les jeunes prend racine dans les théories du contrôle social et de l'apprentissage. Selon cette théorie, les deux comportements problématiques dont il est question ne seraient que l'expression d'une marginalité structurale (Brochu, 1995a) dans laquelle s'inscriraient d'autres comportements identifiés par certains auteurs comme des facteurs de risque (relations sexuelles précoces, fréquentation de pairs déviants, etc...). Cette perspective affirme que l'adoption d'un style de vie marginal survient lorsque les normes sociales sont faiblement intégrées. Ce modèle, à tendance positiviste, considère l'individu comme un acteur passif. Il en est différent du modèle du style de vie déviant.

e) le style de vie déviant

Cette théorie se fonde en grande partie sur la notion de facteurs de risque. Le style de vie déviant est un modèle intégratif dynamique. Il tient compte à la fois de l'individu et du contexte dans lequel ce dernier évolue. Des facteurs de risque sont plus ou moins présents dans la vie d'une personne mais celle-ci effectue des choix. Son imprégnation dans la consommation ou dans la délinquance variera selon la personne mais aussi selon les périodes de la vie des gens (Brochu, 1995a). Toutefois, contrairement au modèle du syndrome général de déviance, la notion de style de vie déviant repose sur une dynamique phénoménologico-systémique où l'acteur social n'est pas qu'un être "répondant" mais "agissant". Il n'existe donc pas cet aspect déterministe qui caractérise le syndrome général de déviance.

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13 Conclusion

L'adolescence est une période où l'on fait plusieurs expériences nouvelles. La consommation de drogue et la criminalité en sont deux. On remarque de façon générale que le nombre déjeunes ayant déjà fait usage de substances psychoactives illicites a diminué dans les 20 dernières années. La majorité de ceux et celles qui ont fait cet essai resteront à un stade exploratoire. Il semble que les mêmes tendances concernant la criminalité chez les adolescents puisse se faire. Toutefois, un petit nombre de consommateurs et de délinquants persisteront dans la manifestation de ces comportements. Lorsqu'on étudie cette sous-population juvénile, on constate qu'un fort taux de prévalence de consommation de drogues ET de criminalité caractérise ces jeunes. Que peut-on dire de ces jeunes?

La recherche permet d'avancer que les deux-tiers des consommateurs réguliers de drogue vont poursuivre leur habitude à l'âge adulte (Elliott & Huizinga, 1984) mais que plusieurs d'entre eux abandonneront la délinquance. On remarque aussi que la délinquance est un meilleur prédicteur de la consommation de drogue que l'usage de substances psychoactives ne l'est de la criminalité (Elliott & Huizinga, 1984; Kandel & al., 1986). On peut toutefois apporter une nuance à cette tendance. Si la consommation de drogues "douces" (alcool, tabac et cannabis) n'entraîne pas nécessairement la criminalité, elle précède presque toujours la consommation de drogues "dures" qui elle est plus fréquemment liée à la perpétration d'actes criminels (Johnson & al., 1985). Toutefois, l'utilisation de ces substances plus "douces" ne peut prédire l'usage subséquent de drogues dures (Altschuler & Brounstein, 1991).

Finalement, quoiqu'il s'agisse d'un phénomène peu abordé dans les écrits scientifiques américains, il semblerait qu'il y ait moins de problèmes de consommation et de délinquance chez les filles que chez les garçons (White, Johnson & Garrisson, 1985). Certains auteurs attribueront cette constatation à la maturation plus rapide des jeunes filles qui, pour la majorité, abandonneront ces comportements au milieu de l'adolescence (Brochu, 1995a).

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S'il existe une forte promiscuité entre les comportements de consommation de drogues et les comportements criminels, l'explication de cette relation demeure toutefois moins claire. Certes, la majorité des adolescents qui consomment de façon expérimentale abandonneront une fois à l'âge adulte. Mais il importe que l'on arrive à bien identifier ceux qui sont à risque de consommer régulièrement et surtout ceux qui développeront une dépendance. Non seulement devons-nous les identifier mais encore devons-nous développer une gamme de services qui répondra à l'éventail des besoins de ces jeunes. Pour ce faire, il est nécessaire de mieux connaître les caractéristiques de cette sous-population juvénile.

C'est l'objectif que poursuivra le prochain chapitre. Il tentera en effet de dégager le portrait des caractéristiques des consommateurs de drogues de la région de Montréal. Il semble à prime abord que ce soit dans l'identification et la compréhension des facteurs de risque que l'exercice sera bénéfique. C'est en effet en réussissant à bien les identifier que nous serons en mesure d'offrir des services capables de répondre aux besoins de cette population particulière que sont les jeunes délinquants consommateurs de drogue.

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CHAPITRE SECOND

Caractéristiques des mineurs sur-consommateurs de drogues

de la région de Montréal

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Introduction

Le chapitre précédent a permis de constater qu'une proportion importante des adolescents vivant en Amérique du Nord ont déjà consommé des substances psychoactives de façon expérimentale. Par contre, on a également pu remarquer que parmi les jeunes qui ont fait l'expérience de l'alcool ou d'une drogue, rares sont ceux qui en font usage sur une base régulière. En fait, bien qu'on estime au Québec à près de deux-tiers la proportion déjeunes qui ont fait l'essai d'alcool au cours de leur vie et à près de 20% ceux qui en ont fait autant avec la drogue, on remarque que seulement 4% des adolescents consomment de l'alcool sur une base régulière et que moins de 1% de la population juvénile font usage de drogues illicites fréquemment (Gouvernement du Québec, 1994).

Limites des études

Ces chiffres pourraient laisser entendre que le problème de la sur-consommation de drogue et/ou d'alcool chez les jeunes est un phénomène peu fréquent. Toutefois, il y a de fortes probabilités pour que ces proportions soient sous-estimées. En effet, la plupart des études réalisées auprès de la population adolescente en général puisent leur échantillon dans un bassin d'étudiants de niveau secondaire. Or, de nombreuses études ont permis de constater que les jeunes qui ont des problèmes importants de consommation de substances psychoactives abandonnent souvent leur formation académique de façon prématurée (Bérubé & Sergerie, 1990; McCarthy & Anglin, 1990; Windle & Tutzauver, 1991). Ainsi, on risque moins de retrouver ce genre de consommateurs dans les études réalisées à partir d'une population estudiantine. On peut également se demander si certaines sous-cultures sont bien représentées dans les recherches qui utilisent cette méthode de cueillette de données. En effet, il est possible que certaines minorités ethniques aient une tendance aux secrets plus forte que chez les jeunes de souche québécoise. Par exemple, un jeune ayant immigré récemment au pays et se retrouvant ainsi dans une situation précaire pourrait craindre de révéler certaines informations concernant sa consommation de substances psychoactives de peur de se voir refuser sa citoyenneté canadienne (Vasco, 1995).

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17

Si la consommation expérimentale d'alcool et de drogue d'une forte proportion des adolescents peut s'inscrire dans le cheminement normal de l'adolescence et nécessite moins d'attention, la consommation abusive d'une minorité d'entre eux attire plus certainement l'intérêt des chercheurs et des intervenants. En effet, on peut penser que cette habitude risque d'entraîner des conséquences fâcheuses. Pour pouvoir intervenir de façon adéquate avec ces jeunes, il importe donc de connaître qui ils sont. En ce sens nous devons nous poser les questions suivantes: "Pourquoi ces jeunes suivent-ils une voie différente de leurs pairs et ne s'arrêtent-ils pas à une consommation expérimentale?" "Qu'est-ce qui différencie ces adolescents qui consomment de manière abusive des autres jeunes?" "Quelles sont leurs principales caractéristiques?"

Il existe de nombreuses recherches qui ont été conduites auprès des adolescents sur-consommateurs de substances psychoactives pris en charge par un centre de réadaptation (centres de réadaptation en toxicomanie, centres de réadaptation pour jeunes en difficultés d'adaptation, etc...) (LeBlanc, 1986; Brochu & Douyon, 1990; Groulx, Brochu & Poupart, 1992; LeBlanc, 1994). Par contre, beaucoup moins de travaux ont entrepris l'étude des jeunes qui ne sont pas pris en charge par de tels établissements. Le présent chapitre tentera donc de brosser un tableau des caractéristiques des adolescents sur-consommateurs de la région de Montréal que l'on ne retrouve pas en centre de réadaptation.

Dans les faits, peu d'écrits ont porté sur la consommation abusive des adolescents montréalais qui ne sont pas pris en charge par un établissement de la région de Montréal. La majorité des travaux qui ont été réalisés sur ce thème sont des études à portée nationale ou provinciale. Il a cependant été possible de répertorier une étude d'envergure dans la ville de Montréal. Il s'agit de la recherche conduite auprès des élèves de la Commission des Écoles catholiques du grand Montréal (CÉCM).

Étant donné les circonstances, ce chapitre tentera dans un premier temps de dégager le profil des jeunes sur-consommateurs de la province de Québec et présentera par la suite une comparaison de ces résultats à ceux obtenus dans la région de Montréal.

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Les études québécoises

Une enquête réalisée en 1991 par le Gouvernement du Québec expose les habitudes de consommation des filles et des garçons (n=5581) de niveau secondaire (12-18 ans) pour deux types de substances psychoactives: l'alcool et les autres drogues. Les données obtenues révèlent que 60,7% des élèves féminins font présentement usage d'alcool alors que ce pourcentage n'est que de 57% chez les élèves masculins. On remarque que l'âge moyen de la première consommation est de 13,4 ans. Finalement, on constate que 6,9% des filles du secondaire faisaient usage de drogues illicites au moment de l'étude contre 5,5% des garçons. L'âge moyen de la première consommation de drogue étant de 14 ans.

Il semble donc à prime abord que les filles soient plus nombreuses à consommer des substances psychoactives que leur contrepartie masculine. Toutefois, on remarque que les jeunes de sexe masculin sont plus nombreux à consommer régulièrement1 des substances psychoactives que

les jeunes filles. Ainsi, si 2,8% des élèves féminins indiquent consommer régulièrement de l'alcool, ce pourcentage est de 5,8% pour les garçons. La différence s'atténue lorsque l'on considère la consommation régulière de drogue. On remarque en effet que 2% des adolescentes avouent faire fréquemment usage de drogue alors que 2,9% des adolescents disent avoir le même comportement. Si l'on se fie aux données récoltées dans cette étude réalisée par le Gouvernement du Québec (1991), la situation serait légèrement moins problématique dans la région de Montréal qu'ailleurs dans la province. Cette constatation semble aller à rencontre du sens commun voulant que la situation des grandes villes soit plus détériorée qu'en région. Ces résultats sont peut être le reflet de l'hypothèse que nous avons énoncée auparavant à l'effet que les jeunes montréalais qui sur-consomment ont pu abandonner leurs études plus rapidement et dans une plus grande proportion que les adolescents vivant en région et ne font donc pas partie de l'échantillon. On remarque par contre que les jeunes de la région de Montréal débutent leur consommation d'alcool et de drogues un peu avant ceux de

La consommation régulière d'alcool et de drogue dans cette étude est définie par une consommation minimale d'une fois ou plus par semaine. On ne saurait toutefois pas associer ces consommateurs réguliers à des sur-consommateurs.

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l'ensemble du Québec. En effet, les adolescents montréalais feraient usage d'alcool pour la première fois à un âge moyen de 13 ans contre 13,4 ans pour l'ensemble du Québec et auraient expérimenté la drogue à un âge moyen de 13,4 ans alors qu'on évalue à 14 ans le moment de la première expérimentation de drogues des jeunes de la province (Dussault, 1994; Gouvernement du Québec,

1994).

Si l'on s'arrête aux raisons invoquées par les élèves pour consommer une drogue, on retrouve par ordre d'importance les trois suivantes: 1) pour le plaisir; 2) pour oublier ses problèmes; et 3) pour essayer. Les motivations apportées par les adolescents sont les mêmes pour les filles et les garçons.

Outre les pourcentages présentés précédemment, l'étude du Gouvernement du Québec indique que les adolescents qui consomment régulièrement de la drogue et de l'alcool se distinguent des autres jeunes par rapport à différentes caractéristiques personnelles et socio-démographiques. Ainsi, les consommateurs sont plus nombreux à considérer que leur bien-être personnel est faible (peu satisfaits d'eux-mêmes), à avoir le sentiment d'être malheureux, à percevoir la vie comme étant stressante et à avoir eu des idées suicidaires ou avoir tenté de mettre fin à ses jours que les élèves qui ne présentent pas ce profil de consommation. De la même façon, on constate qu'ils sont un peu plus nombreux à ne pas manger trois repas par jour, à s'alimenter de manière inadéquate, à dormir moins de sept heures par nuit et à éprouver des difficultés à s'endormir. Enfin, les jeunes consommateurs réguliers présentent un taux d'absentéisme plus important, possèdent des résultats scolaires plus faibles, consacrent moins de temps à leurs études et perçoivent plus fréquemment la relation qu'ils entretiennent avec leurs parents comme négative que leurs homologues qui ne consomment pas ou qui consomment sur une base moins régulière.

Ces résultats ne sont pas sans rappeler les facteurs de risque qui ont été identifiés dans le premier chapitre de ce rapport et associés à une consommation de substances psychoactives chez les adolescents.

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de sensiblement sur les mêmes bases que celle que e questionnaire utilisé n'ait pas été le même, les §tude du Gouvernement du Québec et tout comme

dies par la poste.

bves de niveau secondaire (n=3 214) provenant de mtages de consommateurs réguliers d'alcool et de s par l'étude du Gouvernement du Québec, cette plus élaborée. Elle a donc effectué des corrélations irs. Les résultats obtenus indiquent que l'usage de vé, à un plus haut taux d'absentéisme scolaire, à des problèmes d'argent sérieux, à des difficultés rx à l'école, aux tentatives antérieures de suicide, ève, à la violence enseignant-étudiant, à une plus discorde familiale, à une autonomie décisionnelle ion. Ces résultats indiquent donc que l'on retrouve plus fréquemment les comportements énumérés chez les adolescents qui consomment des substances psychoactives que chez ceux qui n'ont pas cette habitude.

Il existe d'autres études qui ont porté sur la consommation de substances psychoactives des adolescents de la province de Québec. Santé Québec a réalisé une étude d'envergure en 1991 auprès de la population âgée entre 15 et 29 ans. La méthode employée a été le contact téléphonique. Les résultats obtenus indiquent que 5,8% des adolescents de 15 à 17 ans ont consommé de l'alcool deux à trois fois par semaine dans le mois qui a précédé l'enquête buvant en moyenne 5,5 consommation chez les garçons et 2,4 chez les filles (Santé Québec, 1992). En ce qui concerne les drogues illicites, on constate que 7,2% des adolescents de 15 à 17 ans et 6,9% des adolescentes du même âge en ont fait usage dans le mois qui a précédé l'enquête (Santé Québec, 1992). Les données révèlent également que plus les jeunes ont fait usage d'alcool dans les quatre semaines qui ont précédé l'enquête, plus la proportion de la population juvénile qui a consommé des drogues illicites au moins

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21 une fois par semaine est élevée. Les résultats préliminaires de la dernière étude Santé Québec révèle pour sa part que 26,3% des adolescents âgés entre 15 et 17 ans ont consommé une drogue illicite dans l'année qui a précédé l'étude (Santé Québec, 1994). Il faut toutefois garder en tête que ces études ne reflètent la consommation que des adolescents les plus âgés et donc, si on se fie aux études antérieures, ceux qui sont les plus susceptibles de faire usage de substances psychoactives.

Les études montréalaises

Jusqu'ici, nous avons présenté les résultats d'études qui portaient sur une population d'adolescents de différentes régions du Québec. Comme il a été mentionné auparavant, il semble que les jeunes de la région montréalaise présentent un nombre de sur-consommateurs de niveau secondaire quelque peu inférieur aux autres régions du Québec (Gouvernement du Québec, 1994) bien que l'âge de leur première consommation soit plus précoce et le nombre d'expérimentateurs plus nombreux (Rapport Bertrand, 1990). Quelles sont leurs caractéristiques? Diffèrent-ils de la population de la province?

Brisson (1989) estime en s'inspirant des études de LeBlanc (1986) et LeBlanc & Tremblay (1987) que parmi la population juvénile de la région de Montréal, il existerait 20 000 consommateurs expérimentaux de substances psychoactives, 16 000 consommateurs moyens et 2 700 sur-consommateurs. Ces chiffres paraissent d'autant plus impressionnants qu'entre 1985 et 1989 on dénombrait seulement 55 adolescents qui ont été admis dans un centre de réadaptation en toxicomanie de la région de Montréal (Chamberland, 1990).

Une étude utilisant le même questionnaire que celle du Gouvernement du Québec a été réalisée auprès de la population étudiante du secondaire de la Commission des Écoles catholiques du grand Montréal en 1994 (n=ll 554)(Dussault, 1994). Les adolescents étudiés étaient âgés entre 11 et 18 ans bien que 90% d'entre eux se situaient entre 13 et 17 ans. Les résultats obtenus indiquent que 53% des adolescents fréquentant cette commission scolaire consommaient de l'alcool au moment de l'étude. On remarque toutefois que seulement 3,4% de ces jeunes font usage d'alcool

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régulièrement. Ils ont en moyenne débuté leur consommation d'alcool à 13 ans. D'autre part, 16% des adolescents consommaient une drogue au moment de l'étude. Cette consommation s'est manifestée pour la première fois vers l'âge de 13,4 ans en moyenne. Toutefois, seulement 3,4% des élèves de la Commission des Écoles catholiques du grand Montréal font usage de drogue de façon régulière. Ces données semblent indiquer que les adolescents montréalais ont débuté leur consommation légèrement avant les autres jeunes de la province.

Les drogues qui font l'objet de la consommation des jeunes sont en ordre décroissant d'importance, le cannabis (24,3%), les drogues chimiques telles le LSD (12,4%), la cocaïne (6%), les médicaments (5,7%), la colle (4,3%) et le crack (1,7%). On remarque par contre que les filles consomment plus de médicaments que les garçons alors que ces derniers en revanche font usage plus fréquemment de cocaïne et de crack.

Les raisons évoquées pour utiliser ces substances psychoactives sont pour le plaisir, pour essayer, pour accompagner des amis, pour être mieux dans sa peau et finalement pour oublier ses problèmes. Il semble donc que les adolescents provenant de la région de Montréal consomment moins souvent pour des raisons relatives à un malaise intérieur que ceux de l'ensemble de la province.

Cette étude a également permis de répertorier les caractéristiques des jeunes qui consomment plus régulièrement de l'alcool et/ou des drogues. Il semble donc que les consommateurs présentent un niveau de bien-être personnel plus faible, qu'ils éprouvent des problèmes scolaires plus importants, qu'ils consacrent moins de temps à leurs études, qu'ils perçoivent plus fréquemment leur relation avec leurs parents comme négative, que leurs parents sont moins présents et souvent absents, encouragent moins leurs enfants et finalement qu'ils ont plus souvent pensé ou tenté de se suicider que les adolescents qui ne consomment pas.

On remarque donc que les données révélées par cette étude correspondent en général au profil dégagé par les autres études qui ont étudié la population québécoise en général. Une exception

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23 semble toutefois se dégager. En effet, une étude réalisée par Therrien (1995) dans la région des Laurentides-Lanaudière indique que 46% des étudiants du secondaire déclarent avoir fait usage de drogue illicite au moins une fois dans leur vie et que 26% des élèves en consommaient au moment de l'étude. Ces résultats sont nettement supérieurs à ceux que l'on retrouve dans les autres enquêtes. L'auteur avance l'hypothèse que la nature de la méthodologie employée dans ces études pourrait expliquer cet écart. En effet, les chercheurs gouvernementaux ont réalisé leurs recherches par le biais du service postal alors que Therrien a administré ses questionnaire dans les salles de cours des étudiants. Dans la seconde étude, les adolescents étaient donc "obligés" en quelque sorte de répondre au questionnaire alors que dans les premières, il est possible que les jeunes n'ayant pas renvoyé leurs questionnaires soient ceux qui consomment le plus. Ainsi, il est fort possible que les pourcentages de consommateurs soient sous-estimes dans les enquêtes effectuées par la poste. La consommation des adolescents seraient ainsi plus importante qu'elle n'apparaît à prime abord.

Synthèse

Que retenir de tous ces renseignements? Qui sont les adolescents qui consomment régulièrement des substances psychoactives? En fait, il semblerait que bien que les jeunes filles représentent une plus forte proportion d'expérimentatrices d'alcool et de drogue, ce soit chez les garçons que l'on retrouve le plus d'usagers réguliers. D'autre part, plus les adolescents sont âgés, plus la possibilité qu'ils consomment régulièrement une substance psychoactive est élevée. Par ailleurs, la population juvénile qui consomme fréquemment de l'alcool et/ou de la drogue, semble se retrouver plus souvent aux prises avec des difficultés de toutes sortes (personnelles, scolaires, familiales, etc...). On remarque par contre que les adolescents montréalais invoquent plus fréquemment des motifs reliés au plaisir pour expliquer leur usage de substances psychoactives que la population juvénile de la province. Finalement, la méthodologie employée dans plusieurs études risque de sous-estimer le nombre de jeunes qui consomment régulièrement de la drogue et/ou de l'alcool et les proportions avancées par les études répertoriées (4% d'usagers réguliers d'alcool et 2% d'usagers réguliers de drogues) ne sont peut-être pas le reflet de la situation des jeunes québécois et montréalais.

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Conclusion

Bien que ce chapitre se voulait un portrait des caractéristiques des adolescents sur-consommateurs de la région de Montréal, force est de constater que les études réalisées auprès de la population juvénile en général n'abordent pas ce thème. En effet, on discute de consommateurs réguliers, de consommation fréquente, mais il n'existe pas d'indice permettant d'évaluer le nombre de sur-consommateurs dans cette population et encore moins les caractéristiques de ces derniers.

Il importe donc que des recherches subséquentes soient entreprises et qu'elles portent 1) sur les jeunes montréalais; 2) qui ne sont pas pris en charge par un établissement de type centre de réadaptation en toxicomanie ou centre d'hébergement pour jeunesse en difficulté d'adaptation (CHJDA); et 3) que ces études tentent d'identifier les adolescents sur-consommateurs.

Un fait demeure cependant. La proportion des jeunes consommateurs réguliers fréquentant les écoles est peu élevée. Tel que mentionné au début du chapitre, il se pourrait fort bien que la raison soit une fréquentation scolaire moins importante de ces jeunes ou encore une méthodologie inappropriée à l'étude de cette population. Où se retrouvent-ils donc? Vivent-ils dans la rue? Sont-ils pris en charge par un établissement quelconque? Fréquentent-ils les établissements scolaires? En fait, il semble que plusieurs d'entre eux soient pris en charge par un centre de réadaptation en toxicomanie ou qu'ils soient desservis dans un centre CHJDA. Devons-nous croire que notre système de prise en charge des adolescents sur-consommateurs est à ce point "efficace" que la plupart sont orientés vers des centres de réadaptation? Le troisième chapitre présentera un portrait des jeunes pris en charge par ces établissements.

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CHAPITRE TROISIEME

Caractéristiques des jeunes consommateurs de drogues

pris en charge par les centres de réadaptation montréalais

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Introduction

Les chapitres précédents ont permis de constater qu'un nombre relativement élevé d'adolescents ont déjà expérimenté une substance psychoactive. Toutefois, ce ne sont pas tous ces jeunes qui en prendront l'habitude ou encore qui développeront un problème face à cette consommation. A ce sujet, Brisson (1989) estime à partir des études de LeBlanc (1986) et LeBlanc & Tremblay (1987) qu'il existe à Montréal 20 000 adolescents qui consomment de manière expérimentale, 16 000 jeunes qui font usage de substances psychoactives sur une base régulière et 2 700 adolescents qui peuvent être catégorisés comme des sur-consommateurs de drogues. Toutefois, la recension des écrits portant sur la population juvénile en général n'a pas permis d'identifier de façon précise cette sous-population sur-consommatrice. Par contre, l'étude de LeBlanc, Girard et Langelier (1995) a permis de constater qu'on retrouve plusieurs jeunes sur-consommateurs de drogues à Alternatives et à la Maison Jean Lapointe. Qu'en est-il de la population juvénile des autres centres de réadaptation de la région montréalaise quant à leur consommation de substances psychoactives?

Ce chapitre tentera donc dans un premier temps de rendre compte de la consommation des jeunes pris en charge par les centres de réadaptation2 de la grande métropole. Il entreprendra par la

suite de déterminer les principales caractéristiques des adolescents sur-consommateurs.

Consommation des mineurs judiciarisés

II existe de nombreuses études récentes qui ont investigué la consommation des jeunes pris en charge par le réseau jeunesse (Tribunal, CPEJ, CHJDA)(Association des centres d'accueil, 1993; Normand & Brochu, 1993; Brochu & Douyon, 1990; LeBlanc, 1986,1990,1994,1995; Cloutier &

L'appellation centre de réadaptation fait ici référence aux diverses institutions qui prennent en charge des adolescents (centres d'hébergement pour jeunes en difficulté d'adaptation (CHJDA), centre de réadaptation pour personnes alcooliques et toxicomanes (CRPAT), Tribunal, etc...)

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27

al., 1994). Brochu & Douyon (1990) rapportent que le taux d'expérimentation de substances psychoactives est plus élevé dans la population en centre CHJDA que dans la population juvénile en général. Ainsi, 83% des jeunes rapportent avoir déjà consommé de l'alcool, 78% disent avoir essayé le cannabis, 52% mentionnent avoir fait usage de cocaïne au moins une fois dans leur vie, alors que l'on retrouve des taux d'expérimentation de 51% pour les hallucinogènes, de 38% pour les médicaments, de 35% pour les solvants et de 28% en ce qui concerne les amphétamines. Même un produit tel l'héroïne a été expérimenté par 15% des adolescents desservis en interne en CHJDA (Brochu & Douyon, 1990). Lorsque l'on compare ces taux à ceux obtenus dans les études auprès d'une population juvénile en général, on se rend vite compte que la proportion des jeunes hébergés en CHJDA et qui ont expérimenté une drogue illicite est nettement supérieure à celle des adolescents qui ne sont pas desservis par les CHJDA. Même les études qui semblent le moins sous-estimer la consommation des jeunes en général rapportent un taux de 46% (Therrien, 1995), ce qui est largement inférieur aux proportions rapportées précédemment par Brochu & Douyon (1990). On peut ainsi affirmer que les adolescents pris en charge par le réseau jeunesse présentent des taux d'expérimentation de substances psychoactives illicites d'au moins un tiers plus élevés.

Si les adolescents placés en centre de réadaptation présentent des taux d'expérimentation de substances psychoactives plus importants que dans la population juvénile en général, il en va de même en ce qui concerne la sur-consommation de drogues. Ainsi, un document rédigé par l'Association des centres d'accueil en 1993 fait référence à des recherches récentes ayant établi à 39% le nombre de jeunes desservis en CHJDA qui présentent des problèmes importants de consommation3.

L'enquête de LeBlanc (1986) rapporte pour sa part que 13% des jeunes se présentant devant le Tribunal de la jeunesse peuvent être catégorisés comme sur-consommateurs. Bien que ces chiffres sont quelques peu inférieurs à ceux rapportés dans d'autres études, il est tout de même significatif

Les auteurs ne précisent cependant pas l'opérationnalisation du concept de "problèmes importants de consommation".

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si l'on considère que moins de 5% de la population juvénile en général rapportent éprouver une consommation problématique (Cloutier et al, 1994). D'autre part, il est possible que les adolescents référés devant le Tribunal de la Jeunesse ne présentent pas tous un niveau de gravité de difficultés aussi important que les jeunes qui ont fait l'objet des autres études puisqu'on peut penser que certains d'entre eux en étaient à leurs premières comparutions et n'ont ainsi peut-être jamais fait l'objet d'une mesure d'hébergement. Toutefois, il n'en demeure pas moins que la proportion de sur-consommateurs de substances psychoactives identifiée chez les adolescents se présentant au Tribunal de la Jeunesse est, tout comme chez les jeunes pris en charge par un centre de réadaptation, plus élevée que dans la population juvénile en général.

Certaines autres caractéristiques différencient également les jeunes desservis en CHJDA quant à leur consommation. On remarque en effet qu'ils s'initient aux drogues à un âge plus jeune que leurs confrères et consoeurs qui ne font pas un usage régulier de substances psychoactives (Brochu & Douyon, 1990; Normand & Brochu, 1993). Ainsi, l'âge moyen de la première consommation de drogue des personnes qui consomment régulièrement est-il de 12 ans alors qu'il est de 14 ans pour ceux qui ne consommeront pas régulièrement dans le futur (Normand & Brochu, 1993). On constate également que plus ils sont âgés, plus leur consommation augmente (LeBlanc, 1986). Non seulement consomment-ils en plus grande quantité, mais ils diversifient leurs produits de consommation. Ainsi, LeBlanc (1986) rapporte-t-il une augmentation de l'ordre de 30% entre l'âge de 15 ans et 22 ans en ce qui concerne la polyconsommation chez les pupilles du Tribunal.

Voilà donc le portrait de la consommation des adolescents sur-consommateurs de la région de Montréal que l'on retrouve dans les CHJDA (voir Nbp #2). Toutefois, il n'y a pas qu'au niveau de leur usage de substances psychoactives que les jeunes qui abusent de drogues se différencient. La prochaine section présentera certaines caractéristiques qui distinguent cette population juvénile des autres.

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Caractéristiques des sur-consommateurs desservis par les CHJDA

Les études scientifiques ont souvent tenté de mettre en lumière des éléments pouvant expliquer ou tout au moins caractériser les adolescents sur-consommateurs. On en retrouve de toutes sortes: délinquance, motifs de consommation, caractéristiques psychologiques ou socio-culturelles, niveaux économiques, etc... Quels sont-ils?

Puisque nombre de sur-consommateurs sont orientés vers les CHJDA en vertu d'une ordonnance du Tribunal, il est compréhensible que les chercheurs se soient interrogés sur la criminalité commise par les abuseurs de drogues. Ainsi, LeBlanc (1986) a constaté que ce sont dans les délits effectués contre la personne que l'on retrouve le plus haut taux d'intoxication. Il a également remarqué que plus les adolescents étaient âgés, plus l'intoxication au moment d'un délit était présente. Brochu & Douyon parviennent à des conclusions assez similaires puisqu'ils écrivent que les adolescents consommateurs rapportent davantage d'activités délictueuses que les jeunes qui ne consomment pas. Il est clair qu'il ne faut pas confondre ici intoxication et sur-consommation, mais il semble tout de même que les comportements délictueux et la consommation se retrouvent fréquemment dans le même contexte. Ainsi les personnes sur-consommatrice, et donc consommant souvent risquent plus d'être impliquées dans une certaine forme de criminalité. Au sujet de cette forme de criminalité, Normand & Brochu (1993) révèlent que les consommateurs de drogues commettent davantage de crimes contre la propriété que les non-consommateurs alors que ces derniers seraient plus fréquemment impliqués dans des actes criminels orientés vers la personne que les usagers de substances psychoactives. Ainsi donc, cette étude ne soutient pas le mythe voulant que les usagers de drogues soient plus violents. En ce qui concerne le facteurs motivant le passage à l'acte chez les jeunes consommateurs, il semblerait qu'ils puissent puiser leurs sources d'inspiration dans l'influence de leurs pairs. Ce sont d'ailleurs les mêmes pairs qui ont été identifiés dans de nombreuses études comme étant à la source des comportements de consommation des adolescents (Agnew, 1991; Brownfield & Thompson, 1991; Kumpfer & Turner, 1991). Par contre, certains auteurs indiquent que l'influence des pairs joue un rôle secondaire dans les comportements de

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délinquance et de consommation et que ces comportements seraient davantage influencés par les caractéristiques individuelles des adolescents (Dobkin & al., in press).

Par ailleurs, il semblerait que plus les adolescents vieillissent, plus leur consommation augmente mais plus leurs activités délictueuses se résorbent (LeBlanc, 1986). Le lien entre consommation et délinquance semble donc perdre sa signification avec l'âge. Ce qui est encore plus étrange, c'est que lorsque les adolescents orientés en centres de réadaptation sont interrogés à propos de l'influence qu'a eu leur consommation sur la perpétration de leur délit, peu d'entre eux admettent qu'il existe une relation entre ces deux comportements (Groulx, Brochu & Poupart, 1992). L'excuse serait pourtant facile.

Il n'y a cependant pas qu'au niveau de la délinquance que l'on constate des différences entre consommateurs et non-consommateurs chez les jeunes desservis en centres de réadaptation. LeBlanc (1986) dresse un portrait psychologique des surconsommateurs fort détaillé. Il indique donc que les adolescents qui font un usage abusif de substances psychoactives se distinguent par leur dissocialité, par une personnalité perturbée, par leur état d'anxiété et de dépression, par leur forte mésadaptation sociale ainsi que par leur implication dans un style de vie déviant. Ils adoptent également des attitudes asociales face à l'école, ne respectent pas l'autorité, ont le sentiment d'être incompris, malheureux et inquiets. Bien que non-fondée sur des études scientifiques, les intervenants possèdent également leur opinion sur le profil psychologique des adolescents sur-consommateurs que l'on retrouve dans les centres de réadaptation. Ainsi, dans le cadre de ce projet, des professionnels des centres jeunesse ont été interrogés à l'intérieur de focus group sur la perception qu'ils entretiennent de cette clientèle. On constate qu'ils perçoivent ces jeunes comme possédant une intelligence au-dessus de la moyenne et dont le principe de fonctionnement est axé sur la recherche du plaisir. Pour y parvenir, cette clientèle utilise souvent la manipulation et la séduction. Toujours selon l'évaluation qu'en font les cliniciens, ce sont des adolescents impulsifs, qui tolèrent faiblement la frustration. Ils proviennent de milieux familiaux dysfonctionnels, ont une faible estime d'eux-mêmes et ont une propension à amplifier la réalité.

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La situation psychologique de cette sous-population d'adolescents consommateurs n'est pas la seule à les caractériser. On remarque entre autres que les adolescents sur-consommateurs se désengagent face à l'école, la famille et le travail (LeBlanc, 1986), bref vis-à-vis des institutions de socialisation (Brochu, 1995a). Quelques chiffres soulignent bien cette distanciation. On remarque que 70% de la clientèle inscrite au service jeunesse d'Alternatives accuse un retard sur le plan scolaire. Ce pourcentage dépasse 90% lorsque l'on étudie la clientèle hébergée en CHJDA (Brochu & Douyon, 1990). D'ailleurs, Brochu & Douyon (1990) indiquent que 30% de la clientèle présente un retard équivalant à deux ans et que plus du tiers de ces jeunes accusent un retard supérieur à trois années scolaires. De fait, on constate qu'une plus forte proportion d'adolescents consommateurs que non-consommateurs desservis à l'interne dans un CHJDA possèdent un retard sur le plan scolaire (Normand & Brochu, 1993). Or, un fait surprenant demeure, la recherche conduite par Brochu & Douyon (1990) indique qu'il existe plus de consommateurs que de non-consommateurs qui aspirent à des études universitaires.

On remarque par ailleurs que les sur-consommateurs ont une plus grande propension à provenir de famille monoparentale et d'être de sexe masculin si l'on se fie aux données récoltées par LeBlanc (1986) et Brochu & Douyon (1990). Toutefois, ces caractéristiques ne sont peut-être pas uniquement attribuables aux usagers abusifs de substances psychoactives. En effet, une étude menée par Cloutier & al. (1994) démontre que seulement 17% de la clientèle des centres jeunesse composant leur échantillon vivent dans une famille traditionnelle (père et mère naturels). Ces chiffres sont impressionnants lorsqu'on les compare à ceux récoltés auprès de la population juvénile en général qui affirme dans plus de 70% des cas vivre dans une famille traditionnelle. De même, il est un fait connu que la population composant les centres jeunesse est majoritairement masculine. Il est alors fort possible que ces caractéristiques ne soient que le reflet de la situation des jeunes que l'on retrouve en centre de réadaptation.

Enfin, un faible niveau socio-économique de même qu'une dynamique familiale déficiente (faible communication, discipline trop rigoureuse ou trop permissive) constitueraient d'autres

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facteurs de risque présents chez nombres de sur-consommateurs de substances psychoactives (Vitaro & al., 1993).

Finalement, on peut également relever certaines différences selon le sexe des adolescents consommateurs hébergés en CHJD A dans la région de Montréal. Par exemple, les filles consomment plus de médicaments (Brochu & Douyon, 1990). Cette tendance a également été remarquée chez les adultes (Brochu et coll., 1995e) et il est intéressant de constater que l'apparition de ce phénomène commence dès l'adolescence. Garçons et filles diffèrent également sur un autre point. Les raisons invoquées pour justifier la consommation de substances psychoactives par les adolescents ne sont pas les mêmes que pour les adolescentes. En effet, plus de garçons consomment pour le plaisir, pour le "thrill" et les émotions fortes qui accompagnent l'usage de drogues (Brochu & Douyon, 1990). En revanche, les filles ont une plus forte propension à consommer pour soulager ou échapper à leurs problèmes, aux tensions familiales ou scolaires (Brochu & Douyon, 1990). Cette information est d'ailleurs assez intéressante lorsque l'on songe à intervenir auprès de ces populations juvéniles. En effet, il semblerait qu'il faille donner aux garçons d'autres façons de s'amuser alors qu'au niveau des adolescentes, l'élément clef semble plutôt résider dans l'apprentissage de nouveaux moyens d'affronter ses problèmes. Par ailleurs, de façon générale, les filles sont plus nombreuses que les garçons à considérer qu'il est important de poursuivre ses études (Brochu & Douyon, 1990; Cloutier & al., 1994).

Conclusion

Cette recension des écrits portant sur les adolescents consommateurs pris en charge par des CHJDA a permis de dégager certains points. Dans un premier temps, il semble qu'une forte proportion de ces jeunes ont déjà fait l'expérimentation de substances psychoactives. Un pourcentage

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non négligeable de ces adolescents consomment régulièrement4 et éprouvent de la difficulté à gérer

adéquatement leur usage de drogues. On constate également que certaines caractéristiques se dégagent de ces sur-consommateurs. Ils se différencient par une kyrielle de caractéristiques psychologiques (dépression, anxiété, asocialité, manipulation, etc...). On remarque également qu'ils commettent plus de délits que les non-consommateurs ou que les consommateurs expérimentaux, qu'ils se distancient des institutions de socialisation, qu'ils accusent un retard scolaire souvent important, qu'ils proviennent fréquemment de familles monoparentales et que dans la majorité des cas ils sont des garçons. Toutefois, il est difficile de cerner si ces caractéristiques leur sont propres ou si celles-ci ne sont que le portrait de la clientèle régulière des centres jeunesse.

Par ailleurs, il se pourrait que le portrait qui vient d'être présenté ne tienne pas compte de l'ensemble de la clientèle juvénile prise en charge par un centre de réadaptation. En effet, il semble que plusieurs sur-consommateurs de la région de Montréal sont pris en charge par des établissements de réadaptation extérieurs à la grande région métropolitaine (Forget, 1995). Ce serait le cas des adolescents dont les parents sont plus fortunés et qui auraient recours à des services privés situés hors de Montréal. D'autre part, le manque de ressources disponibles dans la région montréalaise "forcerait" en quelques sortes plusieurs intervenants à faire appel à des services également à l'extérieur de la région. C'est du moins le discours qu'ont prononcé les participants lors des rencontres de groupes qui ont été organisées dans le cadre de ce projet. Qui sont réellement ces jeunes? Sont-ils différents de ceux que l'on retrouve à Montréal? De plus amples études seraient nécessaires pour investiguer davantage le sujet. Un fait demeure cependant. On évalue à près de 2 700 adolescents de la région de Montréal qui éprouvent des problèmes de sur-consommation de drogues. Bien que l'orientation ministérielle en matière de traitement de la toxicomanie accorde depuis quelques années une nette priorité à l'intervention précoce auprès des jeunes et que cette dernière se confirme par une augmentation continue des demandes de services à des ressources

Étant donné la nature des écrits scientifiques disponibles, ce terme regroupe aussi bien les adolescents consommant des substances psychoactives au moins trois fois par semaine que ceux qui éprouvent des problèmes de toxicomanie. On ne saurait cependant associer le premier type de consommateurs au second.

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spécialisées en toxicomanie (58% d'augmentation de la clientèle juvénile à Alternatives sur une période de trois ans (Desrosiers, 1995)), bon nombre déjeunes en difficulté ne sont pas rejoints. Ne le désirent-ils tout simplement pas? Les ressources actuellement disponibles sont-elles insuffisantes? Il importe que l'on fasse le point sur cette question.

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CHAPITRE QUATRIEME

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Introduction

Les trois premiers chapitres ont tenté de dresser le portrait de la situation des adolescents sur-consommateurs et judiciarisés, en particulier pour la région de Montréal, à partir d'une recension des écrits scientifiques. Ce chapitre, se veut le compte rendu d'une consultation effectuée auprès d'intervenants et de membres de la direction associés au réseau des Centres Jeunesse de Montréal. L'objectif de cette consultation a été de récolter l'opinion de ces personnes concernant la situation qu'ils vivent dans leur quotidien avec les adolescents sur-consommateurs de même que les difficultés rencontrées avec cette clientèle et leur point de vue quant aux services qu'on devrait leur offrir.

Dans un premier temps, la méthodologie employée lors de cette consultation sera présentée. Par la suite, les caractéristiques de la clientèle des Centres Jeunesse seront exposées. On définira ensuite la problématique de la toxicomanie dans ces institutions, notemment l'évaluation, puis le chapitre fera état des principales difficultés rencontrées par le personnel des Centres Jeunesse. Finalement, une liste des attentes que les personnes consultées entretiennent sur le sujet sera élaborée.

Méthodologie

Deux groupes de discussion ont été formés pour participer à la consultation. Ces groupes ont été composés à partir d'une liste fourni par la direction de la qualité des services des Centres Jeunesse. Le premier groupe, composé d'intervenants du réseau des Centres Jeunesse, regroupait des personnes provenant de centres d'accueil (fermé et ouvert), de même que d'individus oeuvrant à la CPEJ au niveau des rapports pré-décisionnels, de la probation et de l'intervention. En tout, 10 intervenants ont constitué le premier groupe. La seconde équipe était constituée de différents membres appartenant à la direction. On retrouvait donc des personnes occupant une place à la direction des services de réadaptation à l'enfance, de réadaptation à l'adolescence, des services psycho-sociaux, des services de garde fermée, et finalement, de la direction de la qualité des services. Sept personnes ont ainsi constitué le second groupe de discussion.

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Les rencontres, d'une durée approximative de deux heures, se sont déroulées à l'Université de Montréal et à la direction de la qualité des services, l'une le 21 mars 1995 et la seconde le 21 avril de la même année. Un professionnel de l'agence CROP a été engagé dans le but d'animer ces discussions. L'emploi de cette personne garantissait ainsi un point de vue neutre quant à la question puisque cette dernière ne provenait pas du milieu de la toxicomanie ou des Centres Jeunesse. Les sections qui suivent présenteront le compte rendu de ces discussions.

Caractéristiques de la clientèle

La première étape visée par l'entretien avec les représentants des Centres Jeunesse visait à mieux comprendre les caractéristiques de leur clientèle juvénile sur-consommatrice.

On remarque que la clientèle desservie par les personnes composant les groupes de discussion est assez diversifiée. En effet, elle est âgée d'un tout jeune âge jusqu'à 18 ans (dans certains cas, elle peut être âgée de plus de 18 ans), représente les deux sexes (selon les milieux) et est placée en vertu de la Loi sur les Jeunes Contrevenants (LJC) ou sur la Loi de la Protection de la Jeunesse (LPJ).

Tout d'abord, on constate qu'il existe un certain nombre de facteurs de risque présents chez ces adolescents sur-consommateurs. Ainsi, ils possèdent une faible estime d'eux-mêmes, vivent un certain isolement, proviennent d'un milieu où le stress familial est élevé et où ils sont souvent négligés et accusent des retards académiques importants. Ces facteurs ne sont pas sans rappeler ceux qui ont été identifiés dans les écrits scientifiques (c.f. chapitre 1). En plus de ces facteurs de risque, les membres des groupes de discussion ont identifié plusieurs traits de personnalité que l'on retrouve parmi leur clientèle qui éprouvent des problèmes de consommation.

En effet, on remarque que ces jeunes sont souvent agressifs, impulsifs et possèdent une faible tolérance à la frustration. On rapporte par ailleurs que ces jeunes sont facilement influençables, très manipulateurs, qu'ils sont axés sur le principe du plaisir et que leur mode de relation est

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fréquemment basé sur la séduction. On remarque d'autre part que ce sont des adolescents difficilement mobilisables sur le plan académique et du travail et qu'ils possèdent un degré de responsabilisation très faible. Ils semblent par ailleurs très désorganisés sur le plan social mais on constate que leur sens de l'organisation est plutôt développé lorsqu'on analyse leur réseau de contacts par rapport au marché de la drogue. On fait d'ailleurs remarquer que plus ils commencent à consommer à un jeune âge, mieux ils sont organisés sur ce plan. Finalement, le personnel cadre et les intervenants rapportent que ces jeunes présentent une santé fragile et qu'ils possèdent une intelligence au dessus de la moyenne.

Problématique

Selon le point de vue du personnel cadre et intervenant, la clientèle toxicomane des Centres Jeunesse constituerait entre 20% et 100% de l'ensemble des jeunes qu'ils accueillent5. On mentionne

par ailleurs que sauf dans de rares exceptions (délits reliés à la drogue), la toxicomanie n'est pas l'élément qui amène les adolescents dans les Centres Jeunesse. De plus, même lorsque les adolescents sont aux prises avec de sérieux problèmes de consommation, ils tendent à nier leur toxicomanie. Se pose alors le problème de l'évaluation. Du point de vue des gens interrogés, cette évaluation est importante. Elle devrait permettre de déterminer si le jeune a une problématique avant tout de toxicomanie, de délinquance ou de troubles de comportements. Pourtant, même lorsqu'il y a une dynamique de consommation, deux diagnostics sont possibles. L'adolescent peut être un sur-consommateur occasionnel, qui consommera pour s'amuser ou encore un dépendant, dont le moteur est la consommation et pour lequel toute sa vie est centrée sur l'acquisition, la consommation et le rituel entourant la drogue. Cette toxicomanie, qui rappelons-le n'est pas souvent le motif à la base de la prise en charge de l'adolescent, peut se détecter à deux moments: lors de cette évaluation ou au cours de la prise en charge.

Cette grande différence entre les pourcentages révélés est en grande partie due à la diversité des milieux représentés. Ainsi, un intervenant présent provenait d'une unité spéciale en toxicomanie du centre d'accueil Cité des Prairies alors que d'autres desservaient une clientèle en milieu ouvert âgée entre 0 et 14 ans, donc moins susceptible d'éprouver des problèmes de toxicomanie.

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