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" " " o .'t' , .'1968: Théorie et praxis de "Te! Q;1el" dans "l.ogigues" et "Nombres" de Sollers.
par
Marie Gagné
A thesis submitted ta the
Faculty pf Graduate Studies and Research' in-partial fulfillment o~ the ~equirements
for the degree of Master of Arts
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Department of French Language and Literattire ,McGill University, Montreal
March 19'86
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-\ ..,. . 'Je tiens
à
exprimer mg gratitude , à l'Université McGill pour le poste d' adj'oipte d' enseigoement offert au oCOMS de' l'année de,
. l'édaction. de ce mémoire. ~ ~ tieIlj3 aussi à remercier chacun des . professeurs
etui
m"ont enseigné au cours de .. mon année de scolarité et dont les conseils ont étéuti~es,
de près ou de loin, aU'huccès de ce projet: ~essieùrs Giuseppe Di Stefano, Jean-Pierré Duquette et Jean-Claude Morisot. Je remercié de façon ~ticuliàre Mesdames1-· , •
M.-Pierrette MalcuZytl13ld et Gullian Belli-Bivar qui, par la super-vision de "travaux dirigés,r, lés conseils et critiqu~s et surtout
les encouragement~ sincères et le rapport amical, m'ont'aidée à
structurer ce projet. Enfin, Je remercié monsieur Marc Angenot d'avoir accepté d~ di~iger cette thèse et d'a~oir aidé à sa
réali-:,.
sàtion ~ de précieu~es critiques qui ont fait évoluer ma rigue~
d'analyse. ".
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'. ,Dans:.dette étude à clIT.actère synchronique, nous nous proposons
d'~Y~i~ la~~marche
telque~ienn~ s~isie
aumom~nt.1968
deso~
évoluti~n; moment qui ne peut se révéler dans ses impli~ations
d~te~~tes que
'Par
la mise en relation de Logiguès et Nombres'de, Phnlp~ Soller~ avec Théorie d'ensemble' du groupe "Tel Que~":
~ou~ ~nte~ons une~yse-historique
durése~u int~rtextuel
( phlloJ,.ogie!. "Poétiqué", esthétique)'de ce ino~ent 1968 d~
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troisième phlÎse. idéologique de ":rel ~el" (1966-70), en tenant compte
-,;-du
~ouvemént'social d~
Mai 1968.Nou~
seronsc~nduit
à définir cemoment'par l'étude des rapports théorie/critique, théorie/esthétique, ,
.
théorie/fiction et écriture/révolution. " ,
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/Notre analyse du roman Nombres traitera -~rincfpalement de~
problèmes de na~ratologie et de production romanesque, du rapport .
entre. l'émergence de ce roman,.d'~e pr~~iq~e théorique'en France ... .
,à partir de 1965 et le mouvemènt ~.e .Mai :1968.
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ABSTRACT",
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"In this synchronie analysis, we focus on the evolutioK of
"Tel. Quel" around 1968, a sPecifie Point in
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ts 'intellectualdevelopment which can only he fully understood through the joint'
con~ideratio? of Logiques and Nombres by Soller~ ~d Théorie
d r ensemble published by j'Tel Quel".. We emphasize the historical
backgrourtd and ;the intertextual context (phiiology/"poetics",
.
,~ aesthetics) of 1968, known as the third ideological phase. of
'''Tèl Quel" ( 1966-70'), taking,.into consideration the rela tion'shi p
between this specific group
artq'
the social movement of, May1968.
To facilitate this study, we aim a~defining specifie r&lations
sucn as theory/c~iticism~ theory/aestheties, theory/fiction an~ .
writing/revolution.
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The analysis of Nombre~ emphasizes problems of ~ratology
,
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ap.d those generated by the novelis~.iG literature in generaî. The
specifie ~lysis is eORducted t~ough the establishment of~relations
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... between the emergenee of .tKis novel ,and that of a genuine theoretical
• apRroaeh in France starting in 1965 and eovering the j>êriod of
May 1968. Ir
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15 11 .. TABLE DES MATIERES• ' 1
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AVANT PROPOS •• efl' . . . ~ ... . el • • • • • • • • • • • • ~ii ~
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' , ,NOTE LIMINAIRE. • .••••.••.••••••••••• --; •••••••• ''- ••••••• , , t,- •••• V1:L1.
, INTRODUCTION ••• \\ •••••••••••••••••••• ' ••• " •••••••••••••••••••• 2
SITUATION: Vers la conjoncture française 1965-70 et le
~ ,
mou...fement de Mail
,
68: Engagement politique de "Tel Quel"?',
IerepARTIE: THÉÛRIE ET PRATIQUE THÉÛRIQUE ••••••••••••••••••• 17
. A- LA GRILbE D' .wALYSE LITTÉRAIRE. TEL QUELIENNE:.
fil ' . . ... , '~... J
.,' PRESUPPOSE t TOPOS ET IDEOLOGNV1J!;. ' ••• , .' •••••• ',' •••••••••••• 19
... ...
. 1- ,LES.. BASES EPISTEMOLOGIQUES ... ~ ••••••••••••• ; ••••• 21
a) L'inf'luence d'Althusser ••••••••••• : •••••• : •••••••••• 21
1
b) Fondement du choix des étude} tel gueliennes ••••••• ô25 \
~
2- "TEL QUEL"
:m
LA
THIDRIE DERRIDIEtOOfDE L'ÉCRITURE ... 27ac::: ~~ . '
a) Quelgues t~èses derridiennes ••••••••••• ~ •••••••••••• 21.,
b) Logocentrisme et fétichisme der l'échange de sens •••.• 31 "
!
3- L' INli'LJJENC~ DE KRISTEV A ... ,. ••••••••••••••••• 34
a)
~~~~~~~~~~~~~~~-~~t~~ Production de se~s= Productivité pré-sens ••••••••••• 34 .,.~ b) Intertextuali té et inter-textuali té: idéologème •• • •••
37,
,
\
,
i) Intertextualité et ptocessus écriture/lecture •• 37 1
ii) Théorie/éritique:-
un
exemple de pratique Il de . - \, , ' > , , A I -d'analyse ·textuelle,Lautreamont ••••••••• ·• <1 • • • • • •
42-\ \t t • . .
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50 ' ..
, • 1 B- THIDRIE!ESTHETIQUE • ., •••••••••• -•••••• ~ •••••••••••••• :62..
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..
,
1- "TEL· Q'BEL" El' LA TRADITION LITTERAIRE MATERIALISTE •• _62
a) Expérience tel guelienne! Nôuveau Romgn ••••••••
.
6~"
....
b) ,Expérience tel guelienne!Mouvement
s~éaliste ... . __ ... ~ ... ",68
....
" " .-2- ECRITURE MA'IIERIALISTE:DECENTREMENT ET " ... AN"TI-REPRESmTATION ••••••••••••• ele • • • -l- • • • • • • • • • • j • • 74a) Théâtre du langage et scène a-théologigue •••••• 74
b) L'influence de Brecht. ~ •••• ~ ••••• .' ••••••••••••• 78
#1 ~ / ~ ,
3-
ECRITURE SERIELLE ET PENSEE SERIELLE •••••••••••••••• 83a) Umberto Eco: "Oeuvré ouverte" et "pensée
, . 11-" . '84
ser1e e.. • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • ... • • • • ... • • • .• _
J
b) Pierre Boulez et· "Tel Quel": écriture
.
~sérielle ou polyphonie de la polyphonie ••••• ~ •• 89
.
~S~~~,~t::;.h~è.::s;;;e;;;s~e=-t::;....::c.::r.::i;;;t;;;i:;.:g~u:::e~s ••••••••••••••••••••••••• ~ •••••• ~96 , 1 J ,-v •.
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-(FICTION ... : •••••• ' ••• 10:) . r , .IIemepARTfE: THÉoRIE
1- "Le refus' dl héri teJ:"" (Roland Barthes)
"Nouveau Roman, Tel Quel" (Jean Ricardou) ... •
1q,B
,
Gomposition interne de "Nombres"
1
et commentaires de SOllers •••••• ~ ••.•••••••••••••••• 115
3....) "La dissémination" /"L'engendrement de la formule" .. 122
.'
Écriture/révolution: synthèses et critigues •••••••••••• 135
, J ," , ' Conclusion .... ::: ~ .•...• : ... ... ~ ... . 141_ 1 ., -" ,. j ~ '\}
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vii. -'Lors de sa dissolûtion .en 1982, le groupe "Tel Quel " laissait derrière lui vingt-deux années de recherches et de publications dont la richesse ~n découvertes, en contradictions, en questions résolues ou lais~es en sus~ns peuvent donner le vert~ge à un lecteur,· à une lectrice qui n'a pu suivre son évofQtion depuis sa fondation en 1960. Le cons ta t de la part d'un tel lecteur, d'une . telle lectrice d'une quasi absence d'études qui pourraient l'aider
à entrevoir, ne serait-ce que les grandes lignes de la recherche tel quelienne,. peut susciter diverses interrogations: ce mouvement littéraire a t-il eu un impact qu'on ne peut commencer à mesurer
qula~ec un certain recul ou a t-il,été occulté et pour~uoi?
Cette quasi absence d'étude peut en partie s'expliquer par le fait qu'à partir de sa fondation jusqu'à sa dissolution, "Tel Querr--a tou~ours fui et provoqué farouchement ce qui était pour ses membres une recupération nécessairement frauduleuse d'un savoir bourgeois qui se devait pour eux d'être transformé (notamment le savoir univer-Sitaire). Cet isolement volontaire, Pour ne pas ~ire ce sectarisme de "Tel Quel" qui s' est ~terrogé et défini lui-même dès ses dé buts, place auJourd'hui un lecteur, une lectrice qui le découvre et désire
~e conna1tre, dans une position difficile intellectuellement; car ,ce qu'il découvre, c'est qu'il doit refaire pour lui le chemin de - "Tel Quel", voire se faire tel quelien pour ~spérer comIl,'endre: il
doit accepter de se laisser manipuler par une dynamique/de text~s
savamment cal~ula~~ice et qui n'est peut-être réglée ~e dans le but arrêté de faire de lui ou d'elle un, une signataire.
, Si Sollers, le fondl;lteur du mouvement~ se dIt un "autreur", . , le contraire d'une autruche, il faut peut-etre pour le lire honnê-tement, en gardant une distance, parvenir a "adopter le point de vue d'une autruche bicéphale: une tête profondément enfouie dans un sable mouvant
et
l'autre la regardant consciemment s'enfouir et restantaux a~ets. Si cette dynamique textuelle inscrite conjointement à
une demarche politique aux'aspirations communistes est aujourd'hui
~ dépassée pour la plupart des anciens membres du groupe, il nous est • apparu essentiel d'approfondir la démarche tel quelienne en prenant
conscience du contexte d'émergence de concepts et de notions dttnt plusieurs font aujourd'hui partie de l'héritage du littéraire, tout en réfléchissant sur des questions d'ordre idéologique et méthodo-logique encore très actuelles.
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.' viii. 1..
NOTE LIMINAIREComme peut en témoigner l' orga"nisation de la bibliog,r-aphie de
cette étude, rlOUS avons orienté notre recherche selon trois voies •
principales: les études sur Sollers, les étude's -sur "Tel Que,l", ainsi que les études où les cri tiques se sont penchés sur les problèmes
de' caractérisatigfl esthétique des productions fictionnelles françaises, depuis le Nouveat Roman jusqu'à nos jours,ont fait l'objet d'un tri.
Dans un cas comme dans l'autre, les études que nous a révélées
notre rech erchE! so n t rares et souvent peu exhau s t ive~! que ce soi t
au Québec, en France ou ailleurs ( "Tel Quel" a sans 'àoute trouvé son plus vaste auditoire en Italie comme en témoigne la traduction
italienne de Tel Quel de m@me qU,e le nombre d'articles assez élévé,
publié; sur Sollers).
--~---~---'J---~
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A·l'exclusion des livres et articles retenus po~r cette analyse
et choi'sis en fonction de leur rigueur ou des ptécieuses informations qu'ils fournissent, les textes de deux spécialistes de Sollers de
~ mflhe qu'une étude sur "Tel Quel" et une analyse où Sollers et "Tel
-Quel I I ' !Sont pris en considération n'ont pu être consul tés:
Champagne, R. -A., "Un déclenchement: The revolut ionary l.mplica tions of Philippi Sollers, Nombres for a logocentrlc Western Culture.",
SlJb-Stance, 'No.7, FaÙ 1973, p.101-111.
---.---
from 1957 to·1973.", Oiss.Abstr. XXXV (74/75), , "The texts a"fld the readers of(These Ohio State Univ. 1974), 289 p.
,
Sollers c~eative works
7295 A-7296 A,
1
KurK, K.-C., "Consummation of the text: a study of Philippe Sollers.",
Di~s.Abstr. International, Vol.40 No.11, Mai 1980, (These Kentucky,
Univ. 1980), 2114 p. [?
---
, "Philippe Sollers, Le i:léfi: Texte de plaisir" texte de jouissance.", Sarev, Nov.1982, p.27-.36.Samara, R., Processus écriture/lectuE~~2-!LErod!:!.ction de "Tel
Quel" et notamment de P.Soll~E.2.", Univ. de Provence, Aix-en Provence,
(Thèse' d; 3cn1ccycle), 1977. 203 p. (> \ hO'
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ix.Au Québec, deux mémoires ont été présentés jusqu'à présent: celui de Marie-Odile Leroux Liu (1974) et celui d'André 8eaudet
(1976). Nous présentons ici une-~-nitique très succincte de ces
mémoires, qui, malgré le caractère négatif de la plupart de nos arguments, se sont révélés très utiles pour enlamer notre recherche.
Not~e lecteur, lectrice pourra déduire l'originalité de notre étude
à partir de cette critique.
Le principal reproche que nous pouvons adresser au mémoire de
M.-O~ Leroux-Llu est le manque de précision historique; ce qui l'a
conduite; ~r exemple, à confondre les phases idéologiques du groupe,
à étudier Ma~ comme un auteur dont certains éléments théoriques
auraient,été parmi les présupposés qUl auralent contribué à
l'engen-drement de'~Q~bres. ~ême si Mao est clté dans NO~Qre~, Sollers et
"Tel Quel" ne" semblent subir l'impact de la théorie de ce dernier sur leur propre théorie qu'à partir de 1970. Si la notion de pratlque au sens large est en effet présente dans les écrits de Mao, elle
prend chez Althusser une spécificité qui la distingue de celle de \
. Mao; de sorte qu'un exposé sur la notion de pratique chez Mao devient
Ihutilè à une compréhension de la démarche tel quelienne dlrectement
influencée ,par cette notion chez Alth,usser. Le concept de contra-diction qui ressort de la lecture maoïste de Lénlne Joue cependant
un ,rôle important chez "Tel Quel", mais seulement à partlr de 1970.
Si l'.anafyse d'un rBseau intertextuel lnclut, selon Barthes, "l'après-cou p" 'd e l ' é c r l t ure, cet "a p r è s - cou p " n e peu t cep end a n t f a 1re par t i e des présu~posés, 'lI révèle tout au plus ce ve~s 'quoi tendait un
auteur, u~ mouvement donné; la continuité dans la dlscontinuité.
C'est surtout au taoisme auquel Sollers s'est intéressé avant
l'écriture de ~Q~QEes, d'où la présence dans c~s écrits ~'une
dlalec-tique où 11 y a résolutlon des contralres dans l'identité. En cela
Sollers a 3USSl été lnfluencé par Artaud et les su~réalistes qui
ses 0 n t l n t é r e s s é s à 1 a cul t ure 0 rie n t ale. !:.~_Q~!2~~~_ c h 2:.!2Ql~~ d e
Marcel Granet a également été une sourt:'p 1 mportante pour "Tel Quel"
au moment de l'écriture de Théorle d'ensemble. L'ldée des caractères
---chinols qu'on retrouve dans NombE~~ a été lnspirée du poète Ezra
Pound et ils ont sans doute, comme le remarque Leroux-L1U, un rôle
qUl a un rapp~~t lmportant avec certalnes consldératidns derrldlennes.
Nous revlendrons sur cette que~tlon •
Les autres sources relevées par Leroux-L~u sont Justes: Marx,
Derr lda, Al thusser ~ Cependant, elle résume quelques thèses de chacun
de ces théoriclens sans vralment falre le llen avec la démarche tel,
quelienne. Cette étude ne considère que l'étude ~e Krlsteva,
effec-tuée sur NQ~QE~~ et négllge l'lmpact de la'théorif de cette dernlère
sur la démarche qui a conduit à l'écriture de ce texte de Sollers.
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Leroux-Liu néglige de m~me l'influence du formalisme, du
freu-disme et'la critique adressée au strJcturalisme. L~'plus-grande
carence est cependant due i l'~gnorance totale de Logiques qui,
de fait. n'apparatt pas ~ans la bibliographie. Ces différents ~acteurs
ont eu pour conséque~ce la négligence de notions aussi importantes ~
pour une compréhension de Nombres et de la démarche globale de
"Tel Quel" que celles d'intertextualité, de géQo-texte de
phéno-texte et de dissémination.
Le mémoire d'André 8eaudet est beaucoup plus rigoureux sur le
pljn historique: il tient compte des phases idéologiques de "Tel •
Quel", des dates de publicatiori et du contexte histbrique. Un certain
flou se ressent toutefois ~~ut au ~ours de la lecture; car, en ni~n~
l'existence m~me de prësupposés, 11 citë abondamment Marx, Althusser
et Kristeva en s'intéressant surtout, semble t-il, à la méthode
dialectique sans vraiment situei son objet et sans rendre compte
d~ conflit créé chez "Tel Quel" entre cette derni~re m~thQde et la
méthode structurale. 8eaudet ignore complètement Derrida qui, malgré
la critique qU'lI adresse au mémoire'de Leroux-Liu à cet égard, a
exercé une influence considérable chez "Tel Que)" au moment de
sa-troisi~me phase idéologique. Il ne faut certes pas réduire "Tel
Quel" a une fusion du marxisme à la pensée derridienne, comme 8eaudet
le fait remarquer au sUjet dw mémoire de Leroux-Liu ( qui consid~re
cependant aussi le champ linguistique et sémiotique), mais il 'ne
faudrait pa's ignorer totalement .ger~ida et r~duire "Tel QCtel" a
une fusion' du marxisme à la psychanalyse en ,omettant d'expliquer
comment cette fusion s'op~re chez "Yel Quel".
Si on exclut les tél queliens eux-mêmes (membres externes ou
internes),-Stephen Heath (spécialiste de 5~11ers) ee surtout Michel ,
Condé (spécialiste de' "leI Quel"), par la justesse de l,urs
obser-vations, sont deux spécialistes qui ont aid~ à l'orientation de notre
étude.
./
Dans un champ d'étude plus restreint et plus spécifiq~e, divers
articles sur l'intertextualité publiés dans la revue Poétique ( No.27, 1976),Littérature ( No.41. 1981) et dans la revue Texte (L'inter-textualité, intertexte, autotexte, irtratexte). (No.2, 1983) ont guidé notre recherche sur cette notion.
\
\
\..
.
' \ , ,9.
.
INTRODUCTIONSITUATION:Vers la conjoncture française 1965-70 et le mouvement de Mai 68: Engagement politique de "Tel Quel"?
4 l~~
.
~ 1 •. .
b .-, ôQ
,
,o. 2 •. INTRODUCT~pN 1Le moment le plus pertinent , ,.. à une tentative d'approfondissement
de la démarche tel quelienne,ainsi qu'à une compréhension de
la,dyna-o mique textuelle de ses productions théoriques et fictionnelles, est
sans doute celui où le groupe effectue une "percée", en élargissant
son public de lecteurs, par la pub~~cation de Théorie d'ensemble:
ce que nous appellerons Ce "moment 1968 de "Tel
"b
Sollers publiés quelques
désormais le "moment 1968" de "Tel Quel"". Quel"" inclut les deux textes de Philippe mois antérieurement: Logigues ·et Nombres.
"
.
-Ces trois ouvrages indissociables, "tant sur le plan hîstorique. _çt':le par la dém&rche qui ne peut se définir que par leur.m1se en relation,
sont l'abo4tissement de sept
~s
de recherdhes'qui- avaient étéeff€c-tuées au sein ou parallèlerlent au mouvement' "Tel Quel". Ils sont
aussi l'étape d'une volonté \ie synthèse qui posai t
.
,
.
le'~
bases dere-~
cherche des autres étapes qui. lui ont succédé jusqu'à la dis~oJution
.
.du groupe, pour ce qui est de Sollers, Kristeva et Pleynet, dont
..
,
-• la signature à "Tel -Quel" a résisté aux différentes crises' et
rup-tures.
,
Le caractère synchronique suggéré par l'année 1968 mise de
"1 '-avant dans le ti tre de notre étude, avise' donc ~ notr~ lecteur que
~1 ' essentiel de notre argumenta:t,ion sera organisé en fonction' d'une
~ompréhension de c~ mOlDent que nous, isolons dans les vingt-deux
1- °
années d' activité s du groupe "Tel Quel" • Nous n' exclurohS pas une 0
mise en situation de ce moment dans une certaine diachronie, mais nous espérons, en privilégiant le point de vue syTIchroniqué, éviter
l 'err~ur de l' historicisme, par une étude des liens internes et
ex-ternes de la ,démarche tel quelienne au cours de ce moment efferves-c~nt où le groupe choisit de se révéler davantage.,
/ o ' •
1
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• ~..
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,-63.
r-:
Si Théorie d'ensemble n'apparaît , pas dans n6tre titre, ce
der-<
nier traduit l ' idé~ d'ensemble proposée par le premier; le rêve
d 'unification d~ la réflexion qui motivait ''Tel Quel Il en 1968. Il
.suggère l'absorption de l' indi viduali té ( Sollers) par la
collecti-,
,.
vi té solidaire du groupe qui se définit, entre autre, œ.r cette-
ca-~- f '
ractéristique. Dans
4
pratique, nous dit en et:fet Sollers~' ( ••• )cela signifie que toute signa. ture n'est à "Tel Quel Il , q.ue l'
appa-rence
d'un
travail plus général susceptible d~ provoquer ,de no~vellessignatures en restant fond.aJiêiibùement anonyme.1I1
\
Logigues se 'pose ainsi comme une théorie. et Nombre.s devient
un type de pratique, qui ne peuvent se
,
sa~Slr
que par leur' mfse enrelation avec l'activité globale du groupe. Les termes théorie et "praxis" sont indispensablesuoà une définitiQn de "Tel. Quel" ,car ils suggèrent sa démarche dialectique:
J
)'11 n'y a pas opposition entre pratique et
théorie mais dialectique, exp~rcitée, concrétisée
par la' parution de la revüe et des livres. Nous
ntavorts jamais défini Tel Quel comme un~ revue
du sa~oir purement ~empirique, c'est-à-dire de
pures et. simples expositi~s de tex'tes. Cette
dialectique entre une pratique et
uni
théorisationfai t que "Tel Quel" est "Tel Quel". fi
• 1 De même, Sollers nous inéitait, Çans Théorie d'ensembjl.,e, à lire
Logigues et Nombres simultanément' e~ dialectiquement.
Une compréhension de "cette dialectique entre théo~isation et
pratique, ainsi que le type de lecture impliquée' par une telle
diafectique, ,appliquée à l'objet littérai~e, sera le but fondamental
de cette ~tU<te. .' •
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4 .
Si le "moment
1968
de "1'ël . Quel"" s' inscrit dans la conj oncture , \ ,du mouvement Jlocial de Mai 1968,. i l ne. s'agira certes ~ po~ nous
de constater uniquement les prises de position politique du mouvemérit,
.
,
-car (? ce n '-est pas sur ce pl..an que "Tel Quel" innove. "Tel Quel" ne
,
devient d' a~lle~s, de ce poÏlJ.t de vue, qu'une pUcro-sooiété au sein
de laquelle se reprodui t le même débati que dans 1.' ens~mble de •
la formation social~ française, comm~ le faisEj.i t remarquer r de façôn
très pertinente ~chel Condé:
\
"Remàrquons cependant que ces, prises de position
poli t·j,ques sont' secondaires . dans la s~ra~égie
.globa"le de "Tel Quel"; qui est commandée par
sa position dans le cha'mp littéraire: ell effet,
si la revue inno~e sur ce plan ( théorique),
notamment pat l4 en ;emble des conçeptions que
l'-on vient de rapp,:ler ( intertextualité, écri-ture etc ••• ), les prises 'de position politiques
sont, '~u toniraire, des ~ctes de ralliement
(ou de rapprochement), par.exemple à des positions
maoistes, défen.dues bien avant par des
persol'1na-lités totalement extérieures au groupe • • Plus
généralement d'ailleurs, le Cami té de Rédaction
est tràversé par les m@mes conf.li ts poli tiques
que l'ensemble de l' i~telligencia fra~çaise,
du rapprochement difficile avec l e ' Parti
C'ommu-niste à la radi~eli~ation maoiste de' certains,'
pour arriver finalement 'à Cl des .' posit"ions
'néo-libéra!es, et cela sa~s se renier fo~damentalemenr
(m@me si ces cnangements ont entraîné nombre.
de ruptures).J
Il s"agira davanfuge dans cette étude, d'analyser c,~mment
s'arti-t . . . ,
cule chez "Tel Quel", l'émergence en France,
à
partir de 1965, d'unevéritable pratique théorique
a~ec
la lecture de Marx et' Lénine par'Althusser! avec celle de Freud' paX La.c~, av~ une ép~stémologie
des sciences par Fouc~ult et enfin,_avec la grammatologie de" Derrida
\
.
et le développement des 4 sciences d~ langage par la, linguistique et
la sémlotigue ( Bart~es, Jakobson, Todorov, Kristeva etc ••• ).
" :
••
.',
. ;." \' ,.
",
.
~ . 5.
8
/;'
Dans notre analyse de Nombres, nous tenterons ~e mesurer l'ef.fet,
,
sur une formation discursive, d'une infiltration massive,' d'une
ouver-" 0
ture conjoncturelle envers 'un savoir issu dë'sociétés r€volutionnaires
"
.
ayant connu le Plssage du systè.me capitaliste v,ers 'le système commu':" . niste
(~nine,
(Mao ( trad.fr. 1965), les formalistes'ru~ses
intro-, '
-duits- én Occident par Todorov' (1965), . Bakhtine par. Kristeva ( 1966)
4
etc ••• ).
Après un travail de mise en si,tuation de la Position de "Tel
'~~l" par rapport a~ lllouvement social' de Mai 1968, du "moment 1968
, ,
de "Tel Quel"" dans' -sa troisième phase idéologique, nous entamerons . notre étude
de~
l dialectique 'entrethéor~sation
et .pratique et ce, selon ces deux des mises en rapport: Théorie et pratiguè théo-,
;rigu~ et Théorie/fiction.
ri ' •
•
Suivra donc, après le travail de mise en situation, une analyse logiquè
~t
philologiquede~
r&isonnements et des concepes ou~otions
qui ~onsti tuent la glille d'analyse l i ttérairè tel quelienne, ainsi. ' , . '
- qu'une analyse du lien entre éette théorie et la pratique de l'analyse , textuelle,. . Pour ce faire, nous isolerons' les études sur Lautréamont que les .tel queliens ont étudié entre 1966 ~t 1971;, soit une pér~ode qui cpuvre' et déborde' un peu la troi~ième phase idêologique·du groupe
,
..
dan~" laquelle .s'insère le "moment 1968'! qui const~tue "l'objet de "
#", • •
notre recherche. Peut-être pourro~s-nous accéder ainsi.aux contradic-tions internes e.t aux idéologèmes qtrl éclaireront notre lecture de Nombres?
Une autre étape de notre étude sera consacrée à l tB.naly~e du rapport entre théorie et esthétique. Nous
-
~s6aîerons de voir comment,
l t appareil théorique de "Tel Quel" influe sur: son esthétique, comment "Tel Quel" s'insère dans ],a tr~dition 'littéraire française et à partir de quels critères il s'en distingue pour prendre ~a
spécifiCité. Nous passerons en revue les principales études' où 'on
.
f .
/
'.
(.-
\ Il.
, , 6 •.. \ • ,.
S'?st penché sur 'les problèmes. de caractéris~tion'esthétique des
.
-productions ficti'onnelles tel queliennes.
Enfin, noüs~amorcerons l'étu~e ~u rappqrt entrê théorie et
fiction en mettant en application l'analyse de,l'idéologè~e'défini
/ par Kristeva, dans un sens restreint, comnie la fonctio~ GSJmmune ,J
1 - • • ~
discours d~ la science/rQman. Pour amorcer cette étude, ~ous
intro-duir~ns Nombres
.
par une ~thèse des analyses ds'6arihes, De~rida,, ' \
.
.
Kristêva et Ricardou effectuées sur ce roman. Nous situerons aussi
.. 1 •
~"
f •
/
Nombres dans la production fictionnelle dEvSollers avant sa publi- . ,
:- " .. ..~' ,
cation. La.problématique fondamentale de notre analyse sera de montrer
comment, d" expliquer po)lI'qùoi, selon' un commentai:r;e de Ricardou, -ce
rom~
s'inscrirait'c~mme un~type
de productlon,'~ui,
mettant enscène un plurie~ diégétique, oyvrirai t ainsi une période subversive. \
Ce pluriel diégétique
eS~Peut-être l'eft~
sur une formation dis-, ,~~sive a'un ébranlement idéologique subi en.période révolutionnai~e,
la' "trape" (Derrida) d'une transformation sociale en train de se
faire? Peut-on encore parier de pol~honie (~tine) au sujet'de
ce roman ou fauclÎ'ait-il }m'1er plutôt d~. séria:lisme? .
.
.
..
" f , '
",
," , , 1 . , ~". "
.
""". .. " " '. 7 ••.SITUATION: Vers la conjoncture française
.
1965-70
et le mouvement .social de Mai 68:' engagement 'poli tique de "Tel Quel"?
La dé èolDni sa ti0!l 'réalisée en 1962 par l' A1g~rie qui sè libérait
d~ l'.emprisé française", sous lrapprobation finale de'de Gaule, a
eu pour conséquence de favoriser une importante poussée du régime
~ de ce dernier; régime·qui s'âpp1iquera da~tage, ?ès lors, à relancer
l'économie française nettement en difficulté à la 'suite dEf;cette'
guerre colo~ale concomi~te de c~lits répétés avec la Tunésie
et le Maroc qui a succédé ~ la Seconde guerre 'mondiale et à ,la
G •
Guerre d'Indochine.
.
..
r.,'
.
,L'année 1962 est aussi la scène de deux' événements qui . auront
une influence profonde sur la vie politique et culturelle de l'époque: .
.
,~a Révoluti~ cubaine est menée â térme par Fidel C~stro, la
Révo-lution Culturelle s!amorce en Chine sous la direction de Mao
.
(1962-1967): .
Si, dans les ecrits français de IJépoque, la référenc~ à Cuba
est moins
c~tée
quec~lle
de ia Révolution CUlturelle et ne 'seretrouve pratiquement que d'un point de vue gauchiste ou partisan, > • •
cette référence, d'un autre point de vue, sert à la compréhension
de l'action américaine qui, à partir de ~e moment, canali~era ses
énergies pour éviter une seconde défaite aux ~épens du communi~me,
, " ~~
par une intervention intense au sein de la Guerr~ du Vietnam.
En
réaction contre cetté'.interventiQn, aura lieu, en 1964, la premier
grB.J;ld "sit-in" étudia~t à l 'Université ~e èalifornie.
on
assiste ausecond ~ Berlin, les 22 et 23 juin '1966. Avec une même motivation
de lutte contre l'impérialisme américain, diverses'manif~stations
seront organisées en France.
",
.
Dès 1965, des tra?uctions françaises des écrits de Mao ~vaient
-commencé )J. influencer de no~breux 1ectéurs en France, et, à partir,
. de 1966,
lor~
de ce qu'on a appelé la GranderévoÎuti~n
prolétarienne'chinoise, des conflïts internes surgissent au sein du Parti Communiste
Français~ au sujet de problèmes d'ordre idéologiqu~ et culturel.
\
..
,.
• ,-'-;. --l ' !"'., ~
.'
. 8., \ d
Ce conflit interne conduira à la fondation de "Jeunesses Communistes " Révolutionnaires"(trot:sldstes), ainsi qu'à la fondation de l'Umon
• <1
des Jeunesses Communistes ( marxistes-léninistes). Ces deux derniers
l
organismes contribueront à ~tamer la lutte qui ~onduira au mouvement
o sqcial de Mai 68. Un attrai\ croissant pour la Chine prendra l'ampleur
d'un phénomène appelé '8.uj ourd ' hui , "sinophi7.ie occidentale". " ' Cette fraction du P.C.F. avéc la jeunesse d'idéologie communiste, sera ~ccompagnée de l'organisation des classes ouvrières à l'intérieur
de syndicats à dominante politique. (
La relance économique amorcée par· :I.e régime gaulliste avait
.
-eu pour consfquence d 'ampl~fier la division sociale du travail; ce ' qui" a conduit à un accroissement de la prolétarisation de, tâches devenues • puriment manuelles, répéti ti ves - et désormais effectuées
so~s"
l'encadÎ'~ment
d'intellectuels spécialisés.o
... ,
.
''Les premi.ers incidents univer.sitaires à survenir en France se sont déroulés, en mars 1967,à Nanterre, pendant qu'avaient lieu les premières grèves dans les4usines.' Le combat contre le régime autori-taire gaulliste est passé d '.une révolte culturelle à la lutte sociale .et poli tique ~
,
o
Le Mouvement 'de Mai 68, s'il a d'a1Xrrd été une contestation. de l' institution universi taire, se caractérisai t par un rejet plus
.
.
global de la bourgeoisie, par un rap~l des contradictions et des,
.
luttes de classes prOpres à la société technocratiq.~a qui se complexi-: fiait et se transformait rapidement à tous les niveaux. Il s'agissait surtout d'une lutte contre 'les appareild d'intégration, de manipula-tion et d'agression de la technocratie qui traduisai t
un
malaised~adaptation. Si. du, côté des faculté-s de sciencés,\ on réclamait du matériel
adéq~i;,
de 'celui des sciences humaines, les revendications.'
1-~. - - _ _ _ _ w .. • A,
9 . • p ~ étaient en faveur de la création d'équipes tle recherchesinterdisci-"
plinaires . qui auraient permis dl ouvrir le marché du travail. Biell
que la classe ouvrière ait partiCipé activemeht au conflit, l'acteur
.
principal du mouvement 'était surtout, selon Alain Touraine, le futur
•.
professionnel-.
Nous si tuerons davantage· maintenant la position, de. "Tâ. Quel"
.1
l'égard du Mouvement de.
Mai et nous rendrons compte de la façon~
dont s'exprime, cfiez ce groupe, l'engagement poli tique du li ttérair~ .•
Dès 1960, le mouvement "Tel Quel" &' fait l' obj et d'une cri tique
..
acerbe qui, -pour différents motifs, se perpétuer~ jusqu'à sa
dissolu-tion. Lors de la publication du premier numéro de, la revue Tel Quel.J . les tel queliens refuseront de se prononcer au sujet de la Guerre
d'Algérie; ce qui provoquera la cr~ tique de la tradi tion de gauche
qui 1ui reproctera aussi son affirmation d'une volonté de littérature
-
,
pure et éclectique.
'i!
Cette critique traditionnelle mili~te d'un engagement politique
de l'écrivain, indépendant d~ son activité littéraire, était surtout
inspirée_de l'existen~ialisme de Sartre. ~ •
-
.
En
réaction dontre cette tradition de gauche, le mouvement "TelQuel" réaffirmera, de façon ~ plus en plus précise, la septième
propo-sition de Robbe-Grillet, mais selon une'dêmarche très différente:
"Le BeuÎ engagement possibie pour l'écrivain, Ic'est la littérature."L.
- '~
-..
Cette proposition sera réaffirmée en termes marxistes, -plus
pré~isément althussériens.
La
pratique~ de l'écriture sera, commenous l'avons déjà aff~rmé, une '''praxisll en dialectique avec une
démar.ehe théorique appuyées sur des bases scientifiques (linguistiques
psychanalytiques, marxistes, logiques et sémiotiques). ,
c
, '..
..
..
~ 10.f.
Cette ré~firmation de la position de' Rob~-G~;Ulet sur fond iqéologique d'inspiration marxiste se comprend à partir des textes publiés paX "Tel Quel" en 1968.
~ \
. l Lorsque Log;igues et Nombres paraissent sur le marché en avril
1968, . soit un mo'1s avant les événements, la France avài.t déjà subi
.
.
l'
é branl'ement d'une révolte, ert mars 1967..
Le 25 avril 1968, Les---lettres françaises ( revue communiste au ~ste audifoire), avait PUO~~i-'~'
:.
fI' entretien de Sollers avec Jacques Henrib: "Ecriture et révolut~Îlll~,: ... Dans deux articles écri ts pour la re~e Tel Quel d'été 1968, revue
par contre seulement diffusée en octobre ,les tel queliens précisent leur position à l'egard des événements de Maî. Ces articles, intitulés
"La. révolution ici et maintenant" et "Mai 1968"', témoignent que les
tel 'queliens se sont rangés fidèlemept à la position du P. C. F., en condamnant le mouvément comme étant issu d'intellectue+s petits bour-geois. !.;es tel queliel1s refuseront aussi ..de se j oindre à l'Union - des Ecrivains qui est. retenue aujourd 'hui comme le seul organisme à être né du conflit. L'un des thèmes" majeurs à être débattu lors
"
.
'de la fondation de cette union est., toutefois, précisément, le: rapport
.
' .
de l'écriture à la révolu~ion.
, Théorie d'ensemble
,
parait~à, la fin de l'année 1968 .et il faudra , ,attendre 1970 pour~ que ~es tel queliens s'expriment à nouveauexplici-tement a~ sujet de Mai
68.
Ce silence peut s'expliquer par le fait qu'à ~.tir des concepts, althussériens ,de "pratique théorique" et de "pratique", définie au s~ns large, leur se'1l engagem~nt poss~bleavait été .exprimé ( nous reviendrons
Sür
cette question).Les deux tel queliens qui bri~ent ce s!lence en 1970 sont, res-'pectivement, Jean Thibi~eau et Philippe Sollers, dans Mai
1968
enFrance (roman fictionnel) )récédé de "Printemps rougeit (essai).
'1
et- •
.'
.
,'r '1
r
,ft 'V \ ;: f • ~ " 11 • ... 'Selon Patrick Combes qu:ï: vient de publier le premier ouVrage spr La littérature & le mouvement de-Mai 68 (1984) ,. les premiers
ro-• 0
manso.
à:'
~ir pris pour thème Mai 68 apparaissent en 1970. Combes . déclare a~ s\fjet de Logiques et Noml?res: "Il faut mesurer "l'activitéidéologiqu~
potentielle de tels textés une semaine avantMa~.
D'une !certaine manière, Nombrel.} ouvre, avec un petit mois à l'avance, aux 'questions sur la littérature, le langage, <luS' posera le mouvement.
- On peut le lire, peut-être, comme le premier "roman" de/p.ur Mai". 5
'.
Dans les textes Cile Sollers et Thibaudeau qui datent de 1970, on peut saisl.r dans quel ,éi:.!lt d' esprit devaient se trouver. les tel queliens en Mai 68, même s'ils avaient renié le mouvement dans les textes justificatifs de 1968. Cette phrase de "Printemps rouge" est
.
\en eff~t particulièrement significative, car "Tel Quel" se
..
décl~e,dès lors, comme un agent de transformation e~ga.gé à partir de et en
• ~ r
continuité de l'action révolutionna~re du mouvement:"Il faut. acceqtue:r:. cette lutte, lui donner son écriture d'avant-~de, rapide, allusive, approfondissement historique où· notre société,
de~uis
un' siècle, a appris à se -creuser, à s '.interroger sur son ~ehors, 13à logique, ~eslangages, son passé. Sur ces ·trois scènes articulées,' Mai 19Q8.Al' aura pas de
'"'fin,
ni en France, ni ailleurs, jamais. ,,6 .•
~ La. Rèvolution culturelle chinoise a sans doute' exercé la plus '" forte influence sur
l~
mouvement deMai
68, ains'1 que's~
la pensée de théoriciens qui marquent la recherche théorique de ""Tel Quel",'1 •
notamment Derrida.L'inWrêt quasi /llIlB.Jlime-dem tel. queliens pour la Chine et sa pensée. est
~jà
manifeLte dans plasieurs de leurs écrits .(s~tout
Sollers, par exemple "Logique deh
fi~tion"),
dès 1962.Cet intérêt s ra --de
~lus
en plus' marqué (jusqu'à' environ1~75)
et la revue pu iera même en 1972.' aprèslà
rupture du groupe. avec le P~C.F. à caus de considérations maoïstes, deux 'numéros entiers d'autetJrs chinois wtisansas
cette idéologie.•
.
, , -' ; '-' .;~"--~ .;~"--~ " J.( , .,.'
..
~ , - --~---~----~---~---•
~ , ," -.;; ..
-'12.
,.
Les é-cri ts philosophiques de Derrida sur l' écriture, dont' nous étudierons l'influence sur'la théorie littérai~e tel qùelienne, expri-ment surtout la , remise en question fondamentale de la conjoncture -française des années 65-70et'èelle dU'mouvement detMai
68:
la penséeoz
et les valeurs occidentales.
a
'On POl:1TI'8.it 'également résumer le projet d'ensemble de "Tel Quel", ainsi que celui de Nombres de Sollers par cette phrase:" Ce qui est en .. cause, " c'est d' agr~r la déchit:ure du. système ~ymbolique dan~ lequel vient de vivre et yi t encore l' Occi-dent
~
moderne •• ". pour le décentrer, lui retirer ses pri vi,lèges millénaires, faire apparaî tre une écriture"nouvèlle ( et nonun
style nouveau) une pratique fondée" 7 "
e~éorie est nécessaire."
\
.
\; La chronologie qui, suit permet de mieux situer Ole "moment 1968
. de '~'Tel Quel":' ainsi que la tz:oisième phase idéologique dans laquelle
'il 13 1 inscrit 8:
...
- Accent mis sur la pratique immanente du texte - Eclectisme et
~bsence
de référence \scientifiqueDéf~ t~
_progre~si
ve de l'axe de référence de l' écriture paropposi tion
à
la
littérature.a
- Mise" en
~~~nde
des écri vains Sade, Mallarmé, Joyce, Artaud et Bataille. '- Alliance avec le Nouveau Roman
- Publications presque exclusivement fictionnelles:
)-1961: Le parc de Sollers ,L'Observatoire de Cannes d~ Racardou 1963: Les images de J .-L. Baudry, '.;;.Pa;;:ayS&.;;;.;;;a;.g,ge.;;.;s;;...;;;e.;;;;.n....;d;;.;;é;..;;;ux= de M.Pleynet
~ , ,
•
e t •
" ,
.
CI " o 13. t
.
.
R~cits complets de D.Roqhe
L'intermédiaire' de Sollers (recueil de r~its et d'eBsais)'
j
.
".: - Départ des membres fondateurs: Boisl'ouvray, J .Coudol, J .R. Huguenin,
J .-E. Hallier
, 0
2emephase:1963-1966
- ~upture avec le Nouveau Roman
- Renouvel1e~ent , du Comité de Rédaction: J.Ricardou, J.Thibaudeau,
D.Roahe, M.Pleynet, J-.P. Fay-e.
1
- Infiltration d'un savoir linguistique et sémiotique (Barthes,Todorov Jakobson) •
- 1963-1965: M. Foucault, J • Derrida, J:-J.Goux (membres externes) et
et J. Risset se
J
oignent au groupe.- 1965: Todoro~ introduit les formalistes russes au monde francophone.
PÙBLICATIONS FICTIONNELLFS
1964:Analo~es de Faye , .
Les idees centésimales de Miss Elanize'de D.Roche 1965:Drame de P.Sqllers
.
.
Comme de M.Pleynet La prise de Constantinople de Ricardou. • ~ PUBLICATIONS THÉORIQillS , 1964:Essais critiques de . Barthes.1965:Pour Marx d'Althusser
"La grammatologie" de 1 Derrida 1965: Théorie, de la litté-ture de Todorov - ,1 1966 :'Ecri ts de Lacan , / Critique et vérité, de ~thes
Les mots et les choSéâ' de Foucault - Figures'de G.Genette.
.
.fi
'~ 'rt'c
Il.. l
(.
,
14~
3èmephase: 1966-70: Marxiste-léniniste "
, 'f
- Kristeva se j oint au groupe (membre externe): influence de Ba,khtine. - Intérêt de plus en plus m~qué pour la science de'l'histoire •
- Politisation du groupe: rapprochement.avec le P.C.F. e~ ~es membres
de La. Nouvelle Cr). tiguè • •
- Nouveau sous-titre
à
la revue TeL.Quel: Science/littérat~e.- Edition italienne de Tel Quel.
- Période la plus prolifiqué sur le plan fictionnel et théorique. PUBLICATIONS FICTIONNELLES
1966:Compact de M.Roche
Ouverture de J.Thibaudeaù 1967:Personnes de J.-L.~udry
1968:Nombres de P.Sollers Eros énergumène de D.Roche
Imag~nez le nuitcde J.Thibaudeau
..
1J69: Archées de J. Henric
Les lieux dits de Ricardou '1970:La. création de J.-L.Baudry
Mai 1968 en France de Thibaudeau. , u
4
emephase:1970-77:MaoÏste PUBLICATIONS THÉORIQUES 1967:Lautréamont de M.Pleynet Problèmes du. Nouveau Roman de RicardouLa' gramma tologie et - L'écriture et la différence de Derrida 1968:Lo~igues dè P.Sollers Theorie d'ensemble 1969:Semeiotikè de Kristeva L'archéologie du savoir de M.Foucault -
)-"La dissémination" de Derrl~a
1970:Le texte du roman de Kristeva
- 1970:Rupture avec J.-P.Faye qui fonde la revue Change.
- Intérêt de plus en plus marqué pour les écrits de Mao, lecture de Lénine par Mao: .le concept de contradiction
-'Affirmation de la lecture de l'histoire en fonction du cor,flit
idéalisme/matérialisme léninien. .
- Crise du mouvement de Juin 1971:expansion idéologico-polftique, formalistes/autres courants.
-,1972: Rupture avec le P.C.F.
Départ de Ricardou, de Genette et Todorov (membres externes) gui fondent la revue Poétique ,
Rupture avec Deprida et départ de Thibaudeau.
- Nouveau sous-titre à la revue Tel Quel:Littérature/philosophie/
science/politique. ~ •
- ~ntérêt pour le mouvement féministe.
- Début d'un intérêt pOur l'écriture dissidente. ,
o
, 1977: 1) intérêt pour la Chine demeure une constante bilen qu'il' se modifie à plusieurs égards, notamment par une mise à ll~cart
des positions politiques maoistes.
, "
s é •
__ ~ _ _ _ ~ _ _ ~_~_L-'-~
\
a
1-)PUBLICATIONS fICTIONNELLES
1971:Révolutions minuscules . de Ricardou 1972:1oi5 de Sollers 1973:H de Sollers '1975:0péra Bouffe de M.Roche
Q
Une clnquième -phase s'ouvre • teurs de la droite néo-libé~ale.
..
• 1
P~LICATIONS
THEORIQUES
1971:L'écriture et l'expérience des limi tes de Sollers
,
1972:La dissémination de Berrida - 1973:Le plaisir du texte de Barthes
1974:Sur
la matérialisme,De l'ato--. mismeà
la qialectiguerévolu-tionnaire de Sollers
La révolution du langage .poétique de Kristeva
vers 197Tpa.r la~blicati.on
d'Ilu-Si la Il~cll:rratlonll (texte qui ouvre anonymement le prf'mlor numéro de Tel Quel) afflrmait une volonté de lltt./'rature IpU1'(' cd
éclectlque , cette affurna tl on sera reniée à menure qUt~ 1 t>:; ü'l
,
queliens progresseront dans leur recherche thporiqul'. "'1'(·1 (,,)\11' l"
1"('11-gira alnSl après Barthes, contrp la concep1.lOn j of'Il1 j~; t,p dl' 1 Il 1 i t t
,'.-rature et de l'écrIvaIn pt I:e, en radleali:3lillt ~lH PO!,j tir)!).
Cependant, que]que:~ con~;tli!)t(·:" !lIlT'ml \1-: l)J't'()I·I·ul).'lt 1 ()II:. qUI'
motlveront "Tel Quel" tout 1111 ('(Iur:; d,· : ()II '·Xl:.tl'Il(·'·, ItVII1"llt ,',t,',
exprlmées,dè:; 11a fondatIon dll°!1l()\JV"ml'IIL:
/
" et ct u l Hll/~af;p •
2- L'btude de lI! rnl,I(jPrTllt.t'· ,,·t 111 ml:;' l'ri '-vid"II""
d''-''Ti-V/11m3 (~xcluc dl' l'hJ.:;t.~ 11'1' Iltt"·!'I!!!· •.•
Nous escR.ü·ron:3 fn1iln1.(·rlli111 d,· 1",ml'I"·!I.!r' J ••• j"llld"rn"flt.' i, 10'11'1 lI'
, 1 ..
desquels s'arhculfmt, ('f'tt.l· 1''','!Jf}J'(·i,.' d" )Il f· .. ·,d i 1. •.. d.· l',"('r'jtlw" ,,1,
.
du langage,tun:>J qll(' 1.·:; I)Ut.l j:; d"'V:·j'IPfH":' Itl1'
,
d'étudler tillf' mfX1Pn,) tJ. ri'-·j
Iml)'''':' ('1.
1")11 ,. II,! •toin.: l i tt/~rrli l"'.
. j,,_ "/'(']1,. l',n:' '1.· l '~Ii;·-
.
.
.
" o r' /2 •,
O' ...
- / , 16. / /1- THEORIE Er PRATIQUE THEORIQUE
"Un ré ci t mythique nouveau est alors mis en place par une matrice de/transformation
qui fonctionne dans un proces~us d'intégra-tion en mouvement perpéfuel. Il y.a désor-mais une triple fonction: translinguistique, gnoséologique, politique."
Philippe Sollers
..
..
..
•
?
•
) 1 ,I-~RIE
ET PRATIQUE THEORIQUE.
~
1968,
le projetthéori~o-pratique
du mouvement "Tel Quel"se laisse surtout saisir par le bi~is de Logiques et Théorie d'
en-( , , , ,
semble mais aussi,' bien sûr, par les publications indivitiuellofl des
auteurs les plus influents
à
la source d~ce projet (Barthes,- Foucault,j
Lacan,~ Althusser)- Derrida et Kristeva) et 0 par certains articles de
ia revue Tel Quel et de La Nouvelle cri tique avec laquello "ToI Quel"
se rapproche •
Parmi les articles, de Logiques et de Théorie ct' t'ntlèmble, pot"t.1l i rw
.. sEt sont révélés essentiels à notre propos et d' U\:J lrtw fueu] t.al if:,.
1\insi, les articles de Logigues auxquels nous nou:; réf{!rt:rons 1.lUI"tout
sont:" "Programme", "Logique Qe Id fiction''ot "Li tt/'n! turf' pt totHli li>",
"Le toit", "Cri tique de la lpoésie" et "Le, roman et l ·l'xIlI~J·f pnc'o d(·!;
limites". Les autres articles sont des étude:; cH tiqul'H nm- di 1'1',"1'('111:1
auteurs pa.rm~ l~squelles nous avons inqlé ('(·11f' !.lUI' Lnutr-t"1lmon t,
"La science de Lautréa.mont!', afIn dl' vI'rIfi(!r l'lI.pplklolt1ol1 ch· 1.H
méttode d'analyse tel qUèlienne, de voir eommen'" ln
t[l1flqrot'~d,i('lU
idéologique que subit le groupe se trndui 1. :lUI' :111 m,',1,h()dol()gi'!.
L'un de nos buts est de comprendre comment 11:1 /'ludj"ll!' 1 .. :; 11u1.'·\lrn
choisis, !Dais aussi le POÜr<i~Ol de l uur cho i x 'd
'l'·
tlld,·:;·. UOIl:l rot,N)OIl:'de Théorie d'ensemble l~s nrtic1o:J de Soller:, U.), dl! K!'lntftvti (/)
de .6audry (4), de Houdebinf' (2), liinni que cf~)111 dl' rK'rrldo 1\1. cf'lu\
Q
de Goux, à partir desquels l 'apr~r('il t.h
r
!Ol-\r-o-prIlUqUl' (h· "1'(>} (,.)\H:l"se laisse pénétrer davantage.
"
. Le "Progranune" qUi ouvre Logigues TXJlJP. qUlltr" pr('mlll1w"adont
chacune est _argumentée pa.r ](1 tJjRln ri .. [PUtt!'" J#lrtJf{roph"il. C'Jrnm ..
nous ~e verrons plus en .détAi l lor:J(~uf! n(Jull {·lltl.,,)r'~r(JrHl lIur 1" rrlppllt't.
entre Logi-gues et Nombres, le "ProgralIlJDf!'i tout culD!Dt· NI)whrrLl, pr,"ÎllIllt.ll
une .Jtructure allégorique qua ternal r(J (~U 1 A\Jf.w-"rt • hl tlC';"nfl d (Utl _ ...::..
théâtre,' ma1s aussi la conceptual1f\st1(JO 1P'1.tl'r1n11nv· ri,. 111 1AfIt;'rl~
'~
alité' de l'univers se l on l Ij coomo~on 1 p. 1;; ,in tl qun ~ hi ne) ~' A tH- •
I-,
,
, /.,
(
..
.
(
)..
~ .•
j8. JLes deux pFemières prémisses annoncent une théorie d'ensemble
conçue à pirtir de et faite dans 'le mouvement de la pratique dë'
l'écriture. Les troisième et quatrième prémisses caractérisent cette
1 1
théorie établie en réaction contra l'histoire cursive et téléolpgique, ,
et élaborée en fonction d'une analyse des textes au sujet desquels
on fait ressorti~ une pluri-dimensionnalité:
.
.
"1. Une théorie d'ensemble pensée à }i)artir de la. pr~tique
de l' écri ture demande à être élaborée. ,,1 . . .
r
"~I.
La. thée:rie de l' écri ture~textuelle
se faitmouvement de la pratique de
cette~écriture.1I2
,
dans le
,
"III. La. théorie de l 'histoire de l'écriture textl,lelle peut être
appelée "histoire monumentale", dans la mesure ou elle "fait
fond" de façon littérale, par rapport à une histoire "cursive",
figurée (téléologique), ayant servi à constituer en le
dissimu-lant un espace écri t/ extérieur " 3
"IV.
La théorie, 'qui ne se fait" jamais que SUR TEXTES, est en somme, ..; \/J
dans la mesure où elle les fait lire dans lEnÏr "monumentalité", la ponct~tio.n, la scan~ion, la mise en place, des textes.Elle est, par définition, plurielle. Ell~ pnend le nom de
. LOGIQUES." 4
Dans Théorie d'ensemble, le projet théorico-pratique de "Tel
Quel" .est 'décrit selon sept objectifs ( "Divisiort d'ensemble") à
, '
parti~ desquels se dégagent trois autres prémisses:/
c.
'~'éoriture dans son fonctionnement producteUF. n'est pas
représentation." 5 "
r·,
e t •
.
, '....
" t .'..
,
o -/' o , ,~.
6
"L' écri tilre seande l' histoire. "
"
19.
}
~ , ,
"L'
ecri ture ~e fait plus signe dans la véri te ; ( ••• ).,,7, f
L '
Quels théoriciens sont
.
à la source de ces prémisses et comment,
ces de~ères s'articulent-elles. dans la. démarche théorico-pra tique
de "Tel Quel"? Nous èntendons t'épondre à cette question J:6.r l'étude
des lieux communs ou "topique", à ~tir des notions définies dans
. ,
.un article de Marc Angenot: "Présupposé,topos,idéologèlI!e". La
"topi"-que,tI étudie les lieux communs d'un système idéologique et leur
fonc-tion dans
l~argumentatio~
dia+ectique.8 Il s'agira donc pour nousde retrouver ces lieux c~mmuns, l'implicitè (enthymême, non-dit)
à la source de ees prémisses tel queliennes. Cette méthodologie
-nous aidera à exposer le système idéologique tel quelien et à llmor~tJr
l'analyse des différentes instances, soluvent-contradictoiren et
eotl-/ ~
flictuelles, qui le constitu~nt.
A- LA GRILLE D'ANALYSE LITTERAIRE TEL QUELlENNE: PruSJUPPOS~1 TOPOS
."
~ '\ET IDIDLOGEME. ...
La référence
à
Derrida est une' constante chez toUtl 1('3 to lqueliens au moment de leur troisième phase idéologique. Dorr1ùa nIent
,
,
.
.... jamais, par eux\ remis en cause; sa théorie est donnéf! comme une
évidence admise par tous. Une autre constante particulièrement
impor-" tante 'est la référence
à
Freud dont la. théorie est P'U' contre cr1ti-"quée
à.
plusieurs égards (Baudry), res! tuée selon le point de, vuelacanien (Kristeva) ou
car~ément ~je~e.
Dans "Littérature e.t Révolution:vérité de 1 'avant-gaFde"( "r(rr7)~,
Sollers faisait remarquer, .après-~oup, qu'à'l'excluaion ~OB crlo~u'
Politiques, toutes les autres crises de "Tel Quel" qui .ont conduit
à
des. ruptures avaient été liées jusqutalors_ au r.apPort à "Freud,au refus de certains membres de considérer la théorie freudienne:
,
,
•
",.
.
, - ji' v..
L ___ _
CI
.,
t
'20.
"Si on pense qu'interv~ent l~, et de façon d~ter
minante, une pr"atique qui est la pratique, "litt~
ralre; à savoir une prâtique de langage, qui
dégage le sens de toutes nos positions, de toutes
nos transformations, on vo'it très,. b'len que le
no"e\oJd de tous les problèmes\. s" inscrit dâns la
questl'on de-::la découverte f.reudienne ( ••• )."9
r- La. position de Sollers à -l'égard· de Freud~ en '1968, avant ou
après, est elle -même assez difficile- à saisir. ou à
sin
vre. EnI 1968,Sollers se réfère en effet davantage aux théorici~ns , marxistes, mais
il se réyèle lacanien, ne ~erait-ce que par l'influence qu'il subit
9-e la part d~ Kristeva. L'article, ci-haut relevé, temoigne qu' ii
déplore que Je. marxisme n'ait pu connaître l'essor connu:par .la
psychanalyse sous l'influence de Lacan. En 1978, dans "Le mlU"xisme
sodomisé par la psychanalyse' elle-même violée pâr on ne sait quoi",
(titre assez révélateur), il rejette à la fois psychanalyse et
mar-p ,
xis~, en dénon~ant l'impVÏsSiance de ces dernières fciences, à ~pporter
des écla~cissements
.
sur l'objet littéraire •, '
En 1968: i l est par contre possible, à partir de Sollers, de
poser les
problématiq~s fondame~tales
qui sous...rtendent, selon nous, \la recherche théorique de "Tel Quell!: commeni concilier la
probléma-t li f Il
tique de prodùction avec celle de la producti vi té, comment concilier la méthode structurale avec la méthode dialectique?
C'est en effet autour de ces quest~ot ~ncore très actuelles,
très confliètuelles, que semblent se regro per les tel queliens au
moment de leur troisième phase idéologique: e tentative
d'articula-"
,
tion du matérialisme historique et du matérialisme dialectique avec
•
le structuralisme et "la psychanalY&e. Une influence déterminante intervient dans i'élaboratiôn de cette articulation: Julia: Kristeva.
~
-ct
f t/
, , o -. ~ ' : e ' ... 21.
.. Dans
-un -article ultérieur de Baudry ("Pour unema\ério-logie"( 1971)), se pose assez clairemeOnt les liens qui justifiaient
la mise en rapport de l'inconscient et de l'idéologie comm~ objets
d'inv,estigation scientifique: r
-,
"( ••• ) elles (psychanalyse et pratique
idéolo-gique) ont toutes deux affaire à des formations
signifiantes e t ' l'une et l' aut re se trouvent
dans la néo.essité de distinguer entre texte
mani-fest~ et contenu latent, ce qui laisserait présu-mer des recoupements dans la méthode et des trans-ferts possibles de concepts. Et sans doute la parenté irait-elle encore plus loin si l'on admet
la nécessité de faire appel .à l ' idéolog~~ pour
l'élaboration \d'une théorie du sujet réel."
-On comprend ici qu'un tel transfert suppose le concept opéra toi ro
"d'inconscient idéologiqu.ell (d'ailleurs défini par Baudry) ct "111-'11
s'ëffectue surtout au niveau méthodologiq~.
Nous essaierons donc maintenant de comprendr'e pl , UD Cil d:~ tu i l ,
comment s'articulent psychanalyse, marxisme et form111inme, lm tl'lltlllt
•
compte de 'la critique adressée au structuralisme. 1- Les bases épistémologiques •
..
a) L'influence d'Althusser.
Comme nous l'avons déJà laissé entendre, c'eut là théori('
nlthun-sérienne qui se trouve à la source~e la façon dont s'exprime l'eng6~
gement politique de "Tel Quel".
.
la lecture 4e Marx pàr A1thus~er,ainsi que cerj.a.ins concepts élaborés par ce dernier, COTl13t1 tuont
,
aussi des fondements de la recherche tel queliennc.
Al thusser distingue. dans la producthm théorique de Mllrx, une
ruptt.re épistémologique qU'il situe en 1845 en mÂ.rquant d(·ux ~rlodon:
-1 •