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Les pratiques numériques des militants du parti démocrate américain et le maintien du contrôle de ses élites

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Academic year: 2021

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LES PRATIQUES NUMÉRIQUES DES

MILITANTS DU PARTI DÉMOCRATE

AMÉRICAIN ET LE MAINTIEN DU

CONTRÔLE DE SES ÉLITES

Mémoire

François Larouche

Maîtrise en science politique

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

© François Larouche, 2014

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Résumé

Plusieurs chercheurs ont constaté que les partis politiques utilisent désormais les nouvelles technologies de l'information et des communications (NTIC) pour renouveler la manière dont ils effectuent leurs opérations traditionnelles, comme les levées de fonds, la mobilisation des militants, la captation des sympathisants et la coordination des activités de militantisme. Certains chercheurs estiment que les NTIC favorisent l'ouverture et la décentralisation, même si les partis politiques sont traditionnellement centralisés et sous le contrôle d'une oligarchie. Dans la ville de New York, au sein du milieu des militants démocrates, j'ai tenté d'appréhender comment les pratiques et les usages technologiques interagissaient avec les forces et mécanismes internes du Parti démocrate. À la suite de mon immersion et des rencontres avec des militants, j’ai constaté que les potentiels et l'utilisation des NTIC semblent d'abord être structurés par les contraintes relationnelles et les rapports de force en présence. Ensuite, il est apparu qu’un ensemble de normes, de pratiques et de valeurs forment une microculture démocrate structurant l'ensemble des pratiques militantes, où l'utilisation des nouvelles technologies joue un rôle non négligeable. Au lieu de permettre une décentralisation et une transparence organisationnelle, l’adaptation du Parti démocrate à une communication et organisation numérique semble plutôt favoriser le maintien des élites en place.

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Abstract

Political parties are now using information and communications technologies (ICT) to renew how they do their traditional operations, as fundraising, recruiting volunteers and organizing activities. However, some research suggest that ICT will help to open and decentralize organizations, even if political parties are traditionally centralized organizations under the control of an oligarchy. In New York city, I interviewed democratic volunteers and I tried to understand how the practices and the usages of ICT interact with the forces and internal mechanisms of the Democratic Party. According to my observations, I noticed that ICT's potentials seems to be first structured by relational constraints and power relations. Furthermore, it seems that a democratic microculture, bound by a set of standards, practices and values, is structuring activists practices within the party, including a common ICT usage. Instead of being a force of organizational decentralization and transparency, the adaptation to virtual communications and organizing rather seems to maintain established elites.

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Table des matières

Résumé...iii

Abstract ...v

Dictionnaire des acronymes...ix

Remerciements...xiii

Introduction...1

Chapitre 1 – Revue de la littérature...7

1.1 – Les potentialités du Web pour les partis politiques...9

1.2 – Les fonctions des nouvelles technologies...13

1.3 - La normalisation du Web et la prise en compte de logiques sociétales...26

Chapitre 2 – Problématique et cadre conceptuel...33

2.1 – Question de recherche...33

2.2 – Le Parti démocrate américain...39

2.3 - L’ascension de Barack Obama : le mythe de l’influence du Community Organizing...42

2.4 - Facteurs sociaux et dynamiques internes des partis politiques...45

2.5 - L’utilisation des nouvelles technologies comme pratique culturelle...48

Chapitre 3 – Méthodologie...51

3.1 – Approche méthodologique et originalité de la recherche...51

3.2 – Méthodes de collecte dans une analyse empirico-inductive du fonctionnement interne du Parti démocrate...55

3.3 - Ethnographie en milieu urbain : intégration et recherche de participants sur le terrain...57

Chapitre 4 – Pratiques des militants et dynamiques intra-partis : les pratiques en ligne comme continuité de la vie militante...63

4.1 – L’utilisation intra-parti des nouvelles technologies...64

4.2 – Les contraintes quotidiennes du milieu militant : démystifier la structuration de l'utilisation des nouvelles technologies...71

4.3 – Organizing For America : de grassroots à establishment...100

Conclusion...107

Bibliographie...113

Annexe 1 – Schéma d’entrevue ...134

Annexe 2 – Profil sociologique des participants ...136

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Dictionnaire des acronymes

ACRONYME SIGNIFICATION

CDA College Democrats of America

DCCC Democratic Congressional Campaign Committee

DLCC Democratic Legislative Campaign Committee

DNC Democratic National Commitee

DSCC Democratic Senatorial Campaign Committee

GOTV Get out the vote (sortie de vote électorale)

MyBO my.barackobama.com

NTIC Nouvelles Technologies de l'Information et des

Communications

NTC Neighborhood Team Core

NTL Neighborhood Team Leader

OFA Dépendamment de la période historique : Organizing For

America (2009-2011) / Obama For America (2007-2008,

2011-2012) / Organizing For Action (2013) SMS Short Message Service

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À mes racines, à ma patrie. À Nicole et à Marie-Élaine.

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Remerciements

Ce mémoire est le résultat d'efforts et de nombreux sacrifices personnels. Toutefois, il est également le fruit de l'appui et du soutien de nombreuses personnes. Je tiens, d'abord, à remercier Anne-Marie Gingras, une excellente guide et conseillère, pour sa passion, sa rigueur, mais également pour avoir mis au défi mon intellect. À mes parents, merci pour votre amour et votre aide dans les moments difficiles. J'ai toujours eu le sentiment que vous aviez foi en ce que je faisais. C'est vous qui m'avez inculqué le désir du dépassement et la soif de l'excellence.

Des remerciements bien mérités vont à Jade Simard et mes collègues académiques Isabelle Bouchard et Jean-Philippe Marcoux-Fortier pour leur écoute, leur appui et leurs bons conseils offerts tout au long de la réalisation de cette recherche. Un grand merci à tous mes collègues de travail, et plus particulièrement à Jean Bouchard pour son ouverture et sa patience à mon égard! Un merci du plus profond de mon cœur à Marie-Élaine Dufour pour l'inspiration, les conseils et l'aide qu'elle m'a apportés après tant d'années. Tout simplement, ce mémoire n'aurait pas été possible sans elle.

Je souhaite aussi exprimer ma gratitude aux personnes rencontrées à New York. Je pense d'abord à Deborah Gaffaney pour son amitié et son support dans ce projet. Merci également à Amy Miller, Sharon Reshef, Nikko Price et Hugo Corvin de m'avoir accepté et accueilli dans leur milieu. Mille mercis à John Parizella, alors délégué du Québec à New York, pour son temps, sa passion et la fine analyse politique qu'il m'a partagée. Pour terminer, merci à toutes les personnes autour de moi qui ont contribué, de prêt ou de loin, à ce mémoire.

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Introduction

I think that like on my personal page I have the discretion to put whatever I want out there. But when I am working on a campaign I always try to, I really reflect well on the campaign. So, if there is an article that I think shed the light on how well the president has done on a certain issue, I will post that. […] So definitely, I do feel that I'm totally in control of what I'm puting out there, I don’t feel like I have to change anything, due to the campaign (Alice, militante démocrate de New York, 2011).

Au premier abord, en affirmant toujours représenter positivement son parti politique en ligne, tout en n'adaptant pas ses commentaires pour autant, les propos d'Alice peuvent sembler contradictoires. Néanmoins, ils dissimulent les raisons qui m’ont amené à faire une maîtrise en science politique. Ces contradictions sont au cœur de l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et des communications (NTIC)1 par les militants2

politiques. Elles soulèvent également plusieurs questions. Est-ce que cette utilisation change la joute politique? Plus particulièrement, est-ce que la simple utilisation des nouvelles technologies chez les partis politiques peut mener à l’éclosion d’un mouvement politique de masse tel que semblent le suggérer les campagnes électorales américaines d’Howard Dean et de Barack Obama? Sinon, quel rôle jouent-elles?

Deux sources ont inspiré cette recherche, en plus de souligner que ces questions renvoient à la nature même des organisations partisanes. La première est le livre de Pascal Robert,

Une théorie sociétale des TIC : penser les TIC entre approche critique et modélisation conceptuelle (2009) et la seconde, l’article d’Anne-Marie Gingras, « La démocratie et les nouvelles technologies de l’information et de la communication : illusions de la démocratie directe et exigences de l’action collective » (1999b). Les deux ouvrages

s'inscrivent dans une approche critique et postulent que les NTIC doivent être appréhendées à travers les multiples logiques sociétales sans omettre les mécanismes 1 J'ai choisi de conserver l'appellation « nouvelles technologies » parce qu'elle permet d'englober les innovations récentes d'Internet et des technologies médiatiques.

2 Dans le présent ouvrage, un « sympathisant » représente l’électeur qui appuie ou vote pour une formation politique. En ce qui concerne le militant, il est un sympathisant qui s’implique activement pour une formation politique. À la section 3.1, je précise qui sont les militants du Parti démocrate.

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sociaux. Ces forces structurent l’utilisation des nouvelles technologies et la réalisation de leurs potentiels et de leurs promesses.

Les travaux de Michels (1971) témoignent également du fait que les partis politiques sont des environnements habités par de multiples forces et mécanismes sociaux. Par exemple, c’est la direction d'un parti qui contrôle la gestion de son organisation et de ses relations publiques. Selon l'auteur, tous les partis politiques sont progressivement accaparés par une classe professionnelle dominante. Si une direction contrôle déjà le parti, elle travaillera activement à maintenir cette position grâce au contrôle de l'information, à son professionnalisme s'opposant à l'amateurisme des militants, à la vénération et à la volonté des militants d'être dirigés par des leaders. Michels appelle cette tendance à former et maintenir des classes dominantes la « loi d'airain de l'oligarchie » (1971 : 349, 364-365). Toutefois, même si la direction dispose de plusieurs moyens pour affirmer son autorité, les partis politiques peuvent difficilement se passer d’une main-d'œuvre électorale. Ayant accès à une technologie facilitant la communication et favorisant la transparence ainsi que l’autonomie de l’action politique, les partis doivent désormais jongler avec l’envie de profiter de ces avantages tout en cherchant à maintenir le contrôle de leur organisation. L'expression en ligne des conflits et de la dissension intra-parti est également possible. Est-ce que le potentiel de décentralisation des nouvelles technologies affecte l’autorité des directions des partis politiques? Comment un parti politique peut-il bâtir un mouvement politique par le biais de ces nouvelles technologies sans perdre le contrôle de ses opérations?

Dans The Politics of Cyberspace, Resnick (1998) propose des éléments de réponse. Dans son chapitre « Politics on the internet: The normalization of cyberspace », il remet en question l'idée selon laquelle le Web améliorera les conditions de la compétition démocratique, c'est-à-dire partisane. Selon sa théorie de la normalisation, l’utilisation d’Internet ne suffirait pas – à elle seule – à altérer les rapports de force de la société et les structures de pouvoir. C'est en fait le Web qui est altéré par les rapports de force en présence. Maintes fois cité dans la littérature, Davis (1999) appuie l’idée de Resnick dans son livre The Web Of Politics : The Internet’s Impact on the American Political System.

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Selon l'auteur, c'est le système politique américain qui aura un impact sur Internet et non l'inverse. Ainsi, le Web sera normalisé et réutilisé par les acteurs dominants puisque ces acteurs établis ont la volonté, les ressources financières et les ressources humaines nécessaires pour développer sur le Web une structure et un contenu crédible et familier les favorisant. Davis ne nie pas l’existence de joueurs alternatifs hors ligne, comme en ligne. Il doute simplement qu’ils auront un impact significatif :

Ce débat n’assume pas que toutes les informations seront contrôlées à travers la structure établie par ces forces. Ce n’est même pas vrai aujourd’hui dans le monde hors ligne. N’importe quel individu ou groupe peut publier un bulletin électronique ou un magazine, développer leur propre liste de courriels, et ainsi, rejoindre des lecteurs. Internet […] facilite cette activité. Cela ne changera pas. Le débat porte plutôt sur le fait que les forces qui dominent actuellement la livraison des nouvelles politiques, qui éclipsent les efforts des indépendants, vont aussi le faire sur Internet (1999 : 5).3

En ce sens, il n’est pas certain qu'Internet soit l'outil égalisant que certains attendaient. Prenant l'exemple des groupes d'intérêts, Davis (1999 : 82) rapporte que plus le budget d’un acteur sera grand, plus son site Web sera fonctionnel, professionnel et convenablement maintenu. À ce propos, Latimer (2009) appuie Davis en indiquant que la crédibilité des acteurs connus (mainstream) (Carlson et Djupsund 2001; Gibson et Ward 2003) et l'importance de l'argent dans le développement Web (Margolis et al. 2003) tendent à expliquer les différences entre l'apparence et les fonctionnalités des sites Web des candidats politiques de premier plan et de second plan.

Alors, peut-on s'attendre à ce qu'Internet favorise l’émergence d'une masse de militants semblable à un mouvement social? Davis (1999) conclut son chapitre sur les campagnes électorales en se demandant si les électeurs prendront une place plus importante dans le processus électoral. Davis prédit qu’il y aura une plus grande interactivité entre les candidats et les électeurs, tout en précisant que cela n’influencera cependant pas la relation de pouvoir lors des élections. Puisque l’intérêt de la population pour les campagnes électorales ne sera pas plus grand grâce à l’idée de communiquer directement

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avec un candidat, ce seront les électeurs déjà intéressés à la politique qui en bénéficieront le plus au détriment des autres (Albert 2009; Best et Krueger 2005) :

Les principaux bénéficiaires parmi l’électorat seront ceux déjà intéressés à la politique. Ils auront plus d’informations sur les candidats et les campagnes. Cependant, le reste de l’électorat et ceux qui n’en font pas partie n’en profiteront probablement pas puisqu’ils ne visitent pas ces sites fréquemment, sinon jamais (Davis, 1999 : 119).4

Pour Gingras (1999b, 2003), les potentiels du Web ne se matérialisent pas du seul fait que les conditions technologiques sont présentes. L'analyse des NTIC ne peut pas uniquement porter sur l'identification de potentialités répondant à des problématiques sociales complexes, telle que l'amélioration de la démocratie. Les potentiels des nouvelles technologies sont adaptés selon les rapports de force et les processus sociaux du monde réel. Puisque le Web est construit et opéré par des humains, il fait partie de l'équation sociale. C'est donc un appel au retour de la prise en compte des logiques sociétales, comme les logiques techniques, économiques, politiques et sociales (Gingras 1999a : 256). Cette approche, qui englobe la politique en général, s'applique donc également aux partis politiques.

Vedel (1994, 2003a, 2003b) abonde dans le même sens en suggérant de fuir le déterminisme spéculant sur l'influence des NTIC en politique et de se tourner plutôt vers une approche en termes de potentialités et de pratiques qui modèlent la technologie (Vedel 2003a). Conséquemment, l'utilisation des nouvelles technologies au sein des partis doit être analysée en tant que réseaux socio-techniques (Bijker 1995; Foot et Schneider 2006; McKenzie et Wajcman 1999; Vedel 1994). Les partis politiques ne sont pas des objets ou des acteurs unitaires. Ils seront plutôt vus à travers le modèle « d'arène intra-parti », c'est-à-dire comme des organisations à multiples composantes (Gibson et Ward 1999 : 342-343).

Afin de mieux comprendre le rôle des nouvelles technologies dans la distribution du pouvoir au sein des partis politiques, j’explorerai son utilisation par les militants à 4 Traduction libre à partir de l'ouvrage.

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l’intérieur du Parti démocrate américain de la région de New York. Mon étude s'inscrit donc dans la foulée des travaux qui ont intégré le milieu partisan pour tenter de comprendre les actions et la subjectivité des acteurs, ainsi que les normes internes des partis. Une approche ethnographique ancrée dans le paradigme qualitatif a été sélectionnée afin de répondre à la question de recherche qui oriente l’ensemble de ce mémoire : En considérant la tension entre la nature centralisée des partis et le

potentiel de décentralisation des nouvelles technologies, peut-on penser que les nouvelles technologies vont défier avec succès la « loi d'airain de l'oligarchie »?

Dans cette recherche, je compte décrire et comprendre la place qu’occupent les nouvelles technologies dans l’expérience des militants démocrates. En premier lieu, une revue de littérature sera mobilisée afin de décrire l’éventail des outils technologiques utilisé chez les partis politiques. La section suivante explicitera la problématique de recherche ainsi que les différents concepts utilisés. Le cadre conceptuel permettra donc de mettre en contexte les fondements sociaux, culturels et politiques de cette utilisation des nouvelles technologies. Finalement, les résultats seront présentés et commentés dans le dernier chapitre. Il portera, d’une part, sur l’utilisation interne des nouvelles technologies au Parti démocrate et, d’autre part, exposera comment les contraintes vécues quotidiennement par les militants s’inscrivent dans une structuration des potentiels technologiques.

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Chapitre 1 – Revue de la littérature

En 1991, le sénateur démocrate Al Gore déposa le « Gore Bill »5 ayant pour objectifs de

créer des emplois, d’améliorer les services publics, mais surtout d’instaurer une démocratie plus ouverte et plus participative grâce au développement d'une infrastructure nationale d'information (Bibliothèque du Congrès des États-Unis : consulté le 7 décembre 2013, http://thomas.loc.gov/cgi-bin/bdquery/z?d102:S272:). Les espoirs suscités par les nouvelles technologies de l'information et des communications (NTIC)6, dont fait partie

Internet, ne semblent pas s'arrêter aux régimes démocratiques. L'un des mécanismes fondamentaux du régime démocratique, les partis politiques, y serait également « réinventés » (Scola 2011). D’ailleurs, Blanc et Seraiocco (2010), conseillères en commerce électronique et marketing Web, invitent les partis politiques à se restructurer et à s'ouvrir à ce qu'elles estiment être la volonté populaire par l'utilisation des NTIC. Selon elles, les partis doivent prendre en compte les discussions communiquées à travers le Web dans leur processus de gestion et de prise de décision. En réalité, que se passe-t-il chez les partis politiques? Devant cet univers technologique qui évolue si rapidement7,

que sait-on de l’utilisation du Web chez les partis politiques? Tout comme Blanc et Seraiocco, plusieurs praticiens de la communication Web ont tenté de répondre à ces questions.

Pour Trippi (2004), ancien directeur de la campagne présidentielle du démocrate Howard Dean, Internet est « une chance pour les gens de ne pas simplement voter, mais d’être engagés à nouveau, de rédiger l’agenda [politique] et de contribuer à l’organisation, d’influencer davantage que des chiffres »8 (Trippi 2004 : 20). Trippi argue que le peuple

(the people) se réintroduira dans l'espace politique, monopolisé trop longtemps par le discours télévisuel et par une élite politique trop proche des intérêts des grandes 5 Le sénateur Gore deviendra plus tard vice-président des États-Unis de 1993 à 2001.

6 Dans la présente recherche, j’utilise l’expression « nouvelles technologies » et NTIC pour représenter l’ensemble des technologies permettant le traitement et la transmission des informations, notamment les ordinateurs, l'Internet et télécommunications.

7 Pensons à MySpace qui fut surclassé en nombre d'utilisateurs par Facebook, ou encore aux forums et aux services de clavardage dit « clients à clients » comme mIRC qui ne sont plus des outils largement utilisés sur la Toile.

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entreprises. Dans un autre ordre d'idées, le praticien raconte dans son livre « The

Revolution Will Not Be Televised » comment il a pris conscience d'une potentialité

d'Internet. Pendant une entrevue à la radio de son candidat, Trippi fut informé que les dons faits à la campagne étaient en train d'exploser au même moment. Aussitôt l'entrevue terminée, le rythme des dons revint à la normale. Il n'en fallut pas plus à Trippi pour saisir que ce qui avait « fait sauter la banque », c'était les auditeurs, motivés par l'entrevue, qui effectuèrent des dons par Internet.

Dans sa description des opérations chez Obama, McGregor (2009 : 69-72) décrit comment le financement par Internet faisait partie de la communication routinière avec les sympathisants alors que ces derniers recevaient de nombreux courriels les invitant à donner 5, 10 ou 20 dollars et que la campagne leur offrait les outils Web pour monter leur propre campagne de financement personnelle. Ferrand (2009 : 5-6), quant à lui, est catégorique à ce sujet : les dons représentaient le premier niveau d'implication dans la campagne. L'organisation tenait ensuite ces donateurs informés sur les activités à venir et les invitait à approfondir leur implication en « descendant » sur le terrain.

Les partis utilisent donc les nouvelles technologies afin de profiter des promesses liées à leur potentiel. Selon O'Reilly (2005 : 247), ils le font grâce à un ensemble d'outils Web qui forme une « architecture de participation » capable de partager de l'information, bâtir des réseaux sociaux - dans le sens de liaisons sociales et non des sites Web comme Facebook9 - et de permettre une véritable interaction. Au cœur de cette architecture, on

retrouve les philosophies d'une participation et d'une co-production en ligne que l'on nomme le « Web 2.0 ». Pour Christiansen et Roberts (2009), l'opérationnalisation de cette vision participative a eu comme conséquence lors de la première campagne de Barack Obama d'établir le « nouveau modèle d'armée » politique. À ce sujet, Ferrand ajoute :

[Il] ne s'agit plus d'une campagne politique traditionnelle, de conviction des électeurs, mais d'une campagne visant à créer un mouvement, une campagne de mobilisation. [...] Plus de 10 millions de personnes ont participé à la campagne d'Obama. 3 millions ont fait des donations. 1.2 millions ont milité sur le terrain. Du

9 Dans le présent mémoire, j'utilise l'expression « médias sociaux » pour désigner les sites Web comme Facebook, Twitter et Linked In. Les « médias sociaux » sont donc distincts du concept sociologique des « réseaux sociaux » (« networks »).

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jamais vu. Barack Obama a créé un immense mouvement, une communauté Obama (2009 : 2).

Les praticiens promettent donc que l'utilisation des NTIC permettra aux partis politiques de considérer davantage la volonté populaire, de bâtir une base militante et d'amasser des fonds. Est-ce que ces promesses sont réalisées ou non selon les chercheurs? Que peut-on retenir de la littérature académique sur l'utilisation du Web dans la communication et l'organisation des partis politiques? Dans le chapitre suivant, je ferai un tour d’horizon (cf. 1.1) des potentiels qui s'offrent aux partis, (cf. 1.2) des fonctions remplies par les nouveaux outils Web chez les partis et, plus fondamentalement, (cf. 1.3) de la manière dont cette utilisation du Web est adaptée au sein des partis politiques.

1.1 – Les potentialités du Web pour les partis politiques

La littérature académique sur les relations entre Internet et la politique était déjà abondante dans les années 1990. Basées sur une utilisation qui en était à ses premiers balbutiements, des visions largement différentes s'entrechoquaient et inspiraient tout un éventail de souhaits et de craintes. En d'autres termes, des possibilités s'ouvraient au monde politique. C'est dans un contexte d’expérimentation qu'une littérature étudiant les potentialités d'Internet s'est vite développée. En effet, cette première littérature est largement fondée sur le fonctionnement technique d'Internet. Par sa nature même, le Web est structurellement bidirectionnel. Tout ordinateur qui se connecte à un réseau peut ainsi émettre des paquets10 d'informations à une adresse spécifique sur ce réseau, mais il peut

également recevoir des paquets des autres ordinateurs. Cet aspect n'est pas négligeable alors qu'il est caractérisé par la fin du monopole d'émission des médias traditionnels et par le contrôle de l'opérateur, c'est-à-dire que l'individu qui utilise un ordinateur consulte une donnée souhaitée et qu'il peut arrêter un échange d'information quand bon lui semble (Minh Duc 2005).

À ces fondements s'ajoutent plusieurs fonctionnalités virtuelles telles que les automatisations (les processus11 de sauvegarde ou de surveillance), l'entreposage dans

des bases de données, le filtrage de l'information et l'exécution de requêtes et de fonctions 10 Notion d’informatique. Le paquet est l’entité de transmission de la couche réseau.

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complexes en relativement peu de temps (Vedel 2003a; Minh Duc 1999). Ces possibilités techniques ont d'ailleurs été scrutées par les chercheurs. Dans Citoyens sous

surveillance : La face cachée d'Internet, Fortier (2012) appréhende une société davantage

contrôlée par le gouvernement, les employeurs et les médias. Ceux-ci useront des capacités techniques d’Internet pour compromettre notre vie privée par la surveillance et le contrôle de l’information.

En fait, toute une littérature « technophobe » se fonde sur l’idée qu’Internet a le potentiel d’instaurer « Big Brother », cette représentation orwellienne d’un gouvernement qui sait et qui contrôle absolument tout, notamment par l’automatisation des sauvegardes et la puissance de traitement des ordinateurs. Selon cette école, ce contrôle entraverait, voire étoufferait complètement, la capacité qu'ont les citoyens de s'informer et de penser rationnellement (Gandy Jr 1993; Lyon 1994; Virillio 1996). Par ailleurs, Sunstein (2001, 2005) avance qu’une utilisation d’Internet en vase clos (egocentric Internet use) est néfaste pour la délibération et la démocratie. Tout en poursuivant dans la lignée de cette représentation technophobique du Web, on peut se demander quels rôles joueraient les partis politiques quant à la surveillance et au contrôle de l’information? S'effaceront-ils pour fusionner avec le gouvernement en un seul parti officiel? L'expérience chinoise symbolise justement la possibilité que l'État et « le Parti » ne fassent qu'un pour limiter la libre circulation de l’information et l’accès à Internet (Haski 2008).

D’autre part, une école plus positive ajoute sa voix à cette sombre vision : les « technophiles ». Pour les tenants de cette école, les développeurs12 Web peuvent trouver

des moyens d’améliorer la démocratie et le fonctionnement des gouvernements par la création de sites ou d’applications Web13. Cette prémisse annonce l'arrivée du «

e-gouvernement » : le e-gouvernement utiliserait les NTIC afin d’instaurer une démocratie 11En programmation, un processus représente du code s'exécutant sur un ordinateur et ne retournant aucun résultat. Le processus est parfois utilisé en tant que synonyme de fichier exécutable. Elle se différencie ainsi de la "fonction" qui elle retourne toujours un résultat.

12 Titre professionnel englobant ceux qui construisent les sites Web de logiciels, c’est-à-dire les programmeurs, analystes, graphistes, intégrateurs et architectes.

13 Les applications Web sont des outils très complexes, tels que des systèmes de gestion de base de données, des médias sociaux, des wikis, des messageries Web et des extranets, mais demeurent techniquement un ensemble de pages Web. Elles sont donc aussi des sites Web.

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directe, plus ouverte, favorisant l'engagement et dirigeant l'État selon les résultats de sondages électroniques récurrents (Krip 1992; Levy 2002; Melucci 1996). Par conséquent, les partis politiques, les groupes d'intérêts et les autres agrégateurs sociaux disparaîtraient, n’ayant plus de raisons d'être (Fishkin 1991 : 13-19). Au cœur de cette nouvelle démocratie, les auteurs technophiles annoncent une politisation constante issue d'une implication continue des citoyens à travers le Web.

Nous avons vu précédemment que, selon l'ancien directeur de la campagne présidentielle du démocrate Howard Dean, Internet permettra aux citoyens d'influencer la gestion et la direction de leur gouvernement (Trippi 2004 : 20). Ce discours s'apparente à celui de la « théorie de l'égalisation » selon laquelle Internet aurait, grâce à des coûts relativement peu élevés de communication et de participation, un effet de levier sur les petits acteurs en leur offrant, entre autres, une plus grande visibilité. L'égalisation amènerait une restructuration des rapports de force au sein de la société qui diminuerait l'importance des élites et des acteurs dominants (Browning 1996; Bollier et Firestone 1996; Corrado et Firestone 1996 : 13; Grossman 1995 : 16; Jones 1995; Porter 1997; Poster 1995; Rheingold 1991 : 6, 1993 : 57-80). Ce processus d'égalisation concernerait également les partis, car le coût des campagnes en ligne est bas et le potentiel de diffusion du message est grand. En plus d'outrepasser le filtre des médias traditionnels, l'utilisation d'Internet rongerait peu à peu l'influence des groupes d'intérêts et des élites politiques actuelles, ce qui pourrait égaliser les forces entre les petits et les grands partis. (Barber 2001; Corrado et Firestone 1996; Hagen et Mayer 2000; Rheingold 2000) Pour Gibson (2012), l'utilisation des nouvelles technologies a d'ailleurs une place dans la confrontation des élites. En favorisant une décentralisation, ces technologies défient les hiérarchies traditionnelles de contrôle qui ont caractérisé les campagnes électorales américaines et les partis centralisés (ibid. : 79). Cette confrontation s'illustre également dans les campagnes d'Howard Dean, Ségolène Royal et Barack Obama, tous des candidats qui se sont présentés contre l'establishment de leur parti. Lefebvre (2008) argue que Royal a su court-circuiter le PS en se bâtissant un capital de reconnaissance médiatique entre autres par sa présence sur Internet. Sa campagne participative réalisée

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en ligne lui a conféré une autorité et un appui populaire dans les sondages « qu'elle est parvenue ensuite à convertir en soutiens internes lors de la primaire socialiste » (ibid. : 165). Pour l'auteur, sa victoire aux primaires a été celle d'une « outsider » sur l'establishment socialiste. Les nouvelles technologies pourraient donc avoir un effet égalisant au sein même des partis politiques, alors que tous les candidats à un poste électif auraient une chance de remporter la course.

D'autres chercheurs, se distanciant des « technophiles », estiment que le potentiel d'Internet chez les partis est plus modeste. En résumé, les changements apportés par l'utilisation du Web se limiteraient aux pratiques des partis (Dahlgren 2009; Farrell 1997). Plusieurs arguent qu'il en serait ainsi parce qu'Internet ajoute de nouvelles ressources pour bâtir et opérer une campagne électorale traditionnelle (Best et Krueger 2005; Bimber 2000; Kling 1999; Kiesler et al. 2000; Bimber 1999; Delli Carpini 2000). Selon eux, le Web a le potentiel de faciliter à la fois l'organisation et la communication politique. Par exemple, il est possible de faire des dons par ce nouveau médium de communication. Or, l'addition des petits dons faits par Internet peut rapidement s'avérer significative comparativement aux dons recueillis dans les grands banquets de financement. Les militants peuvent lancer leurs propres campagnes de financement locales par Internet. Le potentiel de la responsabilisation (empowerment) se dévoile ici. Parce que les outils pour mobiliser et amasser des dons sont à sa disposition, tout sympathisant peut alors potentiellement devenir un militant à travers le Web.

Du côté de la communication, le Web offre la possibilité d'améliorer les relations à deux niveaux : 1) entre le parti et les citoyens en assurant une meilleure représentativité de leurs intérêts, mais aussi; 2) entre le parti et les membres de son organisation, car l'engagement militant et les échanges entre les responsables internes favoriseraient la prise en compte des idées de la base militante par l'establishment. Une telle redéfinition des relations représenterait un bris de la gestion traditionnelle du « haut vers le bas » (Anstead et Straw 2009; Johnson 2011). Cependant, cette participation peut également être risquée pour les partis. En effet, les adversaires politiques chercheront à nuire aux efforts du parti dans l’espace virtuel et la diffusion d’une information par Internet peut

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rapidement devenir virale14. Par conséquent, la crainte que des informations

dommageables, des rumeurs ou des faux pas soient diffusés sur Internet fait également partie des risques à considérer chez les partis politiques en termes de communications (ibid.).

Dans un autre ordre d'idées, plusieurs chercheurs se sont penchés sur le potentiel de la mobilisation par Internet. Quel impact a l'utilisation du Web sur la participation, le recrutement de militants et sur le taux de vote des électeurs? Quelques auteurs affirment que l'utilisation des nouvelles technologies par les partis politiques favorise la participation. La simple présentation d'un site Web ergonomique, facile d'utilisation et conforme à ce que les utilisateurs souhaitent favoriserait l'engagement des citoyens (Coleman, Lieber et al. 2008). Pour Hindman (2005), le groupe de militants de Dean « aurait été sensiblement plus petit » (ibid. : 126) sans l'utilisation d'Internet pour les mobiliser. De leur côté, Gibson et McAllister (2006, 2011) concluent que les partis australiens ayant des sites Web ont de plus grandes parts de votes que ceux qui n'en ont pas. D'Alessio (1997) arrive à une conclusion similaire avec les partis américains. Néanmoins, la plupart des auteurs sont sceptiques face à un effet d'Internet sur la mobilisation des électeurs. Par exemple, Bimber et Davis (2003) n'ont pu trouver de preuves de l’existence d'un tel effet. En résumé, la plupart des recherches sur l'effet de la participation en ligne ne constate pas d'augmentation du nombre de citoyens engagés (Gibson 2012 : 81). Selon Gibson, « les études ne réussissent pas à confirmer la présence d'un effet direct » (ibid.) pour le moment et se tournent plutôt vers les limitations méthodologiques que soulève une telle question.

1.2 – Les fonctions des nouvelles technologies

Les potentiels du Web en politique, et plus particulièrement chez les partis politiques, représentent à la fois de grandes espérances et de multiples écueils démocratiques. La question demeure; est-ce que la littérature relève que ces potentiels se concrétisent chez 14L'appellation « virale » rappelle un contenu distribué comme un virus passant de porteur à porteur, ou encore comme la distribution d'une rumeur de bouche à oreille. Par exemple, une vidéo virale est une vidéo devenue populaire par le partage via Internet, typiquement à travers les médias sociaux et l'échange de courriels.

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les partis? Or, toute une littérature s'est développée autour de la description de l'utilisation des NTIC chez les partis, les candidats et les élus politiques. Ces recherches révèlent que le Web est plutôt utilisé pour faire de la politique partisane traditionnelle d'une nouvelle manière. En effet, les fonctions des partis (Gunther et Diamond 2001 : 7-9; Hudon et Poirier 2008 : 263) telles que la communication, la mobilisation, la gestion des membres et la direction de campagnes électorales sont renouvelées par l'utilisation du Web.

D'ailleurs, après être devenu la norme sur le Web aux débuts des années 2000 (O'Reilly 2005), les partis politiques ont aussi expérimenté à leur tour le Web 2.0. Parmi les exemples les plus cités d'une utilisation du Web 2.0 se trouvent la campagne présidentielle française de Ségolène Royal (Beauvallent 2007; Dolez et Laurent 2007), les campagnes présidentielles américaines de John McCain en 2000 (Smith 2009), d'Howard Dean en 2004 (Kreiss 2009) et de Barack Obama en 2008 (Anstead et Straw 2009; Johnson 2011). En ce qui à trait à ce dernier, Stromer-Galley (2009) souligne que les normes du Web 2.0 y furent utilisées pour « impliquer les électeurs potentiels à travers des vidéos viraux, les sites des médias sociaux, les blogues, le microblogging [(Twitter)] et les textos » (2009 : 50). Cela s'inscrit dans la philosophie 2.0 puisque le Web 2.0 est fondé sur la participation des internautes à travers la création de contenu en ligne, l'échange et la décentralisation organisationnelle. Barsky abonde dans le même sens en ajoutant que le Web 2.0 est également synonyme de démocratisation de l'information (2006 : 33). Par ailleurs, cette participation dans les échanges de l'espace public soulève des questions politiques :

Web 2.0 is about interacting with Web-based content, adding comments, or uploading files. The user experience is no longer the preserve of the Web site designer, but each visitor is able, due to the architecture of participation that provides the space for public contributions, to have shared ownership over the evolution of a site. This implies a change in power structures and a shift in organizational thinking towards models based on equal partnership rather than elite dominance (Jackson et Lilleker 2009 : 232).

Afin de bénéficier des avantages de la participation des électeurs, les campagnes électorales devraient toutefois cesser de tenter de contrôler leur communication et redéfinir le rôle qu'ils ont dans la construction de leur message politique :

The result for campaigns is a delicate balancing act between guiding the message and surrendering to the message constructed about them. When done effectively,

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it can lead to increased fundraising, name recognition and, most importantly, votes (Stromer-Galley 2009 : 50).

D'ailleurs, une abondante littérature académique sur l'utilisation des blogues, des médias sociaux, de vidéos viraux, de publicités en ligne et de courriels ciblés chez les partis politiques forge la conception partagée que la communication en ligne est un nouveau standard pour les partis (Anstead et Straw 2009; Bimber et Davis 2003; Clayton 2010; Foot et Schneider 2006; Grönlund 2001; Heinderyckx 2011; Johnson 2011; Kes-Erkul et Erkul 2009; Norris 2001; Serfaty 2009, 2006); et non pas seulement aux États-Unis (Han 2007; Jackson et Lilleker 2009; Karan et al. 2009; Kluver 2007; Schweitzer 2011). On peut donc structurer l’apport des nouvelles technologies chez les partis en 5 grandes fonctions : 1) servir de vitrine et contacter un large public, 2) transformer des électeurs en sympathisants, 3) recruter des militants, 4) diminuer les coûts d’organisation et de coordination et 5) lever des fonds.

1.2.1 – Servir de vitrine et contacter un large public

Les nouvelles technologies servent désormais à assurer et augmenter la visibilité des partis politiques. Notamment, les blogues politiques font partie de ce nouveau standard (Snow 2010 : 67 ; voir également : Bimber et Davis 2003; Blood 2000; Davis, 1999; Grönlund 2001; Kluver 2007; Serfaty 2004; Winer 2002). Ils sont utilisés à la fois en tant que plateforme officielle et comme outil d'expression chez les militants. D'abord, les blogues constituent pour les électeurs une nouvelle source d'information beaucoup plus divertissante et attirante que les médias traditionnels par leur ton personnel et informel. Ils servent autant à diffuser un message qu'à amasser des fonds pour un candidat ou un parti. Du côté de la politique américaine, le premier blogue officiel pour une campagne présidentielle fut celui d'Howard Dean en 2003 (Serfaty 2006 : 29). L'année suivante, Kerry et Bush renouvelèrent l'expérience lors de leur duel pour la présidence américaine (Johnson 2011). En ce qui concerne l'ancien gouverneur du Vermont, Serfaty explique que :

[Sous] l’influence de Joe Trippi, le directeur de campagne [...], le blog officiel était alimenté en partie par le comité directeur, qui y contribuait directement de façon occasionnelle, au lieu de laisser la plume uniquement à des bénévoles ou à des professionnels de la communication (2006 : 29).

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Toujours d'après cet auteur, l'exploitation d'un format de communication plus personnel combinée à l'interaction possible entre les véritables responsables et les sympathisants a suscité l'enthousiasme d'une jeunesse connectée qui s'est impliquée dans la campagne de Dean. Ensuite, les blogues créés par les militants ont augmenté la visibilité de leur candidat en y exprimant leur support. Ces blogues personnels ont également attiré l’attention des médias nationaux (Serfaty 2006; Foot et Schneider 2006; Sifry 2004). Beaucoup d’internautes sans lien avec les partis tiennent également un blogue où ils s'expriment sur les enjeux politiques et l'actualité (Blood 2000; Serfaty 2004; Winer 2002). Dans ce contexte, le blogue mêle « le personnel et le politique, puisque les descriptions d’évènements privés y côtoient des mots d’ordre de mobilisation et des prises de position partisanes » (Serfaty 2006 : 29).

Si Serfaty énonce la décentralisation de la communication et donc l'absence d'une « voix narrative clairement reconnaissable » chez les blogueurs de Dean, la campagne de l'ancien sénateur de l'Illinois, Barack Obama, a remédié à cette situation. À ce sujet, Kes-Erkul décrit bien la place des blogues dans la stratégie Web de la campagne de 2008 (2009 : 10). Le site officiel d’Obama permettait à un sympathisant de profiter d'outils en ligne pour participer à la campagne, tels que la création d'un blogue personnel. De cette manière, les blogues des militants générèrent beaucoup de trafic sur le site d'Obama tout en transmettant un message cohérent avec celui du candidat (Kes-Erkul 2009 : 14; Shakir 2009 : 59-63).

En France, la candidature présidentielle de Ségolène Royal misa sur une « campagne participative » à travers son site Internet « Désirs d’avenir ». Se révélant un succès participatif avec la publication de 90 000 argumentaires par ses utilisateurs, le dispositif favorisa l’avènement d’une foule de blogues rebaptisée la « Ségo-sphère » (Beauvallent 2007; Dolez et Laurent 2007). Ces derniers servirent de relais aux positions, articles et informations concernant Royal. Selon Dolez et Laurent (2007), cette effervescence a « permis à la candidate socialiste de créer en ligne un réseau de soutien et de pallier le manque d’appuis dont elle disposait » (ibid. : 28) au sein du Parti socialiste.

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Une autre innovation chez les partis politiques est l'utilisation répandue des médias sociaux. Les partis et les candidats créent des profils dans les médias sociaux comme Facebook afin d'entrer en contact avec les utilisateurs et d'y transmettre de l'information sur leurs opérations, leurs positions idéologiques et leurs promesses électorales (Anstead et Straw 2009; Clayton 2010; Ferrand 2009; Heinderyckx 2011; Johnson 2011; Kes-Erkul et Kes-Erkul 2009; Serfaty 2006, 2009). Ces informations politiques prennent la forme de notes, d'images, de vidéos, de billets de blogue, de biographies et côtoient des informations personnelles telles que les dates d'anniversaire, le statut civil et la liste des films préférés.

Néanmoins, les nouveaux médias n'échappent pas aux techniques traditionnelles de communication politique, notamment le partage de lignes préfabriquées (le spin) et le contrôle des communications (Foot et Schneider 2006). À ce propos, les sociologues américains Sandy et Schutz (2011) décrivent la communication de la première campagne présidentielle d'Obama comme étant de « haut en bas » :

By necessity the campaign seems to have largely treated supporters in the aggregate. Certainly there was no use of social networking technology to actively encourage something more like independent « organizing » (Schutz et Sandy 2011 : 122).

Nouveau standard de la campagne en ligne, les hyperliens vers les comptes YouTube, Facebook, Twitter, MySpace, Foursquare, Google Plus, et bien d'autres ornent désormais la plupart des sites Web de candidats et de partis politiques. Le site de Barack Obama s’inscrit largement dans cette hyperconnexion en présentant une douzaine de profils sur différents médias sociaux15. Par conséquent, les nouvelles technologies ont la flexibilité

nécessaire pour être un outil de diffusion de masse et en même temps, un outil de fragmentation du message, c'est-à-dire qu'il est possible de diffuser des messages ciblés16

(Heinderyckx 2011).

L’avènement de YouTube en 2005 a également servi la visibilité des partis politiques. YouTube rend le partage et le visionnement de vidéos en ligne plus conviviaux. 15www.barackobama.com (site consulté le 30 avril 2012).

16 À cet effet, pensons aux médias sociaux qui ciblent des groupes ethniques précis tels que

blackplanet.com, asianave.com ou migente.com. Ces médias sociaux furent d’ailleurs utilisés par la campagne d’Obama (Heinderyckx 2011).

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« YouTube transformed the way campaigns think about video », annonce catégoriquement Stromer-Galley (2009 : 50-52). Selon elle, les campagnes doivent désormais penser à la diffusion et production des vidéos en ligne et non pas seulement à la télévision, dont le format et le rythme sont fort différents. Cela signifie que les partis doivent engager des équipes de production, planifier leurs tournages en prenant en compte l'agenda des élus et candidats, exposer ce qui se trouve « derrière-la-caméra », montrer les militants, leur détermination et leur enthousiasme (Johnson 2011 : 15 ; Stromer-Galley 2009 : 50-52).

L'utilisation des vidéos en ligne est stratégique selon Stromer-Galley (2009). En devenant populaires et virales, ces vidéos font la promotion de ces politiciens et politiciennes, aident à établir leur crédibilité et à attirer l'attention des médias nationaux. Ce processus permet, en plus, d'amasser des fonds et ultimement, obtenir des votes. Internet devient une plateforme grand public capable de compétitionner avec les médias traditionnels, en plus de diffuser un message qui rejoint directement les électeurs, sans passer par le filtre des médias. Plus besoin de clipper sa pensée, pas besoin de convaincre des producteurs d'être invité à une émission de télévision. Les vidéos sont publiées et partagées ensuite par les internautes (Johnson 2011 : 15-16; Clayton 2010 : 144-145).

Médias sociaux, vidéos viraux et blogues, toutes ces ressources sont maintenant accessibles de partout grâce à la popularisation des cellulaires et des téléphones intelligents17 (Anstead et Straw 2009; Ferrand 2009; Johnson 2011 : 87-88). L'implication

de Twitter et des cellulaires dans le printemps arabe18 en est une démonstration éloquente

(Faris 2012). Par exemple, Karan et al. (2009) décrivent l'utilisation exploratoire des cellulaires chez le parti philippin GABRIELA (GWP). Même en ayant des ressources financières limitées, le parti a réussi à rejoindre davantage d'électeurs par téléphone que par Internet (voir également Alojamiento 2007). Les partis tentent donc de dresser des

17"Téléphone intelligent" : téléphone cellulaire bonifié d'une couche applicative lui permettant de naviguer sur Internet, d'envoyer des SMS et d'échanger par les médias sociaux.

18 Le « Printemps arabe » est un mouvement de contestations populaires s’étant produit dans plusieurs pays arabes à partir de décembre 2010.

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listes de numéros de cellulaire en utilisant différentes stratégies afin d'envoyer des SMS19

et de faire ultimement sortir le vote.

Contacter un large public n’est toutefois pas toujours affaire de promotion. Cela soulève parfois également des questions éthiques. En effet, Gingras (2013) souligne l’affaire récente ayant pris le diminutif de « robocall ». L’auteur raconte qu’à l’élection fédérale canadienne de 2011, des appels téléphoniques automatisés auraient faussement rapporté à des électeurs ciblés un changement de lieu de leur bureau de scrutin. Toujours pendant cette campagne électorale, d’autres appels agressifs et xénophobes auraient été faits en pleine nuit au nom du candidat libéral local. Selon Élections Canada, ces appels ont pu être reliés à l’ordinateur du bureau d’un candidat conservateur. Pour Gingras, cette affaire démontre que ce qu’elle appelle les « technologies médiatiques », c’est-à-dire l’ensemble des appareils et technologies informatiques peuvent « rendre plus aisée l’organisation de fraudes » électorales.

1.2.2 – Transformer des électeurs en sympathisants

Si en 2008, la simple utilisation des médias sociaux en politique faisait la manchette chez les médias traditionnels, leur utilisation partisane s'est définitivement raffinée par la suite. Les campagnes se sont mises à y entretenir des relations sociales et à récolter leurs fruits. Par exemple, les médias sociaux deviennent une plateforme pour se connecter avec les électeurs, rencontrer d'autres supporteurs sur le terrain et bâtir des amitiés (Ferrand 2009; Johnson 2011).

Cette visibilité sur les médias sociaux permet aux partis politiques d’entrer directement en communication avec les électeurs. En demeurant en contact avec eux à travers le temps, les partis tentent alors de les convaincre et d’en faire des sympathisants. Le ton et l’interaction personnelle décrits par Serfaty (2006 : 29) invitent les électeurs à se sentir personnellement concernés par le message. L’efficacité de cette conversion réside dans l’échange entre l’électeur et le parti dans le temps où un « curieux » est progressivement exposé au matériel promotionnel et aux positions du parti.

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1.2.3 – Recruter des militants

Aux hyperliens, vidéos YouTube et autres formulaires invitant le visiteur d'un site Web politique à « passer à l'action » se combinent une volonté manifeste de faire du Web une porte d'entrée des militants vers les partis politiques. En ce sens, Heinderyckx (2011 : 122) explique que la stratégie de recrutement de la campagne d'Obama 2008 peut être divisée en cinq axes : 1) recruter des militants, 2) les motiver, 3) les informer, 4) les organiser et 5) récolter des fonds. Heinderyckx conclut :

Il n'en demeure pas moins que l'efficacité de ces mécanismes de recrutement tient dans la fluidité avec laquelle un simple curieux est progressivement converti en acteur politique de terrain. Le sentiment d'appartenance à une communauté qui peut faire la différence et qui incarne le renouveau apporte un ensemble de gratifications dont l'intensité sera modulée par le niveau d'investissement cognitif, temporel et pécuniaire de chacun (2011 : 123).

Autant en ligne que sur le terrain, ces mécanismes de recrutement étaient représentés par le dicton « respect, empower, and include », véritable directive guidant l'intégration et la coordination des militants (Anstead et Straw 2009 : 41-47). Par le Web, on ouvre les portes de son parti en recrutant des militants au-delà des limites de sa propre structure et de son membership habituel, puis on responsabilise les recrues en compensant par des formations récurrentes sur le terrain (Clayton 2010; Ferrand 2009; Trippi 2004). Selon Foot et Schneider (2006), une véritable croissance de la participation des citoyens grâce à Internet n'a pas encore été observée dans les campagnes électorales. Pour ces auteurs, les sites des partis ne sont pas encore des points de convergence de mouvements populaires. L'expérience d'Howard Dean n'aurait été qu'une exception plutôt qu'un nouveau standard.

1.2.4 – Diminuer les coûts d’organisation et de coordination

L'objectif organisationnel ultime d’un parti politique demeure la sortie du vote le jour de l'élection (GOTV)20, passage obligé pour atteindre le pouvoir ou maintenir sa députation

(Johnson 2011 : 92; Ghitza et Rogers 2009 : 79). Or, la manière d'élaborer et d'opérer ces

20 En langue anglaise, la sortie de vote porte communément le nom de Get-Out-The-Vote ou GOTV (Johnson 2011 : 92). L’utilisation de cette expression fut également observée lors de mon terrain de recherche.

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stratégies a changé avec l'apport des nouvelles technologies, dont notamment les bases de données. Cela change la donne selon Johnson :

What has been added over the past decade, however, has been the overlay of technology and pinpoint targeting to much more accurately connect with likely voters (Johnson 2011 : 85).

Désormais, des sites Web privés (non accessibles au public) ou des logiciels sécurisés permettent l'exploitation, l'analyse et l'impression du contenu des bases de données21

(Ghitza et Rogers 2009 : 74-83; Graff 2009; Johnson 2011 : 79-93; Lehman 2010). Les efforts de pointage servent donc à obtenir les informations pour contacter les électeurs, leurs opinions sur différents enjeux politiques et, évidemment, leur choix de vote pour la prochaine élection.

Puisque les coûts de développement et de maintenance de ces outils sont considérables, ce sont les campagnes américaines générant des millions de dollars qui en ont été les pionnières. Par exemple, le stratège républicain Karl Rove fut l'un des instigateurs de la base de données républicaine « Voter Vaul » (Grossman et al. 2004; Tynan 2004), alors que les démocrates développèrent la base de données « Vote Builder » et furent appuyés par la firme de gestion de données Catalist (Johnson 2011 : 84).

L'apport des bases de données aux GOTV pour identifier, enregistrer22 et faire voter les

sympathisants est aussi souligné dans la littérature (Clayton 2010 : 22; Johnson 2011 : 92). Ghitza et Rogers (2009 : 74) nomment cet apport « la politique menée par la donnée » : la donnée de toute la nation est centralisée dans une base de données, ce qui rend possible le microtargeting, c'est-à-dire la communication ciblée grâce à l'analyse statistique de données identifiant les croyances et actions d'individus (Howard 2005). Par exemple, la première campagne d'Obama concentra ses efforts d'identification sur deux groupes. Le premier était composé d'individus dont la probabilité de vote était très élevée, mais qui appuyait les démocrates modérément. Ce premier groupe fut la cible de contacts 21 En ce qui concerne les "bases de données" Vote Vault ou Vote Builder, je sous-entends qu'elles sont un système de données regroupant (1) une base de données et (2) une couche applicative permettant de gérer facilement cette donnée, d'en faire l'analyse et d'imprimer des rapports et des listes.

22 Aux États-Unis, les électeurs ne sont pas automatiquement enregistrés sur les listes électorales. L’enregistrement des électeurs sympathisants entre donc dans les stratégies d'identification et de sortie de votes des partis américains.

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par appels, en personne et de d'autres stratagèmes dont l'unique but était de les persuader de voter pour les démocrates. Le second groupe était composé d'individus qui iraient voter modérément, mais qui étaient fortement démocrates. Conséquemment, l'organisation électorale s'est assurée de faire voter ce groupe (Ghitza et Rogers 2009 : 78-79).

Parallèlement au pointage virtuel, ces bases de données sont également liées à ce que j'appellerai les systèmes de gestion des efforts militants, c'est-à-dire les sites Web et autres applications permettant une individualisation informatisée du militantisme ou une gestion de campagne politique : site Web du candidat préfabriqué, gestion de listes de courriels, gestion du financement, gestionnaire d'événements et des données des divisions territoriales (États, comtés, circonscriptions) (Blaser 2005). Le Web permet d'aller plus loin que d'informer et de dialoguer avec ses supporteurs, la technologie existe désormais pour coordonner sa campagne et les efforts des militants par Internet. À ce propos, Blaser (2005 : 4) évoque l'utilisation de Convio.com, tandis que Johnson (2011), Reeher et Davis (2004) et Serfaty (2006, 2009) nous informent de l'utilisation du site Meetup.com par la campagne d'Howard Dean pour organiser les activités de l'équipe de campagne et des militants :

D’autre part, [Howard] Dean s’est appuyé sur un site Internet indépendant, MeetUp (meetup.com), pour organiser des rencontres entre partisans de sa campagne dans tout le pays. Dans ce cas également, [Howard] Dean a su détourner un site de son usage premier; en effet, établi au départ pour mettre en relation des personnes ayant des intérêts ou des goûts communs, MeetUp a vocation à s’intégrer avant tout à la culture populaire en y créant des réseaux sociaux. Son utilisation à des fins politiques allie adroitement culture politique plutôt élitiste et techno-culture populaire. Le répertoire des techniques de mobilisation de l'électorat, ainsi enrichi, a permis d’atteindre un segment plus large d'électeurs potentiels, parmi lesquels se sont trouvés, selon Reeher et Davis, nombre de primo-accédants à l’action politique (Serfaty 2006 : 29).

Néanmoins, même si l'utilisation de MeetUp chez Dean mérite d'être remarquée, l'arrivée du site my.barackobama.com (MyBO)23 représente le summum de l'utilisation du Web en

politique. Il s'agit d'un média social interne développé par le cofondateur de Facebook, Chris Hughes, pour coordonner les activités militantes et favoriser la participation. Avec chaque utilisateur ayant son compte personnel, MyBO permet de créer sa propre 23 MyBO fut reprogrammé et renommé « Dashboard » pour l’élection présidentielle de 2012.

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campagne en donnant accès à une section pour prendre contact avec d'autres militants, ainsi qu'à un blogue pour se présenter et lever des fonds. Bâti pour faire circuler de l'information dans la « communauté Obama » telle que les positions officielles, des argumentaires et les activités, MyBO permet également de planifier des rencontres et de s'organiser pour militer. S'ajoutent à cela des outils pour faire du bénévolat tels que des kits de formation, des documents et des fonctionnalités permettant de faire des séances de téléphones et de porte-à-porte à distance (Clayton 2010; Johnson 2011; Kes-Erkul et Erkul 2009; Schifferes 2008; Schutz et Sandy 2011).

Selon Clayton (2010 : 140), MyBO a amené l'utilisation d'Internet chez les partis politiques à un tout autre niveau en permettant aux masses de militants de s'auto-organiser et de communiquer entre eux à travers leur propre média social (voir également Mooney 2008). Clayton précise que :

[The] point was never to get a large number of people signed up for it, but to enable those who did sign up to organize into manageable groups (2010 : 140).

Au terme de l'élection de 2008, my.barackobama.com contient 400 000 billets de blogues, 35 000 militants inscrits, 200 000 événements sur le terrain (Johnson 2011 : 19). Le média social MyBO inspira aussi de multiples pastiches partout dans le monde24.

L’espace virtuel créé par l’utilisation des nouvelles technologies par l’équipe de la campagne présidentielle française de Royal révèle plusieurs dynamiques internes des partis politiques. D’abord, l’aspect participatif de son site « Désirs d’avenir » est en soi ce qui la différenciait de ses concurrents dans leur utilisation des nouvelles technologies. Le site était orienté vers « l’expression des Français » plutôt que vers la présentation des positions de Royal. Au fond, cette stratégie a servi deux fonctions pour sa campagne. La participation à une discussion virtuelle sert à la formation politique des sympathisants et 24 Pages Web consultées le 8 décembre 2010 : Republican Volunteers du Parti Républicain (USA) : http://volunteer.gop.com/; Les créateurs de possibles de l’UMP (France) : http://www.lescreateursdepossibles.com/; La coopol du Parti Socialiste (France) : http://www.lacoopol.fr/; Membersnet du Labour Party (UK) : http://members.labour.org.uk/; e-Démocrates du parti Mouvement Démocrate (France) : http://www.e-democrates.fr/; Mon PS, du Parti Socialiste (Suisse) : http://www.mon-ps.ch/; ACT, The Lib Dem Network, du parti Libéral Démocrate (UK) : http://act.libdems.org.uk/; L'Atelier, du Parti Québécois : http://atelier.pq.org (page consultée le 15 mai 2012).

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militants. Elle joue aussi un rôle dans leur appropriation des pratiques militantes (Beauvallet 2007). Du même coup, les 90 000 argumentaires déposés par les utilisateurs de « Désirs d’avenir » servent de matériel pour légitimer les positions de Royal en créant une liaison entre ses paroles et « la volonté des Français » (Dolez et Laurent 2007). Une utilisation « participative » des technologies médiatiques s’avère donc être potentiellement un outil facilitant l’élaboration de l’argumentaire du politicien et l’intégration des militants.

1.2.5 – Lever des fonds

Dans une étude comparative entre le financement politique américain et britannique, Anstead (2008) relève quatre éléments de l'implication du Web dans le financement politique américain. D'abord, 1) l'arrivée d'Internet dans le financement des partis coïncide avec une période où les campagnes engrangent des sommes records. Ensuite, 2) les dons par Internet aident des politiciens dits outsider à amasser des sommes leur permettant de compétitionner aux côtés des figures établies. Anstead parle même d'un effet « égalisant la compétition politique »25 (ibid. : 286). Toujours selon l'auteur, 3)

Internet restructurerait également les positions financières traditionnelles des partis américains, c'est-à-dire que le Parti démocrate ne serait plus derrière son adversaire républicain, comme ce fut le cas pendant plusieurs décennies. En effet, depuis la campagne présidentielle de John Kerry en 2004, les démocrates atteignent la parité ou dépassent leur opposant républicain « largement grâce aux prouesses du financement en ligne »26 (ibid. : 286). Pour terminer, 4) Anstead souligne que le financement politique

aux États-Unis a été redéfini en ne reposant plus uniquement sur les énormes sommes de quelques riches donateurs. Le financement inclut désormais une grande part de dons populaires, c'est-à-dire l'accumulation de petits dons citoyens (ibid.).

En effet, les partis sont même capables d'accumuler plusieurs centaines de millions uniquement en récoltant ces petites sommes par Internet (Clayton 2010 : 21; Howard 2005). Au total, Howard Dean amassera plus de 51 millions de dollars, dont 27$ millions 25 Traduction libre.

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récolté en ligne principalement par des petits dons (Purdum 2004; Serfaty 2006 : 28). Il ne faut cependant pas croire que l'ordinateur se transformera en guichet automatique pour le parti politique. Ce que la littérature relie au financement de la campagne d'Obama, c'est la création d'une armée de volontaires et la démocratisation du financement politique (Clayton 2010 : 21, 147). À ce sujet, McGregor écrit :

Obama’s fundraising broke new ground in two key ways. First, he was able to recruit a huge army of donors who tended to give small amounts of money repeatedly throughout the campaign. In total, of the 6.5 million donations made, more than 90 per cent were less than $100. Secondly, he was able to tap into the fundraising potential of the internet. He was not the first candidate to do this – McCain in 2000 and Dean in 2004 both had good online fundraising, with Dean raising a then-record of $27 million online – but the sheer volume raised by Obama was on an unprecedented scale, totalling more than $500 million (McGregor 2009 : 67).

Dans sa description des opérations de financement chez Obama, McGregor (2009 : 69-72) note que lever des fonds par Internet faisait partie de la communication routinière avec les sympathisants alors que ces derniers recevaient de nombreux courriels les invitant à donner 5, 10 ou 20 dollars et que la campagne leur offrait les outils Web pour monter leur propre campagne de financement personnelle.

Au final, Johnson résume bien l’ensemble des fonctions des nouvelles technologies au sein des partis politiques. L’auteur a pris en compte les campagnes américaines de 2008 et de 2010 afin de proposer son « modèle de la campagne du 21e siècle » (2011 : 8-10). Selon ce modèle, 1) le Web fait désormais partie intégrale des campagnes politiques, 2) le modèle traditionnel du « haut vers le bas » devient plus fluide en intégrant réellement les idées, la direction et les efforts des sympathisants, 3) la télévision demeure un médium important pour la publicité de campagne, néanmoins l'utilisation des nouveaux médias et des médias gratuits en ligne a explosé, 4) la campagne électorale est désormais permanente, 5) les partis exploitent les données et les recherches quantitatives, 6) les gros dons sont toujours importants, mais les petits dons faits en ligne forment aujourd'hui une part non négligeable du financement des partis et finalement, contrairement à ce qu'affirmaient Foot et Schneider (2006), 7) Johnson estime qu'on observe dans la campagne du 21e siècle une plus grande implication des citoyens. Ce modèle semble justement résumer la nouvelle manière de faire la politique dont j'ai énuméré jusqu'ici les

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