Les problèmes de l'Education professionnelle ont demandé une séance supplémentaire. Bien qu'un assez petit nombre de congréssistes s'en soient occupés directement, il est apparu que l'Education nouvelle ne pouvait absolument pas se désintéresser d'une for-mation qui doit toucher les quatre cinquièmes de la jeunesse, sans parler de la formation manuelle indis-pensable pour équilibrer l'éducation intellectuelle du cinquième restant. Si nous voulons une réelle démo-cratie où tout citoyen puisse jouer consciemment son rôle, nous devons nous occuper très sérieusement de l'éducation de la masse laborieuse. Il est certain, en outre, que c'est dans les écoles professionnelles ou techniques que les méthodes nouvelles sont le plus instamment exigées, par la nature même des esprits moins intellectuels et verbaux qui en constituent le recrutement, comme par la nature du travail qui y est fait. On peut même dire que là est la formation idéale du fait qu'elle unit les considérations théoriques et pratiques d'une éducation complète.
C'est pourquoi tcus les pays s'accordent à recon-naître qu'on doit développer extrêmement l'enseigne-ment professionnel et technique pour répondre, non seulement aux besoins économiques modernes, mais aussi aux besoins sociaux, politiques et simplement humains.
La première condition est qu'une telle formation soit aussi large et aussi humaine que possible. Et, ici, deux obstacles se dressent : les vues étroites de cer-tains employeurs qui se soucient seulement de pré-parer le plus vite possible le f u t u r ouvrier à la tâche limitée qui l'attend, et le désir très explicable des parents de voir l'enfant apporter de bonne heure à la famille un supplément de gain. Aussi, nombre de pays envisagent-ils de confier la formation professionnelle à l'Etat et de payer un « manque à gagner » -ou un présalaire à l'âge où l'enfant pourrait entrer dans la vie productive.
Trois mesures peuvent aider à assurer cette lar-geur de vue humaine :
1. Le retard de l'apprentissage jusqu'à quatorze ans au moins et, selon certains pays, jusqu'à quinze ou seize ans, l'expérience prouvant que le temps perdu en apparence était rapidement regagné ensuite.
2. L'augmentation de la part faite à la culture générale, même dans les années d'apprentissage pro-prement dit. En Tchéco-Slovaquie, par exemple, on espère arriver à la proportion de 50 %.
R a p p ort final, p ar R. G A L 3. L'organisation d'un apprentissage aussi poly-valent que possible ou l'initiation à une certaine suite de « tâches » qui permettrait à l'individu de s'adap-ter aux fluctuations du marché du travail et à l'évo-lution même de la technique, qui risquent de forcer l'ouvrier à changer d'emploi dans le cours de sa vie. D'ailleurs, un Office de Documentation et de Prévision Statistique devrait permettre cette orientation ou re-orientation professionnelle.
Le but de cette éducation professionnelle doit être d'amener l'ouvrier à dominer son métier, à sentir les liens de son activité à celle des autres hommes, ses frères de travail, à lui apprendre à utiliser humaine-ment ses loisirs et à lui donner afin la formation civi-que indispensable à tout citoyen. Ces deux derniers problèmes, en particulier, devraient être au cœur des préoccupations culturelles de cet enseignement.
Dans la période précédant 1 âge de l'apprentissage et d'un bout à l'autre de l'enseignement théorique, les travaux manuels, tout en se souciant de ne pas laisser prendre de mauvaise habitudes gestuelles qui pour-raient être néfastes pour l'apprentissage professionnel ultérieur, doit avoir un but essentiellement éducatif, c'est-à-dire fournir à l'enfant un moyen d'expression et de réalisation de sa personnalité. P a r contre, à la campagne comme à la ville, tout en reliant au milieu environnant et en prenant l'expérience concrète de l'enfant comme point de départ, la formation générale doit offrir à tout individu la possibilité d'une vie pleine et d'un libre choix conforme à sa vocation.
Au moment de l'apprentissage proprement dit, l'unité de l'éducation générale et de Téducation pro-fessionnelle doit devenir plus grande sans asservir pour cela l'individu au métier, mais en lui ouvrant, au con-traire, les plus larges horizons. Enfin, il est de toute urgence d'arriver à concevoir et à réaliser pratique-ment un humanisme technique conforme aux exigen-ces modernes de la civilisation nouvelle qui se dessine en nos temps. Interprétons ainsi la création récente en France d'un baccalauréat technique à côté des bacca-lauréats classiques et modernes. Il ne serait point étonnant que l'enseignement technique et profession-nel f û t le p-emier rénové dans le monde.
R. GAL
Professeur agrégé à l'Ecole Normale Supérieure
de l'Enseignement Technique
Conseiller pédagogique détaché au Ministère.
