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Les stratégies de conciliation travail-famille des femmes entrepreneures de la Capitale-Nationale

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Les stratégies de conciliation travail-famille des femmes

entrepreneures de la Capitale-Nationale

Mémoire

Yarledis Coneo

Maîtrise en sciences de l’administration

Maître ès sciences (M. Sc.)

Québec, Canada

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Résumé

La sphère familiale et l’entrepreneuriat sont interreliés et complémentaires. Cependant les exigences élevées de part et d’autre brisent l’harmonie. Les enjeux de conciliation entrepreneuriat-vie familiale sont particulièrement importants pour les femmes. Par ailleurs, la littérature sur la conciliation travail-famille (CTF) a documenté les répercussions du conflit entre ces deux sphères ainsi que les moyens pour pallier ces défis. Cependant, la plupart des recherches portent sur les personnes en emploi. Cette recherche qualitative1 vise à identifier les stratégies de CTF utilisées par les femmes entrepreneures de la Capitale-Nationale, à comprendre les facteurs influençant leur choix de stratégies et à analyser les effets de ces dernières. L’analyse de contenu et le développement de cas individuels ont permis de répertorier dix-neuf (19) stratégies et de les catégoriser selon la typologie de Neal et Hammer (2007) : comportementales, cognitives et affectives. Selon l’analyse, il n’y aurait pas de stratégie parfaite. Cependant, certaines caractéristiques chez les entrepreneures, leur sphère famille et leur entreprise peuvent être des facilitateurs ou des contraintes lors du choix et de la mise en place des stratégies de CTF.

Mots-clés : stratégies de conciliation travail-famille, conciliation travail-famille, entrepreneuriat féminin, femmes, méthode qualitative.

1 Données secondaires. Le groupe de répondantes (n = 24) a été sélectionné parmi les soixante (60) participantes à

l’étude de Lee-Gosselin et coll. (2010) sur les réalités, besoins et défis des femmes entrepreneures de la région de la Capitale-Nationale.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... ix

Liste des illustrations ... xi

Remerciements ... xv

INTRODUCTION ... 1

1 PROBLÉMATIQUE ... 3

1.1 Généralités sur les difficultés de conciliation travail – famille ... 3

1.1.1 Les situations-problèmes relatives à la vie professionnelle ... 3

1.1.2 Les situations-problèmes relatives à la vie familiale ... 10

1.1.3 Les conséquences du conflit travail – famille ... 13

1.1.4 Les stratégies pour harmoniser travail et famille ... 17

1.2 Entrepreneuriat féminin et conciliation travail-famille ... 40

1.2.1 L’entrepreneuriat féminin au Québec ... 41

1.2.2 Théories féministes et entrepreneuriat féminin ... 45

1.2.3 Les thèmes de recherche à propos des entrepreneures ... 47

1.2.4 La conciliation travail-famille des entrepreneures ... 48

1.2.5 Limites de la recherche sur la CTF des femmes entrepreneures ... 53

1.3 Questions de recherche ... 54

1.4 Pertinence de la recherche ... 54

2 CADRE CONCEPTUEL ... 57

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vi

2.2 Le modèle demandes-contrôle- soutien ... 58

2.3 La définition du coping ou stratégie d’ajustement ... 60

2.4 Le concept de conciliation travail – famille et la définition d’entrepreneure ... 62

3 MÉTHODOLOGIE ... 65

3.1 Objectifs de recherche ... 65

3.2 L’approche privilégiée : une recherche qualitative de type phénoménologique ... 65

3.3 La collecte des données ... 66

3.4 Échantillonnage ... 67

3.5 Considérations éthiques ... 69

3.6 L’analyse des données ... 70

4 PRÉSENTATION ET ANALYSE DES RÉSULTATS ... 73

4.1 Le portrait des participantes ... 73

4.2 Les défis de conciliation travail-famille des répondantes ... 77

4.2.1 L’empiétement de l'entreprise dans la vie familiale ... 77

4.2.2 La difficulté à aligner les horaires familiaux ... 79

4.2.3 L'impossibilité de prendre un congé de maternité ... 80

4.2.4 La difficulté à prendre des vacances ... 81

4.3 Le répertoire des stratégies de conciliation travail-famille ... 82

4.3.1 Segmentation ... 85

4.3.2 Prendre du temps pour soi ... 87

4.3.3 Le partage de tâches domestiques et du soin des enfants ... 87

4.3.4 L’intégration du temps et de l’espace ... 88

4.3.5 Communiquer plus efficacement ... 89

4.3.6 Le contrôle des activités ... 90

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4.3.8 Gardiennage ... 91

4.4 La typologie des stratégies de CTF ... 92

4.5 Les combinaisons des stratégies de CTF dans le contexte des entrepreneures ... 94

4.5.1 Résume des cas : répondantes satisfaites de leur CTF ... 95

4.5.2 Des similitudes et des différences dans le choix des stratégies ... 112

4.6 Les effets des stratégies de CTF ... 114

4.6.1 Comment décrivent-elles leur satisfaction ... 115

4.6.2 Comment décrivent-elles leur insatisfaction ... 116

4.7 Les facteurs influençant le choix et le succès des stratégies ... 116

4.7.1 Chez l’entrepreneure ... 116

4.7.2 Dans le contexte familial et de l’entreprise ... 119

4.7.3 Des possibles conditions de succès et contraintes ... 123

4.8 Pistes de réflexion ... 124

4.9 Limites de l’étude ... 126

CONCLUSION ... 127

BIBLIOGRAPHIE ... 131

ANNEXES... 145

Annexe 1 : Formulaire de consentement à participer à l’étude ... 145

Annexe 2 : Engagement à la confidentialité ... 149

Annexe 3 : Arbre de codes ... 150

Annexe 4 : Gabarit – fiche de l’entrepreneure ... 153

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Liste des tableaux

Tableau 1 : Principaux objectifs de la politique familiale selon le pays ... 18

Tableau 2 : Durée cumulative des congés à la naissance et à l’adoption en nombre de semaines selon le pays ... 23

Tableau 3 : Le congé parental, de maternité et paternité au Canada et au Québec (depuis 2006) ... 24

Tableau 4 : Solutions en matière de conciliation travail-famille selon la norme BNQ 9700-820 ... 30

Tableau 5 : Le modèle des stratégies de CTF (Neal et Hammer, 2007) ... 40

Tableau 6 : Les caractéristiques des femmes entrepreneures selon cinq études québécoises ... 43

Tableau 7 : Compilation des stratégies de CTF des femmes entrepreneures au Québec ... 53

Tableau 8 : Sources de soutien social des entrepreneures ... 59

Tableau 9 : Distribution des entrepreneures retenues selon les critères de sélection ... 69

Tableau 10 : Description des participantes et leur entreprise ... 76

Tableau 11 : Les défis de CTF des répondantes ... 77

Tableau 12 : Les stratégies de CTF des répondantes ... 84

Tableau 13: Typologie des stratégies de CTF utilisés par les répondantes ... 93

Tableau 14 : La combinaison des stratégies de CTF et le contexte des entrepreneures satisfaites de leur CTF ... 95

Tableau 15 : La combinaison des stratégies de CTF et le contexte des entrepreneures insatisfaites de leur CTF ... 109

Tableau 16: Hypothèses de possibles facilitateurs et contraintes lors du choix et mise en place des stratégies de CTF ... 124

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xi

Liste des illustrations

Figure 1 : Dépenses publiques pour les familles en pourcentage du PIB, par pays en 2011 ... 20

Figure 2 : L'approche holistique de la CTF ... 58

Figure 3 : Âge de l’entrepreneure au démarrage et parentalité ... 74

Figure 4: Combinaison des stratégies de CTF - comparaison ... 114

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xiii À mes parents, José et Alma. Merci de votre soutien inconditionnel.

À mon mari, Dario. Ta présence à mes côtés m'encourage à réaliser mes rêves.

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Remerciements

Rédiger ce mémoire est l'un des plus beaux défis que j'ai relevés, mais cela n'aurait pas été possible sans la contribution de plusieurs personnes.

Tout d'abord, merci à mes directrices de recherche, Lise Chrétien et Hélène Lee-Gosselin. Vous m'avez offert le soutien pratique et moral dont j'avais besoin. De plus, vous m’avez encouragé à participer à de projets de recherche passionnants qui ont enrichi mon parcours. Votre expertise et vos qualités humaines m'ont permis d'évoluer dans un encadrement souple. Votre confiance en moi a maintenu ma motivation. Merci, Lise, de m'avoir aidée à trouver les mots justes pour exprimer mes idées. Hélène, merci d'avoir « dessiné » mes discours. Cela m'a permis de prendre du recul pour mieux avancer. Merci d'avoir attiré mon attention sur la subtilité des nuances dans les analyses qualitatives.

Je voudrais exprimer ma reconnaissance envers Isabelle Létourneau. Tes conseils m'ont permis de partir du bon pied et ton appui pour ma demande de bourse a été décisif. Hawo Ann et Marie-Ève Lécine, merci d'avoir pris le temps d'échanger avec moi, d'avoir apporté des idées et nourri ma réflexion quand ce projet n'était qu'un embryon.

Un merci chaleureux aux vingt-quatre femmes entrepreneures qui m'ont permis d'entrer dans leur vie. Sans elles, ce mémoire n'aurait pas vu le jour.

Merci Louise, Marie-Anne, Catherine et Christine pour l'intérêt que vous avez démontré envers mon projet et pour les corrections françaises que vous y avez faites.

Mille fois merci à mes amies du Québec et d'ailleurs qui m'ont encouragée. Merci de m'avoir accompagnée lors des longues heures de travail et des pauses café (téléphoniques parfois). Merci à toutes d'avoir été là!

Finalement, merci Diane-Gabrielle Tremblay et Romaine Malenfant, membres du jury externe pour leurs précieux commentaires et leur évaluation constructive et motivante.

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1

INTRODUCTION

Au cours des dernières années, la conciliation travail-famille (CTF) est devenue un enjeu important au sein de notre société. Les impacts sur les plans humain et financier sont importants. Du point de vue socio-économique, les coûts liés au conflit entre le travail et la famille ne cessent d’augmenter. Ce conflit est associé à des risques pour la santé psychologique des individus (Duxbury et Higgins, 2013; 2012; 2003; Vézina et al., 2011), ce qui soumet le système de santé à de fortes pressions (Duxbury, Higgins et al., 2012; 2004). On remarque aussi des liens significatifs entre le conflit travail-famille, les dysfonctionnements familiaux (Duxbury et Higgins, 2012; Barrette, 2009; Duxbury et Higgins, 2003; St-Amour, 2005) et la performance des organisations (Bachmann, 2009; Duxbury et Higgins, 2003).

Les recherches portant sur le sujet se font plus nombreuses de nos jours. Toutefois, très peu d’études ont porté sur les entrepreneurs et plus particulièrement sur les femmes entrepreneures québécoises. Ces dernières sont pourtant un moteur important du milieu des affaires canadien (GEM, 2013; RBC, 2013; Bulte, 2003; Ferguson, 1997) et de l’économie mondiale (Nel et coll., 2010; OCDE, 2007). La conciliation travail-famille est un enjeu de taille pour ces femmes, compte tenu de leurs rôles exigeants. D’une part, elles sont plus nombreuses à être mère que la moyenne des femmes québécoises et leur famille comptent plus d’enfants (Lee-Gosselin, 2010; Powers, 2009). D’autre part, elles sont plus susceptibles d’effectuer de longues heures de travail en raison de leurs responsabilités envers leur entreprise et les personnes qu’elles emploient.

Il a été noté que les femmes entrepreneures du Québec utilisent plusieurs stratégies pour relever leurs défis de CTF. Voici quelques-unes à titre d’exemple : travailler quand les enfants sont couchés, éviter les 5 à 7, apprendre à déléguer (Richer et St-Cyr, 2007); développer la gestion de priorités, engager de l’aide –ménagère (Powers, 2009); partager des tâches domestiques, baliser l’horaire (Lee-Gosselin, 2009). Toutefois elles n’ont pas été étudiées en profondeur. La présente recherche vise donc à identifier les stratégies de conciliation travail-famille utilisées par les femmes entrepreneures de la Capitale-Nationale, à identifier leurs processus de construction de stratégies et à analyser leurs effets. L’étude porte sur les moyens utilisés pour relever les défis de CTF ainsi que leur contexte plutôt que sur les difficultés.

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2

En premier lieu, la problématique sera présentée. Puisque cette étude aborde la conciliation travail-famille et les entrepreneures, un portrait global de la situation actuelle en matière de CTF sera dressé. Après avoir décortiqué les situations-problèmes, les conséquences du conflit travail - famille et les stratégies pour pallier les défis, l’entrepreneuriat féminin sera abordé sous l’angle de la conciliation travail-famille. Par la suite, le deuxième chapitre présentera le cadre conceptuel. Il s’agit du modèle holistique de la conciliation travail-famille (Chrétien et Létourneau, 2005) suivi du modèle demandes-contrôle de Karasek et de la définition du coping. Dans le troisième chapitre, l’approche méthodologique privilégiée sera décrite, à savoir une recherche qualitative de type phénoménologique. Le quatrième chapitre concerne la présentation et l’analyse des résultats selon les questions de recherche. Finalement, la dernière partie est consacrée à la conclusion.

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1 PROBLÉMATIQUE

La préoccupation concernant la conciliation travail-famille a augmenté au cours des dernières décennies (voir par exemple Allen et coll. 2013; Duxbury et Higgins, 2001; 2012; Institut de la statistique du Québec - ISQ, 2011, 2013; Ministère de la Famille et des Aînés, 2011; Statistique Canada, 2007) et l’importance de s’intéresser aux enjeux de CTF n’est plus à démontrer. Dans la présente étude, la problématique comporte deux volets : d’une part, les généralités sur les difficultés de conciliation travail – famille et, d’autre part, les enjeux de CTF propres aux femmes entrepreneures.

1.1 Généralités sur les difficultés de conciliation travail – famille

Plusieurs changements démographiques et socio-économiques modifient la relation entre le travail et la famille, par exemple, l’augmentation du taux d’activité des femmes sur le marché du travail (Ministère de la Famille et des Aînés, 2011), le vieillissement de la population (Barrette, 2009), l’augmentation des emplois atypiques, notamment le travail à temps partiel et le travail autonome, la surcharge de travail, l’incursion des nouvelles technologies d’information et de communication (Duxbury et Higgins, 2001; 2012) et l’augmentation des familles monoparentales et reconstituées (Institut de la statistique du Québec - ISQ, 2011; Statistique Canada, 2007;). Ces changements entraînent des défis pour les individus en ce qui touche la vie professionnelle et la vie familiale. Dans les paragraphes suivants, il sera question de décrire les principales difficultés de conciliation travail-famille selon la littérature. Une attention particulière sera portée aux études québécoises. Ces études ont principalement été réalisées dans des contextes organisationnels où les répondants occupent des emplois de divers niveaux.

1.1.1 Les situations-problèmes relatives à la vie professionnelle

Cette section décrit les six (6) principaux défis de conciliation travail-famille recensés dans la littérature (Bodner et Hammer, 2011; Chrétien et Létourneau, 2006; Kossek, Pichler, Lippel, Messing, Vézina et Prud’homme, 2011; Tremblay, 2012;2013; EQCOTESST, 2011). Il s’agit du manque de soutien de l’employeur, de la culture organisationnelle défavorable à la CTF, du nombre d’heures hebdomadaires de travail, des difficultés liées aux remplacements, de la surcharge de travail et de l’impossibilité de prendre des congés.

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1.1.1.1 Le manque de soutien du supérieur

Cette première situation-problème réfère au soutien du superviseur en matière de CTF, tel que défini par Kossek et coll. (2011 : 292)

“Supervisor work–family support is defined as perceptions that one’s supervisor cares about an individual’s work–family well-being, demonstrated by supervisory helping behaviors to resolve work–family conflicts (Hammer et al., 2009) or attitudes such as empathy with one’s desire for work–family balance (Thomas et Ganster, 1995).”

Dans l’étude de Chrétien et Létourneau (2010) auprès de parents-travailleurs dans la région de Chaudière-Appalaches, le manque de soutien de l’employeur est la principale difficulté mentionnée par les participants. Certains superviseurs et dirigeants ne comprennent pas que les employés aient des responsabilités en dehors du travail, notamment des obligations familiales. À cause de cette incompréhension de leur employeur, de nombreux parents-travailleurs se sentent contraints de choisir entre certaines exigences de la vie professionnelle et certaines exigences de la vie familiale. Le manque de soutien de l’employeur implique, d’une part, l’absence de mesures de CTF et, d’autre part, l’implantation de politiques et de mesures inutilisées à cause de l’absence de soutien des superviseurs, cadres ou dirigeants (Chrétien et Létourneau, 2010; Duxbury et Higgins, 2003; 2012; Kossek et coll., 2011;Tremblay, 2012; Tremblay et Mascova, 2013).

1.1.1.2 La culture organisationnelle défavorable à la CTF

Dans certains cas, l’insensibilité ou l’incompréhension de l’employeur va au-delà des comportements du cadre et concerne les collègues de travail, la haute direction et même les façons de faire dans l’entreprise. Il s’agit alors d’une culture organisationnelle défavorable à la CTF (Chrétien et Létourneau, 2010; Duxbury et Higgins, 2012). La culture organisationnelle est un ensemble de croyances, de valeurs, de normes et de comportements partagés par les membres d’une organisation (Denison, 1996 dans Chrétien et Létourneau, 2010). La littérature a identifié certains types de culture défavorable à la CTF qui peuvent se combiner: culture hostile, culture des exigences du travail indiscutables, culture incompréhensive, culture du choix forcé entre le travail ou la famille, culture disjointe, culture des longues heures de travail et culture de l’argent (Chrétien et Létourneau, 2010; Duxbury, Higgins et coll., 2003; Tremblay et Mascova, 2013). Dans tous les cas, il s’agit de cultures qui priorisent le travail au détriment de la famille.

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5 À titre d’exemple, voici deux témoignages référant aux cultures défavorables à la CTF qui préoccupent le plus les parents-travailleurs dans une région du Québec (Chrétien et Létourneau, 2010). Il s’agit de la culture hostile dans le premier extrait et de la culture des exigences du travail indiscutables dans le deuxième témoignage:

« J’ai demandé une journée de congé parce que ça faisait des semaines que je travaillais 50-60h. J’ai demandé mon congé en disant que j’avais besoin d’être avec ma famille. On m’a répondu : « Ne me dis pas des raisons de même, dis-moi plutôt que ta voiture est brisée. Ne viens pas me dire que c’est pour être avec ta famille». « Moi, j’ai déjà demandé de travailler de 8 h 15 à 17 h 15. Quinze minutes, ce n’est pas gros. Cela me permettait de ne pas dumper [jeter] mon petit au service de garde le matin. J’ai fait valoir mon point de vue : « Pour vous, c’est 15 minutes. Pour moi, je suis la journée en paix parce que je n’ai pas laissé mon enfant en larmes à la garderie, j’aurais pris le temps de le consoler. Et le soir, vous êtes gagnants, car je pars souvent à 18 h, plutôt qu’à 17h. Ils ont chialé [rouspété] : « Qu’est-ce que les autres vont dire ? Si on commence ça, on ne finira plus…».

Dans les deux cas, l’organisation accorde manifestement la priorité au travail et conçoit la CTF comme une responsabilité exclusive de la personne en emploi. En 2012, Duxbury et Higgins ont constaté que les cultures organisationnelles dans lesquelles le travail prévaut sur la famille ont encore une présence très forte au Canada. Cela indique que les organisations ne feront pas un réel progrès en matière de bien-être au travail et de conciliation travail-famille si elles ne se concentrent pas à changer la culture d’entreprise (p.11).

Une étude récente de Tremblay et Mascova (2013) a analysé la CTF des avocates et avocats. La recherche mentionne que la culture des longues heures prédomine dans ce groupe professionnel. Les auteures décrivent la façon dont les critères de performance de la profession augmentent la pression sur les avocates et les avocats qui se sentent dans l’impossibilité de concilier les deux sphères de leur vie. Dans ce milieu, les critères d’avancement professionnel sont liés à l’investissement d’un nombre d’heures important. Cette réalité a été évoquée par certains parents-travailleurs ayant participé à l’étude de Chrétien et Létourneau (2010). Les situations-problèmes concernant les horaires de travail et le nombre élevé d’heures seront abordées ci-dessous.

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1.1.1.3 Les horaires de travail atypiques

L’expression « horaire atypique » ou « non standard » s’applique à tous les aménagements de travail qui diffèrent de l’horaire régulier à temps plein, qui est en général le jour, du lundi au vendredi. Quelques exemples sont les horaires rotatifs, de soir, de nuit, irréguliers, brisés, à la carte, etc.2 Certains groupes professionnels sont reconnus pour les horaires atypiques notamment

les personnes œuvrant dans le secteur policier, les téléphonistes, les infirmières, les ouvriers, les employés de commerce et de l’hôtellerie-restauration. Les cadres expérimentent aussi souvent un horaire atypique qui s’étend les soirs et les fins de semaine.

L’horaire atypique est plus fréquent dans la catégorie des emplois atypiques ou non standards. D’après Tremblay (2012 : 85), le travail atypique comprend « tout ce qui se distingue de la forme régulière3 du point de vue de la durée du travail, du lien d’emploi ou des régimes d’avantages

sociaux. Cela inclut le travail à temps partiel, le travail autonome, le travail temporaire, les contrats de travail, le travail occasionnel ou saisonnier et, selon certains, le travail à domicile et le télétravail. »

Les horaires de travail non standards représentent des contraintes pour la conciliation travail-famille parce que la variabilité ou le type des horaires (par exemple les quarts de travail ou le travail de nuit) compliquent la planification du temps en famille (Koller et coll., 1990, cités par Prévost et Messing, 2001; EQCOTESST, 2011) et parce que certains services dont les services de garde ne sont pas adaptés à cette réalité (Chrétien et Létourneau, 2006).

1.1.1.4 Le nombre élevé d’heures hebdomadaires et l’horaire de travail

Le nombre élevé d’heures hebdomadaires et l’horaire de travail posent des défis pour la conciliation travail-famille des personnes en emploi (Chrétien et Létourneau, 2006; Duxbury et

2 Inspiré de l’Institut National de Recherche en Santé et de Sécurité (INRS), 2013 et de Tremblay et Villeneuve, 1997 3 Caractéristiques du travail régulier : « les tâches sont exécutées par une seule personne contre un salaire, en vertu

d’un contrat de travail; la salariée ou le salarié occupe un seul emploi; le lieu de travail est indiqué par son employeur, il s’agit le plus souvent de son établissement; la durée du contrat de travail est indéterminée; le travail s’exerce à temps plein, toute l’année, le plus souvent selon une durée hebdomadaire de 15 à 35 heures; des régimes d’avantages sociaux publics s’appliquent. » Tremblay, 2012 :85.

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7 Higgins, 2012; EQCOTESST, 2011). D’une part, le temps consacré au travail augment au fil des années (Duxbury et Higgins, 2012; 2004) et d’autre part les façons de faire des certains groupes professionnels conditionnent le « rapport professionnel » à la conciliation travail-famille (Tremblay et Mascova, 2013).

Pour certains groupes professionnels, notamment les infirmières et les avocats (Tremblay, 2012; Tremblay et De Sève, 2005; Tremblay et Mascova, 2013), les enjeux liés au nombre d’heures hebdomadaires sont majeurs. Par exemple, dans le milieu juridique, plusieurs parents-travailleurs vivent une double contrainte : d’une part, certains cabinets imposent un nombre d’heures facturables très élevé et, d’autre part, cela implique une quantité importante de travail « invisible » et non rémunéré. Selon une étude québécoise, « le seuil d’heures facturables fixé varie d’un cabinet à l’autre et peut aller de 1200 heures par an dans un cabinet en région jusqu’à 1800 heures dans de grands bureaux montréalais » (Tremblay et Mascova, 2013 : 73), ce qui soumet les avocates et avocats à des heures de travail hebdomadaires très nombreuses :

Mon objectif en termes d’heures c’est de 1700 heures facturables et 150 non facturables [objectif fixé par le cabinet]. C’est à peu près ça, c’est entre 1600 ou 1700. Dans les petits bureaux, c’est une autre chose…Si on est très régulier, si on fait 7 heures facturables par jour, ça va. Ça a l’air de rien, mais pour facturer 7 heures, il faut rester 10 heures au bureau (…) - Constance (Témoignage cité dans Tremblay et Mascova, 2013 :73).

L’extrait ci-dessus met en lumière le nombre élevé d’heures de travail, la quantité d’heures effectuées sans rémunération ainsi que le lieu où le travail est réalisé. Il est à noter que, dans le témoignage, il s’agit d’une avocate de 32 ans, mère de deux enfants, qui travaille pour un grand cabinet. Dans le cas des infirmières et infirmiers, certaines personnes font deux quarts de travail de suite, allant donc jusqu’à 14 ou 16 heures de travail continu (Tremblay et De Sève, 2005) lorsque le personnel de remplacement est insuffisant, et ce deuxième quart est imposé, souvent sans préavis. Donc, ces longues heures de travail laissent peu de temps et d’énergie disponibles pour répondre aux exigences familiales, ce qui augmente le stress et le niveau de conflit entre l’emploi et les responsabilités familiales et parentales (Tremblay et De Sève, 2005; Tremblay et Mascova, 2013).

D’après Chrétien et Létourneau (2006), de nombreuses mères-travailleuses désirent réduire le nombre d’heures de travail de 40 à 35 heures par semaine, « surtout lorsque les enfants sont

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8

petits ». Leur étude n’offre pas d’informations sur les pères-travailleurs, peut-être à cause de la sous-représentation de ces derniers dans la recherche menée. Il est à noter qu’il s’agit d’un petit échantillon de 30 parents-travailleurs soit 26 femmes et 4 hommes. De plus, les études sur les motivations du temps partiel rapportent depuis longtemps que la réduction du temps de travail est une stratégie des ménages pour réduire le conflit travail-famille, en particulier lorsque les enfants sont jeunes (Statistique Canada, 2010, 2014, ISQ, 2011)

1.1.1.5 Les difficultés liées aux remplacements

Certaines personnes en emploi qui ont besoin de s’absenter du travail pour des raisons familiales éprouvent de la difficulté à se faire remplacer, ce qui rend difficile la CTF. Plusieurs facteurs ont une influence sur ce défi : l’éthos de la profession, les caractéristiques de l’emploi, les exigences des clients et la pénurie de la main-d’œuvre dans certains secteurs (Chrétien et Létourneau, 2006, Tremblay et Mascova, 2013). Selon Chrétien et Létourneau (2006), la difficulté à se faire remplacer est vécue surtout « par les personnes assignées seules à un travail ou à une tâche précise ». Alors, lorsque le parent-travailleur s’absente, il ou elle se retrouve avec du travail accumulé et une surcharge pour la période subséquente.

La difficulté à se faire remplacer est vécue différemment selon le groupe professionnel. Dans le contexte particulier des services professionnels individualisés, comme le secteur de la santé, il est très difficile de se faire remplacer à cause notamment de la pénurie de main-d’œuvre. Le parent-travailleur ressent de la culpabilité lors qu’il s’absente puisque les bénéficiaires et les clients réclament sa présence (Chrétien et Létourneau, 2006). Dans d’autres milieux, comme celui du droit, la personne qui s’absente pour des raisons familiales est généralement mal perçue (éthos de la profession). Cependant, si elle est remplacée temporairement, elle risque de ne pas récupérer ses dossiers à son retour (Tremblay et Mascova, 2013) le client ayant développé une relation avec le « remplaçant » et ne souhaitant pas changer à nouveau de professionnel attitré. Quant aux cadres, le fait de se faire remplacer implique « de bien préparer leurs employé(e)s et de leur déléguer de nouvelles tâches, ce qu’ils n’ont pas toujours l’idée ou le temps de faire au quotidien » (Chrétien et Létourneau, 2006 : 8).

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9 1.1.1.6 La surcharge de travail

La surcharge de travail a été identifiée comme le premier facteur associé à un risque élevé pour la santé psychologique au travail (Brun, Biron et coll. 2003). Selon Duxbury, Higgins et coll. (2003), les commentaires des Canadiens à ce sujet sont à tout le moins préoccupants. Ils laissent entendre qu’« il est presque impossible d’atteindre l’équilibre lorsque les organisations continuent d’augmenter la charge de travail » (p. 8). Selon Tremblay et Mascova (2013), dans le cas des avocates et des avocats, la surcharge de travail ou les nombreuses heures de travail sont toujours présentes, surtout en début de carrière.

1.1.1.7 L’impossibilité de prendre des congés

Plusieurs contraintes, notamment la culture ou l’éthos de la profession, la nature et la surcharge du travail, les difficultés liées aux remplacements et la pénurie de la main d’œuvre dans secteurs font en sorte que plusieurs parents-travailleurs ne peuvent pas prendre des congés pour s’occuper des responsabilités familiales (Chrétien et Létourneau, 2006; Tremblay et Mascova, 2013), et « cela même à leurs propres frais » (Chrétien et Létourneau, 2006 : 8). Dans l’étude de Chrétien et Létourneau (2006) auprès de parents-travailleurs de Chaudières-Appalaches, une partie des personnes travaillant dans des secteurs diversifiés a décrit que « pour avoir droit à une journée de congé flottante rémunérée, ils devaient avertir leur employeur près de deux semaines à l’avance, ce qui leur apparaît complètement inapproprié compte tenu du caractère imprévisible des urgences familiales » (p. 8).

1.1.1.8 La longue durée des déplacements

Selon Statistique Canada (2011), les personnes en emploi ayant à parcourir de plus longs trajets se disent moins satisfaites de leur conciliation travail-famille. De même, une minorité des parents-travailleurs ayant participé à l’étude de Chrétien et Létourneau (2006) ont identifié les longs déplacements comme une situation-problème en matière de CTF. La durée des déplacements engendre le sentiment de manquer de temps pour la famille et les amis (Statistique Canada, 2011a).

(26)

10

1.1.2 Les situations-problèmes relatives à la vie familiale

Mis à part les caractéristiques du travail difficilement conciliables avec la vie familiale, les parents-travailleurs font face à des défis propres à la sphère familiale, notamment l’horaire des autres membres de la famille, les adolescents ou adolescentes sans surveillance à la maison, les enfants malades et handicapés, la vie scolaire des enfants, le partage des responsabilités familiales entre conjoints, le transport des membres de la famille, le calendrier des services de garde et des écoles et les soins aux proches malades ou en perte d’autonomie (Chrétien et Létourneau, 2006). Ces situations, toujours d’actualité (Duxbury et Higgins, 2012), seront brièvement décrites dans les paragraphes suivants.

1.1.2.1 L’horaire des autres membres de la famille

D’après Chrétien et Létourneau (2006), la coordination des horaires est complexe pour les parents-travailleurs ayant participé à la recherche. Certains facteurs accentuent le défi notamment la présence de deux enfants ou plus dans la famille, la monoparentalité et le lieu des activités des enfants. Les parents-travailleurs doivent aussi souvent concilier leurs horaires avec ceux de l’école, avec le service de garde et même avec les activités parascolaires des enfants. Cette situation les amène à une constante surcharge « qui porte avec elle son lot de fatigue et ses restrictions quant aux activités personnelles et familiales » (Chrétien et Létourneau, 2006 : 9). Tremblay et Mascova (2013) insistent sur le fait que les activités extrascolaires des enfants nécessitent un investissement temporel important de la part de parents – travailleurs qui souvent doivent les conduire, les attendre, les aider avec les devoirs, etc. Toutefois, cet investissement n’est pas perçu de façon négative par les parents.

1.1.2.2 Les adolescents ou adolescentes sans surveillance à la maison

«Il s’agit d’une très grande préoccupation pour les parents-travailleurs, surtout pendant l’été, lors des journées pédagogiques et de la relâche » (Chrétien et Létourneau, 2006 : 9). Il est possible que les parents soient présents au travail, mais inquiets des activités des enfants adolescents, indiquent les auteures. Duxbury et Higgins (2004, 2012) ont fait des constats similaires dans des études à l’échelle du pays.

(27)

11 1.1.2.3 Les enfants malades et handicapés

Souvent, les parents-travailleurs doivent quitter le lieu de travail rapidement ou encore prendre quelques jours de congé pour s’occuper d’un enfant malade. Le principal défi associé à cette situation est l’inadéquation des services de santé car le temps d’attente est long. Les heures passées à atteindre un examen médical sont des heures « perdues » au travail et elles doivent être reprises plus tard. En conséquence, il y a une diminution du temps disponible pour la famille (Chrétien et Létourneau, 2006). Une autre contrainte est la rigidité de certains services de garde relativement aux heures d’arrivée et de départ des enfants. Quant aux enfants handicapés, les auteurs soulignent que ce n’est pas le fait d’avoir un enfant handicapé qui nuit comme tel à la conciliation travail-famille, mais « bien la gestion des multiples rendez-vous avec toute une panoplie de spécialistes » (p.10).

1.1.2.4 La vie scolaire des enfants

Certaines activités scolaires exigent beaucoup de temps et d’attention de la part des parents-travailleurs. C’est le cas pour la supervision des devoirs après le travail ou les appels répétés de l’école concernant le comportement des enfants. De plus, certains enfants ont besoin d’un soutien particulier dans leurs apprentissages. Pour cette raison, les parents doivent trouver des ressources spécialisées. Ce qui implique de sortir fréquemment de la MRC de résidence lorsque la famille réside dans une région moins bien desservie par de tels spécialistes (Chrétien et Létourneau, 2006).

1.1.2.5 Le partage des responsabilités familiales entre conjoints

L’inégalité dans le partage des responsabilités familiales peut affecter particulièrement la conciliation travail-famille des femmes (Chrétien et Létourneau, 2006; Tremblay et Mascova, 2013), car ces dernières restent les principales responsables des tâches domestiques et des soins aux enfants. Par conséquent, elles consacrent plus de temps par jour au travail non rémunéré (IRIS, 2014; ISQ, 2013; 2014; OCDE, 2011). Selon les données de l’OCDE (2011 : 21), « la garde des enfants occupe 42 minutes par jour pour les pères contre 1 heure et 40 minutes pour les mères ».

(28)

12

Il importe de préciser que les hommes s’impliquent davantage dans les responsabilités familiales, mais l’écart entre les sexes persiste. Par exemple, au Québec, on constate une augmentation de 0,9 heure par jour consacrée par les hommes aux activités domestiques. Ils ont passé de 2,1 à 3,0 heures par jour entre 1986 et 2005. Pendant la même période, il y a eu une réduction de 0,2 heure chez les femmes. Elles ont passé de 4,9 à 4,7 heures par jour (ISQ, 2011).

1.1.2.6 Le transport des membres de la famille

Le temps consacré au transport des enfants (service de garde, école, activités parascolaires) peut être une contrainte pour certains parents travailleurs (Chrétien et Létourneau, 2006). Deux facteurs contribueraient à cette situation-problème, notamment l’inadéquation du service de transport en commun (horaire et fréquence) dans certains secteurs et la congestion routière (Statistique Canada, 2011a). Certains parents-travailleurs vivent des situations particulières avec des enfants handicapés ou des personnes âgées à charge puisque le transport adapté pour ces derniers est limité dans les horaires et les trajets (Chrétien et Létourneau, 2006; Duxbury et Higgins, 2012). 1.1.2.7 Le calendrier des services de garde et des écoles

«Pour les parents dont les enfants sont d’âge préscolaire et primaire, le calendrier des services de garde et de l’école les contraint à prendre des journées de congé ou leurs semaines de vacances à des moments précis, et parfois même avec un préavis très court lorsque la gardienne en milieu familial se déclare malade ou lors des journées pédagogiques flottantes » (Chrétien et Létourneau, 20064 : 11).

1.1.2.8 Les soins aux proches malades ou en perte d’autonomie

Un nombre important de Canadiens vivent des défis associés aux rôles d’employé, de parent et de proche aidant. D’après l’ESG de 2012, plus d’un quart (28 %) de la population canadienne, soit environ 8,1 millions de personnes fournissent des soins à un ami ou à un proche ayant un problème de santé chronique ou une incapacité (Statistique Canada, 2013). Selon l’étude pancanadienne de Duxbury et Higgins (2012) auprès de 25 021 personnes en emploi, la majorité

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13 de l’échantillon (60 %) s’occupait à la fois de proches âgés et d’enfants (génération sandwich). Dans le sondage sur les défis propres aux personnes en emploi qui sont aussi aidants (n= 7 966), les femmes étaient deux fois plus susceptibles d’appartenir à la génération sandwich (Duxbury et Higgings, 2013 : 9). D’ailleurs, selon Statistique Canada (2013 :12), environ 54 % des aidants familiaux en 2012 étaient des femmes. Les données de Duxbury et Higgins (2012), indiquent que les personnes de la génération sandwich, particulièrement les femmes, affichent les plus hauts niveaux de surcharge professionnelle et familiale lorsqu’on les compare avec les autres personnes en emploi (aucune personne à charge, parents, proches aidants).

1.1.3 Les conséquences du conflit travail – famille

Les situations-problèmes relatives à la vie familiale et professionnelle répercutent négativement sur les individus (santé, avancement de carrière et revenus), sur les organisations et sur la société. Ces conséquences ont été documentées par la littérature (par exemple, Duxbury, Higgings et coll., 2012; INSPQ, 2005; St-Amour et Bourque, 2013a; Vézina et coll; 2011) et elles sont abordées dans les sections suivantes.

1.1.3.1 Les effets sur la santé des individus

Plusieurs études confirment l’impact du conflit travail-famille sur la santé mentale et physique des individus (Duxbury, Higgings et coll., 2012; St-Amour et Bourque, 2013a; Vézina et coll.; 2011). Selon l’étude pancanadienne publiée par Duxbury et Higgins en 2012 (n= 25,021), presque un tiers des répondants (31 %) manque de sommeil à cause des difficultés de CTF. Un peu plus de la moitié de ces personnes (57 %) se sentent très stressées et un nombre important (40 %) vit des niveaux modérés de stress. L’humeur dépressive, soit le faible niveau d’énergie et le sentiment persistant d'impuissance et de désespoir, se manifeste chez plusieurs individus de l’échantillon dont 36 % signalent des niveaux élevés et 40 % des niveaux modérés. Dans l’étude en question, 7 966 personnes appartiennent à la génération sandwich (s’occupent de leurs enfants et de leurs proches vieillissants). Pour ces individus, leur situation semble associée à plusieurs émotions négatives comme la frustration et la colère (40 %); l’inquiétude et l’anxiété (25 %); la culpabilité (22 %); le sentiment d’être dépassé ou surchargé (22 %); le désespoir, l’impuissance et le sentiment d’être pris au piège (15 %) et la préoccupation (10 %).

(30)

14

Selon l’étude québécoise de Vézina et coll. (2011 : 184), « les travailleurs âgés de 25 ans et plus ayant des niveaux élevés de responsabilités familiales sont proportionnellement plus nombreux à présenter un niveau modéré ou élevé de détresse psychologique (42 % contre 30 et 31 % pour les travailleurs avec des responsabilités familiales qualifiées de moyennes ou faibles) et à avoir des symptômes dépressifs (respectivement, 18 %, 11 % et 13 %) ».

Pour ce qui est de la santé physique, selon l’EQCOTESST (2011), les personnes de 25 ans ou plus ayant des niveaux élevés de responsabilités familiales sont proportionnellement plus nombreuses à rapporter des troubles musculo-squelettiques (TMS) perçus comme liés au travail (28,5 % comparativement à 20,6 % et 20,5 % pour les personnes avec des responsabilités familiales moyennes ou faibles). La majorité des personnes de la génération sandwich (83 %) ayant participé au sondage pancanadien de Duxbury et Higgins (2012) ont manifesté des problèmes de santé physique à cause de leur rôle d’aidant dont les plus communs sont la fatigue et l’épuisement (44 %).

.

1.1.3.2 Les effets sur la sphère professionnelle

La difficulté à concilier travail et famille aurait une incidence sur l’avancement de carrière et sur les revenus de certains parents-travailleurs. Selon Tremblay et Mascova (2013), dans certains domaines, notamment dans celui du droit, le fait d’avoir des enfants aurait un impact direct sur l’avancement professionnel : « C’est comme si avoir des enfants en bas âge et s’investir professionnellement étaient des choses incompatibles » (p.80). Ce sont surtout les femmes qui vivent des conséquences négatives sur le plan professionnel. Selon les auteures, « la division du travail domestique pénalise les femmes avocates tout particulièrement: celles-ci déclarent consacrer presque deux fois plus d’heures par semaine (40,18 heures) aux responsabilités familiales que leurs collègues masculins (22,06 heures). Alors, plusieurs avocates reportent l’avancement professionnel afin de concilier travail et famille. Cette décision, tout comme celui des horaires atypiques, a des impacts sur les revenus des parents-travailleurs (Tessier, 2009; Chrétien et Létourneau, 2006; Tremblay et Mascova, 2013).

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15 Bien que peu nombreux, les hommes qui assument un partage plus égalitaire des responsabilités familiales peuvent aussi voir une stagnation dans leur carrière (Chrétien et Létourneau, 2006; Tremblay et Mascova, 2013). À titre d’exemple, certains avocats « qui se sont investis dans la sphère familiale […] et ont préféré donner à leur conjointe la possibilité de faire carrière ont également le sentiment d’accuser un retard par rapport à leurs confrères » (Tremblay et Mascova, 2013 :81). Toutefois, même si les hommes s’investissent davantage dans la sphère familiale (IRIS, 2014), « il apparaît que l’injonction collective à réaliser ladite « conciliation » repose toujours sur les épaules des femmes » (Tremblay et Mascova, 2013 : 50). De plus, selon Hélène Lee-Gosselin, titulaire de la Chaire Claire-Bonenfant – Femmes, Savoirs et Sociétés, les hommes qui le font reçoivent des marques d’appréciation sociale et en tirent le bénéfice d’être vu comme moderne et engagé. Or les femmes qui font la même chose ne reçoivent pas de tels avantages symboliques. 1.1.3.3 Les effets sur les familles

Selon un vaste sondage auprès de 31 571 personnes en emploi au Canada5 (Duxbury et Higgins, 2003), environ 60% de répondants vivent des niveaux élevés de surcharge de rôles. Presque une décennie plus tard, les demandes familiales n’ont pas changé et les exigences professionnelles ont augmenté « drastiquement6 » (Duxbury et Higgins, 2012). D’après les auteurs, ces personnes vivant une surcharge de rôles seraient plus susceptibles de se sentir insatisfaites par rapport à leur vie familiale, à leurs compétences parentales et à l’intégration de la famille. Ils manquent de temps pour participer aux activités qui sont liées au bien-être de la famille à cause des exigences professionnelles élevées.

« Un horaire surchargé laisserait moins de temps aux parents travailleurs pour la préparation des repas, surtout des repas santé » selon une étude de Devine et coll. (2003 cité dans St-Amour et Bourque, 2013a : 28). D’après les auteurs, certains parents pourraient augmenter la fréquence des repas au restaurant, ce qui complique le choix des repas sains. La préparation des repas santé serait plus difficile pour les familles à faible revenu dont les parents doivent jongler avec un

5 Personnes en emploi dans 100 entreprises canadiennes de 500 employés et plus.

6 En 2012, 68% des hommes et 54% des femmes travaillent plus de 45 heures par semaine versus 55% et 39% en

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16

horaire surchargé et faire des choix en fonction des priorités financières (Devine et coll., 2003 cité dans St-Amour et Bourque, 2013a).

Le manque de temps causé par la surcharge des rôles nuit au partage des repas en famille. Cependant, la flexibilité dans l’horaire des parents-travailleurs permettrait aux familles de manger ensemble plus souvent et de diminuer le nombre de fois où les enfants mangent du « fast-food » pour le dîner, indique une étude d’Allen et ses collaborateurs (2008) auprès de 220 parents-travailleurs aux États-Unis.

D’après Barrette (2009), peu d’études analysent l’impact du conflit travail-famille sur la qualité de la relation du couple. Les résultats de la méta analyse d’Allen et coll. (2000) démontrent que la difficulté à concilier travail et vie familiale affecte l’entente conjugale. Cependant, les auteurs indiquent que les conclusions à ce sujet ne font pas consensus dans des études publiées dans les années 90. Par exemple, certaines recherches indiquent que le conflit travail-famille est relié à une plus faible satisfaction dans la vie conjugale chez les hommes, mais pas chez les femmes, tandis que d’autres études concluent le contraire.

Une recherche récente de Cho et Allen (2012) auprès de 431 parents-travailleurs aux États-Unis démontre que l’empiétement du travail dans la vie familiale peut affecter le temps consacré aux interactions entre les parents et les enfants pour certaines activités. Particulièrement, les parents ayant des niveaux élevés de conflit travail-famille participent moins aux certaines activités éducatives et récréatives des enfants, par exemple, l’aide aux devoirs et la pratique d’un sport. 1.1.3.4 Les conséquences sur les organisations et sur la société

Le conflit travail-famille a un impact négatif sur les organisations, mais aussi sur le système de santé et la société en général. En ce qui touche les organisations, plusieurs études ont constaté des impacts de ce conflit sur la satisfaction au travail, l’absentéisme, le présentéisme, les retards, le roulement, la motivation, le climat de travail, les accidents du travail et les niveaux élevés de stress (Bachmann, 2009; Duxbury, Chrétien et Létourneau, 2010; Duxbury, Higgins et coll., 2003; 2012; Grawitch et coll. 2006, St-Amour et coll., 2005; Vézina et coll., 2011). Selon des données récentes, « le temps de travail perdu pour des raisons personnelles est passé d’un équivalent de 8,5 jours par travailleur en 2001 à 9,3 jours en 2011 » (Dabboussy et Uppal, 2012). D’après

(33)

17 Duxbury et Higgins (2012 :8), les organisations ont intérêt à agir en matière de CTF pour augmenter leur efficience et leur efficacité et pour diminuer les coûts associés à l’absentéisme. Pour la société, les impacts financiers de cette réalité ne sont pas négligeables. Au Canada, presque le tiers de personnes en emploi vivent un conflit important entre travail et famille tandis que la même proportion (30%) vit un conflit modéré (Duxbury et Higgins, 2012 : 8). Les effets de ce conflit sur la santé physique et psychologique des individus s’avèrent coûteux pour le système de santé (Duxbury, Higgins et coll., 2004; Vézina et coll., 2011). D’après les estimations de Duxbury et Higgins (2004), une proportion importante des consultations auprès des médecins, des hospitalisations ainsi que des consultations aux urgences est causée par le conflit entre travail et famille. D’autres travaux arrivent à des constats similaires (St-Amour et coll., 2005; Vézina et coll., 2011). Comme quoi les coûts socio-économiques liés au conflit travail-famille ne cessent d’augmenter.

1.1.4 Les stratégies pour harmoniser travail et famille

Compte tenu des conséquences néfastes du conflit travail – famille sur les individus, les organisations et la société, ces acteurs ont mis en place des dispositifs pour favoriser la relation entre le travail et la famille. Ainsi, les gouvernements agissent en matière de politiques publiques concernant les familles et les enfants, certaines organisations implantent des mesures de CTF afin de favoriser l’équilibre travail et famille des personnes en emploi et ces mettent en place des stratégies d’ajustement (coping) pour alléger le poids des obligations professionnelles et personnelles ou pour augmenter leurs ressources afin de surmonter les défis de CTF. Les paragraphes suivants décrivent les moyens mises en places par ces acteurs.

1.1.4.1 Les interventions de l’État

Les dispositifs de l’État en matière de conciliation travail-famille sont présentés dans cette section. Il s’agit des politiques familiales, des paiements et transferts aux familles, des avantages fiscaux pour les familles et des mesures de CTF. Pour exposer la majeure partie, le rapport de Croisetière (2012) sur les portraits de politiques familiales du Québec et de treize pays développés sert de base.

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18

1.1.4.1.1 Les politiques familiales

« Une politique familiale est l'ensemble des mesures et des interventions publiques, gouvernementales ou municipales, destinées aux familles » (Ministère de la Famille et des Ainés du Québec). Dans plusieurs pays développés, les objectifs de la politique familiale sont la CTF, l’égalité entre les sexes, le renforcement du rôle du père, la lutte à la pauvreté infantile et le développement des services de garde (voir tableau 1).

Tableau 1 : Principaux objectifs de la politique familiale selon le pays

Conciliation travail-famille Égalité de sexes Renforcement du rôle du père Lutte à la pauvreté infantile Développement des services de garde Allemagne x x Australie x Belgique x x Danemark x Espagne x x États-Unis x France x Italie x Norvège x x x Québec x x x Royaume-Uni x x Suède x x x

Source : Information compilé à partir de Croisetière (2012)

Au Québec, la CTF est un objectif principal de la politique familiale. Elle vise également l’égalité entre les sexes « en favorisant le travail des femmes (grâce à l’équité salariale et aux congés parentaux) et en encourageant les pères à s’impliquer auprès des enfants (grâce au congé de paternité)». Un autre objectif de la politique familiale au Québec est le développement des services de garde (Croisetière, 2012). Les initiatives québécoises en matière de CTF s’inspirent de celles de la Suède et tendent à se rapprocher de ces dernières.

Le pourcentage du produit intérieur brut (PIB) consacré à la politique familiale est souvent utilisé pour comparer la générosité des différents pays en cette matière. Selon la base de données de l'OCDE sur la famille (version décembre 2014), les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques consacrent, en moyenne, 2,55% de leur PIB aux prestations

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19 familiales. Il y a toutefois de grandes variations entre les pays. D’une part, le Danemark, l’Irlande, et le Royaume-Uni se distinguent avec des dépenses de 4% ou plus dans ce domaine. D’autre part, les dépenses publiques pour les familles se situent au-dessous de la moyenne au Canada, au Chili, en Corée, au Portugal, au Mexique et aux États-Unis (moins de 1,5%). La figure 1 présente les dépenses publiques pour les familles en pourcentage du PIB, par pays, en 2011. Cependant, les données pour le Canada ne tiennent pas compte des provinces, et selon la constitution, ce sont les provinces qui assument la plus grande part de responsabilité en cette matière. D’après Croisetière, (2012) le Québec se situait, en 2009, au niveau de la Suède et du Danemark avec un pourcentage observé de 3,3% « selon une estimation du ministère des Finances, qui tient compte à la fois des dépenses provinciales et fédérales » (p.3).

Les politiques familiales sont relativement complexes, et cela quel que soit le pays, ce qui rend difficile ces comparaisons internationales, indique Croisetière (2012) qui a analysé les politiques familiales de 13 pays développés. En général, elles sont constituées de paiements de transferts aux familles, d’avantages fiscaux pour les familles et de mesures de CTF.

(36)

20

Figure 1 : Dépenses publiques pour les familles en pourcentage du PIB, par pays en 2011

Source : La base de données de l'OCDE sur la famille (2014 : 2), à jour le 19 septembre 2014.

1.1.4.1.2 Les paiements de transferts aux familles

Les paiements de transfert aux familles comprennent les allocations familiales et l’assurance parentale entre autres. Généralement, les allocations familiales dans les pays développés visent les enfants de moins de 18 ans. Les allocations familiales sont accordées, le plus souvent, sans tenir compte du revenu familial, sauf en Australie, en Espagne, en Italie et au Québec (Croisetière, 2012 : 4). Elles sont non imposables dans la grande majorité des cas (au Royaume-Uni, imposable depuis 2013).

Les familles québécoises ont droit à des mesures universelles de soutien aux enfants et à la prestation fiscale canadienne pour enfants (Croisetière, 2012). Le premier est versé par le gouvernement du Québec et comporte deux volets : 1) le paiement de soutien aux enfants qui est une aide financière versée à toutes les familles admissibles7 ayant un enfant à charge de moins de

7 Les critères d’admissibilité au paiement de soutien aux enfants sont décrits sur le site de la Régie des rentes du

Québec (RRQ) : http://www.rrq.gouv.qc.ca/fr/enfants/naissance/paiement_soutien_enfants/Pages/admissibilite.aspx 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5

Cash Services Tax breaks towards families

OECD-33 average =2.55%

(37)

21 18 ans qui réside avec elles et 2) le supplément pour enfant handicapé ayant pour « but d'aider financièrement les familles à assumer la garde, les soins et l'éducation d'un enfant dont le handicap, physique ou mental, le limite de façon importante dans ses activités de la vie quotidienne et dont la durée prévisible est d'au moins un an » (Site web de la Régie des rentes du Québec - RRQ). Quant à la prestation fiscale canadienne pour enfants, comme son nom l’indique, elle relève du gouvernement fédéral.

La politique familiale québécoise inclut également des mesures de soutien financier particulièrement pour les familles à faible revenu. De plus, les enfants pourraient être admissibles à la rente d'orphelin, dans le cas de décès de l’un des parents ou à la rente d'enfant de personne invalide, si la mère ou le père devient invalide (RRQ).

1.1.4.1.3 Les avantages fiscaux pour les familles

Le crédit d’impôt pour les familles est un type de dépense publique qui prend différentes formes selon le pays. Par exemple, en France, une mesure fiscale (le quotient familial) réduit l’impôt à payer selon le nombre de personnes dans le ménage (adultes et enfants). En Allemagne, en Belgique et aux États-Unis, on retrouve un crédit d’impôt ou une déduction pour frais de garde. Au Québec, les parents bénéficient d’un crédit d’impôt pour frais de garde dans la déclaration de revenu provinciale et d’une déduction pour frais de garde dans la déclaration fédérale.

1.1.4.1.4 Les mesures de CTF

Dans plusieurs pays développés, parmi les mesures de CTF on retrouve les horaires de travail modulés, les services de garde subventionnés ou les maternelles publiques gratuites et les congés parentaux. Il est à noter que les mesures en faveur des familles sont accompagnées, en général, d’une réglementation élaborée, de restrictions diverses, de cas d’exception ou d’exclusions. Dans certains pays tels que l’Allemagne, la Belgique l’Espagne, la Finlande, la France, la Norvège, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, la loi permet aux personnes en emploi de demander un horaire de travail flexible pour concilier les responsabilités familiales et les responsabilités professionnelles (Croisetière, 2012).

Au Québec, des mesures de CTF sont encadrées par la norme Conciliation travail-famille (BNQ 9700-820) pour attester de leur véracité et inciter les entreprises à les mettre en place. Cette

(38)

22

norme « est un document de référence qui spécifie les exigences en matière de bonnes pratiques de conciliation travail-famille. Elle s’applique à toute organisation, publique, privée ou autre, peu importe sa taille, les produits ou les services qu’elle fournit » (Ministère de la Famille et des Ainés). Les organisations qui désirent obtenir la certification doivent s’adresser au Bureau de normalisation du Québec (BNQ). Quatre niveaux peuvent être atteints selon certaines exigences de la norme. Depuis le lancement de la norme en 2010, seulement neuf entreprises ont été certifiées (BNQ, 2016)

Quant aux services de garde, en 1997, le gouvernement du Québec a mis sur pied un programme de places de garde à contribution réduite pour les enfants de moins de cinq ans (Croisetière, 2012). À partir du 1er octobre 2014, la contribution réduite est fixée à 7,30 $ par jour par enfant (Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance, art. 5, à jour 1er décembre 2014). Les parents peuvent donc confier la garde de leur enfant à des services de garde reconnus par le ministère de la Famille; il peut s’agir d’un centre de la petite enfance (CPE), d’une garderie ayant conclu une entente de subvention à cet effet ou un service de garde en milieu familial reconnu par un bureau coordonnateur (Croisetière, 2012 :60). Tous ces services sont réglementés par le gouvernement du Québec.

Pour ce qui est des congés à la naissance et à l’adoption, ils comprennent le congé de maternité, le congé de paternité et le congé parental. Ce dernier peut être offert au père comme à la mère parce qu’il a pour objectif les soins et l’éducation à donner aux petits enfants (Tremblay, 2012). Les modalités d’attribution du congé parental varient selon les pays : il peut s’agir des catégories de personnes y ayant droit, des conditions d’ancienneté dans l’emploi pour y être éligible, de la durée du congé et de la période pendant laquelle il peut être pris, de la possibilité de fractionner et d’échelonner le congé ou de le prendre à temps partiel, de la nature du droit (individuel ou familial ) et du paiement ou non d’une allocation (p. 315). À titre d’exemple, le tableau 2 présente la durée cumulative des congés selon les pays. Il ressort que la durée des congés au Québec et au Canada est comparable à celle de la Norvège.

(39)

23

Tableau 2 : Durée cumulative des congés à la naissance et à l’adoption en nombre de semaines selon le pays

Pays Durée cumulative en nombre de semaines

(congé de maternité, de paternité et parental)

Suède 70

Pays-Bas 68

Allemagne 57 ou 66 au choix des parents

Italie 63 dont 43 semaines à 30 % du salaire Norvège 48 ou 58 au choix des parents

Québec 46 ou 55 au choix des parents

Canada 50

Belgique 43

Royaume-Uni 41

Australie 18

Espagne 19

France 18 dont 16 pour le congé de maternité, pour une naissance de premier ou deuxième rang, et 2 semaines pour le congé parental

Données compilées à partir du rapport « Portraits de politiques familiales - Le Québec et treize pays développés » de Croisetière (2012).

Le nouveau Régime québécois d’assurance parental et le congé de paternité : Le nouveau

RQAP est entré en vigueur le 1er janvier 2006 et comporte quatre caractéristiques principales. D’abord, qualifié comme « avantageux pour le père », il instaure un congé de paternité de 3 ou 5 semaines avec des prestations non transférables à la mère (RQAP, 2013). Selon Tremblay (2012), ce changement est une innovation au Canada, et même en Amérique du Nord, car seulement quelques pays nordiques (Suède, Norvège, Finlande et Islande) offrent des semaines réservées aux pères et cela semble avoir une forte incidence sur la prise de congé (p. 324).

Le deuxième changement est l’augmentation du revenu maximal assurable qu’offre le régime. Lors de la mise en place de ce nouveau régime, le montant était de 64 500 $ au lieu de 43 200 $ pour le congé parental fédéral (Tremblay, 2012). « Ce revenu est ajusté 1er janvier de chaque année, selon le taux fixé par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) » (RQAP, 2013). C’est ainsi qu’en 2015, le revenu maximal assurable pris en compte pour le calcul du

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24

montant des prestations s’établit à 70 000 $. On pourrait donc qualifier le nouveau régime comme « généreux » (voir tableau 3).

Tableau 3 : Le congé parental, de maternité et paternité au Canada et au Québec (depuis 2006)

Admissibilité

Canada Assurance-emploi

Québec Régime de base (plus long, moins

rémunérateur)

Québec régime particulier (plus court, plus

rémunérateur) 600 heures de travail

(variations régionales) Revenu minimal d’au moins 2 000 $ CAD au cours de la période de référence Travailleurs et

travailleuses indépendants

Couverts (depuis 2011) Couverts si gains d’au moins 2 000 $ au cours de la période de référence Taux de remplacement de

base 55 % pour 50 semaines 70% pour 25 semaines 55% pour 25 semaines 75% pour 40 semaines Maximum de gains

assurables 49 500 $ CAD* 70 000 $ CAD* Période d’attente pour les

prestations 2 semaines (par couple) Aucune

Durée congé de maternité 15 semaines 18 semaines 15 semaines Durée congé parental 35 semaines (à partager) 32 semaines (à partager) 25 semaines (à partager) Durée congé de paternité Pas de congé de paternité payé 5 semaines 3 semaines

Durée totale 50 semaines 55 semaines 43 semaines

Adapté de Tremblay (2012 : 327) * Le montant assurable augmente chaque année - Données mises à jour en avril 2015 à partir des sites web de la RRQ et de l’Agence du revenu du Canada.

En troisième lieu, le régime est qualifié de « souple » puisque les parents travailleurs ont le choix entre deux régimes, notamment celui de base (plus long, moins rémunérateur) et le régime spécifique (plus court, plus rémunérateur). Finalement, le nouveau RQAP es plus « accessible » parce qu’il permet à plus de personnes de bénéficier de prestations. C’est le cas des agricultrices et des agriculteurs occupant un emploi salarié ainsi que des travailleuses et travailleurs autonomes. Selon les données de septembre 2014 du Conseil de la gestion de l’assurance parentale, parmi les nouveaux parents bénéficiaires du RQAP, les travailleurs autonomes et mixtes représentent 5,6 % des nouveaux prestataires.

Le congé de maternité : Au Québec, les normes du travail prévoient un régime de congé de

maternité depuis 1979. Sa durée maximale de 18 semaines est comparable à celle qui est accordée ailleurs au Canada (Tremblay, 2012). Le taux de remplacement de revenu varie selon le

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25 régime choisi. Ainsi, le régime de base offre la possibilité de recevoir jusqu’à l’équivalent de 70 % du salaire hebdomadaire. Ce pourcentage est de 75 % pour les mères choisissant le régime particulier (voir tableau 3).

Les congés pour raisons familiales ou parentales : La Loi sur les normes du travail prévoit des

congés pour raisons familiales ou parentales au Québec. Ils comprennent : 1) les congés dans les cas de grossesse, de naissance ou d’adoption; 2) les congés pour obligations familiales ou parentales et 3) le congé à la suite d’une maladie, d’un don d’organe ou de tissus à des fins de greffe, d’un accident, d’un acte criminel ou d’un suicide (LNT V.01 articles 79.7 à 81.17).

Retrait préventif de la travailleuse enceinte : La loi sur la santé et la sécurité du travail prévoit le

retrait préventif de la travailleuse enceinte (articles 40 à 48). Le but du programme est le maintien en emploi sans danger de la travailleuse enceinte ou qui allaite (Dugré et Laurin, 2010 : 4).

Quand une travailleuse enceinte estime que son travail comporte un risque pour sa santé ou celle de son enfant, elle peut demander à un médecin de remplir un certificat visant son retrait préventif en vertu du programme Pour une maternité sans danger. L’employeur doit alors éliminer le danger que le travail présente ou affecter la salariée à d’autres tâches. Si ce n’est pas possible, la salariée a droit à un retrait préventif du travail jusqu’à la quatrième semaine précédant celle de la date prévue de l’accouchement (Croisetière, 2012 : 58).

La travailleuse reçoit une indemnité équivalant à 90 % de son salaire net. Le maximum de gains admissibles est de 70 000 $ en 2015. C’est l’employeur qui verse le montant à la salariée et la CSST le lui rembourse (CSST, 2014).

Un bilan des mesures du pouvoir public au Québec : Selon Tremblay (2012) et St-Amour et

Bourque (2013), si l’on considère les mesures de CTF (centres de la petite enfance, service de garde subventionné, la durée des congés parentaux), le Québec a évolué vers un modèle de conciliation :

Dans les pays s’approchant de ce modèle, l’intervention publique a pour objectif de concilier les exigences de la famille et celles de l’emploi, en permettant aux individus, femmes et hommes, de se maintenir en emploi tout en assumant leurs responsabilités familiales. Autrement dit, il permet de juxtaposer la famille et l’emploi sans avoir à sacrifier l’un ou l’autre (Tremblay, 2012 :261).

Figure

Tableau 1 : Principaux objectifs de la politique familiale selon le pays
Figure 1 : Dépenses publiques pour les familles en pourcentage du PIB, par pays en 2011
Tableau 2 : Durée cumulative des congés à la naissance et à l’adoption en nombre de semaines selon le pays
Tableau 3 : Le congé parental, de maternité et paternité au Canada et au Québec (depuis 2006)
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