uNrvERSrrÉ
DU
euÉBEC À
nrwrousxr
ÊTnE HUMAIN
AU
TRAVAIL
UNE
RECHERCHE
SUR
LA VALEUR
DU COEUR
DANSLES
PRATIQUES
DE GESTION
Mémoire présenté
dans le cadre du programme de maîtrise en Étude des pratiques psychosociales
en vue de
l'obtention
du srade de maître ès artsPAR
O
LISA LEBLANC
n1
Composition
dujury
:Pascal
Galvani, président
dujury,
Université du
Québec àRimouski
Danielle Boutet, directrice
de recherche,Université du
Québec àRimouski
Guylaine
Dubuc,
examinatrice
externe,directrice
générale, CaisseDesjardins
duCarrefour
des LacsLINIVERSITE
DU
QUEBECA
RIMOUSKI
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autorisel'Université du
Québecà Rimouski
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part de l'auteur
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à ses droits de propriété intellectuelle. Sauf entente contraire,I'auteur
conserve la liberté de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dontil
possède un exemplaire.A
ma mèremon
père Rosaire changé ma vie!vii
Paula Grégoire et à Leblanc
pour
avoirIX
REMERCIEMENTS
Mes remerciements
vont
à tous ceux sansqui
ce mémoire ne serait peut-être encoreque des idées confuses
et
informulées, mais dont les retours surla
forme et contributionssur le fond ont permis la finalisation de ce texte, en
particulier
:À
Danielle Boutet, ma directrice, pour ton doigté et ta capacité de me guider sans tropm'encadrer.
À
mes compagneset
compagnons de cohorteà
la
maîtrisepour
la
richesse de nos échanges. Certainsd'entre
vous ont
été
desalliés
privilégiés
:
Louise
Dufour pour
ta générosité naturelleet
ta
grande humanité dans tesréflexions
et
commentaires toujoursinspirants.
Ma
reconnaissanceva
particulièrementà
SandraBelzile,
chère sæur,qui
m'a
apporté ton support dans mes traversées du désert. Tu m'as aidée à demeurer dans le sujet.
À
Linda, pour ta grandeur d'âme, ton intelligence du cæur etta
capacité de jouer avec les mots.À toi
Luce, ma complice et amie, sur quije
compte et m'appuie au quotidien et sansqui
je
ne pourrais professionnellementy
arriver.Et, bien sûr, à tous les gestionnaires qui ont
nourri
cetravail.
Sans vous et sans votreauthenticité. ce travail n'aurait même pas existé,
Mes
remerciementsvont
enfin
à
mes
enfants Catherine
et
Olivier, pour
votre patience,votre
appuiet
amour inconditionnel dans les beauxjours
comme dans les jours sombres de notrevie.
À
Stéphaneer
Claraqui
se sont greffés à notre vie, mais sansqui
laX1
AVANT-PROPOS
Ce retour à
l'école
m'a
offert
un temps d'arrêt queje
n'avais jamais eu auparavant etdont
j'avais
grandement besoin.Ce mémoire
s'inscrit
dans ma volonté première de ne pas demeurer passive devant lasouffrance humaine
dont
je
suis
quotidiennementtémoin au
sein des entreprises. Je neprétends pas résoudre la problématique que
je
soulève, ma quête étant davantage liée à celled'ouvrir
le sujet et de briser le silence et le tabou qui l'entourent.Je suis heureuse de ce
point de
départ et d'arrivée, bien queje
constatetout
cequ'il
reste à accomplir.
< Si on veut ce que
l'on
n'a jamais eu,on doit être prêt à faire ce que
l'on
n'a jamaisfait.
>Auteur inconnu
< Vous devez être le changement que vous voulez
voir
dans ce monde. >Gandhi
x111
RESUME
Ce mémoire relate une recherche auprès de gestionnaires sur la valeur du cæur dans
leurs pratiques de gestion. La valeur du cæur est comprise
ici
comme une considération del'entièreté de la personne pour qu'elle puisse être humaine au travail.
La
première partie présenteet
situele
contexte de mesvingt
ansd'intervention
enentreprises. Elle met en lumière
l'Appel,
cettevision
àl'origine
de ma pratique, en plus deprésenter
la
nature decelle-ci.
Cette premièrepartie
s'achève par Ia présentation de mes constats personnels et professionnels, vus del'intérieur,
à la base de lamotivation
de monretour à 1'école.
La
seconde partie déroulela
recherche proprement dite.À
partir
detrois
problèmesobservés
qui
sont
l'accroissementdu
rythme,
l'obligation de
résultatset
l'épuisementgrandissant,
j'élabore une
question de recherche:
Quelle
estla
valeur
du
cæur dans lespratiques de gestion? Par ma question de recherche,
je
suppose l'hypothèse suivante:
La valeur du cæur dans les pratiques de gestion permet de légitimerl'être
humain autravail
etainsi
dediminuer
l'effort
fourni
auquotidien.
Seulet
regroupé, chacun des mots de maquestion
de
recherche composemon
cadreet
mes assises théoriques.Mes objectifs
dere-oherche visent à
voir
le cceur àl'æuvre,
à en être témoin, à levivre
pour en comprendretoute
sa portéeet
savaleur
et
ainsi trouver
desmots pour
en témoigner.Mon point
dedépafi
qui
se retrouve également dans mes objectifs de recherche est de briserle
silence etle tabou entourant la question du cæur dans les pratiques de gestion.
Le troisième chapitre développe les différentes approches méthodologiques retenues.
En premier lieu, je
justifie
monchoix d'utiliser
monjournal
de pratique pourrecueillir
desdonnées en
plus
d'adapter aucollectif la
méthodologie d'entretiend'explicitation
suite àune expérience personnelle révélatrice.
En
second lieu,je
précise mamotivation d'utiliser
la
théorie
anerée,l'entretien
compréhensifet
une
dimensionde
la
praxéologie comme méthodologies d' analyse.Le
quatrièmechapitre
est
scindéen trois
idéesprincipales.
En
premier
lieu,
lesrésultats de
la
recherchequi
prennentla
forme
de motset
d'expressionspour parler
ducæur,
de
gestespour
l'appuyer
et
en
témoigner,d'un
contexteet
des conditionsqui
lefavorisent et qui l'autorisent en plus de quelques pistes
d'explication
du refus de mettre du cæur. En guise de conclusion des résultats, une schématisation illustre et présente les quatremouvements
du
cæur.En
deuxième lieu,je
présentele bilan
de mescinq
apprentissages personnels à la base du renouvellement de ma pratique. Je débute avec la premièrefois
oùj'ai
eu conscience de ma petitevoix.
J'enchaîne avecla
fin
du sentiment d'imposteur avec la théorisation de ma pratique. Je poursuis avec la compréhension de la magie du cæur lorsd,un
momentsingulier.
Je continue avecmon
apprentissagegardienne de
la
souffrance. Je termine avecl'importance
d'être responsable et créateur desa
vie.
En
troisièmeet
demier lieu,je
fais un retour
sur mon hypothèse de recherche. Je conclus que de mettredu
cæur est possible, quecelui-ci
n'empêche pas les souffrances, mais permet de transcender une téalité en une potentialité.Une
miseà l'épreuve
avec cent gestionnaires en pleine transformation pour validerles résultats de recherche est présentée au cinquième chapitre.
Enfin,
la
conclusion
généralequi
ouvre
sur
des
perspectiveset
des voies
decontinuité.
Mots
clés:
Être humain autravail, Valeur du
cæur au travail, Pratiques de gestion, performance
at
travail,
Épuisementprofessionnel,
Gestionnaires,Emotions, Intuition,
SUMMARY
This thesis relates
to
a research as carried out on managersin
regards to the valueof
the heart
within
their
management practices. The valueof
the heartis
understood here asthe consideration of the
individual
as a whole so that he/she can be human at work.The
first
part presents and positions the context of my twenty yearsof
interventionin
companies. Besides presenting its
very
nature,it
aims at sheddinglight
on the Call, whichis the
vision
that is at theorigin of
mypractice.
Thisfirst
part closeswith
the presentationof my
findings, both personal and professional, as seen from the inside, that arc at the coreof my motivation to go back to school.
The second part exposes the research as such. Starting
with
three problems observed that are the acceleration of rhythm, the requirement of results and the growing exhaustion,I
elaborate on one research question: What is the value of the heart in management practices?
By
way
of my
research question,I
formulatethe
following
hypothesis: Thevalue
of
the heart in management practices makesit
possible to legitimize the human being at work and,therefore, to lessen the
effort
sustained on a daily basis. Alone or gathered together, eachof
the words
of
my
research question constitutesmy
framework
aswell
asmy
theoretical fundamentals.My
research objectives aimat
seeing the heartin
action, witnessingit
and experiencingit
in
order to understand the extent of its scope and its value, thereforefinding
words
to
bear witnessto its
existence.My
startingpoint, which
is
also comprisedin
myresearch objectives, is to break the
wall
of
silence and taboo surrounding the subject of the heart in management practices.The
third
chapter particularizes the various methodological approaches upheld. First,I
justify
my
choicefor
making useof
my practicejournal in
order to gather datain
additionto
adapting,to
the collective, the
methodologyof
the
explanatoryinterview
following
apersonal eye-opening experience. Second,
I
spell out my motivationfor
using the groundedtheory, the
insightful interview
aswell
as a dimensionof
praxeology as methodologiesof
analysis.The
fourth
chapteris divided into
three main ideas. First, the resultsof
the research that present themselvesin
theform of
words and phrasesto
express the heart, the gesturesthat
supportit
andgive
evidenceto
it,
from
a
context and conditionsthat favour
it
andallow
it
aswell
as a few indications explaining the refusal to demonstrate having any heart.As
conclusionto
the results, schematicsillustrate
and presentthe four
movementsof
theheart. Second,
I
present the recordof
my
five
personal learning results onwhich
lies therenewal
of
my
practice.I
startwith
the
first time
I
became awareof
my little
voice.
I
Î
"urry
on
with my
appïenticeshipof
therole
of
suffering
asan
alarm and gatekeeper.
I
compiete
with
the importanceof
being responsible and creativewith
one'slife.
Third
andlast,
I
revisit
my
research hypothesis.I
concludethat
it
is
possibleto
havea
heart, andalthough
it
doesnot
preclude suffering,it
makesit
possibleto
transcenda
reality
into
apotential.
A
testwith
one hundred managerswho
underwent afull
transformationto
validatethe results of the research is presented in the
fifth
chapter.Finally, the
generalconclusion
opensup
on
perspectivesand leads
to
paths
of
continuity.
Key words: Being human at work, Value of the heart at
work,
Management practices,XV11
2.2.2
LoonuçalloN
DEnÉsur,rl.rs
...
""
2.2.3L'Û.quISEMENT
GRANDISSANT...
"""""'
382.3
LBcnorx
DE MA euESTroN DE RECHERCHE : UNnnvpornÈsn
À vÉntFIEn....40
2.3.1
DBux sous-QUESTIoNS DERECHERCHE...
""""""'
452.4
Vom,
sAVorR ET vrvRE : On.rscrrFs DERECHERCHE """"""""""'
462.5
PnRrrNnNcES...
"""""""""47
2.5.1
RrNrnnR
À r.aM.q,rsoN...
""""""""'
472.5.2
AurnBNrrcttÉ,
conÉnnNcE ETPERMANENCE
"""""'
472.5,3
HoNoRnnI'uuMA.NttÉ...
""""""""
482.5.4
CnÉauoN
DEcoNNAISSANCE
""""""""""
492.6
CAINNNr
NÉFÉNNNCE : POUN SITUER LES ASSISES TTTÉONTQUES DE MAR8CH8RcHE...
""""""""
492,6.1
Su.rnr ET QUESTION DE RECHERCHE :QUULE
EST LA VALEUR DU CGUR DANS LES PRATIQUESDEcBsrroN?
""""""""""'
492.6.2
ValnunDUCGuR..
"""""""""'50
2.6.3
Ccun
""
512,6.4
PnanIQups DEGESTIoN...
""""""""'
522.6.5
Llva;,runDU
61BURDANS LEs PRATIQUES DEG8STI9N""""""""""""""""
53CHAPITRE,3 LA TÊTN, LE
C(EUR
ET
L'ACTION
COMME
vrÉrnonol,oclE
DE
RECHERCHE
...583.1,
L'rN:rnnttpN
p'BxpLICITATIoN
"""""""""'
593.1.1
Qu'nsr-cn
qun
I'nNIRETIENo'nxpltcttATloN
""""
593.1.2
La.souncr
lB
r,'ENtnnngN
o'nxpLICITATIoN... """"""'
613.1.3
UNE nxpÉTENCE couP DECGUR
"""""""'62
3,1.4
Du SrNcut IER AU CoLLECTIF :Lu
pnocnSSUS DE nÉar-rSArroN... ...,.643.1.5
Cneus,l'aI
INrITulÉ
I'nNl]RnTtnN
u'nxpLICITATIoN coLLECTIVn...653.1.6
LBS IvIÉNAGEMENTS DU SINGULIER VERS LE CoLLrCTIF... 653.1.7
La
coNsrrrurloN
DES DEUXGRouPES..
""67
3.1.8
L.q.RÉaLIsArIoN
""'
683.2
JouRNAL DEPR4TIQU8...
""""""""""'
71XIX
3.3.1
DnsronnÉEs
pouRrMAGER....
...733.4
UNB aNaLysE INTUITtvn : L'TNTRETIENcovrpnÉnpNslF...
,....773.4.1
Dns uoNNÉES eurTNSpTRENT
...783.5
Dnscnsrns
RESSoURCES : UNE DIMENSIoN DE LApRaxÉor,ocln
...823.5.1
Qu'nsr-cn
euE LApRaxÉor,octn?...
...833.5.2
Dns ooNNÉES MrsES ENAcrE
...85CHAPITRE,I
NÉSUT,TATSDE
RECHERCHE
: QUAND
LE
C(EUR
S'AUTORISE!...
...884.1
Dnsvrors
ET EXpRESSToNS pouR pARLER DUcGUR..
...884.2
DBscnsrns
eur
AppUIENT ET rÉvrolcNaNT DUcGUR...
...,....904.3
UN coNTnXTE ET DES CoNDITIoNS QUI FAVoRISENT ET AUTORISENT LE C<rUR4.4
Qupleuns
prsrEs DU REFUS DE METTRE DUcGUR
...954,5
Ln
rrouvnMpNT
DU cGURscsÉnra.rrsÉ...
...984.5.1
Ln uouvnMENT
DU cGUR : UNE AppELLATIoN LIÉs À r,'BxpÉnrcNcn ...994.5.2
Ln
vrouvnMENT DU cGUR EN eUATRETEMps...
...1004.5.3
TÉrvrotN DU ctnuRLoRS DES ENTRETIENSr'Bxpt-tctlATroN
coLLECTIvn..l01
4.6
Ll
vllnun
tln
r-'ENTRETIENp'nxplIcttATloN
coLLECTIVt...1034.7
Brr.aN DE MES AppRENTTSSAGES ETRENoUvELLEMENT
...1124.7.1
L'Appzr
...,...1124.7.2
L.q.ruÉonrsATroN
DE MApRATIeUE
...1124.7.3 Lr
nrunvruRE...
...1184.7.4
AccnprgR
LAsouFFRANCE...
...1204.7.5 S'noNoRER : DE vICTrMe À
RnspoNSABLE...
...1214.8
RBrouR
suRL'HypornÈsr
ET eUESTIoN DERECHERCHE
...,...122CHAPITRE
5UNE
MISE
ÀT,'ÉPRNUVE POUR JUGER DE
LA VALEUR ET
DU
SENSDE MES
DONNÉES...
...r24
5.1
PRrncrpaux
ÉlÉmnNrs DU coNTENU...
...1255.1.1
Lr
rnavan
pnÉpanlrorRE
Àla
RnNcoNrRE...
....1265.1.2
Rnroun
suR LEURS ÉcnaNcas DENouvELLES...
...1275.2.1
Ln
5.2.2
Ln
oBuxrÈMErIERS..
... 1315.2.3
Ln
oBnNrnRrIERS...
..." 1315.3
Dnsuors
eur
TRADUTsENT uNn rxpÉnIENCE srNcur,rÈnE ETcol-t-Ecuvn..
1325.4
UN pRBvunR PAS coMME coNCLUSIoN...
...-,.134CoNCLUSION ÉuUQUnR LE
C(EUR,
PLUTÔT QU'ENSEIGNER À
r,a
TÊTE
136ANNEXE
1PROJET DE
RECHERCHE COMMENT METTRE
DU COEUR
DANS LES
PRATTQUESDE
GESTrON...
...138Tableau 1 Tableau 2 Tableau 3 Tableau 4 Tableau 5 Tableau 6 TableauT Tableau 8: Tableau 9
LISTE DES TABLEAAX
Les aménagements du singulier vers le
collectif
...65Codes sociaux
démographiques...
...67Laréa1isation...
...68Exemples de codification de passage d'entretien
d'explicitation
collective ...74Catégorisation : Inattendu, intense et changement
...
...15Catégorisation: Petite
voix
quisai1...
...75Catégorie :
Vulnérab1e...
...,...76Catégorie :
Habitude
..,...76.4. Catégorie : Etre toute là, authentique,
relié
...76Catégorie :
Réfléchir.
...76Catégorie :
Victime
...77Catégorie : Histoire de
vie
...77Regroupement des cartons : citations, questions, commentaires et
réflexions.
...80Recensement d'une partie de la gestuelle
présente...
...85La réalisation des deux entretiens
d'explicitation
collective
...105 Tableau 10 Tableau 11 Tableau 72 Tableau 13 Tableau 14: Tableau 15XXIII
LISTE
DES
FIGURES
Figure 1 : Assises théoriques de ma
recherche
...57Figure
2 :Une
photo pour démontrer madémarche..
...79INTRODUCTION
Depuis
plus
de20
ans,j'accompagne des gestionnaires en entreprise etj'interviens
surtout
ce qui toucheia
dimension sensible et humaine de leurs projets et des défisqu'ils
renconttent au quotidien, autant sur les plans personnels qu'organisationnels.
Avec
eux,je
cherche des mots à mettre sur leur expérience pour la comprendre, à leuroffrir
de nouvelles perspectives de la problématique afin d'être présent et conscient de tout ce qui se joue sur leplan
systémique,mais dont on
ne parle pas.Ainsi,
mon
accompagnement nevise
pas àsimplement régler un problème, mais également à
ouvrir
le sujet sur tout ce qui l'entoure.J'adore ma profession depuis le tout premier
jour.
Cependant, en 2009,lorsqueje
mesuis
inscrite à la
maîtrise,jour
aprèsjour,
j'ai
f
impressiond'être
témoind'un
réflexe autravul
qui se résume à devoir se couper de son humanité pour réussir à effectuer le travail à accomplir, alors que poufiantle
travail, c'est aussi lavie!
Le travail doit être un lieu vivant et structurantpour
1es personnes, stimulant,qui
permet de contribuer à quelque chose deplus
grand qu'eux pour êtrefier
et demeurervivant
intérieurement. Cependant, de plus enplus, ceux que
j'aime
s'épuisentettombent
souslepoids
delatâche. Tout
comme eux,je
me
sens fatiguéeet
errante malgréla
performance présente.Un
questionnement récurrent ainsi qu'une inquiétude grandissante m'envahissent jusqu'à prendre toute la place dans mes pensées. Sans cesse,j'entends
etme répète:
je
dois faire
quelque chosepour
que cessecette souffrance que
je
côtoie...
mais que faire!?C'est ainsi
queje
décide de retourner aux étudeset
defaire
une recherche dont lesujet est à
la fois
la
question et l'hypothèse de réponse à ce quej'observe
comme réflexe des personnes autravail
et qui m'habite au quotidien. Dans mon projet de recherche,je
me demande quelle est la valeur du cæur dans les pratiques de gestion. La valeur du cæur esttravailler
autant
avecla
tête qu'avec
le
cæur.La
valeur
du
cæur estbien
plus
qu'uneexpression,
mais
un
ensemblede
conceptsqui
serontdéfinis
plus
en détails
lors
de
la présentation de mes assises théoriques à la section 2.6. Puisqueje
suis une praticienne dansl,àme,je
choisis d'effectuer ma recherche sur le terrain avec des gestionnaires quej'estime
et des personnes que
je
connaisbien.
Mes objectifs sont simples. Je veux comprendre,voir
et
vivre
la valeur du cæur à travers les yeux et les réalités de gestionnaires ainsi qu'à travers ma propre expérience. Plusieurs gestionnaires se portent volontaires pour prendre part à ma recherche, stimulés par Ie sujet et leur fierté de chercher à percer ce qui semble un mystère. Ce sujet tabou, qui est la valeur du cceur dont on ne parle pas, comme si ellen'existait
pas.Pogr
recueillir
des données, la méthodologie d'entretiend'explicitation
sera enavant-plan.
Cette méthodologieest
un bijou
méthodologiquequi
travaille
à partir d'un
autreregistre que
celui
dela
logique.Un
coup de cæur suite à l'expérimentation del'entretien
d'explicitation
réveille le moment àl'origine
de ma pratique, c'est-à-direI'Appel,
cette idéevenue
de
nulle
part de bâtir
une
formation
dont
le
sens
profond
me
concemait personnellement. Je présente ce momentau
chapitreun,
dû
àl'importance de
cet Appeldans ma vie et sur lequel porte une partie du bilan de mes apprentissages au chapitre quatre. puisque mon expérience me
confirmait
que cela était possible, i'adapte cette méthodologiedu singulier vers le
collectif.
Confiants, des
gestionnaires acceptentd'être
des
co-chercheurset
s'abandonnenttotalement
à
l'expérience d'entretien d'explicitation collective
queje
leur
proposeet
selivrent
sans retenue.À
tour
derôle,
ils
partagent des momentsintimes, remplis de
cetteintensité
qui
les
autoriseà
y
mettre
du
cæuret qui
sont contenus dans 1es résultats auchapitre quatre. Les gestionnaires questionnent avec délicatesse et bienveillance
celui
quiexplicite
son momentafin
dele
supporter à plonger dansl'endroit
oùil
mit
du cæur. Dèslors,
ils
ne raisonnent plus leur expérience et cequi
se passe,ils vivent
cequ'il y
a à vivre.lâchent prise sur le plan prévu, mais n'abandonnent pas.
Ils
font face, mais ne cherchent pasà gagner. Cela les rend vulnérables, mais ne les
affaiblit
pas, les met à l'épreuve, mais ne1es détruit pas.
Ainsi, ils
passent d'une intervention réfléchie et structurée à une expérience ressentie et structurante pour la personne. Pleinement vécue,l'émotion
leur offre une liberté intérieure nouvelle, de laquelle émergentun
sensprofond
et
unedirection à
suivre. UneCHAPITRE
1pnÉsnxrATroN
DE
MA PRATTeUE
< Quand le désert devient I'oasis, quand le désert devient la promesse... ))
Diane Léger, professeur à la maîtrise
Chaque
histoire
a un
commencement.Ce premier
chapitre présentemon
histoired'hier
à aujornd'hui. Celle-ci est àl'origine
de l'émergence de mon sujet de recherche ainsi que de mon retour sur 1es bancs d'école.1.1
Ma.pru.rteuE
pRoFESSIoNNELLE D'HIER Ànulouno'gut
J'ai
48
ans, nous sommesen2014 et
j'ai
mon
entreprise depuisplus
devingt
ans. D'entrée de jeu,je
dois spécifier queje
n'avais pasplanifié
être dans les affaires et que mon entreprise est née d'une vision venue de nulle part.1.1.1
Hier
:I'Appel
qui
fait
naître
lapratique
La
naissance de mon entreprise est un moment singulier et inattendu quej'ai
intitulé
<
L'Appel
>.Je me souviens, nous sommes en 1989 et
je
suis directrice de compte aux entreprisesdans une institution
financière.
Je suis à mon bureau.J'ai placé
tous mes dossiers àtyaiter
sur
ma table de
travail. Je m'arrête
tout
à
coupde travailler
puisquej'ai
I'impression que quelqu'un vient de me
parler.
Je lèvela
tête, maisil
n'y a personne.J'entends un chuchotement
qui
medit
< tu vasfaire
un cours )), comme une annonceet un secret que
I'onme
confie. Dès cet insTant,je
ressens le besoin de me mettre autravail.
Cette annoncem'appelle
comme unepulsion
incontrôlable,
accompagnéed'une grande
joie
et d'uneforce
nouvelle en moi. Je me lève eT medirige
d'un pasJe
dois
lui
annoncer
cette idée.
Chemin.faisant,
je
continue
de
recevoir
deI'information
concernantI'idée,
cela medit
< ce sera un cours de vente tt.Arrivée
au bureau de Michèle,je
lui
lanceI'idée
;
< Michèle,ie
vaisbâtir
un cours de vente!As-tu
le goût defaire
cela avec moi? >Et
elle de me répondre. <J'ai
toujours rêvé dedonner de la
formation!
>tAu
même moment,j'entends
etje
dis
en simultané:
< Lecours
va
s'appeler
Moti-vente>.
On se
tape
dans
la
main
commepour
sceller I'accord.Nous avons mis une année à concevoir cette
formation
puisque nous n'avions aucuneformation
ou
expérience en conception. Nousn'avions
aucune idée de ce que nousfaisions,
mais nous étions paradoxalement convaincues que nousfaisions
la
bonnechose. Nous étions guidées
par
unélan intérieur
desplus
stimulants et énergisants. Nous étions des praticiennes passionnées et heureuses, guidéespar
unje
ne saistrop
quoi!
L'essentiel
de
la
formation,
que
nous avions
conçue, reposait
surI'expérimentation.
Dans
le
syllabus
accompagnantcelle-ci, on pouvait
y
lire
àl'époque
:
moins dethéorie
etplus
depratique!
Moti-vente,
uneformation
conçuepar
des gens du milieupour
des gens dumilieu!
Journal de pratique, novembre 2011
Nous
avonsvendu
le
contenu
de
ceffe
formation ainsi
que
nos
servicesen tant
queformateur à notre employeur
,
malgré notre inexpérience enla
matière. Nous avons forméplus
de
douzemille
personnespar
groupesde
six
à
huit
personnes.Nous
avonsbâti
etanimé
des conférences régionalesoù, à
chacunede
ces rencontres,plus
de deux
cents personnesy
participaient.Nous
avons eu tellement deplaisir,
que celaa été
contagieux!Nos clients sont devenus nos ambassadeurs. Ils nous référaient vers de nouveaux mandats à
|'extérieur
de l'entreprise où nous avionsl'habitude
d'æuvrer etd'intervenir.
Nous étionsinvitées
et
accueillies dansde
grandes entreprises avec, enprime,
un lien
de
confiancetransferé.
Cet
Appel a
étéun
moment
pivot
dansma vie. Un
moment
qui
m'a
donnél'impression
de réellement émerger et d'apparaître commeje
suis, sans forcer.À
partir
decet
Appel qui a fait
naître
la
formation,
nousl'avons
offerte aux
entreprises.Les
gensformés par nous sont devenus par
la
suite des ambassadeurs, des promoteurs et même descréateurs
de notre
offre de
servicequi
est passéede
la
formation
à
de
la
consultation individuelle et de groupe aufil
du temps et des demandes.1.1.2
Aujourd'hui
:vingt
ans depratique plus
tard
Aujourd'hui,
en
2014,
ma
clientèle
provient
autant
d'entreprisesde
service,
decommerces
de
détail, que
d'entreprises manufacturières.J'interviens
quotidiennement auprès de propriétaires d'entreprise et de gestionnaires. Ce quej'aime
particulièrement demon
travail,
ce sont les gens,le
contact avec eux etl'interaction.
J'appréciepouvoir
être à lafois
complice dans la réalisation de leurs rêves et témoin de leur cheminement.À
chacunde ces moments,
je
me
sensprivilégiée
et énergisée par ceux-ci. J'admire ces hommes et ces femmes.Ils
sont mes héros,ils
me
fascinentpour leur unicité, leur
ingéniosité, leurcourage et leur détermination à faire arriver les choses. Auprès d'eux,
je
me sens chez moi.L'action est
le
mode où
je
me
sens confortable
et à
mon meilleur.
Lorsquej'interviens
auprès des gens d'affaires, mes indicateurs de confort reposent sur lefait
de mesentir calme
et forte
avec
commeimpact
une
grande justesse dans mes paroleset
unmomentum parfait pour les dire.
1.2
LA NATURE DE MON TRAVAILMon travail
consisteà
accompagnerla
dimension sensible et humaine des réalités professionnelles et organisationnelles des gestionnaires et de leurs équipes detravail.
Cesréalités sont liées à des projets, à des contextes, à des étapes de
vie
ou à des impasses du même ordre.Mon
intervention a pour but defaciliter
la compréhension des problématiques vécues enleur
faisant raconter cequ'ils
vivent et
enleur
faisant prendre conscience desmultiples réalités
contenuesà la
basede
la
problématique. Ensuite,je
les
guide
pour retrouverla paix
intérieure au cæur dela
problématique, pourla
dénouer etpour
générerdes résultats positifs.
Ma
façond'intervenir
repose surle
dialogue etla
qualité de présence. Jedéfinis
ledialogue comme une interaction entre le récit de mes clients et mes relances à leurs propos
et
à cequi
sevit
en étant particulièrementattentif
à soi, àl'autre
et àl'histoire
racontée.Ainsi,
pour toute
intervention,
mon point
de
départest d'abord l'individu,
sa
propre expérience et sa compréhension de la situation. Dès que celui-cim'a
raconté ce qui se passeet ce
qu'il
vit,
ma compréhension de saréalitéfait
toujours émerger à mon esprit une réalitésimilaire que
je lui
partage avec authenticité parce queje
m'appuie sur mon expérience, sur ma pratique et sur mes intuitions pour interagir dansl'instant.
Ces histoires et ces analogies partagées me permettent de valider ma compréhension et de dédramatiser I'expérience de lapersonne
pour
pouvoir ouvrir
sur
d'autres perspectives. Ces interactionsme
permettentd'identifier
précisément ce quevit
la personne à differents niveaux.Lorsqu'elle
se raconte,ses choix de mots, ses pensées, ses commentaires, ses gestes, ses émotions et son intonation
sont tous
des
élémentsqui
me
montrent
les
avenues possiblespour
accompagnerla
persoflle.
La
naturede mon
travail
rend
l'écriture
de ce mémoire très
diffrcile
au
point
dedevoir chercher
la signification
des mots dansle
dictionnaire puisque ceux-cin'ont
pas desens à mes yeux sans
l'interaction
habituelle sur monterain
de pratique. Cettedifficulté
està la base de ma motivation à présenter différents moments issus de mon
journal
de pratiquepour mieux les illustrer. Mon
journal
de pratique contient des questions, des réflexions, descommentaires et des moments intenses
qui
attirent mon attention. Ces moments sont écritsà l'image
del'oral,
c'est-à-direqu'ils
ne sont pas réfléchis, maisils
sont ressentis, écritsd'un trait
spontané et dans un langage courant.J'ai
choisi de les présenter dans leur formed'origine
pourleur
être fidèle.Ainsi, ils
n'ont
pas été écrits pour respecterla forme
écriteou
encorele
cadre universitaire puisque cette manière defaire
aurait dénaturéle
sens etl'expérience vécue.
Tel
qu'il
sera décrit au chapitre trois, aufil
des années,j'ai
accumulé desmilliers
demoments m'accompagnent et m'enrichissent en plus
d'enrichir
lesfils
de conversation avec ma clientèle.Ils
sont mon dictionnaire de la vie à moi!1.2.1
Ma pratique
àl'æuvre
Pour
illustrer
l'étendueet
la
diversité de ma pratique,je
présente des exemples demoments coups
de
cæurqui
me
font
sourire
et
réfléchir,
qui m'ont
touchéeet qui
me touchent encore et àf
intérieur desquels, le cæur était présent. Je tiens à faire remarquer les composantesqui
sont présentesà
f
intérieur
de celles-ci, sur lesquellesje
m'appuie pourdire
que
le
cæur
est présent. Ces composantessont
au
nombre
de cinq. La
première composante estl'entièreté
dela
personne, c'est-à-direqu'ii n'y
a pas de coupure entre latête et le cæur,
ni
entre le gestionnaire etl'être
humain.Il n'y
a pas de personnage fabriquéqui
seraitlié
aurôle,
àla
fonction
ou encorepour
se protéger.La
deuxième composante,qui
est
l'émotion,
témoigne
du
côté cæur,
c'est-à-direqu'à l'intérieur de
chacune dessituations les personnes
vivent
librement cequ'ils
ont
àvivre,
que ce soit de lajoie,
de lapeine,
de
la
colère
ou
tout
autre émotion.
La
troisième
composanteest
le
dialogue authentique présent entre les persorules. Je fais réferenceici
à un dialogue authentique et àdes vérités exprimées,
qui
impliquent
émotivement les personnes en leur permettant ainsi devivre le
dialogueplutôt
que de seulement le raisonner.La
quatrième composante est laqualité
de présenceà soi et à l'autre
dansl'expérience, c'est-à-dire
quel'attention
despersonnes
est
totalement présente
et
disponible dans
le
dialogue.
La
somme
descomposantes précédentes permet
la
cinquième composantequi
consiste en des prises deconscience,
réveillant la
personne etlui
permettant de dénouer des impasses, defuire
deschoix et d'être maître de sa vie.
Les moments coups de cæur
qui
suivent sont rédigés sous forme de Je me souviens.La
techniquedu
Je
me
souvienst,qui
seraexpliqué
au
chapitre 3.2,
consisteà
laisserrLa démarche estprésentée dans Galvani P.,2004, <L'exploration des moments intenses et du sens
personnel des pratiques professionnelles >, dans rewe Interactions, vol.S, no 2, Université de Sherbrooke,
remonter à son esprit un moment
significatif
ainsi que cequi
est présent en soi,qui
attirel'attention,
qui remonte à la surface etfait
écho. Le Je me souviens ne cherche pas à décrireIaréalité,mais plutôt
l'expérience vécue àl'intérieur
de celle-ci. Je présente onze exemplesde
ces moments coupsde
cceur aupoint
suivant en précisant,lors
de
l'introduction
de chacun d'entre eux, les éléments-clés enlien
avec la problématique et le sujet de recherche.l.2.l.l
Est-ce quej'ai
ledroit
dedire
non?Le
momentqui
suit
présente une gestionnairetiraillée
entrel'obligation
de résultats de son rôle et le droit fondamentald'un
être humain au travail.Je
suis en rencontre
avecPatricia,
unegestionnaire
qui
se
demandesi
elle
agit
correctement
ou
non.Patricia
débute notre rencontre en me disant:
<Lisa,
il
faut
queje
te raconte cequi
m'estarrivé.
Hier,j'ai
fait
venir Lise, mon adjointe,pour lui
àiru
qruj'aurais
besoind'elle
pour
aider
Bianca,sa
collègue débordée àpréparer
I'importante
rencontre annuellà de demain soir.Écoute...!
(moment de silence, ellesoupire, les yeux qui regardent dans les
airs)
Lisem'a
surprise.Elle qui dit
toujoursoui,
ellem'a dit
non!
(avec les yeux grands ouverts)J'avais
beau
expliquerà
Lise que celaétait
important et lui proposerd'arranger
sonhoraire,
mais elle nevoulait
iien
entendre.J'ai
demandéà
Lises'ily
avait
quelque chose queje
pouvaisfaire,
mais
ellem'a dit
non. Jelui
ai
demandési
quelque chosen'allait
pas, mais ellem'a
répondu non. Je
lui ai
demandé < Quel est le problème alors? > (avec un ton de voixogift
nt exacerbé)Elle
m'a
réponduqu'il
n'y
avait rien. Je me suisdit,
en dedans demoi, va-t-il
falloir
queie
mefâche,
queje
I'oblige
et queje
mette mon chapeau deboss? J'insiste une autre
fois
quand, toutd'un
coup, Lise me regarde et me demande< Est-ce que
j'ai
ledroit
de dire non?>
Ellem'a
tellement surprise,ie
lui
ai réponduspontanément; <<
C'est
une
bonne question!> Pour tout te dire
Lisa,je
n'ai
pasirrorn
trouvé
la
réponse
à
sa
question
et
c'est
pour
cela
queie
t'en
parle
aujourd'hui.
Moi-même,je
ne me donnepas
le droit
dedire
non,parce
queje
nepense pas que
je
puissedire
non. Je sais queje
devraisdire qu'un
employépeut
direnon,
mais dans lesfaits,
sije
suis
honnête,ce
n'estpas
aussipossible que
cela-Vraiment,
cela
me questionne!>
Nous avonspoursuivis notre
discussionsur
cette questiond'avoir
ledroit
de dire non. Après mon départ,je
réfléchis àPatricia,
maissurtout à
la
question de Lise. Je me dis que cette question a réveillé la gestionnaire àpropos
d'elle-mêmeet de
sespropres
besoinsainsi
quesur
uneréalité qui
sevit
partout,
mais sanspour
autant être
dite
ni
être
questionnée.Cela
m'amèneà
me11
gestionnaire a
raison,
il
s'agit
d'une
excellente question et pas seulement au niveaudu
travail.
Est-ceau'on a
ledroit
dedire non...
etsi
oui. commentfait-on
cela direnon?
Journal de pratique, avril 2013
1.2.1.2
Commentje
fais
cela merapprocher
demoi?
Le moment qui suit démontre la
difficulté
pour un gestionnaire de savoir < rentrer à lamaison > et prendre soin de 1ui en tant qu'être humain au travail.
Mon
téléphone sonne.Je
répondset
suis heureuse de reconnaître CaTherine, cettegestionnaire que
j'aime
beaucouppour
sonfranc
parler,
sa ténacité et ses questionsdes
plus
rafraichissantes. Catherine
me
lance:
<Salut
Lisa,
j'appelle
avant
desauter!
Ce
matin,je
les
mettrais tous dehors
(enparlant de
ses gestionnaires).Imagine,
ils se sont encoreaccrochés
entre eux et ça nefinit plus!
Veux-tu bien medire
cequ'il
faut
queje
fassepour
quecela
cesse?! Quand ce n'estpas
un,
c'estI'autre!
Mes gestionnaires viennent tous mevoir
à tour
de rôlepour
meparler
deI'un
etpuis
deI'autre!
Quandje
leur
demandes'ils s'en
sontparlé
entre eux, mesgestionnaires me disent que
oui,
mais que cela ne changerien!
Qu'esT-ce que jefais
avec ça? Est-ce moi le problème? Je me sens blasée et
je
laisseraismonjob!
(avec unsoupir découragé) v
A
I'autre
boutdufiI,
je
souris amuséepar
la
spontanéité de sonpropos, le ton de celui-ci, mais aussi
parce
queje
I'imagine,
les bras dans lesairs
elagitée sur sa chaise.
À
montour,
sans chercherà
comprendre ce queje
vais dire,je
lui
lance:
< Tu asraison,
tu
devrais
tout lâcher et aller prendre soin de toi!
l
Mon
commenlairesurprend Catherine,
qui
me demande:
<Mais
commenlje
fais
cela, me rapprocherde moi? >. Son commentaire me surprend à son
tour.
Survienlalors
un silencetotal
sur
la
ligne!
Catherinepoursuit
:
< Toute une question qui mérite réflexion! >, el moid'aiouler
à sonpropos :
(
Et c'est peut être aussi une réponse! >Journal de pratique, novembre 2005
1.2.1.3
À
,.tr-o*ent
donné. celava-t-il
arrèter?
Le
momentqui
suit présentela réflexion
àvoix
hauted'un
directeur général sur sonréflexe du < toujours plus >.
Je me souviens,
je
suis avec Jonathan, unjeune
direcïeur général quia
le vent dansgrande intelligence.
À
rcus les deux mois,je
viensréfléchir
aveclui
sur des réalités et des thématiques de son choix. Comme bien des leaders ayant le même rôle, Jonathan chercheà
briser
cettesolitude
et cet
isolementqu'il
vit,
n'ayant
pas
toujours
la
possibilité
d'échangeret d'aborder
sesréalités d'ordre
personnel ou professionnelavec
d'autres.
Selon sesdires,
il
m'engagepuisqu'il
aime
lefait
quej'intervienne
dans plusieurs entreprises au Québec. Cela luiprocure
une diversité depoints
de vuequ'il
appréciepour
leur
richesse, mais aussiparce
qu'ils
sont concrets etI'inspirent
face
à sa réalité.Lors
de
cette rencontre,tout
estfluide,
commeà
I'habitude, mais tout
d'un
coup quelque chose change. Un silenceplus
long s'installe
avant que Jonathanparle
enplus
d'utiliser
un début de phrasequi
nelui
ressemblepas
:
< Je ne sais passi
c'esl
moi, mais I'autre
jour
je
me demandais... (pause). Hum,je
veux direque
tu sais queje
viens toutjuste
d'avoir
ce nouveau poste depuis 3mois.
Je nepun
pasdire
queje
le
maîtrise par.faitement... (pause) maisje
trouve
queça
va
bien.Hier,
je
me suissurpris en
train
de regarder desffichages
de poste. (pause, puis Jonathan se lève ense
dirigeant
versson
bureaules
mainssur
les
hanches.Il
s'assoiesur le coin
decelui-ci, me regarde, et reprend). Quand
j'ai
réalisé quej'étais
entrain
de regarderdes
ffichages
de poste,je
me
suis demandési
çaallait
toujours être comme cela. Je veux dire:
est-ce queça va
arrêter
un moment donné? Est-ce queie
vais
touioursvouloir aller ailleurs
etenfaire plus?
Je ne sais pas sije
saisarrêter!
(Jonathanme regardedroit
dans les yeux en silence). Son propos est inattendu et me touchepour
la
profondeur et I'authenticité de cetm-ci et
je
ne m'en cachepas.
On se regarde dans le silence etje
lui
dis:
<C'est
une très bonne question,tout
à
ton
honneur!v
On
se regarde encore, sansparler
et on sesourit.
Il
n'y
a rien d'autre à dire
et onle sait
pqr
nos regards complices. Tout avait étédit!
Après ma rencontre avec JonaThan,
je
suis dans ma voiture en route vers la maison etje
penseà
lui,je
revoisla
scène elje
réentends en boucle cequ'il
a
dit. Je
réagis émotivementà
travers
des pensées:
<Je
me
dis:
Wow!,
en
guise
deprise
deconscience
face à
la situation queje
viens de vivre avec Jonathan. Sa questionsur
la
quête
infinie du
< toujoursplus
>fait
échoà
cedonti'ai
I'impressiond'être
témoinau
quotidien evec les
gestionnaires.Je I'admire,
il
s'est vu
dansson réflexe
detoujours
plus,
toujoursplus loin et
il
avaitpris
le
temps de se déposer dedans, deposer
la
questionplutôt
que
de
poursuivre
sa
route
enfaisant
taire ce
bruil
dérangeant. >
Journal de pratique, septembre 2077
1.2.1.4
On
a unestructure
anorexique, mais ondoit
faire
des miracles avec!Le moment
qui
suit présente un être humain prisonnierd'un
rôle etd'un
mouvementIJ
Je
me souviens dePierrette,
cette gestionnaire avec quije
ne suispas
en manda|mais que
je
croisepar
hasard. On se donne de nos nouvelles respectivement dans untourbillon
deparoles dont
certainesattirent
mon attention.
Pierrette
me
lance :< Ecoute,
au
travail,
onfaif
notre possible, ona
une structure anorexique, mais ondoit
faire
des miracles avec...!
>tElle
quitte aussi rapidementqu'elle
est arrivée, mais ses dernières paroles, elles, ne me quittent pas. Elles résonnent en moietfont
monter des images de I'anorexie. Je suis bouleversée. Piewettea
mis des motsqui
mefont
tellement
voir
des réalités queje
côtoieailleurs.
Cela mefait
de Iapeine,
d'autant plusqu'elle
me raconTequ'elle
est très proche des membres de son équipe etqu'ils
se soutiennent énormément.Alors
je
me
demande:
< Est-ceI'instincl
de survie?
Ils
réussissent en se supportant et en s'appuyant les uns sur les autres. Quel message le
grand
patron
décode-t-il de ceTteréalité
qui génère des résultats? Que tout va bien? Que les choixffictués
sont bons? Pourquoi?!
>Journal de pratique, septembre 2012
1.2.1.5
Un
pasdenière
Le
momentqui
suit
présenteun
hommed'affaires
qui
avait
besoind'aide
afin
depermettre
la
cohabitation de ses besoins en tant quepropriétaire,
de ceux en tant que père et de ceux en tant qu'homme dans un contexte de transfert d'entreprise.Je
me souviens,je
dois rencontrer Serge,un
homme d'affaires prospère quijongle
depuis des années avec
I'idée
de transJiérer son entreprise à ses deux enfants, Marieet
Miguel,
mais qui ne passe pas àI'action.
Des gens qui le connaissenl convainquent Sergede
merencontrer en
lui
disant
queje
pouwais
sûrementI'aider et
que, detoutesfaçons,
s'il
n'y
avaitpas
de déclic entrelui
etmoi,
il
ne seraitpas
obligé depoursuivre
la
démarche. Pour
notre
première
rencontre,
Sergeet
moi
dinons ensemble au reslaurant et nousdiscutons
de tout et derien.
Il
me demande d'oùje
viens,
je
lui
parle
de monpatelin
etje
commence à luiparler
de mafamille,
de mesparents, de mon conjoinT et de mes enfants
puisqu'il
medit
:
< Est-ce les Leblanc deSt-Gédëon
qui
sont
en
affaires?!
v
Je
lui
réponds
< Oui>.
Dans
un
ëlan
desponîanéité,
je
lui
dis
qu'il
ressembleà
mon oncle,
et
commepar
hasard,
il
leconnait. Serge me
dit
qu'il
était une personne très aimée dans sa communauté etil
araison. Cette pensée me louche,
il
me nxanquepuisqu'il
est mort tragiquement ily
a àpeine 6 mois.
L'ambiance est très relaxe eT pas compliquée. À
so,
tour, Serge meparle
des siens etensuite
de son
entreprise.La
renconlre
estfluide.
Il
me sembleun
homme bon,passionné, aux milles et un
projets, qui
n'arrête pas etqui
me semble si simple. Une seule question me vient àI'esprit
etje lui
demande:
< Qu'est-ce que vous ne voudriezpas
de moi? > Sergesourit.
Surprispor
ma question,il
me réponddu tac au
tac :<
Me
faire
bousculer.
J'ai
besoin de
faire le
ménageet
je
ne
veuxpas
êtrebousculé! >. Je souris
à
mon tourface à
sespropos
etlui
dis:
< Je peuxfacilement
respectervotre
besoin! >En
dedans de moi,ie
medis
qu'il
a
tellementraison.
On termine nolre première rencontre en se serrant la main et en cédulant notre deuxième avec comme objectifdefaire
le ménage. De quoi précisément,je
ne sais pas, mais de toutes façonsje
verrai au moment venu'Pour
cette deuxième rencontre,je
vais dans son entreprise. Dès mon arrivée,j'ai
ledroit
à
unegrande
visite
détaillée.Aucun
racoin n'est évité...
commeil
estfier!
Lorsque nous nous promenons
sur
leplancher
deson
usine,l'ambiance goûte
lebonhiur
et lajoie.
Les sourires sontpartoul!
On sent quele
boss est de passage nonpas
pour
lapeur du
boss, maisplutôt
pour la
complicitéqu'il
a
avec le personnel.Serfe
lescoinait
touspar
leurs noms.Il
n'y
a pas moyen devisiter
I'entreprised'un
trait.
Il
s'arrête ici
et là avec Lm mot, unclin d'æil,
un < Je reviens te voirplus tard
>.Bref,
cette visite estpleine
de vie. Finalement, on entre dansla
salle de con/i1rence.Serge soupire en s'assoyant. Je crois
qu'il
est stressé etje
lui
demande: < Etes-vouscoriect? > L'homme
d'affaires
me répond:
<Oui oui,
mais Ça vaaller
mieux sij'ai
unplan!
t
Alorsje
lui
dis sansréfléchir
:
< C'est ce que nous allonsfaire.
Parlez-moide-ce
qui
vous vientà
l'esprit
quandvous pensezau transfert
d'entreprise. Serge aparlé
àurant près de deux heures de tout cequ'il
aime danssavie
etqu'il
n'aime pas, -dece
qu'il
voudrait
avoir
comme tempsà lui
et de
cequ'il
souhaiterait
enfaire.
Serge iermine.À
mo,
tour,je
lui
demande:
< Ya-t-il
autre
choseà
laquelle
vouspu^ut
face au
transfert
de
votre
entrepriseTt
Sergeme
répond:
<Oui...
(il
se-dérhume,
l'émotion
est tà)par
rapport
à
mes enfants,ie
ne voudraispas qu'ils
sechicanent (pause
remplie
d'émotion).Je
voudraisleur dire
defaire
attention de nepas mettreles gendres dans I'entreprise. J'aimerais savoir comment ils veulent que
je
-les
aide (pause,
il
regardefixement
ses mains,perdu
dans ses pensées). Je voudrais leur dire des choses importantes àfaire
attention quej'ai
vécues, maisie
ne veux pasleur
direquoifaire
(en soupirant). > Je réagis spontanément à cet hommed'affaires
et
lui
dis:
< Que c'est important tout ce que vous venez dedire!
J'ai
tout noté et c'est ce que nous devonsfaire!
Si vous êtesd'accord,
notre prochaine rencontrepourrait
êtrô
avec
vos
deux
enfants,Marie et Miguel.
Vouspourriez
aborder toutes
cesquestions avec eux et
si
vous avez besoin,je
seraislà,
silencieuse dansl'attenle d'un
signe de votre part
pour
inlervenir.Pour la
troisième rencontre,Marie
etMiguel
sont présents. Serge, lepère,
ouvrela
rencontre
:
<Aujourd'hui,
j'ai
demandéà
mqdameLisa
Leblanc d'être présente (enI'entendant
me
nommerpar
mon nom
au
complet,je
mefais
la
réflexion que
la rencontrerevêt un
caractèrefficiel.
Je
l'écoutepoursuivre)
parce
que, commeje
vous
l'ai
dit,
je
veuxparler
du
transfert
de
I'entreprise
etje
ne
savaispas
tropcomment
faire
(Serge est ému et instantanément les deux enfants le deviennent et moiaussi). Je voulais vous
dire
des choses, maisje
ne savais pas conlment etni si
cela sefaisait. J'en
aiparlé
avec Mme Leblanc etil
semble queoui
>. Serge, le père, abordealors
toutesles
questionsqui
I'habitent
et
il
termine
en
demandantà
Marie
etl5
Miguel
:
< Commentpuis-je
vousaider?
(encore de l'émotion du père, des enfants et demoi...)
t
En les regardant tous lestrois
et en les écoutant,je
mefais
une réflexion personnelle et medit
:
< mon Dieu,qu'ils
sont beaux àvoir!
>Spontanément,
Miguel
poursuit et
demandeà
son père:
<Et
toi,
papa,
commentpeut-on
t'aider?
Tu asdit
quetu
voulaistravailler
deuxjours
aulieu
de quatre. Je nt'excuse de te demander cela, maisj'ignore
ce quetufais
durant tesjournées!
> Surces paroles, en tant qu'intervenanTe,
je
suis frappéepar
laprise
de conscience d'uneréalité
évidente, mais quipourtant m'avait
échappé. Spontanément,je
réagisà
cetteprise
de conscience etje
medis
intérieurement:
< Commeelle
est bonne celle-là!C'est à
lafois
trop drôle et tellementvrai!
Lespropriétaires
d'entreprise n'ont pas dedescription de tâche.
Il
faut
faire
uneliste
des chosesà
transf,lrer,
mais lepère
nesait
pas quoi dire
tellement ilfait
simplementtout
cequ'il
y
a
àfaire
au
quotidien depuis des années! Cetteprise
de
consciencese
termine lorsqueje
m'exclame enriant :
<M.
lepropriétaire,
evez-vous une description de tâche quelquepart!?
(Tous nousrions
de boncæur!!!...
encoreet
encore)Et si
vous nous disiez cedont
vousaimeriez ne
plus
vous occuper et ce que vous aimezfaire
et ne voudriezpas
laisseraller?
>Les échanges se poursuivent entre les deux enfants et leur père comme un
bruit
sourden arrière-plan. Je suis là,
présenteet
témoin d'eLtx, maisà
lafois
ailleurs.
Unesensation
et
des réflexionsjaillissent
en
moi,
à
cet
instant.Je
me
sensriche
ettellement
reconnaissante
de
cette
expérience.
Je
baigne
dans une
plénitude intérieure.J'ai
I'impression
que des mots montent en moipour traduire
et
rendreconscient
ce
qui
vient
de se passer.Je
me dis:
<Quel
beau mandat! D Sij'avais
voulu.fabriquer unmoment de ce genre,
je
n'y
seraisjamais
arrivée! Les gens savent mieux quen'importe
quelexpert
ce dontils
ont besoin.Il
n'y
a
qu'à
cetenir
un pasderrière
eux ou à côté d'eux,plutôt
que devouloir
être en avant et de les bousculer.Ce
père
et ses deux enfantsviennent
de memontrer
comment m'yprendre
etfaire
mon
travail
dqns une démarche de ce genre. Je réalise que sij
'avaisjoué
à
I'experteavec mes concepts, ntes mots et mes étapes toutes faites,
je
I'aurais
plutôt
égaré etdéraciné de son chemin