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Regard critique sur le droit français du harcèlement sexuel au travail à la lumière du droit américain et du droit canadien

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Yasrnina BENIHOUD Institut de Droit Comparé Université McGilI, Montréal

Regard critique sur le droit français du

harcèlement sexuel au travail

à

la lumière du droit

américain et du droit canadien

Un mémoire soumis à la Faculté des études supérieures etdela recherche en

accomplissement partiel des exigences de la maîtrise en droit (LL. M.)

@vasmina Benihoud, 2000

(6)

385 WelingtDnStrNt oea-ON K1A0N6 c.nada 385,fUIwelngtan aa.-ON K1A0N4 c..dI

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(7)

(8)

TABLE DES MATIERES

Sommaire..••...•.•...•...•.•....•..•.•.••...••...••....•....VIII

JllJstract..•..••.••.•.••••..•....••.•.•..•.•..•••.••.•..•••..••...•..••..•.

~~

Remerciements

X

IlltroClllcti()Il•••••••••.•••••••••••••••••••••••••••••.•••••••••••.••••••••••••..

2

CHAPITRE

1

Le

harcèlement sexuel: un problème CIe

di

scnmmatJon ou

. . .

d ' ·

attemte a

"lalib

erte . . ...•...•...

'~

8

Section 1 :Leharcèlement sexuel envisagé sous Itangle de la discrimination

en Amérique du Nord 9

Il

Les développements du droit américain ..•.•...•.••..•...•...9

IIILes développements du droit canadien...••...•...• 17

AI

L'évolution jurisprudentielle 18

BI

L'évolution législative 21

Section 2: Ltapproche française: entre discrimination et atteinte à la

li~rté..•.•••••••••••••••••••.••••..•••.•.•••••••••..•••••••••.•••••••••••••••.•..••••••••••~

(9)

III Une volonté de se démarquer des législations nord... américaines. . ... •.. ...••..•...•.•..••.•..••...••.•••...30

A/Les raisons historiques 30

B/Une doctrine françaisepas vraiment convaincue 32 CILa volonté de restreindre les comportements prohibés 44

111/ Conclusion ••..••.•••..•••...•..•••.•••••....•..•..•....••.•••..••...45

CHAPITRE II : Du harcèlement sexuel

à

l'abus d'autorité en

matière sexuelle

48

Section 1 : Les définitions du harcèlement sexuel en Amérique du Nord et en France.•••..•...•.•...•.••.•..•...•••...•...•...•.•...••..•...49

Il

Les définitions nord-américaines 49

AI

Les défmitions législatives 49

BI

Les définitions des Commissions protectrices des droits de la

personne 51

CI

L'apport de la jurisprudence: la distinction entre le harcèlement qI/id

pro

quoet le harcèlement«climat de travail» 52

DI

Synthèse 57

II/La définition française: le choix d'une définition restrictive •••••••.••.•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••.59

(10)

Section 2 :Laloi du 2 novembre 1992 : une réforme inacceptable? ...•...•...61

1/

L'exigence d'un lien de subordination ...•.•...•...••....•.62

III

La finalité sexuelle du componement ..•...•..••...66

1111 L'exigence de pressions ...•...•..••...•...•..74

IV/ Les répercussions effectives sur l'emploi 76

v/

Conclusion: de la nécessité d'élargir la notion de harcèlement sexuel en France ...•...79

CHAPITRE

III :

La

responsabilité de l'employeur

83

Section 1 :Laresponsabilité de l'employeur en Amérique du Nord... 84

llLesdéveloppements du droit aux Etats·Unis 84

A/De l'arrêt ff/zï/iomsàl'arrêt Vinson 85

B/La jurisprudenceVinson 89

C/La confusion suite àla jurisprudence Vinson 91

D/Les arrêts Faragheret Burlington 93

III

Les développements du droit au Canada 96

A/Les hésitationsdes tribunalLx 97

B/L'arrêt RobichtJ1/d 99

C/LaLoi canadienne sur les drmis de lapersOnlle 101

(11)

Section 2: La responsabilité de l'employeur en France: des dispositions encoretropfloues•..•41 • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •103

I/L'état dudroit... .. •. .. . •.••• . .. .• . . . . ....•.. ... ... •. .•... 103

A/L'article L. 122-47 du Code du travail 104 B/L'article L. 122-48 du Code du travail 105

C/Conclusion 107

II/Les conséquences négatives de la position française•... 108

A/L'insuffisance de prévention et de mobilisation des

employeurs 108

B/Des victimes isolées dans leur détresse '" 111

C/Conclusion 112

CHAPITRE

IV:

Les

arguments

peu

convaincants

du

législateur

français ...•...•....•...•...

114

IILacrainte de la dérive américaine 114

A/ L'impact de l'affaire Thomas/Hill 115

B/ Une preuve aussi difficile 118

C/ Conclusion 119

11/ Préserver la complicité entre les Français et les Françaises

...•...

~O

A/Une présentation idéalisée 121

B/Un argument pour tenter de freiner les revendications françaises ... 124

(12)

111/ Conclusion 127 CONCLUSIONGENERA.LE ".129 BIBLIOGRA.PHIE 132 .AN'NEXES 149

Recommandation européenne du 27 novembre 1991 sur la protection de la

dignité des femmes et des hommes au travail 150

Sondage IFOP-L'EXPRESS sur les Français et le harcèlement

sexuel 152

La Loi nO 92-1179 du 2 novembre 1992 relative à l'abus d'autorité en matière

(13)

Sommaire:

Quelques mois après avoir adopté une loi pénale créant le délit général de harcèlement sexue41e Parlement français adopta laLoi ,l'92-1179relotitJeàl'abus d'autorité en matière sexuelle dan.r /e.r relotinn.r de IralKlÎL Dans cette loi, comme d'ailleurs dans la loi pénale, le législateur français va envisager le harcèlement sexuel de manière assez singulière et va tenter de se détacher de la position nord-américaine, notamment sur trois points:

-tout d'abord, alors que le droit américain et le droit canadien conçoivent clairement le harcèlement sexuel comme une forme de discrimination sexuelle, rapproche française est plus ambiguë. Elle semhIe considérer avant tout le harcèlement sexuel comme une atteinteà

la liberté de l'individu.

-puis, l'approche française diffère quantàl'étendue des actes prohibés. A l'inverse du droit américain et du droit canadien qui prohibent le harcèlement du fair de l'environnement et le harcèlement en provenance de collègues de travail, le législateur français a décidé de restreindre la prohibition au harcèlement en provenance de supérieurs hiérarchiques.

-et eofin, en matière de responsabilité de l'employeur, le législateur français s'est montré beaucoup plus "timide" que les juges nord-américains er que le législateur canadien.

Lors des débats parlementaires, les députés justifièrent leur approche plus restrictive du harcèlement sexuel en comparaison du droit nord-américain principalement par deux arguments, ilsavoir, la crainte de la dérive américaine et la singularité des rapports entre le!\ sexes en France. Or, comme nous essaierons de la montrer, ce choLx nous paraît mauvais car

illaisse trop de victimes en dehors du champ d'application de la loi et n'est pas assez clair en ce qui concerne les obligations de l'employeur. Nous nous interrogerons aussi sur la pertinence des deux arguments soulevés par le législateur qui,ànotre avis, tiennent plus de la caricature que de la réalité.

(14)

Abstrset:

A few months aCter having enaeted a criminal statute creating thegeneral offeoce of sexual harassment, the French Parliament enaeted theSlallllenO 92-1179 l'relativeàlalmsd'autoritéen

matièresCX1JeUe dans les relations de/ravail'~ In this statute, as in the criminal statute, the French legislator considers sexual harassment in a peculiar way, and departs from the North-American position on three points:

First, white American law and Caoadiao law understand clearly sexuaI harassment as a form of sex discrimination, the French approach is more ambiguous. It appears that the French legislator uoderstands sexual harassment more as an infringement to freedom than a form of sex discrimination.

Second, the French legislator has defmed sexual harassmentin a more restrictive way than in

North America. While American law and Canadian Iaw prohibit hostile harassment and sexual harassment by colleagues, these forms of sexual harassment are oot prohihitedin French law. Finally, on the question of the employer's liability, the French approach is more "timid" than

inAmerican law and inCanadian law.

The French legislator has justified its more restrictive approach to the problem of sexual

harassmeot in comparison with the North-American position by two arguments: the fear of the "American c:drift' " and the peculiarity of the relationships between womeo and men in

France. However, it is argued that the choice of the French legislator is not convenient because it Ieaves a significant oumber of victims outside the scope of the law, and is not clear enough on the employer's obligations. Furthermore, it is mainrained that both arguments of the legislator are more caricatural than real.

(15)

Remerciements:

Je tiens tout d'ahordàremercier Madame le Professeur Colleen Sheppard pour ses judicieux conseils et son éclairage précieux sur le problème du harcèlement sexuel. Cela m 'a été d'une aide considérable dans mon travail.

Je tiens aussiàexprimer ma profOnde gratitude envers l'Association européenne contre les violences faites aux fèmmes au travail (A.v.F.T.), notamment envers Mesdames Juliette Boyer el Gisèle Amoussou, pour m'avoir reçue et avoir eu la patience de répondreàtoutes mes questions.

Un grand merci aussi aux personnels de la Bihliothèque de droit Nahum Gelher de l'Université McGill, du Centre de Documentation sur l'Education aux Adultes et la Condition Féminine à Montréal et de la Bibliothèque Cujas à Paris qui m'ont si gentiment aidée dans ma recherche.

Enfin, je remercie mes parents et mon frère, Ismaël, pour m'avoir soutenue et toujours encouragée tout au long de la préparation de cette thèse.

(16)

(17)

INTRODUCTION:

Le phénomène du harcèlement sexuel au travail est longtemps demeuré un sujet tabou. Apparu il ya une trentaine d'années aux Etats-Unis puis se propageant au Canada sous le vocable«sexual harassmen/», le harcèlement sexuel n'a montré de signes de vie en France que très tardivementpar rapport à ses voisins d'outre-Atlantique. En effet, alors que les féministes américaines, dès le début des années soixante-dix dénoncèrent le harcèlement sexuel comme une expression de pouvoir que les hommes exercent sur les femmes afin de les maintenir dans un statut de dépendance et d'infériorité, le harcèlement n'a suscité que très peu de débats dans la société française. Alors, la France est-elle miraculeusement épargnéeparle mal? Est-elle moins touchée parce phénomène que les pays Nord-Américains? Des épisodes de 1'Histoire semblent démontrer au contraire que le mal est bien présent dans la société française. Ainsi, de la fin du dix-huitième siècle jusqu'à aujourd'hui, on relève plusieurs grèves d'ouvrières revendiquant le respect de leur dignité et une amélioration de leur statut de femmes salariées: la Manufacture de Dijon en 1895, celle de Marseille en 1897, et surtout l'usine de Haviland àLimoges en 1905, pour finir en 1992 à la grève de l'usine Marytlo près de Lorient, les ouvrières demandant le départ de leur directeur pour sen comportement obscène et sexiste!. De plus, de récents sondages révèlent qu'environ 12 % des Françaises ont déjà subi un chantageàl'emploi de lapart de leur supérieur hiérarchique et que 48 % d'entre elles ont déjà eu à affronter au moins une fois dans leur vie professionnelle un climat de travail déplaisant (propos grossiers, gestes douteux ...

l.

Ainsi, le harcèlement sexuel est loin d'avoir épargné la France. C'est au contraire un phénomène bien vivant.

1Voir notamment Christine Bard,Un siècle d'antijéminisme.Paris. Ed. Fayard, 1999,àla page 41et

suivantes.

2Sondage de l'Institut Louis Harris, réalisé en décembre 1991,àla demande du Secrétariat d'Etat aux

(18)

France. En effet, sous l'impulsion du mouvement féministe, et plus particulièrement de l'un de ses membres, Catharine MacKinnon3, les tribunaux de première instance américains, dès 1976, prohibèrent le harcèlement sexuel sur le lieu de travail sur le fondement du Titre VII duCivil Rights

Act,

décidant ainsi de l'assimileràune fonne de discrimination fondée sur le sexe. Jugeant que la raison fondamentale pour laquelle les victimes étaient sollicitées sexuellement était leur appartenance à un genre, ils déclarèrent que le harcèlement sexuel constituait de la discrimination étant donné qu'il imposait des conditions supplémentaires de travail à certains employés, condition auxquelles n'étaient pas soumis les employés du sexe opposé. Cette position sera confinnée en 1986 par la Cour suprême des Etats-Unis dans l'arrêt Vinson5 de même que suivi trois ans plus tardparla Cour suprême du Canada dans l'arrêt Janzen6.

Le droit américain, ainsi que le droit canadien, distingueront de pl us deux fonnes de harcèlement: le harcèlement «chantage au travail »ou quid pro quo et le harcèlement «climat de travail empoisonné» ou «du fait de l'environnement». Alors que, comme l'énonce Maître Maurice Drapeau, «il est de l'essence du harcèlement «chantage au travail}) de faire dépendre le maintien des avantages liés à l'emploi d'une soumission sexuelle (condition d'emploi); le propre du harcèlement «climat de travail» est d'empoisonner l'environnement de travail des femmes en leur rendant le milieu hostile et offensant»7. Sont ainsi prohibés en Amérique du Nord non seulement les demandes sexuelles accompagnées de menaces de représailles en cas de refus, mais aussi tous les comportements, qui bien que ne menaçant pas l'emploi, agressent les femmes. Ceux-ci peuvent constituer des commentaires ou des blaguesàconnotation sexuelle et/ou sexiste, des gestes, caresses non désirées, des baisés volés, des avances sexuelles répétées etc ...

3Voir notamment C. MaeKinnon, Semai Harassment of Worlring Women, New Haven: Yale University

Press, 1979.

4Voir notamment:Wi/liamsc. Soxbe, 431F. Supp.654,11 E.P.O. para. 10,840 (D.D.C. 1976).

SMeritor Savings Banke. Vinson,477 U.S. 57 (1986).

6Janzen c. Platy Enterprises Ltd,[1989] 1 RC.S. 1252.

(19)

Profondément ancré dans l'inégalité, le harcèlement sexuel sera ainsi reconnu

par

les juges américains et canadiens sous ses diverses fonnes. Ils n'hésiteront pas non plus à déclarer l'employeur responsable, les juges américains allant même jusqu'à déclarer la responsabilité stricte (c'est-à-dire sans aucun moyen d'exonération) dans les cas de harcèlement«chantage au travail ». En effet, qui d'autre que l'employeur peut garantir un milieu de travail exempt de harcèlement sexuel. Etablir un régime solide de responsabilité de l'employeur consiste à alors forcer ces derniers à se préocupper du phénomène et à prévenir que des comportements de ce genre ne se déroulent dans leurs entreprises.

C'est ainsi une protection étendue, et qui se veut efficace, qui se met en place outre· Atlantique. Or, alors que l'on aurait pu penser le contraire, le législateur français ne sera point séduitpar la«machine de guerre» nord-américaine. Ce système, dit-il, ne mène qu'à des

«

excès»età une «dérive »8. Pointant du doigt l'affaire Thomas-HiU9, il veut autre chose; un système qui corresponde à la culture française, et (( aux réalités de notre pays »10. Et c'est ce qu'il va essayer de faire. Promulguant la loi du 2 novembre 1992 quelques mois après la loi pénale créant le délit général de harcèlement sexuel, le législateur français va tenter de se détacher de la position nord·américaine en matière de harcèlement sexuel au travail, notamment sur trois points:

tout d'abord, alors que comme nous l'avons dit auparavant, le harcèlement sexuel a été clairement conçu en Amérique du Nord comme une forme de discrimination fondée sur le sexe, l'approche du législateur français est, elle, plus ambiguë. Circonscrivant la 1utte contre le harcèlement sexuelà la seule prohibition des actes d'abus d'autorité en matière sexuelle, le législateur semble avoir oscillé entre la démarche américaine et une autre démarche concevant le harcèlement sexuel en tant que violation de la liberté sexuelle d'autrui. Toutefois, comme nous tenterons de l'expliquer, nous pensons que cette seconde démarche se révèle insuffisante dans la compréhension du harcèlement sexuel

8Voir J.O. Sénat, séancedu 21 mai 1992~àla page 1327.

9 L'affaire ThomaslHili bouleversa les Etats-Unis en 1991. AJors que le juge Clarence Thomas était candidatàla Coursuprême desEtats-Unis~ unedeses anciennesassistantes, Anita HilL révéla qu'il l'avait harcelée quand elle travaillaitpour lui. VoirchapitreIV,àlapage115.

(20)

les sexes.

- puis, dans l'étendue des actes prohibés, le législateur français se refusa àreconnaître le harcèlement sexuel en provenance decollègues de travail, ainsi que le harcèlement du fait de l'environnement. N'est ainsi interdit en France que le harcèlement

«

chantage à l'emploi». La secrétaire d'Etat, Madame Véronique Neiertz, justifia ce choix en invoquant prinicipalement deux

raisons:

éviter les

«

excès américains», et le fait qu'en ce qui concerne le harcèlement en provenance de collègues de travail de même niveau hiérarchique, la victime a les moyens de se défendrell. Or, là encore, les arguments de

Madame la secrétaire sont très contestables, et seront d'ailleurs très contestés par les organisations féministes françaises. En effet, même si dansles situations de harcèlement pardes collègues de travail ou du fait de l'environnement, l'emploi des victimes n'est

pas

menacé directement, les conséquences de ces formes de harcèlement seront souvent identiques au harcèlement-marchandage: les victimes lassées physiquement et/ou mentalement quitteront leur emploi ou encore, seront renvoyées car prenant trop de jours de congé ou commettant trop de fautes.

Le

harcèlement sexuel «climat de travail »et le harcèlement en provenance de collègues de travail sont des formes plus indirectes de harcèlement que le chantage à l'emploi mais qui se révèlent être toutes aussi graves et dommageables pour les victimes.

Enfin, le législateur français se distinguera du droit américain et du droit canadien quant à la responsabilité de l'employeur. Alors que les juges nord-américains, ainsi que le législateur canadien, établirent un régime solide de responsabilité de l'employeur, les parlementaires français se sont montrés, semble-t-il, moins téméraires. Il est effectivement très difficileà la lecture de la loi du 2 novembre 1992 de déterminer si de réelles obligations pèsent sur l'employeur, et s'il y en a, quelles en sont l'étendue et la portée.

(21)

Ainsi~comme nous essaierons de lemontrer~ le législateur français a fait des choix assez différents de ceux faits par les juges américains ou canadiens, et a envisagé la lutte contre le harcèlement sexuel de manière plus «soft» qu'outre-Atlantique. Toutefois, nous croyons que ces choix sont trop timides, voire inadaptés pour réussirà éliminer le harcèlement sexuel du monde du travail en France. Le législateur a en effet eu une approche trop réductrice duphénomène~le conduisant à adopter une définition étroite du harcèlement sexuel, et n'a pas insisté assez, à notre avis, sur les obligations de prévention et de sanction incombantà l'employeur.

Enfin, nous émettrons des doutes quant aux arguments invoqués

par

lui pour justifier ses choix législatifs,àsavoir, le souci d'éviter les excès américainsetde préserver la douce harmonie régnant entre les sexes en France12. Au cours de nos recherches, nous n'avons rencontré aucune jurisprudence pouvant laisser penser à une «dérive» du droit américain ou du droit canadien. De même, nous ne croyons pas que les relations entre les sexes soient si harmonieuses en France que les Françaises aient besoin de moins de protection que les Américaines et les Canadiennes. En effet, même si la France est connue comme le pays de «l'Amour» et de la séduction, elle n'a pas été non plus épargnée par l'inégalité sexuelle.

Aussi~ dans un but de clareté, nous diviserons cette thèse en quatre chapitres. Nous discuterons tout d'abord dans le premier chapitre de l'approche globale du législateur français face au harcèlement sexuel et la comparerons à la démarche américaine concevant le harcèlement comme une discrimination. Dans le second, nous analyserons de manière critique l'étendue des actes prohibés en France et en Amérique du Nord avant de nous pencher dans le troisième chapitre sur la responsabilité de l'employeur. Enfin, dans le chapitre final, nous porterons un regard critique sur les rapports hommes/femmes de chaque côté de l'Atlantique et nous tenterons de déterminer s'il existe véritablement une

«

dérive» nord-américaine.

12Voir J.O. Sénat, séance du 21 mai 1992 ; voir aussi RapportAssemblée Nationale n° 2809 par Jeanine

Ecochard, relatifàl'abus d'autorité en matière sexuelledansles relationsdetravail et modifiant le code dutravail et lecodedeprocédure pénale, 1992, à la page 24.

(22)

Chapitre

l :

Le

harcèlement sexuel: un problème

de discrimination ou d'atteinte

à

la libené

?

(23)

1. LE HARCELEMENT SEXUEL:

UN PRQBLEME DE DISCRIMINATION OU D'ATTEINTE A

LAUBERTE?

Il est tout d~abord intéressant de constater que si les Etats-Unis et le Canada définirent clairement le harcèlement sexuel comme une forme de discrimination sexuelle~ I~approche de la France est beaucoup plus ambiguë. Eneffe~à regarder de plus près les nouvelles lois pénale et sociale de 1992, il semble que le législateur français ait tenté de s'écarter du schéma nord-américain assimilant le harcèlement sexuel à de la discrimination sexuelle. Ainsi comme l'exprime justement la Professeure Françoise Dekeuwer-Défossez, le harcèlement sexuel, en France,"se situe désormais plutôt dans le sillage de la protection de la liberté sexuelle, que dans la perspective de l'égalité des

sexes "[nos italiques]/].

Comment expliquer alors cette volonté du législateur français de s'éloigner des modèles américain et canadien et de construire une propre logique juridique de lutte contre le harcèlement sexuel ? C'est ce que nous tenterons de découvrir après avoir analysé les fondements légaux des régimes juridiques américain et canadien de lutte contre le harcèlement sexuel au travail.

13 Dekeuwer-Défos~ F., «Le harcèlement sexuel en droit français: discrimination ou atteinte à la

liberté? (A propos de J'article 222-33 du nouveau Codepénaletde la loi n. 92-1179 du 2 novembre 1992 relative à l'abus d'autorité en matière sexuelle) », J .C.P. Ed. G. 3662.

(24)

Nord

Très fortement inspirés

par

les travaux de la Professeure Catharine MacKinnonl4, la Cour suprême des Etats-Unis d'Amérique décidera en 1986, dans l'arrêt Vinson/5,

d'apparenter le harcèlement sexuel à une fonne de discrimination basée sur le sexe, constituant ainsi une violation du titre VIT duCivil Rights Actde 196416• Cette position sera reprise par le droit canadien, aboutissant à une modification de la Loi canadienne sur les droits de la personne, du Code canadie, du travail, ainsi que plusieurs législations provinciales sur les droits de la personne.

1/Lesdéveloppements du droit américain:

Juste dix ans après la promulgation duCivil Rights Act, les tribunaux américains eurentà répondreàla question de savoir si le harcèlement sexuel était prohibé au sens de l'article 703 du Titre VII de la loi, ce dernier disposant:

"It shaH he an unJawful employment practice for an employer:

(1) To fail or refuse to hire or discharge any individual, or otherwise to discriminate against any individuaJ with respect to bis compensatio~ tenns, conditions or privileges of employment, because of such individual' s sex;

(2) To limit, segregate, or classify

ms

employees applicants for employment in any way which would deprive or tend to deprive any individual of employment opportunities or otherwise adversely affect bis status as an employee, because ofsuch individual's... sex, ... "

Comme nous le constatons, rarticle 703 ne vise pas spécifiquement le harcèlement sexuel au nombre des discriminations basées sur le sexe. De pl us, aucune définition de ce qu'il faut entendre par 44discrimination" n'est fournie par le législateur. Or pour certains auteurs, dont les plus connus sont Lin Farley)7 ainsi que Catharine MacKinnonl8, soutinrent que le harcèlement sexuel n'est autre qu'une forme de discrimination 1iée au sexe. En effet, les individus-cibles étant en majorité des femmes,

14Supra. note 3 à la page 3.

1.5Meritor Savings Bankc. Vinson,477 U.S. 57 (1986).

16Title VU ofThe Civil Righls Act of1964, 42 United States Code§§ 2000e.

17Lin Farley,SenJal Shakedown : The SemaI Harassment of Women on the Job ..McGraw-HiIi 1978.

(25)

souvent dans une position économique précaire ou du moins inférieure à celle des hommes-harceleurs, ils défendirent l'idée que le harcèlement ne serait pas, ou pas seulement, l'expression d'une attirance sexuelle, mais serait avant tout la traduction d'un rapport de force économique et d'un rapport de forcebasésur le sexe des individus. Ce genre de harcèlement serait ainsi un abus de pouvoir(tant sexuel qu'économique) qui aurait pour conséquence de rendre les conditions d'emploi plus difficiles pour le groupe-cible19.

Cependant, les premières décisions rendues par les tribunaux américaines refusèrent d'assimiler le harcèlement sexuel à une fonne de discrimination basée sur le sexe, telle que prohibée parle Titre Vil. Ainsi dans un premier jugement rendu sur cette question, l'affaire Barnes c. Train20, le juge Smith déclara que les représailles d'un directeur à

l'encontre d'une subordonnée à la suite de son refus d'engager avec lui une relation sexuelle n'était pas de la discrimination basée sur le sexe mais faisait partie des "subtilités d'une relation personnelle non harmonieuse". Reprenant en partie l'opinion émise en première instance par le tribunal administratif, le juge Smith soutint que même si l'on supposait que ce genre de conduite harcelante constituât de la discrimination, ce n'était pas de la discrimination fondée sur le sexe de la plaignante, c'est-à-dire sa condition de femme, mais plutôt de la dicrimination basée sur son refus d'avoir une liaison avec son supérieur, ce qui n'estpasprohibéparle Titre VU. Enfin, la Cour ajouta que ces comportements n'étaient pas discriminatoires du fait qüe les hommes pouvaient en être aussi les victimes.

Ce dernier argument fut d'ailleurs reprispar le Tribunal de district de l'Arizona dans le jugement Come and de Vane c. Baush & Lomb, fnc.1/. Dans cette affaire, les deux

plaignantes aHéguaient qu'ayant été sujettes à des avances sexuelles répétées, tant verbales que physiques, de la part de leur supérieur, elles avaient été poussées à

19Pour le Professeur AggarwaLle harcèlement sexuel C81"8'-'1érise les sociétés sexistes oùilest utilisé pour

«souligner,parimplication, la différence ent1'e les sexes, l'infériorité desfemmesparrapport augroupe

masculin dominantJ>, etpour«rappeler arafemmes la condition itiférleure qu'on leur attribueJ>.

20Barnesc. Train, 13 FEP 123 (D.O.C. 1974),infirmé en appelBamesc.Conie, 561 F. 2d 983 (D.C. Ciro

1977).

(26)

violation de l'article 703, la conduite du supérieur n'étant que la conséquence "malheureuse~~ d~une attirance sexuelle non réciproque, et n'ayant aucune relation avec l'emploi des demanderesses.

La

Cour refusa donc une fois de plus de tisser un lien entre harcèlement et discrimination sexuels. Le juge Frey ajouta même dans cette dernière affaire qu'il serait "'grotesque" d'admettre les recours sur le fondement du Titre

vn

dans des cas de harcèlement sexuel car cela créerait un risque de multiplication des poursuites sans réel motif et forcerait les employeurs à engager des employés "asexués".

Ce risque sera évoqué dans d'autres jugements, notamment dans les affaires Tomkins et

Mille?], la Cour précisant dans cette dernière affaire qu'il serait de plus très difficile de différencier le harcèlement sexuel illégal du "flirt" inoffensif: Même si certaines tribunaux (elles sont minoritaires) commencèrent à reconnaître que le harcèlement sexuel engendre des dommages, elles maintinrent aussi que le harcèlement ne pouvait être assimilé à de la discrimination et que par conséquen~ il n'y avait aucune loi protégeant les victimes de ces comportements23.

Ainsi, le harcèlement sexuel n'apparaît aux juges américains que comme une tentative de séduction qui a échoué et a plus ou moins mal tourné. Dans la première moitié des années soixante..dix, le harcèlement reste pour la plupart des juges un comportement sans gravité, lié à la nature humaine et à l'attirance sexuelle. L'attraction des hommes vers les femmes étant un phénomène inévitable, les femmes doivent donc s'accommoder des inconvénients et des ~'dérapages" quand il y en a. Si nous devions résumerparune phrase la pensée des juges lors de cette première vague de décisions, elle serait certainement: "Ce n'est qu'un homme."Evidemmen~et comme le fait remarquer Maître Maurice Drapeau, ce genre d'arguments ne survit pas à

r

analyse car le propre de

22Millerc.BcuifofAmerica, 418 Supp. 233 (N.D. Cal. 1976) ; etTomkinsc.Public Service Electric and Gas Co.,422 F. Supp. 533(D.N.l 1977).

23Dansl'affaireTomkins. la Cour fédéraleconsidéraque si le harcèlement sexuel ne pouvait être assimilé à une forme de discrimination basée sur le sexe,ilpouvait constituer un délit(<< ton»).Lejuge Stem précisa que le but du Civil Rights Act n'était pas de fournir ((afederal remody for whatamounts10 physicai attack motivated hysemaidesireonthepartofQ~-upervisorand which lrappened10occurin a corporate corridor rather thon Q back al/ey. " (422 f. Supp., 556). Pour une critique de la théorie

(27)

l'homme a été justement de légiférer contre ses penchants dits "naturels"(Uconsidérer celui-ci [le harcèlement sexuel] comme un phénomène naturel, c'est renoncerà vouloir civiliser les rapports humains,,24).

L'affaire Wi/liamls, en 1976, va finalement sonner le glas de cette jurisprudence peu favorable aux victimes. En l'espèce, Diane Williams, une employée du Ministère de la Justice, fut plusieurs fois reprimandée sans fondements, accablée de commentaires désobligeants et enfin congédiée suite à son refus d'engager une relation sexuelle avec son supérieur. La District Court du District de Colombia va décider, et cela pour la première fois, que les représailles d'un supérieur contre sa subordonnée suite au refus de celle-ci d'accorder des faveurs sexuelles, constitue de la discrimination sexuelle prohibéeparle Titre VII. Le juge Richey soutint qu'une pratique de harcèlement sexuel n'a pas à dépendre d'une caractéristique propreà un sexe. "Une pratique en apparence neutre pourra avoir des effets disproportionnés pour un sexe,,26. En l'esPèce, le fait que la victime fût de sexe féminin a été le facteur détenninant dans le traitement qui lui a été infligé par son supérieur. Il est important toutefois de noter qu'à ce stade de la jurisprudence, ce sont les représailles du supérieur contre sa subordonnée, et non les

avances sexuelles en elles-mêmes qui constituent de la discrimination27.

Dans l'année qui suivit, la décision Williams fut confinnée dans une série d'arrêts rendus par trois cours d'appel. Ainsi, par exemple, dans l'affaireBarnel8, la District of

Columbia Circuit Court ofAppeals renversa le jugement de première instance et déclara qu'il y avait discrimination sexuelle d'où violation du Titre VII duCivil Rights Act étant donné que la plaignante était contrainte de se soumettre à des relations sexuelles avec son employeur afin de conserver son emploi, condition à laquelle n'étaient pas soumis les employés de sexe masculin.

24Maurice Drapeau,Leharcèlement sexuel au travail,Cowansville, Ed Yvon Blais1991.

~Wi//iamsc. Saxbe,431F. Supp.654, IlE.P.D.para. 10.840(D.D.C. 1976).

26Lucie Lamarche,«Définition du harcèlement sexuel prohibé sur les lieux de travail en droit canadien»

P986) 2 C.1.W.L. 119.

7Nous ferons aussi remarquer que le juge Frey traite la question de savoir si la conduite du harceleurpeut

constituer de la discrimination fondée sur le sexe comme une question de fait etnon de droit. Cela a pour conséquence de faire diminuer la portée du jugement. La même stratégie sera employée par la Cour d'appel dans l'affaireTomkins.

(28)

But for her womanhood. from aught that appears, her participation in seXllal actwiry would never have been solicited To say, then, that she was victimized in her employment simply because she declined the invitation is to ignore the asserted lact tirai she was invited on/y because she was a woman subordinateta the inviter in the hierarchy ofagency personnel. Put another way. she became the targel ofher superior's sexual desires because she was a woman. and was asked ta bow10his demands as the price fOr holding herjob.19

La Cour d'appel établit ainsi les prérequis au succès d'une plainte sur le fondement du Titre VUàsavoir:

- les actes de harcèlement en question doivent constituer une condition supplémentaire au maintien de l'emploi de la travailleuse.

- etdeuxièment, cette condition est imposéeàl'employé(e) en raison de son sexe.

Dans l'arrêt Tomkins

1/°,

la Cour d'appel soutint que remployeur pouvait engager sa responsabilité si apprenant les actes de harcèlement de ses surveillants, il ne remédiait pas promptement et de manière appropriée à la situation. Les juges précisèrent cependant que la responsabilité de l'employeur n'était pas engagée quant aux incidents purement relationnels pouvant se dérouler dans le cadre de l'entrepriseet n'ayant aucune conséquence sur le lien d'emploi. Cette limite à la responsabilité de l'employeur sera d'ailleurs clairement énoncée dans rarrêt Heelan c. Johns Manville Corp.3/ et plus tard

par

la Cour suprême notamment dans l'arrêtOncale32:

.. Title VII should not he inlerpreted as reaching inlo semai relationships which may arise during the course of employmenl, but which do nol have a subslanlia/ ejJëcl on lhal employment. "

Ainsi la Cour fait-elle remarquer que le but du Titre VII n'estpasde régir ou de censurer les relations intimes que peuvent avoir les individus sur leur lieu de travail mais bien de

2aBamesc. Castle, 561F. 2d 983 (D.C. Ciro 1977)

29Ibid,àla page992,n. 68.

30TomkinsCoPublic Service Electric andGasCo. (fomki1lSl/), 568F. 2d 1044 (3111Cir.1977).

31

451 F.Supp.1382, 20 FEP 251 (D.C.1978). Voir aussiMunfordc. JamesT. Bameset Co.,441 F. Supp. 459 (E.C.Mich. 1977)etGarherCoSaxon Business Product lne., 552 F. 2d 1032 (411ICiro 1977).

(29)

rendre illégaux les comportements sexuellement harcelants conditionnant le maintien de l'emploi du travailleur ou de la travailleuse.

L'année 1977 est donc une année-elé dans l'histoire juridique du harcèlement sexuel. Toutefois, même si le droit à ce stade de l'évolution jurisprudentielle permettait de protéger bon nombre d'employé(e)s des actes de harcèlement sexuel de lapart de leur superviseur ou de leur directeur, un certain nombre de problèmes restaient toujours irrésolus. Ainsi, s'agissait-il encore de la discrimination quand l'employée harcelée par un surveillant ou son employeur ne subissait ou n'encourait aucune conséquence néfaste quantà la conservation, aux conditions ou aux privilèges attachés à son emploi? Ou encore, qu'en était-il du harcèlement en provenance nonpasd'un supérieur mais d'un ou de plusieurs collègues de travail?

Loin d'être théoriques, ces questions en suspens revêtaient une importance cruciale. En effet, même si àpremière vue, aucune épée de Damoclès ne semble flotter au-dessus de la tête de l'employée (à savoir aucun risque de congédiement, rétrogradation ou de perte de salaire etc ... ), cette fonne de harcèlement est très fréquente33, et plus important, aussi perverse que le harcèlement-chantage à l'emploi ou quid pro quo dont nous avons pu apercevoir quelques-uns des aspects dans les arrêts cités antérieurement. Fort heureusement, en 1980, l'EquaJ Employment Opportunity Commission insuft1era un souffle nouveau en publiant ses Final Guidelines en matière de discrimination et de harcèlement sexuels. Ainsi, la Commission déclara·t~elle tout d'abord que le harcèlement sexuel est une forme de discrimination basée sur le sexe violant l'article 703 du Titre VII duCivil Rights Act avant de fournir la définition suivante:

(a) [... ]"Unwelcome sexual advances, requests for sexual favors, and other verbal or physical conduet of asexuaInature constitute sexual harassment when:

(1) submission to sueh conduct is made either explicitly or implicitly a tenn or condition of an individual's employment,

(2) submission to or rejection of such conduet by an individual is used as the basis for employment decisions affecting such individual~or

33Voir notamment CatharineMacKinno~ ibid.à la page28. LaProfesseure MacKinnon cite une enquête

faite par le Working Women United /nslilUte. Sur 155 femmmes interrogées. 40%ontétéharcelées par un supérieur hiérarchique, 22 %parun collègue de même niveau hiérarchique. 29%par un tiers (client... ), 1% par un subordonnéet8 % par un«autre».

(30)

performance orcrealing an inlimit/ating, hostile, or offensiveworkingenvironment.[... ]

(d) With respect 10conduct belween jêllow employees, an employer is responsible for acts of sexual harassmentinthe workplace where the employer (oritsagents or supervisory employees) knows or should have known of the condu~ unless it cau show that it took immediate and appropriate corrective action.'7[Nos italiques]34

La position de la Commission pour l'égalité des chances est donc limpide. Constituent de la discrimination les comportements harcelants en provenance de collègues de travail, ainsi que les comportements, n'engendrant, certes, aucun dommage économique pour la victime, mais créant un environnement hostile. Aussi la Commission propose-t... elle pour la première fois depuis 1976 de sortir du schéma de la jurisprudence WilliamsJ5 c'est-à-dire que ce ne sont plus les représailles du surveillant ou de l'employeur en elles-mêmes qui constituent de la discrimination, mais bien les avances sexuelles ou la conduite sexuellement offensante qui sont discriminatoires.

Même si l'on pouvait se féliciter avec justesse de la nouvelle interprètation de l'article 703 amorcée par la Commission dans ses Guidelines, ces dernières ne lient malheureusementpas les tribunaux qui restent ainsi libres de les ignorer. Cependant, dès la publication des directives, un certain nombre de tribunaux adopteront les vues de la Commission et reconnaîtront le harcèlement créant un environnement hostile comme étant une fonne de discrimination sexuelle. Ainsi dans ContinentalCan Co. c. Slale of

MinnesotaJ6, la Cour suprême du Minnesota déclara qu'un employeur était responsable

des actes de harcèlement d'un employé envers un autre employéà partir du moment où l'employeur avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance de ces actes et n'avait pris aucune mesure immédiate et appropriée pour y remédier ou prévenir ces comportements. L'année suivante, dans l'affaire plus connue Bundy c. JacksonJ7, la

Cour d'appel du District de Columbia soutint qu'il est nécessaire d'étendre la prohibition du Titre VII au harcèlement-environnement hostile si l'on ne veutpas laisser des employées harcelées sans aucun recours.38 La Cour fait7 de plus, une analogie

34Guidelines on Discrimination Because afSer, 29 C.F.R. 1604.11,45 F.R.25024.

35Supra,note 25àla page 12.

J6297 N.W.2d 241(Minn. 1980);voir aussiSeritisc.Lane,22E.P.D. para.30,747(Cal Sup. CT. 1980).

J7Bundy c. Jackson, 641 F. 2d934(D.C. Ciro 1981).

(31)

intéressante comparant le harcèlement~nvironnement hostileà la discrimination raciale ou ethnique:

.. The relevance ofofthese "discriminatory environment" cases to sexual harassmenl is beyong

serious dispute. Racial or elhnic discriminalion against a company's minority clientsmayrefleci

no inlent10discriminale directly against the company's minority employees, hUI in poisoning

Ihe almosphere ofemployment ilviolales Title VIl. Sexual slereotyping Ihrough discrimina/ory

dress requirements may he hegnin in intent, and may ojJënd women only in a general,

almospheric manner, yel il vio/ates Tille VII. Racial siun, though inlentional and directed al

individuals, maystill he jusl verbal insu/ts, yet Ihey100may create Tille VIl/iahility. How then

can saual harassment, which injects the mosl demeaning saual stereotypes into the genera/ work environmenl and which always represents an inlentional assault on an individual's

innermost privacy, not he i/lega/?,,j9

Les préjudices subis par les femmes travaillant dans une atmosphère hostile étant proches des préjudices subis par les employés travaillant dans un environnement empreint de discrimination raciale ou ethnique, il apparaît donc juste de donner à ces femmes le même niveau de protection juridique. L'opinion de la Cour d'appel du district de Columbia sera d'ailleurs reprise par la COUTI ofAppeals of the Eleven Circuit dans l'arrêt Hensonc. Dundee"oavant d'être confinnée finalement par la Cour suprême dans l'affaire Vinson41en 1986. Citant en effet l'arrêtRogers42, dans lequelfutreconnue pour

la première fois la notion de climat de travail empoisonné suite à des actes de discrimination raciale, les juges suprêmes soutinrent que rien dans le Titre Vil ne suggère que le harcèlement sexuel "climat de travail" ne puisse de même être prohibé. Pour le juge Rehnquist, "the language of Tifle VII is not Iimifed ta ··economic" or Utangible" discrimination. The phrase uterms. conditions, or privileges ofemployment "

evinces a congressional in/en/ "to strike al the enlire spectrum ofdisparate trea/ment of

employee wilh impunity by carefullystopping short offiring lhe employee, or laking other tangible action

against her in response10barresistance, lhereby creating lhe impression... lhat the employerdidnol take

the rimaiofhaTassmenlandresistance«seriously1).

39Ihid, P 945.

40 Heman c. Dundee, 682 F.2d 8897, 902 (1982): «Semai harassmenl which creales a hostile or

offensive environmenl for memmhers ofone sex is every billhe arbitrary barrier to seXtial equa/ity al the

workplace lhot racial harassment is10racial equality. Sure/y, a requiremenl llIat a man or woman run a

gauntlel ofsexual abuse in retum for lhe privilege ofbeing a/lowed10workandmake alivingcanheas

demeaninganddisconcerting as lhe harshest ofracial epilheths. 1)

41Merilor Savings Bank c. Vinson, 477V.S. 57 (1986).

(32)

créer des disparités injustifiées entre les sexes doivent..ils être prohibés, que ces comportements engendrent ou non des conséquences économiques pour les victimes. De plus, la Cour décidera que le fait que la plaignante ait

consenti

à avoir des rapports physiques avec le défendeur (entre quarante et cinquante fois pendant trois ans) n'empêchait pas de conclure que les avances sexuelles sont demeurées non désirées et que le comportement de ce dernier constitua du harcèlement sexuel: Uft

J

he correct inquiry is whether[the victim] hyher conduct indicated that the alleged sexua/ advances were unwe/come, not whether her actua/ participation in sexua/ intercourse was vo/untary",#4. Cette décision sera accueillie par Catharine MacKinnon comme une grande victoire45.

Aussi, comme le note Michael Vhay, l'évolution jurisprudentielle partant du jugement

Traindans lequel le harcèlement n'était que l'expression d'une "relation personnelle non harmonieuse" pour finir à l'arrêt Vinson où il fut reconnu que plusieurs fonnes de harcèlement étaient discriminatoires n'est rien d'autre que remarquable46.

IDLesdévelopoements du droit canadien:

La législation canadienne étant tout aussi silencieuse que la législation américaine quant au caractère discriminatoire ou non du harcèlement sexuel, la même bataille judiciaire menaçait. Néanmoins, profitant de l'expérience américaine, les débats canadiens seront beaucoup plus brefs. De plus, à la différence du législateur américain, le Parlement fédéral canadien ainsi que plusieurs législatures provinciales décideront dès le début des

43Meritor Savings BankCo Vinson, 477 V.S. 57 (1986), à la page 2405.

44Ihid,à la page 2406.

4.5 Voir Lewin, «A Grueling StnJgg)e for Equality», N.t: Times (Nov. 9, 1986) :«What the decision means is that we made this law up from the beginning, and now we've won... .It doesn't mean that womenareaJways believed when theysay they were harassed or that harssment won't happen Any more. But ildoes asmuch as the law cao do.»Contra,Grace M. Dodier, «Merltor Savings Bank v. Vinson: Sexual harassrnent alwork» (1987) 10 Harv. Women's L. J. 203. Voir aussi, Wendy Pollac~ «Sexual Harassment : Women's experience vs.Legaldefinitions»(1990) 13H&IV. Women'sL.J. 35.

46M.D. Vhay, «The hanns of Asking: Towards a Comprehensive Treatment of Sexual Harassment »•

(33)

années quatre-vingts d'amender leurs lois par l'ajout d'une disposition prohibant spécifiquement le harcèlement sexuel. Aussi, l'évolution jurisprudentielle sera-t-elle au Canada accompagnée de changements législatifs.

N L'évolution jurisprudentielle:

Comme nous l'avons dit plus haut, l'expérience américaine a été un véritable accélérateurdansles débats judiciaires canadiens. Ainsi dès 1980, dans la célébre affaire Cherie Belin, l'arbitre Shime reconnaît le harcèlement sexuel sur les lieux de travail comme une forme de discrimination basée sur le sexe, prohibée en l'espèce par

l'Ontario Human Rights Code, et déclare qu' "(i]l est manifeste qu'une personne, qui subit un désavantage à cause de son sexe, fait alors l'objet de discrimination dans son emploi lorsque la conduite de l'employeur la prive de rétributions financièresà cause de son sexe ou lui soutire des faveurs sexuel/es d'une forme ou d'une autre en re/our de l'amélioration ou du maintien de ses avantages actuels,048. Reprenant complètement la

logique américaine, 1'arbitre Shime soutient que le harcèlement sexuel constitue de la discrimination étant donné qu'il impose aux femmes des conditions d'emploi supplémentaires auxquelles ne sontpassoumis les hommes.

Les tribunaux judiciaires et d'arbitrage se rallierontàla quasi unanimité à la position du Commissaire Shïme. En effet, dès l'année suivante, dans la décision Coutroubis c. Sk/avos Printing49, le tribunal d'arbitrage déclare que le harcèlement sexuel est prohibé

par l'article 4(I)(g) du Ontario Human Rights Codeso• De même, dans l'affaire Robichaudc. BrennanSJ, Première décision rendue sous l'empire de la Loi Canadienne

sur les droits de la personne, le tribunal reprend l'opiniondel'arbitre Shïme concluant IIIt will he reca/led Ihal Section 7(b) orthe Acl (Canadian Human Rights Act) makes no express reference to sexua/ harassment. But, in lighl of the interpretations placed on similar terms in

47Cherie Bellc.Lat/Qs(1980), 1 C.H.R.R.D/155.

48Ibid,par. 1386,cité par le juge Dickson dansJanzenc.Platy Enterprise Ldt.•[1989] 1 R.C.S. 1277.

Traductiondela Cour Suprême du Canada. 49(Ont. 198 1)1 2 C.H.R.R. D/457 (Ratushny).

~R.S.O. 1980, c.340.

,. Robichaudc.Brennan (Can. 1982), 3 C.H.R.R. D/977 (Abbott) ; (Can. 1983), 4 C.H.R.R (Review

(34)

encounters, which might he characterized as "sexua/ harassment", dofall within Section 7(b). "

Cette tendance jurisprudentielle est finalement consacrée par la Cour suprême dans l'affaire Janzen c. Platy Enterprises

Lt"2

en 1989, soit trois ans après l'arrêt Vinson rendu par la plus haute cour américaine. En l'espèce, Dianna Janzen et Tracy Govereau, serveuses dans un restaurant, avaient fait l'objet d'avances sexuelles et d'attouchements de lapartd'un autre employé. Alors que la Cour du Banc de la Reines3avait confirmé le jugement du Tribunal arbitralS4 déclarant que Mesdames Janzen et Govereau étaient victimes de harcèlement discriminatoire, la Cour d'appel du ManitobaS5, de manière assez surprenante, infinna cette décision soutenant que le harcèlement sexuel et la discrimination basée sur le sexe étaient "des notions toulàfait différentes,,56.

Exprimant son étonnement quant au fait que des arbitres et des juges aient assimilé le harcèlement sexuelà une forme de discrimination sexuelle, le juge Huband n'hésite

pas

à déclarer ces décisions comme étant erronées. Du fait que seules certaines femmes dans une entreprise sont en général victimes de harcèlement sexuel et non

pas

toutes les femmes, Je harcèlement sexuel ne Peut constituer de la discrimination. Pour le juge Huband, il serait plus juste de le percevoir comme constituant une infraction criminelle ou encore un délit civil en commonIa~7.

Cet avis est partagé par le juge Twaddle. Reprenant principalement la théorie du phénomène "naturel" des attirances sexuelles sur laquelle s'étaient fondés dans un premier temps les tribunaux américains, celui-ci affirma que "[1Je fait que le

harcèlement sexuel soit de nature sexuelle n'explique pas pourquoi la victime a été choisie. Ce n'est que si la victime a été choisie en/onction d'une catégorie, sans égardà ses caractéristiques individuelles que le harcèlement peut constituer une manifèstation

S2Janzenc. Platyenterprises Lld.,[1989) 1 R.C.S. 1252.

53Janzenc. PlatyEnlerprises Lld,(1985),38Man.R (2d)20,24 D.L.R.(4~ 31, (1986) 2 W.W.R273, 86.

s"Janzenc. PlatyEnterprises LleI, (1985), 6 C.H.R.R.D/2735.

ssJanzen c. PlatyEnlerprises Lld.(1986) 7 C.H.R.R. d/3309 (C.A.Man.).

'6

Ibid, àlap.D/3832.

(35)

de discrimination. ,J8Aussi, pour la Cour, il ne

peut

y avoir discrimination sexuelle que si toutes les personnes du même sexe ontétéharcelées. Or, en l'espèce, étant donné que sur les trois serveuses engagées, "seules" deux d'entre elles avaient fait l'objet de

harcèlement, le juge Twaddle en conclut que Hies plaignantes ont été choisies comme victimes du harcèlement en raison de caractéristiques qui leur étaient particulières plutôt qu'en raison de leur sexe,J9. Par conséquent aucun acte discriminatoire n'avait été commis. Même s'il ne fait aucun doute que le fait d'être une femme est un facteur d'attraction, le juge Twaddle se refuseàcroire que la condition de femme est le facteur déterminant ou décisifdansle choix des victimes du harceleur.

Cette théorie sera toutetefois rejetée à l'unanimitéparla Cour suprême.60Soulignant tout d'abord que l'ensemble des tribunaux canadiens, exception faite de la Cour d'appel du Manitoba, reconnurent le harcèlement sexuel comme une forme de discrimination basée sur le sexe, le plus Haut tribunal soutient qu'il est erroné de croire uqu'il y a discrimination sexuelle seulement lorsque toutes les personnes du sexe en cause sont également maltraitées.,r6J Ainsi pour le juge Dickson, U[s] ,ilfallait, pour conclureàla

discrimination, que tous les membres du groupe visé soient traités de façon identique, la protection contre la discrimination aurait peu ou pas de valeur [ ..

J.

Dans presque tous les cas de discrimination. la mesure discriminatoire comporle divers éléments de sorte que certains membres du groupe concerné ne sont pas atteints, tout au moins de façon directe, par la mesure discriminatoire,'162.Quant au lien qu'avait tissé la Cour d'appel du

Manitoba entre le harcèlement sexuel et l'attrait sexuel, les juges suprêmes ne peuvent s'empêcher de dire que ce raisonnement"met la crédulité à l'épreuve,.63. En effet, se basant sur les travaux de Catharine MacKinnon ainsi que de Constance Backhouse et Leah Cohen, le juge Dickson soutient que le harcèlement sexuel instaure une barrière à l'emploi pour les femmes que les hommes n'ontpasà subir. Deplus, ilest évident que si les deux plaignantes, en l'espèce, n'avaient

pas

été des femmes, elles n'auraient jamais

'8Ibid, àlap. D/3845.

'9Ibid

60Janzenc.P/alyEnlerprises Lld,[1989] )

R.e.s.

1252.

61 Ibid,à lap1254 résumé des motifs.

62Ibid

(36)

d'autres, fait du harcèlement sexuel une forme de discrimination fondée sur le sexe.

Par cette décision, le juge Dickson met un pointfmal àla théorie de l'attirance sexuelle. Par cette décision, il propulse aussi le harcèlement sexuel au rang de phénomène de société et encourage ainsi les législatures provinciales qui ne l'ont pas encore fait àse pencher sur ce problème.

BIL'évolution législative:

Poussés par l'évolution jurisprudentielle, le législateur fédéral ainsi que plusieurs législateurs provinciaux décideront des le début des années quatre-vingts de clarifier leurs législations.

Devançant le Parlement fédéral, l'Ontario sera le premier d'entre tous à ajouter une disposition visant spécifiquement le harcèlement sexuel. Ainsi, en 1981, seront introduites deux nouvelles dispositions: le nouvel article 4( 1) garantissant l'égalité de traitement en matière d'emploi et l'article 6, alinéas (2) et (3) interdisant le harcèlement sexuel.

4(1) Every person has a right to equal treatment with respect to employment, without

discrimination because of ...sex...

6(2) Everypersonwho isanemployeehas a right to freedom from harassmentinthe workplace

becauseofsexbybisor her employer, oragentof the employer or by anther employee. 6(3) Everypersanhasaright to hefreefrom,

a) a sexual solicitation made by a person in a position to confer, grant or deny a henefit or

advancement to the person where the person making thesolicitation or advance knows or ought

reasonably to know that it is unwelcome; or

b) a reprisai or a threat of reprisai for the rejection of a sexuaI solicitation or advance where the

reprisai is made or threatened by a person in a position to confer, graut or deny a benefit or

advancement to the person.64

(37)

Plus loin, à l'article 9(f), le législateur ontariendéfinit la notion de "harcèlement" sans toutefois se pencher spécifiquement sur celle du "harcèlement sexuer'.

9(g) Engagingina course ofvexatious comment or conduct thatisknown or aught resonably to he known to be unwelcome.

Deux années plus tard, alors même que les tribunaux venaient de reconnaître le harcèlement sexuel au nombre des discriminations prohibées par la

Loi

canadienne sur les droits de la personne65, le législateur fédéral décidera d'insérer une disposition

spéciale prohibant le harcèlement sexuel. Ainsi les alinéas (1) et (2) de l'article 14 déclarent-ils:

14(1) Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de discrimination illicite, le fait de harceler un individu

a) b)

c) en matière d'emploi

14(2) Pour l'application du paragraphe (1) et sans qu'en soit limitée la portée générale, le harcèlement sexuel est réputé êtreunharcèlement fondé sur un motif de distinction illicite.66

Comme le fait remarquer le Professeur Arjun Aggarwal, la Loi canadienne est loin d'être aussi claire que le Code ontarien. En effet, la Loi canadienne, se contentant d'énoncer la prohibition du harcèlement sexuel, ne fait aucunement mention des actes pouvant être caractérisés comme du harcèlement.

Toutefois, il faut noter qu'en 1985, le gouvernement du Canada prit la décision d'interdire aussi le harcèlement sexuel dans le cadre du Code canadien du travail. A la

différence de la Loi canadienne sur les droits de la personne, le Code canadien du travail se montre beaucoup plus précis sur la notion de harcèlement sexueletimpose des obligations àl'employeur quant à la mise en place d'une véritable politique de lutte contre le harcèlement sexuelà l'intérieur de l'entreprise.

247.1 Pour l'application de la présente section, uharcèlement sexuel" s'entend de tout comportement, propos, geste, ou contact qui sur le plan sexuel:

6$Robichaudc. Brennan(Can. 1982), 3 C.HR..R.. 0/977 (Can., Tribunal des droits, Abbott); Kotyk c.

Chuba,(1983) 4C.H.R.R.0/1416 (Can.,Tribunaldes droits,Ashley).

(38)

a) soit de natureàoffenser ouàhmnilier un employé;

b) soit peut, pour des motifs raisonnables, être interprété par celui-ci comme subordonnant son

emploi ou une possibilité de formation ou d'avancement à des conditions à caractère sexuel

comme l'assujetissement d'un emploi ou de chances de formation ou d'avancement à des

conditions d'ordre sexuel.

247.3 L'employeur veille, dans toute la mesure du possible, à ce qu" aucun employé ne fasse

1"objetdeharcèlementsexuel.67

Au Québec, le législateur décida aussi en 1982 de promulguer dans la Charte des droits

et libertésde la personne une disposition interdisant spécifiquement le harcèlement en

raison de l'un des motifs de discrimination (dont le sexe)68.

JO. J Nul ne doit harceler une personne en raison de "un des motifs visés dans ['article JO.

Comme le souligne Maurice Drapeau, l'article 10.1 de la Charte québécoise, à la différence de l'article 6(2) du code ontarien, ne situe pas le contexte du harcèlement. Ainsi, est-il possible d'en déduire que le harcèlement sexuel est certes interdit dans le cadre du travail mais aussi dans la rue, dans son immeuble, c'est-à·dire en tout lieu69. Cette approche est évidemment novatrice surtout en 1982. En adoptant cette disposition, le législateur permet aux justiciables de se protéger du harcèlement sexuel en milieu de travail mais aussi en dehors de leur emploi.

Il est évidemment impossible dans le cadre de cette thèse d'aborder en profondeur rensemble des législations provinciales. Cependant, signalons qu'à l'exception de l'Alberta, de la Colombie Britannique et des Territoires du Nord Ouest, toutes les provinces canadiennes ont adopté des dispositions interdisant spécifiquement le harcèlement sexuel en milieu de travail, que cela soit dans leurs législations sur les droits

67Code canadiendutravail,L.R.C. (1985), ch 9 (Iersupp.) art 17.

68Charte des droits etlihertésdela personne,L.Q. 1982, c. 61.

69Maurice Drapeau,Leharcèlement sexuel au travail, Cowansville,éd.Yvon Blais, 1991,àla page 35 etsuivantes.

(39)

de la personne, dans leur code du travail ou encoredans des législations protectrices de la santé70•

Section 2: L'approche frangise: entre discrimination et atteinte à la liberté

A la différence des développements en Amérique du Nord, le législateur français ne commenceraàse pencher sur le problème du harcèlement sexuel qu'au début des années quatre-vingts dix, promulguant deux loisàtrois mois d'intervalle en 1992: la loi nO 92-684 du 22 juillet introduisant le délit de harcèlement sexuel à l'article 222-33 du nouveau Code pénaletla loi du 2 novembre nO 92-1179 "relativeà l'abus d'autorité en matière sexuelle dans les relations de travail". Ainsi, coup sur coup, furent créés deux textes, le texte pénal étant de portée générale quant aux auteurs, aux lieux et aux circonstances de commission de l'infraction, et le texte social traitant du harcèlement sexuel dans les relations de travail.

Il est surprenant de remarqueràla lecture des lois de 1992, que le législateur français semble avoir délaissé l'approche "discrimination" adoptée en Amérique du Nord pour une approche concevant le harcèlement sexuel comme une atteinte à la liberté sexuelle. En 1992, ce choix était novateur, non seulement par rapport aux droits canadien et américain, mais novateur aussi en Europe où un certain nombre de pays, tels que le Royaume-Uni, l'Allemagne, ou ~ncore l'Autriche, choisirent clairement la voie de la discriminatio~ cela en conformité avec la Recommandation de la Commission des Communautés européennes concernant la protection de la dignité de la femme et de l'homme au travaifl.

Alors, quelles sont les raisons des distances de la France avec l'approche discriminatoire? Y-a t-il eu une volonté de la part du législateur de se démarquer des

70Voir notamment pour une vue d'ensemble, Susan 1. Paish,Aiyaz A. Alibhai,Act, Don't React :

Dea!ing with Serual Harassment in four Organization, Vancouver: Western Legal Publications, 1996,àla

,ftage7-1 etsuiv..

(40)

que nous tenterons d'expliquer après avoir exposé l'état du droit français.

V Les lois du 22 juillet et du 2 novembre 1992:

Ces lois apparurent quelque peuparsurprise, dans un quasi anonymat, n'étant précédées

paraucun véritable débat de société sur le sujet du harcèlement sexuel.

n

est vrai que ces textes n'étaientpas destinés à combler un vide juridique étant donné qu'il existait déjà plusieurs dispositions offrant des recours aux victimes tels que le délit d'attentat à la pudeur ou le crime de viol72, la contravention de violences légères73,ainsi que le droit du licenciement en ce qui concerne le harcèlement au travail. Ainsi, peut-on relever un certain nombre de condamnations devant le juge pénaf4, de même que des condamnations pour licenciements sans cause réelle et sérieuse devant le juge civil, lorsque l'employeur avait licencié une salariée refusant de répondre à ces avances75.

Toutefois, ces lois se révèlaient souvent inadéquates dans la gamme des comportements réprimés, celle-ci n'englobantpas toutes les attitudes que peut recouvrir le harcèlement sexuel, mais aussi inadéquates dans les sanctions, parfois trop légères ou trop sévères.

Comme nous l'avons dit plus haut, le législateur a approché le harcèlement sexuel de manière totalement novatrice. Tout d'abord, le fait même de pénaliser le harcèlement sexuel est original. La France fut en effet le premier pays en Europe a inséré un article dans son Code pénal concernant le harcèlement sexuel, avant d'être suivie en 1995 par

l'Espagne, et en 1998parla Belgique.

12Prévus aux articles 333 et 332 du Code pénal

73Prévue à 1·articleR.40-1 du Code pénal et qui, selon la jurisprudenceestcaractérisée dès lors que des

~estes inconvenants ou des attitudes menaçantes ont été de natureà impressionner vivement la victime. .. Voir notamment TOI Paris,

l"r

Ch. Corr. 4.04.1990,Dr. ouvrier 1992, p. 26; voir aussi TGI LiUe. 6c Ch. Corr. 16.10.1991. Dans cette affaire, deux employeurs soumettaient de jeunes candidates lors d'entretien d'embauche à des questions portant sur leur vie sexuelle. Ils ont été condamnés pour«voie de fait avec préméditation», à deux mois de prison avec sursis, 6000 francs d'amende et 5000 francs de dommages-intérêts. Projets féministes 1992, n. 1. p. 125.

75Voir notamment Paris 19.05.1989, Melle F.etSyndicatGénéraldu Bois de la région parisiennecl Ste

(41)

Même si avant ('adoption de la loi pénale du 22 juillet 1992, le harcèlement sexuel tombait sous le coup de plusieurs dispositions du Code pénal, un certain nombre de parlementaires 5'opposèrent

à

sa "pénalisation expresse" soutenant généralement que des mesures pénales étaient trop radicales pour ce genre de comportement. Ainsi, l'ancien ministre Jacques Toubon n'hésitapas

à

déclarer:

"Je crois beaucoup plus aux comportements humains qu'à une pénalisation. Mais il faut d'une part que les femmes évitent toute provocation et d'autre part que les hommes soient éduqués." 76

Les propos du ministre peuvent faire sourire. Ils sont cependant révélateurs de l'état d'esprit d'un certain nombre de parlementaires français opposés à la création d'une loi spécifique afin de lutter contre le harcèlement sexuel.77

Le second trait novateur de ces lois réside dans la conception-même du harcèlement sexuel. En effet, à la différence des droits canadien et américain, le harcèlement sexuel n'est pas vraiment présenté comme étant un comportement discriminatoire mais plutôt comme une atteinteà laliberté de la personne. Le premier indice corrobant cela n'en est pas moins que le déplacement géographique dont a fait l'objet la loi du 22 juillet 1992 dans le nouveau Code pénal. Ainsi, après avoir figuré au chapitre V "des atteintes à la dignité de la personne" où sont visées les discriminations délictueuses (section première), le texte a été déplacé et inséré dans le chapitre "des atteintes à l'intégrité physique de la personne"section "des agressions sexuelles". Voilà un déplacement qui en dit long!

Ensuite, si nous nous penchons sur la rédaction de ces deux lois, et plus précisément les articles 222·33 du nouveau Code pénal ainsi que l'article L 122-46 du Code du travail, on peut constater que le harcèlement sexuel n'est aucunement associé

à

une forme de discrimination sexuelle ou sexiste, et se limiteà un abus d'autorité.

76le.AN. 21juin 1991,n.57p. 3628.

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