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Le temps de travail des cadres est-il contrôlable et négociable ?

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Le temps de travail des cadres est-il contrôlable et

négociable ?

Paul Bouffartigue, Jacques Bouteiller

To cite this version:

Paul Bouffartigue, Jacques Bouteiller. Le temps de travail des cadres est-il contrôlable et négociable ?. Séminaire international ”La négociation collective dans la construction de la norme sociale de l’emploi”. Réseau ” Emploi, travail, relations professionnelles et société”, Institut Syndical Européen, Bruxelles, le 29 octobre 1999, 1999. �halshs-00007518�

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DOCUMENT DE TRAVAIL - L.E.S.T.- CNRS – UMR 6123

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Le temps de travail des cadres est-il contrôlable et négociable ?

Séminaire international

La négociation collective dans la construction de la norme sociale de l’emploi

Réseau “ Emploi, Travail, Relations professionnelles et Société ”

Intervenants : Paul Bouffartigue et Jacques Bouteiller

Bruxelles, 29 octobre 1999

La question du contrôle et de la réduction du temps de travail (RTT) des cadres fait l’objet d’un vif débat en France. C’est qu’elle met à nu les métamorphoses de ce salariat particulier – un “ salariat de confiance ” – longtemps choyé par les entreprises. Et qu’elle sert de miroir grossissant aux mutations plus larges du salariat. Pourra-t-on encore demain réguler collectivement le temps de travail ? Ou pourra-t-on encore longtemps le réguler selon les modes traditionnels ? Le mouvement syndical peut-il encore peser sur cette régulation ? Telles sont les questions de fond posées par l’évolution des formes de subordination salariale, dont le travail des cadres n’est qu’un des exemples significatifs.

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Le temps de travail des cadres est un bon analyseur du développement de zones grises dans la régulation du salariat, c’est-à-dire de zones situées en marge du droit du travail. On suivra la démarche d’A. Supiot (99), en considérant que ce processus renvoie à la fois à l’affaiblissement du mouvement syndical face au patronat, et à des mutations dans les formes de subordination et de sujétion propres à la relation d’emploi. En France, la RTT offre un terrain quasi expérimental pour observer la manière dont les acteurs des relations professionnelles participent de sa redéfinition et des catégorisations qui en résultent. L’objectif de l’acteur patronal est l’élargissement des catégories de cadres et de salariés qui sortiraient du droit commun pour travailler selon un mode forfaitaire, de préférence en faisant sauter la référence horaire et les bornes temporelles journalières et hebdomadaires. C’est dans cette perspective que s’opérerait le passage du contrat collectif de travail au « contrat individuel de mission », et donc le passage d’une logique salariale -l’ « obligation de moyens » - à une logique non salariale - -l’ « obligation de résultats », les formes de mobilisation du travail se rapprochant du contrat commercial. Tous les syndicats s’y opposent, mais de manière diverse, leur affaiblissement donnant d’autant plus de poids aux décisions à venir du législateur.

Après avoir situé quelques enjeux de la démarche actuelle de RTT en France, on montrera combien l’émergence de la question de la RTT des cadres a partie liée avec la crise de ce salariat de confiance. On confrontera ensuite les enseignements d’une enquête conduite auprès d’entreprises pionnières en matière de RTT aux débats induits par l’avant projet de la seconde loi et par les accords de branche qui l’ont inspirée (Bouffartigue et Bouteiller, 99). On conclura sur deux enjeux majeurs d’une issue offensive aux incertitudes présentes : l’évaluation de la productivité du travail immatériel, et l’implication collective des cadres dans l’évaluation de leur activité.

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La crise du temps de travail et les enjeux de la loi

L’évolution des temps travaillés – qu’il conviendrait d’examiner toujours à l’échelle de la vie entière des travailleurs – se caractérise, partout en Europe, par une diversification ressemblant parfois à un éclatement. C’est une dimension majeure – voire la principale – des évolutions de la norme sociale de l’emploi qui participe ainsi à l’émiettement de cette dernière (Bouffartigue, 99-1), selon des logiques économiques et sociales assez bien connues désormais. En particulier, elle joue un rôle de premier plan dans l’apparition en Europe continentale du phénomène des “ poor workers ”, initialement observé dans les économies anglo-saxonnes : ce sont des fractions socialement fragilisées du salariat – femmes peu qualifiées et vivant isolément, jeunes non diplômés, travailleurs en fin de carrière aux professionnalités jugées obsolètes - qui sont surexposées aux formes d’emploi à temps partiel contraint. Dans un salariat globalement fragilisé face au capital, les segmentations et les inégalités s’approfondissent.

En France, à l’image d’une norme nationale d’emploi relativement homogène qui s’était affirmée dans les années 60/70, le temps de travail se caractérisait par un horaire hebdomadaire, homogène, régulier et prévisible, peu de travailleurs étant soumis à des horaires les plaçant en marge de la temporalité sociale dominante. Le travail à temps partiel y était moins développé que dans d’autres pays européens. Dans les années 80/90 cette norme temporelle s’est trouvée progressivement grignotée, plutôt que frontalement remise en question par la négociation collective ou la loi (Freyssinet, 97). Le développement du travail à temps partiel a été la principale forme de cette évolution, mais on a également vu se développer les horaires “ atypiques ” - notamment le week-end – et se multiplier à l’échelon des entreprises des “ arrangements locaux ” ou une réduction modeste de la durée du travail était concédée aux travailleurs en échange de plus de “ flexibilité ” : modulation annuelle des horaires, nouvelles plages horaires accompagnant l’extension de la durée d’utilisation des équipements (Bouffartigue et Tchobanian, 98 ; Thoemmes et de Tersac, 97). La diminution historique de la durée du travail s’est interrompue pour les travailleurs à temps plein et elle s’est accrue dans certaines catégories, dont les cadres.

Cette évolution n’est pas dissociable du contexte général qui a vu la montée en puissance des politiques économiques néo-libérales, l’affirmation de la domination des actionnaires sur les stratégies des grandes firmes, l’affaiblissement des capacités de résistance du monde du travail, et une dégradation généralisée des normes salariales concomitante à l’installation d’un chômage de masse. Travail clandestin, travail gratuit, travail dissimulé : les durées de travail rémunérées se sont écartées des durées de travail effectives, et d’abord dans des secteurs dans lesquels il reste contrôlable sans difficultés techniques majeures, tel le transport routier (Hautdidier et Ramackers, 95). Ce contexte connaît cependant quelques inflexions depuis le milieu des années 90, sanctionnées par l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement qui a fait de la politique de RTT l’un des symboles d’une rupture d’avec les orientations néo-libérales antérieures. La première loi Aubry est en effet grosse de ruptures, au

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moins potentielles, avec l’approche précédente : la perspective d’une réduction forte et généralisée de la durée du travail, l’objectif de création de plusieurs centaines de milliers d’emploi, le principe d’une compensation salariale – totale pour les bas salaires – et d’un strict encadrement des marges nouvelles de flexibilité offertes aux entreprises ; autant d’éléments qui tranchent avec la logique antérieure (Freyssinet, 98). Pour autant, bien des incertitudes et des contradictions laissent entière la réponse à la question de la portée pratique de cette inflexion. Cette loi laisse largement ouverte la question des usages sociaux qui en seront faits. Plusieurs accords de branche, dont celui du secteur phare de la métallurgie, montrent qu’elle peut ainsi être largement détournée de ses objectifs, notamment en jouant sur le volume des heures supplémentaires, dont le contingentement et le coût restent à préciser. D’autres points importants sont en suspens : les conditions d’attribution des aides publiques aux entreprises ; le devenir du salaire minimum ; la définition du « temps de travail effectif » ; le sort des travailleurs à temps partiel ; enfin, celui des cadres. L’ensemble de ces points d’incertitude montre que le dispositif amorcé avec la première « loi Aubry » ne permet pas d’anticiper quelle inflexion en résultera dans le rapport de force capital/travail 1: qui, et dans quelle proportion, financera cette RTT ? Au terme de quel compromis au plan des conditions de travail et du contenu de la productivité ? L’impact sur l’emploi sera-t-il suffisant pour alléger le poids du chômage sur les comportements des salariés ? Quelle logique sociale l’emportera : celle de la poursuite de la baisse des coûts salariaux, inégalitaire et déflationniste ? Ou celle de la réduction de la durée du travail, - à certaines conditions – égalitaire et expansionniste ? (Coutrot, 97).

Les modalités selon lesquelles interviendra la diminution de la durée de travail des cadres forment donc un des multiples enjeux de la réussite de la loi au regard des objectifs qu’elle se donne. Les cadres seront-ils associés à la mise en œuvre de la RTT ? Cette dernière provoquera-t-elle ou non une modification de la charge et de l’organisation du travail - donc une ouverture de la « boîte noire » de l’activité de travail-, une réflexion sur les sources de l’efficience productive, et sur les embauches nécessaires ? Quelle sera l’échelle temporelle de référence qui sera adoptée pour la mesure du temps de travail ? Quelles seront les contreparties, en termes monétaires comme de conditions de travail et de vie, concédées par les cadres ? Autant de questions dont les réponses décideront de la portée réelle de cette diminution de la durée du travail, en termes de libération effective de temps, de créations d’emplois, et ajouterons-nous, en terme d’un meilleur partage sexué du travail domestique.

La dynamique d’éclatement des temps travaillés tient également à l’inadaptation des approches dominantes du temps de travail eu égard aux métamorphoses du travail et de la productivité. Par exemple, la problématique du “ partage du travail ”, fondamentalement défensive, repose sur une vision taylorienne selon laquelle le travail est un bien homogène et interchangeable, et pour qui la productivité repose toujours sur l’économie de masse salariale. Elle est aveugle à la montée de nouveaux temps dans la sphère du travail elle-même – temps

1Ce que reconnaissent à leur manière les simulations macro-économiques réalisées, qui retiennent

diverses hypothèses sur les interactions entre durée d’utilisation des équipements, productivité du travail, et compensation salariale, en fonction des stratégies qu’adopteront les acteurs.

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d’apprentissage, de communication sociale, de réflexivité, de renouvellement et de maintien des acquis professionnels – qu’il s’agirait non pas de contenir au profit du temps de travail immédiat, mais de déployer. Le paradigme du temps industriel domine encore les représentations du temps, de même que la culture taylorienne domine les représentations des gestionnaires qui cherchent à accroître la productivité dans les activités immatérielles et informationnelles sans forcément bien en connaître les ressorts. C’est aussi faute de prendre la mesure de ces mutations qu’une ligne purement défensive de l’ancienne norme temporelle est vouée à l’échec, de même que l’est une ligne de simple accompagnement de la dérégulation, sans prise sur la rationalité économique sous-jacente. La référence au « temps de travail » permettait, en droit du travail, à la fois de borner l’emprise patronale sur l'existence du travailleur et d’évaluer la prestation du salarié (Supiot, 99). Ces deux fonctions du « temps de travail » sont devenues beaucoup plus délicates à réaliser aujourd’hui : avec la montée en puissance des dimensions intellectuelles, immatérielles, informationnelles des activités de travail, et de la logique de service dans laquelle elles se situent, se sont multipliés les temps au statut incertain, intermédiaires entre « travail », et « non travail », tels le temps d’astreinte, celui du travail à distance ou de la formation. C’est ce que révèlent crûment les difficultés d’application de la RTT aux cadres.

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Les raisons d’une crise de confiance

L’émergence sur la scène publique d’un débat sur la RTT des cadres semble bien être une particularité française. Elle tient d’abord à la place qu’occupe depuis plusieurs années le thème général de la RTT dans la confrontation sociale et politique française. Mais elle tient également à l’originalité, au moins relative, de cette catégorie sociale des cadres en tant que construction sociétale, et aux changements qui sont intervenus en son sein, notamment au plan de la nature du lien qu’elle entretient avec les entreprises. Certes, dans la plupart des autres pays anciennement industrialisés, les salariés qui occupent des fonctions de type cadre – managers, experts ou « professionals », commerciaux ou « sale managers » - ont des durées de travail nettement supérieures aux autres catégories, et sont peu soumis à des dispositifs de réglementation de la durée du travail, de compensation ou de récupération (Boulin et Plasman, 97 ; Brunhes, 99). Mais la France est l’un des pays où la durée de travail des cadres est la plus élevée à la fois dans l’absolu et relativement aux autres catégories de travailleurs. On comprend mieux pourquoi c’est dans ce pays que le débat public sur le temps de travail des cadres soit le plus animé, et que la négociation collective ait commencé à s’emparer le plus de ce thème.

Les directions d’entreprise sont confrontées à une véritable crise de confiance de la part de l’encadrement. Les indices s’en sont multipliés depuis plusieurs années. D’abord bien sûr, cette remise en question massive – qui eût été presque indécente il y a peu – de l’idée qu’un cadre n’a pas à “ compter ses heures ”, au double sens du terme : celui d’une disponibilité à toute épreuve, et celui d’un contrôle de la durée du travail. Ils sont aux deux tiers demandeurs d’une réduction du temps de travail et dans les mêmes proportions favorables à un décompte horaire de ce temps. Ensuite, ils se sentent maintenant – dans une proportion presque aussi grande - plus proches des autres salariés que de leur direction, et s’affirment pour la moitié d’entre eux prêts à une action de grève. Enfin, si l’on en croît le nombre de contentieux qu’ils portent devant les Prud’hommes, quelques conflits sociaux phare, ou encore l’évolution de leur vote aux élections professionnelles, cette disponibilité diffuse à l’action collective s’accompagne de passages à l’acte plus fréquents2.

Cet état d’esprit, qualitativement nouveau comparé au traditionnel “ malaise des cadres ”, n’est pourtant guère surprenant. Il renvoie aux métamorphoses d’un groupe social aujourd’hui bien éloigné de son image traditionnelle, héritée de l’armée. Et il prend sa source dans la détérioration de l’équilibre entre contribution et rétribution en son sein3. Sans être à proprement parlé encore “ massifié ” et

2 On trouvera des indications plus précises sur tous ces points dans le sondage “ Liaisons sociales

”-Manpower réalisé par le CSA en juillet 1999, publié dans le dossier “ Attention les cadres se rebiffent ” de la revue Liaisons sociales/magazine, septembre 1999. On s’est interrogés ailleurs sur le décalage entre la force des attentes et des arrangements individuels en matière de temps de travail des cadres et la rareté de leur engagement dans l’action collective ; cf. P. Bouffartigue et M. Bocchino, “ Travailler sans compter son temps ? ”, Travail et Emploi, n° 74, 1998-1.

3 L’analyse qui suit est développée dans Bouffartigue P. et Gadéa C., Sociologie des cadres, La

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“ banalisé ”, le statut de cadre concerne maintenant près de 15% des salariés. Ils sont toujours plus souvent diplômés de l’enseignement supérieur : les cadres “ autodidactes ”, dont le statut doit plus à l’entreprise à laquelle ils se sont dévoués qu’aux études accomplies, sont en recul. Ils travaillent de manière croissante dans des fonctions d’expertise, et leur rôle hiérarchique s’amenuise : le “ producteur ” se substitue au “ chef ”. Les femmes ne sont plus quantité négligeable parmi eux : les plus nombreuses ne peuvent s’identifier au modèle traditionnel du cadre. L’expérience du chômage n’est plus rare et les carrières dans l’entreprise sont bien moins dessinées que par le passé. L’écart de salaires entre cadres et non cadres s’est resserré. La segmentation s’est approfondie entre une poignée de “ cadres à potentiel ”, dirigeants ou futurs dirigeants, et la masse des cadres, qu’il s’agisse de la gestion des carrières ou des revenus. Les charges de travail se sont accrues, notamment en termes de délais. La relation d’emploi est davantage contractualisée, une définition plus précise des objectifs fixés et une évaluation plus stricte des résultats venant réduire l’autonomie dans le travail. Bref, ce sont toutes les règles d’un jeu social qui organisait la confiance et la sur-mobilisation professionnelle des cadres qui ont été bouleversées (Bouffartigue, 99-2). En échange de la sécurité d’emploi, de promesses de carrière, d’accès privilégié à certaines informations, d’une absence de contrôle strict du travail et de son organisation, le patronat à longtemps obtenu des cadres leur adhésion aux finalités de l’entreprise et leur disponibilité sans faille. L’intérêt du travail ne permet plus de tout accepter. Le pacte social est rompu.4 Mais c’est évidemment la distance sociale qui séparait les cadres des non cadres, dans le travail comme dans le style de vie, qui achevait de donner réalité et rayonnement au fameux statut. Or, pour ne prendre que les caractéristiques professionnelles, nombre des attributs traditionnels des cadres – autonomie, appel à la responsabilité et à l’implication dans le travail - sont aujourd’hui partagés par quantité de salariés intermédiaires - techniciens, agents de maîtrise et autres professions intermédiaires -, quand des ouvriers ou des employés ne sont pas eux-mêmes incités à se calquer sur ce modèle. D’ailleurs les “ heures supplémentaires gratuites ”, pas plus que le phénomène de brouillage des frontières des espaces et des temps du travail et du hors travail, ne sont plus le privilège des cadres. Les “ responsabilités ” - en même temps que la diffusion des outils de communication portables et la multiplication des systèmes d’astreinte- ne poursuivent-elles pas le salarié en dehors de son lieu de travail ? Bref, la légitimité de la distinction statutaire est de plus en plus fragile5. Et dans certains cas, le “ bénéfice ” du statut peut se retourner en son contraire : comme le dit l’un deux : “ être cadre, je n’en ai que les

inconvénients ” (un temps de travail sans limites). On comprend la tentation

patronale qui, prétextant de la banalisation des activités professionnelles de type cadre, souhaite sortir de la régulation collective du temps de travail, non seulement une grande partie des cadres, mais aussi plusieurs millions d’autres salariés. Mais on comprend du même coup l’urgence qu’il y a à démontrer qu’il n’y a là nulle fatalité.

4 La contradiction actuelle de la gestion des cadres peut se résumer à travers cette réflexion d’Henri,

ingénieur de laboratoire chez Pharmachim: “ On associe souvent les cadres à la marche de l’entreprise, il y a des réunions d’encadrement; mais bon, quand il y a des grandes décisions à prendre, ils l’apprennent comme tout le monde: par une note ou par le patron. ”

5 C’est l’un des principaux constats ayant incité il y a déjà plusieurs années un organisme exprimant le

point de vue d’un certain patronat moderniste à proposer la suppression de cette distinction statutaire. Cf. Entreprise et Progrès, Cadre/non cadre, une frontière dépassée, 1992

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Le temps de travail des cadres : émergence et enjeux actuels.

Si la durée de travail des cadres s’est accrue au cours des années 80 – alors que celle des autres travailleurs tendait à stagner ou à diminuer – elle ne s’accroît plus dans les années 90. Et si la question du “ stress ” des cadres commence à faire son apparition dans la presse à la fin des années 80, ce n’est qu’au milieu des années 90 qu’elle prend l’allure d’une question de société. C’est donc moins la durée du travail en soit, que sa légitimité au regard de normes sociales en évolution qui est à l’origine d’un changement d’attitudes des intéressés : parce que dans les années 90 c’est l’ensemble du pacte social qui unissait cadres et dirigeants des entreprises qui se fissure. On le voit dans le domaine du temps de travail, avec, d’une part, les initiatives d’un groupe d’inspecteurs du travail visant à faire respecter la législation, et l’accueil favorable qu’elles suscitent chez les cadres, et, d’autre part, plusieurs mouvements sociaux contre les “ heures supplémentaires gratuites ”.

Un décalage qui s’est creusé entre le droit et la coutume

En dehors des cadres dirigeants et de cadres, très peu nombreux, soumis explicitement à une convention de forfait, la très grande majorité des cadres en France sont, à ce jour, soumis au droit commun en matière de temps de travail : régime d’heures supplémentaires, durées maximales et temps de repos minima à l’échelon quotidien et hebdomadaire6. Par contre ils sont très généralement dispensés de contrôle de leur temps de travail - durée comme horaires -, et se situent de longue date au-delà des durées moyennes de travail qui sont celles des salariés non cadres. En fait c’est la vision coutumière d’un salaire forfaitaire7 qui s’est imposée chez ces salariés : on ne mesure pas rigoureusement ses heures de travail sur le court terme, on estime être rémunéré pour remplir une fonction ou une mission, à un niveau de salaire qui incluse le dépassement régulier des durées « normales » (Bouffartigue et Bocchino, 98).

Si le droit est venu se rappeler au bon souvenir d’un certain nombre de directions d’entreprises, on le doit à la conjonction de trois phénomènes : le temps de travail des cadres s’est accru au cours des années quatre-vingt, atteignant en moyenne 46 heures par semaine, un cinquième de la catégorie dépassant les 50 heures (Fermamian, 99) ; cet allongement exprime un alourdissement de la charge de travail, et plus largement, une détérioration de l’équilibre entre la contribution productive et la rétribution ; la durée de travail des salariés non cadres ayant, elle,

6 Maxima de 10 heures de travail au plus par jour, 46 heures par semaine en moyenne sur 12

semaines, 48 heures sur une semaine.

7 Coutumière et non légale : la jurisprudence a établi que les forfaits de salaires n’étaient valides que

si existait une convention de forfait (et même dans ce cas un salarié ne peut renoncer au paiement des heures supplémentaires, ni échapper au respect de la durée légale), et si le forfait d’heures était fixé de manière précise, constante et claire, et s'il n’en résultait pas de préjudice pour le salarié (en matière de salaire, d’heures supplémentaires, de repos compensateur). En pratique, seule une petite fraction des cadres – généralement cadres dirigeants – sont soumis à une telle convention.

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tendance à baisser, et la perspective des « 35 heures » venant à l’ordre du jour, l’écart relatif actuel et potentiel entre cadres et non cadres s’accentue de manière problématique.

C’est dans ce contexte que les initiatives de l’administration du travail viennent, à partir de 1995, prendre le relais d’un début de médiatisation du phénomène du « stress des cadres », et du développement d’un contentieux à propos de la non rémunération d’heures supplémentaires8. Depuis 1992 en effet, un décret du Ministère du travail, visant à mettre à plat des pratiques de durée du travail de plus en plus opaques compte tenu du développement de l’individualisation des horaires dans toutes les catégories de travailleur, rend obligatoire le décompte quotidien et hebdomadaire des heures de travail, pour tous les salariés qui ne sont pas soumis à un horaire collectif. S’appuyant sur les premiers résultats juridiques de ces interventions, les organisations syndicales sont encouragées à agir sur ce thème revendicatif largement délaissé auparavant. Plusieurs grandes entreprises de haute technologie, à forte proportion de cadres et d’ingénieurs – alors que les entreprises ciblées par les inspecteurs du travail ne l’étaient pas a priori sur ce critère - sont affectées par des grèves du zèle des heures supplémentaires9. Des PDG sont condamnés10 et plusieurs accords de réduction du temps de travail sont signés, certains se traduisant par l’introduction du badgeage et par des horaires plus stricts d’ouverture des locaux, mesures généralement bien accueillies par les cadres.

L’état de la question dans les accords et le projet de loi

La première « loi Aubry » de réduction du temps de travail votée en 1998 va bien plus contribuer à « ouvrir la boîte de Pandore » du temps de travail des cadres qu’à la refermer

En effet le texte reste très vague sur le sujet. Seul l’avant-dernier article précise que le bilan de la loi sera fait au plus tard le 30 septembre 1999 et qu’il s’intéressera « aux modalités particulières applicables au personnel d’encadrement ». La circulaire d’application quant à elle précise qu’ « il est souhaitable que les personnels d’encadrement bénéficient de la réduction du temps de travail ». Cette formulation très vague témoigne d’une anticipation réaliste du caractère épineux de ce point. Mais elle exprime aussi la logique d’incitation qui est présente dans cette première loi. Elle vise en effet le développement de la négociation collective - de branche et d’entreprise – et se propose de tenir compte des résultats de cette négociation collective dans la rédaction de la seconde loi, destinée quant à elle à définir le socle

8 C’est une initiative de l’association « WILLERME », regroupant 250 des 500 inspecteurs du travail,

qui décide de contrôler les horaires dans cinq branches d’activité et dans 400 établissements relevant d’un certain nombre de circonscriptions de l’administration du travail.

9 Notamment : ALCATEL (Toulouse et Vélizy), THOMSON (RCM à Elancourt, et Syseca, à

Montrouge.

10 Parmi lesquelles THOMSON-RCM, SEXTANT AVIONIQUE, MOTOROLA, AEROSPATIALE ,

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commun plus durable de la régulation nationale du temps de travail. On n’est donc pas surpris d’observer qu’un grand nombre d’accords de branches intervenus depuis prévoient d’appliquer aux cadres des forfaits sans référence horaires11. C’est le cas d’un des premiers grands accords – non paraphé par les deux premières organisations syndicales du secteur, CGT et CFDT -, celui de la métallurgie. Prétextant que le temps de travail des cadres n’est pas mesurable, nombreux sont les représentants des employeurs qui tentent ainsi de faire échapper une partie plus ou moins importante des cadres à une diminution effective de la durée de leur travail.

Mais le texte va également alimenter la controverse sur le temps de travail des cadres au travers de la nouvelle définition du temps de travail, ainsi que du temps de repos qu’il introduit. La durée du travail effectif est « le temps où le salarié est à disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles »12. Par ailleurs, en transposant une directive européenne adoptée en novembre 1993, cette loi renforce également les obligations de repos : 11 heures par période de 24 heures, 35 heures par période hebdomadaire. Cette définition plus stricte du travail effectif et de ses bornes temporelles pose donc tout le problème du statut des activités et des temps intermédiaires, qu’ils soient situés dans les locaux professionnels – temps des pauses -, et surtout en dehors : déplacements professionnels, tenant le salarié éloigné de son domicile, activités ou astreintes de nature professionnelle situées dans l’espace domestique et favorisées par les nouveaux outils nomades13.

L’avant-projet de la seconde loi Aubry distingue trois catégories de cadres : les « cadres dirigeants », les « cadres intégrés dans une équipe de travail » et les « autres cadres ». Seuls les seconds se verraient appliquer le droit commun. Les premiers en seraient écartés « parce qu’ils assument des responsabilités dont l’importance implique une large indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps ». Les derniers, parce que leurs « horaires ne peuvent être prédéterminés »14. Leur durée de travail serait fixée par des « conventions individuelles de forfait », y compris, en cas d’accord de branche ou d’entreprise, sur la base non pas d’un nombre d’heures, mais d’un nombre de jours dans l’année : à cette autorisation d’abandon de la référence horaire, s’ajoute celle du renoncement aux limites horaires journalières et hebdomadaires et, au contraire, une possibilité de travailler annuellement, avec le même salaire, plusieurs centaines d’heures de plus qu’aujourd’hui15 . Enfin est

11 Ce qui est beaucoup moins souvent le cas au niveau des accords d’entreprise (Juquel, 99).

12 Cette définition n’a été introduite qu’en troisième lecture du projet devenu première loi Aubry de

juin 1998, suite à un amendement Cochet-Gremetz, émanant de la minorité de la « majorité plurielle », et souhaitant « transcrire la jurisprudence ». Sur l’état du débat juridique à ce sujet voir Jeammaud, 99.

13 Reste que plusieurs enquêtes – dont les nôtres – tendent à relativiser l’importance du temps

d’activité professionnelle situé en dehors des locaux professionnels. Il ne serait que de l’ordre de 10 à 15% du temps d travail total des cadres.

14 On trouve textuellement l’exposé de ces deux motifs d’exclusion dans des accords tels que

EUROCOPTER (26/03/98) PSA PEUGEOT-CITROEN (4/03/99), ou RENAULT (16/04/99).

15 Une arithmétique rudimentaire indique que : sur la base actuelle de 39 heures par semaine, à raison

de 5 semaines de congés payés annuels et de 11 jours fériés, un cadre devrait travailler, légalement, environ 1745 heures par an. Si l’on prend la réalité actuelle, où les cadres déclarent effectuer en moyenne 45 heures par semaine, leur durée annuelle effective du travail avoisine les 2027 heures.

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mentionnée la possibilité d’étendre ce type de disposition à des salariés « itinérants » mais non classés cadres.

Face aux dérives constatées dans de nombreux accords de branche et d’entreprise, face également au texte de l’avant-projet de la seconde loi, les organisations syndicales de cadres se sont mobilisées, au travers d’une concertation, peu courante à ce niveau, et sont relayées par des initiatives intersyndicales de représentants du personnel16. L’avenir dira quelle rédaction du « volet cadres » de la loi sortira de cette épreuve de force. Mais en tout état de cause, la difficulté d’appliquer une approche simple et traditionnelle de la RTT à cette catégorie de travailleurs subsistera.

L’avant projet de Loi ouvrirait donc la possibilité aux employeurs de faire travailler les cadres 13 heures par jour sur 217 jours par an – contre 227 actuellement - soit 2821 heures. On peut se demander comment une « loi sur la réduction du temps de travail » visant le développement de l’emploi peut, sans rire, instituer une augmentation du temps de travail de 1000 heures et plus pour, disons, 1 millions -au minimum- de salariés. L’effet négatif sur l’emploi serait remarquable: on peut l’évaluer, toujours schématiquement, à 550 000 équivalents temps plein supplémentaires privés ainsi d’emploi, soit plus de trois fois la population cadre au chômage aujourd’hui.

16 L’ensemble des organisations de cadres des confédérations ouvrières - UGICT-CGT, UCCI-CFDT,

UCC-FO, UGICA-CFDT – on adopté une déclaration commune sur ce point en avril 1999. Voir aussi la pétition lancée fin septembre par 500 élus du personnel de quarante grandes entreprises de pointe. Si la CFE-CGC n’est pas signataire de cette déclaration, c’est que ses propres propositions semblent avoir directement inspiré l’avant-projet. Cf. Jean-Louis Walter, « Les cadres et le temps de travail : la fin de l’étalon heure », Les Echos, 2 mars 1999. Cela n’empêche pas ce dernier syndicat de s’opposer à la possibilité de faire travailler les cadres 217 jours par an et 13 heures par jours, en revendiquant un plafond de 200 jours par an et de 10 heures par jour.

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La situation dans des “ entreprises pionnières ”

Les entreprises dans lesquelles nous avons enquêté au cours des premiers mois de l’année 1999 ont anticipé sur l’échéance de janvier 2000 : elles avaient presque toutes signé des accords de réduction du temps de travail conventionnés avec l’Etat, soit dans le cadre de la « loi de Robien », soit dans le cadre de la « loi Aubry »17. Elles réunissent des conditions qui sont, en sus de l’obligation de négocier et de créer des emplois, a priori plus favorables que l’ensemble de celles de la masse des firmes qui seront prochainement soumises à la loi : une bonne santé économique, des dirigeants portés aux innovations sociales. C’est pourquoi les difficultés que l’on y a rencontré dans l’application effective de la réduction de la durée du travail des cadres peuvent alimenter des inquiétudes sur le sort qui sera fait, in fine, à cette population. Par contre d’autres données que nous y avons mis en évidence risquent de se retrouver ailleurs : les cadres, frileux et fragilisés par les « restructurations » passées ou menaçantes, ne sont pas constitués en acteur collectif porteur de revendications ou de propositions, et la spécificité des modalités d’application à leur cas de la réduction de la durée du travail n’est guère élaborée. Ces deux éléments sont indissociables, comme le montre le seul contre exemple rencontré, celui d’une société d’expertise économique, Expersoc : c’est pourtant dans un type d’activité, particulièrement individualisé – chaque expert gère son « dossier/client » selon un modèle qui évoque celui des professions libérales – qu’un débat collectif visant l’allègement de la charge de travail, et partant, les objectifs fixés, a permis de déboucher sur la réduction la plus probante de la durée du travail.

Deux sources principales – par ailleurs très liées - de fragilisation des cadres au regard de la réduction du temps de travail sont identifiables. Les accords d’entreprise eux-mêmes, lesquels prennent très peu en compte les particularités du travail des cadres et de ses temporalités. Leur mise en œuvre, où, compte tenu du maintien de la charge de travail et de l’absence de réévaluation du rapport entre objectifs fixés et moyens alloués, les cadres sont contraints d’intensifier et parfois d’allonger leurs journées de travail afin de bénéficier d’au moins une partie des jours de repos nouvellement acquis.

Quel est le temps de travail qu’il s’agit de réduire ? La plupart des accords ne se posent pas la question. Or, sans avoir une activité par nature « itinérante », nombre de cadres sont amenés à se déplacer en dehors des locaux de l’employeur pour les besoins de leur activité. Cette absence de définition renvoie à une autre : celle des fonctions professionnelles des cadres, des spécificités de leurs temporalités, et ce, même quand l’accord prévoie quelques dispositions particulières pour ces salariés. Certains accords excluent purement et simplement une partie des cadres, soit en les assimilant à des cadres dirigeants – chez Visclou, certains chefs de rayon se sont ainsi retrouvés du jour au lendemain nommés au comité de direction -, soit en

17 Sept des huit entreprises enquêtées – dont les noms cités sont fictifs - ont négocié un accord

conventionné. Trois relèvent de l’industrie, quatre des services, une du commerce de gros. Les effectifs salariés vont de 70 à 3 000. Cf. P. Bouffartigue et J. Bouteiller, Les modalités de réduction

du temps de travail dans des entreprises pionnières, étude réalisée pour le compte de la Dares

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les passant au forfait « tous horaires » - c’est le cas d’un cinquième des cadres d’Aéronef-. Au-delà de la grande diversité des modalités négociées, ce qui l’emporte c’est la formule de jours supplémentaires de repos. C’est pourquoi les dispositifs de contrôle et de décompte du temps de travail que se sont données ces entreprises restent peu élaborés : on y gère surtout les présences, par défaut, c’est-à-dire à partir du planning des absences. Parfois le badgeage a été introduit – et remarquablement vite accepté –, mais cet outil ne peut convenir à l’ensemble des cadres de l’entreprise, et est facilement contourné.

Comment alléger effectivement la charge de travail ? C’est une autre question clef que les accords ne posent que rarement. Comme si, implicitement, les directions comptaient sur la conscience professionnelle des intéressés pour dégager de nouvelles sources de productivité : comme l’affirme le responsable des ressources humaines de Pharmachim, « je crois que souvent les cadres travaillent plus que ce

qu’ils devraient, mais moins que ce qu’ils croient ». Un autre directeur du personnel

(Chimiprod) va dans le même sens : « on fait beaucoup confiance à la responsabilité

de l’individu… il est difficile de savoir quelle est la part de la charge de travail et la part de l’organisation personnelle… On n’a pas diminué les exigences en termes de résultat, on a demandé aux gens d’être plus efficaces ». Or les embauches se font

prioritairement au niveau du personnel opérationnel, plus parcimonieusement au niveau des cadres, dont on sait par ailleurs que les tâches sont moins interchangeables18. Il faut rappeler enfin que les cadres, plus que les autres, sont mis à contribution financière – accentuant la tendance à l’amenuisement des augmentations générales au profit de progressions individuelles des rémunérations –, et qu’ils n’échappent pas à des contreparties en termes de modulation du temps de travail en fonction des besoins des employeurs.

Comment les cadres rencontrés vivent-ils ces accords ? Globalement, de manière très ambivalente. Ils sont en effet partagés entre la satisfaction de voir enfin légitimée par ces accords leur forte aspiration à disposer de plus de temps libre, et les difficultés et frustrations engendrées par le maintien de leur charge de travail ou la non maîtrise du choix des journées libérées. La satisfaction semble particulièrement forte chez quelques cadres en fin de carrière, ayant le sentiment d’avoir « beaucoup donné », n’ayant plus grand chose à prouver, et qui trouvent là une forme de reconnaissance d’un désir plus ancien de pouvoir « souffler » et de se consacrer à des activités longtemps sacrifiées. Chez de plus jeunes, les journées libérées sont consacrées aux loisirs les plus divers, à un travail domestique sous moindre contrainte de temps – mais plusieurs femmes cadres s’efforcent de préserver la conquête de ce temps comme un temps pour soi -, très rarement à un engagement social ou associatif. Quant aux frustrations, elles naissent d’abord du maintien d’une charge de travail trop élevée. Il amène souvent à se concentrer sur les tâches urgentes, quitte à renoncer à des activités de plus long terme, pourtant cruciales pour le développement à terme de l’entreprise. Il tend à réduire le temps libéré à un simple temps de récupération - quand il n’interdit pas de prendre certaines journées de repos

18 Selon le bilan publié par le Ministère du travail le 20 septembre sur l’ensemble des accords signés

au 31 août et concernant 2 168 000 salariés, les cadres ne constituent que 7,1% des embauches prévues alors qu’ils sont 10,8% des effectifs couverts.

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prévues, ou incite à les reporter aux années suivantes sur un « compte épargne temps » -, récupération rendue justement nécessaire par la tendance à l’alourdissement de la charge quotidienne. Ces frustrations s’alimentent également de l’inadéquation des plages de temps libérés aux besoins de l’individu.

Ainsi, le « temps libéré » (potentiellement) ne se transforme pas toujours en « temps libre » : Gilles, ingénieur chez Distribo, emporte ses dossiers pour les travailler à la maison tous les jours dits de « réduction du temps de travail ». Marc, responsable des ressources humaines chez Consultec, ne parvient même pas à prendre ses journées, et se désole de ne pouvoir montrer l’exemple. Il se paie souvent du maintien de longues semaines de travail pour ceux qui bénéficient d’une réduction à l’échelle annuelle – de l’ordre de 45 heures – et de journées plutôt plus longues – allant de 9 à 11 heures - et plus stressantes pour ceux qui bénéficient d’une journée de repos hebdomadaire. Quant au manque de flexibilité dans le choix des jours ou des périodes libérées, tous ne l’acceptent pas de gaieté de cœur. Chez Aéronef, l’imposition du vendredi semble convenir à la plupart des cadres concernés, plutôt âgés et ne souffrant plus guère d’un manque de disponibilité pour leurs enfants. Mais ce n’est pas le cas de Paul, 35 ans, qui a dû allonger ses journées pour faire face à sa charge de travail, et dont le point de vue suivant a été censuré par le journal de l’entreprise : « Les contraintes familiales, associatives, sportives montrent que

l’horaire journalier est trop élevé. Le congé du vendredi, alors que le conjoint travaille et que les enfants sont à l’école, n’est pas intéressant, surtout s’il n’est plus possible de prendre en flexible les jours dont on a besoin. Ainsi cette semaine de quatre jours est une régression sociale, sauf si on a de l’argent pour des week-ends de trois jours et pas de contraintes, ce qui ne devrait pas être le cas pour les futurs embauchés ».

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Une exception riche de sens

A quelles conditions les cadres peuvent-ils donc espérer bénéficier au mieux d’une réduction de la durée de leur travail ? L’histoire d’Expersoc fournit quelques pistes suggestives. Ce cabinet d’expertise travaillant pour les comités d’entreprise, créé au début des années quatre-vingt, a connu une très forte croissance, en liaison avec l’élargissement des droits des CE : avec 200 salariés aujourd’hui, à 90% cadres, c’est une société leader sur ce segment de marché. Les contraintes temporelles qui pèsent sur l’activité sont fortes : les missions « récurrentes » - type examen des comptes annuels – suivent un cycle saisonnier, et les missions « non récurrentes » - type « droit d’alerte » et « licenciement économique » - sont peu prévisibles et fort brèves. L’entreprise ayant fait le choix de la qualité et de la capitalisation de l’expérience a longtemps privilégié la surmobilisation saisonnière de ses experts – facilitée par l’adhésion de ces derniers aux finalités sociales, voire militantes, du cabinet – plutôt que de recourir à la sous-traitance ou aux CDD.

Culture syndicale et culture de profession libérale se conjuguent alors pour que l’expert ne compte pas son temps. Mais en 1996 la charge de travail devient intenable et un conflit social éclate : les syndicats, prenant appui sur la nouvelle jurisprudence et l’existence dans l’entreprise de « feuilles de temps » (auto déclarées) menacent de réclamer le solde des heures supplémentaires non rémunérées afin d’obtenir une réduction du temps de travail. Un accord est signé début 1997 dans le cadre de la loi de Robien. Sa principale originalité est de prévoir une réduction des objectifs individuels fixés annuellement aux experts : les 22 jours de congés supplémentaires, situés en dehors de la pointe saisonnière, sont associés à un allégement de 12% des objectifs de chacun la première année, de 10 % à terme. 33 emplois de cadres sont créés, soit un gain de 28% des effectifs présents. L’accord évoque la nécessité d’optimiser l’organisation du travail, de réfléchir sur le travail collectif, et prévoit l’amélioration des « feuilles de temps ». Dans la période qui l’a suivi, la distinction classique entre les « temps indirects » et les « temps directs » a été affinée19. Enfin, il paraît bien respecté, les jours de congés étant

systématiquement pris, et les cadres rencontrés sont dans l’ensemble plus satisfaits qu’ailleurs.

Est-ce à dire que dans cette entreprise tout se passe pour le mieux ? Loin de là. On retrouve en effet chez Expersoc, bien qu’atténuées, des difficultés évoquées plus haut, avec le sentiment de ne pouvoir profiter pleinement des journées libérées. Leur temporalité n’est pas nécessairement en phase avec la logique de l’efficacité professionnelle, ou celle de la vie familiale ; et l’intensification des journées de travail pèse sur la qualité de ce temps libéré. «J’ai le sentiment très net de travailler

de manière plus intensive encore quand je suis présent, les moments de gestion sont

19 Les « temps affectables » à un client sont scindés en « temps valorisable » (missions, prestations

complémentaires) et « temps non valorisable » (contacts, propositions non abouties). Les « temps non affectables » à un client sont scindés en « temps associé au fonctionnement » (gestion, coordination), et « temps associé au développement » (commercial, capitalisation et formation méthodologique, formation…).

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encore plus contraints par la limitation des temps de présence… En période basse, je prends systématiquement le mercredi pour les enfants. C’est très agréable mais en même temps ça me coupe le travail, j’ai une interruption, j’ai un problème de continuité… Il faut que quelqu’un prenne le relais si un client m’appelle… Je comptais me remettre à la peinture, mais c’est pas vrai, je n’ai pas le temps… On récupère en fait de l’intensité accrue en période de travail » (Frédéric, 45 ans,

chargé de mission confirmé).

Et ces difficultés tiennent aux limites des avancées, incontestables par ailleurs, qui sont intervenues ici dans les modes de régulation et d’évaluation de la charge de travail, et dans l’efficacité collective de l’organisation. Car la prestation de travail reste très personnalisée – des liens interpersonnels se construisant avec les clients, les chargés de mission sont peu substituables -, très soumise aux urgences de la demande, tandis que la gestion des salaires et des carrières demeure individualisée20. Les syndicats souhaitent faire évoluer ces normes de gestion vers des modes de travail et de rémunération plus collectifs : répartition plus équitable des dossiers profitables et des dossiers à risque, spécialisation plus poussée par champ de compétence, capitalisation plus systématique des savoirs, élaboration d’objectifs d’équipe. Ils se heurtent pour l’instant à la fois à leur direction, qui justifie son mode de gestion par les différences importantes de productivité d’un individu à un autre , et à la culture individualiste du milieu professionnel, où chacun réprouve l’exposition au regard d’autrui de la « boîte noire » de son travail.

Faute de nouvelles avancées sur ce plan, la conquête de temps libre demeure fragile. En témoigne le maquillage fréquent des « feuilles de temps » : afin de respecter formellement les bornes qui sont celles de la convention collective – 9 heures par jours – ou de paraître plus performant, l’ampleur réelle des « temps indirects » liés à la mission est sous-déclarée. Mais en ayant accepté de comptabiliser le temps de travail en journées annuelles, et malgré les acquis en termes d’objectifs fixés et de création d’emplois, les syndicalistes d’Expersoc n’ont-ils pas atténué la portée de leur victoire ? « C’est un point extrêmement important, parce que le

problème qui va se poser dans cette seconde loi c’est : est-ce que le temps de travail des cadres va être mesuré en jours ? Le jour est un étalon élastique : il fait 9 heures, il fait 12 heures, il peut faire 13 heures… C’est central » (Denis, responsable de

mission confirmé, délégué syndical).

20 Même si cette individualisation est plus strictement encadrée qu’ailleurs : les dépassements des

objectifs bénéficient au collectif pour les premiers plus 5%, puis à l’individu entre 5 et 10%, et n’ont plus d’incidence sur la rémunération au-delà.

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Productivité du travail immatériel, et implication collective des cadres : deux enjeux clef

Les résultats de nos investigations convergent avec d’autres études sur les débuts de mise en œuvre de la diminution de la durée du travail des cadres : quand des accords sont signés et s’appliquent, les cadres se retrouvent – probablement plus systématiquement que les autres catégories de travailleurs 21- en partie « floués » ; et de très nombreuses entreprises cherchent purement et simplement à contourner l’application de la RTT aux cadres ou adoptent des solutions régressives (Baron, 99-1).

Si la démarche de RTT des cadres paraît plus périlleuse que celle d’autres catégories de salariés, cela tient à plusieurs raisons. La nature de leurs activités professionnelles rend, encore plus manifestement que pour d’autres salariés, peu pertinente la mesure du temps passé dans les locaux de l’employeur comme seul mode d’évaluation et de rétribution du travail. Leur mode d’implication au travail les pousse à « prendre sur eux » pour parvenir aux objectifs qui leur sont fixés : la variabilité – d’un individu à l’autre, d’une période à l’autre pour le même individu -de l’efficacité productive, attestée pour n’importe quel travailleur, est encore plus manifeste pour eux, de même que l’est « l’enrôlement » (Courpasson, 97) ou la « prescription » (Clot, 99) de leur subjectivité par l’organisation employeuse. Enfin, non seulement ils sont peu représentés par les syndicats, mais ils sont peu constitués comme acteur collectif protagoniste de leur propre RTT. Dans ces conditions, on comprend que le scepticisme très général des salariés quant à l’impact à venir de la loi de RTT se trouve redoublé chez les cadres.

Devant ces difficultés, deux solutions extrêmes sont souvent avancées, qui toutes deux aboutissent à les esquiver : l’alignement sur des modes de contrôle bureaucratique de leur temps, symbolisé par la pointeuse ou l’horodateuse d’une part ; le renoncement à toute évaluation horaire et la forfaitisation sur la base d’un nombre de journées dans l’année, d’autre part. La première refuse de voir et de prendre en compte la spécificité du travail des cadres, et, au-delà, les métamorphoses des activités de travail. La seconde va au bout de la logique selon laquelle le temps de travail des cadres n’est ni mesurable, ni négociable collectivement : au mieux s’agit-il d’une négociation de gré à gré entre le cadre et son employeur. Et toutes deux font l’impasse sur la condition fondamentale d’une RTT effective : un allégement de la charge individuelle de travail, une redéfinition des objectifs fixés, avec la réflexion que cela implique sur l’activité, ses temporalités, les ressources d’efficacité productive.

Il est vrai qu’une telle réflexion ne peut passer que par une implication des intéressés, les seuls qui peuvent connaître, maîtriser et améliorer l’efficacité des activités auxquelles ils participent. Un certain nombre de réflexions et d’expériences

21 On sait que ce sont surtout les contreparties concédées aux employeurs en matière de « flexibilité

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sont engagées en ce sens, afin d’«ouvrir la boîte noire » du travail des cadres (Lefèvre et Pépin, 98). L’outil le plus pertinent d’évaluation des activités et des temps qui leurs sont associés est alors probablement l’auto-déclaration : « Au-delà de l’obligation (légale), le temps est une composante toujours essentielle du lien de subordination salarial, et surtout, le décompte correspond à un besoins de gestion en vue d’optimisation. A force de ne pas compter le temps de travail des cadres, ce

temps ne se compte pas. Il n’est pas géré. Il n’a donc aucune chance d’être optimisé

par l’organisation collective (…) La piste nous paraît être celle d’une instrumentation qui permette de gérer, au-delà du temps, l’activité des cadres. Si les durées sont une composante, l’activité, finalisée sur des objectifs clients, doit être l’objet principal de cette gestion. L’idée est alors de privilégier un décompte auto-déclaratif et qualitatif (qui) correspond à un souci de cohérence avec un parti pris de responsabilisation et de confiance » (Baron, 99-2, p. 31).

Un usage fécond d’un tel outil suppose en effet la restauration d’une relation de confiance - ou plutôt l’invention d’un nouveau type de confiance - entre les cadres et leurs employeurs. A cette condition, le temps de travail des cadres (re) deviendrait contrôlable et négociable, et de nouveaux champs d’intervention s’ouvriraient à l’action syndicale22. L’acteur syndical aurait alors incontestablement encore un avenir comme protagoniste de la (re)construction de la relation d’emploi. A condition de prendre à bras le corps ces nouveaux enjeux, il est vrai complexes et non inscrits dans la culture syndicale dominante, liés à la productivité et aux critères de gestion des entreprises. Et d’être capable, à cette fin, de stimuler une dynamique d’intervention des salariés et de mobilisation de leurs savoirs sur le travail. Car il est peu probable que la plupart des entreprises renouvellent spontanément leur vision très individualisante du travail des cadres pour se mettre à « parier sur les collectifs » (Baron, 99-3).

22 De même que l’usage de l’horodateuse peut fort bien donner lieu à des dérives, sous la pression

directe ou indirecte de la hiérarchie – on peut « débadger » et retourner à son poste – l’usage de la feuille d’auto-déclaration peut se heurter à des phénomènes d’auto-censure – on sous-déclare le temps pour paraître plus « performant » - et de pressions des hiérarchies, visant à obtenir le respect formel de la loi ou de l’accord collectif. Ce sont ces derniers phénomènes qui auraient incité la CFDT à ne pas signer l’accord de RTT chez Thomson-CSF-Syseca (Lojkine et Malétras, 99).

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