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La supplémentation nutritionnelle dans la prévention et le traitement des troubles cognitifs associés à la maladie d'Alzheimer

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Academic year: 2021

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La supplémentation nutritionnelle dans la

prévention et le traitement des troubles cognitifs

associés à la maladie d’Alzheimer

Mémoire doctoral

Jessica Talon-Croteau

Doctorat en psychologie

Docteur en psychologie (D.Psy.)

Québec, Canada

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La supplémentation nutritionnelle dans la

prévention et le traitement des troubles cognitifs

associés à la maladie d’Alzheimer

Mémoire doctoral

Jessica Talon-Croteau

Sous la direction de :

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RÉSUMÉ

Cette recension systématique analyse 19 essais cliniques randomisés contre placebo qui mesurent l’effet de suppléments d’oméga-3, de vitamines B (B6, B9 et B12), ou de vitamines antioxydantes (C et E), sur le fonctionnement cognitif d’aînés avec ou sans trouble cognitif. Les bases de données consultées pour la recherche des articles sont

Cochrane Library, Current Contents, EBSCO, EMBASE, MEDLINE et PsycNet. Les mots

clés utilisés sont «alzheimer’s disease», or «mild cognitive impairment», or «cognitive decline»; and «dietary supplements» or «vitamin C», or «vitamin E», or «alpha-tocopherol», or «vitamin B», or «cobalamin», or «folic acid», or «omega 3», or «fatty acids»; and «prevention», or «treatment». La recherche inclut les articles publiés en anglais et en français, de 1999 à juin 2014. Les différents suppléments à l’étude sont bien tolérés et sécuritaires. Des résultats significatifs sont enregistrés sur des mesures cognitives suite à la supplémentation en oméga-3, et en vitamines B, chez des participants sans trouble cognitif ou avec un diagnostic de trouble cognitif léger. Chez les participants atteints de la maladie d’Alzheimer, des résultats significatifs sont surtout enregistrés sur des mesures fonctionnelles, de symptômes psychologiques et comportementaux, ou de qualité de vie, suite à l’administration d’un supplément nutritionnel. La présence d’une hétérogénéité importante dans la méthodologie des essais cliniques limite toutefois les conclusions quant à la pertinence clinique de ces traitements. L’établissement de lignes directrices suite à un consensus d’experts s’avère nécessaire afin d’uniformiser la recherche sur cette nouvelle piste d’intervention dans la prévention et le traitement de la maladie d’Alzheimer.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii

TABLE DES MATIÈRES... iv

LISTE DES TABLEAUX ... vi

LISTE DES FIGURES ... vii

LISTE DES ABRÉVIATIONS ... viii

REMERCIEMENTS ... x

AVANT-PROPOS ... xi

CHAPITRE I : Introduction générale ... 1

Présentation clinique de la MA ... 1

Critères diagnostiques ... 1

Évolution clinique ... 1

Atteintes cérébrales dans la MA ... 5

Altérations neurochimiques ... 7

Interventions pharmacologiques ... 10

Facteurs de risque du déclin cognitif et de la MA ... 12

Facteurs socio-démographiques ... 12

Facteurs génétiques ... 13

Facteurs vasculaires ... 14

Facteurs médicaux ou psychiatriques ... 16

Facteurs liés aux habitudes de vie ... 16

Nutrition et cognition ... 19

Sommaire de la problématique ... 22

But et hypothèses de la recension ... 23

CHAPITRE II : Méthode ... 25

Stratégie de recherche des études ... 25

Critères d’inclusion/exclusion ... 25

Sélection des études ... 26

Analyse de la qualité ... 27

Analyse des résultats ... 28

CHAPITRE III : Résultats ... 31

Efficacité de la supplémentation en oméga-3 ... 32

Sécurité de la supplémentation en oméga-3... 38

Efficacité de la supplémentation en vitamines B ... 39

Sécurité de la supplémentation en vitamines B ... 45

Efficacité de la supplémentation en vitamine E ... 45

Sécurité de la supplémentation en vitamine E ... 47

Efficacité de différentes combinaisons de supplémentation ... 48

Sécurité de différentes combinaisons de supplémentation ... 50

CHAPITRE IV : Discussion ... 51

Mesures cognitives... 52

Mesures fonctionnelles ... 58

Mesures des symptômes psychologiques et comportementaux ... 59

Mesures de qualité de vie ... 60

Mesures biologiques ... 61

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Forces et limites de la présente recension ... 66

Recommandations pour la recherche ... 68

Recommandations cliniques ... 69 Conclusion ... 72 RÉFÉRENCES ... 74 Annexe A ... 117 Annexe B ... 119 Annexe C ... 121 Annexe D ... 123

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1. Principales caractéristiques des ECR-CP sur la supplémentation en oméga-3

(ADH-AEP) ... 86

Tableau 2. Principales caractéristiques des ECR-CP sur la supplémentation en vitamines B (B6-B9-B12) ... 88

Tableau 3. Principales caractéristiques des ECR-CP sur la supplémentation en vitamine E (VitE) ... 90

Tableau 4. Principales caractéristiques des ECR-CP sur la supplémentation combinée (AAL/ADH/AEP ; AAL/VitC/VitE) ... 91

Tableau 5. Mesures d'efficacité utilisées dans les 19 ECR-CP. ... 92

Tableau 6. Résultats des ECR-CP sur la supplémentation en oméga-3 (ADH-AEP) ... 97

Tableau 7. Résultats des ECR-CP sur la supplémentation en vitamines B (B6-B9-B12) ... 101

Tableau 8. Résultats des ECR-CP sur la supplémentation en vitamine E (VitE)... 104

Tableau 9. Résultats des ECR-CP sur la supplémentation combinée (AAL/ADH/AEP ; AAL/VitC/VitE) ... 106

Tableau 10. Sécurité de la supplémentation en oméga-3 (ADH-AEP) ... 107

Tableau 11. Sécurité de la supplémentation en vitamines B (B6-B9-B12) ... 109

Tableau 12. Sécurité de la supplémentation en vitamine E (VitE) ... 110

Tableau 13. Sécurité de la supplémentation combinée (AAL/ADH/AEP ; AAL/VitC/VitE) 111 Tableau 14. Résumé des résultats significatifs (p<0,05) pour la supplémentation en oméga-3 (ADH-AEP) ... 112

Tableau 15. Résumé des résultats significatifs (p<0,05) pour la supplémentation en vitamines B (B6-B9-B12) ... 113

Tableau 16. Résumé des résultats significatifs (p<0,05) pour la supplémentation en vitamine E (VitE)... 114

Tableau 17. Résumé des résultats significatifs (p<0,05) pour la supplémentation combinée (AAL/ADH/AEP ; AAL/VitC/VitE) ... 115

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LISTE DES FIGURES

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LISTE DES ABRÉVIATIONS

ADAS-cog : Alzheimer’s Disease Assessment Scale-cognitive subscale

ADCS-ADL : Alzheimer’s Disease Cooperative Studies-Activities of Daily Living Inventory ADH : acide gras docosahexaénoïque

AAL : acide alpha-lipoïque

AEP : acide gras eicosapentaénoïque ALL : acide gras alpha-linolénique AMT : Abbreviated Mental Test APOE : apolipoprotéine E

ApoEε4 : variante génétique de l’APOE APP : précurseur du peptide amyloïde ATP : adénosine triphosphate

B 12 : vitamine B 12

BDNF : Brain-Derived Neurotrophic Factor

CANTAB : Cambridge Neuropsychological Test Automated Battery CDR : Clinical Dementia Rating scale

CVLT : California Verbal Learning Test

d : d de Cohen (taille d’effet)

DCT : Digit Cancellation Task

DNF : dégénérescences neurofibrillaires DNZ : donépézil

DSM-V : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition DSST : Digit Symbol Substitution Test

FV-C : fluence verbale catégorielle GDS : Geriatric Depression Scale Hcy : homocystéine

HR : hazard ratio

HVLT : Hopkins Verbal Learning Test IAChE : inhibiteurs de l’acétylcholinestérase IADL : Instrumental of daily living

IC 95% : intervalle de confiance à 95% MA : maladie d’Alzheimer

MADRS : Montgomery and Asberg Depression Rating Scale Mg : milligramme

mmHg : millimètre de mercure

MMSE : Mini-Mental State Examination

NIA-AA: National Institute on Aging et la Alzheimer’s Association

NINCDS-ADRDA : National Institute of Neurological and Communicative Disorders and

Stroke et la Alzheimer’s Disease and Related Disorders Association

NMDA : N-méthyl-D-aspartate

n : taille d’échantillon

Nb-CT : Number cancellation task OR : odds ratio

PAL : Paired Associates Learning PS : plaques séniles

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SB : Social behavior

SC-inverse : séquence de chiffres inverse SDMT : Symbol Digit Modalities Test SNC : système nerveux central

s-POMS : Profile of Mood States short form TCL : trouble cognitif léger

TCL-a : trouble cognitif léger de type amnésique TCL-na : trouble cognitif léger de type non amnésique TICS : Telephone interview for cognitive status

TMT : Trail Making Test UI : unité internationale umol/L : micromole par litre Vit C : vitamine C

Vit E : vitamine E

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REMERCIEMENTS

Je tiens avant tout à remercier ma directrice de recherche, Dre Martine Simard, pour sa confiance et son appui constant. Elle a su me guider tout au long de mon parcours universitaire et m’a amené plus d’une fois à me dépasser. Sa disponibilité, ses conseils et ses encouragements ont été un apport précieux à mon travail de recherche, mais aussi à l’ensemble de ma formation de neuropsychologue.

Je souhaite remercier Dre Danielle Laurin qui a accepté d’être sur le comité d’encadrement de mon projet de mémoire doctoral. Son expertise complémentaire et ses commentaires constructifs ont été grandement appréciés. Je dois également remercier Ariane Giguère-Rancourt, membre de mon laboratoire de recherche, pour son aide et sa contribution aux étapes initiales de ma recension systématique.

Je tiens aussi à remercier tous ces professeur(e)s et superviseur(e)s cliniques qui m’ont transmis leurs connaissances et leur passion pour la psychologie et la neuropsychologie.

Merci à mes collègues, July, Joëlle et Josée, avec qui j’ai cheminé tout au long de mon doctorat. Les nombreux moments privilégiés passés en leur compagnie ont rendu ces années de cheminement universitaire douces et mémorables. Je les remercie pour leur présence, leur écoute et leurs conseils qui sont, à mes yeux, inestimables tout comme notre amitié.

Je souhaite bien sûr remercier ma famille et mes ami(e)s qui ont su me supporter et m’encourager tout au long de mon parcours académique. À mes parents et ma sœur, tout spécialement, merci d’être présents malgré la distance qui nous sépare et de traverser avec moi les bons moments comme les plus difficiles. Enfin, merci à celui qui partage ma vie. Merci de m’avoir tenu la main pendant toutes ces années et d’avoir contribué à la réalisation de mes rêves et de mes ambitions.

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AVANT-PROPOS

Selon l’Organisation mondiale de la santé (2012), plus de 600 millions d’individus sont âgés de plus de 60 ans et ce nombre s’accroît de 2% chaque année. D’ici 2050, ce chiffre devrait s’élever à deux milliards. Comme l’âge est le principal facteur de risque du déclin cognitif, 10 à 20% des aînés seraient atteints de troubles cognitifs (Langa & Levine, 2014). Au Canada seulement, plus de 747 000 personnes auraient un déclin cognitif associé à une démence ou une maladie neurodégénérative (Alzheimer Society of Canada, 2010). D’ici 2031, ce nombre devrait doubler et atteindre 1,4 millions de Canadiens. La maladie d’Alzheimer (MA) représente, à elle seule, 60 à 80% des cas de démences (Alzheimer’s Association, 2014).

Les troubles cognitifs, fonctionnels, psychologiques et comportementaux engendrés par la MA ont des conséquences lourdes sur le quotidien des personnes atteintes et leur entourage. Cette maladie neurodégénérative est l’une des principales causes de dépendance chez les aînés et entraîne des coûts socio-économiques importants (Alzheimer’s Association, 2014). Le système actuel étant dépourvu des ressources nécessaires pour pallier à cette situation, la MA est devenue un véritable problème de santé publique qui ne cesse de s’alourdir. Comme les causes exactes de la MA demeurent incertaines, la prévention et le traitement symptomatique sont les principales cibles d’intervention pour limiter l’impact économique et fonctionnel de la maladie sur la personne atteinte, son entourage et le système de santé. Puisque les traitements pharmacologiques actuels n’offrent qu’un soulagement symptomatique temporaire, la recherche se concentre maintenant sur le développement de nouvelles approches qui ciblent les facteurs de risque modifiables du déclin cognitif et de la MA, pour réduire son incidence et améliorer sa prise en charge.

Par conséquent, le but de ce mémoire doctoral est d’étudier une nouvelle approche dans la prévention et le traitement des troubles cognitifs associés à la MA. Plus précisément, ce travail consiste en une recension systématique des essais cliniques qui évaluent l’efficacité de la supplémentation nutritionnelle chez les individus sans trouble

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cognitif, avec un diagnostic de trouble cognitif léger et un diagnostic de MA. Les suppléments à l’étude sont les acides gras oméga-3 (acide docosahexaénoïque et acide eicosapentaénoïque), les vitamines B (B6, B9 et B12) et les vitamines antioxydantes (vitamine C et vitamine E).

Dans l’objectif de bien camper la problématique, le premier chapitre de ce mémoire doctoral est consacré à la présentation clinique de la MA. Il est question d’abord des critères diagnostiques, de l’évolution clinique, des atteintes cérébrales et des approches pharmacologiques actuellement disponibles pour le traitement symptomatique de la MA. Les facteurs de risque du déclin cognitif et de la MA sont ensuite présentés. Ceux-ci permettent de mieux comprendre les propositions de nouvelles cibles d’intervention, dont la supplémentation nutritionnelle. La justification du choix des suppléments à l’étude dans le cadre de ce mémoire doctoral, suivie de la présentation des buts et des hypothèses, vient clore le premier chapitre. La méthodologie utilisée pour réaliser la recension est présentée dans le deuxième chapitre. Les principaux résultats obtenus dans les essais cliniques recensés sont abordés dans le troisième chapitre. Puis, le quatrième et dernier chapitre porte sur l’analyse critique de l’efficacité de la supplémentation nutritionnelle dans la prévention et le traitement des troubles cognitifs associés à la MA.

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CHAPITRE I : Introduction générale Présentation clinique de la MA

Dans la pratique clinique, le diagnostic de MA est émis selon les critères du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 5ième édition ou DSM-V (American

Psychiatric Association, 2013; voir l’Annexe A). La majorité des travaux de recherche sur la MA qui seront présentés dans ce mémoire doctoral utilisent toutefois les critères diagnostiques proposés en 1984 par le National Institute of Neurological and

Communicative Disorders and Stroke et la Alzheimer’s Disease and Related Disorders Association (NINCDS-ADRDA), afin d’assurer la standardisation du diagnostic (McKhann

et al., 1984). L’évolution des connaissances sur la MA a récemment permis de réviser ces critères. Les découvertes quant à l’implication des marqueurs biologiques, structuraux et fonctionnels dans la MA permettent un diagnostic plus spécifique et à une phase pré-symptomatique de la maladie. Trois stades de la MA sont maintenant proposés par le

National Institute on Aging et la Alzheimer’s Association (NIA-AA) : le stade préclinique,

le stade prodromique et le stade de démence (McKhann et al., 2011). Critères diagnostiques

Stade préclinique. Le stade préclinique correspond à une période asymptomatique, en présence de caractéristiques biologiques de la MA dans le liquide céphalo-rachidien ou dans les résultats de neuroimagerie (McKhann et al., 2011). Ce stade renforce l’idée que le processus neurodégénératif de la MA peut s’installer de façon insidieuse et que plusieurs années peuvent s’écouler avant que les premiers symptômes n’apparaissent. Ce diagnostic reste toutefois à préciser avant d’être utilisé dans la pratique clinique.

Stade prodromique. Le stade prodromique de la MA est plus communément défini par le terme « trouble cognitif léger » (TCL) proposé par Petersen et ses collègues en 1999. Le concept de TCL réfère à une phase intermédiaire entre le déclin cognitif associé à l’âge et la démence. Il explique la présence de troubles cognitifs, en particulier mnésiques, qui surviennent au cours du vieillissement cérébral en l’absence d’une pathologie démentielle. Les premiers critères diagnostiques incluent 1) la présence d’une plainte mnésique

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rapportée par le patient et corroborée par l’entourage; 2) l’objectivation du déficit mnésique (score ≥ 1,5 écart-type sous la moyenne de la population du même âge et du même niveau de scolarité); 3) un fonctionnement cognitif global normal; 4) une préservation générale de l’autonomie fonctionnelle; et 5) l’absence de démence (Petersen et al., 1999).

Le concept de TCL est par la suite élargi pour inclure des déficits cognitifs autres que ceux de la mémoire épisodique. Une révision des critères diagnostiques permet alors de proposer une classification du TCL, selon le nombre et le type de domaines cognitifs atteints (Petersen, 2004). Le TCL de type amnésique (TCLa) correspond à une atteinte de la mémoire épisodique. Le TCL de type non amnésique (TCLna) sous-tend la préservation de la mémoire épisodique. Ces deux sous-types peuvent être considérés à domaine unique, lorsqu’un seul domaine cognitif est atteint, ou à domaines multiples, lorsque plusieurs domaines cognitifs sont atteints. Cette précision au concept de TCL s’avère importante puisque le risque de conversion vers la MA serait plus ou moins élevé en fonction du type et du nombre de domaines cognitifs atteints. Le TCLa serait associé au risque le plus élevé de développer la MA, soit un taux de conversion de 10 à 15% par année (Eshkoor, Hamid, Mun & Ng, 2015).

Le concept de « TCL dû à la MA » ou de stade prodromique de la MA a récemment été proposé par les experts du NIA-AA et vise une meilleure identification des individus atteints de TCL à haut risque de MA (Albert et al., 2011). Pour la pratique clinique, cette nouvelle conception a peu d’impact sur le diagnostic, puisque les recommandations du groupe d’experts concernent principalement les critères de recherche. Elles visent à spécifier le diagnostic de TCL par l’utilisation de marqueurs biologiques afin d’identifier la présence d’atteintes neuropathologiques et neurobiologiques qui correspondent à celles retrouvées dans la MA.

Stade de démence. Un diagnostic de démence est posé en présence de symptômes cognitifs ou neuropsychiatriques qui 1) interfèrent avec les habiletés professionnelles ou quotidiennes; 2) représentent un déclin par rapport au fonctionnement antérieur; 3) ne surviennent pas au cours d’un délirium ou d’un autre trouble psychiatrique; 4) sont confirmés à la fois par les informations recueillies du patient ou de l’entourage et objectivés

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par l’examen du statut mental et si un doute persiste, par une évaluation neuropsychologique exhaustive. 5) Les déficits cognitifs ou comportementaux doivent touchés ≥2 domaines dont : la mémoire, les fonctions exécutives, les habiletés visuo-spatiales, le langage, le comportement ou la personnalité (McKhann et al., 2011).

Il est possible d’établir que la démence s’inscrit dans le cadre d’une MA lorsque les conditions suivantes sont remplies : A) un début insidieux; B) une nette détérioration cognitive rapportée ou observée; C) des déficits cognitifs initiaux et prédominants qui se présentent sous forme amnésique ou non amnésique. D) En l’absence d’une pathologie vasculaire cérébrale concomitante; de caractéristiques importantes d’autres démences; de preuve d’une autre maladie neurologique ou d’une autre comorbidité médicale; ou de la prise d’une médication susceptible d’influencer le fonctionnement cognitif (McKhann et al., 2011).

Le niveau de certitude du diagnostic de MA s’établit par la présence de marqueurs biologiques, structuraux et fonctionnels. Une MA probable répond à tous les critères diagnostiques cliniques énoncés ci-haut et est appuyée par des manifestations cérébrales anormales associées à la maladie. Une MA possible est plutôt diagnostiquée en présence d’une présentation clinique atypique ou d’une condition systémique ou neurologique qui pourrait contribuer à la détérioration cognitive en étant toutefois, appuyée par des marqueurs du processus neuropathologique de la MA. Un diagnostic certain de MA ne peut s’établir qu’au décès de la personne, par une preuve histologique ou génétique et supportée par les résultats des évaluations cliniques antérieures au décès (McKhann et al., 2011). Évolution clinique

La forme de la MA la plus courante ou typique est caractérisée par une atteinte précoce et sévère de la mémoire épisodique (Cunningham, McGuinness, Herron & Passmore, 2015). Elle s’accompagne progressivement d'une détérioration intellectuelle entraînant des difficultés praxiques, langagières, gnosiques et exécutives, ainsi que des problèmes psychologiques, comportementaux et fonctionnels. La MA atypique réfère plutôt à des caractéristiques cliniques moins fréquentes comme des difficultés langagières précoces et prédominantes provenant d’une atteinte frontale, ou des déficits visuo-spatiaux

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liés à une atrophie corticale postérieure. Le terme de MA mixte est utilisé lorsqu’il y a un déroulement typique en présence de marqueurs biologiques de la MA en comorbidité avec une maladie vasculaire cérébrale ou une autre démence (Dubois et al., 2010).

Cette variabilité dans le portrait des déficits peut compliquer le diagnostic différentiel. La distinction repose principalement sur le jugement du clinicien, suite à une évaluation cognitive complète afin d’établir la nature et l’ampleur des troubles cognitifs, ainsi que leur retentissement au quotidien. Dans le TCL, une diminution de l’efficacité dans la réalisation des activités instrumentales complexes peut survenir, mais la capacité fonctionnelle est généralement préservée (Albert et al., 2011). Dans la MA, le déficit fonctionnel engendré par la présence de troubles cognitifs conduit peu à peu à une perte de l’autonomie. Le besoin d’assistance pour la réalisation des activités de la vie quotidienne augmente avec l’avancement du processus neurodégénératif.

Trois stades cliniques s’inscrivent dans le continuum de la MA : le stade léger, le stade modéré et le stade sévère. Un critère arbitraire repose sur le score obtenu au

Mini-Mental State Examination (MMSE) (Folstein, Folstein & McHugh, 1975). Cet instrument

permet d’évaluer la présence d’un déclin cognitif global et de suivre l’évolution de ce déclin. Un score de 21-26/30 correspond au stade léger de la MA. Un score de 11-20/30 correspond au stade modéré de la MA, et un score ≤10/30 signifie que la MA est à un stade avancé ou sévère (Ashford, Kolm, Colliver, Bekian & Hsu, 1989). La survenue, le nombre et la sévérité des symptômes sont aussi des indices de l’évolution clinique de la MA.

Au stade léger, la personne atteinte et son entourage commencent à percevoir des difficultés au niveau cognitif, comme les pertes de mémoire (Weintraub, Wicklund & Salmon, 2012). Des difficultés de langage telles que le manque du mot ou des changements de personnalité peuvent parfois survenir. Le déficit fonctionnel reste minime. Le stade modéré, quant à lui, correspond à la plus longue période de la maladie (Weintraub et al., 2012). Il est marqué par des difficultés mnésiques beaucoup plus importantes. L’atteinte cognitive, en parallèle avec la détérioration cérébrale, s’étend à d’autres domaines cognitifs et réduit progressivement l’autonomie de la personne. Les troubles neuropsychiatriques s’accentuent et les perturbations comportementales possibles conduisent souvent à

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l’institutionnalisation. Le déficit est d’autant plus fonctionnel et l’autonomie est touchée. Au stade sévère, la personne atteinte de la MA est complètement dépendante pour toutes les activités quotidiennes, y compris pour se nourrir ce qui explique l’augmentation du risque de carences nutritionnelles, bien qu’elles puissent survenir à des stades plus précoces de la maladie. Les fonctions cognitives sont gravement altérées (Weintraub et al., 2012). Il est difficile, voire impossible, de reconnaître ses proches, de communiquer par la parole et de réaliser des mouvements complexes (apraxies). La personnalité peut être complètement changée. Le système immunitaire étant très affecté, le décès survient souvent par des causes infectieuses (Cunningham et al., 2015; Weintraub et al., 2012).

Tout au long de la MA, les solutions thérapeutiques, bien qu’elles ne soient pas curatives, s’imposent pour minimiser les symptômes et leur retentissement sur la vie quotidienne des personnes atteintes et leur entourage. Une intervention précoce, même au stade léger de la MA où le déficit fonctionnel est relativement minime, favorise le maintien de l’autonomie et ralentit la progression vers le prochain stade. Le développement de stratégies préventives et thérapeutiques repose avant tout sur une bonne compréhension de l’installation du processus neuropathologique de la MA.

Atteintes cérébrales

Différentes altérations cérébrales surviennent au cours du vieillissement physiologique de l’organisme et ont un impact sur le fonctionnement cognitif. C’est à la fois le nombre et les régions cérébrales atteintes qui influencent la détérioration cognitive et l’installation d’un processus neuropathologique. La MA se caractérise, entre autres, par une atteinte irréversible du cytosquelette des neurones du système nerveux central (SNC) dans des régions cruciales pour les fonctions cognitives (Bear, Connors & Paradiso, 2007). Plus précisément, une atrophie de l’hippocampe, du cortex entorhinal et du cortex cérébral, ainsi qu’un élargissement des ventricules latéraux sont associés à la MA. Ces pertes neuronales importantes résultent de trois types d’atteintes cérébrales qui seront présentées dans l’ordre suivant : les lésions dans la substance grise du néocortex, le stress oxydatif et les altérations neurochimiques.

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protéine tau qui entraînent la formation d’enchevêtrements de filaments anormaux dans le corps cellulaire et les dendrites du neurone (Bear et al., 2007). Les cellules pyramidales du cortex entorhinal, de l’hippocampe et du néocortex sont les plus touchées. Les DNF se répartissent dans les deux hémisphères cérébraux selon une séquence temporelle déterminée. Plus précisément, Braak et Braak (1996) ont identifié six stades d’évolution des DNF dans la MA. Aux stades I et II, les lésions affectent les régions transentorhinales exclusivement, pour se répandre ensuite dans les régions entorhinales aux stades III-IV. Des perturbations mineures dans la région hippocampique peuvent survenir à ces deux derniers stades, mais elles seront plus prédominantes aux stades V-VI qui se caractérisent par une atteinte corticale, une atrophie et une perte de poids cérébral. L’étendue graduelle des DNF reflète aussi la progression des symptômes cognitifs dans la MA (Braak & Braak, 1996). Ce processus d’hyperphosphorylation de la protéine tau serait influencé indirectement par la protéine amyloïde, responsable de la formation des plaques séniles (PS).

À l’inverse des DNF, les PS sont des dépôts extracellulaires principalement constitués de peptide amyloïde résultant du clivage d’une protéine membranaire appelée précurseur du peptide amyloïde (APP) (Bear et al., 2007). Braak et Braak (1996) ont aussi identifié trois stades d’évolution des PS dans la MA. Le stade A représente la formation de PS de faible densité dans les régions de la partie basale de l’isocortex; surtout fronto-temporale et pariétale. Des PS de plus forte densité dans les aires cérébrales associatives correspondent au stade B. Au cours de celui-ci, la région hippocampique est légèrement atteinte, mais les aires primaires sont préservées. Finalement, au stade C, tout le cortex cérébral est endommagé par les PS y compris les zones de projections primaires. Une mutation des gènes de l’APP conduirait à l’accumulation de la protéine amyloïde entraînant du même coup le dérèglement de la protéine tau et un processus inflammatoire nommé « cascade amyloïde » (Bear et al., 2007). L’accumulation des PS autour des neurones endommagerait leur structure et provoquerait la libération de radicaux libres.

Stress oxydatif. Le stress oxydatif, qui agit par l’entremise des radicaux libres, est une cause du vieillissement normal de l’organisme, mais serait particulièrement impliqué dans les mécanismes de mort neuronale qui caractérisent la MA (Praticò, 2008). Par un phénomène physiologique impliquant la mitochondrie, l’oxygène, nécessaire à la survie, est

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aussi le principal producteur de radicaux libres (Martin, 2010). Située au cœur de la cellule, la mitochondrie utilise l’oxygène pour fabriquer de l’énergie appelée ATP (adénosine triphosphate). Lors de cette transformation, la chaîne de transport laisse parfois s’échapper un faible pourcentage d’électrons qui sont à l’origine de la naissance des radicaux libres qui vont s’attaquer à la mitochondrie. Autrement dit, les radicaux libres résultent d’un phénomène physiologique par lequel un électron se détache ou s’ajoute à la surface des molécules causant un déséquilibre. Ces molécules deviennent alors des agents agresseurs. En induisant des réactions de péroxydation lipidique, les radicaux libres sont responsables de la diminution de la fluidité membranaire et de la baisse d’activité de certains transporteurs cellulaires essentiels (Martin, 2010). Cette atteinte de la mitochondrie entraîne la mort cellulaire et donc, le vieillissement de l’organisme. Dans la MA, les dérèglements de la protéine amyloïde fragiliseraient les enzymes mitochondriales et augmenteraient la production de radicaux libres qui eux, seraient associés à la densité des PS (Praticò, 2008).

La mitochondrie est naturellement protégée par des agents antioxydants qui lui procurent la capacité de se synthétiser et de se réparer. L’intervention des systèmes anti-radicalaires permet de piéger et d’orienter les radicaux libres vers des voies inoffensives. La superoxyde dismutase et la glutathion péroxydase sont des enzymes antioxydants de régulation et de protection cellulaire. Comme leur efficacité décroît avec l’âge, leur capacité à détourner ou empêcher le processus destructeur du stress oxydatif diminue. Des défenses non enzymatiques telles que les vitamines et les minéraux peuvent leur venir en aide puisqu’elles ont la capacité d’agir sur les causes du stress oxydatif en rétablissant l’équilibre du statut antioxydant et de la neurochimie cérébrale (Praticò, 2008 ; Martin, 2010). La recherche sur le traitement de la MA se concentre d’ailleurs sur l’étude de ces variables médiatrices du processus neuropathologique, puisque les traitements pharmacologiques actuels ont peu d’impact sur les lésions cérébrales de la MA, et visent principalement le rétablissement de l’équilibre neurochimique du cerveau.

Altérations neurochimiques

Dans la MA, la dégénérescence des réseaux neuronaux causée par les lésions cérébrales s’accompagne d’altérations des systèmes neurochimiques. La production et la

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transmission de neurotransmetteurs indispensables au bon fonctionnement cérébral sont altérées progressivement au cours de la maladie. L’atteinte du système cholinergique est la première à survenir, alors que les atteintes des systèmes noradrénergique, sérotoninergique, dopaminergique et glutamatergique surviennent plus tard, à différents moments dans l’évolution de la maladie, dépendamment des individus.

Acétylcholine. L’acétylcholine a fait l’objet d’un intérêt particulier dans les études du vieillissement et de la MA. Les anomalies du système cholinergique sont les premières à survenir dans le processus pathologique de la MA et affectent les composantes pré- et post-synaptiques (pour une revue, voir Francis, Ramirez & Lai, 2010). Elles se caractérisent par une perte neuronale importante dans le noyau basal de Meynert qui projette au cortex cérébral et à l’amygdale ; et dans les bandes diagonale et verticale de Broca qui projettent principalement à l’hippocampe. Des concentrations trop faibles en acétylcholine seraient retrouvées dans les régions cérébrales affectées par la MA comme l’hippocampe, le cortex cérébral et l’amygdale, et seraient associées à la sévérité des déficits cognitifs. Les difficultés dans la transmission cholinergique seraient causées entre autres par un déficit de l’enzyme choline acétyltransférase et seraient reliées à la densité des PS (Francis et al., 2010).

Noradrénaline. Bien que l’altération du système cholinergique soit la plus sévère lors du processus de la MA, une perte cellulaire dans le locus coeruleus, noyau à l’origine des fibres noradrénergiques, a aussi été retrouvée chez les patients atteints de la MA. Plus précisément, une perte neuronale serait observée dans la partie dorsale du noyau projetant au cortex cérébral ainsi qu’en plus grande importance dans la partie centrale du noyau projetant au cortex temporal et à l’hippocampe. La noradrénaline aurait des propriétés anti-inflammatoires et une baisse de sa concentration serait l’une des caractéristiques du processus inflammatoire et neuropathologique de la MA (pour une revue, voir Robertson, 2013). La perte neuronale dans le locus coeruleus et les déficits de la transmission noradrénergique pourraient causer des symptômes cognitifs, comportementaux et neuropsychiatriques.

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sérotoninergiques et leurs projections se distribuent dans plusieurs régions telles que le cortex cérébral, le striatum, l’hippocampe, l’amygdale et l’hypothalamus. La partie postérieure du raphé projette vers les motoneurones de la moelle épinière. Les projections sérotoninergiques en quantité importante dans l’hippocampe et le gyrus denté modulent la potentialisation à long terme (Francis et al., 2010). Chez des patients atteints de la MA, une réduction de la concentration en sérotonine a été retrouvée dans le cadre d’études post-mortem (pour une revue, voir Francis et al., 2010). Les altérations du système sérotoninergique pourraient expliquer, entre autres, les symptômes dépressifs et comportementaux retrouvés dans la MA.

Dopamine. Le système dopaminergique origine du tronc cérébral et comporte cinq voies de projections (Stahl, 2015). La voie nigro-striatale origine de la partie compacte de la substance noire et projette au striatum (putamen et noyau caudé). Les voies mésocorticale et mésolimbique originent de l’aire tegmentale ventrale et innervent respectivement le cortex frontal et les structures limbiques (amygdale et septum). La voie tubéroinfundibulaire origine de l’hypothalamus et projette vers l’hypophyse antérieure (glande pituitaire). Puis, le système dopaminergique thalamique, qui projette vers le thalamus, origine des noyaux de la substance grise péri-acqueducale, du mésencéphale ventral ainsi que des noyaux hypothalamiques et parabrachiaux latéraux. Plusieurs résultats d’études post-mortem suggèrent des perturbations du système dopaminergique dans la MA telles qu’une diminution de sa concentration, de la densité des récepteurs et des déficits de la transmission, dans les voies mésocorticale, mésolimbique et nigro-striatale (pour une revue, voir Mitchell, Herrmann et Lanctôt, 2010). Les altérations du système dopaminergique seraient liées, entre autres, à l’apparition des symptômes extrapyramidaux et de l’apathie.

Glutamate. Dans la MA, la sous-production des autres neurotransmetteurs cause une élévation persistante de la concentration en glutamate. Or, la concentration de ce neurotransmetteur doit obéir à une certaine homéostasie pour assurer un bon fonctionnement cellulaire. L’augmentation excessive du niveau de glutamate entraîne une suractivité des récepteurs NMDA (N-méthyl-D-aspartate) ce qui implique une entrée massive des ions calcium dans les cellules et favorise la neurodégénérescence. Ce

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processus s’appelle l’excitotoxicité glutamatergique (Francis et al., 2010).

Tous ces neurotransmetteurs ont un rôle plus ou moins important dans les processus mnésiques, attentionnels et exécutifs. Certains d’entre eux sont plus en lien avec les fonctions motrices et comportementales. Des altérations fonctionnelles des systèmes neurochimiques peuvent engendrer des perturbations cognitives et émotionnelles retrouvées dans la MA. Les traitements pharmacologiques disponibles actuellement ciblent particulièrement le rétablissement de l’équilibre neurochimique aux niveaux de l’acétylcholine et du glutamate.

Interventions pharmacologiques

Présentement, quatre traitements pharmacologiques agissant sur les systèmes cholinergique ou glutamatergique sont approuvés par Santé Canada pour le traitement symptomatique de la MA (Corbett & Ballard, 2012). Les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase (IAChE) ont pour but de réduire les troubles cognitifs et comportementaux causés par la déficience de la transmission cholinergique du SNC. Plus précisément, ils ralentissent la métabolisation de l’acétylcholine libérée en inhibant les enzymes qui la dégradent ce qui contribue à potentialiser la transmission cholinergique (Birks, 2012). Parmi eux se retrouvent donépézil (AriceptMD), galantamine (ReminylMD) et

rivastigmine (ExelonMD). Ces agents pharmacologiques se présentent sous forme de

comprimés, et un timbre transdermique de rivastigmine est également disponible. Leur faible potentiel d’interaction avec les autres médicaments et leurs effets combinés sur la cognition, le comportement et la capacité fonctionnelle justifient leur utilisation aux stades léger à modéré de la MA (MMSE >10/30) (Birks, 2012).

Les comparaisons entre les différents IAChE sont limitées, mais ne suggèrent pas d’importantes différences. De nombreux essais cliniques ont rapporté des résultats significatifs à six mois ou plus d’utilisation. L’efficacité et la tolérabilité des IAChE sont dépendantes de la dose administrée (Cummings, Isaacson, Schmitt & Velting, 2015). Autrement dit, une dose plus élevée amène une réduction plus importante des symptômes, mais entraîne du même coup plus d’effets secondaires. Les plus communs sont les nausées, les vomissements et la diarrhée (Herrmann, Chau, Kircanski & Lanctôt, 2011). L’efficacité

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de ces agents est soutenue par une amélioration à l’Alzheimer’s Disease Assessment

Scale-cognitive subscale (ADAS-Cog) variant de 1,4 à 3,9 points en comparaison à un placebo,

ce qui représente un gain clinique limité (Birks, 2012).

Le recours à la mémantine (EbixaMD), un antagoniste des récepteurs NMDA, est

indiqué à un stade plus avancé de la MA (MMSE ≤10) (Corbett & Ballard, 2012). Cette molécule agit sur un autre neurotransmetteur indispensable au SNC, le glutamate. Plus précisément, la mémantine bloque les cascades excitotoxiques et atténue la mort neuronale puisqu’elle empêche la suractivité des récepteurs NMDA par l’excès de glutamate. Cela favorise, du moins pour un temps, le fonctionnement de ces récepteurs nécessaires à la mémoire et à la plasticité synaptique (Witt, Macdonald & Kirkpatrick, 2004).

L’utilisation quotidienne de mémantine au stade avancé de la MA amène des bénéfices cliniques sur les mesures cognitives, fonctionnelles et comportementales. Comparativement aux IAChE, les troubles gastro-intestinaux sont peu rapportés alors que la confusion, la somnolence et les hallucinations seraient plus fréquentes. Des risques possibles sont associés à la prise combinée de mémantine et d’autres psychotropes (Hermann, Li & Lanctôt, 2011). Toutefois, l’administration simultanée d’IAChE et de mémantine est relativement sécuritaire et optimiserait les bienfaits sur la cognition et la capacité fonctionnelle des patients atteints de la MA. La bithérapie permettrait de repousser le moment d’entrée dans un établissement comparativement à un traitement aux IAChE seuls (Lopez et al., 2009).

Malgré l’évidence statistique de l’efficacité des IAChE et de mémantine sur la symptomatologie de la MA, ces agents ne fournissent qu’un soulagement temporaire et modéré. Certains aspects méthodologiques tels que l’environnement contrôlé et la courte durée des études d’intervention viennent relativiser les résultats significatifs obtenus dans les essais cliniques. Les critères d’inclusion/exclusion très sévères dans ces études font en sorte que les participants sont souvent peu représentatifs de l’ensemble de la population atteinte de la MA, pour laquelle les complications psychiatriques et psychosociales sont fréquentes (Corbett & Ballard, 2012). L’ajout d’un traitement plus spécifique, tels que les antidépresseurs ou les antipsychotiques, est parfois nécessaire en raison de l’importance des

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troubles neuropsychiatriques associés à la MA. Toutefois, aucun agent spécifique n’a démontré une efficacité supérieure pour traiter les symptômes dépressifs ou psychotiques (Cummings et al., 2015).

Les bienfaits de la pharmacologie ne sont pas retrouvés chez toutes les personnes atteintes de la MA. L’adhésion thérapeutique est souvent limitée par la présence d’effets secondaires et adverses. De plus, les traitements actuels ont peu d’impact sur l’installation et la résorption du processus neuropathologique de la MA, telle que le suggère l’absence de conclusions quant à l’efficacité des IAChE sur le TCL (Cooper, Sommerlad, Lyketsos & Livingston, 2015). La recherche vise maintenant le développement de nouveaux traitements qui peuvent agir sur les mécanismes impliqués en amont, dans la « cascade » pathologique de la MA. L’identification et le contrôle des facteurs de risque du déclin cognitif et de la MA sont à la base de ces avancées scientifiques.

Facteurs de risque du déclin cognitif et de la MA

Le vieillissement cognitif est un processus normal, influencé par la variance individuelle. De nombreuses recherches épidémiologiques ont permis d’identifier des caractéristiques qui favorisent ou exacerbent les conséquences négatives du vieillissement physiologique de l’organisme, et l’installation d’un processus neuropathologique. D’une part, certaines caractéristiques socio-démographiques et génétiques sont identifiées comme des facteurs de risque, non modifiables, du déclin cognitif et de la MA. D’autre part, des conditions vasculaires, médicales ou psychiatriques, et des habitudes de vie, sont reconnues comme des facteurs de risque modifiables. Ces derniers constituent le fondement des stratégies de prévention des troubles cognitifs et de la MA.

Facteurs socio-démographiques

L’âge. L’âge est le principal facteur de risque du déclin cognitif et des maladies neurodégénératives. Le vieillissement de l’organisme entraîne de nombreuses détériorations métaboliques, comme la production de radicaux libres, ce qui rend le cerveau particulièrement vulnérable. Après l’âge de 65 ans, le risque d’incidence de la MA est doublé tous les cinq ans (Williams, Plassman, Burke, Holsinger & Benjamin, 2010).

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Le genre. Dans toutes les tranches d’âge, deux fois plus de femmes que d’hommes sont atteints de la MA (Vina & Lloret, 2010). Le sexe féminin est donc identifié comme un facteur de risque possible de la maladie. Outre le fait que les femmes ont une espérance de vie plus longue et donc, plus de temps pour que se développe et se manifeste une démence, les changements métaboliques dus à la ménopause pourraient être en cause. La diminution du taux d’œstrogène, une hormone connue pour son rôle neuroprotecteur, entraînerait une dérégulation hormonale et l’augmentation des processus inflammatoires et oxydatifs, ce qui rendrait le cerveau des femmes plus vulnérable au processus neurodégénératif (Grimm et al, 2012).

L’éducation. Le nombre d’années de scolarité influence le risque de déclin cognitif. Selon la théorie de la réserve cognitive, la stimulation cérébrale associée à l’apprentissage scolaire est liée à un volume cérébral plus important et à une transmission neuronale plus efficace (Stern, 2012). L’existence d’une plus ou moins grande réserve cognitive a un impact sur la capacité à résister aux dommages cérébraux. Une scolarisation élevée est donc associée à un meilleur fonctionnement cognitif, en dépit de la présence de certaines lésions cérébrales (Sharp & Gatz, 2011). Autrement dit, une plus grande réserve cognitive permet d’atteindre moins rapidement le seuil critique où la compensation des lésions n’est plus possible.

Facteurs génétiques

L’apolipoprotéine E. Le gène de l’apolipoprotéine E (ApoE) régule la production de la protéine ApoE impliquée dans le transport des lipides et du cholestérol, des composantes nécessaires à la croissance et la réparation de la myéline et des membranes cellulaires. Il y a trois variantes connues du gène ApoE : l’ApoEε2, l’ApoEε3 et l’ApoEε4. Les porteurs de l’ApoEε4 seraient plus à risque de déclin cognitif et de MA. Sa présence est associée à une augmentation de la production de la protéine bêta-amyloïde et à un risque plus élevé de mort cellulaire (Guerreiro et al., 2015).

Les gènes. Deux formes de MA se distinguent par l’âge d’apparition des premiers symptômes. La forme à début précoce (ou familiale) survient à partir de l’âge de 30 ans (mais avant 65 ans), et représente 1 à 5% des cas. La forme à début tardif (ou sporadique)

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survient après l’âge de 65 ans, et représente plus de 95% des cas de MA (Alzheimer’s Association, 2014). Pour chaque forme de la maladie, des anomalies génétiques ont été identifiées.

Trois gènes sont actuellement identifiés dans la forme héréditaire (familiale) de la MA, le précurseur de la protéine amyloide situé sur le chromosome 21 et les présilinines 1 et 2 (PSEN1 et PSEN 2), situées respectivement sur le chromosome 14 et le chromosome 1 (Guerreiro et al., 2015). Des mutations sur l’un de ces gènes sont associées à une surproduction de la protéine bêta-amyloïde et à la formation de plaques toxiques diffuses.

La transmission génétique est de type autosomique dominante. Elle touche donc autant les

hommes que les femmes, et une personne atteinte par la forme familiale de la MA a nécessairement un de ses deux parents atteints, et risque de transmettre la MA à la moitié de sa descendance.

Facteurs vasculaires

Un consensus se dégage à l’effet que les facteurs de risque vasculaires sont associés, non seulement à un risque plus élevé de démence vasculaire, mais aussi de démence due à

la MA. Parmi eux, l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie,

l’hyperhomocystéinémie, l’obésité et le diabète de type 2 alimenteraient les phénomènes inflammatoires et d’oxydation cellulaire. Ces conditions de santé sont associées à un risque plus élevé de dommages cérébraux et donc, de déclin cognitif. Les facteurs vasculaires influenceraient aussi la conversion du TCL vers la MA, et la détérioration suite au diagnostic de MA (Kume et al., 2011).

Hypertension artérielle. Une tension artérielle est considérée comme trop élevée lorsque la pression systolique est ≥140mmHg (millimètre de mercure), ou lorsque la pression diastolique est ≥90mmHg (Organisation mondiale de la Santé, 2011). L’élévation de la tension artérielle peut causer des lésions à la barrière hématoencéphalique et créer des déséquilibres neurochimiques dont l’augmentation de la protéine bêta-amyloïde. Par conséquent, l’hypertension artérielle est associée à un taux plus élevé de PS et de DNF liées au vieillissement cérébral et à la MA (Polidori, Pientka & Mecocci, 2012).

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Hypercholestérolémie. Un taux de cholestérol élevé (≥6,2 micromoles par litre, ou ≥240 milligrammes par décilitre) affecte le flux sanguin et rend plus à risque d’événements vasculaires ce qui favorise l’apparition de phénomènes neurodégénératifs (Organisation mondiale de la Santé, 2011). Dans la MA plus particulièrement, l’hypercholestérolémie entraînerait une métabolisation inefficace de la protéine bêta-amyloïde et l’accumulation du bêta peptide. Le taux de cholestérol interagirait aussi avec les mécanismes de phosphorylation de la protéine tau (Polidori et al., 2012).

Hyperhomocystéinémie. Un taux sanguin élevé d’homocystéine (Hcy) serait associé à des conséquences neurotoxiques causées par l’activation des récepteurs NMDA, ce qui favorise la mort neuronale. L’Hcy pourrait également contribuer à l’élévation du peptide bêta-amyloïde, des protéines kinases et de la protéine tau phosphorylée (Obeid et Herrmann, 2006). Le seuil critique associé à l’augmentation du risque de déclin cognitif et de MA, est un taux sanguin d’Hcy entre 11,3 et 13 umol/L (micromole par litre) (de Jager, 2014).

Obésité. L’obésité est définie par un indice de masse corporelle (IMC1), supérieur à

30, ou par le tour de taille. Les normes canadiennes suggèrent qu’un tour de taille ≥102 centimètres chez les hommes, et ≥88 centimètres chez les femmes, représente un excès de graisse abdominale (Santé Canada, 2003). L’embonpoint (IMC = 25 à 29,9) et l’obésité favorisent le développement de conditions vasculaires telles que l’hypercholestérolémie, l’hypertension artérielle et le diabète de type 2. Cette condition physique, surtout en milieu de vie, pourrait entraîner une accumulation anormale de la protéine tau dans les neurones, causer des lésions cérébrales et augmenter le risque de démence ultérieure (Barnes & Yaffe, 2011).

Diabète de type 2. Le diabète est associé à une production insuffisante (diabète de type 1) ou une utilisation inefficace de l’insuline (diabète de type 2). L’insuline permet la régulation de la glycémie c’est-à-dire, de la concentration de glucose dans le sang. Le glucose, quant à lui, représente une source d’énergie pour les cellules cérébrales

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(Hébuterne, Alix, Raynaud-Simon & Vallas, 2009). Le diabète de type 1 affecte principalement la population âgée de moins de 40 ans, et représente environ 5 à 10% des cas de diabète au Canada. Le diabète de type 2 touche, quant à lui, 90 à 95% des individus atteints de diabète, et en particulier ceux qui sont âgés de plus de 40 ans (Agence de la santé publique du Canada, 2011). C’est ce type de diabète qui est reconnu comme un facteur de risque de déclin cognitif et de démence puisqu’il serait lié à une accumulation d’insuline dans le cerveau ce qui provoquerait la formation de PS. Le diabète de type 2 favorise également l’apparition des troubles cardiovasculaires cités plus haut, qui sont eux aussi des facteurs de risque connus de la MA (Polidori, Pientka & Mecocci, 2012).

Facteurs médicaux ou psychiatriques

Traumatisme cranio-cérébral. Une blessure à la tête suffisante pour entraîner une perte de conscience rendrait plus à risque de développer la MA (Fleminger, Oliver, Lovestone, Rabe-Hesketh & Giora, 2003). Les lésions causées par un traumatisme cranio-cérébral entraînent des altérations du cytosquelette des neurones, un processus inflammatoire, et donc, une augmentation du stress oxydatif (Hiebert, Shen, Thimmesch & Pierce, 2015). Le traumatisme cranio-cérébral serait un déclencheur potentiel du processus neurodégénératif associé à la MA.

Dépression. Les antécédents psychiatriques tels que des épisodes dépressifs antérieurs répétés, représenteraient un facteur de risque de MA et d’autres démences. L’hypothèse avancée est que des taux anormalement élevés de cortisol (hormone de stress), dans le cerveau de la personne dépressive, entraîneraient des altérations des récepteurs glucocorticoïdes, du système sérotoninergique et de la production du facteur de croissance BDNF (Brain-Derived Neurotrophic Factor) qui agit sur la plasticité synaptique (Wuwongse, Chang & Law, 2010). Le stress est en effet associé à des altérations des systèmes immunitaire et métabolique, ce qui influencerait le phénomène du vieillissement et prédisposerait à la détérioration cognitive. La dépression tardive pourrait également constituer le prodrome d’une démence (van Reekum et al., 1999 ; 2005 ; Barnes et al., 2012).

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Les facteurs liés aux habitudes de vie sont les facteurs, qui en plus du vieillissement, contribuent le plus au risque global d’être atteint de la MA sporadique (Diamond, 2011). Leur caractère modifiable leur confère un intérêt particulier pour la prévention du déclin cognitif et de la MA. L’adoption de saines habitudes de vie est associée à une réduction des facteurs de risque vasculaires et constitue un facteur de protection du déclin cognitif et de la MA.

Tabagisme. Le tabagisme accélèrerait le processus du vieillissement cognitif par une stimulation continue des récepteurs nicotiniques, sur les synapses cholinergiques, provenant d’afférences sous-corticales, en particulier celles du noyau basal de Meynert. Les effets nocifs de la nicotine sur le fonctionnement cérébral seraient plus importants après l’âge de 40 ans, chez les fumeurs réguliers, au fur et à mesure que le nombre de paquets par jour augmente (Rusanen, Kivipelto, Quesenberry, Zhou & Whitmer, 2011). L’association entre la MA et la consommation de tabac est parfois contestée, puisqu’il se pourrait qu’elle représente un facteur de risque seulement chez les non-porteurs de l’APOEε4 (Reitz, den Heijer, van Duijn, Hofman & Breteler, 2007). Néanmoins, des résultats d’autopsie confirment que la maladie évolue plus rapidement chez les fumeurs et que le décès survient plus tôt, indépendamment de la présence de l’ApoEε4 (Sabbagh et al., 2005).

Alcool. La relation entre la consommation d’alcool et la MA demeure incertaine. Le vin rouge, plus précisément, fait partie de la diète méditerranéenne, qui elle, est plutôt reconnue pour ses effets bénéfiques et protecteurs sur la santé physique et cognitive (Sofi, Macchi, Abbate, Gensini & Casini, 2010). Ceci dit, une consommation chronique et excessive d’alcool est connue pour causer de nombreuses complications de santé et peut induire des symptômes similaires à la démence. Le manque de consensus quant à la définition d’une consommation excessive, et qui diffère chez les hommes et les femmes, rend toutefois difficile l’établissement d’un lien direct entre la consommation d’alcool et le risque de MA (Piazza-Gardner, Gaffud & Barry, 2013).

Sédentarité. La sédentarité est identifiée comme un facteur de risque du déclin cognitif et de la MA, car l’effet protecteur de l’activité physique est largement documenté (Hamer & Chida, 2009). Une personne inactive serait deux fois plus à risque de démence et

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de MA, comparativement aux gens qui pratiquent une activité physique ou occupationnelle régulière (Rovio et al, 2010). En plus de la réduction des facteurs de risque vasculaires, l’activité physique pourrait agir directement sur le fonctionnement cérébral en augmentant la production de facteurs neurotrophiques, tels que la croissance et la survie des neurones (Erickson, Miller & Roecklein, 2012). À long terme, l’exercice physique diminue les taux de cortisol ce qui aurait aussi un impact sur la « cascade » pathologique de la MA.

Alimentation. Il est connu depuis longtemps déjà (Rosenthal & Goodwin, 1985) qu’un bon fonctionnement cognitif nécessite un apport nutritif adéquat, car les nutriments fournissent les vitamines et minéraux nécessaires à l’organisme et plus particulièrement, au cerveau. La modification des habitudes alimentaires avec le vieillissement (baisse des apports, altération du goût et des capacités masticatoires, polymédication, et malabsorption des vitamines contenues dans l’alimentation) peut causer des carences nutritionnelles (Hébuterne et al., 2009). Les études longitudinales montrent par ailleurs que le risque de déclin cognitif et de MA est augmenté en présence de carences nutritionnelles (pour une revue, voir Morris, 2009).

Certaines habitudes alimentaires, dont la diète méditerranéenne, sont connues pour leur rôle protecteur sur le déclin cognitif et la MA, bien que leur exposition ne soit associée qu’à un faible niveau de preuve scientifique (Daviglus et al., 2011). La diète méditerranéenne se caractérise par une grande consommation d’huile d’olive (source principale de matières grasses), de céréales, de fruits et de légumes; une consommation modérée de produits laitiers, de poisson et de volaille; et d’une faible consommation de viande rouge et de vin rouge (Sofi et al., 2010). Il est actuellement impossible de départager si l’effet protecteur de cette diète sur le déclin cognitif et la démence s’explique par la diminution des facteurs de risque vasculaires ou par un impact direct sur le processus neuropathologique de la MA (Otaegui-Arrazola, Amino, Elbusto, Urdaneta & Martinez-Lage, 2014). Néanmoins, certains nutriments tels que les acides gras oméga-3, les vitamines B et les vitamines antioxydantes, retrouvés en abondance dans le régime méditerranéen, apparaîssent nécessaires au bon fonctionnement du cerveau. Ces composés agissent davantage comme des neuroprotecteurs et une baisse de leur concentration peut causer des déséquilibres chimiques qui peuvent prendre la forme de symptômes cognitifs

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(Gillette Guyonnet et al., 2007). Afin de mieux comprendre l’impact d’un apport insuffisant en acides gras oméga-3, en vitamines B ou en vitamines antioxydantes sur le risque et la progression du déclin cognitif et de la MA, la prochaine section est consacrée au rôle de ces nutriments sur le cerveau, selon leur importance croissante dans la littérature.

Nutrition et cognition

Vitamines antioxydantes. Les antioxydants ont un effet sur la péroxydation lipidique, l’apoptose, l’oxydation des protéines, les dommages membranaires et la toxicité du peptide bêta-amyloïde (Dennehy & Tsourounis, 2010). Ils pourraient réduire les dommages neuronaux et la mort cellulaire puisqu’ils sont associés à une diminution de la production des radicaux libres. Des données probantes obtenues sur des modèles animaux suggèrent qu’une diète riche en antioxydants, en vitamine C (Vit C) et en vitamine E (Vit E) surtout, inhibe la production du peptide bêta-amyloïde et préviendrait le déclin cognitif (Engelborghs, Gilles, Ivanoiu & Vandewoude, 2014).

La Vit C est nécessaire au bon fonctionnement cellulaire. Elle intervient dans la synthèse des catécholamines, dont la dopamine et la noradrénaline. Des changements importants dans sa concentration peuvent affecter l’activité neuronale et altérer les fonctions cognitives (Martin, Youdim, Szprengiel, Shukitt-Hale & Joseph, 2002). Les aînés atteints de la MA, à un stade précoce, auraient des concentrations inférieures en Vit C, comparativement aux aînés sans trouble cognitif ce qui suggère une implication possible de la déficience en Vit C dans la symptomatologie de la MA (Schippling et al., 2000). Comme la Vit C a la capacité de restaurer la Vit E, ces deux antioxydants sont souvent utilisés en combinaison pour optimiser leurs effets (Morris, 2009).

La Vit E est une vitamine liposoluble qui regroupe huit molécules organiques. L’alpha-tocophérol est la forme la plus active retrouvée dans le sang. Les mitochondries qui sont soumises au stress oxydatif peuvent entreposer des taux élevés de Vit E ce qui les aide à se défendre contre les radicaux libres. Le potentiel antioxydant de cette vitamine s’expliquerait par sa capacité à capter l’électron célibataire et à le neutraliser (Dennehy & Tsourounis, 2010). Autrement dit, la Vit E agirait comme une barrière antioxydante intracellulaire.

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Un taux anormalement bas de Vit E rendrait un individu plus vulnérable aux infections, à la prolifération des bactéries et des toxines, augmenterait la production et la concentration des radicaux libres, et entraînerait des changements métaboliques tels que l’augmentation du taux d’Hcy (Martin et al., 2002). Des études observationnelles montrent une relation entre la quantité de Vit E consommée et les changements dans la performance cognitive des aînés, ce qui suggère une corrélation entre la déficience en Vit E et la détérioration cognitive. Un apport adéquat en Vit E serait associé à une réduction du taux de déclin cognitif, jusqu’à 36%, chez des aînés qui présentent des facteurs de risque de la MA (Morris, Evans, Benias, Tangney & Wilson, 2002).

Vitamines B. Tel que discuté dans la section sur les facteurs de risque vasculaires, un taux sanguin élevé d’Hcy est associé à un risque élevé d’atrophie cérébrale et de MA, chez les aînés avec ou sans trouble cognitif. Les vitamines B6, B9 et B12 sont connues pour leur rôle dans la régularisation du taux sanguin d’Hcy. C’est la vitamine B9, ou acide folique, qui semble la plus directement associée à l’augmentation du risque d’hyperhomocystéinémie (Kivipelto et al., 2009). Des études longitudinales ont montré que des taux anormalement bas de vitamines B6, B9 et B12 élèvent la concentration d’acide méthylmalonique. Un taux anormalement élevé d’acide méthylmalonique aurait des effets neurotoxiques et causerait des dysfonctions de la myéline contribuant ainsi à l’atrophie cérébrale et au développement de maladies neurodégénératives (Okun et al., 2002).

La déficience en vitamine B12, précisément, est identifiée comme une cause de démence réversible, mais pourrait aussi être impliquée dans le développement des démences neurodégénératives (Vogel, Dali-Youcef, Kaltenbach & Andrès, 2009). La vitamine B12 appartient à la famille des cobalamines. Elle joue un rôle essentiel dans le fonctionnement du SNC, notamment par sa contribution à la préservation de la myéline (Rosenberg & Miller, 1992). Au Canada, la proportion de la population âgée de ≥65 ans atteinte d’une déficience en B12 est de 15,3% (Garcia, Paris-Pombo, Evans, Day & Freedman, 2002), mais pourrait s’élever jusqu’à 50% selon les caractéristiques culturelles reliées à l’alimentation (Moore et al., 2012). Aussi, il est à noter que les inhibiteurs de la pompe à protons, fréquemment utilisée chez les aînés pour diminuer les problèmes gastriques, peuvent entraîner une baisse de concentration en B12 (Wilhelm &

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Kale-Pradhan, 2014). La littérature suggère qu’une déficience en B12 augmenterait le risque de lésions de la matière blanche périventriculaire, d’atrophie cérébrale et d’infarctus cérébraux silencieux (Werder, 2010). Les dysfonctions cognitives les plus fréquemment rapportées lors d’une carence en B12 sont les pertes de mémoire, une réduction de la vitesse de traitement de l’information, des déficits attentionnels et une démence réversible (pour une revue, voir Lachner, Steinle & Regenold, 2012 ; Moore et al., 2012). Les troubles de l’humeur et les troubles psychotiques sont aussi retrouvés dans 4 à 50% des cas (Lachner et al., 2012). Dans la MA, plus particulièrement, la déficience en B12 serait associée à la sévérité des symptômes cognitifs et à la survenue de comportements perturbateurs (Meins, Müller-Thomsen & Meier-Baumgartner, 2000).

Oméga-3. Les acides gras oméga-3 sont des gras polyinsaturés qui comprennent trois acides gras principaux : l’acide gras alpha-linolénique (ALL), l’acide gras eicosapentaénoïque (AEP) et l’acide gras docosahexaénoïque (ADH). Ils sont des constituants fondamentaux des phospholipides de la membrane cellulaire (Youdim, Martin & Joseph, 2000). Une alimentation riche en ADH et en AEP serait liée au volume de la matière grise et à une meilleure performance cognitive chez les aînés en bonne santé. Plus précisément, une concentration plasmatique élevée en AEP serait associée à une réduction de l’atrophie de la matière grise dans le lobe temporal médian, région atteinte de façon précoce et spécifique dans la MA (Samieri et al., 2012). Une concentration sanguine élevée en ADH serait associée à un volume cérébral plus élevé, à de meilleures capacités mnésiques et exécutives chez les aînés sans trouble cognitif (Tan et al., 2012). Une déficience en oméga-3, et plus spécifiquement en ADH, augmenterait les dommages cérébraux causés par le stress oxydatif (Youdim, Martin & Joseph, 2000).

L’ADH est le lipide prédominant dans le système nerveux et contribue au bon fonctionnement des réseaux neuronaux par son rôle dans la fluidité membranaire (Youdim, Martin & Joseph, 2000). Plus précisément, cet acide gras oméga-3 augmenterait la densité des épines dendritiques et des protéines synaptiques, favoriserait la neurogénèse dans l’hippocampe, augmenterait le volume sanguin cérébral et diminuerait le taux de cholestérol membranaire. Une carence en ADH causerait des déficits dans la transmission synaptique du système limbique et entraînerait des difficultés d’apprentissage et de rappel

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(Uauy et Dangour, 2006). Avec l’âge et spécialement chez les patients souffrant de MA, le taux d’ADH tend à diminuer, ce qui contribuerait à la détérioration de la mémoire et des autres fonctions cognitives. L’ADH aurait aussi un impact sur le processus neuropathologique de la MA par son action sur les biomarqueurs de la MA, c’est-à-dire la protéine tau, la protéine amyloïde et le stress oxydatif (pour une revue, voir Huang, 2010).

Les études longitudinales conduites auprès d’aînés à risque de déclin cognitif et de MA rapportent de nombreux bénéfices à la consommation quotidienne d’oméga-3, dont une diminution du risque d’infarctus, de démence et de déclin cognitif (pour une revue, voir Morris, 2009). Les études expérimentales animales montrent une réduction du peptide bêta-amyloïde et une diminution de la perte neuronale dans la région hippocampique suite à l’administration de suppléments d’oméga-3 (pour une revue, voir Hooijmans et al., 2012). Il est également suggéré qu’un régime faible en acide gras oméga-3 induirait des réponses inflammatoires par la substitution en oméga-6 et amplifierait les symptômes de la MA. Ces découvertes prometteuses ont augmenté l’intérêt accordé aux acides gras oméga-3 et à leur propriétés thérapeutiques pour la MA.

Sommaire de la problématique

La concentration d’acides gras oméga-3, de vitamines B et de vitamines antioxydantes chez la personne âgée semble être un déterminant de sa condition physique, médicale et cognitive. D’une part, des apports nutritionnels suffisants peuvent réduire l’apparition des facteurs de risque vasculaires associés au déclin cognitif et à la MA, et favoriser un bon fonctionnement du cerveau. D’autre part, des apports insuffisants peuvent causer des lésions cérébrales qui rendent plus vulnérable à l’installation du processus neuropathologique de la MA. Le vieillissement, et surtout le déclin des fonctions cognitives, peut entraîner des changements dans les comportements alimentaires et de ce fait, être à l’origine de déficiences nutritionnelles.

La prise de suppléments vitaminiques et d’acides gras oméga-3 peut s’avérer un moyen efficace pour s’assurer d’un apport nutritionnel adéquat chez les aînés puisque l’organisme ne peut les stocker et a donc besoin d’un apport quotidien suffisant pour éviter une carence (Hébuterne et al., 2009). L’influence possible de la nutrition sur l’intégrité des

Figure

Tableau 1. Principales caractéristiques des ECR-CP sur la supplémentation en oméga-3 (ADH-AEP)
Tableau 2. Principales caractéristiques des ECR-CP sur la supplémentation en vitamines B (B6-B9-B12)
Tableau 3. Principales caractéristiques des ECR-CP sur la supplémentation en vitamine E (VitE)
Tableau 4. Principales caractéristiques des ECR-CP sur la supplémentation combinée (AAL/ADH/AEP ; AAL/VitC/VitE)
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