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Mise en place et évaluation d'un programme d'entraînement à la pleine conscience auprès de jeunes golfeurs d'élite

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Mise en place et évaluation d'un programme

d'entraînement à la pleine conscience auprès de jeunes

golfeurs d'élite

Mémoire doctoral

Guilherme Pineschi de Mello

Doctorat en psychologie

Docteur en psychologie (D. Psy.)

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Mise en place et évaluation d’un programme

d’entraînement à la pleine conscience

auprès de jeunes golfeurs d’élite

Mémoire doctoral

Guilherme Pineschi de Mello

Sous la direction de :

Simon Grondin, Ph.D. (Université Laval)

Jean Fournier, Ph.D. (Université Paris Nanterre)

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Résumé

Le présent mémoire porte sur la mise en place d’un programme d’entraînement à la pleine conscience auprès de 15 jeunes golfeurs d’élite, âgés de 17 à 20 ans, d’une académie de golf de Québec. Le programme s’étalait sur 6 semaines, et comprenait une pratique méditative formelle et quotidienne d’environ 10 minutes avec un support audio et un suivi hebdomadaire de la progression des participants. Les objectifs étaient d’évaluer si ce programme augmente la pleine conscience dans la vie quotidienne et dans le golf et de vérifier si cette augmentation perdure dans le temps. Un protocole de recherche à cas unique de type « A-B à niveaux de base multiples avec suivi » a été utilisé. Les golfeurs ont été évalués par l’intermédiaire des versions françaises informatisées de la Mindful Attention Awareness Scale (MAAS) et du Mindfulness Inventory for Sport-Golf (MIS-Golf). L’évaluation a permis d’établir le niveau de base, et s’est poursuivie de façon hebdomadaire lors des phases d’intervention et de suivi. La tendance à être pleinement conscient dans la vie quotidienne a été mesurée, ainsi que les 3 dimensions de la pleine conscience dans le contexte spécifique du golf : la lucidité (awareness), l’acceptation et la reconcentration. L’inspection visuelle des graphiques et une série de quatre analyses de régression selon un modèle multiniveau ont été effectuées. Les résultats constituent une démonstration partielle significative de niveau faible à modéré supportant l’efficacité du programme pour augmenter la pleine conscience dans la vie quotidienne et la dimension « acceptation » de la pleine conscience dans le golf. Ce nouveau programme d’entraînement à la pleine conscience s’est montré faisable, et ses résultats initiaux se sont avérés prometteurs. De futures recherches permettront d’optimiser certaines de ses qualités et d’approfondir l’étude de ses effets. Mots clés : pleine conscience, sport d’élite, jeunes athlètes, golf

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Abstract

This study focuses on the implementation of a mindfulness training program for 15 young elite golfers, aged 17 to 20, from a Quebec-City golf academy. The program spanned over 6 weeks, and included formal and daily meditative practice of approximately 10 minutes with audio support and weekly monitoring of participant progress. The objectives were to assess whether this program increased mindfulness in everyday life and in golf, and to check whether this increase persisted over time. A single-subject A-B multiple-baseline design was used. Golfers were assessed with the French computerized versions of the Mindful Attention Awareness Scale (MAAS) and Mindfulness Inventory for Sport-Golf (MIS-Golf). After establishing a baseline, the assessments were carried out on a weekly basis during the intervention and follow-up phases. The tendency to be mindful in daily life was measured, as well as the 3 dimensions of mindfulness in the specific context of golf: awareness, acceptance and refocusing. Visual inspection of the graphs and four series of mixed-model regression analyses were performed. The results revealed (significant) partial low to moderate evidence supporting the effectiveness of the program regarding mindfulness in everyday life, as well as the "acceptance" dimension of mindfulness in golf. This mindfulness training program is considered to be viable, and its initial results are promising. Future research should optimize some of its qualities and refine the study of the effects of the program.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... vi

Liste des figures ... vii

Liste des abréviations, des sigles et des acronymes ... viii

Remerciements ... x

Introduction ... 1

Chapitre 1 : La pleine conscience ... 3

Les définitions, les dimensions et les mesures ... 3

Les mécanismes d’action ... 6

Les interventions psychologiques basées sur la pleine conscience ... 11

Les effets des interventions fondées sur l’entraînement à la pleine conscience ... 17

L’application de la pleine conscience dans le sport d’élite ... 23

Chapitre 2 : La présente étude ... 27

Méthode ... 28

Résultats ... 37

Discussion ... 47

Conclusion ... 60

Références ... 61

ANNEXE 1 : Contenu de la réunion d’information ... 76

ANNEXE 2 : Formulaires de consentement ... 80

ANNEXE 3 : Mindful Attention Awareness Scale (MAAS) ... 90

ANNEXE 4 : Mindfulness Inventory for Sport-Golf (MIS-Golf) ... 94

ANNEXE 5 : Grille d’obstacles possibles à la pratique de la pleine conscience ... 97

ANNEXE 6 : Structure du programme d’entraînement à la pleine conscience ... 100

ANNEXE 7 : Scripts des exercices ... 104

ANNEXE 8 : Questions d’apprentissage ... 114

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Liste des tableaux

Tableau 1 Vision globale de la procédure adoptée ……... 35

Tableau 2 Principaux obstacles à la pratique de la pleine conscience ……... 38 Tableau 3 Moyenne estimée par temps (erreur standard), changement

brut et changement standardisé (d de Cohen et son intervalle de confiance) selon l’indicateur

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Liste des figures

Figure 1 Évolution du niveau de pleine conscience dispositionnelle (tel que mesuré par la MAAS) et quantité estimée de pratique

……... 41 Figure 2 Évolution du niveau de lucidité (tel que mesuré par le

MIS-Golf) et quantité estimée de pratique

……... 42 Figure 3 Évolution du niveau d’acceptation (tel que mesuré par le

MIS-Golf) et quantité estimée de pratique

……... 45 Figure 4 Évolution du niveau de reconcentration (tel que mesuré par

le MIS-Golf) et quantité estimée de pratique

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Liste des abréviations, des sigles et des acronymes

MBSR Mindfulness-Based Stress Reduction

MBCT Mindfulness-Based Cognitive Therapy

DBT Dialectical Behavior Therapy

ACT Acceptance Commitment Therapy

DSM-IV Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fourth Edition

MAC Mindfulness-Acceptance-Commitment approach

MSPE Mindful Sport Performance Enhancement

PRCU Protocole de recherche à cas unique

MAAS Mindful Attention Awareness Scale

MIS Mindfulness Inventory for Sport

MIS-Golf Mindfulness Inventory for Sport-Golf MMTS Mindfulness Meditation Training in Sport

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Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et à l’avenir.

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Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier Simon Grondin, mon directeur de recherche, qui a généreusement accepté de superviser ce projet.

Je souhaite également adresser mes remerciements et ma reconnaissance à Jean Fournier, mon codirecteur de recherche. Son expertise en recherche, sa connaissance de la pleine conscience et sa disponibilité ont été déterminantes dans la réussite de ce projet.

Je remercie Mme Isabelle Giroux, membre de mon comité d’encadrement, pour sa lecture attentive et la justesse des commentaires.

Je remercie également Mme Christiane Trottier d’avoir évalué mon mémoire doctoral. Je remercie vivement Nicolas Juge (Mindeval) pour les échanges et sa contribution dans la collecte des données.

Merci à Hans Ivers (Statistika Consultants) pour son aide précieuse dans la réalisation des analyses statistiques et dans l’interprétation des résultats.

Merci également à Fred Colgan (Académie de Golf Fred Colgan) pour avoir accepté que notre étude soit réalisée dans son établissement.

Je remercie Daphné Laurin-Landry (Université du Québec à Montréal) pour avoir effectué l’enregistrement audio des exercices de pleine conscience.

Merci à Leila Forbes (University of North Carolina at Charlotte) pour son aide dans le domaine des obstacles à la pratique de la pleine conscience.

Je remercie aussi les golfeurs ayant participé à l’étude.

Je tiens à remercier le Programme de bourses de leadership et développement durable de l’Université Laval qui m’a soutenu financièrement pendant trois ans.

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Introduction

Le concept de « pleine conscience » (mindfulness) trouve son origine dans la méditation bouddhiste. Il évoque le fait d’être conscient de ce qui se passe dans l’instant présent et attentif à l’expérience actuelle sans porter de jugement. La pleine conscience se différencie d’autres états mentaux dans lesquels l’attention est focalisée sur le passé (p. ex., la rumination) ou sur l’avenir (p. ex., l’inquiétude) ou dans lesquels les comportements se produisent de façon automatique sans inclure une conscience de l’action (Brown & Ryan, 2003).

La psychologie étudie la pleine conscience depuis plus de trente ans, notamment en Amérique du Nord. Les professionnels de santé et les chercheurs portent un intérêt croissant aux bénéfices de la pratique de la pleine conscience pour les Occidentaux ne souhaitant pas adopter la médiation traditionnelle, la terminologie et les traditions bouddhistes (Baer, Smith, & Allen, 2004). Uniquement en 2017, 692 articles sur la pleine conscience ont été publiés dans des revues scientifiques, selon l’Association américaine de recherche sur la pleine conscience (American Mindfulness Research Association [AMRA], 2018).

La pleine conscience a donné lieu à des programmes d’intervention, et a été incorporée dans différentes approches thérapeutiques comme un ensemble d’habiletés pouvant réduire les symptômes de nombreuses psychopathologies. Des effets bénéfiques de la pleine conscience ont été constatés en ce qui concerne le stress, l’anxiété et de la dépression associés aux troubles psychologiques et aux affections physiques (Khoury & Lecomte, 2016). Dans le domaine de la psychologie du sport, l’intérêt pour les interventions basées sur la pleine conscience ne cesse de croître. Celles-ci sont utilisées dans un objectif d’amélioration de la performance sportive. Cependant, le nombre d’études portant sur l’utilisation de la pleine conscience dans la pratique sportive est encore très limité. De récentes revues systématiques de littérature (p. ex., Palmi & Solé, 2016 ; Sappington & Longshore, 2015) ont identifié et retenu moins de vingt articles portant sur la mise en place d’interventions fondées sur la pratique de la pleine conscience auprès des athlètes. Il serait donc pertinent d’élargir la base de connaissances dans ce domaine au travers d’un plus grand nombre d’études et d’une évaluation rigoureuse de l’efficacité des interventions.

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C’est dans cette perspective que la présente étude a été menée. Elle porte sur le développement et la mise en place d’un programme d’entraînement à la pleine conscience auprès de jeunes golfeurs d’élite et sur l’évaluation des effets de cette intervention. Ce programme, conçu dans une perspective éducative, s’est étalé sur six semaines, et comprenait une pratique méditative formelle et quotidienne et un suivi hebdomadaire de la progression des participants. Il avait pour objectif d’augmenter la pleine conscience dans la vie quotidienne et dans le golf.

Une bonne compréhension des définitions, dimensions, mesures et mécanismes d’action de la pleine conscience permettrait de développer des interventions d’une plus grande qualité. Ces éléments seront présentés dans les pages qui suivent. Les principaux programmes d’intervention thérapeutique basés sur la pleine conscience et leurs effets seront ensuite décrits. L’application de la pleine conscience dans le sport de haut niveau sera également abordée, ainsi que les objectifs de la présente étude et les hypothèses qui la sous-tendent. La méthodologie utilisée et les résultats obtenus seront présentés plus loin. Suivra, enfin, une discussion contenant l’analyse critique des résultats, les forces et limites de l’étude, et les perspectives futures de recherche.

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Chapitre 1 : La pleine conscience

Les définitions, les dimensions et les mesures

Un trait. La pleine conscience peut être définie comme un trait (ou une disposition)

qui reflète une tendance générale à être pleinement conscient dans la vie quotidienne (Baer et al., 2004). Ce trait serait relié positivement à plusieurs facteurs adaptatifs, tels qu’une bonne autorégulation du stress (Kadziolka, Di Pierdomenico, & Miller, 2016), la persévérance dans des tâches difficiles (Evans, Baer, & Segerstrom, 2009) et les comportements de santé (Murphy, Mermelstein, Edwards, & Gidycz, 2012).

La « pleine conscience dispositionnelle » serait un niveau de base ou un niveau moyen de pleine conscience dont l’intensité varierait pour chaque individu (Siegling & Petrides, 2014). Tout comme d’autres tendances stables, les scores du « trait de pleine conscience » se distribuent selon une courbe normale d’allure gaussienne (Lykins, 2014). Quelques individus auraient une tendance naturelle à être pleinement conscients dans la vie quotidienne, d’autres individus auraient une tendance à s’éloigner de l’expérience présente, et les individus les plus nombreux se rapprocheraient du point médian (Baer, 2011).

La pleine conscience dispositionnelle serait stable à travers les temps et les situations, mais pourrait être modifiée avec de la pratique (Baer, 2011). L’entraînement à la pleine conscience favoriserait la survenue d’états de pleine conscience, et le fait de cultiver les états de pleine conscience accroîtrait la pleine conscience dispositionnelle (Hanley, Abell, Osborn, Roehrig, & Canto, 2016). Une pratique à long terme ou la participation à une intervention basée sur la pleine conscience pourrait modifier la pleine conscience dispositionnelle (Baer, 2011 ; Kiken, Garland, Bluth, Palsson, & Gaylord, 2015).

Des questionnaires comme la Mindful Attention Awareness Scale – MAAS (Brown & Ryan, 2003 ; 15 énoncés ; 1 dimension), le Five Facet Mindfulness Questionnaire – FFMQ (Baer, Smith, Hopkins, Krietemeyer, & Toney, 2006 ; 39 énoncés; 5 dimensions) et la Philadelphia Mindfulness Scale – PHLMS (Cardaciotto, Herbert, Forman, Moitra, & Farrow, 2008 ; 20 énoncés ; 2 dimensions) sont des exemples d’outils de mesure permettant d’évaluer la pleine conscience en tant que trait. Lorsqu’elle est conceptualisée comme un trait, la pleine conscience est mesurée au moyen de questionnaires auto-rapportés dans

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lesquels les individus indiquent la fréquence à laquelle ils adoptent des comportements représentant ce qui est la pleine conscience dans la vie de tous les jours (p. ex., « quand je marche, je prends délibérément conscience des sensations de mon corps en mouvement », item issu de la version française du FFMQ) ou, à l’inverse, ce qu’elle n’est pas (p. ex., « je dis à moi-même que je ne devrais pas avoir certaines pensées », item issu de la PHLMS, traduction libre) (Cardaciotto et al., 2008 ; Grégoire & De Mondehare, 2016 ; Heeren, Douilliez, Peschard, Debrauwere, & Philippot, 2011).

Un état. La pleine conscience peut aussi être définie comme un état (ou un mode de

conscience) dans lequel l’individu dirige délibérément son attention vers ce qu’il vit dans l’instant présent avec ouverture et acceptation (Bishop et al., 2004). Lorsqu’elle est conceptualisée de cette manière, la pleine conscience est mesurée en demandant à l’individu d’évaluer si les énoncés qui lui sont présentés représentent ce qu’il a vécu pendant une période spécifique – lors d’une séance de médiation, par exemple (Grégoire & De Mondehare, 2016).

Des questionnaires comme la Toronto Mindfulness Scale – TMS (Lau et al., 2006; 13 énoncés ; 2 dimensions) et la State Mindfulness Scale – SMS (Tanay & Bernstein, 2013 ; 23 énoncés ; 2 dimensions) ont été développés pour évaluer l’« état de pleine conscience ». Ensemble, des énoncés tels que « j’étais curieux de mes réactions » (item issu de la TMS, traduction libre), « j’ai remarqué les moindres détails de l’expérience que je viens de vivre » (item issu de la SMS, traduction libre) et « j’ai observé mes pensées aller et venir » (item issu de la SMS, traduction libre) peuvent mesurer à quel point une personne était pleinement consciente au cours d’une période donnée (Lau et al., 2006 ; Tanay & Bernstein, 2013).

Selon Chiesa (2013), étant donné que les conceptualisations de la pleine conscience comme trait et comme état ne sont pas mutuellement exclusives, la question d’utiliser l’une ou l’autre dans une étude donnée dépend de la finalité de cette étude et de l’outil de mesure choisi. Thompson et Waltz (2007) ont mis en évidence que les résultats obtenus par voie de questionnaires mesurant le « trait de pleine conscience » n’étaient pas significativement corrélés à ceux issus des questionnaires évaluant l’« état de pleine conscience ». Cela

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suggérerait que ces types de questionnaires mesurent des concepts reliés, mais différents (Grégoire & De Mondehare, 2016).

Outre les questionnaires auto-rapportés portant sur le trait et l’état de pleine conscience, d’autres types d’outils de mesure commencent à être développés. Des mesures comportementales, comme celle proposée par Levinson, Stoll, Kindy, Merry, et Davidson (2014), peuvent aussi être utilisées pour évaluer la pleine conscience. Ces auteurs ont mis en évidence que la capacité à compter les respirations (pendant que des stimuli lents et « relaxants » étaient présentés à l’écran) s’avérait un indicateur valable de la pleine conscience.

Un processus. Une troisième conceptualisation de la pleine conscience est celle qui

la considère comme un processus. Au lieu de voir la pleine conscience comme un résultat à atteindre (à quel point l’individu réussit à être pleinement conscient), cette conceptualisation se focalise sur l’engagement dans la pratique de la pleine conscience : à quelle fréquence la pleine conscience est délibérément employée, et à quelle fréquence la personne tombe dans le mode « pilote automatique » et utilise la pleine conscience comme une contre-mesure (Erisman & Roemer, 2012).

Le Mindfulness Process Questionnaire – MPQ développé par Erisman et Roemer (2012) a pour objectif d’évaluer l’évolution du « processus de pleine conscience » pendant des interventions basées sur la pleine conscience et l’acceptation. Des énoncés tels que « quand je me sens emporté par mes pensées ou par mes émotions, j’essaie de me reconcentrer sur ce qui se passe dans l’instant présent » et « je tente délibérément d’accepter mes pensées et mes émotions à mesure qu’elles surviennent » (items issus du MPQ, traduction libre) permettent de mesurer la pleine conscience en tant que processus (Erisman & Roemer, 2012).

Une habileté. Il est à noter que les programmes d’intervention privilégient une

conceptualisation de la pleine conscience comme une habileté susceptible d’être développée (Grégoire & De Mondehare, 2016). Ces programmes ne viseraient pas à entraîner les individus dans l’expérience de l’état de pleine conscience mais plutôt à développer leur habileté à entrer dans cet état (Merlo, 2015).

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Structure dimensionnelle. Il faut souligner également que l’utilisation des

questionnaires susmentionnés se heurte à un problème majeur : celui du nombre de dimensions participant au concept. La pleine conscience est définie comme un construit uni, bi ou multidimensionnel, sa structure factorielle étant encore un point de désaccord entre les chercheurs (Grégoire & De Mondehare, 2016 ; Sauer et al., 2013).

D’une part, certains estiment que la pleine conscience repose sur une seule dimension. Par exemple, Brown et Ryan (2004) affirment que la pleine conscience se réfère à la conscience et l’attention (awareness-attention) tournées vers l’instant présent, et que l’acceptation est plutôt un antécédent, une condition préalable, à l’état de pleine conscience. Selon ces chercheurs, si l’individu n’accepte pas l’expérience présente, il réagira en limitant la conscience de cet événement et en redirigeant l’attention vers autre chose (stratégies d’évitement ou d’échappement).

D’autre part, certains auteurs soutiennent que la pleine conscience serait bi ou multidimensionnelle. Cardaciotto et coll. (2008), par exemple, affirment qu’elle repose sur deux dimensions, à savoir la « conscience de l’instant présent » (present-moment awareness) et l’« acceptation » (acceptance). Ils considèrent que l’acceptation n’est pas redondante avec la conscience de l’instant présent puisqu’un niveau élevé de cette dernière ne serait pas forcement accompagné d’un niveau élevé d’acceptation. Ces chercheurs donnent l’exemple du trouble panique dans lequel il y a une conscience accrue des sensations physiologiques sans que cette conscience soit acceptée sans jugement. Un exemple de conceptualisation multidimensionnelle de la pleine conscience est celui proposé par Baer et coll. (2006) : le concept s’appuyant sur cinq dimensions distinctes, soit l’« observation des sensations, perceptions, pensées et émotions » (observing), leur « description en mots » (describing), l’« action vigilante » (acting with awareness), le « non-jugement des expériences » (nonjudging) et la « non-réactivité aux événements internes » (nonreactivity).

Les mécanismes d’action

Il n’existe pas encore de modèle bien établi précisant les processus de changement sous-tendant l’efficacité des programmes d’entraînement à la pleine conscience (Heeren & Philippot, 2010). Depuis une dizaine d’années, plusieurs mécanismes d’action ont été

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proposés pour expliquer comment les interventions basées sur la pleine conscience produisent des effets psychologiques et physiques. Ces principes actifs pourraient être regroupés en trois catégories : les médiateurs cognitifs, les médiateurs attentionnels et les médiateurs neurobiologiques (Grabovac, Lau, & Willett, 2011).

Les médiateurs cognitifs. Les rôles des médiateurs cognitifs de la pleine conscience

peuvent être décrits comme étant le développement d’un « insight métacognitif » – lequel permet à l’individu de prendre conscience que les pensées ne sont que des pensées – et la diminution de la rumination. D’après Teasdale et coll. (2002), l’entraînement à la pleine conscience augmente la conscience métacognitive (metacognitive awareness), soit la capacité à éprouver des pensées et émotions négatives comme des événements mentaux transitoires plutôt que comme des reflets de la réalité. Il s’agit d’une aptitude à voir les pensées dans une perspective plus large (et aussi accueillante et acceptante) qui rend l’individu capable de les considérer simplement comme des « pensées » (Segal, Williams, & Teasdale, 2006). La conscience métacognitive prédit une diminution de la vulnérabilité à la dépression et des rechutes dépressives (Teasdale et al., 2002).

La « décentration » (decentering) est un terme employé de manière interchangeable avec celui de « conscience métacognitive » dans la littérature traitant des interventions basées sur la pleine conscience. Selon Hoge et coll. (2015), la décentration joue un rôle médiateur entre l’apprentissage de la pleine conscience et la diminution des symptômes d’anxiété. Deux autres concepts reliés à la conscience métacognitive sont la « défusion » (defusion) et la « reperception » (reperceiving). Jenkins et Tapper (2014) ont mis en évidence que les stratégies de pleine conscience focalisées sur la défusion ont des effets positifs sur les comportements de santé requérant un contrôle de soi tels que résister à des aliments tentants. Pour ce qui est de la reperception, celle-ci est associée à des variables additionnelles (l’autorégulation, la clarification des valeurs, la flexibilité cognitive, émotionnelle et comportementale, l’exposition) et à une diminution des symptômes d’anxiété et de dépression ainsi que du niveau de stress perçu (Carmody, Baer, Lykins, & Olendzki, 2009 ; Shapiro, Carlson, Astin, & Freedman, 2006).

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La diminution de la rumination serait également un médiateur cognitif de la pleine conscience. Alleva, Roelofs, Voncken, Meevissen, et Alberts (2014) ont démontré que la rumination joue un rôle médiateur entre les habiletés de pleine conscience et les symptômes dépressifs. Des niveaux élevés de conscience de l’instant présent et d’acceptation sans jugement sont liés à un niveau faible de la composante « ressassement » (brooding) de la rumination, définie comme une comparaison passive entre la situation vécue et des standards n’ayant pas été atteints (p. ex., « pourquoi je réagis toujours de cette façon ? »), et sont, par conséquent, associés à une plus faible symptomatologie dépressive (Alleva et al., 2014). L’autre composante de la rumination, la réflexion (un retour sur soi ayant comme but de s’engager dans une résolution cognitive de problèmes), est très faiblement associée à la dépression (Lo, Ho, & Hollon, 2008), et ne joue pas un rôle médiateur entre la pratique de la pleine conscience et la réduction des symptômes dépressifs (Shahar, Britton, Sbarra, Figueredo, & Bootzin, 2010).

Les médiateurs attentionnels. En ce qui concerne les médiateurs attentionnels de la

pleine conscience, deux mécanismes méritent d’être cités : la réorientation et la focalisation de l’attention (Carmody, 2009 ; Grabovac et al., 2011 ; Lutz, Slagter, Dunne, & Davidson, 2008) ; la « surveillance ouverte » (open monitoring) (Lutz et al., 2008). D’après Carmody (2009), l’entraînement à la pleine conscience favorise le développement d’une maîtrise attentionnelle, ce qui permet d’interrompre le cycle mental consistant à associer automatiquement des pensées d’alarme, le sentiment d’anxiété et les sensations liées à l’augmentation de l’activation. Le pratiquant de la pleine conscience serait capable de réorienter l’attention vers les sensations de la respiration, un stimulus neutre sur le plan affectif, et, de ce fait, le niveau d’activation diminuerait et le cycle entretenant l’anxiété serait interrompu. Selon le « modèle psychologique bouddhiste » de Grabovac et coll. (2011), la prolifération mentale (la rumination) peut être évitée grâce à la régulation de l’attention, c’est-à-dire l’attention soutenue sur un objet, ainsi qu’à un insight caractérisé par une prise de conscience de trois aspects fondamentaux : les phénomènes mentaux sont transitoires (toute chose est limitée à une certaine durée) ; l’attachement ou l’aversion envers un phénomène mental (la tendance habituelle à s’attacher à ce qui est agréable et à fuir ou combattre ce qui est désagréable) produit de la souffrance ; le self n’est pas une entité séparée

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et durable (le self n’est qu’un rassemblement temporaire d’une forme corporelle, des sensations, de la perception, des volitions et de la conscience).

La « surveillance ouverte » peut aussi être considérée comme un autre médiateur attentionnel de la pleine conscience. À mesure que l’habileté à réorienter et à focaliser l’attention se développe, l’individu devient capable de demeurer dans un état de surveillance élargie dans lequel est observé l’ensemble de pensées, émotions et sensations qui occupent le champ de la conscience ou y font irruption. Il devient attentif au contenu de l’expérience, instant après instant, sans pour autant se focaliser sur un objet en particulier. La transition de l’attention focalisée à cette conscience détendue est marquée par une diminution graduelle de la focalisation sur un objet prédéfini et par la cessation de l’effort impliqué dans la sélection et la saisie de cet objet (Lutz et al., 2008).

La surveillance ouverte serait associée à une augmentation du « switching attentionnel » (la capacité à alterner la focalisation attentionnelle d’une source d’information à une autre) telle que mesurée par une réduction du clignement attentionnel (Slagter et al., 2007). Le clignement attentionnel fait référence à un déficit dans la détection ou l’identification d’un deuxième stimulus lorsqu’il suit la présentation d’une première cible par un court intervalle de temps. La surveillance ouverte permettrait une optimisation des ressources attentionnelles, et donc une diminution du clignement attentionnel. Cela signifierait que la pratique de la surveillance ouverte permet à l’attention de ne pas rester fixée sur une pensée (ou émotion, ou sensation) et d’être plus disponible pour tout ce qui peut survenir dans le flux de la conscience.

Les médiateurs neurobiologiques. Certains changements du fonctionnement

cérébral sous-tendent les modifications du psychisme entraînées par les interventions basées sur la pleine conscience. En plus d’altérer l’activité cérébrale lors des séances de méditation, la pratique de la pleine conscience engendre des effets durables sur le fonctionnement du cerveau tels que : l’activation du cortex cingulaire antérieur (Hölzel et al., 2007 ; Tang, Hölzel, & Posner, 2015) ; l’activation du cortex préfrontal et une moindre activité de l’amygdale (Creswell, Way, Eisenberger, & Lieberman, 2007 ; Tang et al., 2015) ; la

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diminution de l’activité du « réseau du mode par défaut » (Brewer et al., 2011 ; Tang et al., 2015) ; l’activation de l’insula (Farb et al., 2007 ; Tang et al., 2015).

L’activation du cortex cingulaire antérieur est associée à l’attention exécutive et à la gestion des conflits cognitifs. Elle est présente surtout dans les phases initiales de la pratique de la pleine conscience (Brefczynski-Lewis, Lutz, Schaefer, Levinson, & Davidson, 2007).

Pour ce qui est de l’augmentation des activités du cortex préfrontal, celle-ci serait liée au développement de la capacité à nommer les émotions au moment où elles sont éprouvées (Creswell et al., 2007). Le fait de s’apercevoir d’une émotion et de la cataloguer permettrait à l’individu de s’en détacher jusqu’à un certain point et de moduler sa réponse émotionnelle. Il est à noter que l’activation du cortex préfrontal est plus importante chez les débutants que chez les méditants plus expérimentés (Tang et al., 2015 ; Taylor et al., 2011). Les méditants novices adopteraient une stratégie de gestion des émotions plus active n’intervenant qu’après la survenue de l’émotion (perspective « top-down »), alors que les méditants experts utiliseraient une stratégie d’augmentation de la conscience de l’instant présent et d’acceptation étant prête à « combattre » l’émotion avant même qu’elle ne survienne (perspective « bottom-up »). La régulation émotionnelle explicite issue du mécanisme « top-down » impliquerait l’activation du cortex préfrontal et l’influence inhibitrice de celui-ci sur l’activité du système limbique, tandis que la régulation émotionnelle implicite découlant du mécanisme « bottom-up » reposerait sur une modulation du système limbique sans la participation du contrôle cognitif ou des régions de traitement sémantique (Guendelman, Medeiros, & Rampes, 2017 ; Martelli, Chester, Warren Brown, Eisenberger, & Nathan DeWall, 2018).

Le « réseau du mode par défaut – RMD » (default-mode network – DMN) comprend le cortex préfrontal médial, le cortex cingulaire postérieur, le précunéus et le lobe pariétal inférieur. L’activité de ce réseau est associée au repos, aux rêveries et aux pensées indépendantes du stimulus (y compris les activités mentales de référence à soi). La pleine conscience permettrait une baisse de l’activation du RMD et, par conséquent, une diminution du vagabondage de l’esprit.

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En ce qui concerne le fonctionnement de l’insula, celui-ci est lié à la perception consciente des sensations viscérales (vessie pleine, malaises gastriques, etc.), au sens de l’équilibre et à la détection des rythmes cardiaque et respiratoire. La pratique de la pleine conscience favoriserait une meilleure capacité à évaluer objectivement le corps et les émotions déclenchées par les signaux intéroceptifs, contrairement à ce qu’on observe dans plusieurs troubles mentaux tels que la dépression et les formes anormales d’anxiété (Fox et al., 2014).

Considérés dans leur ensemble, les mécanismes d’action cognitifs, attentionnels et neurobiologiques susmentionnés aident à une meilleure compréhension des processus de changement vécus par les individus qui bénéficient des interventions psychologiques basées sur la pleine conscience. Ces interventions seront décrites dans les pages suivantes.

Les interventions psychologiques basées sur la pleine conscience

Les interventions psychologiques basées sur la pleine conscience s’inscrivent dans un ensemble d’approches psychothérapeutiques connu sous le nom de « troisième vague des thérapies cognitivo-comportementales » et développé à partir du début des années 1980. Des traitements comme l’« activation comportementale », la « thérapie métacognitive », le « système d’analyse cognitivo-comportementale de la psychothérapie » (Cognitive-Behavioral Analysis System of Psychotherapy – CBASP) et la « thérapie des schémas » feraient également partie de la troisième génération des thérapies cognitivo-comportementales (Kahl, Winter, & Schweiger, 2012). Ces approches ont des caractéristiques communes se rapportant à leur philosophie, leur théorie, leurs objectifs et leurs méthodes.

Certains principes généraux distinguent les traitements de troisième génération de ceux de première vague (correspondant à des applications cliniques de l’analyse expérimentale du comportement) et de ceux de deuxième vague (marqués par l’augmentation de l’importance accordée aux cognitions). Les thérapies de troisième vague cherchent davantage à intervenir sur la relation de l’individu à ses symptômes plutôt que de tenter d’altérer la forme et la fréquence des pensées, émotions et comportements problématiques (Dionne & Blais, 2011 ; Forman & Herbert, 2009). Elles considèrent que les changements

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cognitifs, tels que la remise en question et la restructuration des pensées, ne sont pas nécessaires à l’amélioration des symptômes (Forman & Herbert, 2009 ; Longmore & Worrell, 2007). Les approches de troisième vague prôneraient l’adoption de comportements alternatifs plutôt que la remise en question et la restructuration des pensées (Dionne, Blais, Boisvert, Beaudry, & Cousineau, 2010). En termes de régulation émotionnelle, la restructuration cognitive agirait avant la réponse émotionnelle et comportementale (antecedent-focused emotion regulation strategy) alors que les stratégies d’acceptation employées par la troisième vague interviendraient après la réponse (response-focused emotion regulation strategies) (Dionne et al., 2010 ; Hofmann & Asmundson, 2008 ; Hofmann, Sawyer, & Fang, 2010).

Contrairement à la philosophie mécaniste qui sous-tend les première et deuxième vagues (selon laquelle la modification d’une composante jugée dysfonctionnelle – p. ex., une pensée ou un schéma – aura un impact sur le fonctionnement global de l’individu, y compris sur ses comportements), la conception contextuelle adoptée par les thérapies de troisième génération pose le postulat que les comportements résultent de l’interaction continue et changeante entre l’individu et son environnement, et qu’on devrait s’intéresser davantage à la fonction des comportements (Dionne & Blais, 2011 ; O’Brien, Haynes, & Kaholokula, 2016). Une autre caractéristique permettant de différencier la troisième vague et les deux courants qui l’ont précédé est l’utilisation de méthodes plus expérientielles que didactiques : exercices de pleine conscience, métaphores, paradoxes, etc. (Dionne & Blais, 2011). On peut souligner également l’importance donnée par les thérapies de troisième vague à la conscience métacognitive, à l’acceptation et à la pratique formelle et informelle de la pleine conscience. Parmi les interventions psychologiques basées sur la pleine conscience, celles les plus étudiées sont la « réduction du stress basée sur la pleine conscience » (Mindfulness-Based Stress Reduction), la « thérapie cognitive basée sur la pleine conscience » (Mindfulness-Based Cognitive Therapy), la « thérapie comportementale dialectique » (Dialectical Behavior Therapy) et la « thérapie d’acceptation et d’engagement » (Acceptance Commitment Therapy) (Ménard & Beresford, 2016). Ces psychothérapies peuvent être classées en deux groupes : les traitements fondés sur l’entraînement à la pleine conscience ; les traitements « mixtes » dont la pleine conscience n’est qu’une des composantes (Demarzo

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et al., 2015 ; Keng, Smoski, & Robins, 2011 ; Khoury et al., 2013). La « réduction du stress basée sur la pleine conscience » et la « thérapie cognitive basée sur la pleine conscience » feraient partie du premier groupe, tandis que la « thérapie comportementale dialectique » et la « thérapie d’acceptation et d’engagement » appartiendraient au groupe de traitements « mixtes » (Demarzo et al., 2015 ; Keng et al., 2011 ; Khoury et al., 2013).

La MBSR. La « réduction du stress basée sur la pleine conscience »

(Mindfulness-Based Stress Reduction – MBSR) a été mise en place en 1979 par Jon Kabat-Zinn. La MBSR est un programme enseigné en groupe et conçu pour une clientèle aux prises avec des maladies chroniques et des problèmes liés au stress. Il s’agit d’un entraînement intensif, systématique et rigoureux à la pleine conscience visant le développement de l’« attention vigilante », l’intégration de la pleine conscience dans les activités quotidiennes et l’adoption d’une façon différente de faire face aux difficultés (Kabat-Zinn, 2012).

Le programme se déroule sur huit semaines, et un atelier d’une durée allant de deux heures et demie à trois heures est offert chaque semaine. Parallèlement, la MBSR prévoit quarante-cinq minutes d’exercices à pratiquer chez soi, six jours par semaine. Les ateliers explorent les thèmes suivants : une introduction à la pleine conscience ; la prise de conscience de la respiration ; le balayage corporel (le déplacement de l’attention dans les différentes parties du corps) ; la méditation assise (« l’attention sans objet » ou l’observation de la respiration, des sensations corporelles, des sons, du processus de la pensée et des émotions) ; le yoga (des exercices d’étirements et de renforcement doux, faits lentement, avec une attention focalisée sur le souffle et sur les sensations qui émergent) ; la méditation en marchant (la concentration sur l’expérience vécue – les sensations, le mouvement, la respiration – lors de la marche) ; une journée de pleine conscience (pratique intensive de la pleine conscience et présentation de deux nouvelles techniques, à savoir la « méditation de la montagne » – axée sur la recherche de stabilité face aux difficultés de la vie – et la « méditation de bienveillance » – focalisée sur l’augmentation de la compassion envers soi et les autres) ; l’intégration de la pleine conscience dans la vie quotidienne ; les moyens de maintenir la pratique personnelle de la pleine conscience et de l’approfondir au fil des ans (Baer & Krietemeyer, 2006 ; Kabat-Zinn, 2012 ; Ménard & Beresford, 2016).

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La MBCT. La « thérapie cognitive basée sur la pleine conscience »

(Mindfulness-Based Cognitive Therapy – MBCT) a été développée au cours des années 1990 par Zindel Segal, Mark Williams et John Teasdale. La MBCT incorpore des principes fondamentaux de la thérapie cognitive avec des techniques de la MBSR. L’objectif initial du programme MBCT était de prévenir la rechute chez des personnes souffrant de dépression récurrente. Actuellement, on l’applique à plusieurs autres affections psychiatriques (Irving & Segal, 2013). La MBCT encourage les participants à augmenter leur capacité de décentration des pensées négatives, à identifier les tout premiers signes et symptômes de dépression, et à développer l’habileté de focaliser l’attention, de maintenir cette focalisation, de déplacer le focus attentionnel et de savoir l’orienter vers le moment présent (Segal, Williams, & Teasdale, 2013).

Le programme MBCT se déploie sur huit semaines, sous forme d’ateliers de groupe d’une durée de deux heures chacun. Une pratique à la maison d’environ une heure par jour est également prévue. Tout comme dans le programme MBSR, les ateliers de la MBCT incluent : la définition de la pleine conscience ; le balayage corporel ; la pleine conscience de la respiration ; la méditation assise ; l’utilisation de la respiration comme moyen de s’ancrer dans le moment présent ; le yoga en douceur ; la médiation en marchant ; une journée de pratique intensive de pleine conscience.

Dans le domaine de la psychoéducation sur la dépression et les rechutes et des interventions cognitives, plusieurs thèmes sont abordés lors des rencontres de MBCT. Les participants deviennent capables d’identifier le fonctionnement en mode « pilote automatique », et comprennent comment l’automatisme conduit à un haut risque de se laisser entraîner dans une spirale dépressive (Segal et al., 2013). Le modèle « ABC » (un événement provoque une réponse émotive qui est médiatisée par une pensée) leur est présenté. La séparation entre les événements et l’interprétation qu’en font les participants est discutée. L’identification des pensées automatiques et la gestion des obstacles, c’est-à-dire les pensées ou émotions pouvant nuire à l’avancée dans le programme, sont également explorées.

Le contenu cognitif de la MBCT permet aussi aux participants de prendre conscience de leur tendance à éviter les expériences désagréables et à s’attacher à celles agréables (la

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réactivité aux stimuli), ainsi que de la différence entre accepter les expériences déplaisantes et vouloir les modifier (Segal et al., 2013). Tout comme l’influence des pensées sur l’humeur, les effets de l’humeur sur la pensée sont analysés lors des rencontres. Le lien entre les activités quotidiennes (celles considérées comme gratifiantes et celles appauvrissantes) et l’humeur fait aussi partie des éléments importants du programme. La MBCT se conclut par des stratégies favorisant le maintien des acquis et la prévention des rechutes.

La DBT. La « thérapie comportementale dialectique » (Dialectical Behavior Therapy

– DBT) a été élaborée par Marsha Linehan dans les années 1980 pour des patientes présentant le trouble de personnalité limite. Le protocole standard de la DBT comprend cinq modalités d’intervention, à savoir la thérapie individuelle, le groupe d’entraînement aux compétences, les consultations téléphoniques, la supervision hebdomadaire pour les thérapeutes et des interventions auxiliaires comme la pharmacothérapie et l’hospitalisation (Linehan, 1993). Le traitement dure au moins un an.

La DBT adopte une perspective dialectique qui permet à l’individu de développer une capacité de synthèse d’éléments contradictoires en diminuant progressivement le mode de pensée dichotomique (Linehan, 1993). Moyennant un équilibre « dialectique » entre deux polarités – le changement et l’acceptation – des stratégies de changement telles que la régulation émotionnelle et l’amélioration de l’efficacité interpersonnelle, et des stratégies favorisant l’acceptation comme l’apprentissage de la tolérance à la détresse et l’entraînement à la pleine conscience, sont intégrées dans un seul et même programme (Linehan, 1993, 2015). Ces deux types de stratégies se centrent sur la dysrégulation émotionnelle des patients ayant un trouble de personnalité limite et les problèmes rencontrés dans les domaines suivants : le contrôle des impulsions, la régulation émotionnelle, les relations interpersonnelles et l’image de soi (Linehan, 2015).

L’entraînement à la pleine conscience est un élément clé de la DBT. D’après Linehan (2015), la pleine conscience est le moyen d’aboutir à une synthèse de l’« esprit émotionnel » (pensées et comportements sous l’emprise des émotions) avec l’« esprit rationnel » (pensée rationnelle, logique). Cette synthèse a été nommée « esprit sage », et se conjugue à six autres compétences de pleine conscience : l’observation de l’expérience présente ; la description de

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l’expérience présente ; l’action en pleine conscience ; le non-jugement ; la focalisation de l’attention sur l’activité en cours ; la recherche de l’efficacité et non de ce qu’il « faudrait » faire (Linehan, 2015). L’acquisition de ces habiletés de pleine conscience permet aux patients borderline d’augmenter leurs capacités attentionnelles, de mieux reconnaître leurs expériences internes et de réduire leur tendance à l’auto-invalidation, ainsi que de diminuer les comportements impulsifs utilisés comme moyen d’éviter des émotions négatives (Baer & Krietemeyer, 2006). Les habiletés de pleine conscience sont les premières à être enseignées dans la DBT, et doivent être renforcées au début de chacun des trois modules d’entraînement aux compétences (Linehan, 2015).

L’ACT. La « thérapie d’acceptation et d’engagement » (Acceptance Commitment

Therapy – ACT) a été créée par Steven Hayes, Kirk Strosahl et Kelly Wilson en 1999, après quinze ans de recherche fondamentale. L’ACT est une intervention intégrative basée sur le contextualisme fonctionnel et sur la théorie des cadres relationnels, ainsi que sur l’« inflexibilité psychologique » comme un modèle de psychopathologie. Le contextualisme fonctionnel est une approche qui stipule qu’un comportement doit être examiné dans son ensemble et non par des unités séparées, qu’il faut inclure le contexte dans la compréhension de la nature et de la fonction des comportements, et que rien n’est vrai dans l’absolu, tout dépend des objectifs qu’on souhaite atteindre (Hayes, Strosahl, & Wilson, 1999 ; Hayes, Strosahl, & Wilson, 2012). Sur le plan théorique, l’ACT s’appuie sur la théorie des cadres relationnels qui affirme que : les humains ont une aptitude à relier des stimuli de façon non arbitraire (en regard de leurs propriétés physiques), mais aussi de façon arbitraire (avant-après, l’opposé de, différent de, etc.) ; la capacité à mettre en relation des événements indépendamment de leur apparence peut transformer la fonction de ces événements, sans aucune limite, simplement grâce au langage ; le fait de relier des mots et des événements aversifs de façon arbitraire favorise la souffrance psychique (Hayes et al., 1999 ; Monestès & Villate, 2011 ; Neveu & Dionne, 2009).

Les processus verbaux-cognitifs peuvent restreindre le répertoire comportemental en conduisant l’individu à percevoir ses pensées comme littéralement vraies et à éviter le contact avec des phénomènes psychologiques aversifs (Hayes et al., 2012). Cette inflexibilité psychologique serait une cause primaire des difficultés psychologiques, de même qu’un

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facteur exacerbant d’autres sources de psychopathologie (Hayes, Luoma, Bond, Masuda, & Lillis, 2006). Six processus seraient associés à l’inflexibilité psychologique : la fusion cognitive ; l’évitement expérientiel ; l’attention focalisée sur le passé et le futur ; l’attachement à un « soi conceptualisé » ; l’inaction, l’impulsivité et l’évitement des situations ; la déconnexion ou l’incongruence vis-à-vis des valeurs personnelles (Hayes et al., 2012).

La flexibilité psychologique est l’objectif central de l’ACT. Cette intervention vise donc à augmenter la capacité de l’individu d’engager des actions en harmonie avec ses valeurs et de persister dans son comportement ou de changer son comportement en fonction du contexte, même en présence d’expériences intérieures dérangeantes (Hayes et al., 2012). Selon l’approche ACT, la flexibilité psychologique découle de l’interaction de différents processus illustrés dans un modèle hexagonal, l’« hexaflex ». Les six processus thérapeutiques sont : l’acceptation ; la défusion ; le « soi comme contexte » ; l’action engagée ; les valeurs ; le contact avec l’instant présent (Hayes, Luoma, et al., 2006 ; Hayes, Strosahl, et al., 2012).

Dans l’ACT, la pleine conscience correspond à une combinaison entre l’acceptation, la défusion, le « soi comme contexte » et le contact avec l’instant présent (Hayes, Strosahl, Bunting, Twohig, & Wilson, 2004). Des métaphores et des exercices de pleine conscience sont utilisés pour développer la capacité du client d’accueillir des pensées et des émotions qu’il avait l’habitude d’éviter, pour l’aider à se détacher du contenu littéral de ses pensées et pour parvenir à une perception plus transcendante du self (semblable à une toile de fond sur laquelle surgissent des phénomènes psychologiques transitoires), ainsi que pour augmenter la conscience de l’instant présent (Fletcher & Hayes, 2005). D’après Strosahl, Hayes, Wilson, et Gifford (2004), des pratiques de pleine conscience, telles que la respiration contrôlée et des exercices de visualisation, sont très utiles pour démarrer les séances de la thérapie ACT.

Les effets des interventions fondées sur l’entraînement à la pleine conscience

Diverses méta-analyses récentes ont recensé et évalué l’efficacité des interventions basées sur la pleine conscience pour les populations cliniques (présentant un trouble de santé mentale ou une pathologie physique) et non cliniques. Les résultats obtenus par plusieurs de

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ces méta-analyses sont présentés dans les pages qui suivent, en illustrant les plus importants constats qui ont émergé de ces synthèses statistiques. Nous avons privilégié les méta-analyses publiées depuis 2010 examinant l’efficacité des interventions fondées sur l’entraînement à la pleine conscience – la MBSR et la MBCT – auprès des populations non cliniques et des individus avec un diagnostic d’anxiété ou de dépression. Ces travaux ont été retenus pour lecture et analyse car ils reflètent une plus grande maturité de la recherche sur la pleine conscience et concernent des populations plus semblables à celle visée par notre étude. Nous présentons également les résultats d’études portant plutôt sur les composantes thérapeutiques et les mécanismes sous-jacents expliquant cette efficacité.

MBSR. La méta-analyse effectuée par de Vibe, Bjørndal, Tipton, Hammerstrøm, et

Kowalski (2012) porte sur 31 études ayant utilisé la MBSR (ou des adaptations de la MSBR ayant modifié sa durée et son intensité) auprès de populations cliniques et non cliniques. Cette méta-analyse a mis en évidence une taille d’effet modérée de 0,53 pour les répercussions sur la santé mentale, c’est-à-dire l’anxiété, la dépression, le stress et la détresse (k = 26 ; 95% IC [0,46, 0,61]). Quant aux répercussions somatiques (mesures auto-rapportées et physiologiques concernant le rythme cardiaque, les anticorps, la respiration, etc.), la taille d’effet obtenue était faible, de l’ordre de 0,31 (k = 10 ; 95% IC [0,10, 0,52]).

Eberth et Sedlmeier (2012) ont réalisé une méta-analyse portant sur 17 études ayant mis en place la MBSR (et aussi des versions abrégées ou des adaptations de ce programme aux besoins de groupes spécifiques) auprès d’une population non clinique. Les effets obtenus les plus importants concernent le bien-être (rw = 0,37 ; k = 10), le stress (rw = 0,37 ; k = 6), les émotions négatives (rw = 0,32 ; k = 9) et l’anxiété (rw = 0,30 ; k = 5).

MBCT. Chiesa et Serretti (2011) ont effectué une méta-analyse portant sur 16 études

ayant mis en œuvre un programme MBCT auprès de patients souffrant de troubles de l’axe I du DSM-IV (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux – quatrième édition, American Psychiatric Association [APA], 2005). D’après cette méta-analyse, la MBCT en complément aux soins habituels réduit le taux de rechute dépressive de 28% en comparaison aux traitements reposant uniquement sur les soins habituels chez les patients ayant vécu trois épisodes dépressifs ou plus (k = 4 ; or = 0,36 ; 95% IC [0,19, 0,48] ; p < 0,0003 ; I² = 39%).

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Piet et Hougaard (2011) ont fait une méta-analyse regroupant 6 études ayant utilisé la MBCT auprès de patients diagnostiqués avec un trouble dépressif majeur récurrent en rémission. La MBCT réduirait de 34% le taux de rechute et de récidive en comparaison avec les groupes de contrôle « traitement habituel » ou « placebo avec un suivi clinique » (rr = 0,66 ; 95% IC [0,53, 0,82]).

Kuyken et coll. (2016) ont réalisé une méta-analyse sur données individuelles portant sur 9 essais cliniques randomisés qui ont mis en place un programme MBCT manualisé auprès de patients ayant reçu un diagnostic de trouble dépressif majeur récurrent en rémission totale ou partielle. La méta-analyse a montré que la MBCT était associée à une réduction significative du risque de rechute et de récidive de la dépression sur une période de 60 semaines, et que cette réduction était comparable à celle observée avec d’autres traitements, y compris les soins habituels (HR = 0,69 ; 95% IC [0,58, 0,82]).

MBSR et MBCT. Hofmann, Sawyer, Witt, et Oh (2010) ont effectué une

méta-analyse incluant 39 études ayant mis en œuvre des interventions fondées sur l’entraînement à la pleine conscience auprès d’une population clinique avec des troubles mentaux (notamment des troubles anxieux et la dépression) et des diverses conditions médicales (cancer, douleur chronique, fibromyalgie, etc.). Dans la plupart des cas, l’intervention effectuée était la MBSR ou la MBCT, ou bien des méthodes inspirées par ces deux programmes. La méta-analyse a montré des tailles d’effet modérées de 0,63 pour la réduction des symptômes anxieux (k = 39 ; 95% IC [0,53, 0,73] ; p < 0,01) et de 0,59 pour la diminution des symptômes dépressifs (k = 39 ; 95% IC [0,51, 0,66] ; p < 0,01). Les tailles d’effet ont été plus élevées quand il s’agissait d’un trouble anxieux (k = 7 ; g = 0,97 ; 95% IC [0,72, 1,22] ; p < 0,01) ou d’une dépression (k = 4 ; g = 0,95 ; 95% IC [0,71, 1,18] ; p < 0,01).

La méta-analyse effectuée par Khoury et coll. (2013), portant sur 209 études qui ont mis en place un programme MBSR ou MBCT auprès de patients cliniques et non cliniques, a révélé des tailles d’effet modérées de 0,55 pour les comparaisons pré-post intervention (k = 72 ; IC [0,49, 0,61] ; p < 0,00001) et de 0,53 pour les comparaisons avec des groupes contrôle sur liste d’attente (k = 67 ; IC [0,45, 0,61] ; p < 0,00001). Une taille d’effet de faible

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à modérée de 0,33 pour des comparaisons avec d’autres traitements actifs (la psychoéducation, la thérapie de soutien, la relaxation, l’imagerie mentale et l’art-thérapie) a été trouvée (k = 68 ; IC [0,26, 0,41] ; p < 0,00001). La MBSR et la MBCT ne se sont pas montrées plus efficaces que la thérapie cognitivo-comportementale traditionnelle et que les thérapies comportementales (k = 9 ; g = -0,07 ; IC [-0,26, 0,16] ; p = 0,60, ns). Des tailles moyennes d’effet de 0,89 (10 études pré-post intervention ; 95% IC [0,71, 1,08] ; p < 0,001) et de 0,96 (5 études avec groupe contrôle sur liste d’attente ; 95% IC [0.67, 1,24] ; p < 0,001) ont été obtenues pour l’anxiété. Pour la dépression, des tailles moyennes d’effet de 0,69 (5 études pré-post intervention ; 95% IC [0,52, 0,86] ; p < 0,001) et de 0,53 (8 études avec groupe contrôle sur liste d’attente ; 95% IC [0,32, 0,73] ; p < 0,001) ont été trouvées.

Strauss, Cavanagh, Oliver, et Pettman (2014) ont fait une méta-analyse incluant 12 études ayant utilisé la MBSR (k = 5), la MBCT (k = 6) ou la Person-Based Cognitive Therapy – PBCT (k = 1) pour des individus avec un diagnostic courant de trouble anxieux ou de dépression selon le DSM-IV ou la CIM-10 (Classification internationale des maladies – dixième révision). Cette méta-analyse a mis en évidence des tailles d’effet modérées sur la sévérité des symptômes : de -0,59 chez tous les participants (k = 12 ; 95% IC [-1,06, -0,12]), et de -0,73 chez les participants manifestant une dépression (k = 4 ; 95% IC [-1,36, -0,09]). Les résultats obtenus n’ont pas été significatifs pour les troubles anxieux (k = 8 ; g = -0,55 ; 95% IC [-1,18, 0,09]).

Gotink et coll. (2015) ont réalisé une méta-analyse portant sur 23 recensions systématiques d’essais contrôlés randomisés qui avaient utilisé la MBSR et la MBCT auprès de patients atteints de différentes pathologies somatiques et troubles mentaux. Selon cette méta-analyse, la MBSR et la MBCT améliorent de façon significative – en comparaison aux groupes « contrôle avec liste d’attente » et « traitement habituel » – les symptômes dépressifs (5 recensions ; d = -0,37 ; 95% IC [-0,45, -0,28]), l’anxiété (7 recensions ; d = -0,48 ; 95% IC [-0,56, - 0,40]), le stress (2 recensions ; d = -0,51 ; 95% IC [-0,67, -0,36]), la qualité de vie (2 recensions ; d = -0,39 ; 95% IC [-0,70, -0,08]) et le fonctionnement physique (3 recensions ; d = -0,27 ; 95% IC [-0,42, -0,12]).

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Mécanismes. Gu, Strauss, Bond, et Cavanagh (2015) ont effectué une recension

systématique des études qui portent sur les mécanismes sous-tendant les interventions fondées sur l’entraînement à la pleine conscience. Les objectifs de cette recension étaient d’identifier des mécanismes potentiels qui expliqueraient les effets de la MBSR et de la MBCT sur la santé psychologique et sur le bien-être, d’examiner la force des données probantes appuyant chacun de ces mécanismes, et d’utiliser des analyses de type « TSSEM » (modélisation par équation structurelle en deux étapes) afin d’évaluer si les mécanismes jouent effectivement un rôle médiateur entre les interventions et les résultats cliniques. Les données probantes fortes qui ont été obtenues soutiennent que la réactivité cognitive et émotionnelle est un mécanisme sous-tendant les interventions fondées sur l’entraînement à la pleine conscience. Des données probantes modérées ont été trouvées pour la pleine conscience et pour la rumination et l’inquiétude (pensées négatives répétitives). Les analyses TSSEM qui ont été effectuées indiquent que la pleine conscience, la rumination et l’inquiétude jouent un rôle de médiateur entre la MBSR et la MBCT et l’amélioration de la santé psychologique.

Composantes thérapeutiques. Sauer-Zavala, Walsh, Eisenlohr-Moul, et Lykins

(2013) ont examiné si, lorsqu’utilisées séparément, trois composantes des interventions fondées sur l’entraînement à la pleine conscience – le balayage corporel, la méditation assise et le yoga – entraînaient différents changements sur le plan des symptômes psychologiques et du bien-être. Les participants étaient des étudiants, et l’intervention durait 3 semaines. L’ensemble de la population examinée a rapporté une réduction de la rumination et une augmentation de la compassion envers soi-même, du bien-être psychologique et de la tendance à décrire les expériences vécues.

Mais des différences entre les groupes ont été observées : le yoga impliquait une amélioration plus importante du bien-être psychologique que le balayage corporel et la médiation assise ; le yoga et la méditation assise ont été plus efficaces que le balayage corporel dans la réduction des difficultés de régulation émotionnelle ; comparativement au balayage corporel, la médiation assise était associée davantage à l’augmentation de la tendance à adopter une position de non-jugement face aux expériences.

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Selon Sauer-Zavala et coll. (2013), l’importance du yoga pourrait être expliquée par sa nature physique (le bien-être découlant de l’activité physique) et par l’intervention de type « activation comportementale » qu’il effectue (des émotions positives et un sentiment de maîtrise sont réintroduits par sa pratique). Les auteurs de l’étude affirment également que l’efficacité supérieure de la méditation assise dans le développement d’une attitude de non-jugement réside dans ses consignes plus explicites contre les non-jugements que l’individu peut porter sur ses expériences (p. ex., « ne jugez pas vos pensées comme bonnes ou mauvaises, ou utiles ou inutiles, il suffit d’observer ce qui émerge dans la conscience »). En ce qui concerne la régulation émotionnelle, ils avancent que le caractère de « stratégie active » du yoga et la précision des consignes de la méditation assise quant aux émotions intenses (p. ex. « observez vos émotions sans vous y accrocher et sans chercher à vous en débarrasser ») expliqueraient la plus grande efficacité de ces deux composantes thérapeutiques par rapport au balayage corporel.

L’étude de Sauer-Zavala et ses collaborateurs (2013) s’ajoute aux données croissantes étayant que différentes techniques de pleine conscience conduisent à des résultats différents et que ces techniques pourraient subir des adaptations en fonction de pathologies et problèmes spécifiques (Waelde & Thompson, 2016). Une meilleure compréhension des mécanismes d’action des techniques de pleine conscience sur les difficultés psychologiques serait très utile pour des fins de prescription et d’adéquation entre les clients et les techniques. Les méta-analyses et les études examinées plus haut mettent en évidence les effets des « interventions fondées sur l’entraînement à la pleine conscience » sur la santé mentale ainsi que les composantes thérapeutiques et les mécanismes de médiation en jeu. Dans l’ensemble, les méta-analyses indiquent que la MBSR et la MBCT sont efficaces pour diminuer les symptômes dépressifs. Les synthèses statistiques suggèrent également que les interventions fondées sur l’entraînement à la pleine conscience sont efficaces pour le traitement de l’anxiété. Des effets sur le bien-être et sur la qualité de vie ont aussi été rapportés par les méta-analyses. Cependant, il est à noter que certains résultats sont contradictoires, notamment concernant la taille de l’effet des interventions. D’après Khoury et Lecomte (2016), plusieurs de ces incohérences pourraient être expliquées par le choix des

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protocoles cliniques, par des différences entre les devis de recherche et par le groupe particulier de participants évalués.

L’application de la pleine conscience dans le sport d’élite

Les recherches visant à comprendre les liens entre la pleine conscience et la performance sportive sont récentes (p. ex., Gardner & Moore, 2004 ; Lutkenhouse, 2007). Jusqu’à présent, dans le domaine de la psychologie du sport, la pleine conscience a été étudiée selon une approche clinique, celle de la psychologie clinique du sport (p. ex., Gardner & Moore, 2007), ou comme une habileté mentale (p. ex., Kee & Wang, 2008).

Les liens proposés. Un axe de recherche récent examine la possibilité que,

moyennant un entraînement à la pleine conscience, les athlètes seraient plus susceptibles de vivre l’état de flow, un état psychologique optimal caractérisé par une complète absorption dans la tâche, un sentiment d’épanouissement personnel et une sensation de fluidité de mouvements et de contrôle des actions.

L’étude de Aherne, Moran, et Lonsdale (2011) a mis en évidence qu’un entraînement à la pleine conscience augmenterait le niveau global de flow, ainsi que ses dimensions « buts clairement définis » et « sentiment de contrôle » (sensation de pouvoir réaliser n’importe quelle action et de la réussir). Cathcart, McGregor, et Groundwater (2014) ont rapporté : des corrélations importantes entre la pleine conscience et le flow pour les athlètes d’élite pratiquant des sports individuels et d’endurance ; des corrélations modérées entre la pleine conscience et le flow pour les athlètes de sports d’équipe et de type non-endurant ; chez les pratiquants de sports individuels, la pleine conscience était corrélée aux facettes du flow « buts clairement définis », « concentration sur la tâche », « sentiment de contrôle » et « expérience autotélique » ; la pleine conscience était corrélée à la dimension « concentration sur la tâche » pour les athlètes de sports d’équipe.

Un autre axe de recherche concerne les liens entre la pleine conscience et l’attention et la gestion émotionnelle. L’étude de Mardon, Richards, et Martindale (2016) a mis en évidence une importante amélioration de l’efficacité attentionnelle pour certains des participants qui avaient suivi un programme d’entraînement à la pleine conscience. Selon Marks (2008), la pratique de la pleine conscience serait associée au contrôle attentionnel et à

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la régulation émotionnelle, ce qui permettrait de réaliser un entraînement sportif efficace et des performances de pointe.

Les liens entre la pleine conscience et la perception de l’effort et de la douleur constituent un troisième axe de recherche. D’après Brick, MacIntyre, et Campbell (2014), dans les activités d’endurance, c’est-à-dire les activités impliquant le maintien d’un effort à un certain niveau d’intensité, l’utilisation de la pleine conscience pourrait aider à réduire l’« interprétation émotionnelle » des stimuli douloureux et, par conséquent, la perception de l’effort et la détresse.

La remise en cause des approches traditionnelles en préparation mentale. Dans

le cadre de l’optimisation de la performance sportive, les méthodes d’intervention traditionnelles (p. ex., contrôle du niveau d’activation, modification du discours interne) se basent sur des techniques cognitivo-comportementales de la deuxième vague. Gardner et Moore (2004, 2007) ont souligné le faible support empirique de l’efficacité de ces méthodes. Évoquant la « théorie des processus ironiques du contrôle mental », Gardner et Moore (2004, 2007) ont également relevé que les athlètes, en essayant de modifier ou de supprimer leurs pensées et émotions, portent davantage d’attention à celles-ci. La « théorie des processus ironiques du contrôle mental » pose le postulat que les pensées qu’un individu tente de contrôler deviendraient paradoxalement plus accessibles à sa conscience dans les moments de surcharge cognitive, de stress et de pression temporelle, ainsi qu’à la suite d’une période de contrôle mental (Wegner, 1994).

Gardner et Moore (2004, 2007) ont donc suggéré que les interventions basées sur la pleine conscience et l’acceptation pourraient être envisagées comme une alternative aux programmes de préparation mentale traditionnels. Les résultats de quelques études récentes et la recension systématique effectuée par Sappington et Longshore (2015) soutiennent de façon préliminaire l’efficacité de ces interventions.

Les programmes d’intervention. Deux programmes basés sur la pratique de la

pleine conscience ont été développés ciblant spécifiquement les athlètes : la Mindfulness-Acceptance-Commitment (MAC) Approach et le Mindful Sport Performance Enhancement (MSPE).

Figure

Figure 1. Évolution du niveau de pleine conscience dispositionnelle (tel que mesuré par la  MAAS) et quantité estimée de pratique
Figure 2. Évolution du niveau de lucidité (tel que mesuré par le MIS-Golf) et  quantité estimée de pratique
Figure 3. Évolution du niveau d’acceptation (tel que mesuré par le MIS-Golf) et  quantité estimée de pratique
Figure 4. Évolution du niveau de reconcentration (tel que mesuré par le MIS-Golf) et  quantité estimée de pratique

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