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Régulation émotionnelle et symptômes de stress post- traumatique chez des femmes victimes d’une agression sexuelle

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Academic year: 2021

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Régulation émotionnelle et symptômes de stress post-

traumatique chez des femmes victimes d’une agression

sexuelle

Mémoire doctoral

Elodie Hamel

Doctorat en psychologie (D. Psy.)

Docteure en psychologie (D. Psy.)

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Régulation émotionnelle et symptômes de stress

post-traumatique chez des femmes victimes d’une

agression sexuelle

Mémoire doctoral

Elodie Hamel

Sous la direction de :

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Résumé

La présente étude traite des répercussions psychologiques observées chez des femmes victimes d’une agression sexuelle à l’âge adulte (ASA). Elle cherche plus précisément à déterminer le rôle de la régulation émotionnelle afin d’expliquer les symptômes du trouble de stress post-traumatique (TSPT) selon le temps écoulé depuis la dernière agression et le fait d’avoir eu recours à l’aide d’un professionnel de la relation d’aide. Pour ce faire, 237 femmes victimes d’ASA ont été recrutées et ont répondu à une batterie de questionnaires permettant de décrire les gestes subis, les stratégies de régulation émotionnelle rapportées et les symptômes de TSPT vécus par ces femmes. Des analyses acheminatoires montrent la validité d’un modèle de médiation-modération, plaçant la régulation émotionnelle comme variable d’intérêt pour expliquer la diminution des symptômes de TSPT avec le passage du temps. Pour ce qui est du recours à l’aide d’un professionnel, cette variable permettrait de modérer significativement la relation entre la régulation émotionnelle et les symptômes de TSPT. Les résultats obtenus permettent de mieux comprendre les facteurs associés à la variabilité des répercussions psychologiques observées suite à une ASA.

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Abstract

This article studies psychological consequences observed among female adult sexual assault victims. The purpose of this study is to identify emotion regulation’s role toward explaining post-traumatic stress symptoms, depending on the time since the last aggression and on whether the victim met a professional for help or not. In order to do this, 237 women who experienced an adult sexual assault were recruited and answered questions about their assault, their emotion regulation strategies and their post-traumatic stress symptoms. Path analyses showed emotion regulation as a variable of interest in a mediation-moderation model explaining the decrease of the post-traumatic stress symptoms with time. As for professional help, this variable was considered as a moderator of the relation between emotion regulation and post-traumatic stress symptoms. Results allow the understanding of the factors associated with the variability of psychological consequences observed among female adult sexual assault victims.

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux ... v

Liste des figures ... vi

Introduction ... 1

Définition et prévalence de l’ASA chez les femmes ... 2

Définition ... 2

Prévalence ... 2

Répercussions psychologiques de l’ASA ... 3

ASA et TSPT ... 3

Régulation émotionnelle ... 5

Recours à un professionnel de relation d’aide ... 7

Temps écoulé depuis la dernière agression ... 9

Chapitre 1 : Objectif et hypothèses... 11

Chapitre 2 : Méthode ... 12

Participantes ... 12

Procédure ... 13

Instruments de mesure ... 13

Caractéristiques sociodémographiques. ... 14

Agression sexuelle à l’âge adulte. ... 14

Trouble de stress post-traumatique ... 14

Régulation émotionnelle. ... 15

Recours à l’aide d’un professionnel ... 15

Temps écoulé depuis la dernière agression ... 15

Chapitre 3 : Analyses statistiques ... 17

Chapitre 4 : Résultats ... 18

Chapitre 5 : Discussion ... 24

Conclusion ... 28

Bibliographie ... 33

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Liste des tableaux

Tableau 1...19 Tableau 2...21 Tableau 3...22

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Liste des figures

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Introduction

La violence sexuelle envers les femmes constitue, encore en 2019, un phénomène d’une ampleur significative qui fait réagir, mais qui n’est toutefois pas suffisamment alimentés par des données scientifiques probantes. Au Québec, le Regroupement Québécois des Centres d’Aide et de Lutte Contre les Agressions à Caractère Sexuel (RQCALACS), a été mis sur pied pour accompagner les victimes dans le processus judiciaire et pour offrir du soutien psychologique suite à une agression sexuelle (RQCALACS, 2015). Les

responsables et les intervenantes de ces regroupements ont défendu la nécessité de bien distinguer les services offerts aux femmes et aux hommes puisque cet acte de violence en est souvent un de domination, d’humiliation, d’abus de pouvoir et de rapports de force entre un homme et une femme. Les écrits scientifiques sur les agressions sexuelles envers les femmes portent surtout sur les agressions sexuelles à l’enfance (ASE). Lorsque les

agressions sexuelles à l’âge adulte sont étudiées, il est souvent question de revictimisation (Gosney, 2015). Cet accent sur la revictimisation réduit la richesse du bassin de

connaissances traitant spécifiquement des agressions sexuelles vécues à l’âge adulte. Les quelques recherches sur les agressions sexuelles à l’âge adulte (ASA) concluent que cette violence sexuelle aurait d’importantes répercussions dans plusieurs sphères de la vie des victimes (Campbell, Dworkin & Cabral, 2009; Gosney, 2015; Hellman, 2014; Martin, Macy, & Young, 2011). D’un point de vue clinique, la documentation disponible fait ressortir la nécessité d’examiner les facteurs psychologiques influençant la rémission chez les victimes et pouvant faire l’objet de cibles de traitement pertinentes (Campbell et al., 2009 ; Frazier, 2003 ; Hellman, 2014). Le présent projet se centre sur les répercussions psychologiques observées chez des femmes victimes d’ASA. L’objectif de l’étude consiste à documenter les symptômes du trouble de stress post-traumatique (TSPT) rapportés par des femmes ayant vécu une ASA tout en mettant en relief le rôle de la régulation

émotionnelle afin de mieux comprendre la variabilité des répercussions psychologiques observées.

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Définition et prévalence de l’ASA chez les femmes

Définition. Selon le Code criminel du Canada, l’agression sexuelle est considérée comme

une voie de fait. Le gouvernement du Québec définit plus précisément l’agression sexuelle comme « un geste à caractère sexuel, avec ou sans contact physique, commis par un individu sans le consentement de la personne visée […]. Il s’agit d’un acte visant à

assujettir une autre personne à ses propres désirs par l’utilisation de la force, du pouvoir ou de la contrainte, ou sous la menace implicite ou explicite » (Gouvernement du Québec, 2001). Cette définition inclut donc les agressions sexuelles à l’enfance et à l’âge adulte. Dans le présent projet, l’ASA est considérée comme tout acte à caractère sexuel commis envers une personne de 16 ans ou plus sans le consentement de cette personne.

Contrairement aux agressions sexuelles qui se produisent avant 16 ans, la notion de consentement est primordiale pour les agressions sexuelles à l’âge adulte et est prévue par le Code criminel du Canada. Le consentement consiste en l’accord libre et volontaire de la personne. Ainsi, le consentement formulé à la suite d’un abus de confiance et de pouvoir, en cas d’intoxication ou de limitation intellectuelle n’est pas valable. L’âge de référence est de 16 ans ou plus puisqu’au Canada, l’âge minimal pour consentir à une activité sexuelle est fixé à 16 ans. Ainsi, à partir de 16 ans, toute personne peut consentir à une relation sexuelle. Cet âge de référence permet également de différencier l’agression sexuelle à l’enfance (moins de 16 ans) de celle survenant à l’âge adulte (16 ans et plus).

Prévalence. L’ampleur du phénomène de l’agression sexuelle envers les femmes est

difficile à évaluer adéquatement étant donné les difficultés associées au dévoilement de ce type d’acte criminel. Malgré tout, en 2014, 20 735 agressions sexuelles commises envers des adultes et des enfants ont été déclarées aux autorités policières canadiennes (Statistique Canada, 2015b). De ce nombre, 3 585 ont été commises au Québec, et dans 87% des cas, elles ont été commises envers des femmes (Ministère de la Sécurité publique du Québec, 2016). D’ailleurs, les statistiques du Gouvernement du Québec (2001) ont démontré que 34% des femmes adultes ont été victimes d’au moins une agression sexuelle depuis l’âge de 16 ans et qu’une femme sur sept est agressée sexuellement au moins une fois par son conjoint. Pour ajouter à la gravité de la situation, le Ministère de la Sécurité publique du

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Québec (2011) rapporte que 31% des victimes ont été blessées physiquement lorsqu'elles ont été agressées. Ces chiffres sont d’autant plus préoccupants que l’agression sexuelle est souvent un crime gardé sous silence. En effet, seulement 5 % des agressions sexuelles commises en 2014 auraient été signalées à la police canadienne (Statistique Canada, 2015a).

Répercussions psychologiques de l’ASA

L’ASA constitue un problème social d’importance ayant des répercussions sur la santé physique et psychologique des victimes à court et long terme (Campbell et al., 2009; Gosney, 2015; Hellman, 2014; Martin et al., 2011). Un ensemble de données empiriques indique que l’ASA est associée au trouble de stress post-traumatique ainsi qu’à des

symptômes dépressifs ou anxieux et à des idées suicidaires (Chivers-Wilson, 2006; Martin et al., 2011; Pico-Alfonso et al., 2006; Weaver et al., 2007). La recension des écrits

empiriques de Campbell et ses collaborateurs (2009) suggère que 17 à 65% des victimes d’ASA présentent un trouble de stress post-traumatique, 13 à 51% remplissent les critères pour le trouble dépressif et 12 à 40% rapportent de l’anxiété généralisée. Bien que les répercussions de l’ASA sur le bien-être psychologique des femmes soient indéniables, les facteurs contribuant à l’apparition ou à la rémission de ces répercussions doivent demeurer des sujets d’étude (Frazier, 2003; Hellman, 2014). Puisque le TSPT semble être la

conséquence la plus fréquemment rapportée par les victimes (Campbell et al., 2009), ce trouble constituera une variable d’intérêt dans le présent projet.

ASA et TSPT

Plusieurs études font état d’un lien entre une ASA et un TSPT (Campbell et al., 2009; Chivers-Wilson, 2006; Conroy et Cotter, 2017; Hellman, 2014; Scott et al., 2017; Ullman, Filipas, Townsend et Starzynski, 2006; Ullman, Towsend, Filipas et Stazynski, 2007). La prévalence de ce trouble serait beaucoup plus élevée chez les victimes d’ASA que dans la population générale (Chivers-Wilson, 2006) et qu’auprès des victimes d’autres types de traumatismes (APA, 2013; Creamer, Burgess, & McFarlane, 2001). En effet, tel que cité précédemment, 17 à 65% des victimes d’ASA présenteraient un TSPT (Campbell et al.,

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2009), alors que la prévalence à vie de ce trouble dans la population générale serait d’environ 8% (APA, 2013).

Bien que le TSPT semble être une conséquence fréquente de l’ASA, certaines victimes ne présentent que peu ou pas de symptômes de ce trouble. En effet, les victimes d’agression sexuelle n’expérimentent pas toutes les effets négatifs de cet événement de la même façon (Ponce‐Garcia, Madewell, & Brown, 2016). Il convient donc de s’intéresser à la variabilité de répercussions vécues par les victimes, afin de mieux comprendre ce qui fait en sorte que certaines sont plus affectées que d’autres par un événement de même nature. Ullman et son équipe (2007) ont observé ce phénomène de variabilité au sein de leur échantillon de 699 femmes victimes d’ASA. Parmi les participantes, 69,7% présentaient un TSPT probable, avec une moyenne de 19,61 au questionnaire Posttraumatic Stress Diagnostic Scale (PDS; Foa, 1995), le seuil de signification étant de 15 sur 51. L’écart-type était de 12,44, ce qui signifie que la grande majorité des réponses des femmes se situait entre 7,17 et 32,05. Ceci illustre une variabilité importante à l’intérieur de l’échantillon, quant aux symptômes de TSPT. Plus récemment, DiMauro et Renshaw (2018) ont étudié la satisfaction relationnelle et le TSPT chez 164 femmes victimes d’ASA, dont 40,7% présentaient un diagnostic probable de TSPT avec un résultat égal ou supérieur au seuil de signification de 33 sur 80 au PTSD Checklist (PCL-5). La moyenne de l’échantillon à ce questionnaire était de 30,05 et l’écart-type de 23,04, la majorité des scores se situant entre 7,01 et 53,09, ce qui

constitue également une variabilité importante au sein de l’échantillon.

Bon nombre d’auteurs ont étudié différents facteurs pouvant influencer la présence de symptômes de TSPT chez les victimes d’ASA. Ainsi, certains prédicteurs en lien avec les caractéristiques sociodémographiques et personnelles de la victime, les caractéristiques de l’agression, les antécédents traumatiques de la victime, ainsi que les réactions sociales suite au dévoilement ont pu être identifiés (Campbell et al., 2009; Scott et al., 2017). Bien qu’il soit pertinent de connaître ces facteurs de risque, ces prédicteurs sont des éléments sur lesquels la victime n’a peu ou pas de contrôle. D’un point de vue clinique, il serait

également important de s’intéresser aux facteurs sur lesquels les femmes victimes peuvent agir afin de prévenir ou du moins réduire les symptômes de TSPT. Ainsi, la régulation

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émotionnelle et le recours à l’aide d’un professionnel de la relation d’aide seront étudiés. Le temps écoulé depuis la dernière agression sera également observé. L’étude de ces variables permettra de comprendre en partie ce qui peut amener les femmes victimes d’ASA à présenter plus ou moins de symptômes de TSPT. Ce projet permettra aussi de statuer sur la pertinence de recevoir de l’aide suite à une agression et de juger du bien-fondé de la régulation émotionnelle comme cible de traitement.

Régulation émotionnelle. Le traitement des traumas complexes, dont l’ASA, fait

généralement appel à des techniques visant à améliorer la régulation émotionnelle des victimes (Brière & Scott, 2015). La régulation émotionnelle correspond à la capacité de réagir efficacement lors d’événements émotionnellement significatifs (Gratz & Roemer, 2004). McLean et Foa (2017) ont identifié dans leur recension de littérature sur le traitement du stress post-traumatique qu’il existe des liens bien établis entre le TSPT et différentes émotions telles que la honte, la culpabilité, la colère, ainsi que le dégoût. Considérant qu’une ASA provoque souvent de telles émotions négatives chez les victimes (Chivers-Wilson, 2006), il est pertinent de s’intéresser à leur capacité de mettre en place différentes stratégies leur permettant de les gérer. Ces stratégies peuvent être automatiques ou contrôlées, conscientes ou inconscientes et varient en efficacité (Gratz & Roemer, 2004).

La documentation scientifique fait état d’un lien bien établi entre la régulation émotionnelle et la santé mentale dans divers contextes (Berking & Wupperman, 2012; Brière et Scott, 2015; De Castella et al., 2013; Goldsmith, Chesney, Heath, & Barlow, 2013; Seligowski, Rogers et Orcutt, 2015). Sloan et son équipe (2017) rapportent d’ailleurs dans leur revue de littérature que la dysrégulation émotionnelle serait impliquée dans le développement et le maintien de différentes psychopathologies, telles que l’anxiété, la dépression, l’abus de substance, les troubles des conduites alimentaires et le trouble de personnalité limite. Ehring et Quack (2010) ont quant à eux étudié le lien entre les difficultés de régulation émotionnelle et la sévérité des symptômes de TSPT auprès de 616 victimes de différents types de traumatisme. Ils ont pu observer que la régulation émotionnelle était corrélée significativement aux symptômes de TSPT, appuyant ainsi l’idée que les difficultés de régulation émotionnelle constituent un facteur de risque du développement et du maintien du

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TSPT chez les victimes de traumas. D’autres études ont pu valider cette même observation (Aldao, Nolen-Hoeksema, & Schweizer, 2010; Seligowski, Rogers, & Orcutt, 2015), dont la recension de McLean et Foa (2017) sur la régulation émotionnelle et le TSPT. Au-delà d’une simple association entre ces deux variables, certains auteurs ont même soulevé que la régulation émotionnelle permettait d’expliquer en partie la survenue de différents symptômes psychologiques suite à divers traumas, via un modèle de médiation (Brière, Hodges & Godbout, 2010; Brière & Scott, 2015; John, Cisler et Sigel, 2017).

Pour ce qui est du contexte de l’agression sexuelle plus précisément, plusieurs chercheurs ont étudié le lien entre la régulation émotionnelle et l’agression sexuelle avant 16 ans (Chang, Kaczkurkin, McLean, & Foa, 2017 ; Ehring & Quack, 2010; John, Cisler & Sigel, 2017). Ceux-ci s’entendent pour dire que le fait de vivre une ASE nuit au bon développement des capacités de régulation émotionnelle des enfants, ce qui se fait encore sentir chez les victimes lorsqu’elles atteignent l’âge adulte. Pour apprendre à bien se réguler, un enfant a besoin d’un environnement stable et sécuritaire, qui lui permet de vivre des expériences personnelles et interpersonnelles positives (Briere & Rickards, 2007), ce qui n’est pas compatible avec la survenue d’un événement traumatique telle qu’une agression sexuelle. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que des femmes ayant vécu une ASE aient de moins bonnes habiletés de régulation émotionnelle à l’âge adulte que des femmes sans historique d’abus à l’enfance (John, Cisler & Sigel, 2017). Bien que l’influence d’une ASE sur le développement des capacités de régulation émotionnelle soit bien documentée dans la littérature, peu d’études se sont intéressées à la régulation émotionnelle en contexte d’ASA. Néanmoins, Goldsmith et ses collègues (2013) ont étudié l’impact des difficultés de régulation émotionnelle sur divers symptômes psychologiques, en contexte d’abus de confiance, chez 593 étudiants universitaires. L’agression sexuelle faisait partie des situations d’abus de confiance considérées dans l’étude. Les auteures ont pu observer que la présence de symptômes psychologiques suite à un abus de confiance s’expliquait en partie par certaines difficultés de régulation émotionnelle, via un effet de médiation. Ullman, Peter-Hagene et Relyea (2014) ont par la suite étudié l’impact de la dysrégulation émotionnelle au sein d’un échantillon important de 1863 femmes victimes d’ASA. Ils rapportent une corrélation significative entre la dysrégulation émotionnelle et le TSPT (r = 0,59, p ≤ .01), ce qui suggère que les difficultés

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de régulation des émotions sont associées à davantage de symptômes de TSPT. La régulation émotionnelle s’est aussi avérée être un médiateur de la relation entre l’agression et le TSPT dans cette étude.

La régulation émotionnelle comme cible de traitement. Comme il a été démontré que la

régulation émotionnelle contribue au développement et au maintien des symptômes de TSPT en contexte traumatique, plusieurs auteurs se sont interrogés sur la pertinence d’en faire une cible de traitement. Ainsi, l’entrainement à différentes stratégies de régulation émotionnelle s’est avéré être un ingrédient thérapeutique efficace en termes de réduction de symptômes pour les victimes de traumas (Brière & Scott, 2015; Bryant et al., 2013; Gallagher, 2017; Goldsmith et al., 2013). Sloan et ses collaborateurs (2017) se sont quant à eux concentrés sur l’effet des traitements psychologiques sur la régulation émotionnelle et sur la symptomatologie. Sur les 67 études recensées, 65 présentaient une amélioration des aptitudes de régulation émotionnelle et une diminution des symptômes psychologiques suite à différents traitements, ce qui supporte également l’existence d’un lien entre la régulation émotionnelle et les symptômes de TSPT.

Recours à un professionnel de relation d’aide. Outre la régulation émotionnelle, qui

présente un impact significatif sur le développement et le maintien de symptômes post-traumatiques, le recours à l’aide d’un professionnel pourrait également expliquer la variabilité de ces symptômes au sein d’un échantillon de femmes victimes d’ASA. En effet, il existe plusieurs traitements efficaces du TSPT (Metcalf et al., 2016; Ponniah & Hollon, 2009), ce qui a aussi été démontré auprès de victimes d’agression sexuelle (Price, Davidson, Ruggiero, Acierno, & Resnick, 2014; Tambling, 2012; Taylor & Harvey, 2009). Par exemple, Hyland et ses collaborateurs (2016) ont étudié l’évolution des symptômes de TSPT chez 355 victimes d’ASA suivant un traitement. Au premier temps de mesure, soit environ 3 mois après l’agression, 51% des participants répondaient aux critères du TSPT. Au deuxième et au troisième temps de mesure, soit après 6 et 12 mois suivant l’agression, ces proportions diminuaient respectivement à 47% et 36%. Les symptômes de TSPT semblent donc avoir diminué avec le recours à un traitement, bien qu’il demeure difficile de distinguer l’effet réel

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du traitement à celui du simple passage du temps, étant donné l’absence de groupe contrôle dans cette étude.

D’autres auteurs se sont penchés sur l’élaboration et l’évaluation de traitements préventifs pour les victimes d’abus, dont certains présentent des résultats intéressants (Scott et al., 2017). Rothbaum et ses collègues (2012) ont testé l’efficacité d’une intervention précoce visant entre autres à prévenir les symptômes de TSPT en modifiant les souvenirs de l’événement traumatique avant que la mémoire ne se consolide. Chez les 137 participants, la moyenne d’heures depuis le trauma était de 11,79 (ÉT = 12,90) au moment de la première évaluation. L’intervention consistait en un total de trois séances d’une heure chacune d’exposition prolongée, réparties sur trois semaines. Les participants étaient réévalués après 4 et 12 semaines suivant le trauma. Les résultats de cette étude démontrent que les symptômes de TSPT ont significativement diminué après 12 semaines pour les participants ayant eu accès à l’intervention, comparativement à ceux du groupe contrôle. De plus, les auteurs ont observé que l’intervention préventive était particulièrement efficace chez les participants pour qui le trauma vécu était une agression sexuelle.

Le recours à l’aide d’un professionnel de la relation d’aide peut prendre plusieurs formes. Il peut par exemple s’agir d’un support ponctuel de faible intensité ou encore d’un traitement standardisé, intensif. La littérature ne discrimine pas nécessairement la forme et l’intensité de l’aide reçue, mais le fait d’avoir recours à l’aide d’un professionnel semble généralement être bénéfique pour les victimes d’ASA (Campbell, Dworkin, & Cabral, 2009). Dans l’étude d’Ullman et ses collègues (2007), environ deux tiers des femmes victimes d’ASA ayant parlé de leur agression à un proche, à un professionnel de la santé mentale, à un médecin, à un membre du clergé ou à un intervenant dans un centre de support aux victimes d’agression sexuelle ont qualifié le support reçu d’aidant. Le support était toutefois considéré comme étant positif seulement pour une femme sur deux chez celles s’étant tournées vers la police ou vers un parent. Les mêmes auteures ont aussi observé une association positive entre la sévérité des symptômes de TSPT et le soutien reçu suite à l’agression. Ceci signifie selon elles que les femmes présentant des symptômes plus sévères auraient davantage tendance à chercher du support et non que le fait de recevoir du support entraîne une augmentation des

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symptômes. Une simple corrélation ne permet pas de saisir l’effet de l’aide d’un professionnel sur la symptomatologie des victimes.

Bien que la plupart des chercheurs rapportent une réduction significative des symptômes psychologiques vécus par les victimes d’ASA ayant accès à un traitement, Vickerman et Margolin (2009) soulignent que 20% à 50% de celles-ci continuent de souffrir de TSPT, même après les traitements les plus efficaces. Il demeure donc pertinent d’étudier les facteurs pouvant expliquer le fait que les symptômes persistent chez certaines victimes, malgré les traitements.

Temps écoulé depuis la dernière agression. Plusieurs auteurs ont observé une diminution

significative des symptômes post-traumatiques chez des victimes d’agression sexuelle avec le simple passage du temps (Carper et al., 2015; Price et al., 2014). Valentiner et ses collaborateurs (1996) présentent même le TSPT comme étant une réponse normale à l’agression sexuelle, qui s’estompe avec le temps. Les résultats de plusieurs études illustrent un certain phénomène de rétablissement naturel dans la plupart des cas. Néanmoins, il est intéressant de constater que ce phénomène ne touche pas toutes les femmes, puisque certaines victimes demeurent symptomatiques plusieurs années après l’agression (Bryant et al., 2015). Ceci sous-tend la pertinence d’étudier les facteurs influençant la diversité des répercussions psychologiques vécues par les femmes victimes d’ASA.

Certains auteurs ont observé des trajectoires variées d’évolution de symptômes post-traumatiques dans le temps (O’Donnell, Elliott, Lau, & Creamer, 2007; Steenkamp, Dickstein, Salters‐Pedneault, Hofmann, & Litz, 2012). Par exemple, Bryant et ses collègues (2015) ont observé l’évolution des symptômes de TSPT de 1084 patients admis à l’hôpital pour un trauma, sur une période de 22 mois. L’observation des symptômes s’est faite jusqu’à 6 ans après le traumatisme pour lequel chaque participant avait été hospitalisé, ce qui constitue un délai supérieur à ceux étudiés dans la littérature. Grâce à ce travail considérable, les auteurs ont pu identifier cinq trajectoires distinctes empruntées par les victimes de trauma : la trajectoire chronique (4% des cas), la trajectoire de rétablissement (6% des cas), la trajectoire de dégradation, puis rétablissement (8% des cas), la trajectoire de dégradation

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(10% des cas) et finalement, la trajectoire de résilience (73% des cas). Ainsi, dans environ 87% des cas, les victimes se retrouvent avec de faibles niveaux de stress post-traumatique, 6 ans après le trauma.

Finalement, d’autres auteurs ne sont pas parvenus à observer une association significative entre l’évolution des symptômes de TSPT et le passage du temps (Ullman et al., 2006; Ullman et al., 2007;), ce qui va cependant à l’encontre de la majorité des résultats publiés.

L’effet du temps sur la régulation émotionnelle. Différents facteurs et caractéristiques d’une

agression, tels que l’âge au moment de l’agression (Brière, Hodges, & Godbout, 2010; Goldsmith et al., 2013; John, Cisler, & Sigel, 2017; Ullman, Peter-Hagene, & Relyea, 2014), le degré de proximité avec l’agresseur, la fréquence et la sévérité de l’agression (Goldsmith et al., 2013) peuvent faire en sorte que la victime se régule plus ou moins facilement, ce qui influence par la suite le développement et le maintien de symptômes de stress post-traumatique, tel que décrit précédemment. Qu’en est-il du facteur temporel, soit le temps écoulé depuis la dernière agression? Il est déjà connu que la régulation émotionnelle s’améliore avec l’âge (Le Vigouroux et al., 2015; Martin & Ochsner, 2016), ce qui signifie qu’elle présente une certaine évolution positive dans le temps. Il est également possible de croire que, mise à part la maturation émotionnelle de la victime, les affects associées à l’événement traumatique perdent de leur intensité avec les années. Il deviendrait alors plus facile pour la victime se réguler et de gérer les émotions associées à l’agression. Ainsi, les capacités de régulation émotionnelle pourraient être influencée par le simple passage du temps. Ceci pourrait permettre d’expliquer en partie la diminution naturelle des symptômes post-traumatiques des victimes d’ASA dans le temps (Carper et al., 2015; Price et al., 2014; Valentiner et al., 1996).

Quelques liens ont été établis dans la littérature entre les différentes variables présentées précédemment, mais à ce jour, aucune étude ne les inclut toutes dans un même modèle. La contribution de différents facteurs quant au développement de symptômes de TSPT suite à une ASA reste donc à explorer.

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Chapitre 1 : Objectif et hypothèses

L’objectif de ce projet est de comprendre et de circonscrire des facteurs pouvant expliquer la variabilité des répercussions psychologiques observées chez des femmes victimes d’ASA, plus précisément, les symptômes de TSPT. Des analyses acheminatoires seront effectuées afin d’examiner les relations entre les variables indépendantes (VI) de l’étude, soit le temps écoulé depuis la dernière agression, la régulation émotionnelle et le recours à de l’aide professionnelle, ainsi que la variable dépendante (VD), soit la présence de symptômes de TSPT. Des modèles de médiation-modération seront testés, afin de préciser si la régulation émotionnelle et le recours à l’aide d’un professionnel sont des variables d’intérêt pour expliquer la variabilité des symptômes de TSPT chez des femmes victimes d’ASA. Il est attendu que :

A. Un plus grand délai depuis la dernière agression prédise un plus petit nombre de symptômes de TSPT;

B. Une meilleure régulation émotionnelle prédise un plus petit nombre de symptômes de TSPT.

a) De plus, la régulation émotionnelle aurait un rôle significatif dans un modèle de médiation-modération permettant d’expliquer la variabilité des symptômes de TSPT.

b) Le recours à l’aide d’un professionnel serait également une variable d’intérêt dans un tel modèle.

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Chapitre 2 : Méthode

Le présent projet s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche plus large, soit celui de Marie-Pier Vaillancourt-Morel (Université du Québec à Trois-Rivières) et de Stéphane Sabourin (Université Laval) portant sur la sexualité des femmes ayant vécu une expérience sexuelle non-désirée à l’âge adulte. Celui-ci a pour but de documenter les répercussions sexuelles à court et à long terme chez des femmes ayant vécu une ASA et de mieux circonscrire les facteurs associés à l’évolution de ces répercussions sexuelles de même que la variété des trajectoires de vie sexuelle chez ces femmes. Ce projet a été approuvé par les comités d’éthique de l’Université Laval et de l’Université de Montréal.

Participantes

Le recrutement des participantes a débuté au mois d’avril 2017, suite à l’approbation du comité d’éthique de la recherche de l’Université Laval. Les questionnaires de 237 femmes victimes d’ASA ont été utilisés pour la présente étude. Les critères d’inclusion étaient : 1) être une femme, 2) être âgée de 18 ans ou plus, 3) avoir vécu une expérience sexuelle non-désirée à l’âge adulte, c’est-à-dire à compter de 16 ans, 4) maîtriser le français écrit et 5) se sentir à l’aise de répondre à des questions portant sur leur expérience sexuelle non-désirée et des antécédents de violence autant à l’enfance qu’à l’âge adulte.

L’échantillon est composé de 237 participantes, âgées entre 19 et 69 ans et dont la moyenne d’âge est de 30,21 ans (ÉT = 10,35). Elles ont été recrutées dans la population générale à travers le Québec. Parmi l’échantillon, 86,1% (n = 204) des femmes s’identifient à la culture québécoise ou canadienne française et 13,9% (n = 33) s’identifie à une autre culture. Des 237 participantes, 61,2% (n = 145) sont en couple et 38,8% (n = 92) sont célibataires. Pour ce qui est de leur orientation sexuelle, 70,9% (n = 168) des femmes se disent hétérosexuelles, 12,2% (n = 29) se disent bisexuelles, 11,8% (n = 28) se disent queer ou pansexuelles et 5% (n = 12) se disent asexuelles, incertaines ou confuses. Sur le plan occupationnel, 54,9% (n = 130) des participantes sont étudiantes, 37,6% (n = 89) occupent un emploi à temps plein ou à temps partiel et 7,6% (n = 18) sont en arrêt de travail, sans emploi, retraitées ou à la maison à temps plein. Pour ce qui est du revenu annuel, 30,4% (n

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= 72) des femmes de l’échantillon gagnent moins de 10 000$, 36,7% (n = 87) gagnent entre 10 000$ et 29 999$ et 32,9% (n = 78) gagnent plus de 30 000$. Finalement, les

participantes ont entre 7 et 27 années de scolarité, avec une moyenne de 16,75 années (ÉT = 2,96), ce qui correspond à un niveau universitaire.

Procédure

Différentes méthodes de recrutement ont été utilisées: messages sur les réseaux sociaux, listes de diffusion de courriel, distribution de prospectus et d’affiches. Des prospectus présentant l’étude ont été remis aux victimes dans le CALACS de Québec et le centre désigné pour accueillir les victimes d’agression sexuelle de Québec. Les femmes intéressées à participer à l’étude étaient invitées à contacter l’équipe de recherche par courriel.

Suite au premier contact par message électronique, un rendez-vous téléphonique était fixé. Les entrevues téléphoniques semi-dirigées duraient environ 10 minutes et visaient à bien expliquer le projet aux participantes, ainsi qu’à déterminer leur éligibilité en fonction des critères présentés précédemment. Si elles étaient éligibles et toujours intéressées à prendre part à l’étude, un lien Qualtrics, une plateforme de sondage en ligne, leur était acheminé afin qu'elles complètent les instruments de mesure. Le temps nécessaire pour compléter ces questionnaires était d’environ 45 minutes.

Instruments de mesure

Les questionnaires auxquels les participantes devaient répondre portent sur plusieurs variables qui traitent autant des antécédents de violence à l’enfance que des facteurs relationnels, psychologiques, ainsi que des répercussions sexuelles vécues suite à l’ASA. Tous ces questionnaires étaient en anglais et ont été traduits en français dans le but de faciliter leur utilisation. Afin de s’assurer de la validité des traductions, les questionnaires ont été retraduits en anglais, puis comparés aux versions originales. Dans le cadre de la présente étude, seuls les questionnaires portant spécifiquement sur nos questions de recherche sont présentés. Ces questionnaires se retrouvent en annexe.

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Caractéristiques sociodémographiques. Les participantes ont complété un questionnaire

de neuf items portant sur des caractéristiques sociodémographiques (genre, âge, scolarité, culture, occupation, revenu, orientation sexuelle, statut relationnel, durée de la relation de couple).

Agression sexuelle à l’âge adulte. Les expériences sexuelles non-désirées ont été évaluées

grâce aux 12 items issus du Sexual Experience Survey (SES; Koss et al., 2006) et aux 14 items développés en collaboration avec le CALACS de Québec. Le SES constitue la mesure de victimisation sexuelle à l’âge adulte la plus utilisée puisque les items sont axés sur les comportements subis et sur la tactique utilisée par l’agresseur, en plus d’éviter des termes potentiellement stigmatisants tels qu’« agression sexuelle » ou « viol ». L’utilisation d’une méthode d’évaluation des comportements génère des taux de prévalence de l’ASA de 4 à 11 fois plus élevés qu’une méthode fondée sur des items subjectifs (Fisher, 2009). Les 12 premiers items, issus du SES, permettent d’identifier la présence d’ASA selon la définition du présent projet et de décrire le type d’acte vécu lors de toutes les agressions sexuelles subies depuis l’âge de 16 ans. Parmi les 14 autres items se retrouvent les items permettant de mesurer les variables « temps écoulé depuis la dernière agression » et « recours à de l’aide professionnelle », qui seront discutées ultérieurement.

Trouble de stress post-traumatique. Les symptômes du trouble de stress post-traumatique

sont évalués par l’Échelle de diagnostic post-traumatique adapté au DSM-5 (Posttraumatic

Diagnostic Scale for DSM-5, PDS-5; Foa et al., 2016). Cet instrument comporte 20 items

permettant d’identifier la présence et la sévérité de symptômes ou d’un trouble de stress post-traumatique selon les critères du DSM-5. Chacun de ces items est coté sur une échelle de type Likert en 5 points (0 = Pas du tout, 4 = 6 fois ou plus par semaine/sévèrement). Un score de 28 sur 100 correspond au seuil utilisé afin de déterminer la présence probable d’un trouble de stress post-traumatique. Quatre autres items permettent d’évaluer la détresse et le degré d’interférence causée par les symptômes, ainsi que l’apparition et la durée de ceux-ci. Le PDS-5 a démontré une excellente cohérence interne (α = .95), une fidélité test-retest adéquate (r = .90) et une bonne validité convergente avec le PTSD Checklist-Specific Version (r = .90) et le PTSD Symptom Scale-Interview DSM-5 (r = .85) (Foa et al., 2016).

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En analysant les données des 237 participantes de l’étude, ce questionnaire présente effectivement une bonne cohérence interne

(α = .95).

Régulation émotionnelle. La régulation émotionnelle est évaluée à l’aide de deux

sous-échelles de l’Inventaire des capacités altérées du soi (Inventory of Altered Self-Capacities, Briere & Runtz, 2002; traduit par Bigras, Godbout, & Briere, 2015). La première sous-échelle inclut 9 items et elle évalue les problèmes de régulation émotionnelle associés à des sautes d’humeur et à l’incapacité d’inhiber la colère. La deuxième sous-échelle comprend 9 items mesurant les activités visant à réduire les tensions internes. Elle évalue la tendance d’un individu à recourir à des comportements de passage à l’acte dans le but d’apaiser des états émotionnels internes douloureux. Les 18 items sont cotés sur une échelle de type Likert en cinq points (1 = jamais; 5 = très souvent). Le score théorique de chaque sous-échelle varie de 9 à 45. Plus le score est élevé, plus la régulation émotionnelle est problématique. Les qualités psychométriques bien établies de la version anglaise du questionnaire (Briere & Runtz, 2002) ont été répliquées dans la version française de cet inventaire (α = .72 et .90) (Bigras, Godbout & Briere, 2015). La cohérence interne de ce questionnaire auprès des 237 participantes de l’étude est satisfaisante (α = .92).

Recours à l’aide d’un professionnel. Le recours à l’aide d’un professionnel est une variable

dichotomique qui a pu être identifiée à partir d’un item ajouté au SES : « Depuis la plus récente expérience sexuelle non-désirée, avez-vous eu recours à un professionnel de la relation d’aide? ». Cette question ne permet pas de préciser la fréquence, ni l’intensité ou encore le type d’aide reçu, mais permet d’identifier les femmes qui ont eu recours à l’aide d’un professionnel de la relation d’aide au moins une fois depuis leur dernière agression.

Temps écoulé depuis la dernière agression. Le temps écoulé depuis la dernière agression

était également identifié à partir d’un item ajouté au SES : « À quand remonte la plus récente expérience sexuelle non-désirée? ». Les femmes pouvaient fournir leur réponse en jours, en semaines, en mois ou en années. Les réponses données en jours, en semaines et en mois ont

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par la suite été converties en années, afin que l’unité de mesure soit uniforme au sein de l’échantillon.

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Chapitre 3 : Analyses statistiques

Dans un premier temps, les analyses exploratoires ont été effectuées avec le logiciel SPSS

22.0. Des analyses descriptives ont d’abord été réalisées afin d’observer les fréquences,

moyennes et écarts-types des variables sociodémographiques et des autres variables d’intérêt du projet. Ceci a permis de définir avec plus de précision l’échantillon total à l’étude. Ensuite, toujours dans une visée exploratoire, des tests-t ont été effectués avoir d’observer s’il existe des différences significatives entre les femmes qui présentent un diagnostic probable de TSPT et celles qui ne le présentent pas.

Afin de faciliter la suite des analyses et l’interprétation des résultats, les scores à la variable « dysrégulation émotionnelle » ont été recodés afin de créer une variable de « régulation émotionnelle » et de faciliter l’interprétation des résultats.

Par la suite, des analyses corrélationnelles ont été effectuées dans le but d’observer les potentielles associations significatives entre les différentes variables à l’étude. Des analyses acheminatoires ont aussi été réalisées avec le logiciel Mplus 7.0, afin de tester différents modèles de médiation-modération et ainsi d’examiner le rôle de la régulation émotionnelle parmi l’ensemble des variables. L’ajustement du modèle final aux données a été testé à partir de quatre indices, soit le test du Chi-carré, l'erreur quadratique moyenne de l'approximation (Root Mean Square Error of Approximation; RMSEA), la racine du carré moyen d'erreur (Standardized Root Mean Residual; SRMR) et l’indice comparatif d’ajustement (Comparative Fit Index; CFI). Un test du Chi-carré non significatif, un RMSEA et un SRMR inférieurs à 0.06, ainsi qu’un CFI égal ou supérieur à 0.90 sont des indicateurs d’un bon ajustement.

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Chapitre 4 : Résultats

Le concept d’agression sexuelle est très large et regroupe plusieurs actes possibles. L’ASA étant la condition principale de ce projet, il convient de préciser les formes d’agressions vécues par les participantes selon les 11 premiers items du Sexual Experience Survey (SES; Koss et al., 2006). Le tableau suivant présente ces items, en ordre du plus fréquent au moins fréquent au sein de l’échantillon :

Tableau 1.

Fréquence des items du SES

Items du SES Fréquence Quelqu’un a caressé, embrassé ou s’est frotté contre les parties

intimes de mon corps (lèvres, seins/poitrine, entrejambe ou fesses) ou a retiré certains de mes vêtements sans mon consentement (mais n’a

pas tenté de pénétration sexuelle).

76.4%

Quelqu’un a mis son pénis, ses doigts ou des objets dans mon vagin

sans mon consentement. 66.7%

Même si ce n’est pas arrivé, quelqu’un a ESSAYÉ d’insérer son pénis, ses doigts ou des objets dans mon vagin sans mon consentement.

49.8% Quelqu’un a eu du sexe oral avec moi ou m’a fait faire du sexe oral

avec lui sans mon consentement. 45.6% Même si ce n’est pas arrivé, quelqu’un a ESSAYÉ d’avoir du sexe

oral avec moi ou de me faire avoir du sexe oral avec lui sans mon consentement.

37.6% Quelqu’un a mis son pénis, ses doigts ou des objets dans mon anus

sans mon consentement. 28.7%

Même si ce n’est pas arrivé, quelqu’un a ESSAYÉ de mettre son pénis, ses doigts ou des objets dans mon anus sans mon consentement.

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Des analyses descriptives ont ensuite permis d’identifier que 27,4% (n = 63) des participantes présentent un diagnostic probable de TSPT, alors que 72,6% (n = 167) ne présentent pas ce trouble. La moyenne de l’échantillon à l’Échelle de diagnostic post-traumatique adapté au DSM-5 (Posttraumatic Diagnostic Scale for DSM-5, PDS-5; Foa et al., 2016) est de 19,83 (ÉT = 17,68) sur une possibilité de 100, avec un seuil de signification clinique à 28. Pour ce qui est de la régulation émotionnelle, les femmes de l’échantillon ont obtenu une moyenne de 71,86 (ÉT = 13,89) sur une possibilité de 90 aux items inversés de l’Inventaire des capacités altérées du soi (Inventory of Altered Self-Capacities, Briere & Runtz, 2002; traduit par Bigras, Godbout, & Briere, 2015). Plus le score total est élevé, plus les capacités de régulation émotionnelle le sont également. En ce qui a trait au temps écoulé depuis la dernière agression, les données se répartissent entre une journée et 43 années, avec une moyenne de 4,95 ans (ÉT = 6,84 ans). Finalement, 49,8% (n = 117) des participantes affirment avoir eu

PEUT-ÊTRE que quelqu’un a caressé, embrassé ou s’est frotté contre les parties intimes de mon corps (lèvres, seins/poitrine, entrejambe ou fesses) ou a retiré certains de mes vêtements sans mon consentement (mais n’a pas tenté de pénétration sexuelle), parce que je me suis réveillée nue, sans me souvenir ou avec des souvenirs vagues de ce qui s’est passé.

21.5%

PEUT-ÊTRE que quelqu’un a inséré son pénis, ses doigts ou des objets dans mon vagin sans mon consentement, parce que je me suis réveillée avec une douleur au vagin, sans me souvenir ou avec des souvenirs vagues de ce qui s’est passé.

15.6%

PEUT-ÊTRE que quelqu’un a eu du sexe oral avec moi ou m’a fait avoir du sexe oral avec lui sans mon consentement, parce que je me suis réveillée avec le vagin mouillé ou avec une douleur à la bouche, sans me souvenir ou avec des souvenirs vagues de ce qui s’est passé.

9.3%

PEUT-ÊTRE que quelqu’un a mis son pénis, ses doigts ou des objets dans mon anus sans mon consentement, parce que je me suis réveillée avec une douleur à l’anus, sans me souvenir ou avec des souvenirs vagues de ce qui s’est passé.

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recours à l’aide d’un professionnel et 50.2% (n = 118) disent ne pas avoir eu recours à une telle aide.

Les tests-t ont, quant à eux, permis d’observer quelques différences statistiquement significatives entre les femmes de l’échantillon qui présentent un diagnostic probable de TSPT et celles qui ne rencontrent probablement pas les critères de ce trouble. D’abord, seuls deux items du SES présentaient des fréquences significativement différentes pour ces deux sous-groupes :

Tableau 2.

Fréquence des items du SES selon la présence d’un TSPT

Items du SES Fréquence pour les participantes avec TSPT Fréquence pour les participantes sans TSPT Chi-carré (χ2) Quelqu’un a eu du sexe oral avec moi ou

m’a fait faire du sexe oral avec lui sans mon consentement.

60,3% 38,3% 8,97 Même si ce n’est pas arrivé, quelqu’un a

ESSAYÉ d’avoir du sexe oral avec moi ou de me faire avoir du sexe oral avec lui sans mon consentement.

52,4% 31,1% 8,86

Ces deux items s’avèrent être les seuls items du SES qui concernent le sexe oral. Ensuite, le score moyen de régulation émotionnelle pour les femmes présentant un TSPT probable est significativement inférieur (M = 60,75) au score moyen des femmes ne présentant pas ce trouble (M = 75,96; d = 1,16). De la même manière, le temps moyen écoulé depuis la dernière agression pour les femmes présentant un TSPT probable est significativement inférieur (M = 3,48 ans) au temps moyen écoulé depuis la dernière agression pour celles ne présentant pas ce trouble (M = 5,57 ans; d = 0,34). Finalement, pour ce qui est du recours à l’aide d’un professionnel, les femmes présentant un diagnostic probable de TSPT ont significativement

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plus consulté (68,3%) que les femmes ne présentant pas ce diagnostic (43,7%; χ2(1) = 11.02, p < .01).

Les analyses corrélationnelles ont ensuite permis d’identifier plusieurs relations significatives entre les différentes variables à l’étude. Elles sont résumées dans le tableau suivant :

Tableau 3.

Corrélations entre les variables

Corrélations de l’échantillon total Corrélations selon le recours à l’aide d’un professionnel

1. 2. 3. 1. 2. 3. 1. TSPT --- --- --- --- -.518** -.207* 2. Régulation émotionnelle -.584** --- --- -.632** --- .239* 3. Temps écoulé depuis la dernière agression -.183** .284** --- -.227* .357** ---

Note. La première matrice concerne l’ensemble de l'échantillon. La partie supérieure de la deuxième matrice montre les corrélations pour les participantes qui n’ont pas eu recours à l’aide d’un professionnel. La partie inférieure de la deuxième matrice montre les corrélations pour les participantes qui ont eu recours à l’aide d’un professionnel.

** p < .01 * p < .05

Ainsi, il est possible de constater que de bonnes capacités de régulation émotionnelle sont associées à un plus petit nombre de symptômes de TSPT (r = -.584). Il semblerait également qu’un plus grand délai depuis la dernière agression soit associé avec une meilleure régulation émotionnelle (r = .284), ainsi qu’avec un plus petit nombre de symptômes de TSPT (r = -.183). Ces mêmes relations ont aussi été observées en fonction du recours à l’aide d’un

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professionnel. La relation négative entre la régulation émotionnelle et les symptômes de TSPT semblerait plus forte chez les participantes qui ont eu recours à l’aide d’un professionnel de la relation d’aide (r = -.632), comparativement à celles qui n’ont pas reçu d’aide (r = -.518). Ces différents résultats seront discutés ultérieurement.

Par la suite, des analyses acheminatoires ont permis d’identifier un modèle de médiation-modération significatif permettant d’expliquer une part de variabilité des symptômes de TSPT au sein de l’échantillon. La méthode du maximum de vraisemblance à données complètes (FIML; Full Information Maximum Likelihood) a été utilisée pour traiter les sept données manquantes du modèle, ce qui constitue 2,9% de l’échantillon total de 237 participantes.

Figure 1.

Modèle de médiation-modération

Note. RAP = Recours à l’aide d’un professionnel

Selon ce modèle, le nombre de symptômes de TSPT ne s’expliquerait pas par le temps écoulé depuis la dernière agression, la relation entre ces deux variables n’étant pas statistiquement significative. L’évolution des symptômes de TSPT s’expliquerait plutôt par un lien indirect via la régulation émotionnelle. L'effet modérateur de cette variable a également été testé, sans toutefois s’avérer significatif. Le modèle présente néanmoins un effet de modération significatif du recours à l’aide d’un professionnel sur la relation entre la régulation émotionnelle et les symptômes de TSPT. L’effet indirect du temps écoulé depuis l’agression

Temps écoulé depuis la dernière agression

Régulation émotionnelle

TSPT - 0.018

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sur l’évolution des symptômes de TSPT est significatif autant pour les participantes ayant eu recours à de l’aide (EI = -.50, IC = [-.73, -.31], EIstand = -.19) que pour celles n’y ayant pas

eu recours (EI = -.31, IC = [-.49, -.18], EIstand = -.12). La différence entre ces deux effets

indirects conditionnels au fait d’avoir eu recours ou non à de l’aide est également significative (DIFF = -.19, IC = [-.38, -.02]). Ainsi, l’association est significativement plus forte chez les femmes qui ont eu recours à l’aide d’un professionnel. Les différents indices d’ajustement utilisés démontrent que le modèle s’ajuste très bien aux données (χ2(5) = 0.46,

p = 0.99; RMSEA = 0.00; SRMR = 0.01; CFI = 1.00). De plus, le modèle proposé explique

39,8% de la variabilité des symptômes de TSPT. Ce dernier résultat montre bien la pertinence de la régulation émotionnelle et du recours à l’aide d’un professionnel dans l’étude du développement de symptômes post-traumatiques, suite à une ASA.

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Chapitre 5 : Discussion

L’objectif du présent projet était de mieux comprendre la variabilité des symptômes post-traumatiques vécus par les femmes victimes d’ASA. Il était attendu que la régulation émotionnelle, le temps écoulé depuis la dernière agression et le recours à l’aide d’un professionnel expliquent cette variabilité.

Tout d’abord, plusieurs associations significatives ont pu être observées entre les différentes variables à l’étude. Tel que démontré dans la documentation scientifique, des difficultés de régulation émotionnelle sont liées à un niveau plus élevé de sévérité des symptômes post-traumatiques. Ce résultat appuie ceux des nombreuses études rapportant un rapport significatif entre ces deux variables (Aldao, Nolen-Hoeksema, & Schweizer, 2010; Ehring & Quack, 2010; McLean & Foa, 2017; Seligowski, Rogers, & Orcutt, 2015). En ce sens, le fait que le score moyen de régulation émotionnelle des femmes de l’échantillon présentant un TSPT probable soit significativement plus faible que le score moyen des femmes ne présentant pas de tel diagnostic n’est pas surprenant. Qui plus est, l’intensité de l’écart entre les moyennes de ces deux sous-groupes est qualifiée d’élevée à très élevée selon l’échelle de Cohen (d = 1,16 ; Cohen, 1988), ce qui témoigne de l’influence des mauvaises habiletés de régulation émotionnelle sur le développement des symptômes post-traumatiques. Le temps écoulé s’est également avéré être un facteur associé significativement au TSPT, ce qui supporte les études démontrant qu’un plus grand délai depuis la dernière agression est lié à une moindre sévérité des symptômes post-traumatiques (Carper et al., 2015; Price et al., 2014; Valentiner et al., 1996). Ceci explique aussi probablement le fait que la dernière agression sexuelle des femmes présentant un TSPT probable soit significativement plus récente que la dernière agression des femmes qui ne présentent pas ce diagnostic. Finalement, la régulation émotionnelle et le temps écoulé depuis la dernière agression sont également liés significativement, ce qui constitue un résultat nécessitant davantage d’analyses pour être interprété correctement.

Ensuite, les analyses acheminatoires ont permis de mieux comprendre comment les différentes variables à l’étude s’inter-influencent. La régulation émotionnelle s’est bel et bien

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avérée être une variable d’intérêt au sein d’un modèle de médiation-modération pour expliquer la sévérité des symptômes de TSPT. Alors que le temps écoulé depuis la dernière agression était corrélé significativement aux symptômes de TSPT, l’ajout de la régulation émotionnelle au sein du modèle est venu compromettre le caractère significatif du lien direct entre ces deux variables. Ceci signifie que le temps écoulé affecte indirectement les symptômes post-traumatiques via la régulation émotionnelle. Le passage du temps à lui seul ne serait donc pas suffisant pour expliquer la diminution des symptômes de TSPT suivant une ASA lorsque l’on considère les capacités de régulation émotionnelle des victimes. Ce résultat va dans le sens des données obtenues par certains auteurs qui considéraient également la régulation émotionnelle comme une variable médiatrice du lien entre l’ASA et le TSPT (Goldsmith et al., 2013; Ullman, Peter-Hagene, & Relyea, 2014). Il vient toutefois contredire les résultats des études qui considéraient le temps comme prédicteur à part entière de l’évolution des symptômes post-traumatiques chez les victimes d’ASA (Carper et al., 2015; Price et al., 2014; Valentiner et al., 1996). Ainsi, un plus grand délai depuis la dernière agression favoriserait de meilleures aptitudes de régulation émotionnelle chez les victimes, comme le laissait présager la corrélation positive entre ces deux variables. Ce phénomène pourrait s’expliquer par le fait que le passage du temps fait en sorte que l’événement traumatique perd de son intensité, se régulant ainsi plus facilement par la victime. De plus, avec le passage du temps vient le vieillissement normal de la victime qui est associé à une maturation des capacités de régulation émotionnelle (Le Vigouroux et al., 2015; Martin & Ochsner, 2016). Par la suite, toujours selon le modèle, de meilleures aptitudes de régulation émotionnelle chez les victimes d’ASA prédiraient une diminution du niveau de sévérité du TSPT. Ainsi, tel qu’attendu, la régulation émotionnelle permet effectivement d’expliquer la variabilité de symptômes post-traumatiques au sein d’un échantillon de femmes victimes d’ASA. Le temps écoulé depuis la dernière agression contribue également à cette variabilité, de manière uniquement indirecte toutefois.

Au modèle de médiation s’ajoute une modération significative qui illustre le rôle du recours à l’aide d’un professionnel au sein du modèle. En effet, il a été démontré que le fait d’avoir eu recours à l’aide d’un professionnel de la relation d’aide modère l’intensité de l’effet de la régulation émotionnelle sur le TSPT. De façon préliminaire, il a pu être observé que la

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corrélation entre la régulation émotionnelle et le TSPT était plus forte auprès des femmes ayant eu recours à l’aide d’un professionnel, comparativement à celles n’ayant pas reçu d’aide. Alors qu’il a déjà été démontré que de bonnes capacités de régulation émotionnelle prédisent une moindre sévérité des symptômes de TSPT pour l’ensemble de l’échantillon, la modération indique que cette association est plus forte chez les femmes qui ont eu recours à l’aide d’un professionnel. Ainsi, les aptitudes de régulation émotionnelle semblent réduire encore plus la sévérité des symptômes post-traumatiques chez les femmes qui ont eu recours à l’aide d’un professionnel. Cette dernière variable permet donc de mieux comprendre la variabilité des symptômes vécus par les femmes victimes d’ASA, tel qu’estimé. Ce résultat corrobore ceux des nombreuses études rapportant un effet positif du support chez les victimes d’ASA ou encore d’un traitement plus standardisé (Campbell, Dworkin, & Cabral, 2009; Hyland et al., 2016; Price et al., 2014; Rothbaum et al., 2012; Scott et al., 2017; Tambling, 2012; Taylor & Harvey, 2009). De plus, les femmes de l’échantillon présentant un TSPT probable ont eu significativement plus recours à l’aide d’un professionnel que les femmes ne présentant pas ce diagnostic, ce qui signifierait que les femmes qui vivent davantage de répercussions suite à l’agression auraient plus tendance à chercher de l’aide. Ce résultat supporte le travail d’Ullman et de ses collègues (2007) qui ont obtenu une corrélation positive entre le recours à de l’aide et la sévérité des symptômes de TSPT. Comment comprendre toutefois que le recours à l’aide d’un professionnel permette de moduler l’intensité de l’effet de la régulation émotionnelle sur le TSPT? Tel qu’indiqué dans la littérature, plusieurs traitements du TSPT incluent une composante d’apprentissage et d’entrainement aux différentes stratégies de régulation émotionnelle (Brière & Scott, 2015; Bryant et al., 2013; Gallagher, 2017; Goldsmith et al., 2013) ou du moins, contribuent à améliorer les capacités de régulation sans nécessairement intervenir directement à ce niveau (Sloan et al., 2017). Il est donc possible de supposer que les femmes qui ont eu recours à l’aide d’un professionnel ont vu leurs aptitudes de régulation se développer de manière significative. L’étude offre toutefois très peu de détails sur la nature de l’aide professionnelle reçue par certaines femmes de l’échantillon. Puisque la question permettant de mesurer le recours à l’aide est très large (« Depuis la plus récente expérience sexuelle non-désirée, avez-vous eu recours à un professionnel de la relation d’aide? »), il est impossible de connaître la nature, la fréquence ou l’intensité du traitement reçu et encore moins de savoir si la régulation émotionnelle faisait

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partie des cibles thérapeutiques visées. Il est donc difficile de comprendre le processus par lequel le recours à l’aide d’un professionnel a pu concrètement influencer l’effet de la régulation émotionnelle sur les symptômes de TSPT.

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Conclusion

La présente étude a permis d’identifier la régulation émotionnelle, le temps écoulé depuis la dernière agression et le recours à l’aide d’un professionnel comme des facteurs contribuant à expliquer la présence de variabilité de symptômes post-traumatiques auprès de femmes victimes d’ASA. Il a même été démontré que ces variables permettent d’expliquer un fort pourcentage de la variabilité des symptômes de TSPT.

Bien que certaines conclusions intéressantes puissent être tirées de cette étude, quelques limites méthodologiques exigent de faire preuve de prudence lorsqu’il est question d’interpréter nos résultats. D’abord, il est important de souligner que l’échantillon de participantes n’est pas nécessairement représentatif de l’ensemble des femmes victimes d’ASA. En effet, une forte proportion des femmes de l’échantillon sont des étudiantes, en raison des moyens de recrutement. De plus, la méthode d’échantillonnage par convenance utilisée fait en sorte que seules les femmes qui ont accès à Internet et qui se sentent suffisamment à l’aise avec leurs expériences abusives répondent aux questionnaires. Cela pourrait laisser présager que les femmes qui acceptent de participer à l’étude vivent moins de répercussions négatives suite à leur agression. Toutefois, avec une proportion de 27,4% des femmes de l’échantillon présentant un TSPT probable, il semblerait que même les victimes les plus affectées acceptent de partager leur expérience dans le contexte d’une recherche. Bien que l’échantillon de cette étude ne soit pas représentatif de l’ensemble des femmes ayant vécu une ASA, la proportion de femmes présentant un diagnostic probable de TSPT est comparable aux pourcentages rapportés dans plusieurs autres recherches étudiant la même population (Campbell et al., 2009; Scott et al., 2017). Outre la représentativité de l’échantillon, l’utilisation de questionnaires auto-rapportés constitue également une limite de la présente étude. Néanmoins, l’assurance que les résultats demeureront confidentiels peut permettre de contrer le potentiel biais de désirabilité des répondantes, permettant l’obtention de résultats aussi valides que possible.

De plus, comme pour plusieurs études sur l’ASA, le devis transversal constitue souvent une limite à l’interprétation des résultats. Dans ce cas-ci, il est difficile de tirer des conclusions

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quant aux effets de la régulation émotionnelle sur les symptômes post-traumatiques dans le temps. En effet, les scores de régulation émotionnelle fournis par les participantes sont obtenus plusieurs années après l’abus dans certains cas. Ainsi, l’Inventaire des capacités altérées du soi témoigne de l’efficacité des stratégies qu’une personne utilise pour gérer ses émotions en général et non de sa capacité à gérer les émotions associées à l’agression passée. Afin de bien comprendre l’impact de l’ASA sur les aptitudes générales de régulation émotionnelle, il aurait fallu que les participantes remplissent le questionnaire avant leur agression. Bien qu’il soit impossible d’obtenir les scores de régulation émotionnelle pré-agression, il serait à tout le moins pertinent d’utiliser un devis longitudinal afin d’observer l’évolution de cette variable, à mesure que le délai depuis la dernière agression grandit. Une autre limite réside dans l’opérationnalisation très large du recours à l’aide d’un professionnel. Tel que décrit précédemment, la question utilisée pour déterminer si une victime a eu ou non recours à de l’aide n’offre aucune précision quant à l’aide reçue. Il serait intéressant de préciser la question afin de monitorer les effets plus précis du recours à l’aide d’un professionnel selon l’intensité du suivi, le nombre de rencontres effectuées ou toutes autres modalités thérapeutiques pertinentes. De plus, la question cible la potentielle aide reçue depuis la dernière agression. Une femme peut donc indiquer ne pas avoir reçue d’aide depuis la dernière agression, bien qu’elle ait peut-être déjà consulté pour une agression antérieure. Les effets de cette précédente consultation auraient pu se généraliser à sa plus récente agression et ainsi réduire les potentiels symptômes de TSPT occasionnés par cette-dernière. La question sur le recours à l’aide d’un professionnel ne permet toutefois pas de tenir compte de l’existence d’un quelconque traitement ayant eu lieu avant la dernière agression de la répondante, bien que celui-ci puisse influencer les répercussions psychologiques mesurées pas l’étude.

Dans le même ordre d’idées, certains facteurs confondants peuvent avoir influencé les résultats rapportés dans cette étude. Comme il est connu que le fait d’avoir vécu une ASE peut nuire au bon développement de la régulation émotionnelle et entrainer l’apparition de symptômes post-traumatiques (Brière, Hodges & Godbout, 2010; John, Cisler & Sigel, 2017), il aurait été pertinent de retirer de l’échantillon les femmes ayant vécu une ASE pour

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ne conserver que celles qui n’en ont pas vécu. En effet, une femme victime d’ASE pourrait avoir obtenu un score très faible de régulation émotionnelle et présenter plusieurs symptômes de TSPT sans que cela ne soit lié à son ASA ou encore au temps écoulé depuis sa dernière agression. En contrôlant pour le vécu abusif à l’enfance des participantes, il aurait été possible d’isoler les répercussions psychologiques dues à l’ASA uniquement. Cette manipulation aurait toutefois engendré une réduction du nombre de participantes dans chaque groupe, occasionnant d’autres limites sur le plan des analyses et de l’interprétation des résultats. De la même façon, les autres types d’abus (p. ex. violence physique, violence psychologique) n’ont pas été mesurés dans la présente étude, mais sont connus pour les graves effets qu’ils peuvent causer chez les victimes (Coker, 2007; Creamer, Burgess & McFarlane, 2001). Il aurait donc été pertinent de contrôler pour les diverses formes de victimisation et ainsi isoler les impacts de l’ASA.

Bien que cette étude présente certaines limites, elle présente également des forces. D’abord, les questionnaires utilisés ont été validés et présentent de bonnes propriétés psychométriques, tel que démontré dans la section sur les instruments de mesure. De plus, l’échantillon est composé d’un nombre respectable de participantes qui a permis de bien évaluer les hypothèses de départ. Sur le plan empirique, la présente étude innove en ciblant la régulation émotionnelle en contexte d’ASA, deux variables rarement étudiées simultanément dans la littérature. Elle innove également sur le plan clinique en ciblant des variables sur lesquelles les victimes ont un certain pouvoir. Plutôt que de mesurer les répercussions psychologiques d’une ASA selon certaines caractéristiques fixes de l’événement, comme c’est souvent le cas dans la littérature, la présente étude examine la régulation émotionnelle et le recours à l’aide d’un professionnel, deux variables sur lesquelles les victimes peuvent agir. En effet, une victime peut décider d’aller consulter et de travailler ses habiletés de régulation émotionnelle si ces deux éléments sont considérés comme potentiellement aidants dans sa situation. À l’inverse, elle ne pourrait pas modifier son lien avec l’agresseur, ni son état de consommation au moment de l’agression par exemple, même si ces caractéristiques sont reliées à certaines conséquences d’une ASA dans la littérature. Qui plus est, ces caractéristiques fixes peuvent être culpabilisantes pour les victimes, alors que l’étude de la régulation émotionnelle et du recours à de l’aide leur offre une avenue plus positive et empreinte d’espoir.

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