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Influence de la comorbidité dans le traitement des troubles anxieux et dépressifs

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Academic year: 2021

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© Jessica Philippe, 2020

Influence de la comorbidité dans le traitement des

troubles anxieux et dépressifs

Mémoire doctoral

Jessica Philippe

Doctorat en psychologie

Docteure en psychologie (D. Psy.)

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INFLUENCE DE LA COMORBIDITÉ DANS LE TRAITEMENT DES

TROUBLES ANXIEUX ET DÉPRESSIFS

Mémoire doctoral

Par Jessica Philippe

Sous la direction de :

M. Martin D. Provencher (Ph.D.), directeur de recherche

École de psychologie Université Laval

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Résumé

Cette étude s’intéresse à l’influence de la comorbidité dans le traitement des troubles anxieux, dépressifs et apparentés à l’aide de la thérapie cognitive-comportementale (TCC). L’échantillon est constitué de 293 personnes qui ont suivi une TCC adaptée en fonction de leurs besoins au Service de Consultation de l’École de Psychologie (SCEP) de l’Université Laval entre 2007 et 2018. Les participants devaient présenter un trouble anxieux, dépressif ou un trouble apparenté et étaient exclus s’ils présentaient des symptômes psychotiques ou maniaques non contrôlés ou un trouble lié à l’utilisation d’une substance au premier plan. Les principaux objectifs de ce mémoire sont de comparer les participants qui ont des troubles anxieux et dépressifs comorbides aux participants qui n’en ont pas sur l’efficacité d’une TCC pour traiter le trouble prédominant et de vérifier si cette dernière permet de traiter les troubles comorbides par le fait même. L’efficacité repose sur une comparaison de plusieurs mesures avant et après le suivi thérapeutique, dont la sévérité des diagnostics, mesurée par une entrevue clinique (MINI International Neuropsychiatric Interview 5.0), les symptômes dépressifs et anxieux, mesurés par le Beck Depression Inventory II (BDI-II) et le Beck Anxiety Inventory (BAI), et la qualité de vie, mesurée par le World Health Organization Quality of Life (WHOQOL). Des tests t et des ANOVAS à mesures répétées ont été utilisés. Avant la thérapie, les résultats révèlent des symptômes significativement plus sévères chez les participants ayant au moins un diagnostic comorbide comparés aux participants qui n’en ont pas. Toutefois, après la thérapie, les deux groupes ont obtenu une diminution significative de la sévérité du diagnostic principal et ont atteint un changement cliniquement significatif dans une proportion équivalente. De plus, chez les participants ayant au moins un diagnostic comorbide, le nombre et la sévérité des diagnostics comorbides ont diminué significativement au post-test. En conclusion, il semble que la comorbidité n’affecte pas l’efficacité de la TCC et que celle-ci soit efficace pour diminuer la sévérité des diagnostics comorbides.

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Table des matières

Résumé ... ii

Liste des tableaux ... v

Liste des figures ... vi

Remerciements ... vii

Introduction ... 1

Définition et Prévalence de la Comorbidité ... 1

Conséquences de la Comorbidité ... 5

Effets de la Comorbidité sur le Traitement ... 6

Effet de la comorbidité sur l’efficacité de la TCC pour les troubles anxieux et dépressifs. .. 7

Effet de la TCC sur les troubles co-occurrents. ... 10

Objectifs et Hypothèses ... 11

Chapitre 1 : Méthode ... 14

Participants ... 14

Matériel ... 15

Procédure ... 16

Chapitre 2 : Analyses Statistiques et Résultats... 18

Chapitre 3 : Discussion ... 22

Implications cliniques ... 25

Forces et limites de l’étude ... 27

Conclusion et pistes de recherche ... 28

Références ... 29

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Liste des tableaux

Tableau 1. Caractéristiques sociodémographiques, diagnostiques et cliniques des participants………37 Tableau 2. Comparaisons entre les groupes au temps 1……….……….… ………39 Tableau 3. Comparaison entre les groupes sur l’atteinte d’un changement cliniquement significatif.………...………….……….……...40

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Liste des figures

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Remerciements

L’aboutissement de ce mémoire doctoral fait sans doute partie de mes plus grandes fiertés. Ce n’aurait toutefois pas été possible sans l’aide et l’appui de nombreuses personnes que je tiens à remercier sincèrement.

Je voudrais tout d’abord remercier mon amoureux, Pier-Luc. Merci pour ton soutien, tes encouragements et les moments pour décrocher qui ont été plus que nécessaires pendant toutes ces années. Merci de m’avoir gentiment obligée à rédiger quand j’avais un peu (beaucoup) envie de procrastiner. Merci d’avoir accueilli mes doutes et mes craintes et d’avoir partagé mes joies et mes réussites. C’est maintenant le début d’une autre étape où de nombreux projets n’attendent que nous.

Un remerciement particulier pour Marie-Ève. Avoir une collègue qui passe à travers les mêmes épreuves au même moment, qui comprend exactement ce que tu vies et qui est là pour te rappeler les dates limites, c’est rassurant. J’ai eu l’immense chance que cette collègue soit en prime une très bonne amie qui m’a beaucoup encouragée et supportée. Je crois honnêtement que je n’y serais pas parvenue sans toi à mes côtés. Te souviens-tu combien de fois on a rêvé au moment où on aurait terminé? Ça y est (!). Mais ce n’est certainement pas la fin de notre amitié.

Je voudrais également remercier ma famille et mes amis. Merci à maman et papa de la liberté et la confiance que vous m’avez toujours accordées et de vous être assurés que j’aille bien et que je ne manque de rien. Merci Dave de t’être toujours montré fier de moi. Merci Janick de m’avoir accompagnée comme éternelle étudiante et d’avoir été si enthousiaste à l’idée de me citer un jour. Merci Karine de toujours trouver les bons mots réconfortants. Merci aussi à mes beaux-parents et à ma belle-famille. Merci à tous de vous être montrés intéressés à ce que je faisais et de vous être informés de ma progression. C’était stimulant et motivant de savoir que mes proches étaient derrières moi.

De sincères remerciements reviennent finalement à Martin, mon directeur de recherche. Je pense que tu es bien placé pour savoir que la rédaction de ce mémoire aura été tout un défi pour moi. Je te remercie pour ta disponibilité, ton écoute, tes précieux conseils et toutes les autres opportunités qui ont rendu mon parcours doctoral encore plus enrichissant.

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Je te suis très reconnaissante pour ta façon de superviser qui m’a permis de développer ma confiance en ma capacité de faire de la recherche. Un merci particulier également à Geneviève Belleville pour son apport indéniable à l’amélioration de la qualité de mon manuscrit.

Dans les dernières années, chacun de vous m’a fait sentir à sa façon que je pouvais y arriver. J’éprouve beaucoup de gratitude. Merci!

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Introduction

Les troubles anxieux et les troubles dépressifs affectent une proportion importante de la population. En effet, au Canada, la prévalence sur 12 mois de la dépression majeure se situerait autour de 4 % et la prévalence à vie autour de 11 % (Patten, Williams, Lavorato, Wang, McDonald, & Bulloch, 2015; Knoll & MacLennan, 2017). Aux États-Unis, on estime la prévalence sur 12 mois de l’ensemble des troubles anxieux à 18,1 % (Kessler, Chiu, Demler & Walters, 2005). Les troubles anxieux et les troubles dépressifs sont d’ailleurs les troubles de santé mentale les plus souvent observés dans les services de santé. En effet, chez les individus qui présentent au moins un trouble de santé mentale, de fortes proportions de ces troubles sont retrouvées. Les troubles anxieux et les troubles dépressifs représenteraient à eux seuls entre 31,9 % et 61,4 % de tous les troubles de santé mentale évalués. Ce constat a été effectué dans plusieurs études menées auprès de grands échantillons issus des services de santé de première ligne et ce, dans différents pays occidentaux (Mergl, Seidscheck, Allgaier, Moller, Hegerl, Henkel, 2007; Ansseau et al., 2004; Serrano-Blanco et al., 2010; Roca, Gili, Garcia-Garcia, Salva, Vives, Campayo, Comas, 2009). De nombreuses conséquences sont engendrées sur le plan personnel pour les individus atteints de ces troubles, notamment en lien avec la qualité de vie (Olatunji, Cisler, & Tolin, 2007;Ishak et al., 2013). Les forts taux observés engendrent également des impacts sociaux et économiques lorsqu’on considère l’augmentation de l’utilisation des services de santé et les effets sur la productivité (Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments (CANMAT), 2016; Konnopka, Leichsenring, & Leibing, 2009). Les conséquences énumérées sont possiblement encore plus nombreuses et sévères lorsqu’une personne est affectée par plus d’un trouble à la fois.

Définition et Prévalence de la Comorbidité

La comorbidité peut être définie comme « toute affection additionnelle co-existante » (Feinstein, 1970). En d’autres mots, il s’agit de la présence chez une même personne d’au moins deux ou plusieurs maladies ou problèmes. La coexistence de troubles en santé mentale est un phénomène très courant et ce serait davantage la règle que l’exception pour certains

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troubles. En effet, des cliniciens expérimentés, d’orientations théoriques variées, rapportent traiter une vaste majorité de patients avec de multiples problèmes (Morrison & Westen, 2000). De surcroît, les études populationnelles de grande envergure ont retrouvé des taux élevés de comorbidité, et ce, particulièrement entre les troubles anxieux et les troubles de l’humeur.

Le National Comorbidity Survey – Replication, un sondage national américain effectué à l’aide d’entrevues auprès de près de 10 000 personnes adultes, a révélé que 55 % de ceux qui avaient un trouble de santé mentale n’en avaient qu’un, 22 % avaient deux diagnostics et 23 % en avaient trois ou plus (Kessler, Chiu, Demler et al., 2005). Cette même étude a révélé que sur 12 mois, plus de 40 % des cas étaient comorbides. La version originale de ce sondage national effectué au début des années 1990 avait obtenu des résultats similaires (Kessler & al., 1994). En calculant des corrélations, de fortes associations ont été retrouvées entre plusieurs troubles, notamment entre : l’agoraphobie et l’anxiété sociale; le trouble d’anxiété généralisée et la dépression; le trouble panique et l’agoraphobie; le trouble de stress post-traumatique et la dépression; ainsi que la dysthymie et la dépression (Kessler, Chiu, Demler et al., 2005). Ainsi, ces troubles de santé mentale sont susceptibles de se présenter ensemble. Parmi les participants qui ont rempli les critères pour une dépression majeure au cours de leur vie, près de 60 % remplissaient aussi les critères pour un trouble anxieux ou un trouble apparenté au même moment (Kessler et al., 2003). Des résultats similaires sont observés chez les participants qui ont rempli les critères au cours des 12 derniers mois. Des analyses issues de ces données ont révélé que, comparativement au reste de la population, les gens qui ont un trouble anxieux ont cinq à six fois plus de risque d’être également atteints d’un trouble dépressif (Huppert, 2009).

Statistique Canada a également mené une enquête sur la santé mentale auprès d’environ 30 000 Canadiens âgés de 15 ans et plus. À partir des résultats de cette étude, l’Institut de la Statistique du Québec a déterminé qu’environ 8 % de la population québécoise souffre d’un trouble de l’humeur ou d’un trouble anxieux sur une période de 12 mois. Environ

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1 % de la population présenterait ces troubles de façon concomitante sur une même période (Institut de la Statistique du Québec, 2010). D’autres pays occidentaux ont mené des études avec de larges échantillons et ont obtenu des taux de comorbidité importants. Par exemple, en Espagne, près de 8000 personnes adultes ont été évaluées aléatoirement alors qu’elles se sont présentées dans un service de santé de première ligne en 2008. Même si la plupart des motifs ne concernait pas la santé mentale, 19,1 % des participants présentaient à la fois un trouble anxieux et un trouble dépressif (Roca & al., 2009). Une étude très similaire a été effectuée en Belgique et les résultats ont révélé que les personnes qui présentaient plus d’un trouble de santé mentale représentaient 21,2 % de l’échantillon (Ansseau & al., 2004). Quelques éléments peuvent potentiellement expliquer l’écart notable dans les prévalences observées au Québec par rapport à celles observées dans certains pays d’Europe. D’abord, les données rapportées par l’Institut de la Statistique du Québec sont probablement sous-estimées considérant que ce ne sont pas tous les troubles anxieux et de l’humeur qui ont été évalués. En effet, l’enquête concerne seulement le trouble panique, l’anxiété sociale, la phobie spécifique, la dépression majeure et la manie (Institut de la Statistique du Québec, 2010). Entre autres, le trouble d’anxiété généralisée n’a pas été considéré, alors que dans l’étude nationale de Kessler menée aux États-Unis, la prévalence sur 12 mois de ce trouble à lui seul était de 3,1 % (Kessler, 2005). De plus, les entrevues réalisées dans le cadre de cette enquête canadienne n’étaient pas forcément effectuées par des professionnels de la santé et étaient parfois menées par téléphone. Il est donc possible que ces paramètres aient limité le dépistage des troubles de santé mentale. De même, l’étude a été menée auprès de la population canadienne générale et ce, de manière aléatoire, alors que les études européennes décrites ont été effectuées avec des échantillons issus de milieux cliniques. Il est ainsi possible de croire que les données québécoises sont sous-estimées et que les données européennes sont légèrement surestimées, mais il demeure que la comorbidité soit un enjeu important et répandu.

Des études cliniques de grande envergure ont également trouvé des taux de comorbidité importants. À titre d’exemple, Brown et ses collaborateurs (2001) ont évalué près de 1200 personnes qui ont consulté sur une base volontaire un centre spécialisé pour le

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traitement de l’anxiété aux États-Unis. Les résultats ont révélé que chez ceux qui présentaient un trouble de l’humeur ou de l’anxiété, le taux de comorbidité avec un autre trouble de l’axe I au moment de l’évaluation était de 57 %. Le taux de comorbidité à vie grimpait à 76 %. Les troubles les plus souvent associés à des comorbidités étaient le trouble de stress post-traumatique, la dépression majeure, la dysthymie et le trouble d’anxiété généralisée.

En particulier, de nombreuses études cliniques ont démontré que le trouble d’anxiété généralisée est fortement comorbide avec d’autres troubles de l’axe I. En effet, les taux varient entre 50 % et 90 % (Provencher, Ladouceur & Dugas, 2006; Borkovec, Abel & Newman, 1995; Brawman-Mintzer & al., 1993; de Ruiter, Rijken, Garssen, Van Schaik & Kraaimaat, 1989; Goisman, Goldenberg, Vasile & Keller, 1996; Kaufman & Charney, 2000). Le National Comorbidity Survey avait aussi trouvé de tels résultats en lien avec le trouble d’anxiété généralisée (Wittchen, Zhao, Kessler & Eaton, 1994). Des études en milieu clinique avec peu de critères d’exclusion et de grands échantillons ont aussi trouvé de forts taux de comorbidité : 58,7 % des 364 patients d’une étude ainsi que 27,2 % des 591 patients d’une autre étude avaient au moins un diagnostic comorbide (Davis, Barlow & Smith, 2010; Öst, Karlstedt & Widén, 2012).

Il semblerait donc que les taux de comorbidité obtenus dans les études soient importants et que certains troubles anxieux et de l’humeur soient plus susceptibles de ne pas se présenter seuls. En revanche, certains pensent que la comorbidité pourrait être surestimée considérant qu’un artéfact serait créé par le chevauchement des symptômes de différents diagnostics (Maj, 2005). Par exemple, plusieurs symptômes sont communs entre le trouble d’anxiété généralisée et les troubles de l’humeur : fatigue, perturbation du sommeil, difficultés de concentration, agitation, etc. Ainsi, selon certains auteurs, l’utilisation d’une approche catégorielle au détriment d’une approche dimensionnelle pour différencier les troubles et poser des diagnostics peut créer des délimitations où il n’en existe pas en réalité, ce qui augmente la probabilité de diagnostiquer plusieurs troubles à un même individu (Maj, 2005). Toutefois, qu’il y ait des problèmes liés à la façon de catégoriser et de diagnostiquer

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les troubles ou non, des études ont montré qu’un taux de comorbidité important existe même lorsqu’on élimine les symptômes de chevauchement (Franklin & Zimmerman, 2001; Milberger, Biderman, Faraone, Murphy & Tsuang, 1995).

Conséquences de la Comorbidité

Considérant ces chiffres élevés, il est légitime de penser que beaucoup de gens vivent avec des conséquences de la comorbidité. En effet, elle est associée à une augmentation de la sévérité des symptômes et de l’altération du fonctionnement par rapport à ceux qui présentent un seul trouble de santé mentale (Hofmeijer-Sevink et al., 2012; Angst, Vollrath & Merikangas, 1990). D’ailleurs, dans le sondage national des États-Unis mentionné précédemment, la sévérité des cas augmentait en fonction de la comorbidité : 9,6 % des répondants avec un diagnostic étaient classés comme étant des cas sévères, tandis que 25,5 % de ceux avec deux diagnostics et 49,9 % de ceux avec trois diagnostics ou plus l’étaient (Kessler, Chiu, Demler et al., 2005). La comorbidité a aussi été associée à plus de chronicité, un développement plus précoce des difficultés et plus de dysfonctionnement (Hofmeijer-Sevink et al., 2012; Belzer & Schneier, 2004). Elle augmenterait aussi le risque suicidaire (Weissman, 1995; Nepon, Belik, Bolton & Sareen, 2010). Elle pourrait également avoir un rôle à jouer dans l’adhérence au traitement pharmacologique ou psychologique chez les gens déprimés avec un trouble anxieux comorbide. En effet, davantage d’abandons de traitement ont été observés chez des participants qui présentaient une comorbidité par rapport aux participants qui présentaient seulement un trouble dépressif (Brown, Schulberg, Madonia, Shear & Houck, 1996). Une étude longitudinale qui portait sur les troubles anxieux a aussi montré que la présence de certains troubles comorbides réduisait la probabilité de se rétablir d’un trouble anxieux (Bruce et al., 2005). De même, la comorbidité pourrait augmenter le risque de rechute à la suite d’un traitement. Par exemple, dans une étude portant sur le traitement du trouble d’anxiété généralisée, les participants ont pu bénéficier de la thérapie malgré la présence d’un trouble panique comorbide, toutefois, les bénéfices n’ont pas été maintenus après six mois (Provencher, Ladouceur & Dugas, 2006). Il semblerait donc que la comorbidité soit associée à des cas plus complexes et sévères.

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6 Effets de la Comorbidité sur le Traitement

Dans les dernières décennies, les traitements psychologiques ont fait leurs preuves pour soigner une vaste gamme de troubles de santé mentale (American Psychological Association, 2013). Parmi ceux-ci, la thérapie cognitive-comportementale (TCC) a largement été démontrée comme étant efficace. Cette approche a reçu de nombreux appuis et ce, particulièrement pour diminuer les symptômes des troubles anxieux et des troubles dépressifs (Australian Psychological Society, 2010). Les données probantes indiquent que la TCC serait la psychothérapie à privilégier pour ces troubles. En effet, plusieurs pays occidentaux ont émis des lignes directrices basées sur des recensions de méta-analyses et celles-ci recommandent toutes la TCC comme traitement pour la dépression majeure et l’ensemble des troubles anxieux (CANMAT, 2014; CANMAT, 2016; The National Institute for Health and Care Excellence (NICE), 2009; NICE, 2011; NICE, 2013; Institut National d’Excellence en Santé et Services Sociaux (INESSS), 2015). Il semblerait d’ailleurs qu’elle soit aussi efficace que la médication pour réduire l’anxiété et les symptômes dépressifs. De plus, les bénéfices se maintiendraient à plus long terme comparés aux bénéfices obtenus avec la prise seule d’antidépresseurs ou d’anxiolytiques (INESSS, 2015). Le rapport coût-efficacité de la TCC est aussi démontré et elle serait même plus rentable à long terme que la pharmacothérapie (INESSS, 2015). En somme, le rendement de la TCC a été très bien établi, en particulier pour les troubles anxieux et la dépression.

Toutefois, les études qui portent sur l’efficacité de la TCC pour traiter le trouble principal en présence de comorbidité(s) sont peu nombreuses (Bauer, Wilansky-Traynor & Rector, 2012; Abramowitz & Landy, 2013; Joormann, Kosfelder & Schulte, 2005). Une possible explication est que la comorbidité tend à être retirée des études. En effet, les études qui portent sur l’efficacité des psychothérapies ont souvent recours à des stratégies afin de mieux contrôler la validité interne, comme l’application de critères d’exclusion et d’inclusion aux participants (Hunsley, Elliott & Therrien, 2014). Ainsi, en excluant par exemple les participants qui ont certains troubles comorbides, les effets confondants sont limités et il est davantage possible de conclure que des résultats favorables à l’efficacité du traitement sont vraiment dus au traitement. Ce constat serait cependant de moins en moins actuel (Stirman

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& DeRubeis, 2006). En effet, il semblerait que la plupart des études randomisées contrôlées récentes intègrent davantage les participants qui présentent des comorbidités. Les chercheurs tendraient à s’en tenir de plus en plus aux critères d’exclusion qui seraient normalement utilisés sur le terrain, c’est-à-dire ceux qui serviraient à s’assurer que le patient reçoit le meilleur traitement disponible pour lui, comme la présence d’idées suicidaires actives qui demanderaient une prise en charge supplémentaire (Shafran & al., 2009; Stirman, DeRubeis, Crits-Christoph & Rothman, 2005). Ainsi, la validité externe est moins compromise. Il demeure toutefois que la comorbidité a longtemps été exclue des études, ce qui peut expliquer que la littérature à ce sujet soit limitée. Non seulement cette littérature est courte, mais des résultats contradictoires sont retrouvés à travers celle-ci. Ainsi, les implications de la comorbidité pour le traitement sont toujours incomprises. Un courant avance que la comorbidité nuit au pronostic et au traitement, alors qu’un autre avance qu’il n’y a pas d’impact particulier.

Effet de la comorbidité sur l’efficacité de la TCC pour les troubles anxieux et dépressifs.

De manière générale, les auteurs qui prônent l’existence d’un impact de la comorbidité suggèrent que celle-ci influe sur l’efficacité du traitement du trouble principal (Morrison & Westen, 2000; Brown & Barlow, 1992).

Des études ont effectivement montré que la comorbidité avait un effet sur l’efficacité de la TCC pour traiter un trouble anxieux ou dépressif. En ce sens, une méta-analyse portant sur la TCC et d’autres thérapies a montré une relation négative significative entre la comorbidité et les résultats au traitement chez des patients qui souffrent d’un trouble d’anxiété généralisée (Olatunji, Cisler & Tolin, 2010). De plus, une revue de la littérature a été effectuée sur l’efficacité de la TCC lorsqu’une dépression majeure s’ajoute à un trouble anxieux. Bien que les résultats obtenus varient selon le type de trouble anxieux principal, l’un des constats dégagés est que les participants qui ont un trouble d’anxiété sociale ou un trouble obsessionnel-compulsif, combiné avec des symptômes dépressifs, obtiennent des effets plus limités du traitement du trouble anxieux comparés aux participants qui n’ont pas

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de symptômes dépressifs (Bauer, Wilansky-Traynor & Rector, 2012). À titre d’exemple, une étude randomisée contrôlée tirée de cette revue de littérature et menée auprès de 295 participants révèle qu’une TCC pour traiter l’anxiété sociale était moins efficace chez ceux qui avaient des symptômes dépressifs plus sévères comparés à ceux qui en avaient des moins sévères (Ledley, Huppert, Foa, Davidson, Keefe & Potts, 2005). Le même constat est observé dans une étude qui porte sur le traitement du trouble obsessionnel-compulsif (Abramowitz, Franklin, Street, Kozak & Foa, 2000). Des résultats semblables peuvent aussi être retrouvés avec d’autres types de comorbidités. Par exemple, une étude portant sur le traitement du trouble d’anxiété généralisée par la TCC a montré que la présence d’un trouble panique comorbide au pré-test était associée à une moins bonne réponse au traitement. De plus, un nombre de diagnostics moins élevé a été associé à une meilleure réponse au traitement à l’évaluation de rappel 6 mois après la fin du traitement, ce qui suggère que la comorbidité pourrait avoir un effet à plus long terme (Provencher, Ladouceur & Dugas, 2006). En somme, des études laissent croire que la comorbidité a des effets négatifs sur le traitement spécifique des troubles anxieux et dépressifs.

Toutefois, de nombreuses études en sont arrivées à la conclusion que la comorbidité n’avait pas d’effet sur l’efficacité d’une psychothérapie. D’ailleurs, les auteurs de la méta-analyse et de la recension de la littérature qui ont été mentionnées précédemment sont tout de même arrivés à la conclusion générale que la comorbidité ne nuisait pas à l’efficacité du traitement. La méta-analyse d’Olatunji et ses collaborateurs (2010) a effectivement montré que la comorbidité avait un impact sur le traitement du trouble d’anxiété généralisée. Toutefois, les auteurs ont conclu que la comorbidité n’avait pas d’impact sur le traitement de tous les autres troubles anxieux (Olatunji, Cisler & Tolin, 2010). De même, tel que mentionné précédemment, la recension de la littérature effectuée par Bauer et ses collaborateurs (2012) avait pour conclusion qu’une dépression comorbide n’avait pas le même impact sur l’efficacité du traitement du trouble anxieux principal selon quel était ce dernier. Dans cette étude, mis à part pour le trouble d’anxiété sociale et le trouble obsessionnel-compulsif, les symptômes dépressifs n’interféraient pas avec la TCC pour tous les autres troubles investigués. Par exemple, malgré quelques exceptions, les auteurs concluent que la TCC

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spécifique au trouble panique peut être appliquée avec succès qu’il y ait présence d’une dépression comorbide ou non (Bauer, Wilansky-Traynor & Rector, 2012). Ils se basent entre autres sur l’étude d’Allen et ses collaborateurs (2010) qui ont montré, à l’aide d’un échantillon constitué de 256 patients avec un diagnostic de trouble panique, que la comorbidité (dépression majeure ou trouble d’anxiété généralisée) n’était pas associée à une amélioration différente par rapport à une absence de comorbidité pour diminuer les symptômes paniques avec une TCC. Les études de Brown, Antony et Barlow (1995) et Tsao, Mystkowski, Zucker et Craske (2002) sont aussi mentionnées pour des résultats similaires. Pour ce qui est du trouble d’anxiété généralisée, les auteurs de la revue de la littérature en arrivent à une conclusion encore plus positive. En effet, ils expliquent que non seulement la comorbidité n’interfèrerait pas avec le traitement de ce trouble, mais elle pourrait en plus potentialiser les effets de la TCC (Bauer, Wilansky-Traynor & Rector, 2012). Ils se basent par exemple sur les résultats d’une étude où les participants qui avaient un diagnostic de trouble d’anxiété généralisée combiné à une ou des comorbidités obtenaient une plus grande diminution de la sévérité du trouble principal que les participants n’ayant pas de comorbidités. La comorbidité n’influençait alors pas le traitement, que les symptômes soient sévères ou non, et elle était liée à une plus grande amélioration pour le trouble d’anxiété généralisée (Newman, Przeworski, Fisher & Borkovec, 2010). Bien que la méta-analyse et la recension de la littérature mentionnées se basent sur des études randomisées contrôlées pour tirer leurs conclusions, des études en milieu clinique avec de grands échantillons ont également observé que la comorbidité n’avait pas d’influence sur le traitement spécifique du trouble principal (Öst, Karlstedt & Widén, 2012; Davis, Barlow & Smith, 2010).

Il semble donc que la recherche sur l’impact de la comorbidité obtienne des résultats incohérents. En effet, plusieurs études rapportent des résultats satisfaisants de la psychothérapie pour diminuer les symptômes des troubles principaux, malgré la présence de comorbidité. Bien que l’efficacité obtenue dans ces conditions varie d’une étude à l’autre et selon les troubles, la méta-analyse et la recension de la littérature présentées semblent conclure que de façon générale, la comorbidité n’affecte pas significativement l’efficacité de la psychothérapie. D’ailleurs, les auteurs de la recension de la littérature expliquent que la

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qualité des études qu’ils ont retenues varie. En effet, les tableaux détaillés des caractéristiques des études permettent de constater les limites méthodologiques de certaines. À titre d’exemple, l’étude d’Abramowitz (2001) présentée précédemment concluait que plus les symptômes dépressifs comorbides étaient sévères, moins la thérapie était efficace pour traiter le trouble obsessionnel-compulsif. Toutefois, cette étude ne comportait pas de randomisation des participants, la dépression n’a pas été évaluée à l’aide d’une entrevue structurée et il n’existe aucune donnée sur l’adhérence au protocole des thérapeutes. Ainsi, les conclusions de la recension de la littérature tiennent compte de cette réalité. En fonction du nombre et de la qualité des études, Bauer et ses collaborateurs (2012) concluent que la comorbidité ne nuit pas significativement au traitement du trouble principal. Il n’en demeure pas moins que quelques études rigoureuses ont trouvé des liens importants entre la comorbidité et la diminution du succès thérapeutique. Ainsi, il semble difficile d’obtenir un consensus sur le sujet.

Effet de la TCC sur les troubles co-occurrents.

Alors que l’effet de la comorbidité sur la thérapie est un sujet encore peu étudié, les études qui abordent l’effet de la psychothérapie pour traiter les troubles comorbides se font encore plus rares (Ollendick et al., 2008). Toutefois, quelques études portant sur la TCC pour le trouble d’anxiété généralisée et le trouble panique concluent qu’elle est efficace pour diminuer le nombre et la sévérité des comorbidités (Craske, Farchione, Allen, Barrios, Stoyanova & Rose, 2007; Newman, Przeworski, Fisher & Borkovec, 2010; Borkovec, Abel & Newman, 1995; Provencher, Ladouceur & Dugas, 2006; Öst, Karlstedt & Widén, 2012; Davis, Barlow & Smith, 2010; Brown, Antony & Barlow, 1995; Tsao, Mystkowski, Zucker & Craske, 2002; Bauer, Wilansky-Traynor & Rector, 2012). Des conclusions similaires sont également retrouvées avec le trouble d’anxiété sociale, le trouble obsessionnel-compulsif et le trouble de stress post-traumatique (Bauer, Wilansky-Traynor & Rector, 2012). D’ailleurs, en ce qui concerne ce dernier, la revue de littérature de Bauer et ses collaborateurs (2012) conclut qu’il y aurait même une certaine proportion qui se remettrait complètement de la dépression majeure en suivant une TCC spécifique au trouble de stress post-traumatique (Bauer, Wilansky-Traynor & Rector, 2012). Ces résultats seraient surtout vrais lorsque le

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traitement du trouble principal est un succès. Il semblerait donc que, même si la TCC n’a pas d’emblée pour cible les troubles comorbides, traiter efficacement le trouble principal pourrait résulter en une diminution des symptômes des troubles secondaires (Payne, Ellard, Farchione, Fairholme & Barlow, 2014).

En somme, comme il est présumé que les taux de comorbidité sont importants et que celle-ci est associée à des cas plus complexes et sévères, il est important d’évaluer son effet sur l’efficacité de la TCC ainsi que la capacité de cette psychothérapie à diminuer les symptômes comorbides. Le constat actuel est que relativement peu de recherche a été faite sur le sujet et qu’il n’y a pas de consensus clair qui semble se dégager jusqu’à présent. Cela fait en sorte qu’il est difficile pour les psychothérapeutes de déterminer clairement si, comment et quand la comorbidité doit être ciblée dans leurs interventions. Il importe de tenter de répondre à cette question considérant que de 16 % à 24 % des Québécois sont affectés par un trouble anxieux ou un trouble dépressif annuellement et qu’une proportion non négligeable de ces gens vivent avec la symptomatologie des comorbidités et les conséquences engendrées par celles-ci (INSPQ, 2012). Ultimement, au besoin, des lignes directrices basées sur les données probantes qui portent sur les façons de maximiser le succès thérapeutique dans ces conditions pourraient être développées. L’avancement des connaissances à ce sujet a donc une contribution concrète pour améliorer la psychologie clinique.

Objectifs et Hypothèses

Cette étude comprend trois objectifs principaux. Le premier objectif est de vérifier si la comorbidité est associée à un profil plus sévère chez les participants. En d’autres mots, l’objectif est de vérifier si les participants qui ont un ou plusieurs troubles comorbides sont différents de ceux qui n’en ont pas sur plusieurs variables au pré-test. D’une part, cet objectif ajoute aux connaissances actuelles afin de valider l’idée que la comorbidité complexifie le portrait clinique et ce, même auprès d’un échantillon s’apparentant aux patients des milieux cliniques. D’autre part, ces données sur les participants avant la psychothérapie permettent de limiter les facteurs confondants afin d’étudier l’efficacité de la psychothérapie en présence

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de comorbidité. Comparés aux participants n’ayant pas de trouble comorbide, il est attendu que les participants ayant au moins un trouble comorbide auront un diagnostic principal plus sévère, tel que mesuré par une entrevue diagnostique structurée (M.I.N.I.). De plus, il est attendu que les participants qui ont un trouble anxieux comme diagnostic principal et au moins un trouble comorbide auront des symptômes anxieux plus sévères que les participants qui ont seulement un trouble anxieux. De même, il est attendu que les participants ayant un trouble dépressif comme diagnostic principal et au moins un trouble comorbide auront des symptômes dépressifs plus sévères que les participants qui ont seulement un trouble dépressif. Aussi, comparés aux participants n’ayant pas de trouble comorbide, il est attendu que les participants ayant au moins un trouble comorbide auront une moins bonne qualité de vie, telle que mesurée par le WHOQOL-BREF.

Le deuxième objectif est de vérifier si la présence de troubles comorbides affecte l’efficacité du traitement du trouble prédominant. De façon plus précise, l’objectif est de vérifier si la TCC est moins efficace lorsqu’il y a au moins un trouble comorbide comparativement à lorsqu’il n’y a pas de troubles comorbides pour diminuer la sévérité du diagnostic principal. La littérature actuelle semble suggérer dans l’ensemble que la comorbidité n’affecte pas le traitement du trouble prédominant. La réplication de ces résultats est toutefois nécessaire puisque les études obtiennent parfois des résultats contradictoires et demeurent peu nombreuses. Il est attendu que le traitement pour les participants ayant au moins un trouble comorbide sera moins efficace pour diminuer la sévérité du diagnostic principal sur le score clinique du M.I.N.I.

Un sous-objectif est de vérifier si la présence de comorbidité affecte l’atteinte d’un changement cliniquement significatif (CCS) sur le score clinique du M.I.N.I. Cette variable s’ajoute à la diminution du score au M.I.N.I. afin d’obtenir une information plus pertinente et détaillée sur le plan clinique. Il est attendu que les participants ayant au moins une comorbidité atteindront un CCS dans une moins grande proportion que les participants n’ayant pas de trouble comorbide.

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Les études actuelles semblent suggérer que les troubles comorbides peuvent bénéficier des effets d’une thérapie qui cible le trouble principal. La réplication de ces résultats est toutefois nécessaire puisque ces études sont peu nombreuses. Ainsi, le troisième objectif est de vérifier si la TCC permet de diminuer la sévérité des troubles comorbides. Il est attendu que la sévérité des diagnostics comorbides, tel que mesurée avec le M.I.N.I., diminue au post-test par rapport au pré-test. Un sous-objectif sera de vérifier si le nombre de diagnostics comorbides diminue au post-test par rapport au pré-test. Il est attendu que les diagnostics comorbides soient moins nombreux après la thérapie qu’avant celle-ci.

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Chapitre 1 : Méthode

Participants

L’échantillon de cette étude est issu d’une base de données de 293 personnes adultes qui sont atteintes de troubles de l’humeur, de troubles anxieux ou de troubles apparentés. Sur une base volontaire, ces personnes ont consulté un intervenant dans les dernières années (de septembre 2007 à mai 2018) dans une clinique universitaire, soit le Service de Consultation de l’École de Psychologie (SCEP) de l’Université Laval. Plus de détails sont fournis dans la procédure. Les individus qui présentent des symptômes psychotiques ou maniaques non contrôlés, un trouble lié à l’utilisation d’une substance au premier plan ou une condition urgente comme un risque suicidaire élevé sont redirigés vers d’autres ressources plus appropriées pour traiter et prendre en charge ces difficultés. Ce sont les seuls critères d’exclusion appliqués par l’unité à laquelle les participants ont été assignés. Toutefois, dans le cadre de ce projet de recherche, les participants devaient également avoir un diagnostic principal, clinique ou sous-clinique, pour être inclus. Plus de détails suivront sur la manière de déterminer si un diagnostic est clinique ou sous-clinique dans les analyses.

L’échantillon est composé de 293 personnes âgées entre 17 et 75 ans avec une moyenne de 35 ans. Les participants sont majoritairement des femmes (73 %). Les diagnostics les plus fréquemment posés sont les suivants (dans l’ordre) : trouble d’anxiété généralisée (20,1 %), dépression majeure (13,9 %), trouble d’anxiété sociale (9,9 %), trouble panique (8,9 %) et phobie spécifique (5,5 %). Pour 40 participants, le diagnostic est manquant et ce, pour diverses raisons (un diagnostic n’a pas pu être posé, les informations n’ont pas été saisies par l’intervenant, etc.). Ceux-ci sont comptabilisés dans la description de l’échantillon, mais ont été exclus des analyses. Ainsi, l’échantillon utilisé pour effectuer les analyses est constitué de 253 individus. La comorbidité est retrouvée dans une proportion importante de l’échantillon : 31,2 % des participants ont plus d’un diagnostic. Pour plus d’informations à propos des participants, voir le Tableau 1.

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15 Matériel

Évaluation diagnostique. L’établissement du diagnostic principal et des diagnostics

secondaires se fait à l’aide d’une entrevue semi-structurée, soit avec le MINI International Neuropsychiatric Interview 5.0 (M.I.N.I., Sheehan et al., 1998). Cet instrument permet d’évaluer les principaux troubles de l’Axe I du DSM-IV, incluant les troubles anxieux et de l’humeur. Pour chacun des diagnostics effectués, une cote de sévérité de 0 à 8 est attribuée, 0 étant le moins sévère et 8 le plus sévère. Pour que le diagnostic puisse être porté, un point de rupture à 4 est nécessaire. Il possède une bonne convergence avec le Structured Clinical Interview for DSM Disorders (SCID) pour l’établissement du diagnostic de la majorité des troubles de santé mentale. De plus, il possède une spécificité de .88 ou plus pour l’ensemble des troubles.

Symptômes dépressifs. Afin d’évaluer les symptômes dépressifs avant et après la

psychothérapie, la version francophone du Beck Depression Inventory II (BDI; Beck, Steer & Brown, 1996) est utilisée, c’est-à-dire l’Inventaire de dépression de Beck II (Beck, Steer, & Brown 1998). Ce questionnaire auto-rapporté comprend 21 items mesurant l’intensité des symptômes dépressifs pour la dernière semaine avec des échelles de type Likert. Les scores obtenus varient de 0 à 63. Selon les normes d’interprétation, un score situé entre 0 et 13 correspond à une absence ou une présence minimale de symptômes dépressifs. Un score entre 14 et 19 correspond à des symptômes dépressifs légers, un score entre 20 et 28 correspond à des symptômes dépressifs modérés et un score de 29 ou plus correspond à des symptômes dépressifs sévères (Beck, Epstein, Brown, & Steer, 1988). Le BDI-II possède d’excellentes qualités psychométriques comme en témoigne une excellente cohérence interne (α = .91) et fidélité test-retest (r = .93). Il semble que ces qualités soient équivalentes pour la version francophone (Beck, Steer, & Brown 1998).

Symptômes anxieux. Afin d’évaluer les symptômes anxieux avant et après la

psychothérapie, la version francophone du Beck Anxiety Inventory (BAI; Beck, Epstein, Brown, & Steer, 1988) est utilisée, c’est-à-dire l’Inventaire d’anxiété de Beck (Freeston,

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Ladouceur, Thibodeau, Gagnon & Rhéaume, 1994). Ce questionnaire auto-rapporté comprend 21 items mesurant l’intensité des symptômes somatiques de l’anxiété pour la dernière semaine avec des échelles de type Likert. Les scores obtenus varient de 0 à 63. Selon les normes d’interprétation, un score situé entre 0 et 7 correspond à une absence de symptômes d’anxiété ou une anxiété minimale. Un score entre 8 et 15 correspond à des symptômes anxieux légers, un score entre 16 et 25 correspond à des symptômes anxieux modérés et un score de 26 ou plus correspond à des symptômes anxieux sévères (Beck, Epstein, Brown, & Steer, 1988). La version francophone du BAI possède de bonnes qualités psychométriques : une très bonne cohérence interne (α = .85) et une fidélité test-retest acceptable (r = .63).

Qualité de vie. Afin d’évaluer la qualité de vie avant et après la psychothérapie, la

version francophone validée du WHOQOL-BREF est utilisée (Baumann, Erpelding, Régat, Collin & Briançon, 2010). Ce questionnaire auto-rapporté comprend 26 items mesurant la santé physique, la santé psychologique, les relations sociales et l’environnement à l’aide d’échelles de type Likert. Les scores sont sous forme de percentiles et comparés à des normes. La cohérence interne de chaque sous-échelle est généralement bonne (α = .74, α = .59, α = .62 et α = .80).

Procédure

Le SCEP est un milieu universitaire de formation professionnelle à la psychologie clinique. Ainsi, les services sont offerts par des étudiants au doctorat en psychologie de différents niveaux (practica ou internat) qui sont supervisés par des professeurs de l’École de psychologie de l’Université Laval (Québec, Canada) membres de l’Ordre des psychologues du Québec. Le SCEP est ouvert au grand public et fonctionne de manière similaire à une clinique privée. Le milieu se rapproche donc d’un milieu naturel. Dans le cadre de cette étude, les services ont été dispensés dans une unité spécialisée dans l’évaluation et le traitement des difficultés psychologiques à partir des principes de base de l’approche cognitive-comportementale auprès d'une clientèle adulte, soit l’Unité de Thérapie

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Cognitive-17

Comportementale (UTCC). Après avoir été référé à l’UTCC ou avoir formulé un motif de consultation conduisant à cette unité (problème relatif à un trouble de l’humeur, un trouble anxieux ou une problématique apparentée), une entrevue de dépistage téléphonique est effectuée. Si les besoins de l’individu correspondent à ce que peut offrir l’UTCC et que les critères d’inclusion et d’exclusion sont respectés, une première rencontre d’évaluation d’une durée de deux heures est fixée. Pendant cette rencontre est signé un formulaire de consentement relatif à la psychothérapie et au contexte de recherche. Par la suite, une évaluation globale des difficultés vécues, de la situation de vie actuelle et des antécédents familiaux est effectuée. Une batterie de questionnaires à compléter à la maison, qui comprend entre autres le BDI, le BAI et le WHOQOL, est remise au client. Lors de la deuxième rencontre d’évaluation, aussi d’une durée de deux heures, les questionnaires sont récoltés et une entrevue diagnostique est effectuée (MINI). La rencontre suivante sert à effectuer un bilan sur les résultats de l’évaluation. Une psychothérapie cognitive-comportementale basée sur une analyse fonctionnelle des difficultés du client est par la suite entamée. La durée, l’utilisation d’un manuel et les objectifs du traitement varient selon les besoins du client, mais les traitements s’inspirent des manuels de traitement et des guides de pratiques basées sur les données probantes pour ces troubles et la durée du traitement est limitée par la durée des stages, soit au maximum 8 ou 12 mois. À l’avant-dernière rencontre de psychothérapie, le BAI, le BDI et le WHOQOL sont à nouveau remis au client et une deuxième entrevue diagnostique est effectuée (MINI) afin de voir l’évolution des symptômes à la suite du traitement. Les données récoltées ont été compilées dans la base de données de l’UTCC.

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Chapitre 2 : Analyses Statistiques et Résultats

Les analyses statistiques ont été effectuées avec le logiciel SAS 9.4 et le niveau de signification a été établi à 0.05. D’abord, afin de décrire l’échantillon, des analyses descriptives ont été effectuées. Un intérêt a entre autres été porté à la prévalence des principaux troubles de santé mentale et la prévalence de la comorbidité (Tableau 1). Pour l’ensemble des analyses statistiques subséquentes, les postulats de normalité et d’homogénéité des variances ont été vérifiés. Lorsque le postulat n’était pas respecté, une alternative non-paramétrique a été utilisée. Au préalable, un test t a permis de déterminer qu’il n’y avait pas de différence significative entre les participants ayant au moins un trouble comorbide et ceux qui n’en ont pas sur le nombre de séances de thérapie moyen. De même, un test du chi-carré a permis de déterminer qu’il n’y a pas d’association entre la comorbidité et le statut de la thérapie. Ainsi, la présence de comorbidité n’influence pas l’abandon ou la complétion de la thérapie.

D’abord, afin de comparer le profil des participants ayant au moins un trouble comorbide à ceux qui n’en ont pas au pré-test, des tests t pour échantillons indépendants ont été effectués (Tableau 2) et des d de Cohen ont été calculés pour qualifier la grandeur de l’effet. Les deux groupes ont été comparés sur leurs scores au temps 1 sur différentes mesures (sévérité du diagnostic principal, BAI, BDI et WHOQOL). Toutefois, en ce qui concerne la sévérité du diagnostic principal seulement, un test non-paramétrique a été utilisé, soit le test de Wilcoxon. Les résultats révèlent que les personnes avec au moins un trouble comorbide ont en moyenne un diagnostic principal significativement plus sévère que les personnes qui n’ont pas de trouble comorbide au temps 1 (z = 2.0498, p < 0.05). Le d de Cohen (d = 0,43) indique un effet de taille moyen.

De plus, ceux qui ont un trouble anxieux comme diagnostic principal ont été divisés en deux groupes : ceux qui ont au moins un trouble comorbide et ceux qui n’en ont pas. Afin de comparer ces deux groupes sur la sévérité des symptômes anxieux, un test t a été effectué en utilisant le score au BAI au temps 1. Les résultats révèlent une différence significative

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entre les deux groupes (t (147) = -2,32, p < 0.05) et un effet de taille moyen (d = 0,40), les personnes qui ont au moins un trouble comorbide ayant en moyenne des symptômes anxieux plus sévères que les personnes qui n’ont pas de trouble comorbide. De même, ceux qui ont un trouble dépressif comme diagnostic principal ont été divisés en deux groupes : ceux qui ont au moins un trouble comorbide et ceux qui n’en ont pas. Afin de comparer ces deux groupes sur la sévérité des symptômes dépressifs, un autre test t a été effectué en utilisant le score au BDI au temps 1. Les résultats révèlent une différence significative entre les deux groupes (t (45) = -2,04, p < 0.05) et un effet de taille moyen (d = 0,61), les personnes qui ont un moins un trouble comorbide ayant en moyenne des symptômes dépressifs plus sévères que les personnes qui n’ont pas de trouble comorbide.

En ce qui concerne le WHOQOL, seule la sous-échelle sur la santé psychologique ressort comme étant significative (t (220) = 4,08, p < 0,05). Le d de Cohen révèle un effet de taille moyen (d = 0,60). Les personnes ayant au moins un trouble comorbide seraient donc significativement moins satisfaits de leur santé psychologique que les personnes qui n’ont pas de trouble comorbide au pré-test. Il n’y a toutefois pas de différence significative entre les deux groupes sur les autres dimensions, bien que les différences s’approchent du seuil de signification statistique : santé physique (t (220) = 1,86, p = 0,065; d = 0,27), relations sociales (t (219) = 1,96, p = 0,052) (d = 0,29) et environnement (t (220) = 1,93, p = 0,055; d = 0,28).

Ensuite, afin de vérifier si l’efficacité de la thérapie diffère pour traiter le trouble principal entre les personnes qui ont au moins un trouble comorbide et les personnes qui n’en ont pas, les deux groupes ont été comparés sur deux variables : l’atteinte d’un changement cliniquement significatif et la sévérité du score clinique du MINI. En ce qui concerne la sévérité du score clinique, une ANOVA à deux facteurs (comorbidité (absence-présence) et temps (pré-post)) à mesures répétées (temps) a été effectuée. Les résultats révèlent que l’interaction entre la comorbidité et le temps de mesure n’est pas significative (F(1, 223) = 1,28, p = 0.25). Cela signifie que l’effet de la thérapie est le même pour les deux groupes pour diminuer la sévérité du diagnostic principal. Toutefois, les effets principaux du temps

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et de la comorbidité sont significatifs (F(1, 223) = 255.87, p < 0,01); (F(1, 247) = 6.54, p = 0.01). Cela signifie donc que, peu importe le temps, la différence entre les personnes avec au moins un trouble comorbide et les personnes qui n’en ont pas est significative et que, peu importe le statut de comorbidité, la diminution entre le pré-test et le post-test est significative. Les personnes qui ont au moins un trouble comorbide ont en moyenne un diagnostic principal plus sévère que les personnes qui n’ont pas de trouble comorbide et ce, autant avant qu’après la thérapie (voir Figure 1).

Afin de mesurer le changement cliniquement significatif (CCS), l’indice C de Jacobson et Truax (1991) ainsi que le Reliable Change Index (RCI) ont été utilisés. Le RCI est un score standardisé qui permet de mesurer le changement. Il permet d’identifier si le changement dans les scores à l’entrevue est cliniquement significatif. Tel que proposé par Öst et ses collaborateurs (2012), un changement d’au moins 2 points sur la cote de sévérité du M.I.N.I. est nécessaire pour obtenir un changement cliniquement significatif (RCI significatif). L’indice C est un point de rupture qui suggère qu’il est plus probable que le participant se retrouve près d’une distribution normale que d’une distribution clinique. En d’autres mots, il s’agit d’une façon de déterminer que le trouble du participant a atteint une sévérité non clinique. Ce point de rupture est fixé à 3 et moins au M.I.N.I. En combinant l’indice C et le RCI, il est possible de classer les participants en quatre catégories : ceux qui se sont détériorés, ceux pour qui aucun changement n’a été observé, ceux qui ont obtenu un changement cliniquement significatif (RCI significatif) et ceux qui se sont rétablis, c’est-à-dire ceux qui ont à la fois obtenu un changement cliniquement significatif et franchi le point de rupture (voir Tableau 3 pour les pourcentages pour chacune des catégories). Afin de vérifier s’il existe un lien entre la comorbidité et l’atteinte d’un CCS, un test de Fisher a été réalisé (Tableau 3). Les résultats révèlent qu’il n’y a pas d’association entre les changements et la comorbidité (p = 0.40). Les personnes qui ont au moins un trouble comorbide et les personnes qui n’en ont pas ont donc atteint un CCS dans une proportion équivalente.

Finalement, afin de vérifier si une différence statistiquement significative existe entre le pré-test et le post-test sur la sévérité du score au MINI pour les diagnostics comorbides,

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c’est-à-dire si la TCC est efficace pour traiter les troubles comorbides, une ANOVA à mesures répétées a été effectuée. Les résultats révèlent un effet significatif du temps (F(1, 66.6) = 56.68, p < 0,01). La sévérité moyenne des diagnostics comorbides diminue donc significativement du temps 1 (M (ET) = 3,57 (0,23))au temps 2 (M (ET) = 1,75 (0,26)). De plus, afin de vérifier si le nombre de diagnostics comorbides diminue au post-test par rapport au pré-test, un modèle linéaire généralisé de poisson à un facteur (temps) à mesures répétées a été effectué. Les résultats révèlent encore une fois un effet significatif du temps (F(1, 83.43) = 57.44, p < 0,01). Le nombre de diagnostics diminue donc significativement du temps 1(M (ET) = 2,41 (0,61)) au temps 2 (M (ET) = 1,29 (1,13)).

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Chapitre 3 : Discussion

Le but de la présente étude était d’étudier l’influence de la comorbidité chez des participants ayant des troubles anxieux, dépressifs ou apparentés. Les objectifs étaient de vérifier l’efficacité de la TCC pour traiter le trouble prédominant malgré la présence de comorbidité et de vérifier si la TCC permet de traiter les troubles comorbides par le fait même. Dans un premier temps, d’un point de vue descriptif, la comorbidité dans la présente étude (31,2 %) se situe dans la moyenne par rapport à ce qui est observé dans la littérature (Roca & al., 2009; Ansseau & al., 2004; Öst, Karlstedt & Widén, 2012; Brown & al., 2001; Davis, Barlow & Smith, 2010). De plus, la durée du traitement est comparable pour les participants ayant (12 séances) ou non (11 séances) un trouble comorbide. Un test de chi-carré a aussi permis de conclure qu’il n’y avait pas de lien entre la comorbidité et l’abandon ou la complétion de la thérapie.

Le premier objectif était de vérifier si la comorbidité est associée à un profil plus sévère chez les participants. Bien qu’il y ait des exceptions, l’hypothèse est confirmée. En effet, les résultats révèlent que les participants qui ont des troubles comorbides ont obtenu des scores plus sévères que les participants qui n’en ont pas en ce qui concerne les symptômes anxieux et dépressifs, le trouble principal ainsi qu’une dimension de la qualité de vie, soit la santé psychologique. Les autres aspects de la qualité de vie mesurés ne diffèrent toutefois pas entre les deux groupes. Il demeure que dans l’ensemble, la comorbidité semble être associée à un profil plus sévère, surtout sur le plan psychologique. Ces résultats sont cohérents avec la littérature actuelle qui suggère des liens entre la comorbidité et des facteurs aggravants supplémentaires, dont une augmentation de la sévérité des symptômes, de l’altération du fonctionnement, de la chronicité et du risque suicidaire (Hofmeijer-Sevink et al., 2012; Angst, Vollrath & Merikangas, 1990; Belzer & Schneier, 2004; Weissman, 1995; Nepon, Belik, Bolton & Sareen, 2010). Il est également intéressant de souligner que, même si les deux groupes ont bénéficié de la thérapie, après celle-ci, les individus qui ont des comorbidités avaient tout de même un trouble principal qui était toujours plus sévère comparés aux individus qui n’ont pas de trouble comorbide. Il semble ainsi que le fait d’être atteint de plusieurs troubles de santé mentale complexifie le portrait clinique.

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Le deuxième objectif était de vérifier si la comorbidité affecte l’efficacité du traitement du trouble principal. L’hypothèse est infirmée. En effet, les résultats révèlent que l’effet de la thérapie pour diminuer la sévérité du trouble principal est le même pour les deux groupes et qu’il n’y a pas de lien entre l’obtention d’un changement cliniquement significatif et la comorbidité. Ainsi, il semble que la présence de comorbidité n’affecte pas le traitement du trouble principal dans le cadre de cette étude. Toutefois, il est pertinent de préciser que les deux groupes ne sont pas égaux au deuxième temps de mesure. En effet, les personnes qui présentent au moins un trouble comorbide terminent la thérapie avec un diagnostic principal en moyenne plus sévère que les personnes qui ne présentent pas de trouble comorbide. Bien que cette différence soit légère, elle est significative. Il demeure que les personnes qui souffrent d’une comorbidité obtiennent le même effet sur le trouble principal que l’autre groupe. De plus, dans les deux cas, au post-test, la sévérité du trouble principal est nettement sous-clinique. Ces résultats sont donc partiellement concordants avec la littérature actuelle. Il y a effectivement plusieurs études qui rapportent des résultats satisfaisants de la thérapie pour diminuer les symptômes des troubles principaux malgré la présence de comorbidité. D’ailleurs, tel qu’expliqué précédemment, les méta-analyses et les recensions de la littérature semblent conclure que de façon générale, la comorbidité n’affecte pas le traitement (Olatunji, Cisler & Tolin, 2010; Bauer, Wilansky-Traynor & Rector, 2012). Toutefois, il demeure que l’efficacité obtenue varie d’une étude à l’autre et que de nombreuses autres études rapportent des liens importants entre la comorbidité et la diminution du succès thérapeutique (Ledley & al., 2005; Abramowitz & al., 2000). Quoi qu’il en soit, les résultats de la présente étude sont cohérents avec la partie la mieux appuyée de la littérature actuelle. Il semblerait que même si le portrait clinique est complexifié par la présence de comorbidité, le traitement peut être aussi bénéfique.

Le troisième objectif était de vérifier si la thérapie est efficace pour traiter les troubles comorbides. L’hypothèse est confirmée. En effet, les résultats révèlent que lorsqu’on compare le nombre et la sévérité des comorbidités avant et après la thérapie, ils diffèrent de manière significative. Il semble donc que même si la thérapie n’a pas d’emblée pour cible les troubles comorbides, elle permet une amélioration clinique significative de ceux-ci. Bien que

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la littérature à ce sujet soit plutôt limitée, les résultats sont concordants avec cette dernière. Des études portant sur le traitement du trouble principal, comme le trouble panique et le trouble d’anxiété généralisée, concluent que la TCC est efficace pour traiter les troubles comorbides même s’ils ne sont pas spécifiquement visés (Craske, Farchione, Allen, Barrios, Stoyanova & Rose, 2007; Newman, Przeworski, Fisher & Borkovec, 2010; Öst, Karlstedt & Widén, 2012; Davis, Barlow & Smith, 2010; Bauer, Wilansky-Traynor & Rector, 2012). Certains suggèrent que de traiter le trouble principal adéquatement pourrait résulter en une diminution des symptômes des troubles secondaires (Payne, Ellard, Farchione, Fairholme & Barlow, 2014).

Plusieurs hypothèses peuvent être émises pour tenter d’expliquer les résultats observés. Il est d’abord possible que la flexibilité des thérapies prodiguées à l’UTCC aient permis de cibler les comorbidités. Le protocole d’évaluation rigoureux permet d’établir quel est le trouble prédominant et les plans de traitement sont généralement développés en fonction de celui-ci. Toutefois, l’analyse fonctionnelle approfondie permet également de considérer d’autres éléments, comme les troubles secondaires. Ainsi, sans avoir nécessairement suivi un protocole manualisé pour chacune des comorbidités, il est possible que certaines problématiques aient brièvement été ciblées. Comme le nombre de séances de thérapie moyen ne diffère pas chez les participants selon qu’ils soient affectés par des comorbidités ou non, il est peu probable que la thérapie ait couvert des protocoles complets pour chacun des troubles.

Une autre hypothèse pour expliquer que les troubles comorbides se résorbent en traitant le trouble principal est que la thérapie puisse agir sur des mécanismes communs à l’ensemble des troubles anxieux, dépressifs et apparentés. Deux possibilités existent. D’abord, de nombreux chercheurs croient que ces troubles émotionnels sont en fait de simples variations dans la façon de manifester une même affection sous-jacente. Cette entité est souvent appelée l’affect négatif et peut se définir comme un tempérament ou un trait inné qui augmente la propension à vivre des émotions négatives (Norton & Philipp, 2008). Cette idée est appuyée par plusieurs études, notamment en ayant recours à des analyses factorielles

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(Brown, Chorpita & Barlow, 1998). Il est ainsi possible que la thérapie agisse en réalité sur l’affect négatif. Cela expliquerait que les effets de la thérapie se généralisent aux différents troubles des individus. L’autre possibilité est que la thérapie puisse cibler des facteurs de développement et de maintien communs aux troubles. Il existerait des processus transdiagnostiques aux troubles émotionnels, tels que des stratégies d’adaptation ou des façons de gérer les émotions plus dysfonctionnelles (Harvey, Watkins, Mansell & Shafran, 2004). Il est notamment question d’évitement comportemental et cognitif et de rumination. Des processus de raisonnement, d’attention et de mémoire pourraient aussi être impliqués et expliquer que des distorsions cognitives soient souvent retrouvées à travers l’ensemble des troubles émotionnels (Moses & Barlow, 2006; Mansell, Harvey, Watkins & Shafran, 2009; Bird, Mansell, Dickens & Tai, 2013; Harvey & al., 2004). Les processus transdiagnostiques pourraient donc maintenir plus d’un trouble à la fois (Harvey & al., 2004). Ainsi, selon cette hypothèse, la thérapie pourrait intervenir sur des éléments communs et traiter plusieurs troubles simultanément. Les hypothèses soulevées pour expliquer que les comorbidités se soient résorbés à la suite du traitement peuvent potentiellement coexister et pourraient également expliquer pourquoi la présence de comorbidité n’affecte pas le traitement du trouble principal.

Implications cliniques

Sur le plan clinique, les résultats de cette étude ont plusieurs implications. D’abord, comme la comorbidité est associée à un profil clinique plus sévère, il est pertinent d’en tenir compte et d’en rechercher les conséquences potentielles. En effet, tel que mentionné précédemment, les personnes qui présentent au moins un trouble comorbide ont en moyenne un diagnostic principal plus sévère que les personnes qui ne présentent pas de trouble comorbide et ce, autant avant qu’après la thérapie. Ainsi, même si les personnes qui ont une comorbidité bénéficient de la thérapie, ils semblent davantage souffrir de symptômes résiduels. Comme les symptômes résiduels ont été associés à un risque accru de rechute, il pourrait être pertinent d’adapter le suivi, par exemple en le prolongeant ou en effectuant des rencontres post suivi (Paykel, 2008; Bech, Lonn & Overo, 2010; Conradi, Ormel & de Jonge, 2011).

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Il ne semble toutefois pas nécessaire d’apporter des adaptations majeures à la thérapie lorsque la comorbidité est impliquée, puisqu’à la fois le trouble principal et les troubles secondaires ont obtenu une amélioration clinique, et ce, en ciblant principalement le trouble prédominant. Comme c’est souvent le cas dans les milieux naturels, il est difficile de connaitre les détails des thérapies prodiguées à l’UTCC, mais chose certaine, il est très peu probable, voire impossible, que des protocoles manualisés entiers spécifiques à chacun des troubles aient été appliqués pour chacun des participants. Pourtant, le nombre et la sévérité des comorbidités ont significativement diminué au deuxième temps de mesure. Ainsi, il est recommandé de cibler le trouble principal malgré la présence de comorbidité. L’hypothèse selon laquelle ce serait la flexibilité des traitements qui expliquerait que la thérapie n’ait pas été affectée par la comorbidité et que la comorbidité ait aussi bénéficié de la thérapie semble suggérer que d’avoir recours à la flexibilité soit une avenue prometteuse. Des études ont d’ailleurs montré que des thérapeutes qui ont recours à la flexibilité obtiennent de meilleurs résultats que les thérapeutes qui n’y ont pas recours (Owen & Hilsenroth, 2014; Truijens, Zühlke-van Hulzen & Vanheule, 2018). De même, des études ont montré une supériorité des traitements non manualisés par rapport aux traitements manualisés (Truijens, Zühlke-van Hulzen & Vanheule, 2018). Toutefois, de récentes méta-analyseet revuede la littérature sur le sujet concluent en fait qu’il n’y a pas de lien entre l’adhérence au traitement et l’efficacité et que les traitements manualisés sont équivalents aux traitements non manualisés (Truijens, Zühlke-van Hulzen & Vanheule, 2019; Webb, DeRubeis & Barber, 2010). À titre d’exemple, une étude a comparé une TCC spécifique au trouble panique à une TCC spécifique au trouble panique combinée à des déviations du protocole pour traiter les comorbidités. Les résultats ont montré que les deux thérapies étaient efficaces pour réduire les symptômes du trouble panique. De surcroît, les bénéfices se sont davantage maintenus dans le temps chez les participants qui ont reçu la thérapie ciblant seulement le trouble panique (Craske, Farchione, Allen, Barrios, Stoyanova & Rose, 2007). Il semble donc que la flexibilité ne soit pas nuisible, mais non essentielle. Ces conclusions donnent davantage de crédit à la deuxième hypothèse formulée, soit que les traitements cibleraient une affection sous-jacente commune aux troubles. Ainsi, il est recommandé de continuer à utiliser les thérapies standards qui ciblent principalement le trouble prédominant.

Références

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