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Le temps n'est pas pour toujours : l'espace urbain comme lieu de création intermédiatique

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

© Alain Garneau, 2020

Le temps n'est pas pour toujours : L'espace urbain

comme lieu de création intermédiatique

Thèse

Alain Garneau

Doctorat en littérature et arts de la scène et de l'écran

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

(2)

ii

RÉSUMÉ

Cette recherche-création se divise en deux volets, un pratique et un théorique. Le premier, Le temps n’est pas pour toujours (시간은 영원하지 않아 – Time’s not forever), révèle d’abord les modalités de notre création intermédiatique présentée à Séoul le 16 mai 2015. Le script original de ce spectacle, multilingue et dont les thèmes principaux sont l’identité, le temps, la vitesse et la mémoire, est alors exposé. Les laboratoires d’exploration effectués avec le collectif sud-coréen In the B sont ensuite présentés afin de comprendre comment ils firent progresser le travail et déceler la matière retenue de chacun d’entre eux pour l’œuvre finale. Enfin, le processus d’écriture et les traces de notre création permettent d’entrer au sein du développement pratique se produisant en dialogue avec les notions théoriques.

Dans le deuxième, L’espace urbain comme lieu de création intermédiatique, les productions médiatiques sur scène et en milieu urbain sont scrutées afin d’en définir les pratiques et cerner les esthétiques qui les constituent. Également, il s’agit de s’interroger sur le monde numérique et les raisons de sa révolution. Ces tensions sont analysées en considérant leur intégration dans la société intermédiatique ainsi que leur impact sur le citoyen et son environnement. La création visuelle urbaine est finalement approchée en exposant comment sa composition d’images et de sonorités est mise en espace dans la ville écranique.

(3)

iii

ABSTRACT

This research-creation is divided into two parts, a practical and a theoretical. The first one, Time’s not forever (시간은 영원하지 않아 – Le temps n’est pas pour toujours), initially tells the modalities of our intermediatic creation presented in Seoul on May 16th, 2015. The original script of this spectacle,

multilingual and whose main themes are identity, time, speed and memory, is then shown. The exploration workshops done with the South Korean group In the B are next displayed to understand how they advanced the work and identify the material of each of them that was preserved for the final performance. Lastly, the writing process and the traces of our creation allow us to discover the practical development occurring in dialogue with the theoretical notions.

In the second part, Urban Space as a Place of intermediatic Creation, media productions on stage and in urban areas are scrutinized in order to define their practices and identify the aesthetics that constitute them. Also, it is necessary to reflect on the digital world and the reasons for its revolution. These tensions are analyzed by considering their integration into the intermediatic society as well as their impact on the citizen and his environment. The visual urban creation is finally grasped by unveiling how its composition of images and sounds is put into space in the screen city.

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iv

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... ii

ABSTRACT ... iii

TABLE DES MATIÈRES ... iv

LISTE DES ANNEXES ... vii

REMERCIEMENTS ... xii

INTRODUCTION ... 1

Objet d’étude et intermédiaticité ... 2

Méthodologie de recherche-création ... 7

Deux étapes : laboratoires d’exploration et création finale ... 16

Contextualisation du groupe In the B en Corée du Sud ... 27

Plan de présentation ... 34

PARTIE I (VOLET PRATIQUE) : LE TEMPS N’EST PAS POUR TOUJOURS (시간은 영원하지 않아 –TIME’S NOT FOREVER) ... 37

1. Abrégé descriptif du spectacle ... 37

2. Script du spectacle Le temps n’est pas pour toujours (16 mai 2015) ... 39

2.1 Prologue ... 39

2.2 I – 나중에 (Na-jung-e, Later / Someday – À un moment donné) ... 44

2.3 II – 동안 (Dong-an, During / Now – Pendant) ... 55

2.4 III – 마지막 (Ma-ji-mak, In the end / Finally – Enfin) ... 63

2.5 Épilogue ... 69

3. Studios de recherche-création avec le collectif créatif In the B ... 72

3.1 Studio 1 : It’s not a cinema #1, Lee Han Chul On Ruf (Juillet 2011) ... 72

3.2 Création d’approche 1 : House is Not a Home (Juillet 2011) ... 79

3.3 Création d’approche 2 : You’re the answer (Juillet 2011) ... 85

3.4 Étude 1 : Turned Off the TV (Août 2011) ... 89

3.5 Studio 2 : Video Concerto No. 2 (Novembre 2011) ... 91

3.6 Création d’approche 3 : International Finance Centre (Mars 2012) ... 102

3.7 Création d’approche 4 : lMU (Avril 2012) ... 106

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v

3.9 Étude 3 : Video Concerto No. 3, Tom and Jerry Night (Juin 2012) ... 120

3.10 Étude 4 : You Are Beautiful (Juillet 2012) ... 124

3.11 Studio 3 : Séoulitude (Octobre 2012) ... 128

3.12 Création d’approche 5 : Lament (Février 2013) ... 152

3.13 Étude 5 : Sound of Sound of Sound (Metro Hero) (Avril 2013) ... 155

3.14 Étude 6 : At Most (Mai 2013) ... 159

3.15 Création d’approche 6 : Octopus – Breaking News (Juillet 2013) ... 163

3.16 Studio 4 : Rough Cut Nights – Goldberg Machine (Mars 2014) ... 170

3.17 Retour sur les studios, les études et les créations d’approche ... 178

4. Processus scriptural et ses traces (Avril 2011-Mai 2015) ... 181

4.1 L’image urbaine comme lieu de mémoire (Avril-Décembre 2011) ... 181

4.2 Spectacle fusionnant temps, vitesse et espace (Hiver 2012) ... 183

4.3 Collage de transports : Où allons-nous? (Juin-Juillet 2012) ... 187

4.4 Un vieil homme, des images, Bongo et des femmes (Août 2012) ... 190

4.5 Atmosphères, surcharge et folie urbaine (Automne 2012) ... 196

4.6 Poursuite des dialogues et de la mise en espace (Hiver 2012-2013) ... 198

4.7 Nouveaux textes et éléments d’inspiration (Printemps 2013) ... 201

4.8 Temps, espace et trafic urbains (Printemps 2014) ... 202

4.9 Escale à San Francisco (Juin 2014) ... 205

4.10 Collecte de transports et machines au Québec (Juin-Octobre 2014) ... 206

4.11 Retour en Corée du Sud (Octobre 2014-Janvier 2015) ... 207

4.12 Vietnam, Thaïlande et Malaisie (Janvier-Avril 2015) ... 211

4.13 Retour à Séoul : choix finals (Avril-Mai 2015) ... 218

4.14 Derniers changements et retraits (Avril-Mai 2015) ... 226

4.15 Lieu de représentation et publications (Mai 2015) ... 231

4.16 Retransmission en direct : public international (Mai 2015) ... 236

PARTIE II (VOLET THÉORIQUE) : L’ESPACE URBAIN COMME LIEU DE CRÉATION INTERMÉDIATIQUE ... 239

1. L’art technologique et urbain ... 239

1.1 Types de pratiques dans les productions médiatiques ... 239

(6)

vi

2. La société intermédiatique et son urbanisme numérique ... 280

2.1 Monde numérique et ses répercussions ... 280

2.2 Mise en espace de la création urbaine (images et sonorités) ... 299

CONCLUSION ... 324

(7)

vii

LISTE DES ANNEXES

(toutes déposées séparément)

Annexe 1 : Urbanisme, voyages, chamanisme (Théâtrologie II : Les nouveaux langages de la scène), Université Laval (Hiver 2011); vidéo du laboratoire d’exploration ... 9 Annexe 2 : Le temps n’est pas pour toujours (16 mai 2015); vidéo et 130 photos de notre création intermédiatique ... 39 Annexe 3 : Studio 1 : It’s not a cinema #1, Lee Han Chul On Ruf (Juillet 2011); 1 vidéo et 20 photos de la préproduction, 5 vidéos ainsi que 10 photos de la production ... 72 Annexe 4 : Miser, Kim GeoJi; vidéo-clip et 20 photos de la production ... 78 Annexe 5 : It’s not a cinema #2, Kim GeoJi, Always Hungry; vidéo-clip de la production ... 78 Annexe 6 : Création d’approche 1 : House is Not a Home (Juillet 2011); 2 vidéos de la création et 9 chansons d’inspiration ... 79 Annexe 7 : Video Concerto for Something Analog No. 1; 1 photo de la préproduction et vidéo de la production ... 79 Annexe 8 : Concours Theatre Architecture Competition (TAC), Organisation Internationale des Scénographes, Techniciens et Architectes de Théâtre (OISTAT); 2 pages extraites de documents promotionnels ... 80 Annexe 9 : Sur le concept du visage du fils de Dieu, Romeo Castellucci; 1 vidéo et 5 photos de la préproduction ... 82 Annexe 10 : Création d’approche 2 : You’re the answer (Juillet 2011); chanson, paroles (coréen/anglais), 8 vidéos de la création ainsi que 5 vidéos d’inspiration ... 85 Annexe 11 : Étude 1 : Turned Off the TV (Août 2011); 1 vidéo et 2 photos de la préproduction, paroles (coréen/anglais) et vidéo-clip de la production ainsi que 8 vidéos d’inspiration et making-of ... 89 Annexe 12 : First Day, Eco Bridge & Naul; vidéo-clip, 15 vidéos et 8 photos de la production ... 91

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Annexe 13 : Studio 2 : Video Concerto No. 2 (Novembre 2011); 4 vidéos et 12 photos de la préproduction, 212 photos pour le montage visuel et 13 photos (mouvements d’ouverture), affiche, vidéo, 4 chansons et 60 photos de la production ainsi que 2 photos d’inspiration (costume), 15 photos d’inspiration (gestes), 2 chansons et 2 vidéos d’inspiration ... 91 Annexe 14 : Festival international de jazz de Jarasum; vidéo et 3 photos de la production ... 92 Annexe 15 : Création d’approche 3 : International Finance Centre (Mars 2012); 7 vidéos d’inspiration ... 102 Annexe 16 : Soul Live, BES; 2 vidéos et 7 photos de la production ... 103 Annexe 17 : Chanel Korea, 20e anniversaire; 2 photos de chacune des 2 vidéos

promotionnelles ... 103 Annexe 18 : Summer Night Jukebox, Everland; 1 vidéo de la production... 106 Annexe 19 : Création d’approche 4 : lMU (Avril 2012); 3 vidéos, 3 schémas et 1 liste d’éléments chorégraphiques de la création, 18 photos (3 de la Gare de Séoul et 15 de poses) ainsi que 4 vidéos d’inspiration ... 106 Annexe 20 : Video Concerto for Something Analog No. 4, Gare de Séoul; 1 vidéo (Part 1 : Les Papillons) et 12 photos de la production ... 114 Annexe 21 : Intervention fumée, Station Gangnam; 7 photos du projet... 115 Annexe 22 : A dog hits a truck, These Things Happen (TTH); texte et 2 photos de la publication ... 116 Annexe 23 : Yes, Those Things Happened!; 42 photos de la publication ... 116 Annexe 24 : Yes, Those Things Happened-Phase 2; 38 photos du projet en 2 versions chacune (originale et modifiée) ... 116 Annexe 25 : TTH #2, Exam Performance, EBS (Korea Educational Broadcasting System); vidéo de la production ... 117 Annexe 26 : Alain’s Writing class, EBS; 4 vidéos ainsi que 8 photos des productions ... 117 Annexe 27 : Étude 2 : Hard to be Humble (Mai 2012); paroles (coréen/anglais), vidéo-clip et 60 photos de la production ... 117 Annexe 28 : Pursuing the Happiness, LeeSsang; vidéo-clip de la production . 120

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ix

Annexe 29 : Étude 3 : Video Concerto No. 3, Tom and Jerry Night (Juin 2012); proposition du 4 mai 2012, liste des films de Tom et Jerry, notes et catégories des notes pour montages audiovisuels, 20 photos de la préproduction, affiche promotionnelle, 3 modèles de billets, 13 staff ID, plan de sol et fiche technique

de la salle ainsi que 5 vidéos et 20 photos de la production ... 120

Annexe 30 : Ouverture du Chanel Pop-up Store; 5 photos de la production .... 122

Annexe 31 : Tom and Jerry Night, Encore, Club KeuKeu; 20 affiches de films, 8 modèles de maillots, 3 vidéos et 15 photos de la production ... 124

Annexe 32 : Tom and Jerry Night 2014, Zagmachi; 1 vidéo de la production et programme de la soirée ... 124

Annexe 33 : Étude 4 : You Are Beautiful (Juillet 2012); 1 vidéo d’une répétition, chanson, paroles (coréen/anglais), vidéo et 10 photos de la production ainsi que 6 vidéos d’inspiration ... 124

Annexe 34 : Gentleman Korea; vidéo de la production ... 125

Annexe 35 : Piri Set, Orchestre National de Corée; 3 chansons, 5 vidéos et 5 photos de la production ... 125

Annexe 36 : Ulala Session, Naver; vidéo de la production ... 127

Annexe 37 : Jang Yoon-Ju, Naver; 2 vidéos de la production ... 127

Annexe 38 : Steve Barakatt, Naver; 1 vidéo et 4 photos de la production ... 127

Annexe 39 : Bulldog Mansion, Naver; 1 photo de la production ... 127

Annexe 40 : Oksang Dalbit, Naver; vidéo de la production... 128

Annexe 41 : Studio 3 : Séoulitude (Octobre 2012); 3 vidéos de la préproduction, vidéo et 20 photos de la production ainsi que 1 photo d’inspiration ... 128

Annexe 42 : Belgitude; vidéo et 10 photos de la production ... 129

Annexe 43 : Par(t)is(i)annitude; 2 vidéos et 5 photos de la production ... 130

Annexe 44 : Concert à Shanghai; 15 photos de la production ... 140

Annexe 45 : Genie Music, KT Corporation; 2 photos de la production ... 146

Annexe 46 : October Rain, Yoon Gun; vidéo-clip de la production... 152 Annexe 47 : Création d’approche 5 : Lament (Février 2013); 18 photos (3 du repérage, 9 des tests et 6 des tournages) et 3 vidéos de la création (1 des tests et 1 de chacune des 2 versions) ainsi que 7 photos d’inspiration (costume) et 7

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x

chansons d’inspiration ... 152 Annexe 48 : Étude 5 : Sound of Sound of Sound (Metro Hero) (Avril 2013); 3 photos de la préproduction, 2 vidéos et 1 photo de la production ... 155 Annexe 49 : Communication V, Sungam Art Hall; 1 vidéo et 7 photos de la production ... 158 Annexe 50 : Étude 6 : At Most (Mai 2013); chanson (en 3 versions), paroles (coréen/anglais), vidéo-clip et 20 photos de la production ... 159 Annexe 51 : Mixtape : Cinema, Olympus Hall; 2 affiches, 2 vidéos et 12 photos de la production ... 161 Annexe 52 : Mixtape : Cinema, LG Arts Center; 4 maquettes de décor, 4 affiches et 4 photos de la production... 161 Annexe 53 : Timeless Gallery / Samsung UHD TV, Salon du Design vivant de Séoul; 1 vidéo et 7 photos de la production ... 162 Annexe 54 : Tokyo Photographers’ Night, aA Design Museum; 5 photos de la production ... 162 Annexe 55 : Le Sacre du Printemps, Performance Group 153; 2 photos de la production ... 163 Annexe 56 : Peace and Piano Festival, Centre d’arts de Gyeonggi; affiche, 1 vidéo et 6 photos de la production... 163 Annexe 57 : Création d’approche 6 : Octopus – Breaking News (Juillet 2013); 36 photos (28 du repérage, 2 du bassin et 6 du costume) et 1 vidéo de la création ... 163 Annexe 58 : Angry Painter, Treefilm; 2 vidéos de la préproduction ainsi que 2 affiches, 2 vidéos et 18 photos de la production ... 169 Annexe 59 : Studio 4 : Rough Cut Nights – Goldberg Machine (Mars 2014); 4 affiches, 1 vidéo et 22 photos de la production, 3 vidéos de présentation ainsi que 1 photo et 2 vidéos d’inspiration ... 170 Annexe 60 : Rock-Paper-Scissors, KOBA (Korea International Broadcast Audio & Lighting Equipment Show) 2014; vidéo et 15 photos de la production ... 177 Annexe 61 : Processus scriptural et ses traces (Avril 2011-Mai 2015); 226 photos, 12 vidéos, 8 sons et 2 chansons d’inspiration, 5 schémas de la scène, 7 photos

(11)

xi

du lieu de représentation, 55 photos des publications, 3 vidéos des tests sur Ustream et 2 versions du montage audiovisuel final ainsi que la dédicace de la première et les textes retranchés ... 181 Annexe 62 : In the B in Hong Kong;vidéo de la production ... 336 Annexe 63 : Bande démo; vidéo de notre portfolio ... 336

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xii

REMERCIEMENTS

L’achèvement de cette étude doit beaucoup à notre directeur de thèse, Monsieur Luis Thenon, et nous tenons à le remercier d’avoir dirigé cette recherche-création. Nous lui sommes reconnaissant pour l’intérêt porté à notre travail et la pertinence de ses recommandations.

Nos pensées chaleureuses se dirigent à l’avenant vers nos parents, dont le soutien et l’affection de toujours sont extraordinaires et la générosité inégalable, de même que nos grands-parents, à qui nous souhaitons le repos doux et les retrouvailles merveilleuses, ainsi que nos précieux amis et l’amusante Tortue. Pour finir, nous remercions tous ceux et celles ayant aussi concouru, de quelque manière que ce soit, à l’élaboration et à la concrétisation de ce travail de recherche doctoral.

(13)

1

INTRODUCTION

L’espace urbain est devenu un lieu de prédilection pour les créations médiatiques, à l’ère du numérique. Les projections jouent ainsi un rôle prédominant dans les interventions artistiques conditionnées par l’espace de la ville. Les écrans digitaux de la rue, des lieux publics, des transports et des façades d’immeubles se multiplient et influencent de plus en plus notre perception de l’environnement quotidien. Dans l’espace spectaculaire, ces écrans deviennent une forme langagière portant des significations inédites. Dans l’instantanéité de sa diffusion, l’image modifie le rapport de l’homme au monde dans lequel l’espace urbain se recycle constamment, tout en favorisant la création intermédiatique.

L’incorporation massive des écrans, tant dans les aires scéniques que dans les espaces sociaux en milieu citadin, détient également une incidence fondamentale sur le développement des esthétiques récentes. Dans la reconfiguration de l’espace global, façonné et conditionné par la Toile, les écrans deviennent un instrument de construction et de matérialisation d’un nouveau paradigme interculturel dans lequel la création trouve un support et une justification déterminant les dernières formes de l’art urbain.

Cette recherche-création en écriture et performance médiatiques a pour objectif de nous amener à saisir les particularités de la création intermédiatique

(14)

2

façonnée en milieu urbain. Le concept de création intermédiatique y est défini en observant la manière dont celle-ci s’organise. Nous nous y intéressons aussi aux événements artistiques se déroulant dans la ville afin d’en comprendre les contraintes et les exigences.

Objet d’étude et intermédiaticité

Bruno Marzloff perçoit la ville comme un 5e écran : l’urbain comme média. Dans

Le 5e écran : les médias urbains dans la ville 2.0, il explique que le premier écran

dynamique dans l’histoire des technologies est public et extérieur. Il s’agit de la grande toile du cinéma. Le deuxième est la télévision, écran collectif, mais plus public, alors que le troisième est personnel et se partage déjà moins que la télévision : l’ordinateur. Le quatrième est le téléphone mobile que l’on porte sur soi, intime, qu’on ne partage pas, ou si peu, et qui nous accompagne partout. Quant au cinquième, l’urbain comme média, Marzloff croit que les ondes, les marques et les signes sur les façades et les mobiliers des monuments forment le pouls de la ville que nous saisissons en temps réel et auquel nous pouvons participer : « Le 5e écran est le système technologique qui permet le jeu de tous

ces écrans dans l’espace public1. » Il soutient que cet écran autorise l’urbain à

s’exprimer et qu’une multitude d’acteurs prennent et prendront appui sur ces

1 Bruno Marzloff, Le 5e écran : les médias urbains dans la ville 2.0, Limoges (France) : FYP, 2009,

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3

opportunités de dialogues pour communiquer. Grâce à cette implication, le citoyen devient un média et bouleverse notre rapport à la ville devenue numérique.

La fonction des écrans urbains ne se limite pas à la communication informative. En plus de constituer un outil de diffusion de renseignements, ces écrans sont un élément architectural et détiennent la capacité de devenir un fait artistique. Dans l’élaboration d’un spectacle intermédiatique à l’âge numérique, notre sujet d’étude, les conditions de la ville que Marzloff désigne comme 5e écran peuvent

être matière à création.

En analysant les caractéristiques de la culture numérique (à partir, principalement, des concepts de Milad Doueihi), ainsi que ses spécificités au sein des créations urbaines, nous réalisons aussi que les technologies du numérique permettent de réinventer les lieux. La prolifération des écrans dans la ville s’intègre donc au processus créatif. L’exploitation de l’image urbaine dans cette profusion écranique, valorisation constituant notre objet d’étude, redéfinit la conception artistique en multipliant les voies expressives et en créant une structure communicative de superposition et de surabondance langagières. Par le terme intermédiaticité, nous entendons l’approche conceptuelle diffusée par Dick Higgins, à partir de son texte fondateur de 1966, Intermedia. Ce membre du groupe Fluxus, dont l’un des premiers objectifs était de casser les barrières entre les arts et le public, y annonce que l’intermédia fut observé dans le théâtre,

(16)

4

les arts visuels, les happenings et certaines autres structures physiques2. Cette

notion consiste en l’amalgame d’activités interdisciplinaires se produisant entre les genres. Elle trouve son origine dans tous les secteurs de l’art, dont elle brouille les frontières et mixe les catégories.

L’intermédiaticité appartient à la contemporanéité et emploie les technologies les plus récentes. Bertrand Clavez affirme que « l’art le plus intéressant est nécessairement intermédiatique parce qu’il est l’image d’une société entièrement neuve qui s’invente3. » Pour Éric Mechoulan, l’intermédialité est « un

métissage de médias d’ores et déjà différenciés [...] une hybridation des pratiques artistiques. [...] un ensemble de codes médiatiques dont un média doit toujours se dégager afin de parvenir à son autonomie4. »

Bértold Salas-Murillo soutient dans sa thèse De l’intermédialité à l’œuvre lepagienne, et de l’œuvre lepagienne à l’intermédial : un parcours à double sens à propos du théâtre et du cinéma de Robert Lepage que :

Les médias, par leur constante évolution et leurs fréquents échanges de procédés et de matériaux les uns avec les autres, déterminent les rapports

2 Dick Higgins, Intermedia, in « Something else Newsletter », Volume 1, no 1 (February), New

York: Something Else Press, 1966.

3 Bertrand Clavez, Intermedia de Dick Higgins : un objet entre l’œuvre et le texte, conférence

effectuée lors du colloque « Esthétiques intermédias : approches historiques », Théâtre Paris-Villette (Belgique), 10 juin 2006, <https ://sites.google.com/site/bertrandclavez/articles-parus/intermedia>.

4 Éric Mechoulan, La synthèse d’Éric Mechoulan, conférence de clôture effectuée lors du

colloque « La nouvelle sphère médiatique », Musée d’art contemporain de Montréal : CRI, 2 au 6 mars 1999, <http ://cri.histart.umontreal.ca/cri/sphere1/conf-mechoulan.htm>.

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temporels et spatiaux, la perception du corps, les formes de présentation et de représentation, les stratégies dramaturgiques, les principes de structuration et de mise en place de mots, images et sons, enfin, les façons de percevoir et de générer des sens culturels, sociaux et psychologiques5.

De manière complémentaire et schématisée, Salas-Murillo spécifie aussi que l’intermédial constitue un trait du monde contemporain6.

Dans Esthétique des arts médiatiques : Prolifération des écrans/Proliferation of screens, Hervé Fischer souligne que nous apprenons à voir le réel à travers les images virtuelles et que l’écran fait office d’instrumentation, tel un outil, un dispositif d’interaction entre la nature et nous. Multisensoriels, les écrans sont des espaces cinématographiques et télévisuels, donc narratifs, et les artistes les investissent comme espaces imaginaires7.

Doueihi, pour sa part, mentionne dans Pour un humanisme numérique que « L’urbanisme virtuel est le site de la culture anthologique naissante [...] Il est aussi le moteur de la réalité augmentée, cette Terre promise de la convergence et de la mobilité, des mondes virtuels et des savoirs disponibles et accessibles8. »

5 Bértold Salas-Murillo, De l’intermédialité à l’œuvre lepagienne, et de l’œuvre lepagienne à

l’intermédial : un parcours à double sens à propos du théâtre et du cinéma de Robert Lepage, Thèse (Ph. D.), Québec : Université Laval, 2017, p. 2.

6 Op. cit., p. 27.

7 Louise Poissant et Pierre Tremblay [dir.], Esthétique des arts médiatiques : Prolifération des

écrans/Proliferation of screens, Québec : Presses de l’Université du Québec, Collection « Esthétique », 2008, p. 228-229.

8 Milad Doueihi, Pour un humanisme numérique, Paris : Seuil, Collection « Librairie du XXIe

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6

Il ajoute que cet urbanisme virtuel « nous fait voir une réalité hybride : c’est comme si tout devenait ou était en train de devenir information et que [...] c’était le monde lui-même [...] qui devenait l’interface privilégiée9. » De la même façon

que Fischer associe écrans et espaces imaginaires, Doueihi avance aussi que « la culture numérique a une poétique, traitant des mots, des images, des expressions qui se transforment en agents de créations nouvelles, parfois inédites, souvent des reprises et des reformulations dans le contexte nouveau qu’est l’ère du numérique10. »

Dans notre ère de contamination écranique, les écrans et le réel s’entrecroisent donc socioculturellement. L’écran parvient à assembler le texte, le son ainsi que l’image et représente un espace, à la fois réceptacle physique et imaginaire, sans limites à conquérir. Les sites Internet que nous fouillons restent en mouvement et ne sont jamais complets, car de nouveaux liens s’y ajoutent sans cesse. Le numérique n’a rien d’une utopie, il est notre réalité. Et cette invasion de la culture numérique nous déroute. Dans le même ouvrage, Doueihi aborde le sujet ainsi : « la culture numérique déconcerte. [...] elle risque de trivialiser l’humain, car souvent elle semble sacrifier la réflexion, la maîtrise de soi, voire la sérénité, au profit de l’accélération et de la nouvelle spatialité, de la rapidité et de l’efficacité

9 Ibid.

(19)

7

immédiate11. » L’historien y proclame même un quatrième humanisme, celui du

siècle débutant : l’humanisme numérique. Celui-ci s’additionne aux trois reconnus par Claude-Lévi Strauss : l’aristocratique de la Renaissance, le bourgeois et exotique du XIXe siècle, ainsi que le démocratique du XXe siècle.

Bref, notre réalité est rendue numérique et reconnaît à des images d’écran une nouvelle nature. La ville écranique est dès lors entrevue comme plateforme d’innovation ouverte, programmable et modifiable par ses usagers. Dans la réalisation d’une œuvre d’art contemporaine, l’utilisation de l’image citadine engendre une composition énonciative d’excès et d’interférence. À l’instar de l’intermédiaticité, elle augmente également les moyens suggestifs.

Méthodologie de recherche-création

Notre thèse se développe en suivant les propositions méthodologiques de la recherche-création. Elle se décline dans une structure à deux parties. La première partie est dédiée à l’œuvre de création ainsi qu’à nos studios d’exploration, et la deuxième partie aborde le sujet théorique autour de la création technologique dans l’urbain. L’ouvrage La recherche création : Pour une compréhension de la recherche en pratique artistique, édité sous la direction de Pierre Gosselin et Éric Le Coguiec, est une des importantes références

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8 théoriques de notre travail.

La création artistique en tant que lieu d’expression et où tout est toujours à refaire représente, comme l’énonce Gosselin, une voie de développement personnel pour l’artiste12. En aspirant à entendre et utiliser la ville en tant que

média et plateforme de dialogues, nous nous trouvons aussi en continuelle et authentique découverte, de manière semblable à celle de Hanns Eisler. Dans son essai Langhoff, Odette Aslan cite les mots d’Eisler comme suit :

Choisissez des textes et des sujets qui concernent beaucoup de gens. Faites un véritable effort pour comprendre votre époque [...] Découvrez l’homme, l’homme réel, découvrez le quotidien pour votre art, et peut-être alors vous redécouvrirez-vous redécouvrirez-vous-même13.

Dans le contexte actuel de l’espace numérique comme environnement artistique, l’espace urbain submergé d’écrans constitue un axe adéquat pour s’apprendre et apprendre le monde, tout en participant à sa progression.

Sophia L. Burns conçoit que la méthode d’observation critique « se base sur une démarche de recherche autoréflexive où le chercheur n’a pas peur de revenir sur ses conditionnements et ses véritables motivations14. » Il existe une mise en

relation dynamique de l’objet artistique et de l’objet de théorisation. Ou, en

12 Pierre Gosselin et Éric Le Coguiec, La recherche création : Pour une compréhension de la

recherche en pratique artistique, Québec : Presses de l’Université du Québec, 2006, p. 22.

13 Odette Aslan, Langhoff, dans « Les voies de la création théâtrale : études », Volume XIX, Paris :

CNRS, Collection « Arts du spectacle », 1994, p. 16.

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9

d’autres mots : une cohabitation des volets pratique et théorique étant en lien étroit. Le savoir disciplinaire émergeant de cette tactique d’introspection vise à accroître nos compétences de chercheur et mettre en lumière les paramètres de notre production artistique.

Dans cette recherche-création, afin de repérer nos phases d’évolution, réévaluer nos objectifs et préciser nos intentions, nos observations pratiques sont analysées à l’aide de notes d’ateliers et de réflexions. L’écriture des traces, effectuée durant nos travaux de laboratoire, suit une structure permettant de détailler les étapes clés de nos expériences. À ce sujet, au cours du séminaire Théâtrologie II : Les nouveaux langages de la scène, suivi à l’Université Laval de Québec en hiver 2011 et lors duquel fut réalisé le laboratoire d’exploration Urbanisme, voyages, chamanisme15, notre directeur de recherche, Luis Thenon,

dirigeant aussi cet atelier de création, nous remit les notes suivantes sur les traces :

Sommes-nous devant un document qui se veut un compte-rendu critique d’un travail de recherche-création? Il nous semble primordial d’établir au préalable quelques consignes éclairantes. Un travail de communication critique sur le déroulement d’un travail de recherche-création devrait, en premier lieu, laisser place à un système d’écriture tendant à codifier le déroulement de l’expérience créatrice, selon les paramètres d’une communication capable de décrire un modèle d’action. Ce modèle nécessite l’inclusion d’une manière de classifier les

traces, selon un ordre de primauté, pour conclure dans une possible catégorisation des choix tels, qu’on puisse avoir accès, de façon méthodique, à

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10

l’ensemble de ce choix ainsi qu’à leurs effets dans le système de signes de la représentation artistique. D’autre part, devons-nous supposer que ce travail est en fait une description du travail et des choix retenus pour la mise en scène du texte dramatique sans paroles? Nous croyons qu’un travail de recherche-création peut se justifier pleinement dans le sens d’une interaction déterminante entre, d’une part le fait empirique, ici représenté par l’acte d’exploration, d’écriture dramaturgique et de mise en scène (incluant la représentation théâtrale) et, d’autre part, une réflexion sur l’expérience. Mais cela exige que cette réflexion soit clairement définie et que le développement du sujet énoncé garde en tout temps un rapport critique avec la création théâtrale proposée.

Ces principes furent appliqués à cette étape de notre thèse. Les traces, exposées dans le dernier chapitre de notre volet pratique, révèlent donc les constantes interférences entre nos créations et nos réflexions, ou encore, le dialogue permanent entre nos explorations et nos observations. Il s’agit de justifier nos choix et circonscrire les enjeux de notre travail de conception.

Yvonne Laflamme souligne l’apport de la philosophie orientale à la réflexion sur les limites de la pensée classique. Sa conclusion est que « l’acquisition d’une culture dépassant les frontières de sa propre pratique artistique est essentielle pour l’artiste en recherche création16. » Ce que nous réussissons à obtenir

représente un moyen de percevoir nos activités artistiques. Diane Laurier déclare pareillement que « l’artiste devient le principal chercheur de sa propre démarche artistique [...] l’expérience personnelle devient une voie de compréhension du travail créateur17. »

16 Op. cit., p. 76. 17 Ibid.

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11

En menant notre étude en Corée du Sud, endroit choisi comme territoire d’exploration par l’entremise de studios de recherche-création, notre situation était justement cette dernière : en Orient, au sein d’une tout autre culture et tout ce qu’elle implique comme différences, divergences et obligations à découvrir et appréhender. Notre champ de spécialisation étant l’écriture et les créations médiatiques à l’âge de la culture numérique, la mégapole de vingt-cinq millions d’habitants de Séoul (서울시18), incluant sa région métropolitaine (수도권19),

s’avérait un endroit de prédilection pour notre cheminement de recherche. Cette ville, capitale de la République de Corée (대한민국20), est une des plus efficaces

au monde en matière de technologies de l’information et de la communication. En prenant notre démarche de conception artistique ainsi que notre expérience créatrice au sein du groupe In the B [인더비21, collectif en arts visuels et

performances médiatiques (Visual & Performing Arts Group) fondé en 2010 par

Chiehwan Sung (지환성) et Kyunghwan Jin (경환진)] basé à Séoul, nous nous

sommes interrogé sur les écrans urbains dans la création intermédiatique et le rôle de l’image dans celle-ci. Au long de ces laboratoires d’exploration, l’écriture intermédiatique fut considérée, à l’instar de Thenon, tel qu’il le conceptualise

18 Seoul Si, en romanisation. 19 Sudogwon, en romanisation.

20 Dae Han Min Guk, en romanisation. 21 In Deo Bi, en romanisation.

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12

dans La inscripción intermedial en el texto postdramático, comme processus technique de stratification intégrant des écritures et des médiums interférents et indissociables de l’idée créatrice initiale plutôt que formant une simple somme ou une alternance22.

Nos expérimentations tinrent aussi compte de cette conclusion de Marzloff :

Derrière le concept du 5e écran, il y a les items physiques et immatériels que tout

le monde voit ou comprend : des réseaux de communication, des objets communicants et leurs écrans qui émettent, qui hébergent, qui reçoivent des données, des ordres, des informations, des images, des sons. Ce sont autant d’échos de la ville, des pulsations, des injonctions ou des conseils de ceux qui l’animent et la gouvernent, et des réactions de ceux qui la vivent au quotidien23.

Nos studios produisirent des résultats témoignant des particularités propres à la création intermédiatique urbaine en Corée du Sud. Dans la continuité de ces derniers, nous avons développé les thèmes et écrit le scénario de notre création spectaculaire. Parmi les composantes de celle-ci, mentionnons la ville comme scène, la mise en espace et l’entrecroisement des langues comme matière de création. Une attention particulière fut portée à la manipulation des images et des sonorités. Surtout à celles du trafic et de l’univers urbains étant en lien rapproché avec notre principal territoire de découverte, Séoul et sa région métropolitaine.

22 Luis Thenon, La inscripción intermedial en el texto postdramático, en « ESCENA. Revista de

las artes », Volumen 76, no 2 (enero-junio), Costa Rica: Instituto de Investigaciones en Arte (IIArte)

de la Facultad de Bellas Artes de la Universidad de Costa Rica, 2017, p. 138.

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Afin de consolider notre processus rédactionnel, nous avons donc suivi le guide de compréhension de la recherche en pratique artistique de Gosselin et Le Coguiec. Celui-ci nous aida à vérifier la véracité des fondements relatifs à notre problématique d’exploitation et d’intégration du 5e écran dans la création

intermédiatique, tout en en fortifiant les aspects saillants.

Permettons-nous de nuancer la pensée de Burns, qui est persuadée que « Nous sommes pionniers parce qu’il n’existe pas de modèles antérieurs à cette discipline; elle n’a pas encore d’histoire24. » S’il est vrai que lors de la

présentation de cet ouvrage, ce type d’approche méthodologique était relativement nouveau dans le champ académique, de nombreux autres théoriciens et praticiens des arts se sont jadis intéressés avec pertinence au statut de l’artiste et ses enjeux, ainsi qu’à la création comme expression de notre contemporanéité.

Tel est le cas des futuristes, des dadaïstes et des surréalistes. Déjà au début du siècle dernier, ils examinaient, remettaient en cause et revendiquaient esthétiquement et plastiquement le culte à l’imagination, les mécanismes psychiques du fonctionnement réel de la pensée ainsi que l’autoréflexivité de l’art. Plus que des mouvements, ces derniers étaient devenus un art de vivre, laissant à la postérité une vaste documentation écrite, visuelle et auditive de

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14 leurs idées et de leurs expérimentations.

Les deux Manifestes du surréalisme d’André Breton, ainsi que Manifestes DADA surréalistes de Georges Sebbag, abordent l’art en tant que manifestation de notre vie actuelle, les principes de l’écriture automatique, dada comme état d’esprit et libre-pensée artistique, le collage de fragments de phrases et l’appel à l’action collective. Dans un article de Breton inclus dans l’ouvrage de Sebbag, nous lisons que « Le désir de comprendre [...] a ceci de commun avec les autres désirs que pour durer il demande à être incomplètement insatisfait25. » Aussi à

ce moment, on avait conscience de l’aspect éternel de notre quête à la connaissance et on formulait qu’elle avait besoin de cet inaccomplissement pour croître.

Marcel Duchamp s’interrogea aussi sur les responsabilités de l’artiste et la nature de l’œuvre d’art. Dans Le processus créatif, il affirme que tout art, mauvais ou bon, reste de l’art au même titre qu’une émotion bonne ou mauvaise demeure une émotion, et qu’il faut considérer deux facteurs importants en création, l’artiste et le spectateur26. Peu importe la qualité de nos expériences

artistiques, tout ce matériel fut de facto utilisable. De plus, devenir spectateur

25 Georges Sebbag, Manifestes DADA surréalistes, Paris : Jean-Michel Place, 2005, p 92. 26 Maria Popova, The Creative Act: Marcel Duchamp’s 1957 Classic, Read by the Artist Himself,

in « Brain Pickings », blog, New York, August 23rd, 2012, <http://www.brainpickings.org/index.ph

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de notre démarche par l’introspection nous plaça dans une position complémentaire à celle d’acteur.

Les essais de Clement Greenberg nous incitèrent à développer et maintenir cette rigueur intellectuelle qu’il démontra dans ses analyses des pratiques de l’avant-garde de son temps. Ses comptes rendus nous permirent de mieux contextualiser notre raisonnement inventif afin de théoriser notre méthodologie convoquée. Dans Art et culture : essais critiques, on apprend qu’il croit en la nécessité de l’honnêteté en art et que celle-ci est indissociable du talent27. Cela rejoint les

propos de Burns sur le chercheur praticien n’ayant crainte de réévaluer son apprentissage et ses réels objectifs.

Dans Traiter de recherche création en art : entre la quête d’un territoire et la singularité des parcours, on nous présente le discours de Christian Bégin. D’après lui, le doctorat est un savoir-faire au-delà des disciplines et représente « l’étape la plus exigeante sur le plan de l’engagement intellectuel dans le contexte scolaire28. » Nous estimons toutefois avoir avantage à examiner nos

pratiques. Même si la critique peut être perçue négativement, elle demeure un facteur constructif et évolutif dans l’articulation des échanges sur les modes de

27 Clement Greenberg, Art and culture: critical essays, Boston: Beacon Press, 1961, p. 146. 28 Monik Bruneau et André Villeneuve [dir.], Traiter de recherche création en art : entre la quête

d’un territoire et la singularité des parcours, Québec : Presses de l’Université du Québec, 2007, p. 375.

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16 savoir-faire.

Les fruits de ces études ne couvrent ni en totalité ni avec exactitude notre problématique amalgamant la ville comme écran et le milieu urbain comme espace de création interdisciplinaire à l’ère du numérique. En tout cas, pas dans le cadre d’une recherche-création en contexte académique universitaire, et encore moins venant d’un Occidental en Orient, ou plus spécialement d’un Québécois chez les Coréens du Sud. En ce sens, nous nous démarquons des modèles préexistants, et tout reste à faire sur ce parcours.

Avant de délimiter le contexte de la scène sud-coréenne avec lequel notre démarche est mise en relation, il convient de préciser les différentes phases progressives de notre travail (d’une part, des laboratoires de recherche, et d’autre part, notre propre création).

Deux étapes : laboratoires d’exploration et création finale

En premier lieu, quatre studios de recherche-création ainsi que six études29 et

six créations d’approche30 intégrant des vidéo-clips, des installations, des

performances médiatiques et des happenings avec le collectif créatif In the B,

29 Par étude, nous entendons une création complétée, mais dont les répercussions furent moins

importantes que celles d’un studio.

30 Par création d’approche, nous entendons une création non complétée, mais dont la démarche,

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17

entre juillet 2011 et mars 2014. En faisant la conception et la réalisation de vidéo-clips, ou encore en dirigeant, mettant en jeu, tournant et produisant des performances, des spectacles et des happenings, il nous était plus envisageable de vérifier et mettre en contexte les propositions théoriques énoncées précédemment. Parmi celles-ci, soulignons le 5e écran de Marzloff et

l’humanisme numérique de Doueihi.

Les compétences des trois autres membres principaux du groupe In the B [Chiehwan, président, ingénieur logiciel et diplômé en Mathématiques à l’Université Nationale de Séoul; ainsi que Kyunghwan et Namjo Kim (남조김), maîtres en Arts du spectacle vivant à finalité européenne], de même que celles des collaborateurs circonstanciels, nourrirent notre cheminement. Le processus créatif de la compagnie, établie en 2010, s’avérait similaire au nôtre quant à sa recherche esthétique et son rapport avec les surfaces écraniques. Dans ses productions, le collectif traite des idées extraordinaires réformant les concepts aisément conçus et acceptés. Selon ses membres, toute pensée exceptionnelle est envisageable et peut être mise à exécution dans tout espace ou sur toute scène. En ce sens, In the B réalise en arts scéniques les imaginations qui sont imaginables dans la vie réelle. La vision et l’expertise des deux fondateurs Chiehwan et Kyunghwan, ainsi que celles de Namjo, qui se joignit à l’équipe comme nous en 2011, stimulèrent donc également nos réflexions et poussèrent ces dernières à un degré plus avancé.

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18

En tant qu’auteur, acteur, metteur en scène, réalisateur, clown et producteur, aussi bien dans le domaine du cinéma que dans celui du théâtre, notre fonction au sein du groupe In the B était, selon les besoins et les intentions de chacun des projets, de participer activement à l’élaboration et à l’exécution de ces derniers. Plus spécifiquement, nous portions une attention spéciale à la qualité de la fable et de sa mise en espace, à la justesse du jeu des acteurs, ainsi qu’à l’esthétique générale des œuvres et des corps à l’écran ou sur scène. Notre double statut d’écrivain et de poète, jumelé à nos connaissances en langues étrangères ainsi qu’à notre maîtrise en Arts du spectacle vivant obtenue conjointement à Bruxelles, à Copenhague et à Paris dans le cadre du programme Erasmus Mundus, nous conférait en outre la responsabilité de développer des thèmes et composer des textes, parfois en plusieurs langues, tant pour les productions du collectif que pour la promotion de ses activités artistiques et culturelles. Pour cette thèse, nous avons choisi d’étudier surtout les créations où notre rôle décisionnel fut de premier plan. Celles-ci figurent dans le troisième chapitre de notre partie pratique sous forme de laboratoires d’expérimentation, effectués notamment en projetant des images sur les espaces de représentation dans la ville, l’écran urbain.

La conceptualisation des procédés techniques utilisés lors de ces derniers bénéficia pareillement des travaux d’Anne Cauquelin. En énonçant dans Les théories de l’art, relativement aux pratiques, que « les artistes se livrent aussi à

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l’exercice d’une pratique théorisée, nourrie des commentaires venus de tous ces horizons31 », elle souligne la place centrale qu’occupe l’ensemble des angles de

vue, tantôt homogènes, tantôt hétérogènes, dans la formulation théorique conformément aux circonstances de leur réalisation. Cauquelin ajoute que « L’œuvre “en soi” [...] se dit œuvre au travers de la condition d’une mise en forme [...] Hors du site, que la théorie a construit et que les théorisations maintiennent vivant, elle n’est rien32. » Nul ne doit donc être réticent à faire des

erreurs, ou mauvais choix, car durant une recherche-création il s’agit de se découvrir soi-même dans un aller-retour entre la pratique et la théorie.

La réflexion sur l’art étant essentielle pour nous, établissons un parallèle entre notre démarche et le concept du fab lab. Dans Fab Lab - L’avant-garde de la nouvelle révolution industrielle, Fabien Eychenne s’intéresse à la révolution numérique et la fabrication numérique ainsi qu’à l’histoire et la typologie du fab lab. Il définit le fab lab comme « plateforme de prototypage rapide d’objets physiques, intelligents ou non33 ». L’auteur relate que « Le premier fab lab

émerge au Massachusetts Institute of Technology (MIT) dans le cadre du laboratoire interdisciplinaire Center for Bits and Atoms (CBA) fondé, en 2001, par

31 Anne Cauquelin, Les théories de l’art, Paris : Presses universitaires de France, Collection « Que

sais-je? », 2010, p. 7.

32 Op. cit., p. 9.

33 Fabien Eychenne, Fab Lab - L’avant-garde de la nouvelle révolution industrielle, Limoges : Fyp

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20 la National Science Foundation (NSF)34. »

Son appellation est une abréviation de FABrication LABoratory, et sa mission est de rendre accessibles ses outils et ses processus de fabrication numérique grâce à son réseau international de laboratoires. Il s’adresse aux artistes, designers, inventeurs, entrepreneurs et étudiants, qu’il met en relation et dont il permet le partage d’expérience et de savoir. Dans le même ouvrage, Eychenne synthétise l’apprentissage qui s’y fait : « Apprendre en pratiquant, en faisant des erreurs, en favorisant l’entraide font partie des méthodes d’apprentissage développées dans les fab labs35. » Le réseau se développe mondialement en s’adaptant et en

utilisant les spécificités culturelles, techniques, économiques et sociales des localités où il se trouve. Dans le genre du fab lab, l’atmosphère et les conditions de l’environnement de travail où plusieurs membres du groupe In the B échangeaient leurs idées avec motivation et générosité furent très avantageuses. Relativement aux participants lors de créations collaboratives, Maia Engeli insiste dans Bits and spaces: architecture and computing for physical, virtual, hybrid realms: 33 projects by Architecture and CAAD, ETH Zurich que partager leurs idées permet de faire contribuer leurs forces au processus général et d’améliorer leurs faiblesses en comprenant et intégrant les idées des autres36.

34 Op. cit., p. 11. 35 Op. cit., p. 105.

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Dans Digital stories: the poetics of communication, elle conclut que les étudiants apprennent beaucoup en regardant le travail des autres, car ils comparent différentes solutions à la même tâche et jugent ce qu’ils voient37. Dans ces

circonstances, nous pouvions aussi évaluer ce que nous concevions.

Dans l’ouvrage Culture, technology & creativity in the late twentieth century, Marga Bijvoet soutient, à propos du groupe E. A. T., qu’un résultat important de ses activités était de permettre aux artistes d’avoir accès à une technologie de pointe presque impossible de se procurer autrement38. Avec In the B, nous avons

bénéficié des avantages que procurent l’échange de pratiques et la confrontation d’idées, ainsi que des moyens techniques dus aux ressources matérielles du collectif.

En second lieu, dans la continuité de nos studios, de nos études et de nos créations d’approche : notre création intermédiatique 시간은 영원하지 않아39

Le temps n’est pas pour toujours. Ce spectacle fut présenté à Séoul le 16 mai 2015 et préparé en fonction des particularités propres à la création médiatique et urbaine sud-coréenne.

realms: 33 projects by Architecture and CAAD, ETH Zurich, Boston: Birkhäuser, 2001, p. 38.

37 Maia Engeli, Digital stories: the poetics of communication, Basel/Boston: Birkhäuser,

Collection « IT revolution in architecture », 2000, p. 91.

38 Philip Hayward [dir.], Culture, technology & creativity in the late twentieth century, London:

Libbey, 1990, p. 32.

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Nous avons commencé par l’approche conceptuelle de la création. À cette étape antérieure à la réalisation de notre spectacle, nous avons entamé l’écriture de son scénario et en avons développé les thèmes principaux de façon intuitive. Comme point de départ, nous avons pris les propos de Sol LeWitt figurant dans Alinéas sur l’art conceptuel, considéré comme le premier manifeste de l’art conceptuel : « Il n’est pas nécessaire que les idées soient complexes. La plupart des bonnes idées sont d’une simplicité enfantine. Si les bonnes idées se donnent pour simples, c’est qu’elles sont inévitables. [...] On trouve les bonnes idées intuitivement40. » Aussi, nous concevons que ce dont parlent, traitent et

s’inspirent les travaux artistiques doit être de circonstance. Il faut que ceux-ci prennent compte, en se modelant, de ce que nous sommes ainsi que des conditions déterminant la géographie urbaine de l’endroit où nous nous trouvons. Les œuvres sont donc tenues de s’adresser aux sens et d’avoir la faculté d’émouvoir et faire réfléchir le spectateur aux problèmes du monde.

Quant aux thèmes fondamentaux se dégageant de notre réflexion sur la ville-écran dans la société numérique, nous en retenons quatre : l’identité, le temps, la vitesse et la mémoire. Ces mêmes thèmes sont ceux qui furent développés au cours de notre processus de scénarisation et servirent d’assises pour la réalisation de notre création visuelle Le temps n’est pas pour toujours.

40 Sol LeWitt, Alinéas sur l’art conceptuel, dans « Art en Théorie, 1900-1990 », Paris : Hazan, 1997,

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L’identité est abordable comme suit : celle de l’individu immergé dans un espace multiculturel dans lequel le temps joue un rôle déterminant dans la construction et la déconstruction des relations. Imprégné de langues issues de cultures différentes ainsi que de langages numériques et informatiques, nous tentons de cerner davantage ce que nous sommes, virtuellement ou réellement, en pensée ou en personne, au sein des autres citadins et des surfaces écraniques. Cet être de chair et de sang toujours en mouvement dans la quotidienneté. Être qui chemine à travers le quasi insaisissable espace urbain.

Quant au temps, il amène à réfléchir sur la durée dans laquelle se succèdent les événements. Ce sentiment de l’écoulement des actions et des circonstances s’opérant de manière indéterminée, mais dans la continuité. Ce thème soulève d’autres questions. Notamment, le temps est-il vraiment ici et maintenant? Nous n’en sommes pas convaincu, car seulement le fait de le dire ou même de le penser, déjà il n’est plus. Peut-être chemine-t-il plus vite que nous? Et pourquoi ne pas en faire un parallèle avec les nouvelles technologies? Se développent-elles plus rapidement que l’humain?

Ou encore, pensons aux données en temps réel du 5e écran qui montrent le

présent auquel nous participons, le rôle du temps dans le développement de notre vie intérieure menant à un nouvel état de connaissance, l’étirement du temps chez Robert Wilson, l’éclatement du temps chez William Burroughs, la temporalité liée à l’immortalité de la vidéo ainsi que son caractère illusoire chez

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le Sud-Coréen Paik Nam June (백남준), l’abolition de la contrainte temporelle dans les échanges grâce à l’Internet, le temps que perdent les non-experts en informatique à tenter en vain de développer la compétence numérique de Doueihi, ainsi que le temps passé sur les réseaux sociaux ou à s’amuser à des jeux vidéo.

Pour sa part, la vitesse nous touche profondément. Qu’elle soit incarnée par les machines, l’industrie lourde, les aboutissements scientifiques, les avancées technologiques, la surexcitation des vastes agglomérations, le bouillonnement industriel, la folie des foules ou encore l’accélération continue et démesurée des communications, elle inspire le mouvement, le changement, le déplacement. Cette idée de voyage et de passage à une autre étape, un autre lieu, une autre période. Le parcours d’un espace transitif. Un renouvellement. Une reconfiguration. Un départ. Une traversée d’une distance définie ou non, en un minimum de temps. Une vivacité. Une intensité. Une destination inédite, inexplorée. En lien avec l’environnement urbain, la rapidité est éternelle et caractérise le progrès et l’évolution de ses réseaux de transportation.

La mémoire contient les souvenirs, heureux ou moins, isolés ou rassemblés, proches ou reculés, qui y sont enregistrés, conservés et restitués. Un peu comme des archives, ou fichiers, qui seraient rangés dans une bibliothèque. Elle permet de faire revenir à l’esprit, à la conscience, une connaissance, un savoir, une expérience acquise antérieurement. Pensons aux aide-mémoire, écrits destinés

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à contrecarrer l’oubli, et en informatique, à la mémoire d’un ordinateur, organe d’enregistrement de données, de programmes et de résultats partiels possédant une dimension subjective et prophétique.

La mémoire consiste également en l’ensemble des informations sensorielles situées dans le cerveau sous l’aspect de traces. Qu’elles soient visuelles, auditives, tactiles, olfactives ou gustatives, ces impressions sont le souvenir de quelque chose qui n’est plus, une référence, une sélection des faits et circonstances mis en lien les uns avec les autres. La mémoire devient alors une résultante de tout geste posé sur les tribunes des réseaux sociaux ou des marques exprimées par le code numérique au discours fragmentaire.

Pour l’approche méthodologique de notre œuvre Le temps n’est pas pour toujours, nous avons poursuivi la scénarisation et déterminé ses paramètres organisationnels en fonction des observations notées au cours de nos recherches et des conclusions tirées durant nos laboratoires. Entre autres, nous avons installé l’assise de la création sur le toit d’un bâtiment. De cet espace où s’effectua la représentation, nous avions vue sur la ville. Nous étions situés en plein cœur de l’urbain : tout autour, des édifices, gratte-ciels, écoles, églises, parcs et gares. Certaines de ces infrastructures étaient plus élevées que l’endroit sur lequel nous nous trouvions, et d’autres constructions moins élevées. Furent aussi inclus dans l’environnement : personnes de tout type (sexe, couleur, âge, grandeur, poids, habillement...), moyens de transport (trains, vélos, voitures,

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camions, autobus, bateaux...), annonces publicitaires (affiches, panneaux, vitrines...) et sonorités (voix, cris, crissements de pneus, klaxons, bruits de vent, sonneries de téléphones...).

À un certain stade de notre scénarisation (entre 2012 et 2014), nous envisagions d’installer sur notre surface de jeu des moulages ou reproductions de sculptures [Unique Forms of Continuity in Space (L’Homme en mouvement) de Umberto Boccioni41, Le Défenseur du temps de Jacques Monestier42 et le Hammering Man

(Homme Martelant) de Jonathan Borofsky43] et structures [horloges multicolores

aux tailles et formes hétérogènes, rideaux blancs assez légers pour se déplacer au vent, cubes blancs de tailles différentes, lit blanc et drap blanc, table de chevet blanche avec deux tiroirs et sur laquelle se trouveraient un singe en peluche nommé Bongo (봉고), lampe de chevet blanche dans laquelle serait placée une caméra filmant en direct, trois panneaux blancs de plusieurs mètres par plusieurs mètres, sièges et ceintures d’avions, poignées de soutien d’autobus accrochées à des pôles, bancs de trains, et bouche de métro à l’entrée de notre aire de représentation par laquelle les gens devraient passer pour accéder au

41 Umberto Boccioni, Unique Forms of Continuity in Space (Forme uniche della continuità nello

spazio), 1913, Bronze (121.9 x 15½ x 91.4 cm), New York: Metropolitan Museum of Art.

42 Jacques Monestier, Le Défenseur du temps, 1979, Horloge à automates (Hauteur : 4 m, Poids :

1 t environ), Paris : Quartier de l’Horloge, 3e arrondissement.

43 Jonathan Borofsky, Hammering Man, 2002, Permanent installation, painted steel, electric

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spectacle] qui agiraient en tant que décors, accessoires et surfaces de projections.

Dans une volonté de simplicité et pour des raisons pratiques, seuls le lit, le drap et la table de chevet (de couleur bois plutôt que blanche) furent gardés intégralement. Les trois panneaux furent remplacés par seize boîtes de carton faisant office de deux murs derrière le lit, tandis que les moulages ou reproductions de sculptures, structures, sièges et ceintures d’avions, poignées de soutien d’autobus, bancs de trains et bouche de métro furent intégrés dans la vidéo. Par exemple, on y voit maintes images de moyens de transport, une photo de L’Homme en mouvement, une vidéo du Défenseur du temps, une vidéo et quarante photos de L’Homme Martelant, ainsi qu’une vidéo répétée 5 fois de l’horloge se trouvant devant le Centre d’arts de Séoul44. Des espaces furent aussi

prévus pour la technique et les techniciens.

Contextualisation du groupe In the B en Corée du Sud

Le groupe d’art vidéo45 In the B est basé à Séoul, ville de premier plan dans les

technologies de l’information et de la communication. Dans l’article titré 50 reasons why Seoul is the world’s greatest city de Frances Cha et Lucy Come, elle

44 예술의 전당 (Yesului Jeondang, en romanisation)– Seoul Arts Center. 45 비디오 아트 (Bidio Ateu, en romanisation), de l’anglais Video Art.

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est décrite comme la ville la plus connectée au monde46. En matière d’avancées

technologiques, elle figure en tête de liste des trente villes les plus urbanisées au monde dans le rapport Cities of Opportunity 6 effectué par PwC (PricewaterhouseCoopers)47. The Chosun Ilbo rapporte que la culture numérique

coréenne créée par une connectivité Internet haut débit répandue fut citée comme son meilleur attribut lors d’un sondage élaboré par Corea Image Communication Institute en 2014, six étrangers sur dix ainsi que cinq Coréens sur dix ayant dit que l’utilisation d’Internet omniprésente était la caractéristique la plus compétitive du pays48.

La Corée du Sud, en tant que remarquable infrastructure économique et puissance informatique, connue pour son Internet à haut débit en tête des membres de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), est un excellent exemple de culture numérique, et la mégalopole de Séoul en constitue un modèle. Dans La grande conversion numérique, Doueihi confirme que la République de Corée, « peut-être aujourd’hui l’un des pays les plus connectés du monde, est un exemple classique. [...] Dans une société où se

46 Frances Cha and Lucy Come, 50 reasons why Seoul is the world’s greatest city, CNN

International, May 25th, 2011,

<http://travel.cnn.com/seoul/life/50-reasons-why-seoul-worlds-greatest-city-534720>.

47 PWC (PricewaterhouseCoopers), Cities of Opportunity 6, 2014, <http://www.pwc.com/us/en/

cities-of-opportunity/2014/assets/cities-of-opportunity-2014.pdf>, p. 8.

48 The Chosun Ilbo, Korea's Digital Culture Named Country's Top Attribute, Chosun, July 11th,

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mettre en réseau est aussi populaire que boire un verre ensemble, l’information se répand vite49. » À un point tel que, comme le rapporte Dan Simmons dans

Cyber bullying rises in S Korea, passer autant de temps en ligne créa le phénomène croissant de la cyberviolence aux effets affligeants sur le statut social de ses victimes (dont l’adresse du domicile, les détails de carte de crédit et même les numéros de téléphone de leur patron sont transmis)50.

À propos des abonnés résidentiels à la fibre optique, Daniel Kaplan, Philippe Durance, Alain Puissochet et Stéphane Vincent expliquent, dans Technologies et prospective territoriale, les ordres de grandeur de marché : conformément aux chiffres du FTTH Council (Fiber to the Home) en 2007, les pays leaders étaient la Corée du Sud, le Japon et Hong Kong, suivis par Taïwan51. Nous avons vérifié

les statistiques sur le site du FTTH Council et découvert que la Corée du Sud continuait de mener le marché en 2012 avec 58 % des ménages connectés52.

Dans l’article S. Korea ranks 7th in science capability scale in 2014 de Kang

Yoon-seung, on apprend en outre que la Corée du Sud monta d’un cran en 2014 en

49 Milad Doueihi, La grande conversion numérique, Paris : Seuil, Collection « Librairie du XXIe

siècle », 2008, p. 127.

50 Dan Simmons, Cyber bullying rises in S Korea, BBC Click Online, November 3rd, 2006,

<http://news.bbc.co.uk/2/hi/programmes/click_online/6112754.stm>.

51 Daniel Kaplan, Philippe Durance, Alain Puissochet et al., Technologies et prospective

territoriale, Limoges : Fyp éditions, 2008, p. 23.

52 FTTH Administrator, Canada Joins Global Ranking of FTTH Countries, Virginia (USA): FTTH

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matière de capacités scientifiques et technologiques, se classant septième parmi les membres de l’OCDE53.

C’est dans ce décor de besoin et de demande de communication et de mobilité que l’offre et les moyens de transport s’amplifient en Corée du Sud et en accroissent le territoire. Pensons particulièrement, comme l’expose Marzloff dans Le 5e écran : les médias urbains dans la ville 2.0, à l’Eco Map. Cette dernière,

développée par Cisco, entreprise informatique spécialisée dans le matériel réseau et dans les serveurs et les réseaux, est un système en concertation avec trois villes : Séoul, Amsterdam et San Francisco. Une carte rend compte en temps réel de l’ensemble des impacts des activités individuelles dans la ville. En s’introduisant dans le système, on peut faire varier grâce à des logiciels les tarifs en fonction des trafics et des congestions. L’utilisateur peut juger de ses déplacements selon les prix et les bienfaits sur la communauté puisque ses choix pourront modérer la circulation54.

Quant au système de transport public à Séoul, on dit dans The Smart Public Transportation System in Seoul is the World’s Best qu’il fut nommé le meilleur du monde et permet aux passagers de voyager facilement entre Séoul et la

53 Yoon-seung Kang, S. Korea ranks 7th in science capability scale in 2014, December 2nd, 2014,

<http://english.yonhapnews.co.kr/business/2014/12/02/12/0501000000AEN201412020024003 20F.html>.

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province de Gyeonggi à l’aide de tous les types de transport public, grâce à une seule carte intelligente ajustant automatiquement les tarifs et offrant des rabais sur les transferts. La ville propose d’autres services tels que Subway Navigation et Seoul Bus, applications montrant les heures d’arrivée, les distances, et les stations et les arrêts de métros et de bus à proximité55.

Dans Claude Lévi-Strauss contre l’art magique, Carlo Severi annonce, en se référant à Lévi-Strauss, que « les productions artistiques sont des moyens de communication inscrits dans la culture qui les a vues naître. [...] l’ensemble des coutumes d’un peuple est toujours marqué par un style56. » Ce sujet est un des

concepts-clés de notre travail en développement continu. Dans Digital stories: the poetics of communication, on se demande comment nous pouvons apprendre sur les possibilités d’un médium toujours en évolution. On conclut qu’il faut penser en termes dynamiques et que des explorations allant au-delà de ce qui est actuellement connu aident à établir un processus dynamique orienté vers le futur57. Notre territoire de recherche stimula donc notre démarche, tout en la

définissant.

Établi en Asie, il nous fallut apprendre à découvrir et à nous adapter à la pensée

55 The Korea Herald Online News, The Smart Public Transportation System in Seoul is the

World’s Best, March 26th, 2015, <http://m.koreaherald.com/view.php?ud=20150325000952>. 56 Carlo Severi, Claude Lévi-Strauss contre l’art magique, dans « Sciences Humaines, no Spécial »,

no 8 (novembre-décembre), France : Éditions Sciences Humaines, 2008, p. 65-66. 57 Op. cit., p. 86.

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