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ARTheque - STEF - ENS Cachan | L'évolution : un mythe, une doctrine ou une science ?

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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L'EVOLUTION : UN MYTHE,

UNE DOCTRINE OU UNE SCIENCE?

Corinne FORTIN

U.F. de Didactique des Disciplines, Université Paris 7 Collège Montesquieu, Vitry-sur-Seine

MOTS-CLES : REPRESENTATION - TEMPS - HISTOIRE - IDEOLOGIE.

RESUME : Des entretiens cliniques auprès d'élèves de terminale D et de quatrième ont permis d' évaluer toute la distance qui sépare les représentations cosmogoniques de l'apprenant et les représentations scientifiques de l'évolution. L'enseignement déstabilise bien souvent les acquis d'un héritage socio-culturel, seul gage de la connaissance (ou de la conviction) intime de l'élève. La confrontation en situation scolaire de ces deux types de savoirs d'origine si différente provoque un conflit cognitif dont l'enjeu principal est le concept Temps.TIsemble bien que chez l'apprenant, l'évolution comme paradigme scientifique se construit contre le temps cyclique, et avec le temps historique profane.

SUMMARY : Clinical interviews with pupils of Terminale D and 2nd form levels have allowed to measure the whole distance between cosmogonie representations from the learner and scientific representations about Evolution. Teaching often destabilizes the attainments of socio-culturel inheritance, the only sign of knowledge (or rooted conviction) of the learner. In a school-position, collating both types of learning from such different source, provokes a cognitive conflit the main stake of which is the concept of Time.In fact Evolution seems, with the learner, to built up as a scientific paradigm against the cyclical rime, and with the profane historical time.

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1. L'EVOLUTION COMME MYTHE

Lemythe est ici défmi comme une histoire produite par l'imaginaire collectif,et dont la fonction est de réactiver les fondements et les origines d'une société.Cest précisément dans cet imaginaire que va puiser l'apprenant,afin de comparer ce qu'il sait (ou croit savoir) avec ce qui lui est enseigné.

1.1. Le temps cyclique ou le temps restitué

L'histoire des sciences nous apprend que jusqu'au XIXème siècle, la conception théologique du monde, et par conséquent celle du temps, a fortement conditionné l'activité scientifique. Ainsi la conception fixiste en est-elle l'expression la plus démonstrative. Celle-ci repose principalement sur une conception cyclique du temps dont les caractéristiques sont les suivantes:

- le temps est corrupteur: autrement dit, plus les organismes s'éloignent du temps des origines de leur création, et plus ils perdent de leur pureté originelle; en conséquence de quoi ils se dégradent irrémédiablement

- le cataclysme est l'agent régulateur et purificateur : de par la violence de la destruction,ilanéantit l'ancien monde corrompu par l'action corrosive du temps, pour permettre d'en générer un nouveau, exempt alors de toute trace de dégénérescence.

- le cycle ou l'éternel retour: restitue ainsi le temps primordial de la perfection des origines. Grâce à ces re-créations régulières, la Nature reste pour toujours harmonieuse et stable sans jamais risquer la totale déchéance.

Chez l'apprenant: ces trois aspects si spécifiques de la pensée fixiste restent activement présents. Et la perception cyclique du temps nous est plus familière qu'il n'y paraît. Ainsi les élèves font-ils appel à des représentations quotidiennes:

- la fête du nouvel an : marque la rupture avec l'année passée, et est vécue comme une remiseàzéro du compteur temps. C'est le temps des bonnes résolutions, l'espoir d'un nouveau départ

- le cycle des saisons : avec l'hiver comme "morte saison" rappelle la fin d'un temps, et l'attente du printemps comme signe de renouveau et de re-naissance.

- l'observation des mouvements astraux, que nous ressasse l'astrologie,prophétise à l'approche de l'an 2000 une apocalypse détruisant une humanité irresponsable, cause de sa propre perte, et la survie de quelques élus pour le commencement du troisième millénaire.

Ainsi l'apprenant, baigné de toutes ces représentations cycliques du temps, sans partager la pensée fixiste, accepte facilement une explication non-évolutionniste. Car celle-ci le conforte dans l'idée de l'existence de processus régulateurs qui maintiennent pour toujours l'équilibre naturel.

1.2. Le temps historique ou à la recherche du temps perdu

Le temps historique s'entend comme un temps à sens unique, sans possibles retours périodiques au temps des origines.Letemps est ainsi le principal facteur producteur de l'Histoire du monde vivant. Cependant,ilfaut distinguer deux types de temps historique: le temps historique sacré, et le temps historique profane.

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1.2.1. Le temps historique sacré est encore un temps théologique, dominé par une conception téléonomique annonçant le retour purificateur aux originesàla fIn des temps. Soit la réintégration au temps de la perfection, le retour au paradis perdu.

L'apprenant fait souvent une séparation radicale entre l'homme et l'animal. Et s'il reconnaît une évolution de l'humanité, il considère souvent qu'elle ne peut-être astreinte au biologique comme l'ensemble du monde animal. Pour lui, l'évolution de l'humanité est de nature transbiologique. Nombreux sont les élèves qui refusent d'enraciner l'humanité dans l'animalité (origine simiesque) ; car cela supposerait qu'à laf"fi des temps, l'homme ne retrouverait pas la perfection originelle, mais rétrograderait jusqu'à l'animalité, la bestialité.

1.2.2. Le temps historique profane transgresse l'interdit religieux qui pesait sur le secret des origines et met en évidence la parenté biologique entre l'homme et le singe. Pour cela, le biologiste évolutionniste reconstitue les lignées grâce aux fossiles, des temps les plus récents jusqu'aux temps les plus reculés. La paléontologie, mais aussi diverses disciplines biologiques et géologiques, ont activement contribué à la reconstitution possible des différents parcours depuis les premiers organismes jusqu'à ceux d'aujourd'hui.

L'apprenant très intéressé par toutes ces reconstitutions (surtout pour l'époque préhistorique), pose alors à l'enseignant une question bien pertinente: "quelle preuve a-t-on que tout cela est vrai, puisque ces animaux ont disparu pour toujours ?".finous interroge sur un problème épistémologique crucial, celui de la preuvedansla méthode historique. L'enseignant est soudainement aux prises avec un nouveau problème pédagogique,ilne peut plus se contenter d'asséner des vérités dogmatiques.TI ne peut plus présenter un savoir scientifIque comme résultant exclusivement d'une expérience ou d'un savant calcul mathématique. Mais bien plutôt comme la convergence de méthodologies diversifiées qui (malgré le caractère fragmentaire et lacunaire des informations obtenues) autorise la construction d'un savoir scientiflque, car révocable à tout moment selon les avancées de la recherche.

2. L'EVOLUTION COMME DOCTRINE

Certains concepts scientiflques sont parfois victimes d'une dérive idéologique; tel est le cas de la sélection naturelle,récupérée par le darwinisme social. Selon les partisans de cette doctrine, les "lois naturelles" doivent dicter les lois socialesaf"ffide rester en conformité avec "l'ordre naturel". Ainsi certaines idéologies politiques ont-elles cru trouver une justiflcation "rationnelle" dans la soi-disante nécessité biologique d'éliminer les "inaptes". Ces idéologies peuvent être certes analysées sous un éclairage politique, mais aussi psychanalytique. fis'agit en fait d'une élimination sacrificielle et culturelle des inaptes. Sacrificielle d'une part car le sacrif1ce d'individus jugés "inférieurs" est proposé comme le prix à payer pour maintenir l'équilibre naturel; culturelle d'autre part car le sacrifice est une offrande réparatrice présentée à la mère Nature pour apaiser sa suprême colère. L'objectif est donc de tout faire pour ne pas compromettre la stabilité naturelle. Au-delà du discours politique, ce qui importe ici, c'est avant tout la conception quasi-personnifiée de la nature.

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nécessité de maintenir l'équilibre naturel. Imprégné par les médias de principes écologiques ou pseudo-écologiques,ilest convaincu que toute société doit se soumettre aux lois naturelles, sous peine de rompre l'équilibre écologique, et d'être responsable d'une catastrophe irrémédiable. Le discours de l'apprenant, tout en étant totalement différent de celui de l'idéologue, le rejoint indirectement dans l'expression d'une représentation anhistorique du temps. Puisque les lois naturelles sont reconnues comme immuables et éternelles, les transgresser revient à rompre l'équilibre naturel, etàentraîner la société au déclin. Cest ainsi que l'apprenant, soucieux de préserver la nature, condamne toute intervention de l'homme sur celle-ci qui conduirait à un changement, à une modification ou àune transformation susceptible de trahir la stabilité naturelle. Sans être anti-évolutionniste, certains élèves sont non-évolutionnistes de peur de voir un monde qui se transformerait, fût-ce naturellement, sans garanties ultérieures du maintien d'une harmonie naturelle.

3. L'EVOLUTION COMME SCIENCE

De tout ce qui vient d'être dit, nous pouvons retenir que les conceptions cyclique et historique sacré du temps constituent un obstacle majeuràla compréhension scientifique de l'évolution. Maisil ne suffit pas d'avoir une conception historique du temps pour comprendre la biologie de l'évolution. Si l'apprenant conçoit l'évolution comme l'histoire du monde vivant,ilreste très circonspect quant au pluralisme des théories évolutionnistes. L'apprenant de terminale D surtout, accepte mal la coexistence de trois grandes théories (synthétique, neutraliste et ponctualiste), et s'interroge sur les prétentions de chacune d'entre-elles.

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en conclut (trop hâtivement) que si l'évolutionnisme était une vraie théorie scientifique, elle serait une et une seule et non pas trois. Il n'hésite pasà remettre en cause la crédibilité du savoir enseigné, lequel lui paraît relever davantage de la croyance que de la science. Cette position critique de l'apprenant est particulièrement renforcée par la présentation adoptée dans les manuels.où les actuelles théories évolutionnistes sont résumées sous forme de catalogue, indiquant en bref les points de divergence. La suspicion de l'apprenant, nous rappelle l'urgence qu'il y a à concevoir l'enseignement de l'évolution au travers d'une approche épistémologique. Il importe donc d'expliquer en quoi une théorie scientifique est acceptable ou recevable. C'est une tâche toute nouvelle pour l'enseignant que d'enseigner aussi comment une science se construit. Et d'expliciter l'importance des problématiques pour rendre intelligibles les faits observés.

4. EN GUISE DE CONCLUSION

Pour la commodité de l'exposé, on a choisi de présenter trois représentations temporelles comme exclusives l'une de l'autre (cyclique, historique sacré et historique profane). En fait,

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l'apprenant, tout au long des entretiens, jongle avec les trois, tout en privilégiant l'une d'elles par rapport au deux autres, selon les cas. S'il est vrai que la conception du temps que se fait l'apprenant peut-être un obstacle ou un facteur de progrès dans la compréhension, l'enseignement pour autant ne doit pas s'acharneràconditionner l'élèveàun seul mode de représentation du temps. En effet,vouloir "épurer" les "mauvaises" représentations ne ferait qu'imposer un nouveau dogmatisme. L'objectif, c'est d'aider l'apprenantàtrier parmi toutes ses conceptions (sans leur porter de jugement de valeur) afin qu'il puisse en extraire celles compatibles avec une représentation scientifique de l'évolution. A noter qu'on ne saurait éviter le conflit cognitif, seul structurant, pour une réelle appropriation du savoir scientifique.

5. BIBLIOGRAPHIE

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