QUELLES SONT LES CAPACITÉS MANIPULATOIRES
DES ENSEIGNANTS STAGIAIRES EN CHIMIE ?
Christine DUCAMP
École Nationale de Formation Agronomique, Toulouse
MOTS-CLÉS : CHIMIE - GESTES - SÉCURITÉ - DÉCHETS
RÉSUMÉ : L’observation des gestes pratiques d’enseignants stagiaires de chimie a permis de révéler
quelques faiblesses. Une réflexion a été menée pour les sensibiliser à l’importance d’effectuer des gestes précis.
SUMMARY : We have observed the way pre-service and in-service (3 year experience) chemical
science teachers manipulate during laboratory work. This study reveals some weaknesses and leads to think about the importance of practicing accurate manipulations.
1. INTRODUCTION
L’enseignement de la chimie devient de plus en plus expérimental. Il y a une nette évolution depuis 20 ans. On est passé d’un cours théorique agrémenté par quelques manipulations effectuées par le professeur à des séances hebdomadaires de travaux pratiques et d’activités au cours desquelles les élèves doivent être actifs (Giuseppin, 1996). De nombreux travaux ont été centrés l’expérimental (Calmettes, St Georges, 2000) et sur l’activité de l’élève en travaux pratiques (Joshua, 1989 ; Coquidé, 2000). Mais on peut s’interroger sur les capacités manipulatoires des enseignants stagiaires de chimie. Possèdent-ils tous les mêmes acquis pour la réalisation d’une séance de travaux pratiques de chimie, la même sensibilité aux problèmes de sécurité, de la gestion des déchets... ? Cette réflexion n’a pas pour but de créer un stéréotype du professeur de chimie ; il s’agit de répertorier des gestes indispensables et nécessaires (la liste n’est pas exhaustive) effectués par l’enseignant de chimie afin qu’il les transmette aux élèves pour minimiser les risques que peuvent contenir des séances de travaux pratiques.
2. CONDITIONS D’OBSERVATION
24 professeurs stagiaires de concours internes (possédant donc au minimum 3 années d’ancienneté) et de 24 professeurs stagiaires de concours externes (dont 96% ont suivi une première année d’IUFM) ont été observés lors de séances de TP de chimie à travers une grille répertoriant les gestes pratiques minimums à effectuer (cette grille a été inspirée des sujets d’épreuves de TP de terminale S ainsi que des concours des personnels de laboratoire). Le formateur n’est intervenu que pour engager des réflexions par rapport à certains comportements.
3. RÉSULTATS DES OBSERVATIONS
3.1 Les gestes
La tenue de la pipette et de la propipette ou le zéro de la burette ou la lecture du volume versé lors d’un dosage sont en général bien effectués afin de minimiser l’erreur de parallaxe.
Le rinçage à l’eau de la verrerie en fin de manipulations est réalisé.
Par contre, on peut s’apercevoir que certains gestes sont acquis à l’extrême: l’utilisation des gants et des lunettes est systématique chez certains même pour des solutions acides ou basiques diluées. Est-ce la meilleure approche pour motiver les élèves alors qu’un dialogue pourrait s’instaurer ainsi qu’une réflexion sur le port des lunettes et des gants ?
L’utilisation des sources secondaires pour prélever les solutions mères est acquise mais pas le repérage avec des marqueurs (surtout chez les professeurs externes) : ils placent le bécher source secondaire devant le flacon ; est-ce la solution pour des élèves surtout si toutes les solutions utilisées sont incolores ?
Ils ne rincent pas la verrerie utilisée avec les solutions : ils considèrent que la verrerie est propre et que rincer avec les produits c’est du gaspillage. En contradiction, ils prennent tous 20 mL de prise d’essai pour des dosages alors que 10 ml suffiraient et ils remplissent les béchers sources secondaires en jetant le surplus en fin de manipulation…
Quand il y a une bulle d’air dans la burette, ils n’ont pas le réflexe d’essayer de la faire partir eux-mêmes car ils font appel au formateur : soit pour les externes, ils n’ont pas encore réalisé leur futur rôle d’enseignant, soit pour certains internes, ils ont l’habitude de faire appel à leur personnel de laboratoire ou tout simplement de changer de burette par gain de temps.
Pendant un dosage, lors du re-remplissage de la burette, ils ne remettent pas le bécher poubelle : ils laissent l’erlenmeyer du dosage car ils sont persuadés de ne pas renverser de solution à coté de la burette et donc de ne pas fausser le dosage. Est-ce la meilleure attitude à avoir devant des élèves qui ne sont pas forcément aussi adroits ?
Lors du transvasement d’une solution d’un flacon dans une source secondaire : les indications inscrites sur le flacon doivent se situer de telle manière que si une goutte coule, elle ne puisse pas effacer ces indications. Cette position a été très peu observée (surtout chez les externes) car ils sont sûrs de ne pas avoir de gouttes sur le flacon. Ils n’ont pas encore la conscience que tous leurs gestes seront “singés” par les élèves. Il faut donc arriver à les persuader que chacun de leur geste doit être le plus précis possible…
3.2 La sécurité et les déchets
On ne voit plus personne pipeter à la bouche. C’est un geste acquis sans problème.
Ils n’utilisent pas de béchers sources secondaires pour verser la solution dans la burette : ils considèrent que le flacon est déjà une source secondaire et ils sont sûrs de ne pas renverser de solution à côté. Mais les élèves savent-ils aussi bien manipuler ?
Ils se déplacent avec des béchers remplis de produits à travers la salle de TP : accepterions-nous le même comportement de la part des élèves ?
Les flacons ne sont pas forcément rebouchés après leur utilisation et le rangement de la paillasse ainsi que la propreté de la paillasse en cours de manipulation n’ont pas toujours été observés. Les sacs et cartables ne sont pas rangés sous les paillasses ou dans une partie de la salle pour éviter que des produits ne coulent sur ces affaires. Ils assurent cependant que ces consignes sont données lors de TP avec des élèves…
L’utilisation d’un bécher poubelle n’est pas systématique et les avis divergent fortement sur ce bécher poubelle. Que faut-il en faire ? Il y a ceux qui vident tout à l’évier soit que c’est ce qu’on leur a appris lors de leur formation (pour les externes), soit pour ceux qui sont en poste, il y a des problèmes financiers pour faire le ramassage les déchets. Et à l’opposé, il y a ceux qui vident tout dans divers récipients même des solutions très diluées. Il y a certainement moyen de trouver un compromis entre ces deux avis. Après discussion, il apparaît qu’il est impératif d’avoir au moins un bécher poubelle quelle que soit l’expérience et ensuite de réfléchir avec les élèves sur la conduite à tenir.
4. CONCLUSION
On peut observer que la maîtrise des gestes pratiques en chimie n’est pas acquise par tous ces futurs enseignants. Des discussions très argumentées ont permis de réfléchir sur certaines pratiques à prodiguer lors d’une séance de TP de chimie. Cette réflexion n’est pas terminée et une étude similaire sera poursuivie avec d’autres promotions et options ainsi qu’en formation continue. L’existence ou la réalisation de fichiers, CD-ROM ou film pour visualiser les gestes indispensables et nécessaires permettrait de faire des mises au point.
N’oublions pas que “ le geste opératoire, c’est la sécurité ” car les “ bons ” gestes minimisent les risques d’accidents et évitent la paranoïa de la sécurité.
GIUSEPPIN M., Place et rôle des activités expérimentales en sciences physiques, Didaskalia, 1996, 9, 107-118.
CALMETTES B., SAINT-GEORGES M., Les statuts de l’expérimental dans l’enseignement des sciences, Colloque AECSE-CREFI-Toulouse, 2000.
JOSHSUA S., Le rapport à l’expérimental dans la physique de l’enseignement secondaire, Aster, 1989, 8, 29-54.
COQUIDÉ M., Quelle analyse didactique des pratiques expérimentales des élèves ?, Journées d’étude
