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Optimisation de la santé des familles de mères atteintes de maladie mentale sévère : recherche d'intervention

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Academic year: 2021

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(1)

Optimisation de la santé des familles de mères

atteintes de maladie mentale sévère : recherche

d’intervention.

Thèse

Suzanne Bouchard

Doctorat en sciences infirmières

Philosophiae doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

© Suzanne Bouchard, 2015

(2)
(3)

iii

Résumé

Aujourd’hui, on estime que plus de la moitié des femmes atteintes de maladie mentale sévère (MMS) ont des enfants (Mason et al., 2007; Diaz-Caneja & Johnson, 2004; Howard et al., 2003. Souvent, la société ne permet pas à ces femmes de jouer leur rôle en ne les aidant pas face aux multiples qu’elles vivent. Les enfants de ces mères ont aussi à composer avec de multiples contraintes. Leur expérience subjective a pourtant fait l’objet de très peu de recherches (Knutsson-Medin et al., 2007). L’éducation et l’expertise des infirmières les placent dans une position unique pour offrir des interventions centrées sur la famille. La revue de littérature a cependant démontré qu’elles sont peu présentes dans cette réflexion.

Cette recherche avait pour but de conceptualiser un prototype d’intervention infirmière centrée sur la famille dans la situation où la mère est atteinte de MMS et d’en effectuer une première mise à l’essai. L’objectif de l’intervention était d’optimiser la santé de la famille. L’intervention a été conceptualisée à partir de la littérature scientifique sur les mères atteintes de MMS, sur les enfants dans ces familles, sur le travail des infirmières et sur les interventions en cours de validation. Des entretiens avec des enfants adultes, avec des mères atteintes de MMS et avec des infirmières ont aussi contribué à la création du prototype. La perspective infirmière a été celle du modèle de McGill. La théorie du rétablissement de Provencher (2002, 2006), le modèle de la résilience familiale de Walsh (2006) ont été utilisés comme fondements théoriques l’intervention. Ils ont aidé à développer une intervention infirmière de pratiques avancées ciblant l’unicité des familles.

Le prototype d’intervention a été mis à l’essai avec deux familles pendant six mois. En parallèle, un groupe de résonnance infirmier a pu être rencontré neuf fois. Ces rencontres ont démontré le besoin de formation et de soutien des infirmières face à ces suivis. La mise à l’essai de l’intervention a permis de révéler la faisabilité, l’acceptabilité et l’utilité de l’intervention pour les familles de mères atteintes de MMS. En conclusion, cette recherche offre un apport important pour les infirmières de santé communautaire.

Mots clés : mère atteinte de MMS, enfants proches aidants, optimisation de la santé, famille, intervention infirmière, recherche d’intervention.

(4)
(5)

v

Abstract

Today, more than half of the women with Severe Mental Illness (SMI) have children (Mason et al., 2007; Diaz-Caneja & Johnson, 2004; Howard et al., 2003). Often, society is reluctant to let these women who face challenges such as poverty, stigmatization or loneliness exercise motherhood. Their children also face multiple constraints. Few studies have focuses on the subjective experience of these families/children (Knutsson-Medin et al., 2007). If nurses’ education and expertise uniquely qualifies them to offer family centered interventions (Korhonen, et al., 2010; Mason & Subedi, 2006), few of those are described in the literature.

This study's aim was to conceptualize and test a nursing intervention centered on the family of mothers with SMI. The objective of the intervention was to optimize the family's health. The scientific literature on mothers with SMI, children of these mothers and currently pilot-tested interventions targeting these groups was used to conceptualize the intervention. Interviews with mothers with SMI, adult children of mothers with SMI and nurses working with these groups also contributed to the design of the intervention. The McGill model of health promotion guided the nursing perspective. The theories of recovery and family resilience also contributed to the development of the intervention theory and of an advanced nursing practice intervention centered on the uniqueness of each family.

The intervention prototype was tested on two families for a period of six months. Concomitantly, nine meetings with a group of nursing experts were conducted. These meetings pointed to the need for nurses assisting these families to receive training and support. The findings of the pilot-testing of the intervention supported its feasibility, acceptability and usefulness for families of mothers with SMI.

Keywords: women with Severe Mental Illness, young carers, health optimization, family, nursing intervention, intervention research.

(6)
(7)

vii

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Liste des tableaux ... xiii

Liste des illustrations ... xv

Avant-Propos ... xix

Introduction ... 1

Chapitre 1 : La problématique ... 3

La place de la famille dans les soins aux mères MMS ... 3

Les mères atteintes de maladie mentale sévère ... 6

Les enfants de mères atteintes de maladie mentale sévère ... 9

Les infirmières et les interventions pour les familles de mères atteintes de MMS ... 13

But et objectifs de l’étude ... 16

But de l’étude ... 16

Objectifs de l’étude ... 16

Questions de l’étude ... 16

Étape 1 ... 16

Étape 2 ... 16

Étapes 3 ... 17

Étapes 4 ... 17

Chapitre 2 : Recension des écrits d’intervention et perspective conceptuelle de l’étude ... 19

La recherche d’intervention ... 19

Recension des écrits d’intervention ... 21

Les interventions développées par les infirmières ... 29

Les interventions centrées sur les enfants ... 31

Les interventions centrées sur les mères MMS ... 35

Les interventions familiales ... 37

Analyse globale des interventions ... 43

Perspective conceptuelle de la recherche : Le modèle McGill de Moyra Allen ... 47

La santé ... 49

(8)

L’environnement ... 51

Le soin ... 51

Chapitre 3 : Méthodologie de recherche ... 53

Devis de l’étude ... 53

Définition des termes ... 54

Maladie mentale sévère ... 54

La famille ... 55

Optimisation de la santé ... 55

La santé familiale ... 55

Déroulement de l’étude ... 55

Partie 1 : Déroulement de la récolte de données et analyse ... 58

Échantillon ... 58

Critères d’inclusion ... 59

Critères d’exclusion ... 59

Stratégies de recrutement ... 59

Instrument de collecte de données ... 60

Analyse des résultats ... 61

Partie 2 : Déroulement de la récolte de données et analyse ... 63

Échantillon ... 64

Critères d’inclusion ... 64

Critères d’exclusion ... 65

Stratégies de recrutement ... 65

Instrument de collecte de données ... 66

Étude pilote ... 66

Groupe de résonance ... 70

Analyse des données ... 71

Étude pilote ... 71

Groupe de résonance infirmier ... 72

Analyse inter-groupe ... 73

Considérations éthiques ... 73

Formulaire d’information... 74

Formulaire de consentement éclairé ... 74

Chapitre 4 : Résultats des entretiens ... 77

Les enfants adultes de mères atteintes de MMS ... 77

(9)

ix

Les récits phénoménologiques des enfants de mères atteintes de MMS adultes ... 78

Enfant 1 ... 78

Enfant 2 ... 78

Enfant 3 ... 79

Enfant 4 ... 81

Enfant 5 ... 82

Résultats de la catégorisation des entretiens d’enfants adultes de mères atteintes de

MMS ... 83

La vision des enfants autour de la double identité de leur mère ... 83

Des enfants qui affrontent les situations difficiles ... 84

Se construire avec une mère malade ... 86

Un réseau de proximité à distance ... 90

La coupure des liens affectifs ... 92

L’apaisement que procurent certaines personnes ... 94

Le sens qui apaise ... 96

Le manque de compréhension des professionnels sur le vécu des enfants ... 97

Les actions qui aident à avancer ... 98

Les mères atteintes d’une maladie mentale sévère ... 100

Les données démographiques des mères atteintes de MMS ... 100

Les récits phénoménologiques des mères MMS ... 100

Maman 1 ... 100

Maman 2 ... 101

Maman 3 ... 102

Maman 4 ... 103

Maman 5 ... 104

La catégorisation des entretiens de mères atteintes de MMS ... 105

Une identité de mère avec une maladie ... 105

Un lien maternel en difficulté ... 107

Un réseau de proximité à distance ... 109

L’importance du père ... 111

Une angoisse douloureuse ... 112

Composer avec le stress ... 113

Une maladie difficile à nommer ... 114

L’aide qui n’est pas là ... 115

L’aide qui n’est pas attendue ... 116

L’aide idéale ... 117

Les infirmières soignantes de mères atteintes de maladie mentale sévère ... 118

(10)

Récits phénoménologiques des infirmières ... 119

Infirmière 1 ... 119

Infirmière 2 ... 120

Infirmière 3 ... 121

Infirmière 4 ... 122

Infirmière 5 ... 125

Infirmière 6 ... 127

Infirmière 7 ... 129

La catégorisation des entretiens d’infirmière ... 131

L’enfant dans la vision de l’infirmière ... 131

Les enfants dans les familles dont la mère est atteinte d’une MMS ... 131

Les soins aux enfants ... 134

La mère malade ... 135

Les besoins reliés à la maladie ... 135

Les soins de la maladie ... 136

La santé de la mère ... 138

Les problématiques liées à la santé ... 138

L’aide spécifique à la mère par l’infirmière ... 141

La famille sous le regard de l’infirmière ... 143

La place des membres de la famille ... 143

Collaborer avec la famille pour trouver des solutions ... 144

Les difficultés de l’infirmière ... 147

Des difficultés de différents niveaux ... 147

Chapitre 5 : Discussion des entretiens ... 149

Discussion des entretiens d’enfants adultes et de mères atteintes d’une MMS ... 149

Discussion des entretiens infirmière ... 152

Discussion de l’écart entre les besoins des mères et des enfants et les soins infirmiers 154

Chapitre 6 : Synthèse et théorie de l’intervention ... 161

Synthèse entre les composantes du problème et la théorie ... 161

La vulnérabilité des familles de mères atteintes de MMS ... 161

Le paradigme du rétablissement dans la maladie mentale ... 163

La redéfinition et l’expansion de soi ... 165

La relation à l’espace temporel ... 165

Le pouvoir d’agir ... 166

La relation aux autres ... 167

La résilience familiale ... 167

(11)

xi

Des modèles d’organisation familiale ... 169

Des processus de communication ... 170

But et objectifs de l’intervention ... 171

But de l’intervention ... 171

Objectifs de l’intervention ... 172

L’intervention pour les familles de mères atteintes de MMS ... 172

Le modèle bioécologique du développement et les systèmes complexes ... 173

Le processus de développement ... 175

La personne ... 175

Le contexte du développement ou les différentes niches écologiques ... 176

Le temps dans le modèle ... 177

Les propositions du modèle ... 178

La complexité du système ... 179

Les caractéristiques des enfants, des mamans et des infirmières ... 180

Les caractéristiques opérationnelles de l’intervention ... 181

Les soins basés sur les forces et les ressources familiales ... 181

Le rétablissement dans une approche systémique ... 184

La résilience familiale dans la pratique ... 185

Chapitre 7: Résultats de la mise à l’essai de l’intervention ... 189

Description de la famille C ... 189

L’intervention auprès de la famille C ... 193

Description de la famille D ... 199

L’intervention auprès de la famille D ... 202

Résultat des rencontres avec le groupe de résonance ... 209

Chapitre 8 : Discussion sur la mise à l’essai de l’intervention et de l’étude pilote ... 223

Le processus de l’intervention ... 223

Les difficultés de l’étude ... 224

Les difficultés liées au recrutement des participants ... 224

Les difficultés liées à la population à l’étude ... 225

La fréquence des rencontres d’intervention ... 225

La formation des infirmières ... 227

La faisabilité et l’acceptabilité de l’intervention ... 228

Utilité de la recherche ... 228

(12)

Implication pour la pratique ... 229

Implication pour la formation ... 229

Implication pour les services de santé ... 230

Limites de l’étude ... 230

Conclusion ... 233

Bibliographie ... 235

Liste des annexes ... 247

Annexe 1 : Entretien semi-dirigé enfant adulte ... 249

Annexe 2 : Entretien semi-dirigé patiente ... 253

Annexe 3 : Entretien semi-dirigé infirmière ... 257

Annexe 4 : Les échelles du bien-être de Ryff et Essex (1992) Lapierre et Desrochers (1997,

traduction française) ... 261

Annexe 5 : Self-Perception Profile for Adolescents (SPPA), de Harter (1988), (Bouffard,

Seidah, Mcintyre, Boivin, Vezeau et Cantin, 2002, pour la traduction française) 13-18 ans.

... 267

Annexe 6 : Canevas questionnaire écocarte ... 277

Annexe 7 : Entretien semi-directif famille, après l’intervention ... 281

Annexe 8 : Caractéristiques des infirmières ... 285

Annexe 9 : Groupe de résonance infirmier, bilan final ... 287

Annexe 10 : Lettre d’information destinée aux enfants adultes de mères atteintes de maladie

mentale sévère, entretiens semi-dirigés ... 291

Annexe 11 : Lettre d’information destinée aux mères atteintes de MMS, entretiens

semi-dirigés ... 295

Annexe 12 : Lettre d’information destinée aux infirmières, entretiens semi-dirigés ... 299

Annexe 13 : Lettre d’information destinée aux adolescents (12 à 18 ans), aux conjoints et

aux enfants adultes, étude pilote ... 303

Annexe 14 : Lettre d’information destinée aux mères atteintes d’une MMS, étude pilote 307

Annexe 15 : Lettre d’information destinée aux infirmiers et infirmières, groupe de

résonance ... 311

Annexe 16 : Formulaire de consentement enfant adulte, entretiens semi-dirigés ... 315

Annexe 17 : Formulaire de consentement mères atteintes de MMS, entretiens semi-dirigés

... 317

Annexe 18: Formulaire de consentement infirmiers-ères, entretien semi-dirigés ... 319

Annexe 19 : Formulaire de consentement enfants de plus de 12 à 18 ans, enfants adultes et

conjoints, étude pilote ... 321

Annexe 20 : Formulaire de consentement mères et enfants de moins de 12 ans, étude pilote

... 323

Annexe 21 : Formulaire de consentement infirmiers-ères, groupe de résonance ... 325

(13)

xiii

Liste des tableaux

Tableau 1 : Interventions familles de mères atteintes de MMS ... 23

Tableau 2: Résumé des parties de la recherche ... 57

Tableau 3 : Les échelles du bien-être psychologique adaptation de Lapierre & Desrochers

(1997) ... 67

Tableau 4 : Résumé des rencontres avec la famille C ... 195

Tableau 5 : Résumé de l'intervention famille D ... 203

(14)
(15)

xv

Liste des illustrations

Figure 1: Les étapes de la recherche d'intervention (adapté de Fawcett & al., 1994). ... 21

Figure 2 : Les continuums santé/maladie dans le modèle McGill ... 50

Figure 3: Optimisation de la santé des familles de mères atteintes de MMS: Théorie du

problème. ... 163

Figure 4: Optimisation de la santé des familles de mères atteintes de MMS: Intervention 173

Figure 5: Écocarte famille C ... 192

Figure 6: Génogramme famille C ... 193

Figure 7: Écocarte famille D ... 201

(16)
(17)

xvii

À tous les enfants dont la mère est atteinte

d’une maladie mentale sévère qui m’ont

accompagnée dans cette réflexion et qui

m’ont donnée le courage nécessaire pour

aller jusqu’au bout de ce projet…

(18)
(19)

xix

Avant-Propos

Cette thèse de doctorat a été réalisée dans le canton de Vaud en Suisse. Elle avait pour ambition de conceptualiser une intervention infirmière destinée aux infirmiers et infirmières de pratiques avancées œuvrant auprès des familles de mères atteintes de maladie mentale sévère (MMS). La perspective centrée sur les forces et les ressources des familles de cette recherche rencontre les fondements de la discipline et de la profession infirmière. Jusqu’à présent, les chercheurs en sciences infirmières se sont peu intéressés à ces familles. Nous espérons que cette recherche puisse contribuer à combler ce vide.

Tout au long des années passées dans ces études de doctorat, j’ai appris à connaître et à apprécier ma directrice de thèse, Professeure Clémence Dallaire, que je remercie du fonds du cœur en lui exprimant toute ma gratitude pour sa patience et son engagement à mes côtés. Sa grande connaissance de la discipline infirmière m’a aidé à chercher toujours plus loin, à me dépasser même dans les moments les plus difficiles. Je remercie mon comité de thèse, les professeures Hélène Provencher, Johanne Gagnon et Nancy Leblanc pour leurs conseils avisés lors des trop rares moments où nous avons pu discuter.

Je tiens à remercier la direction de l’Institut et de La Haute École de la Santé La Source. Sans leur confiance et le temps accordé pendant toutes ces années, je n’aurais pu mener à terme de projet. Merci à Jacques Chapuis, Anne-Claude Allin, Patrick Lauper et Nataly Viens Pithon.

Un grand merci aux terrains qui ont accepté de me présenter des infirmières, des mamans atteintes de MMS et des enfants adultes de mères atteintes de MMS. Un merci particulier à Madame Marie-Catherine Despeyroux de l’APREMADOL, à Monsieur Raymond Panchaud de la Fondation de Nant et à Messieurs Richard Joray et Danilo Castro et Madame Isabelle Robert du GRAAP.

Je remercie ma sœur Joëlle qui a relu ma thèse dans son entier pendant ses vacances au lieu de s’asseoir devant un bon roman. Ses remarques ont été pour moi d’une grande richesse.

Merci à mes collègues et ami-es Corinne, Jacqueline, Agnès, Philippe, Edith, Hélène, Simone, Marie, Carole, Monique, Françoise, Christine, Pawel, Gora, Marilyne, Antonina, Pauline, Mireille, Annie, Michel et Nicole. Leur soutien m’a permis de tenir bon tout au long de ce chemin.

Enfin, merci à ma famille, mes enfants Michaël, Frédéric et Anne-Catherine, ma belle-fille Claudia, mon beau-fils Maxime mes petits-enfants Saïan et Ellijah, mes parents, mes frères et sœurs et mes neveux et nièces Alex, Jean-Sébastien, Caroline et Marilou en particulier. Vous avez accepté tous ces moments où nous aurions pu être ensembles, alors que je travaillais. Vous m’avez sans cesse motivée à poursuivre ce chemin…

(20)

Je remercie les infirmières de mon groupe de résonance avec lesquelles les échanges ont été riches. Elles ont fait preuve de générosité et d’engagement en acceptant de participer à ces rencontres. Elles m’ont aidée à me dépasser, à chercher plus loin.

(21)

1

Introduction

Aujourd’hui, on estime que plus de la moitié des femmes atteintes d’une maladie mentale sévère (MMS) sont mères. Souvent, la société ne permet pas à ces mamans de jouer leur rôle de mère en ne les aidant pas face aux défis comme la pauvreté, la stigmatisation ou la solitude auxquels elles sont confrontées. La recherche a démontré qu’au Canada, 12,1% des enfants vivent avec un parent atteint dans sa santé mentale (Bassani, Padoin, Philipp, & Veldhuizen, 2009) alors qu’en Australie ce serait 23 % des enfants qui vivent dans ce contexte (Maybery, Reupert, Patrick, Goodyear, & Crase, 2009; Phelan, Howe, Cashman, & Batchelor, 2012). La perspective globale des infirmières les place dans une position privilégiée pour accompagner ces familles. Pourtant, la revue de littérature a montré que celles-ci sont souvent absentes des recherches concernant les mères atteintes de MMS et leurs enfants. Cette étude a comme but de conceptualiser un prototype d’intervention infirmière centrée sur la famille dans les situations de MMS de la mère. Cette intervention est centrée sur l’optimisation de la santé en adoptant la perspective de promotion de la santé du modèle de McGill (Allen, 1977 : Allen & Warner, 2002; Gottlieb & Rowat, 1987). Quatre des étapes de la recherche d’intervention sont utilisées dans la conceptualisation de ce prototype en permettant l’articulation théorique de celui-ci et son opérationnalisation. La faisabilité, l’acceptabilité et l’utilité de l’intervention sont vérifiées dans la mise à l’essai de celle-ci auprès de deux familles.

Le premier chapitre aborde les problématiques auxquelles sont confrontées les familles de mères atteintes de MMS. Différents points de vue ont été utilisés à cette fin. Tout d’abord, la situation des familles de mères atteintes de MMS est présentée. Les problématiques particulières des mères et des enfants vivant cette situation sont ensuite éclairées par la recherche. Ce chapitre dresse un portrait de la place que prennent ou non les infirmières dans ces situations. Finalement, le but et les objectifs de la recherche sont exposés. Le deuxième chapitre est constitué d’une revue de littérature sur les interventions pour les mères atteintes de MMS, sur celles concernant les enfants et enfin, sur les interventions centrées sur la famille. Les interventions présentées sont en cours d’évaluation ou ayant fait l’objet d’une évaluation maintenant terminée. Dans ce chapitre, un tableau permet de visualiser les différentes évaluations qui ont été réalisées pour chacune des interventions. Les trois interventions infirmières répertoriées dans la revue de littérature sont décrites même si elles n’ont pas encore fait l’objet d’une évaluation.

Le troisième chapitre se consacre à la méthodologie utilisée dans cette étude. Il s’agit d’une recherche d’intervention élaborée à partir d’une méthodologie qualitative. Deux parties distinctes sont présentées. La première partie s’appuie sur une méthodologie qualitative et concerne l’étude des besoins et des problématiques des familles de mères atteintes de MMS réalisées à partir d’entretiens semi-dirigés avec des

(22)

mères atteintes de MMS, avec des enfants aujourd’hui adultes et avec des infirmières. La deuxième partie de l’étude décrit la méthodologie par étude de cas utilisée dans la mise en place de l’intervention et de l’étude pilote. Des échelles de bien-être et d’estime de soi décrites dans ce chapitre ont été utilisées avant et après l’intervention en complément à la méthodologie qualitative. Le chapitre se termine avec les considérations éthiques.

Le quatrième chapitre présente les résultats de la partie1 de la recherche. Les données démographiques des participants à l’étude sont présentées. Les récits phénoménologiques des entretiens avec les enfants adultes, avec les mamans et avec les infirmières sont intégrés au chapitre ainsi que la catégorisation de ceux-ci. Le cinquième chapitre concerne la discussion des entretiens. Il commence par une discussion des entretiens d’enfants adultes et de mères atteintes de MMS. Il se poursuit avec la discussion sur les entretiens avec les infirmières. Il se termine avec une discussion sur l’écart entre les besoins des mères et des enfants et la réponse donnée par les infirmières dans le but de répondre à ces besoins.

Le sixième chapitre est consacré à la synthèse de la littérature et des entretiens et à la théorisation de l’intervention. Deux figures représentent l’intervention. La première dresse un portrait des fondements de l’intervention. La deuxième figure représente la théorie de l’intervention. Les différents modèles et théories utilisés dans la conceptualisation de l’intervention sont décrits et mis en lien avec les éléments pratiques de l’intervention.

Le septième chapitre présente les résultats de la mise à l’essai de l’intervention et de l’étude pilote. Les deux familles ayant participé à la recherche sont présentées. Les écocartes et les génogrammes de chaque famille sont intégrés au chapitre. Le résumé des deux interventions est présenté dans des tableaux. Les interventions sont décrites brièvement dans le texte. Le chapitre résume, dans un tableau, les rencontres avec le groupe de résonnance infirmier et présente les résultats des rencontres avec les infirmières du groupe.

Le huitième chapitre est centré sur la discussion de la mise à l’essai de l’intervention et de l’étude pilote. Le processus de l’intervention, les difficultés de l’étude, la fréquence des rencontres d’intervention, la formation des infirmières, la faisabilité, l’acceptabilité et l’utilité de l’intervention ainsi que les limites de la recherche sont discutés et font l’objet de différentes recommandations.

(23)

3

Chapitre 1 : La problématique

La place de la famille dans les soins aux mères MMS

Au cours des 20 dernières années, les soins psychiatriques aux personnes atteintes de MMS ont beaucoup évolué. Alors qu’il y a quelques années on refusait encore l’entrée des familles à l’hôpital psychiatrique, on tend de plus en plus à les considérer comme partenaires des soins. La recherche a démontré qu’il est possible de se rétablir et de vivre avec une maladie mentale, d’avoir des symptômes qui persistent et de pouvoir mener une vie satisfaisante. Les travaux sur le rétablissement qui ont vu le jour au début des années 1990 ont permis de réévaluer la façon dont les soins sont donnés et d’intégrer l’avis des patients et des familles dans cette réflexion. Avant cela, les familles de personnes atteintes de MMS étaient souvent tenues pour responsables de la maladie de leur proche. Il est maintenant reconnu que la maladie mentale est en partie héréditaire (Pratt, Gill, Barrett, & Roberts, 2007), mais aussi que l’environnement dans lequel vit la personne est susceptible de modifier considérablement l’apparition ou non d’une maladie mentale ainsi que la façon dont la personne va se rétablir par rapport à celle-ci (Huey, Lefley, Shern, & Wainscott, 2007). Malgré l’énorme popularité des modèles centrés sur le rétablissement pour les personnes atteintes de MMS, la compréhension du concept et de ce qu’il implique comme modifications dans la manière d’aborder la personne malade comporte encore de nombreuses lacunes (Glynn, Cohen, Dixon, & Niv, 2006). Pour Glynn et al., les interventions visant le rétablissement doivent être centrées sur la famille et favoriser le bien-être de chaque personne dans ce réseau. Par exemple, selon eux, les caractéristiques communes d’un modèle centré sur la famille pour la schizophrénie comprennent : un intérêt et de l’empathie pour tous les membres de la famille qui composent avec la maladie, fournir de l’information sur la maladie, éviter de blâmer la famille dans leurs efforts pour composer avec la maladie, encourager la famille dans leurs efforts pour se créer des réseaux de relations en dehors du réseau familial, une flexibilité dans la gestion des composantes reliées à la maladie et pouvoir redonner de l’espoir. Pourtant, en ce qui concerne les familles avec une MMS, ces caractéristiques sont rarement prises en compte pour les enfants ou face aux problématiques particulières de femmes atteintes de MMS.

Pendant longtemps, les femmes n’ont pas été engagées dans les projets de recherche, mais elles ont aussi été exclues des recherches comme sujet ayant des caractéristiques particulières (Rodgers, 2005). Les mères atteintes de MMS n’ont pas échappé à cette exclusion de la science entraînant une étroitesse des perspectives de recherche sur celles-ci et sur la relation qu’elles entretiennent avec leurs enfants. La principale raison amenant à ce constat est que les femmes atteintes de MMS ont souvent été vues comme étant dans l’impossibilité d’avoir des enfants. Pourtant, parmi celles-ci, on estime que plus de la moitié sont

(24)

mères d’un ou de plusieurs enfants (Diaz-Caneja & Johnson, 2004; Howard, Shah, Salmon, & Appleby, 2003; Mason, Subedi, & Davis, 2007; Mowbray, Oyserman, Bybee, MacFarlane, & Rueda-Riedle, 2001; Nicholson & Biebel, 2002). De cette affirmation devrait découler une modification dans les soins aux mères atteintes de MMS pour y inclure la composante famille avec les personnes qui la compose. Cependant, une grande partie des professionnels de la santé continue, encore aujourd’hui, à ne pas s’inquiéter de la possibilité que les femmes atteintes de MMS puissent avoir des enfants (Corrigan, Mueser, Bond., Drake, & Solomon, 2008 ; Le Clear O’Connel, 2008 ; Mason et al., 2007 ; Park, Solomon, & Mandel, 2006). Dans les services de santé mentale où on s’occupe des mères atteintes de MMS, on ne porte pas souvent attention aux besoins des femmes comme épouses, mères ou membres d’une famille (Ackerson, 2003 ; Mowbray, Nicholson, & Bellamy, 2003.). Les mères vivant la maladie mentale et la maternité font face à un lourd défi qui touche la gestion de ces aspects contradictoires de leur identité. Souvent, la société ne permet pas aux mères atteintes de MMS de jouer leur rôle de mère en ne les aidant pas quant aux multiples contraintes auxquelles elles font face comme la pauvreté, la stigmatisation ou la solitude. Ces défis sont pourtant aussi vécus par les autres membres de ces familles, en particulier par les enfants vivant dans ces familles.

Les familles dont la mère est atteinte de MMS vivent très souvent avec des revenus en dessous du seuil de pauvreté. L’accès à des emplois rémunérés est encore très limité pour ces femmes. Dans une étude portant sur 379 mères atteintes de MMS, Mowbray et al. (2001) déclarent que deux tiers d’entre elles vivent en dessous du seuil de pauvreté. Dans 82,2% des situations, les femmes de cette étude ont la responsabilité de leurs enfants mineurs. Selon Beeber et al. (2007), le faible revenu des mères les place souvent devant le choix de donner de la nourriture et des soins de santé aux enfants plutôt que de s’occuper de leurs propres soins. La pauvreté est un facteur de stress important pour les enfants dans les familles où la mère est atteinte d’un trouble de l’humeur (Beardslee, Gladstone, & O'Connor, 2011). La pauvreté est souvent associée avec un risque accru de dépression chez la mère. Souvent, les femmes vivant dans la pauvreté ne consultent pas les professionnels de la santé même si elles savent qu’elles ont des symptômes dépressifs (Anderson, Robins, Greeno, Cahalane, Copeland, & Andrews, 2006). Elles tendent plutôt à minimiser ces symptômes dans le but de garder une image de bonne mère (Abrams, 2009). Par contre, elles consultent facilement pour les problèmes de comportement de leurs enfants (Anderson et al., 2006). Pour Walsh (2003a), la sécurité financière est un facteur de résilience familiale. Les enfants vivant dans la pauvreté ont un risque augmenté de connaître des problèmes de développement ou de fonctionnement (Bradley & Corwyn, 2002). Cependant, comme la pauvreté est souvent associée à d’autres problématiques comme les maladies mentales, il est difficile d’après Bradley et Corwyn (2002), de comprendre comment celle-ci affecte les enfants.

La discrimination est une autre problématique importante à laquelle font face les familles dont la mère est atteinte d’une MMS. Une étude de Jeffery, Clement, Corker, Howard, Murray et Thornicroft (2013) a eu

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comme objectif de mieux comprendre la nature de l’expérience de discrimination pour ces personnes. La population étudiée était de 304 utilisateurs de services de psychiatrie communautaire, dont 223 femmes. L’entretien téléphonique portait sur le désir de devenir parent ou le fait d’être déjà parent en regard des réactions suscitées au niveau social ou par les professionnels qui les suivaient. L’étude a démontré que les personnes atteintes d’une maladie mentale vivent de la discrimination à la fois des professionnels, de leurs proches, de leurs connaissances ou de leurs voisins. Les participants de cette étude rapportent être vus comme étant dans l’impossibilité d’être un bon parent dès qu’ils parlent de leur désir d’avoir un enfant. Parmi les conséquences reliées à cette discrimination, on retrouve le fait de ne pas recevoir l’aide dont ils ont besoin de même que le constat que les enfants vivent aussi cette discrimination.

Le fait de ressentir de la stigmatisation en lien avec la maladie mentale est aussi une des problématiques relevées par les professionnels dans une méta-synthèse de recherche qualitative de Dolman, Jones et Howard (2013). Chaque article s’intéressant à l’expérience des professionnels dans cette méta synthèse considère la stigmatisation comme une problématique à laquelle sont confrontées les mères atteintes de MMS. L’objet principal de cette discrimination est le fait que ces mères soient vues comme de mauvaises mères. Une des études de cette synthèse (Engqvist, Ahlin, Ferszt, & Nilsson, 2011) souligne que certains psychiatres hésitent à donner un diagnostic psychiatrique à leur patiente lors du post-partum à cause de la stigmatisation qui en résulte. Les différents professionnels travaillant dans les services s’intéressant aux problématiques reliées aux mères atteintes de MMS devraient être formés dans le but d’éviter cette discrimination. En effet, la stigmatisation liée à la maladie mentale empêche souvent les mères de parler de celle-ci (Abrams, 2009 ; Diaz-Canega & Johnson, 2004). Ce qui constitue aussi une forme de discrimination est le fait d’évaluer les compétences parentales des mères atteintes de MMS à partir du diagnostic alors que la recherche a démontré que la diminution des compétences parentales a plus à voir avec les nombreux facteurs de risque associés à la maladie (Ackerson, 2003). De plus selon Mordoch (2010), les enfants de parents atteints d’une MMS sont sensibles à la stigmatisation et cela gêne leur compréhension de la maladie parentale. Ses résultats de recherche démontrent que les enfants adoptent les attitudes de la société face à la maladie mentale ce qui peut entraîner une discrimination des enfants de parents atteints de MMS de la part de leurs copains.

L’isolement est souvent décrit par les professionnels comme une problématique de cette population. La peur de perdre la garde de leurs enfants chez les femmes atteintes de MMS augmente l’isolement de toute la famille (Gearing, Alonzo, & Marinelli, 2012). Dans les récits de 18 femmes ayant vécu avec une mère psychotique, décrits par Nathiel (2007), il est rare de retrouver un adulte ayant été présent dans la vie de ces familles, que ce soit un membre de celles-ci ou un professionnel. Les mères psychotiques ne refuseraient

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pourtant pas cette aide ce qui l’amène à la conclusion que soit il n’y en a pas eu dans la vie de ces familles, soit il n’a pas été suffisamment présent pour que l’enfant s’en souvienne. Les adolescents vivant dans des familles ou un parent est atteint d’une MMS ne parlent pas à l’extérieur de ce qui se passe à la maison et ceci même si le contact avec les amis est très important pour eux (Gladstone, Boydell, Seeman, & McKeever, 2011). Ils disent ne pas vouloir être vus comme différents de leurs amis. Comme ils ne parlent pas de la maladie, ils n’amènent pas d’amis à la maison. Le silence autour de la maladie contribue à l’isolement de la mère et de ses enfants.

Les mères atteintes d’une MMS doivent intégrer deux identités aussi contradictoires que l’identité de mère et celle de malade mentale sévère et assumer les différents rôles imposés par la société par rapport à ceux-ci. Selon Cowling (2004), il a été démontré qu’être un bon parent a moins à voir avec l’habileté mentale qu’avec les ressources aidant à l’éducation des enfants et le soutien. En même temps, elles vivent de la pauvreté, de la discrimination et de la solitude. Les enfants dans ces familles vivent aussi ces contraintes dès le début de leur vie. Ces familles ne reçoivent pas souvent l’aide dont elles ont besoin parce que les services de soins sont fragmentés et qu’ils ne conçoivent pas qu’une femme atteinte d’une MMS puisse être mère. Dans la prochaine section, les défis et besoins particuliers de ces mères seront abordés.

Les mères atteintes de maladie mentale sévère

Acquérir l’identité de mère et pouvoir jouer ce rôle dans la société est un processus complexe pour la femme en bonne santé. Selon Mercer (2004), il s’agit d’un processus en quatre étapes qui commence avec la grossesse et qui se termine avec l’internalisation du rôle de mère ou l’intégration de celui-ci dans l’identité. La recherche concernant les mères atteintes de MMS ne parle pas de difficultés reliées à l’acquisition de leur identité de mère, mais décrit plutôt des problématiques en lien avec les différents rôles qu’elles ont à jouer dans la société.

Ces mères font face à des problématiques particulières et ont des besoins multiples. Elles ont, dans 50% des cas (Lyon & Parker, 2003) subi des violences physiques ou sexuelles, ce qui augmente le risque de comorbidités avec d’autres pathologies comme la dépression ou le choc post-traumatique, pour ne citer que les plus importantes. Elles doivent simultanément gérer le bien-être de leurs enfants et une maladie ayant un impact sur leurs capacités cognitives et fonctionnelles. De plus, comme le fait d’avoir une maladie mentale ne fait pas partie de l’idéalisation de la maternité, accepter le diagnostic de maladie mentale signifie pouvoir vivre avec une cassure dans la poursuite de cet idéal (Davies & Allen, 2007).

Les activités reliées au fait d’être parent sont très importantes pour les mères atteintes de MMS (Brunette & Dean, 2002). La perte de la garde des enfants est fréquente chez les femmes avec une maladie mentale

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sévère (Diaz-Caneja & Johnson, 2004 ; Dipple, Smith, Andrews, & Evans, 2002 ; Lagan, Knights, Barton, & Boyce, 2009). Ce fait connu place les mères face à la difficulté de parler de leurs problèmes par peur de perdre la garde de leurs enfants. Diaz Caneja et Johnson (2004) ont interviewé 22 mères souffrant de maladies mentales sévères. Les principaux éléments ressortis de cette enquête sont que pour 20 femmes sur 22, le fait d’être mère donne un sens à leur vie. La maternité et l’éducation des enfants permettent d’augmenter leur estime d’elle-même et de se réaliser comme femme. Six des femmes interviewées disent que le fait d’avoir un enfant est un avantage pour essayer de se sentir bien. Parallèlement, elles ont de la difficulté à s’occuper de leur propre bien-être mental tout en s’occupant de celui de leurs enfants. Pour l’OMS (2012), le bien-être mental consiste en la capacité d’un individu à nouer et à entretenir de bonnes relations, à pouvoir étudier, travailler et avoir des loisirs de même que le fait d’avoir la possibilité de faire des choix dans sa vie quotidienne en ce qui concerne l’éducation, l’emploi, le logement, etc. Ryff, Keyes et Hughes (2003) ont, par ailleurs, développé une échelle du bien-être comportant six sous-échelles le caractérisant: 1) l’acceptation de soi ; 2) la croissance personnelle ; 3) l’autonomie ; 4) les relations positives avec autrui ; 5) la maîtrise sur son environnement et (6) le sens à la vie. Lorsque les mères atteintes de MMS perdent la garde de leurs enfants, la plupart des caractéristiques de bien-être développées par Ryff et al. deviennent improbables dans la vie de ces mères.

Souvent comme le développe Lagan et al. (2009), les services s’intéressant à la sécurité des enfants ne prennent pas en considération le bien-être des mères. La perte de la garde des enfants se produit fréquemment lors d’une hospitalisation parce que la mère est en rechute. Lors de ces périodes, la mère a plus de difficulté à démontrer ses compétences parentales, ce qui n’empêche pas les services de protection de la jeunesse d’évaluer celles-ci avec les mêmes indicateurs qu’en période de rémission des symptômes (Lagan et al., 2009). La perte de la garde des enfants s’inscrit dans un processus de crise qui a besoin d’être accompagné. Pour Lagan et al., les mères ont alors besoin de soutien face à la crise et d’être écoutées dans leur détresse afin d’éviter une augmentation des symptômes. Les mères qui n’ont pas la garde de leurs enfants ont aussi des besoins. Elles doivent avoir de l’aide pour augmenter leurs compétences à organiser leurs visites aux enfants, à maintenir le contact et à s’assurer que leurs enfants sont en sécurité (Mason et al., 2007 ; Mowbray et al., 2003 ; Nicholson & Henry, 2003).

Pour les enfants de mères atteintes de MMS, différents types d’arrangements concernant leur garde sont possibles. Par exemple, les enfants vivent avec la mère malade et le père ; les enfants sont chez le père avec un droit de visite de la mère ; les enfants vivent chez un membre de la famille ; ou les enfants vivent dans une famille d’accueil ou un foyer (Sands, Koppelman, & Solomon, 2004). Il semble, selon ces auteurs, qu’il ne soit pas rare que trois enfants d’une même mère se retrouvent dans trois endroits différents. Quel que soit le lieu

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de vie des enfants, ceux-ci demeurent un sujet de préoccupation très important pour les mères souffrant de MMS comme le démontrent plusieurs recherches (Diaz-Caneja & Johnson, 2004 ; Nicholson & Henry, 2003 ; Sands et al., 2004). Souvent lorsqu’elles ont perdu la garde de leurs enfants, elles ont de la difficulté à garder le contact. Les professionnels peuvent être tentés de ne pas s’en occuper, mais les résultats d’une recherche qualitative sur les mères rapportent qu’elles cherchent de l’aide pour maintenir la relation avec eux (Joseph, Joshi, Lewin, & Abrams, 1999).

Pour les mères atteintes de MMS qui ont la garde de leurs enfants, l’espoir de les retrouver après une hospitalisation augmente les chances de se rétablir de la maladie (Nicholson, Sweeney, & Geller, 1998a). Pourtant parallèlement, les hospitalisations pour un problème de santé mentale augmentent les chances de perdre la garde des enfants. Une étude de Seneviratne, Conroy et Marks (2003) portant sur l’évaluation de 61 mères atteintes de MMS hospitalisées dans des unités mères enfants en Angleterre a démontré que seulement 44% de celles-ci sortent de l’hôpital avec leur enfant à la fin de la période d’évaluation et au rendez-vous de suivi, 29% seulement sont encore les soignantes de leur enfant. Face à ce paradoxe, il ne semble pas étonnant que les femmes atteintes de MMS ayant un ou des enfants tardent à se faire soigner (Gearing et al., 2012).

D’autres recherches démontrent la multitude des besoins vécus par les mères atteintes de MMS. Parmi ceux-ci, citons : le besoin d’identifier des ressources alternatives pour leurs enfants lorsqu’elles en ont la garde (Diaz-Caneja & Johnson, 2004; Mowbray et al., 2003 ; Nicholson & Henry, 2003 ) ; le besoin d’entraînement aux compétences parentales (Diaz-Caneja & Johnson., 2004 ; Howard et al. , 2003 ; Mason et al., 2007 ; Mowbray et al., 2003 ; Nicholson & Henry, 2003 ; Wan, Salmon, Riordan, Appleby, Webb, & Abel, 2007) et aux compétences relationnelles (Mowbray et al., 2003) ; le besoin d’aide face à l’apprentissage de la gestion d’une maison où vivent des enfants (Mowbray et al., 2003) ; le besoin d’apprendre à gérer leur stress (Mowbray et al., 2003 ; Nicholson & Henry, 2003) ; le besoin d’apprendre à gérer leurs symptômes (Mason et al., 2007; Nicholson & Henry, 2003) ; et le besoin d’apprentissage dans la gestion des différentes demandes d’aide et dans la rédaction des documents (Nicholson & Henry, 2003). Les mères souffrant de maladies mentales ont aussi besoin d’être reconnues par les professionnels comme étant de bonnes mères (Davies & Allen, 2007). Mason et al. sont d’avis qu’elles ont besoin de traitement et de soutien lors d’abus sexuels, physiques ou mentaux. Les femmes ont des besoins différents des hommes en ce qui concerne les prescriptions de médications neuroleptiques (Mowbray et al., 2003; Seeman, 2004 ). Cela est d’autant plus important lorsqu’elles ont la responsabilité de jeunes enfants. Certaines disent que les soins aux enfants sont plus difficiles à cause des effets des médicaments (Diaz- Caneja & Johnson, 2004).

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Comment se rétablir, donc se restaurer de la maladie et optimiser sa santé, lorsqu’une identité très importante dans nos sociétés contemporaines ne peut amener à jouer le rôle qui y est rattaché ? En d’autres mots, comment aider les mères atteintes de MMS à se développer en leur permettant de se redéfinir comme une mère atteinte d’une MMS, à retrouver l’espoir et à croire en quelque chose qui pourra les aider à reprendre en main leur pouvoir d’agir et à redécouvrir l’aide que peuvent leur apporter leurs relations. Selon, Huey et al. (2007), les soins de rétablissement des personnes atteintes de MMS devraient intégrer des stratégies qui leur permettent de retrouver une participation active à la vie de la communauté en plus de les aider à gérer leur maladie. Les mères atteintes de MMS ont besoin de sentir que leurs enfants sont en sécurité pour pouvoir participer activement à la vie communautaire. La qualité des soins que les enfants reçoivent est un élément primordial parce qu’il permet aux mères atteintes d'une MMS de vivre pleinement ce sentiment de sécurité même lorsqu’elles n’ont pas la garde de leurs enfants. Dans la section suivante il sera démontré comment la recherche sur les enfants de mères atteintes de MMS peut s’avérer complexe et découler du point de vue que l’on adopte.

Les enfants de mères atteintes de maladie mentale sévère

Dans la littérature sur les enfants de mères atteintes de maladie mentale, l’effet des facteurs contextuels est prédominant quand on réfléchit au développement des enfants. Ces facteurs sont abordés de deux manières contradictoires, à savoir, celle axée sur la fragilité des enfants et leur état de personne à risque dès la naissance, voire même avant la naissance et celle axée sur les enfants comme personne ayant des ressources donc partenaires de la relation mère enfant. Ce second discours, relativement récent dans la littérature scientifique prend en compte les caractéristiques de l’enfant et s’intéresse au développement de celui-ci dans des conditions de vie différentes de celles de la majorité des enfants.

Dans le premier discours, l’enfant dont la mère est atteinte de MMS est vu comme une personne à risque selon certains chercheurs avec la possibilité de devenir résilient. En effet, de nombreuses recherches parlent de l’augmentation du risque de développer diverses problématiques de santé mentale à l’âge adulte pour les enfants dont un des deux parents est atteint d’une maladie mentale sévère (Mason et al., 2007 ; Mowbray, Bybee, Oyserman, MacFarlane, & Bowersox, 2006 ; Rishel, Greeno, Marcus, & Anderson, 2006 ; Schubert & McNeil, 2003). Les enfants vivant à l’extérieur du foyer familial ont aussi un risque important de développer des problématiques, en particulier, des difficultés reliées à l’attachement, une insécurité dans les relations, des comportements sexuels, de l’anxiété reliée au traumatisme, des problèmes de conduite et de déviance, de l’inattention ou de l’hyperactivité de même que des problèmes moins communs comme de l’automutilation ou des problèmes de comportement alimentaire (Tarren-Sweeney & Hazell, 2006). Selon Howard (2000), malgré le fait que nous savons que les mères atteintes de MMS soignent bien leurs enfants la plupart du temps, il

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existe une très nombreuse littérature sur les risques pour le bien-être émotionnel des enfants en présence de maladie mentale. Par exemple, une recherche effectuée par Rishel et al. (2006) démontre que les enfants de mères souffrant de problèmes de santé mentale ont plus de problèmes de comportements et démontrent moins d’amélioration avec le temps. Une des solutions envisagées par ces chercheurs pour améliorer le comportement des enfants est de traiter la mère en même temps que les enfants. Pourtant, selon Bassett et Lloyd (2005), les professionnels de la santé ne conçoivent pas souvent les soins à la famille comme étant leur rôle. Selon Park et al. (2006), il y a un besoin urgent de coordination entre les services, par exemple les services sociaux s’occupant plus particulièrement de la sécurité et du bien-être des enfants et les services de santé s’occupant des soins à la mère.

En Australie, la prévalence de maladie mentale chez un parent est de 23 % (Maybery et al., 2009 ; Phelan et al., 2012). Par ailleurs, Bassani et al. (2009) ont mené une vaste recherche ayant pour objectif de détecter le nombre d’enfants de moins de 12 ans vivant avec un parent atteint d’une problématique psychiatrique, au Canada. Leurs résultats démontrent que 12,1% des enfants de cette classe d’âge vivent avec un parent atteint d’une maladie psychiatrique et que dans cette population, trois quart de ces parents ne reçoivent pas d’aide pour leur problématique. Cette étude démontre que ces enfants sont plus à risque de vivre des traumatismes, d’habiter dans des quartiers qui ne sont pas sécuritaires, de déménager fréquemment et d’avoir un pauvre soutien social et économique.

Les mères atteintes de MMS décrivent aussi la peur des effets de leur maladie sur les enfants et des risques de transmissions héréditaires (Diaz-Canega & Johnson, 2004). Les facteurs génétiques sont aujourd’hui reconnus comme étant présents dans la plupart des maladies mentales. La recherche démontre aussi l’effet bénéfique de l’épigénétique qui s’intéresse à l’impact des facteurs environnementaux sur la transmission héréditaire. Pour Ogren et Lambroso (2008), si nous parvenions à mieux comprendre les mécanismes environnementaux reliés à la santé, nous pourrions intervenir de manière différente. Par exemple, nous pourrions améliorer les compétences parentales pour réduire les psychopathologies et enrayer la transmission de certaines pathologies entre les générations (Ogren & Lombroso, 2008). Si les facteurs environnementaux peuvent aider les enfants de parents atteints de MMS à éviter les effets d’une transmission génétique sur leur bien-être émotionnel, ces mêmes facteurs peuvent aussi avoir un impact négatif sur ceux-ci lorsqu’un parent souffre de maladie mentale. Parmi les facteurs ayant un impact négatif, les chercheurs citent certains facteurs contextuels comme les disputes ou les désorganisations familiales, le fait d’être un parent seul, la pauvreté et l’isolement social (Basset & Lloyd, 2005).Ces différents éléments peuvent amener des perturbations dans la scolarité des enfants (Becker & Becker, 2008).

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La maladie mentale d’un des deux parents augmente le risque que les enfants soient placés hors du foyer. Le placement à l’extérieur du foyer est aussi un facteur de risque prédisposant les enfants à des problèmes mentaux ou comportementaux (Hollingsworth, 2004; Mason et al., 2007). Les enfants peuvent vivre difficilement la séparation d’avec les parents, les visites étant souvent brèves, ils peuvent aussi ressentir la tristesse des parents face à cette séparation (Huey et al., 2007).Un risque décrit à partir de recherches en ce qui concerne les enfants est le manque de soutien des professionnels, particulièrement lors des moments de crises (Aldridge & Becker, 2003 ; Khalifeh, Murgatroyd, Freeman, Johnson, & Killaspy, 2009; Knutsson-Medin, Edlund, & Ramklint, 2007). Lorsque les enfants vivent avec un parent atteint d’une MMS, ils ont besoin de pouvoir comprendre, de pouvoir mettre les pièces ensemble (Mordock, 2010). Souvent selon elle, ils comprennent en observant les comportements de leur parent, à travers des informations sporadiques de la part de la famille, d’un enseignant ou d’un conseiller, avec de la documentation, les médias ou par hasard. Dans sa recherche qualitative sur un échantillon de 22 enfants de 6 à 16 ans, Mordock (2010) arrive aux conclusions que les enfants ont des questions pour lesquelles ils ont besoin de réponses de la part d’un adulte empathique et de confiance. Pour elle, ne pas donner d’information aux enfants sur la maladie des parents est en même temps une barrière empêchant les parents de parler de leur maladie. Par ailleurs, dans leur revue de littérature, Maybery et Reupert (2009) arrivent au constat que les enfants, dont un parent est atteint d’une MMS, ont envie d’aider leur parent et que pour cela ils ont besoin d’une aide qui prend en compte leur stade de développement.

D’autres facteurs de risque comprennent les soins aux parents dus aux hospitalisations répétées, la confusion des enfants au sujet des parents malades et le manque d’interaction parents-enfants, incluant une disponibilité émotionnelle plus basse (Mason et al., 2007).Selon les résultats d’une revue de littérature de Mowbray et al. (2006), sur les résultats psychosociaux des enfants devenus adultes de mères atteintes de MMS, ceux dont la mère est atteinte de maladie affective bipolaire ont plus d’effets négatifs à l’âge adulte. Ces résultats tendraient à démontrer que le style d’éducation de ces mères est moins stable et pourrait entraîner des difficultés d’adaptation pour les enfants. De même, les enfants dont un parent est atteint d’une maladie affective bipolaire auraient 40 % de risque de vivre un épisode de dépression majeure avant l’âge de 20 ans (Beardslee, Versage, & Gladstone, 1998). Pour Beardslee et al. (2011), même si on connaît les risques pour les enfants d’un parent atteint d’une maladie affective bipolaire d’avoir une dépression, c’est l’équilibre entre les facteurs de risque et les ressources protectrices qui détermine les résultats.

Dans le second discours, les ressources protectrices des enfants sont aujourd’hui discutées dans la littérature scientifique. Cette vision plus positive des facteurs contextuels cible le contexte familial comme très important pour l’enfant, pour plusieurs beaucoup plus que la vulnérabilité biologique (Göpfert, Webster, & Seeman

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2004 ; Nicholson, Sweeney, & Geller, 1998b). Par exemple, selon Gladsdone, Boydell et McKeever (2006), si le discours sur le rôle de mères atteintes d'une MMS est très répandu dans la littérature, la parole des enfants est souvent absente de ces recherches. Dans la littérature, on retrouve les recherches traitant de la mère où le bien-être des enfants semble toujours relié aux périodes de rémission de celle-ci sans porter attention aux caractéristiques de l’enfant et à ses besoins ou ressources pendant les périodes où la mère n’arrive pas à assurer pleinement son rôle. Par exemple, on ne dira pas à l’enfant que la médication de la mère vient d’être modifiée même si cela peut amener des changements de comportement chez celle-ci (Bilsborough, 2004). Pour de nombreux professionnels travaillant avec des parents atteints de maladies mentales, l’enfant présent lors des soins n’existe pas, même s’il est dans la pièce au moment des soins (Bilsborough, 2004). On ne sait pas quels sont les besoins des enfants qui soignent leur parent atteint de maladie mentale (Aldridge & Becker, 2003). Pour les professionnels en général, les enfants ne doivent pas subir les conséquences de la maladie du parent. Une des conséquences de cela est qu’on va les tenir éloignés de toutes les informations concernant la maladie de la mère. Une autre conséquence très importante est qu’on va les sortir de l’environnement familial vu comme nocif. Pourtant selon Lazarus et Folkmann (1984), sortir une personne d’un environnement stressant ou écouter le niveau de stress ambiant peut être moins efficace que d’apprendre à la personne à améliorer son habileté à évaluer, intégrer et composer avec le stress chaque jour. Tant et aussi longtemps qu’on ne prend pas en compte l’enfant comme possiblement capable d’apprendre à composer avec une vie en dehors des normes usuelles de la société, avec des compétences présentes à la naissance plutôt que de seuls déficits, nous ne pourrons faire plus que d’assurer la sécurité des enfants de mères atteintes de MMS.

Les enfants de mères atteintes de MMS ne sont pas souvent interrogés par les chercheurs. Nous savons encore très peu de choses sur leur expérience subjective (Knutsson-Medin et al., 2007). Une recherche qualitative avec 36 enfants devenus adultes a démontré qu’à l’âge adulte, ils avaient tous un bon ajustement psychosocial malgré le fait que dans l’enfance, ils auraient eu besoin de plus d’information de la part des professionnels (Knutsson-Medin et al., 2007). Ces enfants expliquent avoir vécu la maladie maternelle comme quelque chose de secret, d’effrayant et surtout, qu’on ne leur expliquait pas (Einhaus, 2009; Mason, 2003; Nathiel, 2007). Ils ont dû pour la plupart affronter le regard des autres sur leur parent malade sans arriver à comprendre pourquoi leur famille était différente des autres.

Une revue de littérature récente portant sur l’expérience vécue par les enfants dont un parent est atteint d’une MMS a permis de répertorier dix articles laissant la parole aux enfants et dix articles où ce sont des adultes qui parlent du vécu des enfants (Gladstone et al., 2011). Malgré le fait que ces écrits nous éclairent sur le vécu des enfants, les conclusions de ces articles sont souvent contradictoires. Par exemple, les enfants ne voient pas leur rôle d’aidant comme problématique et ils désirent faire cette contribution, mais pour beaucoup de

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parents ou de professionnels il s’agit d’un élément problématique. Les motivations des enfants à chercher de l’aide sont aussi d’une nature différente de celles des parents. Les enfants cherchent comment mieux aider alors que les parents pensent qu’une meilleure information les aidera à se sentir moins coupables et responsables de ce qui se vit à la maison. Ce que cette revue de littérature nous apprend c’est que la perception du vécu des enfants lorsqu’un parent est atteint d’une MMS, par les parents, par les professionnels et par les enfants eux-mêmes est très différente. Il semble donc primordial, si on veut aider chaque membre de la famille de la meilleure manière, de développer des approches centrées sur la famille. Pourtant, jusqu’à présent peu d’efforts particuliers ont été faits de manière à s’occuper simultanément de la santé de la mère et de l’enfant. Les infirmières devraient pouvoir jouer ce rôle en raison de leur proximité des familles et de leurs pratiques centrées sur la santé.

Les infirmières et les interventions pour les familles de mères

atteintes de MMS

Les infirmières s’intéressent à la santé familiale depuis le début des années 1970 (Bomar, Denny, & Smith, 2004). Un rôle majeur de l’infirmière en santé des familles est de permettre à ces dernières de s’autonomiser pour anticiper et s’adapter aux évènements stressants en utilisant des stratégies de santé (Bomar et al., 2004). L’éducation et l’expertise des infirmières les placent dans une position unique, non seulement pour offrir des interventions cliniques au plus près des personnes, mais aussi pour créer des ponts entre les différents services ou intervenants (Korhonen, Pietilä, & Vehviläinen-Julkunen, 2010a; Mason & Subedi, 2006). Pourtant, si plusieurs équipes de chercheurs dans le monde concentrent leurs efforts pour trouver comment aider au mieux les mères atteintes de MMS et leurs enfants, les infirmières sont pour l’instant peu présentes dans ces recherches. Le manque de recherches infirmières concernant cette problématique ne signifie pourtant pas qu’elles sont absentes des interventions. La littérature nous a démontré que les premières interventions ont été les hospitalisations mères enfants où les infirmières jouent un rôle majeur (Oyserman, Mowbray, & Zemencuk, 1994). Selon Gearing et al. (2012), les unités mères enfants, qui ciblent les mères dans les premiers mois suivant l’accouchement, laissent une importante lacune dans les soins pour les enfants plus âgés. Selon eux, très peu d’interventions sur le long terme s’intéressent aux femmes atteintes de schizophrénie et à leurs familles. De même, très peu d’interventions sont centrées sur la famille et leur entourage. Pourtant selon Awad et Voruganti (2008), une imposante littérature parle de la valeur ajoutée des interventions familiales pour améliorer l’environnement familial, diminuer les rechutes ou diminuer le fardeau relié aux soins en présence de schizophrénie. Les infirmières travaillant au domicile des personnes pourraient permettre une amélioration de la santé familiale en s’investissant de manière mieux coordonnée dans les soins aux familles dont la mère souffre d’une MMS. Les interventions auprès des familles de mères atteintes

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de MMS sont plus aidantes lorsqu’elles ont lieu à domicile parce qu’elles permettent de voir rapidement les différents problèmes qui peuvent survenir et d’aider la famille à trouver des solutions (Brunette & Dean, 2002). Une étude de Korhonen et al. (2010a), auprès de 608 infirmières au bénéfice d’un baccalauréat ou d’une maîtrise en sciences infirmières a permis de récolter des informations sur la prise en compte des enfants dans les soins lorsqu’un parent est atteint d’une maladie mentale. Au total, 310 infirmières ont répondu au questionnaire. Tous les professionnels étaient rattachés à une institution universitaire. Les résultats démontrent que si les infirmières évaluent la situation familiale des parents, les enfants sont rarement rencontrés par celles-ci. Ces chercheurs ont pu ressortir des caractéristiques de l’infirmière et de l’environnement qui augmentent la probabilité de rencontrer les enfants de leurs patients atteints d’une maladie mentale: 1) le genre, l’âge, le fait d’être eux-mêmes parents et l’état civil; 2) avoir reçu une éducation sur les soins aux familles et; 3) travailler dans des services utilisant une approche centrée sur la famille. D’après les chercheurs, les infirmières n’ayant pas répondu au questionnaire ne répondraient pas pour la plupart à ces caractéristiques. Cette recherche récente permet de comprendre que malgré le fait qu’aujourd’hui on travaille mieux avec les mères atteintes de MMS, les professionnels infirmiers utilisant une approche centrée sur la famille sont encore rares.

Dans leur méta-synthèse portant en partie sur l’expérience des professionnels relative au vécu des mères atteintes de MMS, Dolman et al. (2013) parlent des problématiques décrites par les infirmières. Les infirmières de la petite enfance relèvent un manque de connaissances sur les soins psychiatriques et a contrario, les infirmières de santé mentale décrivent un manque de connaissances sur le développement des enfants et sur les soins aux enfants. Il en ressort que les infirmières sont souvent anxieuses de devoir s’occuper à la fois de la mère et de l’enfant dans ces situations. En Suisse, les institutions psychiatriques utilisant une approche systémique sont peu fréquentes et souvent, cette pratique consiste à s’occuper des enfants dans un espace créé pour eux plutôt que de les intégrer au suivi de la mère.

Par ailleurs, une revue de littérature de Maybery et Reupert (2009) portant sur les barrières et les problèmes reliés au travail centré sur les familles a permis de répertorier 28 articles écrits entre 1990 et 2008. Cinq catégories principales sont ressorties de l’analyse, à savoir : 1) les politiques et la gestion; 2) la collaboration intersectorielle; 3) les attitudes, les compétences et les connaissances des professionnels; 4) les parents avec une maladie mentale et; 5) la famille incluant l’enfant. En ce qui concerne les politiques et la gestion, les principales barrières sont de ne pas avoir de politiques claires ou de protocoles permettant d’identifier les parents, le manque de temps alloué pour les pratiques centrées sur la famille, le fait d’avoir un grand nombre de patients, des approches centrées sur l’individu et la maladie au détriment d’approches centrées sur la prévention et le type de gestion centré sur le profit et l’efficience plutôt que sur l’efficacité. Les difficultés

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reliées à la collaboration intersectorielle comprennent le fait d’être dans des philosophies différentes comme une approche de crise versus une approche holistique et le manque de structures, de politiques, de procédures et de ressources. En ce qui concerne la troisième catégorie, les professionnels décrivent, un manque de connaissances sur les enfants ou la famille globale et sur les problèmes dans l’éducation des enfants. De plus, certains professionnels pensent que leur mission est de s’occuper de l’adulte et non de l’enfant. La peur de perdre le contact avec la personne malade ou la difficulté à partager l’information le concernant sont aussi des barrières. Les parents peuvent aussi être eux-mêmes une barrière au travail centré sur la famille parce qu’ils sont réticents à parler de leurs problèmes à leurs enfants ou ils peuvent avoir peur de parler et d’être dénoncés à la protection de l’enfance. Certains parents ne reconnaissent pas l’impact de leur maladie sur leurs enfants ou sont trop centrés sur leurs propres besoins pour s’occuper de ceux de leurs enfants. Enfin, les membres de la famille incluant les enfants peuvent ne pas vouloir être intégrés dans les soins ou être placés en dehors du foyer familial ce qui rend leur participation difficile. La plupart de ces barrières sont évoquées par les professionnels, les enseignants ou les dirigeants de Suisse Romande lorsqu’il s’agit de discuter la possibilité d’approches centrées sur les familles en santé mentale.

Les différents éléments abordés dans ce chapitre suggèrent qu’une intervention familiale coordonnée, élaborée à partir de la recherche peut avoir un effet bénéfique sur le développement de la mère atteinte d'une MMS et de son ou ses enfants. Il semble que les infirmières soient dans une position idéale dans le système de soins pour offrir ces interventions. Les infirmières s’intéressent à la santé dans la maladie (Gottlieb & Gottlieb, 2007) et conçoivent souvent la santé et la maladie sur deux continuums distincts. Pourtant jusqu’à maintenant, très peu d’interventions infirmières ont été développées pour ces situations. Dans le chapitre suivant, nous aborderons la recherche sur les interventions lors de MMS de la mère. Nous développerons quelques aspects théoriques autour de la recherche d’intervention. Puis, nous terminerons par la présentation des principaux aspects du modèle de McGill servant d’ancrage disciplinaire à partir duquel l’intervention sera construite.

Figure

Figure 2 : Les continuums santé/maladie dans le modèle McGill
Tableau 2: Résumé des parties de la recherche
Tableau 3 : Les échelles du bien-être psychologique adaptation de Lapierre & Desrochers (1997)
Figure 4: Optimisation de la santé des familles de mères atteintes de MMS: Intervention  Le modèle bioécologique du développement et les systèmes complexes

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