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Noël du Fail : les propos rustiques de maistre Leon Ladulfe : politique et société

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(1)

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" Noe! du FaU \

M.A.

Françaises L. Armantier

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NOEL DU FAIL.

LES PROPOS RUSTIQUES DE MAISTRE LE POLITIQUE ET SOClE • / : LOUIS ARMANTIER. ," LADULFI: •

Thèse présentée au Département de langue et littéra~ure françaises

de l'Université lv.{c GUl pour t'obtention de la Martrise.

" l ' , ' * _ Juillet 1977. \

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Lou; s Armant; er

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_..::.-. ,,~ " AVANT-PROPOS ....••.. . _ ... ~~-;: .•••....•.. " .... " •. ,," ...•....•...•. 1 f

---

1.

-

- ~ -~ - " . . . ----~,-_...-INTRODUCTION.

.

Nom dn Fait: la vie, l'oeuvre. les lof) nences.~ •.••••.••.•.•••. 3.

CHAPITRE I.

La symbolique des Propos: ... ~. . . . • . . . .. . . . 9 ..

- La .mythologie de la parole ....• ~,' ...•...••...••.. : ... 9.

- L'espace sacré et l'espace profane ..•...••••••.•.•• ~.... •• 15.

- La' temporalité rustique ... '" ... : 20.

- La dialectique des contraires .••••••••••••..••••.•• , •••...• 27.

CHAPITRE II.

'.

,,,

.

La politique de No~l du 'FaU: •••••••••••••• ;. • • • • • • • • • • • •• ••• 33.

- Le conservatisme J:l0cial. • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •• 33. - L& rôlè de la noblèsse. . . • . . . • . . • • . . . .. . . . • . • . . .. 41. - La morale relIgieuse ..•.• , ..••.. ~ •..• " ... ~\.... 47.

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la CHAPI~RE III. 1 1

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ÇONCIJUSION.

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' La société rurale:

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56 •

- La foi et les croyances ... f • • • • • • • • • • • ; , . . . .

, ,

1

56.

- La condition paysanne ... 1;. 63.

- ws moeurs rustiques ... 'l . . . , ••. , .... ,

72.

- Les fêtes et le vocabulaire de la place publique. • • • • • • • • • • •• 82.

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Résumé -/ ,<- J 0\ . . . 1 1

\ . Avec le renOllveau des ChrOniq~~S historiques, lrs moeurs rurales

et

Iturs~olntaine

•• urvlvan'ce. ont rêveillé de

tes

nostalgies

dà~s

l'effervescence

de notre mo~ernité Ainsi, par leur chant nos algique, les Propos rustigues, s

'ins-crivent-Hs

d~ns'

le courant' de ce goût paSSéiS!a en nous offrant une\:prOjection

com-"

.

parabve des problèmes de la

t~rre

d'hier et !aujourd '~Ui. pans ce,te optique) ~l

sque apo19gétique du bonneur agreste 1 la

convenait de 'retrouver ,

à

travers le pittor

\

/

.

/ 1

physionomie politique et sociale d'un mod de vie, le contenu de ses traditions

rell-.. l ,1

,

gieusès et leurs incidences sur l 'ordre ~ dérouLement quotidien. A cet effet l,cette

étude a été fondée sur line" approche

"delcr~Ptive

et analytigùe , 0

d~~

tbèmes

déveloPPé~

fi

par No~l du Fail. Ceci, en faisant une large part aux dernières données de la

docu-mentation historiographlque contemporaine

à

l'enseigne de laquelle se trouvent, no- .

1

tamme.nt, les travaux de E. Le Roy Ladurie. R. Mandrou et G. Duby.

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. Abstract -1 • ,-

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With the' revivai of historicai chronicles, narratives of r!1ra1 cus-toms and thelr early manifestations have incited wiatful nostalgia midst the hullabaloo

of ryodern tlmes. Nolfl du

Fau'~

Propos rustiques mayes in

th~

main stream of fhe 0

literature havihg a predilection for the pasto This la especlally sa inasmuch as his

>--l work ls pgrvaded by nostalgia eèhoes and provides a comparative projection of the

prO'ble~s,of

do mains paat and

p~iewed

from this angle, it appeared

rele-vant to trace - through the picturesque apologetics of rustic content ment - the so-o '

~ ~ l

cial and political portrait, of a wayof lffe, the essence of its religious traditions and the i.rftluence of the latter on the daY-1:o-day succession of events. With this ID mind,

• thé present study Is based on a descriptive and analyt(cal appro~ch ta the themes

de-veloped by No~H du Fait. Ta a large extent, recent findings in the contemporary

his-toriographic literature have served thia purpose. The works of E. Le Roy Ladurie.

R. Mandrou and G. Duby in particular.· have provided BubstantiaJ documentation.

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-~-- -~ --~-- -..., 1. -, - AVANT-PROPOS

Le succès actuel des chroniques historiques conllinue

à

se

mesurer au nombre et à la qualité des dernières oeuvres parues: le village occitan de

1

-Montaillou de.. Leroy Ladurie et le peuple des campagnes ressuscité dans Les

Hom-2 ,

mes de la libèrté de Claude Manceron , confirment manifestement ce goût pour la

re-.

.

découverte d'un univer~ révolu. Aussi, les Propos rustigllos s'i~crivent-ils.

à

biell,

,~ \', ~

des égarde, dans le courant de cette étonnante actualité au point de poù~oir éveiller

~:-;~-\.,

encore des échos singulièrement riches dans la conscience de nos contemporains.

Comme Leroy Ladurie ou Manceron, Nom du Fail , décrit en

effet tout un paysage mental où une &;énération après l 'autre n~i~sait et mourait au

sein du même horizon, préservée par des évidences traditionnelles; où les'

boulever-sements sociaux - si durs fussent-ils - se modelaient sur le rythme même de la

bio-logie et de la croissance. Ainsi, au long des banquets agrestes et des veillées com-munautaires, ressurgissent leS rites de la vie quotidienne-dans lesquels le lecteur

.

transpose. en quelque sorte, sa- nostalgie d'une certaine cohésion sociale, d'une com-

.

'

munaù.té de.travail ~t de sentiments, d'un enracinement dans une culture donl; il est,

, '

.

en définitive, le produit.

,l, ...

1- Leroy Lad~rie, E •. - Montaillou, village occitan (1294-1324), ~aris, Gallimard,

1975.

2A- Manceron, C ... Les Hommes de la liberté, "LeI? Vingt~~~~ du roi~I., (1774-1778),

r

Paris, Laff6nt, R., 1972 (1'. 1) .. ~ _ ~ ,'';; , . ~ , 't\

... /2.

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Mais au -delà d

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certain goût passéiste, cette recherche

est-911€l peut-être un plébiscite pour la 'ttie, un réquisitoire cQJltre la campagne défi-" gurée, les familles déracinées, le sauvage anonymat urbain, les besognes sans

fina-lité perceptible et 10 vide éxistentiel qui transparaît sous la densité de notre moderni-=

té. Ce sont là, en tout cas, les lignels de force de notre sensibilité. Et ceci d'autant

"

---Plus qU'il s'agit, au travers'de toutes ces oeuvres, réellement d'Histoire. Mais

d'u-ne Histoire à portée d'homme; d'ud'u-ne Histoire sortie des errances de l 'abst~action

statistique ou des sèches dormées conjecturales du structuralisme .

.

Bref, après l 'Histoire étouffée sous la désincarnation clas-sée et la prétendue objectiVité - qui n'esl souvent que fa90n de remplacer l'homme

par le chiffre, faute de savoir l'écouter - il siérait, tel que l'a senti le renouveau

1

des chroniques historiques, de faire un retour \ _ _

à

l'émotion, t

à

la subjectivité, et, par

là, de tenter une approche hybride même du texte pour retrouver, dans.les Propos,

~ ,

la physionomie politique èt sociale d 'un pass~ doQ,t le poids des résurgences continue

à

marquer

!t;c

civilisation. / ' \

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'3.

- INTRODUCTION

Nom du FaU: la vie! l'oeuvre a les influenc8§.

(

Il

Noln du Fail réalise le paradoxe d:un écrivain que do

nom-1

, breux historiens citent et dont pourtant ta plus grande partie.de l '?euvre est, pour ne

pas dire caduque, au ploins m1éconnue: son buste a~ée de la littérature, reste,

sans conteste, celui quo l'on époussette le moins souvent. De,par ce peu

d'àpprofon-dis~ement. l'oeuvre

.

de du FaU reste un champ ouvert

à

la recherche: corpus , des

té-, moignages qui le concernent, réexamen de Ses Jugements, de ses parti-Pris sociaux

et moraux. C'est

à

leur convergence qu'apparait l'intérêt de du Fail. Car, il n"a

rien du penseur. On lui doit seulement d'avoir réagi aux re!:llOUS de là vie, aux évé--nements du temps.

• Aussi, il serait hasardé de prendre son oeuvre comme une

, réalité intemporelle et de ~ 'isoler du climat social, des circonstances qui l'ont vu

nartre, des ·influences qui se sont exercées sur elle: si les portraits, les tableaux de

.J

.-moeurs, les récits de NoMI du FaU ne sont pas oeuvres de circonstance, il reste

qu'ils sont traversés, nourris de circonstances. Par là, mesurer les écrits d'un

hommjl, c'est aussi pénÉtrer dans sa vie.

n

est donc légitime de s'interroger sur ce

Il

que fut celle de du FaU.

.

.

1:' Leroy Ladurie, E. - Duby f G. - Manq,rou, R" - Histoire

de

la France rurale~

"L'âge claSSique des paysana" (1340-1789), Paris, Seuil, 1975

cr.

fi).

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. Celui-ci vit le jour en

1~20,

n

';'part.",.'it

à

uno

fa~~

noblesse terrienne." Ses 'Convictions politique~ ~t sociales lelf ga~deront d 'a~lleurs (\::

-l'empreinte, quoique les seigneurs de Cl)âteau-Letard, lé manoir familial, né fussent

u

~

p'as d!une grande ascendance nobiliaire. Il passera une partie de sa jeunesse en la

" . ' , " 1

paroisse de Ploumeleut:, a~ domaine de la Herissaie que sa famille avait par la suit

acqui~e.

Mais, cornille il était d'usage alors, du Fai! n'a rien révélé de son'eJÛa ce,

de son entourage breton, même s'il en

a

p«i.'int les caractères. Et les investi

en seront d'autant plu.s vaines que les archives municipafes de Rennes'furent incen-<

2 . .

diées en 1720 •

,L'on sait toutefois qu'il fit des études

à

Paris où il mena

-•

3

comme le montrent en bien des points ses "sçavants gueux" - joyeuse vie,

à

grands

, '

renforts de facéties, de chahuts, de farces et autres hauts faits dignes de tout bon

\ Q 1.1 ~

"escholier" du temps •. Tout cela non sans avoir, én passant, tiré profit <les leçons

"

r •

quelques maîtres parmi lesquels on relève le nom du savant philologue Turnèbe,

J ' . .

collège Sainte-Barbe. Puis, grevé de dettes, il se met aux orèlres du m;:t.réchal1de

i l

..

1..:' qùi fait aujourd'hui partie du canton pe Montfort-sur-Méa, dans le département

- dfIlle-et-Yilaine. Baudrillard, H.' - Un magistrat breton, gentilhomme ~,

NoHI du Fail. Revue des Deux-Mondes, 1889" p. 115. 2- Ibid., p. 115.

3- Nom du FaU - Propos rustiques de Maistre Leon Ladulfi in "Conteurs français du XVIe siècle". Edit,. de la'oPléiade, Paris, Gallimard., 1956, p. 634. Nos

cita-tions renvo~nt

à

cette édition (abréviation: Propos). p

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,Brissac, parti,cipe aux' camp!lgnes d'Itali~ ef connalt le feu à Cérisoles .'

De retour en France J il étudie le droit successivement à An ...

• f

,"

gars et

1

Poitiers. Après avoir fait paraitre en 1547 ses Propos rustigues et en' Y·MS

ses Baliverneries d 'Èutrapel J il part'à nouveau pour

l

'ltalie~

TI

en revient aux

envi-.

'1

-l'ons de 1553, Il épouse alors Jeanne Perrault, fille d'una Jeanne Gougeon qu~ le

met-. 2 /

tra ainsi "en re1ation d'alliance avec la famiUe protestante des Gougeoll d'Artois" ,"

..

.

~

Matrimonialement établi, il achète une charge au présicJjal de Rennes où'sa carrière

. '

/ ~

de magiLtrat..se déroula de' 1553

à

1511,

d~te

à laquelle il est nommé conseiller au "

Parlement d~ Bretagne. Il s'en

f11it

récuser comme huguenot de 1573

à

1576,

Dispo-nibilité provisoiro qu'il met

à

profit pour publier, de 1576

à

1579, de savanLes études

juridiques dOf!.t le Recueil des Arrêts pris par le Parlement de Bretagne, Ses Contes

et Discours d'Eutrapel paraissent. en 1585. La même année il prête serment officiel

3 ' 4

de catholicisme ': réintégré ~I1_s sa charge, il la résigne pau de temps après.

Co~seiller honor~re en 1587, du F~il ne s'engage pas pour

.

autant dans une retr'aite feutrée: il l'aurait voulu que l 'effervesce~ce religieuse d~

l'époque ne l'eût pas permis. Aussi, au cours d'une ténébreuse histoire d'enlève-,

1-' (piémont). En 1544, le~ Français y défirent les Impériaux ~t les Espagnols.

2- Philipot, E". - La vie et l'oeuvre littétairo de Nom du FaU. gentil homme breton 1

Paris,"Champion, 1914, p. 482.

3...

Ibid, ,

P.

498. J 1} o

... /6.

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1 2

ment ~ur sa personne, se trouva-t-il mêlé

à

l'affaire dos placards protestants de

1.590. Mais son attach~ment royaliste de ses dernières années devait l'exonérer de

3

ces libolles. C'est donc bercé par ces convictions, semble-t-il, qu'il s'éteignit à

Ronnes le 7 ,juil~et "159}-. _

::

Entre Lemps, les éditions des Propos r,us~iques parues,

corn me devait l'être l'ensomble de l'oeuvre de du Fail t sous l'anagramme de Léon

Ladulfi, s'étaient ainsi succédées: 1548, 1549, 1554, 1571, 1576 et

n80.

Ces

édi-"

6.

tions furent reprises, -quoique de façon moins ~uivie, après la mort de l'auteur.

Tou-tefais, leurs -réimpressions sont d'i~égates valeurs: celles de 1548 et 1549 étant l'une

et l ',autre altérées pal' de n?mbreuses interpolations. En fin. la Boule édition qui.

peu s'en faut, trouve grâce aux yeux des critiques

4

est celte

d~

1

Conjonction fortuite de différents courants

l~téraireS?

Tou-~-"

1- Philipot, E. - Op. cit., P. 496.

2- Le pendant renn~is des libelles qui parurent

â

Paris en 1594. Ibid., p. 497.

-'

3- Ibid. , p. 499.

4- Parmi lesquels on !etrouve le nom de M, de La Borderie. Baudrillard, E. - Op,

cit. , p. 115.

5- De teu:r côté, les Baliverneries connurent quatre éditions, et les Contes, cinq, de

1585

à:

\59l. ~ Comme t'a remarqué Jourda, P. "pour le temps, c'est beaucoup!",

in "Conteurs françaiS dù XVIe siècle" -

OP.

cit. t P. XID.

- :-... ~." "

.

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1

-jours est-il que cette date devait correspundre

à

l'essor de la nouvelle au XVIe

siè-cIe. Les Propos auront ainsi. en quelque sorte. marqué le plein développemont d'un

genre littéraire dont les origines sont lointaines et comPlexes. La nouvelle se

ratta-che en effet aussi bien au "lai" de la tradition sentimentale bretonne, au fabliau du

conte réaliste qu'aux récits do Rabelais, Marguerite de Navarre ou Boccace,

A tous ces égards, tes ProRos rustignçs nlinauguraient rien

quI no fût déjà dans la longue tradition du genre, hormis une perspicacité renouvel ée

2 •

-dans l 'obseryation directe de la vie. Du Fail se détache ainsi nettement de la

pasLo-raIe et de l'églogue qui faisaient alors les belles heures de la Pléiad~: il rejette les

ingrédients idylliques au profit d'un réalisme plus critique, ot sa facondo

rabelaisien-ne contraste avec les mièvreries d/Lses contemporains. Non, les mouLons enruban-

_4 ... ,

nés et "gentiz" des bergeries ~u temps n'occupent point le paysage de sa campagne

rennaise.

Qu'y vOlt-on alors? Le simple déroulement du quotidien ru-raI, de ses joies et de ses regret'S, Le tout évidemment sous le couvert d'un certain didactisme champêtre, .. Car la culture de cet humaniste est vaste, qui a de

presti-1- Ibid. • p. XXII.

2,- Lefèvre, L.R. in Propos rustiques de N, d. F., Coll. "Selecta", Paris, Garnier

frères, 1928, XV, '

.•• /8 •

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1

gieuses références. D'ailleurs ces Caton, Virgile, Sénèque ,ne les cito-t -il pas

lui-même'? En réalité, c'est sous le signe do lours influences que se placent les

2

Propos. De co fait, on y trouve aussi bien les Géorgigues de Virgile quo le

panta-3

gruélisme de Rabelais , t'écho des anciens so conjuguant

â

ceux du jour.

Rêves de royauté pacifique des classiques t mait'aussi

ex-• périences journalières de l'éternello peine des ruraux de son temps: c'est un peu de 8.

tout cela que nous entretient No~n du Fait. Pour qui veut retrouver le fonds de l 'hu - .

meur populaire d'alors, son climat social et sa défiante ironie, c'est beaucoup. Les

4

Propos méritent assurément que l'on s 'y attarde .

1- Pro~os, p. 604.

2- Ibid. l p. 604. Réf.

à

Pline l'Ancien, pp. 604~ 16-617.

.

3- Ibid., pp. 618~59. Autres emprunts

à

Rabelais, pp.

6.20-623-627-631-639-642-644-654-658. Réf. à Erasmo, p. 616.

1

4- D'autant plus que les témoignages d'époque sur le monde paysan sont rares.

Quant à la littérature, elle "est également pauvre en tableàux de la vie rurale,

à

l'exception de Nom du Fail ••• " Leroy Ladurie 1 E. - Op, cit. 1 p. 608.

... /9 .

••

F

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(15)

1 ----,---~-Q :

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9. CHAPITRE 1.

LA SYMBOLIQUE DES PROPOS

, "

- La mythologio de la parole

-)

Il importe donc de replacer los Propos dans la perspective historique d'une période de transition entre le ·inonde médiéval et les nouveaux cou-.

, 1

1

rants de gestation de la culture occidentale. Car ?n ne saurait oublier que ces écrits

comptent précisément. par le témoignage qu'Us portent Sur une société rurale à

la-quelle furent liées, ,dans leurs grands traits, les principales attitudes mentales des

.,

années 1540. Ici en effet, dans le refuge des archalsmes, on est encore loin de la

,ré-(

volution copernicienne et de la révélation des nouveaux mondes do la philologie et de

-la géographie. La nouvelle astronomie n 'y a pas encore dét.ruit le décor rassurant au

\

cosmos géocentrique venu des syst~mes de la pensée hellénique: si on s'endort dans

\ ,

/

la crainte de Dieu et ~s,croyances ir'rationnelles, cJest néanmoins dans la sécurité

- ," \

protectrice des sphères sidérales immobilisées par d'anciens horizons de pensée.

. M i

L'existence et son enseignement s'acc0ox>de~ de légendes dorées et de surnaturels

\~

<

malfaIsants dont les messages se retrollvent

à~'.,,vers

les contes, les proverbes, les

fables et les chansons dans lesquels le verbe a

unè~onction

de reconnaissance et

d'in-t@gration sociale. Cette mythologie de la parole et sa corrélation étroite avec la vie

est.~i1tsi nettement attestée par le titre même que constituent les Propos rustiques .

.. ./10.

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10. t~

Et de fait, ceux-ci restituent les modaJités d'expression a'un

putrimoin0J culturel encore figé dans les structures d'une civilisation de l 'orallté

oa

la

parole proférée reste de grand prestig(;l et signe de. sagesse. C'est ,a\ïnsi que le soir.

"lors qnolcun des plus.vieux (à la requeste de ses collvaux) commençoit à harenguor

.

,

les jeunes gens, on avoit telle audience que ha ceiuy qui estant venu de quelque.pal's, 1

veult compter quelquE;. nouveaut,é

. \

Dès lors, venus du fond des

âge~,

ou, 'plus précisément

com-. 2

me le dit 10 récit, "du lemps que les beste~ p~Ftoyent" , les sortilèges dù vieux

pa-,

.

ganisme rural confèrent à la parole Le pouvoir d'animer le visage des idées morales,

rel igieuses ou esth6tiques dans leurs personnifi cations mythiques.

.

Par la voix du

'

,

conteur, c'est la pllis?~nte action des conduites sociales ct de leurs interdils sur les

joies, les passions et les tristesses d'un monde dont il nous est permis d'accusor'les

motivations profondes dans la profusion même de ces "comptes"" complaisamment

prêt~s ici à Robin Chevet qui, "après avoir imposé silence, commençoît •.. : comme

le Renard desroboit le poisson aux poissonnières; comme il feit battre le Loup aux

, 3

Lavandièrés, lors quillapprenoit à pescher .••• " Ici, c'es(moins l'énumération de

certains thèmes fondamentaux du folklore rural que l'actualisation. par la tradition

0-1- Propos. p. 613. 2-'Ibid. , p. 613.

0'"

3-

Ibid.,

p, 620 •

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4 • "

raIe, de certaIns aspects de la vie tragi~ue du_paysan pour lequel le Renard, symbole

da la ruse, a servi d'élément de conjuration mythique. A cet effet, le

bestiairo·villa-geois est incomparable dans sa prodigalité imaginative où on relève "comma le C~ien

.

et le Chat alloyent bien loing; de la Corneille. qui en chantant perdit son.fromage; dè'~

1

Mélusine ." ,

Partie intégrante du fonds légendaire de l'ouest bocager, le

2 • 1

personnage de Mélusine est aussi des pLus r~ches d'évocations quant à ses thèmes

d'analogies reproducLrices. De fait, lc.mytho de la femme-serpenL, auquel Mélusine

\

est reliée par ses variations polymorphes, a de lointains prolongements dans les

croyances de la. création originelle. 'Outra ses riches idéaux de fécon~ité

matrimoni-ale, le mythe" de Mélusine a servi aussi à canaliser de nombreuses frustrations

pay-sannes aux aspects politiquement révolutionnaires. C'e'st ainsi'que dalls certaines

ré-gions. elle fut "lapidée dans son puits pal' les paysans pour avoir été méchante

sei-3

gneuresse .11 Ainsi, cas traditions narratives sont loin d'êtr~ de pures

manifesta.-tlOn8 folkloriques, qui gagnèrent la notoriété littéraire d'un Perrault: Récupérée par

1

la mentalil.é rurale, la mythologie du conte est devenue un instrument d'appropriation

1- Propos, p. 620.

-2- Aleule et protectrice de la maison de Lusignan, cette fée de la l'égenda médiévale

_ a été 1 en quelque sorte t vulgarisée dans l 'histoire littéraire par un romancier

du,

xrVe siècle, Jean d'Arras. Leroy Ladurie, E. - Le terrJtolre de l'historie!}, Pa-"

ris, Gallimard, 1973, p. 281. 3- Ibid., P. 161.

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(18)

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1"2 •

de portée pratique cont:çe les rigueurs de. la condition paysanne.

La parole s'inscrit donc dans une expression sociale où

~

l'homme, soumis allX dures contraintes de sa condition, doit être amené à la

dépas-ser pour retrouver l'harmonie qui est le principe suggéré par tous ces messages

my-thiques dal].s

les~

les proverbes

~t

les vieux dictons t constituent,

à

leur manière.

'" Cl

par leU1j"truculence ou lour franchi~e subversive, ,~es textes introducteurs

à

la

con-,

naissance ou aux principes d'un comportement social: "comme ne pisser contre le

vent; ne dire chm,Ia nuict; ne rongner ses ongles au Dimenche, c~ le Diable en

al-longe les sienn~si nfl· filler au Sabmedy; ne estudier aux festes, maïs loysible joùer

au.'C quilles ou

à

Cornichon va devant ( ... ) qui veut aigner le pré Raoul de ~enes ou

)1

~ 1

10 pourceall de Bleron, ne fauIt 'se repe~tir dedens la d~~t.é mari~ .• ".

.

~--,

Ainsi donc, lofn de s'enfermer. dans un système clos, la

pa-role véhicule un enseignement et llne éthique. SOllS l'apparente incohérence

rappor-"

tée. elle manipule ll1?-e logique ne s'adre,ssant, en définitive, qu'à un, public déterminé,

sensible au langage allusif de l'instant, qui, dans'la parole proférce, n 'en

ia~sse

aucu-,

ne trace. A cela s'ajoutent 'toutes les attitQ.des récitatives et oratoires où l'on

ne

peut

2

"dire" qu'après avoir "aécoustr~ son châppeau~' ; attitudes, par là', inhérentes même

.

aux joutes verbales, aux jeux collectifs ou aux assemblées communautaires, mais

1- Propos, pp. 65S.:.sS7. 2- Ibid. , p. 610.

!

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(19)

1

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dont on ne peut saisir qUE!' le contexte gél}éral et les principaux reliefs: "le tout. sans

hazard, commcr.çoyent

à

jazer ( .•. ) Messire Jean, lC,feu Curé de nostre Paroisse

( ••. ) haulsant los orrees de sa robbe, tenant un peu sa gravité, intorpretant, ~ou

l'E-vangUe du jour, ou iceluy donnant quelque bOMe doctrine, ou bien conférant avec la 1

plus ancienne matrosne. •• "

Sur le plan sociologique, celui qui profè~ un conte ou un

texte établit des relations, perceptibles entre indivIdus. Cette appréhension concrète.

d'un mem'bre de la communauté par un autre est le gage d'w1e authenticité des

rap-ports quo ne peuvent apporter les transmi~sio,t1s indirectes .... du document écrit. De

là,

tontes ces "veilles ou filleries" qLti entreUennèni et agrandissent le cercle des

rela-tions nécessaires

à

la cohésion de toute culture orale. La moindre des occasions est

alors prisée, puisque la sociabilité y est maintenue par quelques "grands gaudisseurs"

.

du moment. Et cela, "aux raiz de la Lune" pour autant qu'il est loisible de "jazer li - .

brement ensemble sur\quelque bagatelle ( .•. ), compians des nidz d'antan

et

neiges de

2 '

lannee passee. .. "

:~)

C'est ainsi que, malgré la révolution da l

'i~rimerie,

14

li-vre est resté ici prisonnier 'de la prééminence de la parole, puisqn'il

s\grrag-6:~ta~

lement de Iecturés publiques de type éducatif, souvent associées

à

d'autres ad;ivités

1- Propos, p. 611. 2- Ibid., p. 609. 1 1

1

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1 1 ~: .114. 1 ...

(20)

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14.

orales~ On pouvait alors voir un ancien qui ''tenoit les colle en ceste paroisse ( .•. )

r

nous apporter de ses vieux livres et nous en lire tant que bon nous semble, comme un

.~ \ , 1

Kalendrier des Bergers, les fabl'e.s de E sope, le Romarit de la Rose. .. ". Ce faible 2 témoignago nous donne quand même. la tonalité de cet univers mental dont l'almanach

r

c,onstitue l'une des principales ouvertures sur le monde

cxtérieur~

.enc;re quo ce fut

sur le mode d'une appréhension pratique

à

base de prédictions saisonnières. de recet- .

..

3

tes médicales empiriques et de conse~ls pour les semailles . 1

~ ,

A tQ.p.s ces égards, il ressort que l 'homme décrit par du Fail

est re,sté essentiellement un auditif. Aussi, l'église paroissiale est-elle encore le

/ .

principal foyer de vie intérieure, où}e village entier peut se ravir

à

l'écoute des

mé-lodies rituelles, ou, au contraire, s'ébaudir

à

la formulation d~s textes sacrés. Car

/

pour "le bonhomme de curé C .•• ) sil estoit question de Latin (neantmoins quil y fust un

4

peu rouillé) il se y entendoit tout oultre et autant que petit compaignon du quartier .•. ,.

,

A cet effet, eri"

~ertu

dn

presti~agiqUe

'arférent

à

la fonction sacerdotale, le prêtre

~ 5- 0

décuple alors.

à

"rustre ment faire un prosne" ou un sermon, la portée de sa parole.

1- Propos, p. 608.

~ . . . . .~ 10:}

2 .... Ici, celui des Berger.s, l'ancêtre de ce genre de publications, a paru dès

1493'-Propos (notes), p. 1381;

3- Leroy Ladarie:' E.

-~.

cit., P. 542. #

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l

4- Propos, p. 612.

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" , On ne saurait trop oubl:er

à

cet égard

to~s

ces Frères Prêcheurs QI:1 CordeÎiers dont

la célébrité emplissait déjà les cathédr-ales du XVe siècle de foules assidues. En fait,

JI.

faute de pouvoir saisir dans la prière la réelle relation spirituelle de l'homme avec

Dieu, le chrétien de l'époque s'assouvissait plus fa?i1eme'nt dans les manifestations à

- L 1espace sacré et 1 'espace pro~anè - ~

.

Milieu de cohésion intérieure du village, l'église représen-,

tait aussi une certaine conception médiévaIe du monde dans lequel la demour,c de Dieu devait en constituer le centre. C'est là une copie de la ,création exemplaire de l

'tmi-vers divin: la cosmogonie. De là, tous ces villages concentriques ayant un clocher

2

comme point axial et lieu de convergence de la communauté spirituelle. Cette repro-,

1- Propos, P. 608.

2- Oette conception cosmologique est quasi universelle: dans l'ôrdre:confucéen, ta

capitale du Souverain chinois se trouve au Centre du Monde: le jour du solstice d'été, à midi, le gnQmon n'y doit pas porter d1ombre. Ainsi. la projection du Ciel

définit à la surface du monde un cercle privilégié, le pa.ys de l'organisation

confu-'c'éenne: Chine, Vietnam, Co~ée •. L'exPression t'sous le ciel" (en chinois: "l'ien-'

xia", vietnamien: 'Tien-hait) désigne la Chine comme le centiè 'de-cettè"

zone-

,_

d'harmonie. Granet, M. - Etudes SOCiOI~qUeS Sllr la Chine, Paris, P, U. F. ,

'1953. En Iran également, l'lrAir yanam aejahl l est le Centre et le ooeur du mon"

de~ ,

.

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duction d'un a chétype

~éleste

est, en qtlelquo sorto, un prolongément sy'mbolique de

L'espace profane où se déroule l'existence bénéficie ainsi de la

valo-risation re igieuse du Monde: les aggLomérations humaines composantes de c~ espace

en seront transcendées. La bénédiction des demeures, des champs et des ViglllOS

con-sacrent ainsi une irruption du sacré dans l'env"i'l'onnement profane.

Parti'cipa,nt

à

l'expérience religieuse de cet espace, 1 'homme

finit alors par valoriser se~ habitats au point d'en privilégier qualitativement certains:

le hameau natal, le paysage de son enfance et mille autres lieux de sa mémoire affec-tive. Bref, ce sont là les aspects patents de cette nostalgie qui transpar:,ait au long

'!

des PrQPos: par la voix de. Maître Huguet renaissent les regrets ihsistants de leur'

vit:-lage ~ymbolisé par le banquet rustiql1e. A cette époque, évidemment heureùse, ch::t- \

l " ... "

1 - , " . .

cun arrivait tout bonnement pour se "re'o.r~eer" autour du curé "tenant un peu sa

gravi---- ~ ~-..r..;"/\>... \""

J;; ,

té, interpretant, ou l'Evangile du jour, ou sur iceluy donnant quelque bonne doctrine, ou bien conferant avec la plus ancièime matrosne, pre,/'! luy assise, ayant son

chappe-l

ron rebassé; et voulentiers parloyent de qltelques herbes pour la fievre. •. "

,

.

On voit donc par quelle mesure cette poorception de l'espace

traduit les conceptions existentielles des contemporains de

.

No~l·du FaU. , La révéla-,

, .

.

- ,;:.

tion intime du lieu -Sacré permet, en retour, de sanctifier et, par

là,

d'opê,\:er

l'adop-~ l'adop-~ l'adop-~ ..

"

tion,de ce qui

s'y

rattache: c'est la naissance de la solidarité communautaire •.

Celle--

"

1- Propos, p. 6}1., .•. /17 •• ,

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(23)

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ci s'affirme notfimment à l'occasion de dissensioIl's villageoises qui mettent aux 'prises

.

f

\

les habitants de Flameaux et de Vindelles, leurs "prochains voysins", à propos d'une

"archerie" qu 'ils !l~.avaient

pu

construire. Aussi, "meuz dune en.vie", ces derniers se

"

mirent

à

provoquer les.paysans de Flameaux en dépréciant leu)'s terres et leurs

trou-.\-, ~

-

.

. peaux à grands renforts

d~injures:

"si

no'us avions autant descuts èomme vous pensez

o

~.,

. \ , :

~1

"

bien valoir de crQttes·de

d~res,

nous serion.s riches !" Quoiqu'U en soiL,

1tans-l'affronte ment .qui s :ensuivit, il Se développa de part et d'autres une grande solidarité:

!tles femmes donc, bien eschau.ffee8"'et,,t~utes affaires cessees, se trouverent là et

(comme Dieu voulut) celles de"Ftame<1ux rencontrerent celles de Vindelles en f:ront.

~

--..:--

"-,

..

~ ... '

Les Vindelloyse~ voyans ainsi mal mener et accoustrer leurs pD~res~_~schants

ma-'"

rys, voulurent en faire vengeance sur les femmes de ceux de Flameauxj et de faict 2

commenoerent

à

beaux coups de pierres

"

..

'

Ces querelles villageoises illustrent, a n'en pas douter, le

profond sentiment d'appartenance com~unautaire.qui gît dans le subconscient des

-

ho~mes:

le village reste le centre de la

ment~lité

paysanne. Et

c~t es~rit

de

soUda-,

, rité se retrouve dans les ~"ccasions, jus(ement, où hommes et femmes ont pu

s'épau'--

"

1er pour renc,ontrer leurs assaillants "en front"·

où,

aù sein de chaudes a.ssemblées, 0

, ~ 1 . ' • t:.

c

des jeunes peuvent s'exalttn"

à

des jeux de force

et

d'adresse dans lesquels les vieux

>.,

~

Propos, pp. 636";37. 2- Ibid., P', 641. . , ,

.

-"!'C'-' ••. /18. -a-~---:-·---_·~----"-~

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1

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1

l

,-ont.Le plaisir de se retrouver:

"Estoy~ni

les jeunes

fals~ns oxer~lce

d'Arc,

~e ~f.t.'s,

l'

de Barres et autres jéux, spectacles aux'Jvieux • -estans soubz un large 9hesne cou~ ~

\

les jambes croisees et leurs chalJeaUfC 'un

pe~

abaisses sur ,la veUe, Jugeans d,s

t (

d ,\ "

l '

c

hissant la memoire e leurs jeunes ans, pl'enans un singulier plaisir a,

. ' 1 '

\, i

veoir follastrer ceste inconstante jeunesse . " \ !

.;

\ l

Valorisé p_ar le l:ituel des jeux, l'appartenance au même es-pl\.ce trouve aussi sa justification sociale.dans le symbolisme solennel des cloches:

" C ( j "

l'Angelus rythme tes diffé'rentes étapes de la .vie communautaire 1 et le tO,csin

rassem-. t:>,

bIe le village contre le péril commun. Et il n'est pas indifférent de rappeler' que les

-: . 2 .

clcëhes de Bretagne et de Vendéè sonnèrent lorsque la Téyolte des Pitauts éctata" .

\\ ~... ~'

précisément, l'année suivant la parU{:ion des Propos (1548). 'Cette cohésion ne

pou-VeUt donc trouver sa juste eontre-partie que dans la dévalorisatidn de ce qui est

"au-,

tre". Et l'expression "esprit de clocher" l'exprime 'très bien, qui en trouve

l'illus-\ l ,

\

( , : , , \

! '\

, v

.

,

tration dans la personne du curé des "banquets rustiques". Gelui-:ci se vantait en

ef-fet qu'en besognes "(Dieu mercy) il ne

craignoit~omme

des

de~

prochaines parois-

\

, 3 .

ses" (et ce disoit sans blasmer personn~) ." Mais que l'apparente modestie de cette

,dernière affirma~jon ne nous trompe. Car, c'est dans cet esprit Qe rejet que le

com-1- Propos, p. 607.

2- Neveux,~. in Histoire de ta Franœ rurale 1 op. oit ••

/p.

164.

! ••• /19 •

.

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1"

(25)

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1

1

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1~.

père Anse[!ne et Maitrè Huguet se refURent à l'intrusion du monde extérieur. Avec a·· mertume, ils regr(>ttelat que l'on fâsse désormais cas des "affaires estrangores"

plu-1

tôt que de saVOir "combien avoit valu le Î3[ed

à

Loheac, fleaux au LIege. "

"

-La cohésion des uns passant pal' l'exclusIOn des autres 1 la ville est donc perçue avec la même hostilité. Transposant ainsi les règles soeiales et la moralè- vlllageOlse dans l'idée qLl'il se fait de la ville, le rural en vient

naturel-~

lement

à

la dénoncer. Celle-ci est corruptriçe .des moeurs. Ne voit-on pas ce que tous ces banquets et festins de jadl~ ont perdu "en variété et magnifique apparat de

2 ,)

mangcries ... ?" Alors que maintenant ... il n'est question que de "Poyvre, &\f1'al1,

~

Gingembre, Canclle, Myrabolans à la Corinthiace, Muscade, Giroffle, et autres SE'm-blablas resveries .. transferees des Vi'tles en nos Vlllages." Ne sent-on pas non plus cette déchéance physique et sociale s'ajouter à la dépravation de ces goûts importf!s?' "quelles choses tant s'en fault quilz nourrissent le corps de lhomme quilz le corrom-pent et du tout mettent au neant; sans lesquelles toutesfois un ba~quet de ce sieele est

.... ~-' . 3

sans goust et mal ordonné, au jugement trop lourd de lignare et sot peuple. "

,:Bien plus encore 1 les gens de la ville n'ont aueun sens de

, 1 ,.,~

l 'hospitallté et des bons usage~. En effet, "où est le temp>s ( ..• ) qui! estoit mal .aysé

1- Propos, p. 609. 2- Ibid., p. 611. 3- Ibid. 1 p. 61l. ,~

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(26)

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voir passer unoosi.mple fE'sLe 1 que qllelcun du Village ne eust inviL6 tout le reslo à

dis-1

ner ?" Mais aujourd 'hui 1 com ment recevoir ses compêres "quand quasi on ne permeL

ou Poulles, ou

Oyson~~nir

à perfection, quon

1~.La~

porte vendre pour

la~·gen~

bail-,

.

'

1

1er ou à monsieur LadvocaL, ou Medecin ( ... )

à

\tlB~ur

traieter mal son voisin. pour

( 2 >

10 des}writer. le faire mettre en prison

à

l

'a~tre_pour'k

guerir dune wevre ... ". En

réaltté, c'est.. ici le pfiénomone de la double "distanciation": en plus dlêtre des

cita-dms, avocats ct médecins ont contre eux l'écart social que

proc~1.re

lel,pi situation.

!

il

Ainsi s'explique le choeur accordé de tOllS ces lialL"::: communs et stéréotypes flur le

manque d'rntégrité des pro!essions libérales. D'ailleurs. pour Maître HugueL, l

'inca-pacité des citadms est chose démontrée: les vieux remèdes de la guérisseuse Tiphaine

3

la Bloye sont de meilleurs effets et "sans tant de barbollilleries ." Et puis, ,ne

gllé-1

4

J'Il-on pas à moins de frais ave,c "Wle patenostre" '? Tels sonL, dans cette opLlque,

les ant.agonismes sociaux engendrés par le sym bolisme cosmologiquo de l'expérience

spatiale.

La temporalité rustique

-En défmilive 1 c'est peut-être dans ce refus d'entrevoir de

1- Propos, p. 610. 2- Ibid. , p. 610. 3 .... Ibid., p. 610. 4- Ibid., p. 610. '··f---' •.• /21.

..

(27)

~

1

(

(

ru

21.

nouveaux horizons qu'est né ce "caractè"re de groupe" si particulier de la pm sonna lité

rurale. Mais 'la rouLine de l'ordre éternel des saisons a aussi mbdelé ses habit.L1des

menlales. Ainsi, à suivre les battemenLs de la vic- et les rythmes cycliqu{'s lec:; plus

élément.aires, le paysan en est venu &. faire du temps une des principales données de

sa vie. Encore porméable aux influences cosmiques, il continuo à entret.enir avec

l'ordre naturel des relations 'instinctives qui trouvent dans l'onvironnement des

élé-menis de différenciations temporelles él.roitcment liés à la réceptivité sep.sitivE'. oll

.

,

est ainsi possJble do juger "de la serenité des jours subsoquells par les bru<l.nes du

1

soir". D'ailleurs, ces aspects de nos -régulations pbysiologiques ont déjà trouvé

leurs justes expressions dans (.ous ces vieux dictons. nés de ['expénence spcul-rdre,

qui "vous monstrent daucun signes futurs, avec autres pronoRtiques que ~,TC7. ùe naturo

et par comml~e coust.ume aprins. comme:

1- Propos, p. 631.

2- :Ibid. 1 p. '617 •.

Le Heron t.riste; sur le bord de teRuo et ne se mouvant.

signifie Lhyver prochain ( .•. ).

La Chouette chantant durant l~ pluye

signifie lo temps beau ct clair ( •.• ).

Les Oyes et Cannes se plongeans continuellement en [eaue

. - 2 )

sentent la pll,lye prochaine. •• "

i

!

\

• •• /22.

(28)

1

c

/

\

(

22.

Aussi, ces adages venus dQ, l'observation ont-ils donné nais-1

sance aux almanachs (composts) des campagnes, dans, lesquels Se dégageaient les

,

enseignements d'une climatologie pratique. Toutefois, il fallait accorder les rythmes

du monde physique à ceux de la vie sociale. De là, cetto chronologie concrète où les

durées sont Jalonnéos par les événements même de la vie du paysan. 11 devra ainsi,

2

par exemple, "afferlnor son gaing dun jour de Pasques" , ou, avant de s'endormir,

3

distribuer "les affaire!> du jOLtr subsequent". Plus encoro, les actes du quotidien

conslituoront, par leur morcelleme~t, des unités de mesure du temps: on parlera de

- . 4·'.~ .

"la longueur

ac

plus de deux miserere" 1 ou bien, d'une course accomplie

la

jour-5

née d'un cheval". Ici, le rythme physiologique de l 'l!omme est encore

à

la remorque

\

de celui des animaux qui lui imprime, en quelque sorte, l'ordonnance de ses jours.

I~ vous sera ainsi recommandé de Qe commencer voLre journée qu'après "avoir ouy

< . 6

vosLre Horologe 1 qui est vQstre Coq, plus seure que celles des villes. "

Cette perception cl 'un étroit syn chronisme entre l 'homme el

1- ProRo s, p. 631.

2- UHd., p. 634:

3- Ibid" p. 619.

4- Mandrou, R,

in

Histoire dè la .civilisation française, Paris, Colin, A. , 1958,

p. 295 (l': 1). 5- Propos, p. 608, 6 - Ibid., p. 617. • .. /23. , , _ J J ' , '

(29)

1

23.

tout son environnement o;,.-plique4

et justifie ce qui est le plus souvellt considéré comp1e simple superstition, la croyance selon laquelle certains jours, certains mois ou

ce1'-taines saisohs sont propices ou néfastes à l'accomplissement de quelqueStravanx.

'Loin d'être abstraite et pa.ssive, cetto conception du temps se révèle dOllC pratique et

active. C'esl ainsi que la nécessité de la vie sociale aidant, les fêtes, à grande

ma-jorité pér IOdiques, OH.t servi à baliser l'ann,ée de leurs cérémonial s. Ces réJou

issan-ces sont, d'Ime certaine manière, la concrétisation de l'événement qui "passe , la

sai-\ '

sie quantifiable d'un moment de l'existence puisque leS fêtes se prêtent aussi, par

leur succession, à une comptabilité même éLémentaire. Et les paysans le savent, qui

oni comme cette façon "de regarder par leurs doigts quand seroit la fesLe de NoÈll OU

1

• Q

Ascension, car tresbien sçavoyelll leur compostl\, (el1tendons, par là, le calendrier).

Ainsi, "dans toutes les formes de culture humaine et à toute époque,

d'une manièro ou d'une autre un efforl pour objectiver 10 temps chroniq C'est une

condition héMs'SaiTo de la vie des sociétés, et de la vie des individus en so Ce

2

~ temps socialisé est celui du calendrier

"

Mais cette insertion concrète de la durée temporelle, au

moyen de rites, n'ost pas indissociable de la valeur existentielle de

i

'homme dont elle

constitùe la plus profonde dimensibn, puisque

t'e

temps Gsl au commencement et

à

la

--1- Propos, pp. 630-631.

2- Benve11iste, E. in Problèmes du langage, Paris, Gallimard, 1966, p. 6.

(30)

1

1

o

24,

fin des choses. D'où ce besoin impérie.ll){ d'arrêter la coulée du temps par la réacl;u-alisation ùu passé. C'est to temps des évocations ou temps historique, qui est uns

"

sorte d'éteraoL retour que l'on récupère par le souvenir: "Du temps quon portoit sou-

1

1

"

liers à'Poullaine (mes amys) et que on mettoit 10 pot sur la table, et en profitant

tar-1

gent on se cacholt. .• ".

On ne saurait donc déduire que l'homme du XVIe siècle était

peu sensible à la dimonsion métaphysique du temps., Bien au contraire, de toute part,

en effet, le cours do la nature le renvoie anx problèmes de la finatité. Même les an-C

ticipations de sa vie, emportées par l'irréversibiÎité du temps, le placent d ant le

2 .

néant. "Passe le temps plus tranquille !" TeLLe est l'éternelle plainte huma ne

à

la-(

quelle est attaché l'inéluctable et douloureux drame de sa destinée. I/angoisse qui on

1

surgit ddient alors une des conlPosantes fondaméntales de sm expérience spiriLuelle. .

.

De là aussi, la dimension mythique donnée aU,souvenir •. C'est qu'avec le temps

my-. ,

thique, le souvenir dépasse l'historicité pour s'affIrmer , , comme~,l 'expression d'uns,

expérience atemporeLle. Ce temps peut apparaître alors à l'homme comme un

anli-destin.

n

répo~d

à

sa vocation"d'absolu, d'éternité.' C'est ainsi que pour s'affranchir

/ - t

de la durée et s'affirmer contre le tragique de l 'exJstence , l'évocation doit prendre

les couleurs de la transcendance et de l'irréalité. De là, cette sublimation du

Bouve-1- Propos, PP. 623-624. • 2- Ibid.. p. 631. \ ; • ./25 • . ~ ". ..

-

.

... _.~" ~ ,

,

(31)

1

,

25.

nir qui donne aux Propos ta singulière tonalité d'Ltn long et lancinant regret: "Je

h~:~

puis bonnement> (ô mes anciens comperes et amys) .que je ne. rogrette c~s ~ostres

jeu-~

nos ans,. au moins la façon de faire de adonques, beauco!Jp différentes et rien Ile

sem-~ - ~_"_.. ,.1

blant à celle do present: .c3r VOllS voyez toutes bO!,ll1cS coustumes se amortit et se

changer en je ne sçay quelles nouveautés, quilz merveitleusen;lCnt4approuvent, et sans

,

lesquelles un homm~ daujo{lrdhuy est mesprise.

a

temps heureux! ô-siecles

fort.u-1 ~\.

nés !" ;

)

a

Ce sont là, les courants généraux de ces a,ttraiLs

nostalgi-ques. Mais l'auteur des Pror>os est avant tout un noble, et derrière le "réalisme" de

• ce qu'il rapporte, on trouve, en filigrane 1 les sent.iments propres à sa casle. Ainsi,

avec l'avènement progressif de la curi?-Usation de la noblesse, ces frustraLions affec- .

tives s'affirmè'rent do façons plus évidentes, Trouvant son exutoire dan~ la/vogue d~~

~4~-:;!

.",1" '.

bergeries etjes past.orales, ce sentiment de la nature devint une des principales crl~:.;'''

2

ract.érisliques de l'évolut.ion de la noblesse française du XVIe siècle pour donner lieu

à

ce mouvement bientôt qualifié de "romantique". AUSSi. la douloureuse mélancolie

,)

1

de Du Bellay regrettant son "petit Lyré" el sa "douceur angevine" exprime-t-elle

tou-te la mesure de 'cet attachement à la campagne d'autrefois. On ira alors jusqu'à

re-,

chercher) au -deLà des simples évocations bucoliques f tout ce qui peut, dans les

moin-1- ProRos,/P. 609.

~;-_ Elias, N, - La socIété" de cour, ~aris, Calmann-Levy, 1974, pp. 2~4-258 •

.. , /26 •

.

,

.

./

(32)

1

"-/

26.

dras détails de la vie quotidienne, éveill~r les particul'arismes du terroir. Co fut .en

1

quelque sOrLe, avant la lettre, la compensation folklorique du passé perdu: "nos

pre-, t

"

.

,

decesseurs peres ( ... ) se contentans, quant a 1 accoustroment, dune bonne robbe de

. /

Bureau, calfeutree à la mode daIOl's, celle pour les festes, et une autre pour les

-1 III

jours ouvriers, de bonne toille, doublee do quelque vieux saye 11

,

Toutefois, ces retours continuels vel'S uh passé magnifié ont

leurs revers: dorrière le prosalsme idyllique des Lemps révolus, c'est le rofus de

, l'avenir avec, pour conséquence. l'enchaînement au traditiol1nalisme social. Aussi,

1

par la

v~ix

de Maitre Huguet, le temp,s mythique do NotH du Fait est-U aussi celui de

l'immobilisme. Au temps présent, ei à ses signes d~tiqae·s.cènis, -va -d-ès -tors s

'oppo-ser le bon vieux temps. C'est là, le thème largement repris des félicités rustiques de jadis: "car demandez ou souhaiiez vous plus salutaire ou plus libérale vie que la

nostre? M'oyennant que nous gardions de aspirer à trop haults points, veu

-mesme-ment que, si som mes diligons à labourer les rerre~ à nous laissees par noz bons

pe-res, sera beaucoup, ne tas chans pas grands heritages

à

les amplifier. Et avoyent

ce-\~~~ \-~ f

la en grande reverence noz anciens. .• "

1- Propos. P..'; 609.

/ 2- Ibid, • p. 616.

.. .. ~

..

\. '" ." .. ~

-....

...

.. .721;

(33)

1

(.'

r=.

, ,

...

'

..

'J

1. \

- ,-27.

La dialectigue des contraires

-Mais il s'agit là moins d'un cor~S de doctrine qu'un

ensem-de.,

ble de des}faLa, do recettes, d'attitudes dénotant une orientation de la pensée et du sentiment. Encore soqcicux du facLeur humain, l'esprit du temps exigeait que tauLe

conception du mo~de fût d'une applicalion immédiate et pragmatique .. Le "philosophe"

invoque moins des théories· que des exemples, et ceux qu'it entraîne dans son sillage

f\

'

<

sont moins des "disciples" spir~Luels que des adeptes pratiquants. Cette soumission

de l'abstrait et du formel à l 'humain et au concret est une des cara?téristiques des

i'

Propos.

place, :;tssurémonL,

l

'j

En tête des notions commu es

à.

l'expression de la pensée se

le sens dé la nature et le goût d . images analogiques qui s'y

rat-, ~

tachent. Comme nombre de ses conLempora ins, du Fait a senLi les virtualités du RoI et les obédiences fondées sur les rythmes de IH vie rurale. Les traditions séculaires

reLiraient en effei du spectacle des phénomènes l1aturels" de l'opposition entre la s~

rt q-;'r

chercsse dévastatrice et la pluio bienfaisante, de l'impla.cable rigueur des saisoüs que tempère la fertilité de certains, limons, l'idée de la conduite des ruraux.

On comprend alors, que ces 'derniers, pour bâtir leur vie,

.

..

.

s'appuient sur des doJées étetneUes. Enes sont les mêmes partout, et 11 se trouve

qu'elles vont deux par deux: il y a la femme et l'homme, le vieux et le jeune. la nuit

)

,

.

et le jour. le ciel

et

la terre. Bref. co~struire sur ces éléments-ra et non s'ur un

••• /28. '

(34)

J

()

~- - -,

28. 1

système'philosophique, c'est é,difier sur,du concret. Ces vérités qui s'imposent ont déjà par elles-mêmes, en quelque sorte, force de loi; elles sont déjà organIsées.

. \

Ainsi demanderiez-vous à un paysan qui il est, il vous

ré-~

pondrait.: "je suis de Flameaux" ou "je suis de Vindelles". Car il ne s'ag;t pas de

sa:-voir qui l'on est, ce qui est bien puéril; mats piStât de sentir d'où l'on est, de s'en-tendre au mieux avoc les veJ1ts qui, aVec "1'Arondelle volant pres de leaue pl'edict la

1

pluye ." Pareo que, comm

7

le sud et le nord, le vent et la pluie ne disparaissent pas

du jour au lendemain, dans la tourmente. Ils ont le scelitu.pe l'éternité.

En campagne, une de8 plus anciennes' référencos

à

la dualité

climatique concerne, respectivement, le versant nord des champs, humide, froid,

st6rile - et le versant sud, ensoleillé, chaud et fertile; c'est-à-dire l "'ubac" et l'''a-,

'

.

dret.", notions essentiellement agricoles qui ont trouvé leurs fondements dans .l'agcn-cement immémorial de l'ordre naturel auquel se réfère l'auteur des Propos rustiques.

"

2

D'ailleurs, le mode de conception binaire n'est pas

particu-lier aux paysans. "Les Philosophes et Jurisconsultes" eux-mêmes se reportent à ces

1- Propos, p, 617.

,

2-/n

est

à~

remarquer qu

te~

Chine, les

aS~Qcts antithé~iqUe's

de la costllologie ont

trouvé aussi leur expression dans le symbolisme du "ying" et du "yang"

représen-tant~ de part et d'autre, le principe féminin ct [e principe masculin, l'humldité

et

la chaleur, le froid et le soleil. Granet, M. - La pensée chinoisa, Paris, Michel,

A •• 1968, pp. 101-103. ~ l ' a

••• /29.

<.

\ 1

(35)

(

(

29.

donnéos, qui "ont cèla assez familier de. descrire lun contraire par laull'e, on baillant par iceluy plus seure et solide congnoissallce que sHz laissoyent lumbre dicollly pour

!.\

de prime face traicter leur supposé subjet: comme quant

Hz

veulent proprement

des-chiffrer Vertu, Hz paingnent Vice de toutes se's couleurs, ou Liberté, Santé, Froid,

Hz discourent par leurs opposites: Servitude. Maladie, Chauld: qui donne au

SUl'men-1

iionné contraire la gruce plus naturelle et trop mieLLX disposée

"

Il s'agit dès lors, pour du Fait, de cumuler les élémonts

d'une dialectique des contraires opposan.t La stabilité

à

L'éphémère, la permanence de

jadis aux aspects transitoires du. présent: "le temps passé que luy et ses col:ivaux là

pre sens avoyent veu (étant) bien différent à celuy de maintenant ( ... ). La façon de

.'

faire dB adonques beaucoup differcntes et ri on ne semblant

à

ceUe de p1;'esent: car

vous voyez toutes b~mnes coustumes se amortir et se ehanget en je ne sçay quelles

2

nouveautés ."

En fait, l'argumentation antithétique est pLus qu'un procédé

4

de style • Elle est en quelque sorte une culture ct une habitude d'esprit. Elle est la

1

1- Propos, p. 601.

2- Ibid., p. 609.

3- "Les grandes pensées, dit Marmontel, prennent habftuellem ent la forme de

l'an-tithèse. "

4- des plus usitées par Montaigne: "Les princes me donnent beaucoup,

s'ils

ne

m'ô-tent rien, et me font assez de bien, quand ils ne me font point de mat. "

:

..

~

(36)

1

(

"

'Ci

---..--...,...

---

...

.

" ... '. - 30.

clef, l'explication, la raison génératrice de lointaines croyances: depuis toujours, en offet, une lutte cosmique oppose la lumière ct les ténèbres, et ce combat ne pouvait que sc perpétuer, dans la théologie chrétienne, 'par l'lrréductibilit' u ciel ct de l'en-fer, du bien et du"mal. Voilà pourquoi "les temps passés'

1

Di'cu" , et que ce qui s 'y rattache ne paut /être, en retour,

'2 , estoit aymé, rcvére, .vieillesse honnoree ."

3

transitoire dont la "tant folle et aveuglee" jeunesse est le symbole.

: "Lors Dieu

celle-ci ne trouvera"grâce devant Dieu,et les libmmes qu'en se conformant

à

l'école du

,

4

passé dans le giron de laquelle "elle avoit (la) vertu lors florissante"

Le bonheur de vivre se retrouve ainsi, de génération. en

gé-néraLioJ1;. mais par une percepLion',

à

rebours du progrès 1 c'est-à-dire en remontant"

le cours des ans: la joyeuse existence d'aujourd'hui est fonction de' celle d~hier, et

chacun est perçu

à

travers la conduite de ses aitmls: "Et lors que la fumée du vin

commençoit emburelucoquer les parties du cerveau, quelque bonne galloyse menoit la

, \

da'hce ( ... ). Les vieillards ( ... ) estoyent les bOlIDes gens pres le feu, regarêlans et

jugeans dos coups, disans: "Cestuy cy dance bien ,.. \~

.

1 le'pere dun tel estoit le meilleur

1- Propos, P. 609, 2- Ibid. , p. 60S.

\

,3- Ibid. , p, 614.

4-

Ibid. , p. 609. ..-/ \. ...

,

~

!

(37)

(

(

.

..

'

l

':< '"" ...

t

1

o

1

- ... . f J ' 1 danceur du pals ."" q 31.

La démonstration de toute vérité par des oppositions

binai-res passa it pour très probante, parce qu'elle réponda it aussi à une vis ion pratique de

,~

.

l'existence. EL quoi do plus réels que l'effort et la vie des champs?: "Autrefois, au

maLin, re~:dans do~ viettL le ~ent., allez voir

à

voz Pieges, que avez tendues au soir

pour les Renards ( ... ) peu vous soucians de l'iJ?temperi~ de l'air, fievres d'Autbmne

2

ou jo s Caniculaires ( ... ) par ce moyen estes forts, robustes, aHegres_. '.' Alors

que de n s jours, la vigueur physique des, "gens de ville" ne laisse-t-ellc pas à

dési-rer? Ler r conduite n'est en effet que "m ignarderie soubs lombre, en rien scrttans

3

leur homn e .

"Q

'Ainsi, le champ doit s'accorder avec le chant. Mauvais jeu da ,mQts que ce calembour. Et pourtant quelle meilleure façon de désigner les vertus'

ag.restes perçues par du Fait: "allez aû champ, chant ans à pleine gorge, exerçans le

4

sain estomach, sans craindre esv€tÎ1el' ou Monsieur ou ma D€lme ." En revanche,

.. - _ 5

quel horrible contraste n'a-t-on paR

à

la vision d~"'tels lieux desbauchés" oil de

jeu-1- Propos, p-. 613. 2- Ibid. t p. 618.

3- Ibid., p. 618. 4- Ibid., p. 617 . 5- Ibid., p. 615.

•.. /32.

"

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