PLACE DE LA TECHNOLOGIE DANS LES MANUELS
SCOLAIRES DE L'ÉCOLE PRIMAIRE
Marjolaine CHATONEY I.U.F.M. Aix-Marseille
MOTSCLÉS: TRANSPOSITION TECHNOLOGIE DIDACfIQUE -MANUELS SCOLAIRES
RÉSUMÉ: L'étude de ces manuels montre de fones divergences quant à la place réservée à la technologie. Ce champ de savoirs apparaît comme moyen de validation de connaissances scientifiques. Plus rarement, il essaie de définir des spécificités. Une analyse approfondie montre que les modes de raisonnement développés, les méthodologies retenues se font surtout dans le cadre d'une démarche scientifique du petit chercheur et pratiquementjarnais avec la démarche technologique du petit concepteur.
SUMMARY : The analyse of school book show manY different option in technology education. Very often, technology knowledge are solution for sciences education10valid scientific knowledge. Less technologie knowlegge are used for technology education. The school book method infact, concist to practice technology with scientific demarche and10forget technology preocupation.
1. INTRODUCTION
L'étude de la transposition dans les manuels scolaires est centrée sur l'initiation technologique à l'école. L'école primaire est organisée en trois disciplines, dans lesquelles l'articulation entre sciences et technologie est volontairement forte.
n
s'agit de U découvrir le monde", U découverte dumonde" et U sciences et technologie" du cycle 1 au cycle 3. Dans chacun des trois cycles des
notions et des compétences de technologie apparaissent groupées à d'autres enseignements. La transposition des objets d'enseignement relatif à la technologie n'est pas sans poser quelque problèmes. Les manuels scolaires privilégient souvent des dispositifs pédagogiques ou la technologie est si diluée, si fugitive, qu'elle y
perd
sens. Dans un premier temps, nous présentons un regard rapide sur la place qu'occupe l'enseignement technologique à l'école, et la structure dans laquelle il est intégré. Puis nous examinerons la transposition effective des grandes maisons d'édition françaises. La conception des enseignementsàl'école primaire se fonde sur une grande interpénétration des enseignements. Dans ces conditions, la technologie apparaît-elle comme un enseignement spécifique, avec des attributs repérables ou est-elle confondue dans un ensemble duquel il est difficile d'extraire des attributs repérables?Laprogression des notions enseignées dans les activités indique-t-elle une ébauche de structure par cycle ? Traiter cette question suppose d'adopter plusieurs points de vue. Nous nous limiterons au point de vue de l'institution et à celui des manuels scolaires.Faute d'un repérage minutieux et précis des objets de savoirs du primaire, nous retiendrons les concepts concevoir, produire, commercialiser, utiliser, apprécier, largement partagés par les chercheurs tels que Deforge,DeVries, Ginestié, Lebahar, Lebeaume, Martinand... Plusieurs savoirs savants agissent sur ces concepts. Les indicateurs dont la liste suit sont des savoirs qui apparaissent régulièrement dans l'enseignement de la technologie. Cene liste n'est pas exhaustive et mériterait d'être plus détaillée. Nous retiendrons pour indicateurs de technologie:
Objet, produit, projet, lignée
Conception, contraintes économiques, techniques, humaines, commerciale Production,outih,posre
Commercialisation, vente, conditionnement Utilisation
Système Fonctions
Principe technique, Jeu fonctionnel, emboîtement, liaisons Choix de solutions (réduction des incertitudes, test et essais) Ordre logique, antériorité, processus, étape
2. ORGANISATION ET STRUCTURE INSTITUTIONNELLE
LeBulletin officiel du ministère de l'éducation nationale nOS du 9 mars définit les contenus et activités d'enseignement, les compétences. Il suggère les méthodes
à
privilégier. En revanche, il neprecise rien sur les pratiq ues réelles qui se font en classe. Dans le contexte institutionnel, les enseignements de technologie apparaissent en blocs juxtaposés et groupésà d'autres disciplines. Ces blocs sont distincts les uns des autres. Le synoptique réaliséà partir des activités met en évidence cette structure.
Programmes de l'école: 3 nouvelles disciplines
Découvrir le monde !Monde de la matière [ Monde du "inn! Espaces naturels ct humains Letemps L'hygiéne et la sécurité
[iffià;
_
Découverte du monde Monde de la matiére et des objets -Matière Monde du vivant . Le corps - Lavic animale el végétale Diversité des paysagesLe temps dans la vie
des hommes Scienceset teehnologic 1 Matiére ct énergie Le ciel et la terre Le corps et la santé Le monde du vivant 6éme
Le synoptique ci-dessous construità partir des compétences montre la même juxtaposition en bloc disciplinaire dés la maternelle. Les programmes font apparaître nettement l'aspect transversal de cenaines compétences particulièrement développées par l'enseignement expérimental. Le maître polyvalent est chargé de construire les liens transversaux. Les enseignants assurent leur polyvalence en s'aidant de manuels scolaires.
Compétences
Découvrir le monde Découverte du monde Sciences et Technologie
Le vivant: J>Observer, trier, comparer
.
IJ : '/1.lllllW'1
: 1 t 1}1fii::i(t& i --Transversales:J>Lire, s'interroger, formuler, poser des solutions, exprimer par écrit ou par graphiques, argumenter.
Sciences : Démarche scientifique
J>concevoiret mettre en œuvre un montage expérimental J> Isoler 1 variable J> Résultats et mesure
3. TRANSPOSITION DANS LES MANUELS SCOLAIRES
Les initiatives privées, telles que la transposition des contenus institutionnels par les maisons d'éditions, apportent des indications supplémentaires sur l'enseignement de la technologie. Notre question concerne des phénomènes d'enseignements, la relation au savoir, plus précisément l'acquisition des connaissances technologiques par l'élève de l'école primaire.
La "
transposition didactique" (Chavallard, 1985) ne s'arrête pas aux objets à enseigner. Elle va jusqu'à l'activité faite en classe. Les programmes d'enseignements sont une étape de la "mise en texte du savoir" (Johsua, Dupin, 1993). Les manuels scolaires redistribuent les objets d'enseignements à une situation de classe fictive et programment les activités au trimestre, au mois, à l'heure, mais ne prennent pas en compte le contexte de la classe, l'enjeu de la relation réelle. Le manuel est un guide qui prend en charge tout ou partie de la transposition interne qui leur incombe. TI peut servir de " modèle" pour transporter dans la classe les savoirs à enseigner en leur conférant le statut de savoirs enseignés (Ginestié 1994). La façon dont le manuel scolaire transpose les objets de technologie est riche en renseignements sur la modalité d'enseignement proposée aux maîtres, la reconnaissance de la discipline, la conduite d'activités, la méthode privilégiée et le contexte.L'analyse comparative des manuels présente l'aspect général du manuel, pointe et précise certains phénomènes, compare avant de conclure. Elle met en évidence le poids idéologique du " privé" et plus particulièrement les biais induits par certaines modalités. Nous avons sélectionné des manuels scolaires récents, adaptés aux programmes de 95, de cinq maisons d'édition en vente entre 96 et 98 (Bordas, Magnard, Nathan, Hatier, Hachette). Nous avons observé l'organisation interne, les titres, les chapitres, les thèmes, les leçons, la référence au bulletin officiel, et les activités. Nous n'avons pas dissocié l'information du livre documentaire et l'activité du livre de l'élève. L'analyse s'appuie sur les indicateurs de technologie, l'approche méthodologique d'aspect technologique et la démarche mise en œuvre. Les résultats de l'analyse font apparaître plusieurs phénomènes:
- Les enseignements de technologie sont très souvent confiés à des non-spécialistes de la discipline. Les rédacteurs sont essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, d'origine scientifique. Ce qui peut expliquer en partie le glissement de la démarche technologique en démarche scientifique. Un tel glissement peut, à priori, être un frein à la représentation de la technologie(DeVries, 1996).
- La
moitié des maisons d'édition seulement fait apparaître la dimension technologique dans leur titre. Le mot technologie est parfois remplacéparle mot objet. L'autre moitié ne propose en couverture que des sciences de la vie et de la terre et des sciences physiques.- Deux types d'organisation des activités et des compétences s'équilibrent. Les thèmes montrent des ouvertures possibles entre les disciplines, les leçons ont une approche très disciplinaire des contenus. L'aspect transversal des thèmes est clairement montré par de nombreuses illustrations. Mais il n'est jamais exploité. Le thème regroupe souvent des activités d'une discipline.
- Les activités, quelle que soit la réorganisation des programmes, sont toujours monodisciplinaires pour ce qui concerne l'enseignement des sciences sauf pour la technologie. Les activités en y sont souvent construites dans un cadre scientifique expérimental (Hachette), plus rarement construites dans un cadre technologique (Hatier) ou tout simplement occulté des contenus (Magnard).
- Ladémarche technologique, élément fon de conceptualisation de la discipline, n'apparaît que chez deux éditeurs.
4. CONCLUSION
La
transposition des manuels scolaires montre quelatechnologie est bien présente dans l'idée, elle l'est moins dans sa spécificité. En effet, les outils de mise en œuvre indispensables à la technologie ne sont pas souvent, elle est souvent calquée sur le modèle des travaux manuelsetde ce fait ne peut se construire en tant que telle (Ginestié-Andréucci, 1997). Peu d'ouvrages conceptualisentlatechnologie dans un registre technologique. Laconception, la réduction des incertitudes (Lebahar, 1995) est écartée. L'approche fonctionnelle et les liens avec l'environnement sont mis decôté ( Deforges, 1988). La rencontre avec des documents techniques réels, et des langages spécifiques est fugitive. L'objectif inavoué visé est de renforcerles modèles expérimentaux traditionnels. Le" faire" devient un "faire" à vocation de validation expérimentale.Cette
ambiguïté, ces biais, empèchent et défonnent la vision englobante et riche de l'éducation technologique par réduction au cadre scientifique.BIBLIOGRAPHIE
CHATONEY M.,
Sciences et technologie
àl'école. Étude curriculaire et transposition,
Mémoire de maîtrise, Aix-Marseille: Université de Provence,I998.CHEVALLARD Y., La
transposition didactique: du savoir savant au savoir enseigné,
Grenoble: La pensée sauvage, 1985.DEFORGE Y.,
De l'éducation technologique
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Paris: E.S.F., 1996. DE VRIES M.1.,
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DUPIN J.-J.,Introduction
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Paris: Presses Universitaires de France, 1993.LEBAHAR J.-C., Le développement des compétences, analyse du travail et didactique professionnelle,
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Programmes de l'école primaire,