André SIVADE CIFEC-USTL Montpellier Roger VIOVY
LIREST, Universités Paris 7 et Paris 11.
MOTS-CLES : CHIMIE - SECURITE - EDUCATION.
RESUME: Si le public rend la chimie responsable de nombreux dégâts sur l'environnement, peu d'effons sont faits dans l'éducation pour rendre la chimie proche de la vie courante.
SUMMARY : Though the public think chemistry is a principal agent of pollution, few efforts are made ta teach chemistry as a component of daily life.
1. PRESENTATION
1.1. Chimie et éducation
Si tout le monde est convaincu des fortes interactions entre chimie et environnement, et ce ne sont pas les événements actuels qui vont changer cette vision, les prises de position divergent très fortement selon les publics auxquels on s'adresse.
Pour le grand public sous la pression des médias et des grandes catastrophes chimiques Seveco, Bhopal, voire les marées noires, la chimie est considérée comme la grande responsable des dégâts commis sur l'environnement. Les aspects positifs comme par exemple l'existence des nouveaux matériaux, les effets sur la santé ne sont jamais présentés comme des conséquences du développement delachimie. Curieusement d'ailleurs, la chimie est rarement apparue comme telle dans les discussions générales qui ont eu lieu lors de ces journées. Il semble qu'ilyait bien souvent confusion entre nature ou écologie et environnement. Le supermarché n'est-il pas, pour la majorité des citoyens des pays industrialisés, un élément fondamental de leur environnement. Il constitue par le nombre de produits offerts pour tout un chacun un véritable laboratoire de chimie avec: détersifs, détergents, produits pour l'agriculture et même l'agro-alimentaire.Lalecture des étiquettes, laisse parfois le chimiste rêveur sur la nature des produits laissésàla libre disposition du client. Une relation étroite entre éducation et environnement paraît donc indispensable.
Au niveau des lycées et des universités, les enquêtes qui ont pu être faites sur la vision qu'ont les étudiants de la chimie montrent que la discipline est considérée comme mineure dans les cursus. Une enquête que nous avons menée sur les T.P. de chimie en classe de terminale est éloquenteàce sujet. Les professeurs et les élèves sont convaincus du non intérêt des T.P. de chimie et surtout de leur manque de réalisme.
Il est vrai que si l'on regarde les programmes français, en particulier des lycées, on est étonné du manque de contact avec la vie réelle, aussi bien dans le libellé que dans les commentaires.
La situation est fort différente chez les jeunes enfants et au début de l'enseignement dans les collèges. Il existe une motivation certaine pour la chimie. Le succès des "boîtes de petits chimistes" en est une preuve. Les enquêtes menées auprès des enseignants de l'école élémentaire et des professeurs de collège qui réalisent des expériences avec leurs élèves sont tout à fait concordantes sur le sujet Les élèves sont passionnés par la chimie ne serait-ce par le côté spectaculaire et "magique". La B.D. traditionnelle est d'ailleurs là pour renforcer cette image.
Il semble donc que l'éducation telle qu'elle est pratiquée en France mais aussi dans d'autres pays a tendanceàdétruire celte motivation. TI semble pourtant qu'il suffirait de peu de chose pour changer le comportement des étudiants. Le succès des Olympiades nationales, la mise au point de T.P. moins stéréotypés dont nous parlerons plus en détail sont des illustrations.
Mais qui dit environnement dit étude des conséquences des produits chimiques sur la santé et surlemilieu. L'utilisation au laboratoire de fiches de sécurité est un moyen de prendre conscience des interactions entre chimie et environnement.
1.2. Sécurité
Une éducationà la sécurité dans les laboratoires des lycées et universités est rarement réalisée comme telle, sauf dans les filières spécialisées, mais cette éducation devrait toucher tout le monde.Il est vrai que, si on trouve de nombreuses séries de manuels, la sécurité y occupe un rôle minime. Ce qui apparait important c'est "d'apprendre le concept scientifique"(!)quelque soit l'usage que l'on en fait. D'autre part la littérature qui existe dans ce domaine est nombreuse, mais très diluée. Elle est surtout destinée au monde du travail ou les problèmes de droit ou de sécurité générale occultent souvent les éléments chimiques essentiels pour des non spécialistes.
C'est pourquoi le CIFEC lors d'un atelier qui s'est tenu au Luxembourg en Juillet 90 a commencé à réaliser une série de fiches adaptées aux établissements permettant de faire un lien entre l'utilisation des produits courants de laboratoire (que l'on retrouve bien souvent aussi à l'extérieur) et les réactions chimiques et physiologiques de ces produits.
2. INTERVENTIONS
2.1. Bilans
A l'Université de Liège, pour que la chimie ne reste pas "ce qui pète, ce qui pue, ce qui pollue" l'Association "des jeunesses scientifiques" a organisé des stages pour essayer de changer l'image de la chimie sur des étudiants de cette matière et sur les jeunes en utilisant des phénomènes familiers sur deux aspects qui paraissent motivants: transformation de la matière pour produire des matériaux nouveaux et aspect énergétique des phénomènes.
Dans le canton de Vaud un module d'introduction à la chimie pour des élèves de 13 ans a été mis au point pour les rendre responsables vis-à-vis de la matière. Le module est un ensemble pédagogique complet avec manipulations et fiches de sécurité. L'accent est mis sur la responsabilisation de l'étudiant vis-à-vis de ce qu'il manipule, ce qui peut être jeté ou non, et comment jeter.
Dans une collaboration avec une firme industrielle (BAYER) l'Université de Cologne a mis au point une série de manipulations sur l'analyse et la décontamination des sols au niveau de leur contenu en ions métalliques. Des simulations sont présentées montrant en particulier l'influence de l'ion Aluminium sur la croissance des plantes. Les mesures nécessitent seulement un petit photomètre de poche. Ces manipulations sont décrites dans une affiche.
En France, pour essayer de sensibiliser les élèves des lycées aux problèmes de la chimie dans l'environnement, avec l'aide de l'industrie sont organisées depuis plusieurs années des Olympiades nationales centrées sur des thèmes de la vie courante comme: santé, polymères, agro-alimentaire, etc. Le succès considérable de cette initiative qui touche 2à3 000 élèves de terminales depuis 5 ans montre qu'il suffit de peu de chose pour changer l'image que se font les étudiants d'une science.
Un travail de recherche mené sur les T..P. de terminale utilisant, au lieu de produits de laboratoire, des détersifs d'usage courant dans les expériences sur acides et bases aboutit aux mêmes conclusions.
Enfin, le dernier exemple d'enseignement liant chimie et environnement est le module international en cours d'élaboration et qui sera proposé sur "Combustions et environnement". Il est présenté par ailleurs dans une communication.
2.2. Problèmes
2.2.1. Complexité des phénomènes "familiers". C'est un des écueils auxquels sont confrontés les cartésiens de l'enseignement. Souvent les problèmes familiers sensibilisant mieux les étudiants sont complexes du point de vue scientifique, et l'enseignement hésite toujours à partir d'un phénomène complexe pour un apprentissage. C'est l'avantage d'un enseignement précoce à caractère qualitatif qui entraîne les élèves à l'utilisation des boîtes noires.
2.2.2. Comme on l'a déjà dit, une éducation à l'environnement est forcément pluridisciplinaire et nécessite diverses "grilles d'analyses"disciplinaires. Là aussi les structures de l'enseignement sont souvent défavorables à ce type d'approche, en particulier dans les classes qui comportent une évaluation (examen). En France les possibilités de projets d'action éducative (PAE) ne sont guère utilisées pour de telles études.
Dans le même ordre d'idées un effort sur le langage doit être entrepris. La signification précise de mots du langage courant utilisés comme mots scientifiques doit être précisée. En particulier les efforts faits par ['union internationale de chimie pure et appliquée (IDPAC) dans ce sens devrait être popularisée.
2.2.3. La santé et la qualité de la vie sont deux domaines trop peu souvent abordés dans les programmes d'éducation. L'exemple de l'eau est typique: l'eau du robinet est pratiquement toujours potable car il y a de nombreux contrôles mais souvent imbuvable par suite de traitements trop importants ou obsolètes. C'est pourtant grâce, en particulier, à la distribution d'eau potable que l'espérance de vie a doublé en deux siècles dans les pays industrialisés.
2.2.4. Un des problèmes majeurs de notre époque est la récupération et le recyclage des déchets. C'est un problème qui commence à être pris en compte au niveau des organismes nationaux et régionaux mais qui n'a guère eu de retombées au niveau de l'éducation.
Deux exemples ont été cités;
- Dans les établissements scolaires des recommandations ont été faites pour qu'enseignants et personnels ne jettent plus les déchets à l'évier mais aucune structure de ramassage n'a été mise en place, ce qui décourage \es meilleures bonnes volontés.
- En suisse, on vient de construire à ACLENS une usine de récupération des piles au mercure et des sacs de récupération (présentés aux Journées) sont vendus pour 1 c. Malheureusement le seuil de rentabilité ne sera atteint qu'à partir des premières 200 tonnes. Ces problèmes de rentabilité bloquent souvent \es initiatives positives dans le recyclage.
2.2.5. Toute étude touchant à l'environnement pose des problèmes socio-économiques. Trop souvent ceux-ci sont traités en termes de rendement financier alors que l'important serait de les traiter
en termes de données énergétiques. Des données semblent exister mais elles restent confidentielles. Il ya un gros effortà faire pour rendre accessible à l'éducation des données permettant de répondre à la question : quel matériau utiliser pour un usage donné?
Par exemple, analyser les diverses conséquences pour le transport des liquides de trois types de matériaux: verre, plastique, métal (aluminium en particulier).
CONCLUSION
Les discussions qui ont eu lieu dans l'Atelier montrent que le maître mot qui devrait guider nos méthodes didactiques c'est responsabiliser les élèves. En particulier la chimie qui apparaît le plus souvent comme une science morte est certainement la science qui demandeleplus de réflexion et de responsabilité.
Le développement d'un enseignement de "projets" ou de "thèmes" paraîtrait mieux adapté que l'enseignement actuel. Le projet de module proposé par l'IDPAC et l'UNESCO sur "Combustions et environnement" s'inscrit dans cet esprit. Au cours de l'atelier on a aussi proposé un module sur "Piles et environnement" qui pourrait en particulier constituer une partie du programme de la classe de première en France.