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ARTheque - STEF - ENS Cachan | La formation des animateurs dans les pays en voie de développement

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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LA FORMATION DES ANIMATEURS

DANS LES PAYS FRANCOPHONES D'AFRIQUE

Albert VARIER C.E.M.E.A.

MOTS-CLÉS: FORMAnON ANIMATEURS - PAYS EN VOIE DE DÉVELOPPEMENT

RÉSUMÉ : Un témoignage sur la fonnation des animateurs dans les pays francophones d'Afrique.

SUMMARY:

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1. UN TÉMOIGNAGE

J'ai choisi d'apporter un témoignage sur mes pratiques de formateur, sur les conceptions qui les fondent. Je parleraiàla première personne, "je" mais aussi "nous" car mon action s'inscrit dans celle d'une association, les C.E.M.E.A., me permettant de capitaliser les expériences de centaines de personnes sur des dizaines d'années.

Je parlerai donc en tant que formateur, français, vivant des sessions de 8à 10 jours avec des Africains qui agissent dans des structures péri-scolaires, qui sont le plus souvent des enseignants ou des animateurs professionnels - c'est-à-dire, ayant, en principe, une formation scientifique minimale, une formation pédagogique et s'étant la plupart du temps, beaucoup frottésà la culture française. Voici mon public habituel (des formateurs d'animateurs) mais derrière lui se cachent d'autres personnes: les jeunes animateurs et encore derrière, les jeunes eux-mêmes. Ce que je vais enseigner aux premiers - les formateurs d'animateurs - vise, en bout de chaîne, les jeunes.

Comment sont ces jeunes? Des jeunes dans les villages, selon l'image répandue en Europe? Oui, sans doute, mais, de plus en plus, des jeunes en ville, sans travail, sans perspectives, ayant perdu les repères traditionnels, fascinés par les produits de notre civilisation, souvent inaccessibles. Différents des jeunes d'ici? Oui, sans doute, mais avec aussi beaucoup de points communs.

2. DIFFÉRENTS MAIS SEMBLABLES

En pensant aux publics africains, tous ceux que je viens d'évoquer, j'étais tenté d'intituler ce chapitre: "différents mais semblables".

Différents certes des publics français par une vision du monde venue de la culture lointaine et de l'histoire, par les conditions de vie aussi. Comment vont-ils accueillir ma gestion rigoureuse du temps? Comment vont-ils réagiràmes propositions d'innovation, porteuses de progrès (du moins je l'espère) mais aussi de risque? Comment prendre en compte les relations traditionnelles entre jeunes et vieux, la place des femmes, les relations entre groupes sociaux, qu'ils soient vestiges du passé ou produits de l'organisation moderne? Comment vont-ils faire cohabiter le rationnel et le surnaturel? Et comment vont-ils recevoir mon message technologique eux pour qui la douche, le téléphone, la voiture sont encore souvent du domaine du rêve? Au Sénégal, un instituteur gagne l'équivalent de 1 000à1 200 FF. par mois, une petite voiture comme la Clio coûte 90 000 FF... 7 ans de salaire!

Différents donc, mais semblables aussi. Rationnel, irrationnel...Peut-on dire que l'irrationnel a disparu de notre société? Sur un plan profond, j'ai cru retrouver chez mes compagnons africains les mêmes aspirations que chez mes élèves français. Dès que le seuil de la survie est dépassé, tout le monde veut les mêmes choses ; améliorer ses conditions d'existence, être reconnu, considéré... si possible être aimé... avoir du pouvoir...

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Semblables donc mais aussi, comme ici, tous individuellement différents. Si le formateur a comme objectif le développement de chacune des personnes, les généralités sur telle ou telle catégorie ne suffisent pas. Il faut y ajouter le fait que chacun est différent de l'autre, que, dans le cadre de la culture et des conditions de vie de son groupe, son histoire personnelle a modelé ses intérêts, ses réactionsàla difficulté, ses modes d'accès au savoir, etc...

Là bas, comme ici, il faut donc mettre en oeuvre une pédagogie qui mette l'apprenant au centre de la scène pédagogique, qui en fasse l'acteur principal, mis en situation d'agir sur l'objet et les cheminements de ses apprentissages.

3. QUELLE ALPHABÉTISATION SCIENTIFIQUE?

Cette pédagogie, au service de quels objectifs faut-HIa mettre? Comment défInir cette alphabétisation scientifique souhaitée pour les jeunes ? Disons d'abord qu'il ne s'agit pas de "transfert de technologie", Cette expression très usitée dans les milieux d'aide au développement induit une image d'émetteur et de récepteur de connaissances qui ne correspond pas du toutàcelle d'un apprenant, constructeur actif de ses savoirs, esquissée plus haut. Disons aussi que c'est le plus grand nombre qui est visé, dans une perspective de développement des personnes, condition du développement du pays.

Notre objectif est de donner à chacun un outil pour sa vie; la pensée scientifIque - de permettreà chacun de découvrir et de se familiariser avec la science, avec ses démarches, ses contenus, ses dimensions sociales et économiques. Nous disons souvent: "Vouloir comprendre" et "chercher pour comprendre".

4. DES ACTIVITÉS DE DÉCOUVERTE TECHNIQUE ET SCIENTIFIQUE

Nous cherchons doncàcréer des situations dans lesquelles l'apprenant a envie, a besoin de comprendre pour réussir le projet dans lequelilest engagé. Nous introduisons des séquences et des outils qui permettent de faire évoluer les représentations.Àla fin d'une étape, les apprenants ont acquis des éléments de démarche: mieux observer, formuler la question pertinente, mesurer, émettre une hypothèse, etc... et se sont construits des éléments de connaissance. Démarche et contenu vont de pair. Simplement, contrairement à ce que nous vivons d'habitude, le contenu n'est pas déterminéà l'avance.

Ceque nous appelons "Activitésdedécouverte technique et scientifique" comprend donc:

- une activité vraie, utile, en tout cas répondantàun intérêt des jeunes (transformer un vélomoteur, aménager un puits, lutter contre une nuisance, fabriquer un jouet...),

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S. QUELLE FORMATION POUR LES ANIMATEURS?

Ce qui précède concerne l'activité proposée aux jeunes. Quels impéraùfs faut-il en tirer pour la fonnation des animateurs? Trois points méritent une attention parùculière :

- savoir créer et exploiter des situations de projet, - savoir créer et exploiter des situations de recherche, - savoir gérer des moments de formulation.

Chacun de ces points mériterait de longs développements. Disons simplement que l'intérêt de la pédagogie du projet se situe au niveau de la motivaùon des jeunes. Il faut donc que ce soit leur projet. Ceci n'interdit pas à l'animateur de donner son avis pour qu'en restant réaliste,ilsoit le plus ambitieux possible, comportant la part d'invention qui justement sera le support de l'alphabétisation scienùfique. Pour créer des situations de recherche,ilsuffit souvent de ne pas apporter la réponse trop vite.

Maisilfaut aussi inventer les outils qui rendront la recherche possible et féconde : bien poser le problème, trouver une documentation accessible, inventer les dispositifs qui faciliteront les comparaisons, la compréhension... suggérer le recoursàtel technicien ou spécialiste. Les moments de formulation, nous en connaissons l'importance pour la construction de la pensée et l'évolution des représentations. L'animateur doit savoir gérer le temps pour que ces moments ne soient pas escamotés. Il doit apprendre à mener des échanges dans lesquels tout le monde s'exprime, tranquillement mais qui progressent vers des réponses, de telle sorte que les jeunes ressentent ces moments comme utiles. Voilà les savoir-faire pédagogiques majeurs que doivent se construire les stagiaires. Comment?

D'abord en vivant des activités de découverte technique et scientifique pour eux-mêmes. Vivre et revivre, car le modèle scolaire est particulièrement prégnant dans le domaine des activités scientifique. La tentation est grande de jouer au professeur. Il faut inscrire en soi de nouvelles expériences vécues. Réfléchiràla démarche et en parler. Appliquer à la construction des savoir-faire pédagogiques ce qui est proposé pour les savoir-faire technique ou scientifique: élaborer un projet pédagogique, le réaliser avec des phases de recherche et de confrontation. Enrichir la réflexion par l'étude des travaux de chercheurs : Giordan, Fourez, Reboul...

6. DES PRÉCAUTIONS

Les pratiques que nous proposons, sans être spécifiques, nous paraissent valables pour l'Afrique car elles mettent au premier plan, la personne de l'Africain. Elles lui proposent d'entreprendre, d'imaginer, de s'exprimer. Elles le mettent en mouvement. Elles permettent des cheminements individuels mais les intègrent dans un groupe, suscitant des échanges avec des pairs, à peu près au

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même niveau de langage et de préoccupations. Elles établissement toujours des liaisons avec les problèmes du pays, ses besoins, ses ressources.

Pourtant, les choses ne doivent pas être trop simplifiées et le formateur français doit prendre quelques précautions. Nous suivons, aux C.E.M.EA., quelques règles simples:

- une équipe de formateurs de stage doit être mixte, c'est-à-dire comporter des formateurs du pays d'accueil, pas seulement des français ou des européens,

- le projet pédagogique du stage doit être élaboré par l'ensemble de l'équipe,

- les ressources utilisées doivent être celles du pays : chercheurs, institutions techniques et scientifiques, matériel et matériaux disponibles à un prix abordable.

L'existence d'une équipe mixte permet d'éviter les grosses erreurs. Elle permet aussi au formateur français d'être lui-même, avec sa culture, ses valeurs, ses exigences.

On peut penser que cela va de soi. Pourtant, la séduction de l'exotisme, l'inquiétude devant l'inconnu, la mauvaise conscience (esclavage, colonisation) peuvent déstabiliser.

Or, il est important d'être soi, pour apporter ce qu'on attend de vous : apporter des méthodes de travail, défendre des choix qui ne sont pas forcément ceux de la mode, mais aussi pouvoir entendre des avis divergents, des demandes inattendues, valoriser les savoirs locaux souvent dépréciés.

7, UNE PÉDAGOGIE AMBITIEUSE, DES PÉDAGOGUES MODESTES

Reste, pour conclure, une question de fond : quel sera le résultat du mariage de la culture traditionnelle africaine et de la pensée technico-scientifique moderne. y aura-t'il mariage ou destruction ? Celte question s'inscrit dans la grande interrogation sur l'évolution culturelle de la planète. Allons-nous vers une culture universelle entièrement induite par quelques puissances économiques dominantes ou une culture universelle riche des apports de tous. Je ne peux pas ne pas me poser une question de ce genre quand je viens apporter ce que je sais, ce que je suis.Tyréponds de deux manières:

- je pense que la pensée scientifique est un outil dont tous les hommes d'aujourd'hui ont besoin,y compris les Africains; je les aide à se la forger...

- qu'en feront-ils? Je ne veux pas répondre à leur place. Au contraire, je veux leur faire expérimenter qu'ils peuvent s'en servir pour innover, pour être créatifs. D'où les pratiques pédagogiques que j'ai décrites.

Je suis ambitieux mais je dois savoir rester modeste. Dans la situation courante d'enseignement, ce qui doit être appris est consigné dans un programme, une progression est établie, une évaluation prévue. On fait comme si les enseignants savaient ce qui se passe dans la tête des élèves. En Afrique, je dois accepter de ne pas savoir certaines choses, beaucoup de choses. Non seulement le destin de la

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entre ce que je dis et ce qui est entendu. La langue française hors de France n'est pas tout à fait la même que dans l'hexagone: quelles représentations différentes se cachent denière les mêmes mots? Raisons de plus pour ne pas faire du discours du maître l'outil pédagogique principal et mettre en jeu des situations qui mettent les apprenants faceàdes faits et les amènentàconfronter leur propre discours sur ces faits. Je dois accepter d'engager mes compagnons sur une route sans savoir exactement où ils vont aller. "Une pédagogie ambitieuse, des pédagogues modestes".

Références

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