• Aucun résultat trouvé

Essais sur le capital humain à travers une approche néo-instititutionnelle

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Essais sur le capital humain à travers une approche néo-instititutionnelle"

Copied!
272
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: tel-03155658

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03155658

Submitted on 2 Mar 2021

HAL is a multi-disciplinary open access

archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

néo-instititutionnelle

Warda Azaghouagh

To cite this version:

Warda Azaghouagh. Essais sur le capital humain à travers une approche néo-instititutionnelle. Gestion et management. Université de Bordeaux, 2020. Français. �NNT : 2020BORD0120�. �tel-03155658�

(2)

THÈSE PRÉSENTÉE POUR OBTENIR LE GRADE DE

DOCTEUR DE

L’UNIVERSITÉ DE BORDEAUX

ÉCOLE DOCTORALE ENTREPRISE, ÉCONOMIE, SOCIÉTÉ SPÉCIALITÉ SCIENCES DE GESTION

Par Warda AZAGHOUAGH EL FARDI

ESSAIS SUR LE CAPITAL HUMAIN À TRAVERS UNE

APPROCHE NÉO-INSTITUTIONNELLE

Sous la direction de M. Olivier HERRBACH et Mme Anne GOUJON-BELGHIT

Thèse soutenue le 21 septembre 2020

Membres du jury :

M. Patrice ROUSSEL

Professeur des Universités, Université Toulouse 1 Capitole – Président

M. Christian DEFÉLIX

Professeur des Universités, Université Grenoble Alpes – Rapporteur

M. Benjamin DREVETON

Professeur des Universités, Université de Poitiers – Rapporteur

M. Olivier HERRBACH

Professeur des Universités, Université de Bordeaux – Directeur de recherche

Mme Anne GOUJON-BELGHIT

(3)
(4)

THÈSE PRÉSENTÉE POUR OBTENIR LE GRADE DE

DOCTEUR DE

L’UNIVERSITÉ DE BORDEAUX

ÉCOLE DOCTORALE ENTREPRISE, ÉCONOMIE, SOCIÉTÉ SPÉCIALITÉ SCIENCES DE GESTION

Par Warda AZAGHOUAGH EL FARDI

ESSAIS SUR LE CAPITAL HUMAIN À TRAVERS UNE

APPROCHE NÉO-INSTITUTIONNELLE

Sous la direction de M. Olivier HERRBACH et Mme Anne GOUJON-BELGHIT

Thèse soutenue le 21 septembre 2020

Membres du jury :

M. Patrice ROUSSEL

Professeur des Universités, Université Toulouse 1 Capitole – Président

M. Christian DEFÉLIX

Professeur des Universités, Université Grenoble Alpes – Rapporteur

M. Benjamin DREVETON

Professeur des Universités, Université de Poitiers – Rapporteur

M. Olivier HERRBACH

Professeur des Universités, Université de Bordeaux – Directeur de recherche

Mme Anne GOUJON-BELGHIT

(5)

Remerciements

La réalisation d’une recherche doctorale est un long travail constitué de différentes phases : des moments de doutes, mais aussi et surtout de réelles satisfactions face à notre progression, et au sentiment d’avoir réussi à gravir une montagne. Ce délicat chemin à parcourir est alors composé d’un ensemble d’étapes : certaines nous approchant un peu plus de la fin, et d’autres au contraire, nous obligeant à revenir sur nos pas pour nous engager dans un nouvel itinéraire que l’on considère (ou que l’on espère) être meilleur. L’objectif final, quelles que soient ces différentes étapes est de franchir la ligne d’arrivée : terminer cette thèse et remercier enfin, l’ensemble des personnes qui ont contribué de près ou de loin à ce travail.

Ainsi, je tiens tout d’abord à remercier le Professeur Olivier HERRBACH d’avoir accepté de diriger ma thèse. Il a su me guider tout au long de ces années et me réorienter tout en me laissant maître de mon travail. Il a su m’accompagner dans les moments de doute et a su faire preuve de bienveillance quand cela était nécessaire. Je tiens à remercier également Madame Anne GOUJON-BELGHIT d’avoir codirigé ce travail de recherche. Merci pour vos conseils qui m’ont permis de réorienter mon travail quand il le fallait et pour votre soutien le long de cette thèse. Je vous exprime à tous deux toute ma reconnaissance.

Mes remerciements s’adressent également aux Professeurs Christian DEFÉLIX et Benjamin DREVETON qui m’ont fait l’honneur d’accepter d’être les rapporteurs de ce travail. Je remercie également le Professeur Patrice ROUSSEL de prendre part au jury de soutenance.

Je tiens à remercier également Madame Laïla BENRAÏSS-NOAILLES, directrice de l’équipe Ressources Humaines de l’IRGO et membre de mon comité de thèse, pour l’ensemble des conseils qu’elle a pu m’apporter et pour ses multiples encouragements qui, dans les moments de doute, avaient une valeur inestimable. Je remercie aussi le Professeur Samuel MAVEYRAUD, membre de mon comité de thèse pour ses précieux conseils.

Mes remerciements vont également à l’ensemble des membres de l’équipe RH de l’IRGO, enseignants-chercheurs, chercheurs-associés, doctorants pour vos conseils. Vous m’avez

(6)

tellement aidée et je vous en suis reconnaissante. Vous avez su à plusieurs reprises me faire part de vos critiques constructives concernant mon travail de recherche.

Merci aussi à Monsieur Bernard ANDRUCCIOLLI, chef du département Techniques de commercialisation de l’IUT de Bordeaux et à Madame Catherine MADRID, directrice des études pour m’avoir recrutée en tant qu’ATER au sein du département et m’avoir donnée la possibilité de passer quatre très belles années à vos côtés. Un grand merci à toute l’équipe pédagogique et administrative du département.

Je remercie les Professeurs Olivier HERRBACH, Stéphane TRÉBUCQ et Mme Anne GOUJON-BELGHIT de m’avoir permis l’accès au terrain de recherche auprès de l’université de Bordeaux.

Je tiens aussi à remercier Mme Marie-Béatrice CELABE, directrice générale des services adjointe, déléguée au pôle Ressources humaines et développement social (RHDS) de l’université de Bordeaux, d’avoir accepté que je mène ce travail de recherche en me donnant la possibilité d’intégrer ce pôle. Merci à Thomas KREBS, Directeur de la stratégie et du développement RH, qui m’a accordée beaucoup de temps en début de thèse pour collecter l’ensemble de mes données. Merci à Adeline, Véronique, Thomas et Virginie de m’avoir accueillie dans leurs bureaux et de m’avoir transmis de nombreuses informations m’apportant une meilleure compréhension de l’université.

Je remercie évidemment l’ensemble du personnel de l’université de Bordeaux qui a accepté de répondre à mes questions, qui m’a accordé du temps et fourni des informations essentielles à mon travail de recherche. La liste est bien longue, merci à vous tous.

Évidemment, mon travail de thèse a souvent avancé au sein de notre « salle des chercheurs », merci à l’ensemble des doctorants qui sont devenus de véritables amis, Youssef, Salma, Khalil et Chafik. Merci aussi à Bérangère pour son aide précieuse lorsque cela fut nécessaire.

Je remercie l’ensemble des personnes qui ont bien voulu relire ce travail de recherche, j’ai conscience de l’investissement et du temps que cela a pu nécessiter et je vous en suis très reconnaissante.

(7)

Enfin, je me tourne vers ma famille. Je remercie tout particulièrement mon mari pour son soutien tout au long de ce travail de recherche, mais aussi Himaya, qui a vu le jour en cours de thèse et qui a grandement permis de transformer ce travail de recherche en véritable challenge. Merci également à toute ma famille et à ma belle-famille. Merci d’avoir été présents, de m’avoir libéré du temps chaque fois que vous le pouviez afin que je puisse travailler sur cette thèse.

Mes pensées les plus affectueuses vont à mes parents qui ont grandement contribué à ce que je suis devenue aujourd’hui. Ils m’ont appris le sens du travail et de l’effort. Ce travail de recherche leur est entièrement dédié.

(8)

Sommaire

REMERCIEMENTS ... I LISTE DES ABREVIATIONS, DES SIGLES ET DES ACRONYMES ... VI LISTE DES TABLEAUX ... VII LISTE DES FIGURES... VIII LISTE DES ANNEXES ... IX

INTRODUCTION GENERALE ... 1

1. Intérêts de la recherche et champs de la littérature ... 4

2. Problématique de la recherche ... 12

3. Principales contributions de la recherche ... 13

4. Choix épistémologique : l’interprétativisme ... 17

5. Mode de raisonnement de la recherche : l’abduction ... 20

6. Méthode de recherche : une recherche qualitative... 21

7. Qualité de la recherche ... 25

8. Plan et présentation de la thèse ... 27

CHAPITRE 1 - REVUE DE LITTERATURE DES CADRES CONCEPTUEL ET THEORIQUE ... 30

Section 1 - Le capital humain : de la vision économique aux sciences de gestion ... 32

1. Le capital humain : entre économie et sciences de gestion ... 33

2. Un concept aux définitions multiples ... 42

3. La gestion stratégique du capital humain ... 56

Synthèse de la section 1 ... 63

Section 2 - Du cadre néo-institutionnel originel à la théorie des modes managériales .... 66

1. Les origines et la portée de la théorie néo-institutionnelle ... 67

2. Les concepts principalement développés dans la TNI ... 75

3. La diffusion des pratiques à travers la théorie des modes managériales ... 80

Synthèse de la section 2 ... 88

Section 3 - Faire évoluer la TNI pour prendre en compte les acteurs avec la perspective des logiques institutionnelles ... 91

1. Des critiques de la TNI aux logiques institutionnelles ... 92

2. L’existence de multiples logiques institutionnelles au sein des organisations ... 99

3. Les pratiques de gestion : la matérialisation des logiques institutionnelles ... 111

Synthèse de la section 3 ... 121

(9)

CHAPITRE 2 - UNE LECTURE NÉO-INSTITUTIONNELLE DU CAPITAL HUMAIN

A TRAVERS TROIS ARTICLES ... 126

Section 1 - L’usage rhétorique de la notion de capital humain par les consultants ... 128

1. Introduction... 129

2. Cadre théorique ... 131

3. Méthodologie de la recherche ... 134

4. Résultats ... 137

5. Discussion ... 141

6. Conclusion, limites et perspectives de recherche ... 143

Synthèse de la section 1 – transition du premier au deuxième article ... 149

Section 2 - Les logiques institutionnelles au sein d’une université française à travers la représentation du concept de capital humain dans un contexte post-fusion ... 151

1. Introduction... 152

2. L’université, un contexte aux logiques institutionnelles multiples ... 153

3. Méthodologie ... 156

4. Résultats ... 159

5. Discussion ... 163

6. Conclusion ... 166

Synthèse de la section 2 – transition du deuxième au troisième article ... 171

Section 3 - Le développement du capital humain du personnel BIATSS dans un contexte de fortes pressions institutionnelles ... 173

1. Faire face aux pressions institutionnelles pour légitimer les pratiques ... 176

2. Méthodologie ... 179

3. Résultats : des pressions institutionnelles dans le développement du capital humain 182 4. Discussion : professionnaliser le personnel BIATSS pour gagner en légitimité ... 188

5. Conclusion ... 190

Synthèse de la section 3 ... 195

Synthèse du chapitre 2 ... 196

CONCLUSION GENERALE ... 198

1. Contributions de la recherche ... 200

2. Limites et voies de recherche ... 207

BIBLIOGRAPHIE ... 210

ANNEXES ... 239

(10)

Liste des abréviations, des sigles et des acronymes

• AMO : Ability, Motivation, Opportunity

• BIATSS : personnels de bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniciens, sociaux et de santé

• GRH : gestion des ressources humaines

• GSRH : gestion stratégique des ressources humaines

• KSAOs : connaissances, compétences, aptitudes et autres caractéristiques pour Knowledge, Skills, Abilities and Other Characteristics

• LI : logique institutionnelle

• RBV : théorie basée sur les ressources • RH : ressources humaines

• RHDS : ressources humaines et développement social • TNI : théorie néo-institutionnelle

(11)

Liste des tableaux

Dans un souci d’homogénéisation, la numérotation des tableaux a été conservée tout au long de la thèse, sans remise à zéro entre les chapitres et les sections.

Tableau 1. Représentation synthétique des intérêts de la recherche ... 11

Tableau 2. Champs de la littérature mobilisés dans les trois articles de recherche ... 12

Tableau 3. Esquisse des articles et de leurs principales contributions ... 14

Tableau 4. Comparaison des trois paradigmes de recherche ... 19

Tableau 5. Méthodes de recherche mobilisées dans les trois articles ... 24

Tableau 6. Définitions du capital humain retenues selon les auteurs, niveaux d’analyse et origines disciplinaires ... 46

Tableau 7. Les différences entre l’ancien et le nouvel institutionnalisme ... 68

Tableau 8. Présentation des vingt-cinq cabinets de conseil classés par ordre alphabétique .. 135

Tableau 9. Conceptualisation du capital humain par catégories et codes ... 136

Tableau 10. Classement par ordre décroissant de la fréquence de chaque catégorie par cabinet de conseil ... 138

Tableau 11. Présentation des thèmes identifiés par classe à partir des mots pleins les plus caractéristiques par ordre décroissant de Khi2 ... 159

Tableau 12. Les logiques institutionnelles du capital humain au sein de l’université de Bordeaux ... 163

(12)

Liste des figures

Dans un souci d’homogénéisation, la numérotation des figures a été conservée tout au long de la thèse, sans remise à zéro entre les chapitres et les sections.

Figure 1. Structure de la thèse ... 28

Figure 2. Les différences entre les construits autour du capital humain ... 51

Figure 3. Capital humain et modalités d’emploi ... 58

Figure 4. Les composantes des processus d’institutionnalisation ... 74

Figure 5. Développement du capital humain du personnel BIATSS : des actions de professionnalisation soumises à des pressions institutionnelles ... 188

(13)

Liste des annexes

Annexe 1 : Guide d’entretien des acteurs du pôle RHDS ... 240 Annexe 2 : Guide d’entretien des acteurs de la présidence, direction et fonctions support (autre que le pôle RHDS) ... 243 Annexe 3 : Guide d’entretien des acteurs affectés à des structures de niveau intermédiaire . 245 Annexe 4 : Guide d’entretien des représentants d’organisations syndicales ... 248 Annexe 5 : Liste des répondants ... 250

(14)

Introduction générale

“The outstanding economic records of Japan, Taiwan, and other Asian economies in recent decades dramatically illustrate the importance of human capital to growth. Lacking natural resources - they import almost all their energy, for example - and facing discrimination against their exports by the West, these so-called Asian tigers grew rapidly by relying on a well-trained, educated, hardworking, and conscientious labor force that makes excellent use of modern technologies. China, for example, is progressing rapidly by mainly relying on its abundant, hardworking, and ambitious population”

(Becker, 2008)1

Selon une étude de la Banque Mondiale, en 2000, l’économie française était déjà immatérielle à 86 % et l’évolution était similaire sur les grandes places financières2. Fustec et Marois (2006)

considèrent que l’intégralité de l’avantage concurrentiel d’une entreprise est immatérielle : les différences entre organisations étant de plus en plus rarement liées à la matière. Cette donnée signe le début d’une économie où la réussite des organisations dépend principalement de leur capacité à obtenir et à développer leur capital immatériel. Celui-ci étant constitué du capital humain, relationnel et organisationnel (Bontis, 2001 ; Edvinsson et Malone, 1999 ; Sveiby, 2000). Or, dans toutes les entreprises, les actifs immatériels proviennent avant tout du capital humain (Fustec et Marois, 2006). En ce sens, une étude pilotée par l’Institute for Health

Metrics and Evaluation, organisme statistique de l’université de Washington3 met en évidence

le rôle moteur du capital humain dans la croissance d’un État. Cette recherche, en mesurant le capital humain de chaque pays de 1990 à 2016, met en exergue une corrélation positive entre les investissements en matière d’éducation et de santé et la croissance du produit intérieur brut. Les États aux individus bien formés et en bonne santé sont plus performants et plus à même de s’adapter aux changements. Ces résultats incitent alors les États à investir dans la santé et l’éducation et les organisations à agir en conséquence.

Ces sujets intéressent aussi les sciences de gestion. En effet, de nombreuses recherches se sont développées dans le knowledge management, les compétences organisationnelles,

1 Citation tirée du site The Librairy of Economics and Liberty, https://www.econlib.org/, consulté le 1 août 2019. 2 Donnée issue du rapport de la Banque Mondiale “Where is the Wealth of Nations? Measuring capital for 21st century”, 2006, https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/7505, consulté le 15 février 2018.

3 Organisme financé par la Fondation Bill-et-Melinda-Gates – et étude publiée dans la revue scientifique The

(15)

l’apprentissage organisationnel et, de manière plus globale, les investissements immatériels (Bessieux-Ollier, Lacroix et Walliser, 2006). La gestion du savoir est devenue primordiale pour les organisations (Méreaux, Feige et Mbengue, 2012) : le capital humain étant reconnu essentiel dans l’acquisition d’un avantage concurrentiel et dans la création de valeur (Becker et Gerhart, 1996 ; Takeuchi et al., 2007 ; Wright, McMahan et McWilliams, 1994). Il devient alors fondamental d’avoir recours à des outils permettant de le développer, de le mesurer et de le piloter. Or, il y a encore beaucoup à produire dans ce domaine qu’il s’agisse d’outils, de méthodes de mesure ou de pilotage. La demande est très forte, elle émane des financiers, des gestionnaires des ressources humaines, des contrôleurs, des managers ou encore des actionnaires (Stiglitz, Sen et Fitoussi, 2009).

Le concept du capital humain a été développé pour la première fois par l’économiste américain Schultz qui l’explique en ces termes : « Alors qu’il apparaît évident que les individus

acquièrent des savoir-faire et savoirs utiles, il n’est pas si évident que ces savoir-faire et savoirs constituent une forme de capital et que ce capital soit pour une part substantielle le produit d’un investissement délibéré »4 (Schultz, 1961, p. 2). La théorie du capital humain

(Becker, 1964), développée en continuité des travaux de Schultz, fonctionne par analogie avec les termes de capital financier ou physique. En effet, Becker parle de capital humain lorsqu’il s’agit des compétences, expériences et savoirs qui résultent d’un investissement et qui sont source d’un revenu grâce à l’augmentation de la productivité des individus. Ainsi, il peut s’acquérir par l’éducation et la formation, se préserver et se développer par des formations continues et/ou par l’attention portée à la santé des individus. Dans la mesure où la théorie du capital humain se rattache aux compétences, à leur management et donc à la performance de l’organisation, elle se rapproche de la théorie des ressources (Resource based view theory ou RBV) et de l’approche configurationnelle. La théorie des ressources considère qu’il est nécessaire d’utiliser les ressources immatérielles comme levier de la performance à travers la création et le maintien de l’avantage concurrentiel (Prévot, Brulhart et Guieu, 2010). Elle a été stimulée par la théorie des ressources internes de Prahalad et Hamel (1990) pour qui les personnels et leur gestion sont source d’avantage stratégique. De plus, la théorie du capital humain s’accorde avec la conception configurationnelle de Pfeffer (1995) qui a pour objet de mesurer les effets des pratiques ressources humaines (RH) sur la performance économique.

4 Traduction réalisée par nos soins de : “Although it is obvious that people acquire useful skills and knowledge, it

is not obvious that these skills and knowledge are a form of capital, that this capital is in substantial part a product of deliberate investment” (Schultz, 1961, p. 2).

(16)

Le capital humain correspond à « l’agrégation des éléments immatériels incorporés par les

individus – les connaissances, les aptitudes, l’expérience, la créativité…- si cette agrégation résulte d’une stratégie et produit des performances » (Cappelletti, 2012, p. 73). Il peut

également être défini comme l’activation stratégique du potentiel humain (Cappelletti, 2012). Selon la définition de l’OCDE5, le capital humain recouvre « les connaissances, les

qualifications, les compétences et les autres qualités d’un individu qui favorisent le bien-être personnel, social et économique » (Keeley, 2007, p. 30). Pour Davenport (1999, p. 38), il se

définit comme « les connaissances, compétences, expériences ainsi que les motivations et

attitudes des salariés d’une organisation ». Il peut aussi être analysé comme un ensemble de

KSAOs6 : connaissances, compétences, aptitudes et autres caractéristiques (Coff et

Kryscynski, 2011 ; Crook et al., 2011 ; Nyberg et al., 2014 ; Ployhart et al., 2014). En gestion stratégique des ressources humaines (GSRH), et d’après la RBV, le capital humain est selon le choix de stratégie globale, l’une des « ressources clés » pour la création de valeur de l’entreprise (Becker et Gerhart, 1996 ; Takeuchi et al., 2007 ; Wright et al., 2001 ; Wright et McMahan, 1992). Ainsi, le management des ressources humaines traite les individus comme une ressource organisationnelle impliquant une offre disponible associée à un coût. En revanche, le management du capital humain considère les individus comme des investisseurs de leur propre capital humain constituant la principale création de valeur de l’organisation (Ingham, 2007).

Compte tenu du rôle central de la performance durable, la recherche sur le capital humain s’est réactivée (Cappelletti, 2010). Levy et Jouyet présentent en 2006 un rapport intitulé L’Économie

de l’immatériel, la croissance de demain7 et affirment que « puisque le capital humain constitue

la première richesse […] des entreprises […], encourager le renforcement et l’accumulation de ce capital est un enjeu majeur pour nos sociétés et nos économies » (Lévy et Jouyet, 2006,

p. 133). Pour autant, les questions restent encore nombreuses en ce qui concerne le capital humain et les connaissances développées ne sont pas encore stabilisées (Bouteiller et al., 2013). Sa conceptualisation semble être complexe. En effet, la littérature propose des représentations différentes du capital humain (Guillard et Roussel, 2010). La définition de ce concept ne faisant pas consensus, son opérationnalisation se révèle être difficile (Trébucq, 2006, 2011). De plus,

5 OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques. 6 KSAOs pour Knowledge, Skills, Abilities and Other Characteristics.

7 Rapport de la commission de l’économie de l’immatériel, L’Économie de l’immatériel, la croissance de demain, 2006, https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/064000880.pdf, consulté le 20 mars 2018.

(17)

les niveaux d’analyse sont également variés, Campbell, Coff et Kryscynski (2012) utilisent le terme « capital humain » comme un investissement du personnel qui va permettre d’apporter une certaine valeur à l'unité. Néanmoins, pour Ployhart et Moliterno (2011), le capital humain est une ressource au niveau de l'unité issue des connaissances, des compétences, des aptitudes et des autres caractéristiques (KSAOs) de chaque personnel. Plus généralement, une étude de Nyberg et al. (2014) révèle que les chercheurs ne font pas consensus s’agissant de la conceptualisation et de l’opérationnalisation des ressources en capital humain.

À travers le capital humain, on considère que le personnel d’une organisation est doté d’un certain nombre de ressources (savoirs, habilités, compétences, etc.) et c’est bien l’ensemble de ces ressources qui compose le capital humain. Sa gestion est nécessaire puisqu’elle contribue à augmenter sa valeur, mais également celle de l’organisation. Se pose donc la question des investissements réalisés en ce sens.

1. Intérêts de la recherche et champs de la littérature

Le capital humain est comme nous avons pu le mentionner un concept largement utilisé, mais dont la définition ne semble pas faire consensus. C’est pourquoi, afin de tenter de combler certaines lacunes, cette thèse étudie la perception qu’ont les acteurs du capital humain. L’objectif est alors d’en fournir une meilleure compréhension à l’aide de trois articles qui abordent des dimensions différentes à partir d’un cadre théorique commun.

Étudier la perception des acteurs à travers leurs représentations

La représentation sociale trouve son origine dans la représentation collective. Cette dernière a été développée par Émile Durkheim dès la fin du 19e siècle pour mettre évidence la contrainte qu’elle exerce sur les individus. En effet, elle s’impose aux individus et va par conséquent agir sur leurs pensées et leurs actions à travers l’existence de règles sociales, morales et juridiques. Puis, plus tard, avec Moscovici (1961) les représentations prennent un caractère social. Ainsi, au lieu de représentation collective, le terme de représentation sociale apparaît. Avec cette évolution, la diversité des individus est prise en compte au sein des organisations. Les représentations sont collectivement créées et partagées (Moscovici, 1961) mais peuvent être différentes selon les groupes sociaux analysés. Jodelet (2003) ajoute l’idée de création des représentations à travers la communication et l’échange. Elles se développent et se manifestent,

(18)

dans et par les interactions des individus. Cette perspective se rapproche des travaux de Weick (1979) selon lesquels la réalité est créée à partir du sens attribué par les acteurs. En effet, les représentations sociales sont des « formes de connaissances socialement élaborées et

partagées ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social » (Jodelet, 2003, p. 53). Également désignée comme « savoir de sens

commun » ou encore « savoir naïf », « naturel », cette forme de connaissance est distinguée, entre autres, de la connaissance scientifique (Jodelet, 2003). Les représentations sociales ont dans un premier temps fait l’objet d’études en psychologie sociale (Moscovici, 2003) et se sont progressivement introduites en sciences de gestion (Albouy et Dosquet, 2013 ; Dreveton, Lande et Portal, 2012 ; Dreveton, 2009, 2011, 2014 ; Fray et Soparnot, 2000 ; Hamiot et Merle, 2017). Elles sont donc le résultat du système de pensée par lequel un acteur se rapporte à un objet qui peut être une personne, une chose, un événement matériel, psychique ou social, une idée, une théorie, etc. (Jodelet, 2003). Elles sont « la représentation de quelque chose (l’objet) et de

quelqu’un (le sujet) » (Jodelet, 2003, p. 59).

Nous allons donc dans le cadre de cette thèse nous intéresser à la représentation du capital humain. En effet, si le capital humain est un objet social, son analyse permet de mettre en évidence des conceptions différentes. Selon Moscovici (1961), trois conditions sont nécessaires à l’existence d’un objet social, d’une part il doit être complexe et donc difficile à appréhender : ce qui est le cas du capital humain dont les contours sont obscurs. D’autre part, il doit susciter l’attention des acteurs. Le capital humain a en effet récemment été introduit dans les organisations et d’autant plus dans le secteur public. Enfin, l’objet social du fait des difficultés à le circonscrire doit faire l’objet de discours, d’actes imparfaits, d’appropriations différentes selon les organisations. Moliner (1993) ajoute une quatrième condition en lien avec l’existence d’un groupe, d’un enjeu, d’une dynamique sociale et de l’absence d’instance de régulation. Ici, nous supposons que les groupes au sein des organisations ont des enjeux divers, et s’approprient la notion en vue de répondre aux objectifs de l’organisation. Au regard de ces différentes conditions, le capital humain semble être un objet social et l’étude des représentations de ce concept est pertinente.

(19)

Mobiliser la théorie néo-institutionnelle pour tenir compte du contexte institutionnel et des croyances des acteurs

Afin de s’intéresser aux représentations du capital humain, notre recherche s’intègre dans la théorie néo-institutionnelle (TNI) initiée par les travaux de Meyer et Rowan (1977) et DiMaggio et Powell (1983). Selon les institutionnalistes, les institutions jouent un rôle important dans les économies modernes. L’institution est un « terme polysémique qui désigne

des structures organisées ayant pour fonction de maintenir un état social »

(Tournay, 2011, p. 3). La TNI représente un courant de recherche important en sciences de gestion et considère les organisations encastrées dans un contexte social (Granovetter, 1985 ; Suchman, 1995), interconnectées (Powell et DiMaggio, 1991 ; Tolbert et Zucker, 1996) et socialement construites par leur environnement institutionnel (Berger et al., 1996 ; Hasselbladh et Kallinikos, 2000). Les organisations sont soumises à différents types de pressions institutionnelles ou isomorphismes - coercitif, normatif ou mimétique – qui conduisent à leur homogénéisation. Dans un souci de légitimité, elles adoptent alors des pratiques socialement acceptées par tous. La légitimité prend de ce fait le dessus sur l’efficacité. Cette théorie dépasse donc l’idée de rationalité et de la seule quête de l’efficacité en incluant les croyances, les normes ou encore les règles socialement construites et met en évidence l’action des constructions sociales sur le comportement des organisations (DiMaggio et Powell, 1983). En ce sens, la mobilisation de ce cadre théorique semble être pertinente au regard de l’influence de l’environnement sur les pratiques de l’organisation et de l’intérêt porté aux représentations des acteurs. Nous allons donc analyser ces pressions externes, mais aussi utiliser ce cadre pour comprendre le rôle des croyances dans la représentation du capital humain.

1.2.1. L’usage du concept de capital humain

Au regard de l’intérêt porté par la société pour le capital humain, notre première interrogation relève de la manière dont le capital humain est utilisé par les organisations. Pour ce faire, nous mobilisons la théorie des modes managériales qui se situe dans la lignée de la TNI puisqu’elle reconnaît que des facteurs tels que les règles institutionnelles, le mimétisme ou la quête de légitimité expliquent la diffusion des pratiques de gestion. Elle étudie néanmoins ce phénomène sous l’angle de la sociologie des modes en envisageant l’adoption de la mode comme une forme de subordination aux normes sociales (Zerbib, 2011). La mode managériale est définie comme une « croyance collective relativement transitoire […] qu’une technique de gestion conduit à

(20)

un progrès rationnel dans la conduite des affaires »8 (Abrahamson, 1996, p. 257). Différents

acteurs participent au développement des modes (Abrahamson, 1991, 1996). Nous nous intéressons ici aux consultants qui mobilisent les concepts considérés comme « dans l’air du temps » pour pouvoir proposer une offre de service. Selon Greiner et Metzger (1983), le conseil de gestion est un service consultatif contracté et fourni à des organisations par des personnes spécialement formées et qualifiées, qui aident d'une manière objective et indépendante l'organisation cliente pour identifier et analyser les problèmes de gestion, recommander des solutions et aider dans leur mise en œuvre. Les organisations clientes - désireuses d’accroître leur performance - sont avides de prestations de services qui leur permettent de développer leur capital humain. Pour autant, peu de travaux s’intéressent à la manière dont ils mobilisent un concept qu’ils adaptent au regard de leur besoin. La théorie des modes managériales justifie l’utilisation de ce concept par effet de mimétisme (Midler, 1986). L’objectif est alors d’étudier les consultants et la manière dont ils manient le capital humain dans une logique de marché au regard de ses marges interprétatives. Celles-ci sont liées à sa difficile conceptualisation qui permet de l’adapter selon les besoins (Chakor, 2013). Le premier article s’interroge donc sur l’utilisation, autrement dit, sur l’usage rhétorique de ce concept qui peut être considéré comme une mode managériale.

1.2.2. La représentation du capital humain

Afin de nous intéresser plus précisément au concept du capital humain et à sa représentation au sein d’une organisation, nous faisons le choix d’étudier le cas d’une université française. L’enseignement supérieur et la recherche sont aujourd’hui confrontés à de nombreux défis. En effet, l’augmentation des effectifs étudiants, les nouvelles formes de pédagogie ou encore la compétition internationale de plus en plus accrue, obligent ces établissements à évoluer. Les universités doivent alors assurer leurs différentes missions tout en répondant aux enjeux d’excellence dans l’enseignement et la recherche. Historiquement, le management public du personnel était fortement axé sur l’administration et la mise en place des politiques publiques. Une perspective orientée vers le capital humain suggère aujourd’hui que l’organisation conçoit son personnel comme un atout précieux (Selden, 2008). En ce sens, les réformes que connaissent les universités s’inspirent de la logique du nouveau management public. Cette dernière considère que la bureaucratie wébérienne est inefficace et, qu’il est nécessaire de

8 Traduction réalisée par nos soins de : “is a relatively transitory collective belief […] that a management technique

(21)

mettre en place des pratiques de gestion issues du secteur privé afin de gagner en performance et en visibilité sur le territoire national et international. Ces différentes réformes représentent une forme de « managérialisation » de la gestion publique (Emery et Martin, 2010). Il est alors important de considérer le capital humain comme un actif à long terme à construire et à valoriser, plutôt que comme un ensemble d’individus interchangeables seulement entourés d’incitations. Pour ce faire, une réflexion allant au-delà de la gestion de la masse salariale doit être portée. La Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal écrit en s’adressant aux présidents des universités : « L'évolution de votre

masse salariale fera l'objet d'une attention particulière afin de pouvoir faire le constat partagé des mesures structurelles permettant sa maîtrise et, si nécessaire, identifier l'accompagnement spécifique que le ministère pourrait être amené à proposer dans un contexte où le financement systématique du glissement vieillesse technicité (GVT) ne sera plus assuré »9. En effet, le

gouvernement désire faire évoluer le mécanisme actuel de répartition des moyens en tenant compte de critères de performance et d’indicateurs de réussite10. Pour autant, face à des

ressources insuffisantes et une attention focalisée sur la maîtrise de la masse salariale, « les

universités se retrouvent en difficultés pour pouvoir se hisser au niveau mondial »11. Nous nous

intéressons alors au capital humain dans ce contexte particulier. Cette attention est d’autant plus pertinente que peu de travaux ont été réalisés sur le capital humain au sein des organisations publiques françaises hormis ceux de Trébucq (2015b), Simon et al. (2015), Kustosz (2015) ou encore Goujon-Belghit, Gilson et Bourgain (2015). De façon générale, pendant longtemps, peu d’études ont concerné l’université en raison de ses spécificités, de sa complexité, mais aussi des défis épistémologiques et méthodologiques inhérents au fait d’être à la fois acteur et chercheur (Bartoli, 2002). L’université de Bordeaux est d’ailleurs demandeuse et ouverte à ce type de travaux questionnant les représentations et les pratiques de développement du capital humain. C’est pourquoi nous avons pu intégrer le pôle Ressources Humaines et Développement Social (RHDS) dans le cadre de notre recherche. Considérant que le capital humain est une question de représentation voire de convention (Guillard et Roussel, 2010), ce deuxième article

9 Article Les Echos, « Le gouvernement met les universités sous pression financière », 16/10/19, https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/le-gouvernement-met-les-universites-sous-pression-financiere-1140569, consulté le 20 décembre 2019.

10 Rapport conjoint de l'Inspection Générale des Finances (IGF) et de l'Inspection générale de l'administration de

l'Éducation nationale et de la Recherche (IGAENR) évoqué dans l’article Les Echos, « Les universités sommées de mieux gérer leurs effectifs », 18/09/19, https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/les-universites-sommees-de-mieux-gerer-leurs-effectifs-1132656, consulté le 20 décembre 2019.

11 Article Les Echos, « Le gouvernement met les universités sous pression financière », 16/10/19, https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/le-gouvernement-met-les-universites-sous-pression-financiere-1140569, consulté le 20 décembre 2019.

(22)

s’intéresse aux perceptions des acteurs. Il permettra donc de compléter les travaux de recherche en analysant la manière dont le capital humain est appréhendé dans une université qui fait face à de nombreux bouleversements. La représentation du capital humain dans ce type de structure est confrontée à des particularités. L’université est constituée de deux groupes professionnels traditionnellement opposés qui sont les enseignants-chercheurs et les administratifs (Boitier et Rivière, 2016). Elle opère donc dans des sphères institutionnelles nombreuses, chacune ayant ses propres identités et ordres de valeurs qui influencent ses représentations. Thornton et Ocasio (1999, p. 804) définissent les logiques institutionnelles (LI) comme « des pratiques

matérielles, des suppositions, des valeurs, des croyances, des règles qui sont socialement construites et modelées par l’histoire et qui permettent aux individus de vivre, organiser le temps et l’espace et donner du sens à la réalité sociale »12. Ils soulignent alors que les

institutions sont porteuses de symboles et de normes et vont agir sur les acteurs de l’organisation. Chaque acteur porte une logique spécifique au regard de sa profession et de ses identités organisationnelles (Château-Terrisse, 2015). La littérature précise néanmoins qu’un acteur peut se rattacher à plusieurs logiques (McPherson et Sauder, 2013). L’université est donc confrontée à de multiples LI qui vont structurer la décision et les pratiques (Thornton et Ocasio, 1999). La perspective des logiques institutionnelles (Alford et Friedland, 1985) rend à l’acteur des marges de manœuvre et permet de nuancer le déterminisme originel de la TNI. La mobilisation de cette approche semble alors pertinente dans ce contexte de pluralisme institutionnel (Kraatz et Block, 2008). La présence de logiques diverses et variées au sein de l’université en fait un terrain d’étude opportun (Moll et Hoque, 2011 ; Townley, 1997). La plupart des spécialistes institutionnels reconnaissent la coexistence de plusieurs logiques (Scott, 2013 ; Thornton et Ocasio, 2008). Pour autant, ils n’ont jusqu’à présent accordé que peu d’attention directe aux situations dans lesquelles des professionnels sont affectés par la coexistence de plusieurs logiques. Upton et Warshaw (2017) considèrent que les universités sont des organisations hétérogènes dont les logiques peuvent ne pas être entièrement connues. Nous allons alors nous intéresser à la représentation du capital humain au regard des logiques institutionnelles sous-jacentes. Si la question des représentations a fait l’objet de travaux dans le domaine du contrôle de gestion dans un contexte universitaire (Boitier et Rivière, 2016 ; Bollecker, 2016 ; Chatelain-Ponroy et al., 2013), peu d’études ont été réalisées en gestion des ressources humaines (GRH). Les divergences existent entre les groupes professionnels, mais

12 Traduction réalisée par nos soins de : “material practices, assumptions, values, beliefs, and rules by which

individuals produce and reproduce their material subsistence, organize time and space, and provide meaning to their social realty” (Thornton et Ocasio, 1999, p. 804).

(23)

cette question reste « encore peu étudiée au sein de la communauté universitaire » (Chatelain-Ponroy et al., 2013, p. 515). Nous allons alors combler cette lacune à travers le concept de capital humain, richesse essentielle pour l’université qui doit s’éloigner d’une vision administrative de la fonction RH pour considérer son personnel comme un actif immatériel. Ainsi, ce deuxième travail permettra de s’interroger sur la représentation du capital humain au regard des logiques institutionnelles en présence.

1.2.3. Les pratiques de développement du capital humain

De plus, face à la difficulté de définir le capital humain, il semble pertinent d’étudier les pratiques qui le développent dans ce contexte universitaire. En effet, la littérature s’intéresse aux différentes pratiques RH et à leurs rôles dans le développement du capital humain et la performance de l’organisation. L’université, au-delà des nombreux changements qu’elle affronte, est soumise à de multiples contraintes. Il s’agit alors, dans ce troisième article, d’étudier les pressions externes qui peuvent influencer les pratiques de développement du capital humain. La TNI est largement utilisée pour l’analyse de l'adoption et de la diffusion de formes et de pratiques organisationnelles. Elle considère que les organisations sont sous influence sociale et sous-pression dans l’intégration des pratiques jugées comme adaptées à la situation (DiMaggio et Powell, 1983 ; Scott, 2013). L’étude des pratiques RH est d’autant plus pertinente que la littérature dans le secteur privé souligne le lien qui existe entre leur mise en place et la performance organisationnelle (Bowen et Ostroff, 2004 ; Delaney et Huselid, 1996 ; Delery et Doty, 1996 ; Lawler et Boudreau, 2009 ; Ulrich, Brockbank et Johnson, 2009 ; Wright et al., 1999). En revanche, ce n’est que récemment que les dirigeants et gestionnaires des organisations publiques reconnaissent le rôle que la GRH peut jouer dans l’orientation stratégique et la performance de l’organisation publique (Daley, 2002 ; Jacobson, Sowa et Lambright, 2014 ; Jacobson et Sowa, 2015 ; Selden, 2008). Les études sur le personnel à l’université se sont principalement concentrées sur les universitaires avec une négligence relative pour les autres groupes professionnels (Allen-Collinson, 2009 ; Graham, 2012 ; Morris, 2003 ; Whitchurch, 2006). La recherche sur les personnels administratifs des universités est peu développée (Conway, 2000 ; Mcinnis, 1998). De manière plus générale, peu de recherches ont concerné le personnel de soutien ou support (Morris, 2003 ; Whitchurch, 2006). Ici, notre étude se focalise sur la population de bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniciens, sociaux et de santé (BIATSS) qui a fait l’objet de peu de travaux dans la littérature française (Juban et Bartoli, 2013 ; Pierronnet, 2018). Pour autant, ces

(24)

personnels jouent un rôle essentiel au bon fonctionnement de l’université (Gornitzka et Larsen, 2004) et doivent se professionnaliser face aux nombreuses évolutions, notamment règlementaires, présentes dans ce contexte. Ce troisième article s’intéresse alors à la manière dont les pressions institutionnelles influencent les pratiques de développement du capital humain du personnel BIATSS. Cette population est guidée par un enjeu de professionnalisation dont la finalité est la reconnaissance de sa légitimité (Powell et DiMaggio, 1991). Pour ce faire, nous analysons le discours de répondants, nos résultats émergent donc principalement de la représentation qu’ont les acteurs des pratiques permettant de développer le capital humain du personnel BIATSS.

Tableau 1. Représentation synthétique des intérêts de la recherche

Fournir une meilleure compréhension du capital humain

Article 1. Utilisation du concept Article 2. Représentation du capital humain Article 3. Développement du capital humain

Diffuseur des modes managériales : cabinets de

conseil

Université de Bordeaux

Peu de travaux sur les consultants et l’usage qu’ils font d’un concept considéré

comme « dans l’air du temps »

Les LI correspondent à la perception des acteurs : étude des LI sous-jacentes à

la représentation du capital humain

Étude des pratiques de développement du capital

humain dans un contexte soumis à des pressions

(25)

2. Problématique de la recherche

L’objectif de ce travail est d’étudier le capital humain, d’une part sous l’angle de son usage par les consultants, car considéré comme « dans l’air du temps », et d’autre part à travers la manière dont il est représenté, mais aussi développé au sein d’une université.

La problématique globale vise à mieux comprendre le capital humain en mobilisant un cadre théorique néo-institutionnel.

Pour répondre à cette problématique, les questions suivantes ont été formulées et font l’objet de nos trois articles :

Article 1 :

Comment les consultants font-ils un usage rhétorique du capital humain dans la présentation de leur offre de service sur leur site Internet ?

Article 2 :

Quelles sont les logiques institutionnelles sous-jacentes à la représentation du capital humain ?

Article 3 :

Comment les pressions institutionnelles contribuent-elles au développement du capital humain du personnel BIATSS et donc à sa légitimité ?

Pour répondre à ces trois questions, notre travail de recherche mobilisera la théorie néo-institutionnelle sous des approches différentes.

Tableau 2. Champs de la littérature mobilisés dans les trois articles de recherche

Champs de la littérature Article 1 les modes managériales

Article 2 les logiques institutionnelles

(26)

3. Principales contributions de la recherche

Ce travail présente des intérêts théoriques, mais aussi managériaux.

D’un point de vue théorique, nous proposons une démonstration empirique de l’usage rhétorique du capital humain par les consultants en vue de fournir des services variés, susceptibles d’attirer des clients. En effet, le concept de capital humain, considéré comme étant « dans l’air du temps », est mobilisé par de nombreux consultants, mais de manière différente au regard de leurs besoins. Aussi, dans le deuxième article nous définissons quatre représentations du capital humain (administration, valorisation, climat social et attractivité) au sein de l’université de Bordeaux en mettant en exergue les logiques institutionnelles sous-jacentes. Ainsi, au-delà des logiques académique, politique, gestionnaire et bureaucratique (Boitier et Rivière, 2016), révélatrices des dimensions les plus importantes du contexte universitaire, nous observons une logique de bien-être et insistons sur la prédominance de la recherche scientifique dans la logique académique. Certains acteurs peuvent aussi être associés à différentes logiques, notamment les directeurs. Enfin, en nous intéressant à la représentation des actions qui permettent de développer le capital humain, nous mettons en évidence le poids prépondérant du contexte institutionnel. Le développement du capital humain du personnel BIATSS doit alors conduire à sa professionnalisation fortement influencée par les pressions institutionnelles.

D’un point de vue managérial, nous soulignons que des concepts considérés comme des modes, peuvent être mobilisés dans un seul souci commercial par des cabinets de conseil. Au sein de l’université, nous montrons que l’existence de diverses logiques pose la question de leur complémentarité. En effet, pour l’atteinte des objectifs définis par l’université, une représentation homogène du capital humain semble nécessaire. Celle-ci n’a pu être mise en évidence en raison de la présence de groupes professionnels qui s’associent à des logiques institutionnelles différentes. En ce sens, le manager a un rôle essentiel à jouer. Aussi, nous mettons en exergue l’enjeu de professionnalisation qui guide le développement du capital humain du personnel BIATSS dans un contexte en constante évolution. De plus, nos résultats montrent comment les pressions institutionnelles influencent les différentes actions de développement du capital humain du personnel BIATSS mises en place à l’université. Elles doivent ainsi permettre de professionnaliser ces acteurs et contribuer à leur légitimité dans un contexte au sein duquel les académiciens occupent encore une position importante.

Le Tableau 3 propose une vision synthétique des trois articles constitutifs de cette thèse et de leurs principales contributions.

(27)

Tableau 3. Esquisse des articles et de leurs principales contributions

Articles Description Principaux résultats Contributions de la recherche

Article 1. L’usage

rhétorique de la notion de capital humain par les consultants

Cet article traite de la manière dont le capital humain est présenté par les consultants sur leur site Internet. Une recherche qualitative est réalisée à travers une analyse de contenu de la présentation de l’offre de service relative au capital humain proposée par vingt-cinq cabinets de conseil.

- Traduction du capital humain en une offre de service commercialisable. - Hétérogénéité du contenu associé au

capital humain en fonction de l’offre. - Conceptualisation du capital humain à

partir de sept catégories : l’expertise, le poste de travail, les agilités intellectuelles, les attitudes et comportements, l’organisation, la qualité de vie et l’investissement.

- Capital humain présenté de manière simplifiée, les consultants parviennent à rassurer les clients et gagnent alors en légitimité.

- Usage rhétorique du capital humain par les consultants en vue de proposer des services variés susceptibles d’attirer des clients. - Mobilisation du concept de capital

humain de manière différente par les consultants au regard de leurs besoins.

- Interrogation sur la validité scientifique du lien de certaines offres de services proposées par les consultants et les concepts managériaux évoqués.

- Nécessité d’analyser les services proposés par les consultants avant de conclure tout contrat de conseil.

(28)

Articles Description Principaux résultats Contributions de la recherche Article 2. Les logiques institutionnelles au sein d’une université française à travers la représentation du concept de capital humain dans un contexte post-fusion

L’université est une organisation complexe dans laquelle coexistent différentes logiques institutionnelles qui organisent la connaissance et guident la prise de décision des acteurs.

Cet article a pour objectif, à partir d’une méthode qualitative et d’une perspective basée sur les logiques institutionnelles, de mettre en évidence la représentation du capital humain, et les différences qui peuvent exister selon les acteurs au sein d’une université française dans un contexte post-fusion.

- Existence de quatre représentations du capital humain : l’administration, la valorisation, le climat social et l’attractivité du personnel enseignants-chercheurs et enseignants-chercheurs.

- Représentations qui varient selon les répondants et sont porteuses de

logiques institutionnelles particulières : bureaucratique, gestionnaire, bien-être et académique.

- Observation d’une logique de bien-être et prédominance de la recherche scientifique dans la logique académique.

- Certains acteurs peuvent être associés à différentes logiques, notamment les directeurs.

- La logique bureaucratique se détache des trois autres.

- Rôle à jouer des managers dans la conciliation des logiques.

(29)

Articles Description Principaux résultats Contributions de la recherche Article 3. Le développement du capital humain du personnel BIATSS dans un contexte de fortes pressions institutionnelles

Le personnel BIATSS occupe un rôle essentiel au sein des universités pour autant il reste peu étudié dans la littérature bien qu’il soit directement affecté par les nombreuses évolutions de ces établissements.

À partir d’une recherche qualitative basée principalement sur quarante-trois entretiens semi-directifs, nous nous intéressons au développement du capital humain de cette population.

En mobilisant un cadre théorique néo-institutionnel, nous mettons en évidence comment les pressions institutionnelles guident la professionnalisation du personnel en vue d’assurer sa légitimité au sein de l’université.

- Présentation des actions de développement du capital humain du personnel BIATSS en vue de sa professionnalisation.

- Mise en évidence de l’influence du contexte institutionnel au regard des trois types d’isomorphisme (DiMaggio et Powell, 1991).

- Mise en exergue des moyens par lesquels le personnel BIATSS tente de légitimer ses pratiques (DiMaggio et Powell, 1991).

- Contribution théorique à la recherche sur le personnel BIATSS qui a fait l’objet de peu de travaux dans la littérature française.

- Nécessité de professionnaliser et de développer l’expertise du personnel BIATSS confronté à de nombreuses évolutions.

- Mise en évidence des pratiques de professionnalisation du personnel et des pressions institutionnelles auxquelles elles sont confrontées.

(30)

4. Choix épistémologique : l’interprétativisme

Dans toute démarche de recherche, les choix épistémologiques doivent être précisés afin de pouvoir situer la position du chercheur vis-à-vis de son objet de recherche (Perret et Girod-Séville, 2002). Selon Piaget (1967, p. 6), l’épistémologie est « l’étude de la constitution des

connaissances valables ». Le chercheur doit s’intégrer dans un paradigme de recherche au

regard de la nature qu’il accorde à la réalité, de sa relation avec l’objet de recherche, mais également en fonction du projet de connaissance (Giordano, 2003). Expliciter la posture épistémologique correspond alors pour un chercheur à « préciser les hypothèses fondamentales

sur lesquelles se fonde le processus d’élaboration et de justification des connaissances dans le projet considéré. Parmi celles-ci les hypothèses gnoséologiques concernent l’origine et la nature de la connaissance » (Avenier, 2011, p. 41). De ce fait, à défaut de pouvoir être

exhaustive sur cette question, Le Moigne (1995a) soulignait d’ailleurs le flou existant entre les limites des différentes épistémologies, nous proposons ici de mettre en évidence les trois paradigmes de recherche les plus fréquemment rencontrés : le positivisme, l’interprétativisme et enfin le constructivisme (Giordano, 2003).

Dans le paradigme de recherche positiviste, la réalité existe et est extérieure au chercheur. Ainsi, l’observation de l’objet extérieur par le chercheur ne modifie pas cet objet : c’est le principe d’objectivité (Perret et Girod-Séville, 2007). Le chercheur positiviste considère que « la réalité

a ses propres lois, immuables et quasi-invariables, c’est un univers câblé » (Perret et

Girod-Séville, 2007, p. 18). La connaissance produite est alors acontextuelle et objective puisqu’elle est non seulement indépendante du contexte étudié mais également extérieure à l’individu (Perret et Girod-Séville, 2007). Dans ce paradigme, la démarche la plus utilisée est hypothético-déductive considérant que la connaissance progresse par « conjectures et réfutations » et non pas par « vérifications » d’observations (Giordano, 2003). Ainsi, l’observateur est un sujet observant un réel « donné » indépendant de lui et, l’objet de la recherche est une essence, une entité donnée à découvrir (Giordano, 2003).

Dans le paradigme interprétativiste, le chercheur considère qu’il n’existe pas de connaissance objective de la réalité, elle est au contraire perçue de manière située et historique (Giordano, 2003). Tout sujet est interprétant au regard de son expérience du monde. Le chercheur va donc tenter de « comprendre le sens ordinaire que les acteurs attribuent à la

(31)

elle émane des acteurs mais également du chercheur. Le chercheur fait partie intégrante de la réalité qu’il étudie et ne peut se positionner à l’extérieur (de La Ville, 2000). Il est un acteur situé et engagé (Denzin et Lincoln, 2008). Ainsi, l’interprétation qui émane des acteurs et du chercheur est inévitable (Huberman et Miles, 2003). L’interprétativisme répond à l’objectif de recherche qui a vocation à s’intéresser aux individus, à leurs points de vue, à leurs modes de pensée et d’action tout en tenant compte du rôle du contexte organisationnel. Dans ce paradigme, on « considère ainsi les faits sociaux dans leur double réalité objective et subjective

en les envisageant comme des produits à la fois des structures sociales et des acteurs » (Emery

et Martin, 2008, p. 563).

Dans le paradigme constructiviste, la réalité est une construction active du sujet (Glasersfeld Von, 1988) du fait de son expérience quotidienne qu’il partage avec autrui. Le sujet est placé au cœur du processus de recherche. Le chercheur construit donc son propre objet de connaissance à la différence du positivisme dans lequel la réalité est perçue comme étant une donnée. Ainsi, la pensée humaine est une construction progressive de l’individu du fait des multiples contacts avec le monde (Piaget, 1967). La connaissance produite est alors subjective et contextuelle. Le chercheur utilise sa subjectivité pour participer à la construction d’une réalité unique (Charmaz, 2008). L’implication en tant que chercheur est importante en raison de l’interaction avec l’objet de recherche. L’objet de recherche se construit donc au fur et à mesure des observations empiriques. Ainsi, est « donc qualifiable de constructiviste, une posture dans

laquelle sujet et « objet » co-construisent mutuellement un projet de recherche : l’interaction est alors mutuellement transformative » (Giordano, 2003, p. 23). Dans une approche

constructiviste, le chercheur fait partie intégrante du processus méthodologique de création sociale et donc de la réalité (Dachler, 1997). Cette posture considère la réalité comme une construction de sujet connaissant expérimentant le monde. Ici, le chercheur et les acteurs co-construisent le projet (Giordano, 2003).

(32)

Tableau 4. Comparaison des trois paradigmes de recherche

Positivisme Interprétativisme Constructivisme Nature de la

réalité (ontologie)

La réalité est une donnée objective indépendante des sujets qui l’observent La réalité est perçue/interprétée

par des sujets connaissants

La réalité est une construction de sujets connaissants qui

expérimentent le monde et une co-construction de sujets en interaction Relation chercheur/objet de la recherche (épistémologie) Indépendance : le chercheur n’agit pas

sur la réalité observée

Empathie : le chercheur interprète

ce que les acteurs disent ou font qui,

eux-mêmes, interprètent l’objet de recherche Interaction : le chercheur co-construit des interprétations et/ou des projets avec

les acteurs Projet de connaissance Processus de construction des connaissances Décrire, expliquer, confirmer Fondé sur la découverte de régularités et de causalités Comprendre Fondé sur la compréhension empathique des représentations d’acteurs Construire Fondé sur la conception d’un phénomène/projet Source : Giordano (2003)

Ainsi, nous nous intégrons dans un courant interprétatif dans la mesure où nous portons un intérêt à la représentation des acteurs du capital humain dans un contexte spécifique. Il ne s’agit donc pas d’un projet fondé sur la découverte de régularités et de causalités (positivisme) ni de co-construction (constructivisme) mais de compréhension à partir des représentations d’acteurs. En effet, dans le paradigme interprétativiste le chercheur considère qu’il n’existe pas de connaissance objective de la réalité. Elle est au contraire perçue de manière située et historique (Giordano, 2003). Ici, on estime que tout sujet est interprétant au regard de son expérience du monde. L’interprétativisme répond à l’objectif de recherche qui a vocation à s’intéresser aux individus, à leurs points de vue, à leurs modes de pensée et d’action tout en prenant en compte le rôle du contexte organisationnel. L’objectif n’est pas d’expliquer une réalité en soi, mais de comprendre une réalité ou un fait social à travers l’interprétation qu’en ont les acteurs.

(33)

5. Mode de raisonnement de la recherche : l’abduction

Dans le cadre de ces travaux de recherche, notre démarche est abductive en raison de la présence d’une boucle itérative constituée des phases inductives et déductives et donc des va-et-vient entre le terrain et les recherches bibliographiques. L’objectif n’est pas de tester des lois existantes, mais plutôt de mettre en évidence des éléments nouveaux issus du terrain qui peuvent être inclus dans les études déjà existantes. L’abduction le permet puisqu’elle consiste à tirer des conjectures à partir de l’observation pour ensuite les tester et les discuter (Koenig, 1993). Ainsi, dans une démarche abductive, le chercheur « va constamment mêler les

caractéristiques de son cas, celles d'autres situations comparables, ainsi que différentes constructions théoriques, faisant ainsi progressivement émerger de multiples raisonnements heuristiques » (de La Ville, 2000, p. 80). L’abduction permet d’ajuster de manière permanente

la recherche et le rapprochement de la théorie et des éléments empiriques en intégrant des résultats non présents dans la théorie, mais ayant émergés du terrain. Il s’agit donc d’effectuer des allers-retours entre la théorie et les faits. La démarche consiste alors à rester ouvert aux spécificités du terrain. On ne cherche pas à avoir une grille théorique précise qui peut « boucher

dangereusement les possibilités de conceptualisation renouvelées, conditionner des avenues analytiques potentiellement occultantes » (Mucchielli, 1996, p. 166). En ce sens, la théorie est

une grille de lecture de l’organisation au fur et à mesure de la collecte des données, mais également lors de la représentation empirique. Notre démarche caractéristique de la théorie enracinée, est encouragée par Glaser et Strauss (1967). Néanmoins, on se distingue d’une vision puriste de la « Grounded theory » dans la mesure où un bagage théorique est nécessaire pour délimiter le champ de la recherche. En effet, la théorie enracinée a pour objectif de faire émerger un cadre théorique sur la base des observations ce qui n’est pas notre cas. Aussi, nous n’avons pas non plus pour objectif de dégager un test d’hypothèse (Eisenhardt, 1989) spécifique à la démarche hypothético-déductive. Il s’agit ainsi ici d’une approche hybride qui permet de créer un processus itératif de production de connaissances. Nous allons présenter le design de recherche dans le point suivant.

(34)

6. Méthode de recherche : une recherche qualitative

Les recherches réalisées dans le cadre de cette thèse s’inscrivent dans une démarche qualitative. Elle correspond à une « palette de techniques interprétatives pour décrire, décoder, traduire

ou du moins saisir la signification et non la fréquence d’un phénomène donné »

(Maanen, 1979, p. 520). Il s’agit de se concentrer sur les sujets, sur la compréhension de l’objet étudié dans son contexte. On cherche à savoir « comment » et « dans quel but ». On s’intéresse à la description de l’individualité d’un phénomène. On considère que la connaissance est un phénomène construit socialement. La recherche qualitative se distingue alors d’une méthode quantitative dans la mesure où elle vise la profondeur et non pas l’universalité et l’objectivité. Elle cherche à étudier des situations naturelles et spécifiques (Giordano, 2003 ; Hlady Rispal, 2002). Elle est ici particulièrement appropriée, car elle permet de décrire l’usage du capital humain par les cabinets de conseil, mais aussi la représentation des acteurs du capital humain, des outils utilisés afin de le développer à travers la prise en compte de la richesse des mots. Les différentes données qualitatives ont l’avantage de proposer des descriptions et des explications riches et fondées dans le contexte spécifique étudié. Elles offrent au chercheur la possibilité d’aller au-delà de ses a priori et des cadres théoriques initiaux (Huberman et Miles, 2003). Les mots ont un caractère « concret », « évocateur » qui est bien plus convaincant que des chiffres (Huberman et Miles, 2003). Cette méthode permet aussi de comprendre notre objet d’étude dans sa globalité, à l’aune des expériences, mais aussi de l’interprétation des acteurs interrogés au sein de l’organisation. En effet, Yin (2015) distingue cinq caractéristiques d’une recherche qualitative qui correspondent également à notre travail : (1) l’étude de la signification des comportements humains dans un contexte réel, (2) l’étude des perceptions des individus qui participent à une étude, (3) la description des éléments du contexte qui peuvent influencer les perceptions, (4) la mise en évidence des concepts existants ou nouveaux qui permettent de mieux comprendre et d’analyser les comportements humains en société et, enfin (5) la reconnaissance de la pertinence de l’utilisation de différentes sources de données.

Dans le cadre de notre travail doctoral, les sources de nos données sont multiples (cf. Tableau 5). Ainsi, pour étudier l’utilisation du capital humain par les consultants, les données ont été recueillies en ligne et donc directement sur les sites des cabinets de conseil. Concernant l’étude de l’université de Bordeaux, nous avons eu recours pour nos deux autres articles à l’observation non participante, à la réalisation d’entretiens semi-directifs et à des données secondaires. La singularité de la démarche repose dans la nature de notre terrain qui se

Figure

Tableau 1. Représentation synthétique des intérêts de la recherche
Tableau 2. Champs de la littérature mobilisés dans les trois articles de recherche
Tableau 3. Esquisse des articles et de leurs principales contributions
Tableau 4. Comparaison des trois paradigmes de recherche
+7

Références

Documents relatifs

En conséquence, nous avons retenu les variables suivantes : niveau de sco- larité du père et de la mère, investissement de chacun d’eux dans l’éducation de leurs enfants (suivi de

Pour les pays source d’émigration, il est question d’évaluer les pertes en matière de capital humain et tout ce que ceci engendre tels que l’irrécupération des coûts de

Dans ce cadre, étant donné l’importance de la santé, puisqu’elle répond à un droit humain de base auquel peut prétendre tout individu dans la détermination des conditions de

Cette façon d'appréhender le concept de capital permet ainsi de résoudre le paradoxe de Leontief : l'économie américaine exporte en réalité des produits intensifs en

D’autres travaux ont fait apparaître la nécessité de prendre en compte les événements dont les cultures sont le lieu (Affergan 1997) pour la compréhension des

 L’association d’arthrite juvénile idiopathique ou du lupus systémique à la maladie cœliaque chez l’enfant serait due à la présence d’un fond génétique

Si les doctorants développent majoritairement une image de la thèse comme un diplôme menant aux métiers de la recherche publique et de l’enseignement supérieur, c’est parce que

Par contre, il y a moins de trophallaxies avec les abeilles butineuses de nectar, ce qui est en accord avec la littérature [23], les butineuses de nectar transfèrent en effet