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Le respect de la vie privée par les C.P.A.S. : où se situe la frontière avec leurs pouvoirs d'investigation et leur secret professionnel ?

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Le respect de la vie privée par les C.P.A.S. : où se situe la frontière avec leurs pouvoirs d'investigation et leur secret professionnel ?

Auteur : Koch, Pauline

Promoteur(s) : Mormont, Hugo

Faculté : Faculté de Droit, de Science Politique et de Criminologie

Diplôme : Master en droit à finalité spécialisée en droit social (aspects belges, européens et internationaux) Année académique : 2018-2019

URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/6864

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(2)

Département de Droit

Le respect de la vie privée par les C.P.A.S. : où se situe la

frontière avec leurs pouvoirs d’investigation et leur secret

professionnel ?

Pauline K

OCH

Travail de fin d’études

Master en droit à finalité spécialisée en droit social

Année académique 2018-2019

Recherche menée sous la direction de : Monsieur Hugo MORMONT

(3)
(4)

RESUME

A notre époque, la question du respect de la vie privée est présente dans tous les domaines et suscite de nombreuses controverses. Le droit au respect de la vie privée est devenu essentiel dans une société démocratique et est reconnu comme étant fondamental. Cependant, certaines sphères sont plus propices aux violations de la vie privée, notamment au niveau de la sécurité sociale et plus particulièrement des Centres Publics d’Action Sociale (nommés C.P.A.S. par la suite). Par ce travail, nous allons tenter de déterminer les pouvoirs d'investigation des assistants sociaux dans leurs enquêtes sociales, les délégations qui sont ou non possibles, ainsi que les limites du secret professionnel auquel ils sont tenus.

(5)
(6)

.

Je tiens à remercier Monsieur Hugo MORMONT,

pour sa disponibilité et ses conseils lors de la rédaction de ce travail.

Je voudrais également remercier mes proches pour leur relecture.

(7)
(8)

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION ... 8

CHAPITRE 1:LES PRINCIPES DE BASE DE L’AIDE SOCIALE ... 10

I. Les lois applicables ... 10

II. Le but poursuivi ... 11

III. Les conditions d’octroi ... 12

CHAPITRE 2:LES POUVOIRS D’INVESTIGATION ... 14

I. Le rôle des assistants sociaux au sein des C.P.A.S. ... 14

A. Le réalisation des enquêtes sociales ... 14

1. Le déroulement des enquêtes sociales en théorie ... 14

2. Les problèmes rencontrés dans la pratique ... 15

3. L’impact du refus de collaboration à l’enquête sociale ... 17

B. Le secret professionnel des assistants sociaux ... 19

1. La définition générale ... 19

2. Qu’en est-il du secret professionnel des assistants sociaux ? ... 20

i. Le cadre légal ... 20

ii. Quelle en est l’étendue ? ... 21

iii. La loi modifiant le Code d’instruction criminelle ... 23

II. Les délégations sont-elles envisageables ? ... 25

A. Délégations aux forces de police ?... 25

B. Valeur probante des enquêtes illicites réalisées par les forces de police ... 26

C. Délégations à des détectives privés ? ... 27

CHAPITRE 3:LES CONSEQUENCES SUR LE RESPECT DE LA VIE PRIVEE ... 29

I. La notion du droit au respect de la vie privée ... 29

a) L’ingérence doit avoir une base légale ... 29

b) L’ingérence doit poursuivre un but légitime ... 30

c)L’ingérence est nécessaire dans une société démocratique ... 30

(9)

III. Sous l’angle du secret professionnel ... 33

a) Le texte légal attaqué ... 33

b) Les griefs du requérant ... 34

c) La décision de la Cour ... 35

d) Appréciation personnelle ... 35

CONCLUSION ... 36

(10)
(11)

I

NTRODUCTION

A notre époque, la question du respect de la vie privée est présente dans tous les domaines et suscite de nombreuses controverses. Le droit au respect de la vie privée est devenu essentiel dans une société démocratique et est reconnu comme étant fondamental1. Cependant, certaines sphères sont plus propices aux violations de la vie privée, notamment au niveau de la sécurité sociale et plus particulièrement des C.P.A.S. En effet, des enquêtes sociales peuvent – et doivent même – être menées pour déterminer si les conditions d’octroi sont remplies ou non afin d’accorder l’aide sociale. La réalisation de ces enquêtes a déjà été confrontée au problème du respect de la vie privée, notamment lorsqu’elles sont effectuées par des détectives privés ou par les forces de l’ordre. Par qui ces enquêtes peuvent-elles être réalisées ? Dans quel cadre et selon quels principes à respecter ?

De plus, un projet de loi a été voté dans le but de modifier le Code d’instruction criminelle (ci-après C.I.Cr.) et la notion du secret professionnel2. Désormais, depuis le mois de mai

2017, l’article 46bis/1 du C.I.Cr. impose aux institutions de sécurité sociale (C.P.A.S., mutualités, caisses d'allocations familiales, syndicats, Fedasil, etc.) une double obligation – passive et active – de lever le secret professionnel en cas de suspicion d'infraction terroriste. Suite à cette nouvelle loi, quelques centres publics d’action sociale ont marqué leur désaccord et ont entamé des recours devant la Cour constitutionnelle3. Quelles sont les limites du secret

professionnel des assistants sociaux ? Peuvent-ils dénoncer d’autres citoyens alors qu’une relation de confiance est indispensable dans le cadre de leur profession ? N’est-ce pas à la frontière du droit au respect de la vie privée ?

Dès lors, il est pertinent de se demander « où se situe la frontière entre le respect de la vie privée et les pouvoirs d’investigation des C.P.A.S. ? Mais aussi, où se situe la frontière entre le respect de la vie privée et le secret professionnel des assistants sociaux ? ».

Par ce travail, nous allons tenter de déterminer les pouvoirs d'investigation des assistants sociaux, le sort des délégations effectuées par les C.P.A.S., ainsi que les limites du secret professionnel auquel les travailleurs sociaux sont tenus. Notre propos aura pour objet de s’immiscer dans la pratique et le quotidien des Centres Publics d’Action Sociale. Nous voulons comprendre comment le droit au respect de la vie privée est appréhendé, notamment

1 Article 22 de la Constitution belge coordonnée du 17 février 1994 ; article 8 de la Convention européenne

des droits de l’Homme du 4 novembre 1950.

2 Proposition de loi de V. VAN PEEL, modifiant le Code d’instruction criminelle en vue de promouvoir la

lutte contre le terrorisme, Ch. repr., déposée le 22 septembre 2016, DOC 54 2050/001.

3 X., « Secret professionnel : plus que jamais, le silence a du sens », 17 janvier 2018, disponible sur

https://www.avcb-vsgb.be/fr/secret-professionnel-plus-que-jamais-le-silence-a-du-sens.html?cmp_id=7&news_id=5785.

(12)

à travers deux axes : la réalisation des enquêtes sociales et le secret professionnel qui pèse sur les travailleurs sociaux.

En créant les C.P.A.S., le législateur a opté pour une politique volontariste privilégiant l’intégration et l’insertion tant sociales que professionnelles plutôt que de limiter le C.P.A.S. dans un simple rôle passif de distributeur d’aide sociale4.

Ce travail comprendra trois parties principales. Dans la première partie, l’exposé sera consacré à une présentation de ce qu’est l’aide sociale. Nous mentionnerons les principales législations applicables dans cette matière, le but qu’elles poursuivent et enfin les conditions à respecter pour que l’aide sociale et/ou l’intégration sociale soient accordées. Les principes de base de l’aide sociale nous semblent nécessaires à la bonne compréhension de ce travail. Deuxièmement, nous entrerons dans le cœur du travail en abordant les pouvoirs d’investigation qui sont à la disposition des C.P.A.S. Nous verrons d’une part le rôle essentiel qu’ont les assistants sociaux lorsqu’ils mènent des enquêtes sociales, le secret professionnel qui les lie, ainsi que les éventuelles délégations qui sont – ou non – envisageables.

Troisièmement, nous essayerons de dégager les éventuelles conséquences sur le respect de la vie privée. Nous tenterons de comprendre dans quelle mesure celui-ci se voit mis à mal par certaines ingérences et par quels moyens ces dernières pourraient être justifiées.

Enfin, nous terminerons par une conclusion qui clôturera notre propos.

4 L’Union des villes et communes de Wallonie, « Le secret professionnel au sein des C.P.A.S. », U.V.C.W.,

(13)

C

HAPITRE

1 :

L

ES PRINCIPES DE BASE DE L

AIDE SOCIALE

I.

Les lois applicables

La principale loi applicable est celle du 8 juillet 1976 qui crée et définit le centre public d’action sociale5. Cette loi a été perçue comme une « révolution » en ce qu’elle instaurait une

philosophie différente de l’aide sociale. En effet, elle a eu pour ambition de mettre en place un droit universel accordé au nom de la dignité humaine par une société qui veut aider les plus pauvres et les plus démunis6. Il s’agit donc d’une rupture assez importante avec l’assistance qui existait auparavant et qui était avant tout discrétionnaire. La loi de 1976 instaure un véritable droit subjectif à l’aide sociale7.

Les C.P.A.S. sont venus remplacer les commissions d’assistance publique (C.A.P.) qui avaient déjà pour missions d’aider les plus pauvres et de prévenir la misère. Cette loi de 1976 est essentielle car elle traite du fonctionnement des C.P.A.S., même si certaines dispositions ont été régionalisées et diffèrent donc selon la Région où le C.P.A.S. se trouve8. La loi organique des C.P.A.S. consacre expressément le droit à l’aide sociale en son article 1er. Il existe également d’autres législations qui ont une grande importance dans le domaine de l’aide sociale. Il y a notamment la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale9, qui a remplacé la loi de 1974 sur le minimum des moyens d’existence. Celle-ci fait partie du quotidien des C.P.A.S. Elle règle principalement le revenu d’intégration, l’intégration sociale par le travail et le projet individualisé d’intégration sociale10.

L’aide sociale et l’intégration sociale sont deux notions qui se recoupent mais qui sont tout de même bien différentes. L’intégration sociale prendra toujours la forme d’une aide financière11 alors que l’aide sociale peut prendre différentes formes – autres que financières – afin d’assurer une vie conforme à la dignité humaine12. C’est le C.P.A.S. qui est compétent pour

ces deux types d’aide.

5 Loi organique des centres publics d'action sociale du 8 juillet 1976, M.B., 5 août 1976, page 9876. 6 X., « L’aide sociale accordée par les C.P.A.S. », disponible sur

https://www.vivreenbelgique.be/5-la-protection-sociale/l-aide-sociale-accordee-par-les-C.P.A.S.

7 D. ZAMORA, « Histoire de l’aide sociale en Belgique », 6 septembre 2012, disponible sur

https://www.revuepolitique.be/histoire-de-laide-sociale-en-belgique/.

8 Voy. article 5, § 1er, II, 2° de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980. 9 Loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale, M.B., 31 juillet 2002, p. 33610.

10 Pour plus d’informations sur le P.I.I.S., voy. le guide réalisé par le SPP Intégration sociale, disponible sur

https://www.mi-is.be/fr/projet-individualise-dintegration-sociale-piis.

11 X., « Quelle est la différence entre le revenu d'intégration et l'aide sociale ? », disponible sur

http://www.C.P.A.S.ixelles.irisnet.be/faq/quelle-est-la-difference-entre-le-revenu-dintegration-et-laide-sociale.

12 Pour des précisions quant aux différentes formes de l’aide sociale, voy. H. MORMONT et K.

(14)

II.

Le but poursuivi

L’aide sociale se traduit comme un droit universel accordé au nom de la dignité humaine, la société estimant devoir aider les personnes en situation précaire, celles qui sont les plus démunies. En effet, cette volonté est directement traduite dans l’article 1er de la loi de

1976 sur les C.P.A.S. : « Toute personne a droit à l'aide sociale. Celle-ci a pour but de permettre à chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine. Il est créé des (centres publics d'action sociale) qui, dans les conditions déterminées par la présente loi, ont pour mission d'assurer cette aide ».

La notion de « dignité humaine » peut paraitre assez floue et n’a pas de définition exacte, bien qu’elle soit contenue dans de nombreux textes internationaux (article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, article 1er de la Déclaration universelle des droits de

l’homme, …). Cependant, il est souvent considéré qu’une vie conforme à la dignité humaine comprend au moins la possibilité de se nourrir, de s’habiller, d’avoir un logement, d’assurer une hygiène et d’avoir un accès aux soins de santé13. L’aide sociale accordée par le C.P.A.S. peut prendre différentes formes14. Celle-ci peut consister en :

- Une aide financière équivalente au revenu d’intégration car ce dernier ne peut être octroyé, la personne ne remplissant pas toutes les conditions nécessaires à son obtention ;

- Un soutien financier ;

- Une aide en nature, telle qu’un logement, du chauffage, etc. ;

- Une garantie ou une caution locative, une aide médicale, une aide à la gestion financière, etc. ;

- Une demande d’adresse de référence pour une personne sans abri au siège du C.P.A.S. ;

- Etc.

Enfin, l’aide sociale est une aide subsidiaire car elle n’est accordée que si le demandeur ne peut absolument pas subvenir seul à ses besoins afin de vivre conformément à la dignité humaine. C’est également une aide résiduaire par rapport aux autres droits car elle n’est envisageable qu’en tout dernier recours, lorsqu’aucun autre régime de sécurité sociale n’a pu être activé15.

13 SPP Intégrations sociale, « Guide de l’aide sociale », juillet 2015, disponible sur

https://www.mi-is.be/fr/etudes-publications-statistiques/guide-de-laide-sociale.

14 Voy. article 57, §1er de la loi organique des centres publics d’action sociale du 8 juillet 1976.

15 H. MORMONT et K. STANGHERLIN, Aide sociale – Intégration sociale. Le droit en pratique., La Charte,

(15)

III.

Les conditions d’octroi

L’aide sociale, dans sa forme d’aide financière, est donc accordée aux personnes qui n’ont pas droit au revenu d’intégration et qui n’ont donc pas de ressources suffisantes pour mener une vie conforme à la dignité humaine.

Deux conditions doivent alors être remplies16 : d’une part, le demandeur doit avoir sa résidence habituelle et effective sur le territoire belge et y être autorisé de séjour. D’autre part, il doit se trouver dans un état de besoin, ce qui signifie qu’il n’est par exemple pas en mesure de se nourrir, de se vêtir, d’assurer son hygiène ou d’avoir accès aux soins de santé.

Cependant, certaines exceptions doivent être soulevées dans le cadre de la première condition exposée ci-dessus, à savoir celle d’être autorisé de séjour sur le territoire belge pour que l’aide sociale soit accordée17. En principe, comme le prévoit l’article 57, paragraphe 2 de la loi organique des C.P.A.S., l’étranger en séjour illégal a seulement droit à l’aide médicale urgente telle que définie par l’arrêté royal du 12 décembre 199618, l’aide dans le cadre d’un

retour volontaire ou l’aide matérielle dans un centre Fedasil pour les familles avec des enfants mineurs19. Cependant, la jurisprudence20 est venue adoucir ce paragraphe 2 de l’article 57 de

sorte que des étrangers en séjour illégal pourront demander l’aide sociale dans certains cas. Ces exceptions visent notamment les parents d’enfants belges ou les personnes se trouvant en situation d’impossibilité médicale ou administrative de retour21. La raison d’être de cette

jurisprudence constante (il y a eu plus d’une quarantaine d’arrêts rien que sur le paragraphe 2 de l’article 57)22 est la volonté de rapprocher les législations sur le séjour et l’aide sociale.

L’article 57, paragraphe 2 doit donc être exclu si la personne ne peut être contrainte de quitter le territoire ou si elle se trouve dans l’impossibilité de le quitter23.

Ces conditions nous paraissent être les seules à vérifier en vue d’accorder l’aide sociale. En effet, il n’y a pas réellement d’autres conditions objectives. Chaque demande sera analysée individuellement, en tenant compte de toutes les ressources et charges que doit assumer le demandeur.

16 X., « Quelques questions souvent posées », disponible sur

http://www.C.P.A.S.bru.irisnet.be/fr/index.asp?ID=66.

17 H. MORMONT et K. STANGHERLIN, Aide sociale – Intégration sociale. Le droit en pratique., La Charte,

2011, p. 117 et s.

18 Arrêté royal du 12 décembre 1996 relatif à l’aide médicale urgente octroyée par les centres publics d’aide

sociale aux étrangers qui séjournent illégalement, M.B., 31 décembre 1996.

19 H. MORMONT et K. STANGHERLIN, « Les étrangers et le droit à l’aide sociale et à l’intégration sociale »,

Présentation à l’ADDE - Association pour le Droit des Etrangers, 23 novembre 2018, slide 35.

20 Pour plus de détails sur cette jurisprudence, voy. H. MORMONT, « Les étrangers et l'aide sociale au travers

de la jurisprudence du Tribunal du travail de Bruxelles », Chron. D.S. 2003, liv. 10, p. 469-484.

21 Pour des développements complémentaires, voy. H. MORMONT et K. Stangherlin, Aide sociale –

Intégration sociale. Le droit en pratique., La Charte, 2011, p. 121-122 et p. 163 et s.

22 Voy. par exemple, C.C., 30 juin 1999, n° 80/99, M.B., 30 juin 1999 ; C.C., 21 décembre 2005, n°194/05,

M.B., 10 février 2006 ; C.C., 26 juin 2008, n°95/08, M.B., 13 août 2008 ; Cour eur. D.H., gde ch, 13

décembre 2016, Paposhvili c. Belgique, req. n° 41738/10 ; etc.

23 H. MORMONT et K. STANGHERLIN, « Les étrangers et le droit à l’aide sociale et à l’intégration sociale »,

(16)

Il n’y a pas de condition d’âge ni de nationalité contrairement aux conditions d’octroi relatives à l’intégration sociale24. Afin d’estimer si ces conditions minimales sont remplies,

les C.P.A.S. apprécient la situation à l’issue d’une enquête sociale qui révèlera la résidence effective et l’étendue de l’état de besoin du demandeur. C’est précisément cette enquête sociale, menée par les travailleurs sociaux préalablement à la prise de décision d’accorder ou non l’aide sociale, qui est au cœur du débat relatif au respect du droit à la vie privée des demandeurs.

Pour être tout à fait complet, nous allons également citer brièvement les conditions qu’un demandeur doit remplir pour bénéficier de l’intégration sociale puisqu’il s’agit aussi d’une aide accordée par les C.P.A.S.

Pour pouvoir prétendre au revenu d’intégration, les assistants sociaux vérifieront les six conditions nécessaires, prévues à l’article 3 de la loi du 26 mai 2002 :

1° La condition de résidence habituelle et effective en Belgique ; 2° La condition d’âge : être majeur ;

3° La condition de nationalité ;

4° Disposer de ressources insuffisantes ; 5° La disposition à travailler ;

6° L’épuisement des droits aux prestations sociales et aux aliments en vertu de la législation sociale belge ou étrangère.

Il s’agit – sans entrer dans les détails25 – des principales conditions que le demandeur doit

respecter s’il désire obtenir le revenu d’intégration auprès d’un C.P.A.S.

Maintenant que nous avons vu les principes de base de l’aide sociale et exposé le contexte dans lequel allait s’inscrire ce travail, nous allons nous attarder plus longuement sur ce qui forme le cœur de notre propos : les pouvoirs d’investigation des assistants sociaux des C.P.A.S.

24 X., « L’aide sociale accordée par les C.P.A.S. », disponible sur

https://www.vivreenbelgique.be/5-la-protection-sociale/l-aide-sociale-accordee-par-les-C.P.A.S.

25 Pour plus de détails, voy. H. MORMONT et K. STANGHERLIN, Aide sociale – Intégration sociale. Le droit

(17)

C

HAPITRE

2 :

L

ES POUVOIRS D

INVESTIGATION

I.

Le rôle des assistants sociaux au sein des C.P.A.S.

A. La réalisation des enquêtes sociales

1. Le déroulement de celles-ci en théorie

Avant d’octroyer l’aide ou l’intégration sociale, les travailleurs sociaux doivent mener une enquête sociale sur le demandeur d’aide. A l’heure actuelle, on peut se demander dans quelle mesure la sécurité sociale, l’aide sociale et les droits socio-économiques permettraient insidieusement de « contrôler » une catégorie de la population26. Ce sont des questions que posent souvent les travailleurs sociaux au sein des C.P.A.S. qui considèrent que leur mission n’est pas de contrôler, notamment en ce qui concerne les demandeurs d’origine étrangère. L’enquête sociale a pour but de récolter des informations sur la situation concrète d’une personne ou d’une famille afin de déterminer quelle serait l’aide la plus adaptée à leur(s) besoin(s)27. Le travailleur social doit rédiger un rapport en faisant, le cas échéant, une proposition d’aide concrète28. L’enquête doit permettre de vérifier si le demandeur est effectivement dans une situation de besoin, qui est une des seules conditions d’octroi de l’aide sociale.

Cette enquête sociale préalable doit impérativement être réalisée par une personne expressément habilitée à cet effet, ce qui exclut toute autre personne compétente29. Il peut s’agir d’un assistant social, d’un infirmier gradué spécialisé en santé communautaire ou encore d’un infirmier social, comme le cite l’article 5 de l’arrêté royal du 11 juillet 2002. De ce fait, un employé administratif, le président du C.P.A.S. ou encore un membre des forces de l’ordre ne peut pas s’estimer compétent. En effet, le travailleur social dispose d’une formation adéquate qui garantit que l’enquête soit effectuée dans un climat de confiance ainsi que dans le respect du cadre de vie et des croyances. Il est également tenu, en principe, au secret professionnel.

26 C. TEKAM, « La dimension humaine dans le travail social en C.P.A.S. – Comment est-elle

appréhendée ? », disponible sur http://iris-d.be/la-dimension-humaine-dans-le-travail-social-en-cpas.

27 SPP Intégration sociale, « Guide de l’enquête sociale », janvier 2017, disponible sur

https://www.mi-is.be/fr/etudes-publications-statistiques/guide-de-lenquete-sociale-dans-les-cpas.

28 Ibidem, p. 5.

29 Voy. article 19, §1er, al. 2, de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale ; Articles 5

et 6 de l'arrêté royal du 11 juillet 2002 portant règlement général en matière de droit à l'intégration sociale ; Circulaire générale du 27 mars 2018 sur la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale ; Arrêté royal du 1er décembre 2013 relatif aux conditions minimales de l'enquête sociale établie conformément à l'article 19, § 1er, de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale ; Circulaire du 14 mars 2014 portant sur les conditions minimales de l'enquête sociale exigée dans le cadre de la loi du 26 mai 2002 relative au droit à l'intégration sociale et dans le cadre de l'aide sociale accordée par les C.P.A.S. et remboursée.

(18)

Dans son rapport, le travailleur social n’inscrit que les informations nécessaires et indispensables à la prise de décision. Il ne doit en aucun cas décrire les éléments qui n’ont pas de lien avec la demande. Ensuite, il proposera l’aide qui lui semble la plus adaptée.

Evidemment, la question de l’impact de la collaboration des demandeurs aux enquêtes sociales – qui leur paraissent parfois être une intrusion dans leur vie privée – se pose rapidement. Celle-ci est essentielle au bon déroulement de l’enquête afin qu’une relation de confiance puisse s’établir entre le demandeur et le travailleur. Nous l’aborderons un peu plus loin dans ce travail.

Enfin, il faudra remplir un formulaire-type qui contient en principe les données suivantes30 : ▪ La totalité des renseignements relatifs à l’identité, à la situation matérielle et sociale de

l’intéressé ainsi que de ses cohabitants dont les revenus peuvent ou doivent être pris en considération par le C.P.A.S.

▪ La déclaration des ressources.

▪ La mention du C.P.A.S. ou des centres qui :

- sont déjà intervenus dans les frais liés à l’insertion professionnelle de l’intéressé ; - ont déjà octroyé une prime d’installation pour sans-abri à l’intéressé ;

- ont déjà appliqué l’exonération pour intégration socioprofessionnelle en faveur de l’intéressé.

Ces déclarations doivent être certifiées sincères et complètes, datées et signées par l’intéressé.

▪ L’autorisation donnée au C.P.A.S. pour vérifier tous les renseignements et déclarations.

▪ Le C.P.A.S. informe l’intéressé du fait que les mêmes renseignements peuvent être recueillis pour les cohabitants dont les revenus peuvent ou doivent être pris en considération par le C.P.A.S.

▪ Toutes les institutions consultées par le C.P.A.S. répondent dans les quinze jours.

2. Les problèmes rencontrés dans la pratique

Malheureusement, dans la pratique, les interventions ne se déroulent pas toujours aussi facilement que dans la théorie. Bien que les enquêtes sociales paraissent très réglementées et prévues dans le plus grand intérêt des demandeurs, des pratiques abusives et attentatoires à la vie privée sont tout de même à déplorer31.

Lorsque de tels incidents sont constatés, certains C.P.A.S. remettent la faute sur les services d’inspection qui sont exigeants et face auxquels ils doivent apparemment s’incliner.

30 E. DELANNOY, « Revenu d’intégration sociale : demande et enquête sociale », B.S.J. 2015, n°554, p. 13. 31 B. SCHAECK, « Pratiques contestables des C.P.A.S. : la faute à l’inspection ? », Ensemble, mars 2016,

(19)

Par exemple, récemment, suite à l’initiative de nombreux C.P.A.S., tout nouveau demandeur d’aide se voit dans l’obligation de fournir ses extraits de compte32. Cela est fort interpelant

étant donné que ni la loi ni une autorité supérieure ne leur ordonne. De plus, toute demande introduite doit être appréciée en fonction de la situation dans laquelle se trouve la personne au moment où elle l’introduit. Il est dès lors légitime que cette exigence de fournir des extraits de comptes bancaires parfois antérieurs aux trois derniers mois soit perçue comme une intrusion dans la vie privée des demandeurs. Pas moins de huit rapports d’inspection ont condamné cette pratique en la qualifiant d’illégale et la considérant comme étant non-respectueuse de la vie privée puisque cela entraine une possibilité de contrôle des dépenses33. Tous ces rapports d’inspection s’opposent fermement à l’obligation de fournir systématiquement tous les extraits de compte.

Une autre facette du contrôle qui suscite aussi beaucoup de réactions concerne les visites domiciliaires, ou autrement dit les contrôles du domicile. L’organisme fédéral de contrôle des C.P.A.S. les a d’ailleurs considérés comme étant trop intrusifs, ce à quoi les directeurs des C.P.A.S. répondent qu’ils subissent trop de pression venant de l’extérieur.

En effet, il faut reconnaitre que les C.P.A.S. supportent une forte pression politique qui se concentre notamment sur les fraudeurs qui « profitent du système ». Contrairement à la « presque obligation » de fournir des extraits de compte qui est devenue systématique, il est admis que l’assistant social ne peut avoir que des pouvoirs limités concernant la visite au domicile34. En effet, il ne peut entrer sans l’accord du demandeur, encore moins fouiller

librement dans toute la maison, d’autant plus si cette intrusion n’a pas d’intérêt pour l’enquête sociale. La visite à domicile est par ailleurs rendue obligatoire par les arrêtés royaux du 1er décembre 2013 relatifs aux conditions minimales de l’enquête sociale35. Ainsi, l’article 4

dispose que « la visite à domicile fait partie de l’enquête sociale. Pour les dossiers d’aide financière à charge de l’Etat, la visite à domicile est réalisée au moment de l’ouverture du dossier et reconduite chaque fois que nécessaire et au minimum une fois par an ».

Cependant, les limites de ces « contrôles » domiciliaires ne sont pas claires : qu’en est-il du caractère imprévu de ceux-ci ? Peuvent-ils prendre la forme d'inspections systématiques des habitations, d’ouverture des armoires et des frigos, de contrôle des compteurs de gaz, d'eau et d'électricité, comme cela se pratique déjà trop souvent ? Peuvent-ils même devenir des enquêtes de voisinage ou encore des enquêtes de police36 ?

32 Ibidem, p. 31.

33 F. LOUIS, « Les C.P.A.S. sont-ils trop inquisiteurs dans leurs enquêtes ? Un rapport les pointe du doigt »,

9 mars 2016, disponible sur https://www.rtbf.be/info/regions/namur/detail_les-cpas-sont-ils-trop-inquisiteurs-dans-leurs-enquetes-un-rapport-les-pointe-du-doigt?id=9235193.

34 B. SCHAECK, « Pratiques contestables des C.P.A.S. : la faute à l’inspection ? », Ensemble, n°90, mars

2016, p. 30-31.

35 Arrêté royal du 1er décembre 2013 relatif aux conditions minimales de l'enquête sociale établie

conformément à l'article 9bis de la loi du 2 avril 1965 relative à la prise en charge des secours accordés par les centres publics d'action sociale, M.B., 14 mars 2014, page 21665.

36 L’association de Défense des Allocataires sociaux, « C.P.A.S. et fraude sociale : un arsenal démesuré

(20)

Il paraît indispensable de mettre au point des directives ou à tout le moins des lignes directrices quant à la mise en œuvre de ces visites au domicile afin que le respect de la vie privée des demandeurs cesse d’être offensé par des contrôles trop intrusifs.

3. L’impact du refus de collaboration à l’enquête sociale

La personne peut, par exemple, refuser l'accès à son logement, ou encore refuser de procurer ses extraits de compte des derniers mois, mais dans ce cas, son droit à l'aide sociale ou à l’intégration sociale aura de fortes chances d’être refusé pour non-collaboration à l'enquête sociale. Cette obligation de collaboration trouve sa source dans deux articles en particulier. En effet, elle est précisée dans la loi du 8 juillet 1976 en son article 60, §1er, alinéa 2 : « L'intervention du centre est, s'il est nécessaire précédée d'une enquête sociale, se terminant par un diagnostic précis sur l'existence et l'étendue du besoin d'aide et proposant les moyens les plus appropriés d'y faire face. L'intéressé est tenu de fournir tout renseignement utile sur sa situation et d'informer le centre de tout élément nouveau susceptible d'avoir une répercussion sur l'aide qui lui est octroyée ».

Elle trouve aussi un autre appui dans la loi du 26 mai 2002 par son article 19, § 2 : « Le centre procède à une enquête sociale en vue de l'octroi de l'intégration sociale sous la forme d'un revenu d'intégration ou d'un emploi, en vue de la révision ou du retrait d'une décision y afférente ou en vue d'une décision de suspension de paiement du revenu d'intégration. L'intéressé est tenu de fournir tout renseignement et autorisation utile à l'examen de sa demande ».

Deux arrêts rendus par la Cour de cassation sont particulièrement intéressants : celui du 22 juin 2015 et celui du 5 septembre 2016. Ils concernent tous les deux le devoir de collaboration avec le C.P.A.S. en matière de revenu d’intégration.

Dans son premier arrêt, la Cour de cassation rejette le pourvoi contre un arrêt qui refusait le revenu d’intégration pour la période durant laquelle le demandeur n’a pas fourni les extraits de comptes réclamés. Celui-ci les avait finalement produits un an plus tard, bien que ces extraits n’apportaient rien de nouveau par rapport à la situation décrite antérieurement. La Cour juge tout de même ainsi « si l’article 19, § 2 de la loi du 26 mai 2002 n’impose pas le délai dans lequel l’intéressé doit fournir les renseignements, et si l’exécution de cette obligation ne constitue pas une condition dont le défaut priverait l’intéressé du droit à l’intégration sociale, ce défaut peut empêcher de vérifier que les conditions du droit sont réunies. En pareil cas, le C.P.A.S. peut refuser le droit à l’intégration sociale pour la période pour laquelle il ne dispose pas des éléments nécessaires à l’examen de la demande, même s’il les reçoit ultérieurement, mais à un moment où, compte tenu du délai écoulé, il peut n’être plus à même de vérifier les informations fournies »37.

(21)

Dans son arrêt du 5 septembre 2016, la Cour rejette un pourvoi contre un arrêt qui estimait que le droit du demandeur était établi, et ce même s’il avait communiqué les pièces nécessaires à la vérification des conditions d’octroi seulement en cours d’instance. La Cour juge « lorsque l’assuré social conteste le refus du droit à l’intégration sociale devant le tribunal du travail, il naît entre lui et le C.P.A.S. une contestation sur le droit à l’intégration sociale depuis la date à laquelle il en demande le bénéfice ; les articles 11, alinéa 2, de la Charte de l’assuré social, et 19, § 2, de la loi du 26 mai 2002 ne s’appliquent qu’à la phase administrative de la procédure d’octroi du droit à l’intégration sociale et ne dérogent pas aux règles relatives à la production des preuves dans la procédure judiciaire »38.

Là où certains ont pu voir une contradiction dans la jurisprudence de la Cour de cassation, d’autres, dont Monsieur Hugo MORMONT39, ont affirmé qu’elle exprimait en réalité les mêmes

règles. Nous pouvons dégager deux règles principales en matière de collaboration à l’enquête sociale. D’une part, la collaboration n’est pas une condition d’octroi du droit à l’intégration sociale qui ne peut être refusé au seul motif du défaut de la collaboration ou de la tardiveté de celle-ci. D’autre part, le défaut de collaboration peut avoir pour conséquence que le C.P.A.S. et les juridictions se retrouvent dans l’impossibilité de vérifier les conditions d’octroi et donc dans ce cas, le droit ne pourra être accordé.

Ainsi, dans le premier arrêt, la Cour de cassation constate que la cour du travail estimait que les conditions du droit à l'intégration sociale ne peuvent plus être vérifiées pour la période litigieuse. Dès lors, le droit ne pouvait être accordé, conformément à la deuxième règle dégagée ci-dessus. Ensuite, dans l’arrêt de 2016, la cour du travail constatait au contraire que le dossier a été complété par les pièces utiles devant le tribunal et la cour du travail. Cela lui permettait donc de vérifier sur cette base que les conditions du droit du défendeur à l'intégration sociale étaient réunies. Il s’agit donc plutôt de l’appréciation concrète du juge du fond qui diffère selon le cas et non les règles de droit qui sont énoncées par la Cour de cassation.

Enfin, nous pouvons encore relever un jugement très intéressant en la matière, rendu par le tribunal du travail du Hainaut le 20 décembre 2017. Dans ce jugement, il était question d’examiner le droit éventuel de l’intéressé au bénéfice d’une aide sociale, il fallait donc vérifier en l’espèce si l’état de besoin était établi. Le demandeur avait l’obligation de fournir tous les éléments utiles à l’examen de la demande et s’il n’y satisfaisait pas, le C.P.A.S. ne pouvait vérifier concrètement s’il répondait ou non aux conditions légales. Cependant, il a été constaté que le demandeur n’a produit que des documents peu intéressants en évitant expressément d’apporter des éléments indispensables à l’analyse de sa situation. Dès lors, le tribunal a estimé que le C.P.A.S. a légitimement considéré la situation en fonction des seules informations fournies, sans rencontrer ce que l’usager demandait. Ce jugement éclaire sur l’étendue de l’obligation de collaboration, commune à l’intégration sociale et à l’aide sociale, en précisant que celle-ci s’impose dans les deux cas et à tout moment.

38 Cass (3e ch.), 5 septembre 2016, J.L.M.B. 2017, n° 24, p. 1116-1118.

(22)

B. Le secret professionnel des assistants sociaux

1. La définition générale

Le secret professionnel est le deuxième angle que nous souhaitons aborder dans ce travail. En effet, c’est une notion centrale qui est présente dans de nombreux domaines et qui inspire la confiance dans les milieux où elle doit être respectée. Les professions tenues au secret professionnel sont notamment celles qui touchent à la santé et au bien-être, telles que les médecins, les assistants sociaux, les infirmiers, mais aussi les agents de police, les enseignants, etc. car ce sont des confidents nécessaires40. Les personnes qui exercent ces professions ne peuvent en principe dévoiler aucune information qui leur a été transmise dans le cadre de leur fonction.

L’objectif du secret professionnel peut se décliner en trois buts principaux41 :

- Protéger la personne qui se confie, qui s’ouvre au professionnel en respectant son droit à la vie privée ;

- Protéger le professionnel lui-même qui peut opposer l’obligation de secret dans les cas où cela s’avère nécessaire ;

- Protéger la société dans son ensemble et préserver la confiance envers certaines professions où celle-ci est primordiale.

Légalement, cette obligation de respecter le secret professionnel se trouve à l’article 458 de notre Code pénal. Cependant, ce secret n’est pas absolu et ce même article énonce déjà des possibles dérogations : « (…) hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice (ou devant une commission d'enquête parlementaire) et celui où la loi, le décret ou l'ordonnance les oblige ou les autorise ». Lors du témoignage devant le juge, il ne s’agit pas d’une obligation de révéler ce qui est couvert par le secret professionnel, mais plutôt d’une possibilité lorsque c’est utile pour l’affaire en cause.

Une exception au secret professionnel réside également dans l’article 29 du Code d’instruction criminelle. En effet, celui-ci permet aux professionnels de se libérer du secret dans les cas spécifiques où ils ont connaissance d’actes délictueux.

Il existe aussi la notion de « l’état de nécessité » qui peut permettre la levée du secret professionnel. Il s’agit d’un principe de droit qui ne trouve pas de source dans un texte de loi mais qui est unanimement admis par la jurisprudence et la doctrine42. L’état de nécessité

requiert trois conditions pour pouvoir être invoqué : la présence d’un mal grave, certain et

40 P. LAMBERT, Secret professionnel, Bruxelles, Bruylant, 2005, pages 176-177 ; I. VAN DER STRAETEN et J.

PUT, Beroepsgeheim en hulpverlening, Bruges, La Charte, 2005, p. 48 et s.

41 M. WASTCHENKO, « Le C.P.A.S. face au secret professionnel : Etat de la question », Assemblée générale

de la section C.P.A.S. de l’AVCB, 9 février 2006, disponible sur le site www.avcb.be, Section C.P.A.S.,

pages 5 et s.

42 X., « La levée du secret professionnel en cas d’état de nécessité », disponible sur

(23)

imminent ; la levée du secret professionnel doit être le seul moyen de sauvegarder un intérêt plus impérieux (principe de subsidiarité) ; la valeur qui risque d’être atteinte si le secret est préservé est supérieure ou égale à celle protégée par le principe du secret professionnel (principe de proportionnalité)43. Ce sont des conditions cumulatives, de sorte qu’elles doivent

toutes être respectées pour pouvoir invoquer l’état de nécessité.

Malgré ces quelques exceptions, le secret professionnel semble à première vue bien gardé et est perçu comme essentiel par la société et les personnes qui y sont tenues. Les cas où on peut s’en libérer paraissent assez limités et ne sont pas toujours obligatoires. Cependant, ces dernières années et notamment avec la montée en puissance des actes terroristes, le secret professionnel a connu quelques bouleversements. Le secret des travailleurs sociaux qui se trouvent directement « sur le terrain » semble le plus concerné.

Nous allons donc tenter de comprendre ce qui a changé quant à leur secret professionnel, la raison de ce changement, ainsi que les impacts ressentis sur la vie privée des usagers des C.P.A.S.

2. Qu’en est-il du secret professionnel des assistants sociaux ?

i. Le cadre légal

Le respect du secret professionnel est une « nécessité sociale »44 au sein des C.P.A.S. Une personne qui demande une aide doit avoir la certitude et l’assurance qu’elle peut s’adresser en toute confiance au professionnel. La confidentialité des éléments que le travailleur social récolte est indispensable pour qu’un usager puisse livrer son histoire en toute confiance. Au-delà de l’intérêt individuel que chacun peut avoir au respect du secret professionnel, il est aussi dans l’intérêt de la société « qu’il existe des lieux où chacun puisse se confier et trouver de l’aide sans que sa parole se retourne contre lui. Sans ce ‘sas de sécurité’, certaines choses se règleraient vraisemblablement dans la violence »45.

Le cadre légal du secret professionnel au sein des C.P.A.S. a été mis en place par la loi organique du 8 juillet 1976 relative aux centres publics d’action sociale. Ainsi, l’article 36, alinéa 2 de cette loi dispose que « les membres du conseil, ainsi que toutes les autres personnes qui, en vertu de la loi, assistent aux réunions du conseil, du bureau permanent et des comités spéciaux, sont tenus au secret »46. Ensuite, l’article 50 précise « les dispositions de l'article 36, deuxième alinéa, et de l'article 37 sont également applicables aux membres du personnel des (centres publics d'action sociale) »47.

43 H-E. GERVAIS, « Une approche de la notion de secret professionnel : repères et balises », Brochure

C.L.D.B., 2007.

44 M. WASTCHENKO, « Le C.P.A.S. face au secret professionnel : Etat de la question », Assemblée générale

de la section C.P.A.S. de l’AVCB, 9 février 2006, disponible sur le site www.avcb.be, Section C.P.A.S.

45 Ibidem.

46 Article 36 de la loi du 8 juillet 1976 relative aux centres publics d’action sociale, op. cit. 47 Article 50, ibidem.

(24)

Nous pouvons donc remarquer que dans les C.P.A.S., le secret professionnel est essentiel : ce ne sont pas seulement les travailleurs sociaux, mais l’ensemble des membres du personnel ainsi que les mandataires qui y sont tenus.

Pour être tout à fait précis sur la matière, on peut également se référer au code de déontologie de l’Union des Associations Francophones d’Assistants Sociaux (UAFAS), dont les principes consacrés s’appliquent « dans n’importe quel secteur où l’assistant social est amené à exercer une activité professionnelle »48. Nous mentionnons aussi qu’il existe un code international de déontologie des travailleurs sociaux49. Enfin, un code de déontologie spécifique pour les assistants sociaux des C.P.A.S. a été élaboré par la Fédération wallonne des Assistants Sociaux de C.P.A.S. (la FéWASC)50.

Les propos de l’avocat général près la cour d’appel de Bruxelles, Lucien NOUWYNCK,

paraissent à cet égard très justes : le secret professionnel « tend à protéger la confiance que le citoyen doit nécessairement avoir envers certains confidents. Pour les travailleurs sociaux comme pour les professionnels de la santé, le secret professionnel est un outil de travail nécessaire à l’établissement d’une relation de confiance. »51

ii. Quelle en est l’étendue ?

Le secret professionnel englobe tous les éléments confiés par le demandeur, mais aussi les éléments constatés par le travailleur social, même si ceux-ci n’ont pas fait l’objet d’une confidence52. C’est pourquoi nous estimons qu’il couvre également ce qui a été appris dans le cadre de la mission, notamment lors d’une visite au domicile par exemple. Il est donc assez large et pourtant le secret professionnel n’est pas absolu.

Une exception très présente dans le travail en C.P.A.S. est le secret partagé alors que cette notion ne fait l’objet d’aucun texte de loi explicite53. En revanche, elle est admise dans les

codes de déontologie. Le secret partagé est issu de la pratique car un besoin de collaboration et de coordination entre les différents services intervenants se faisait sentir. Le secret partagé signifie qu’il est nécessaire, pour réaliser sa mission, que l’assistant social transmette des informations sur un usager à d’autres personnes sans que cela ne soit considéré comme une violation du secret professionnel54.

48 Code de déontologie de l’Union des associations francophones d’assistants sociaux, édition 1997.

49 Code de déontologie pour la profession d’assistant(e) social(e) adopté par la Fédération internationale des

travailleurs sociaux (F.I.T.S.).

50 Code de déontologie des assistants sociaux de C.P.A.S., FéWASC (Inforum n° 193102).

51 L. NOUWYNCK, « La position des différents intervenants psycho-médico-sociaux face au secret

professionnel dans un contexte judiciaire – Cadre modifié, principe conforté », Revue de droit pénal et de

criminologie, juin 2012.

52 M. WASTCHENKO, « Le C.P.A.S. face au secret professionnel : Etat de la question », Assemblée générale

de la section C.P.A.S. de l’AVCB, 9 février 2006, disponible sur le site www.avcb.be, Section C.P.A.S., p.

11.

53 L. NOUWYNCK, « La position des différents intervenants psycho-médico-sociaux face au secret

professionnel dans un contexte judiciaire – Cadre modifié, principe conforté », op. cit., p. 18 et s.

(25)

Il y aura un partage du secret notamment dans les cas suivants55 :

- Lorsqu’une demande d’aide urgente est introduite, avec le (la) Président(e) du Conseil - Lors d’une réunion de préparation du Comité Spécial où les différents assistants

sociaux et l’assistant(e) social(e) en chef se rassemblent pour examiner si les enquêtes sociales sont complètes, si les demandes et propositions d’aide sont suffisamment motivées et comment les défendre au mieux devant le Comité Spécial du Service Social

- Lors de la séance du Comité Spécial du Service Social, où la demande d'aide est présentée par l’assistant social devant 5 membres du Conseil de l’Action Sociale, désignés pour faire partie du Comité

- Pour l’application des décisions, le personnel administratif doit disposer d’informations administratives, ainsi que des décisions du Comité Spécial du Service Social.

Lorsque cette exception du secret partagé est envisagée, l’usager du C.P.A.S. doit en être informé au préalable et doit donner son accord de manière éclairée si elle est étendue à d’autres intervenants par la suite. Il existe pour les C.P.A.S. une réelle difficulté à collaborer avec d’autres services d’aide. Le secret professionnel, aussi bien entre collaborateurs de C.P.A.S. qu’avec d’autres aidants, tend à entraver la collaboration alors que celle-ci pourrait permettre d’améliorer l’accompagnement et le suivi de l’usager. D’ailleurs, les C.P.A.S. qui ont mené une bonne collaboration avec d’autres services d’aide affirment que ces efforts portent leurs fruits, même si ce n’est pas toujours simple dans la pratique.

C’est pourquoi certaines données administratives sont encodées dans un système informatique pour ensuite être transmises ou partagées automatiquement aux services qui en auront besoin. Cet outil de collecte des données est la Banque Carrefour de la Sécurité Sociale56, qui contient certaines informations sur la situation administrative et professionnelle57 de chaque personne. Ces données peuvent être consultées par l’assistant social lorsque cela s’avère utile, par exemple pour connaitre une composition de ménage, le lieu de domicile ou radiation, l’emploi et le salaire annuel, les allocations familiales perçues, etc.

Rappelons tout de même que celui qui viole le secret professionnel peut être sanctionné sur le plan pénal, civil, ou encore disciplinaire58. Le but poursuivi tel que la certitude d’agir pour le bien de quelqu’un sera sans aucune incidence sur l’existence de l’infraction de la violation du secret professionnel. D’ailleurs, l’autorisation de la personne concernée ne suffit pas à libérer

55 X., « Secret professionnel et partage des informations », disponible sur

http://www.C.P.A.S.-profondeville.be/Renseignements/secret-professionnel.

56 Organisme créé par la loi du 15 janvier 1990 relative à l'institution et à l'organisation d'une

Banque-carrefour de la sécurité sociale. Sa mission principale est de gérer le réseau informatique d'échange d'informations entre les institutions de sécurité sociale.

57 Notamment des informations relatives aux ménages, aux débiteurs alimentaires, etc.

58 Sur base de l’article 458 du Code pénal, de l’article 1382 du Code civil, ou encore une révocation

(26)

le professionnel de son obligation de secret puisque celui-ci est d’ordre public59. Un travailleur social n’est normalement autorisé à communiquer des informations à sa hiérarchie et à l’autorité que dans les limites de ce qui est strictement nécessaire à l’accomplissement de sa mission60.

iii. La loi modifiant le Code d’instruction criminelle

De nombreux C.P.A.S. sont réticents face à l’effritement de leur secret professionnel et rejettent l’idée de « devoir » ou même « pouvoir » le violer. En effet, les usagers qui demandent de l’aide sont souvent des personnes précarisées, plus vulnérables, qui devront se dévoiler à leur assistant social. Il paraît inconcevable de créer une bonne relation de confiance et de récolter un maximum d’informations tout en respectant la vie privée si, in fine, les C.P.A.S. doivent s’en servir pour les dénoncer aux autorités judiciaires61.

En effet, une proposition de loi visant à modifier le Code d’instruction criminelle a fait débat car elle cherchait à « contraindre les membres du conseil et du personnel des C.P.A.S. à communiquer des renseignements au sujet des personnes qui font l’objet d’une enquête concernant des infractions terroristes au juge d’instruction ou au procureur du Roi qui mène cette enquête et qui en fait la demande »62. Dans l’idée de ce projet, le personnel des C.P.A.S., sur demande du juge d’instruction ou du procureur du Roi, avait pour devoir de donner des informations relatives aux personnes vis-à-vis desquelles une enquête était ouverte pour terrorisme.

Certains C.P.A.S. ont évidemment réagi à cette proposition de loi et les trois Fédérations des C.P.A.S. de Bruxelles ont marqué leur mécontentement. Ils portent un regard très désapprobateur sur cette obligation de dénonciation et s’interrogent de cette façon :

- N’est-ce pas l’institution elle-même qu’il conviendra de sanctionner plutôt que le membre du personnel qui se sera abstenu de communiquer les informations aux autorités judiciaires ?

- Comment les membres du personnel vont-ils pouvoir apprécier la nécessité de révéler les informations dont ils disposent ? Quid s’ils se trompent ? Qui sera responsable des dommages causés à la personne dénoncée pour des faits non établis ? 63

59 M. WASTCHENKO, « Le C.P.A.S. face au secret professionnel : Etat de la question », Assemblée générale

de la section C.P.A.S. de l’AVCB, 9 février 2006, disponible sur le site www.avcb.be, Section C.P.A.S.,

page 11.

60 Union des villes et communes de Wallonie, « Le secret professionnel au sein des C.P.A.S. », U.V.C.W.,

n°902, novembre 2015.

61 V. LAFARQUE, « Le secret professionnel des C.P.A.S. est-il en danger ? », B.S.J. 2017, n° 584, p. 15. 62 Proposition de loi modifiant la loi du 8 juillet 1976 organique des C.P.A.S. en vue de promouvoir la lutte

contre les infractions terroristes, www.lachambre.be/FLWB/.

63 M. WASTCHENKO, « Le secret professionnel, une valeur fondamentale en danger », 3 février 2017,

disponible sur https://www.avcb-vsgb.be/fr/le-secret-professionnel-une-valeur-fondamentale-en-danger.html?cmp_id=7&news_id=5320.

(27)

Plusieurs personnalités du monde politique64 se sont également indignées face à cette nouvelle obligation qui a finalement été approuvée et votée le 17 mai 201765, ajoutant un article 46bis/1 au Code d’instruction criminelle. Celles-ci ne discutent pas la nécessité de lutter contre le terrorisme et sont conscientes que des moyens spéciaux doivent être mis en œuvre. Cependant, il n’était pas nécessaire d’imposer aux C.P.A.S. une levée du secret professionnel puisque l’article 458 du Code pénal impose déjà qu’il soit rompu en cas de danger immédiat pour des tiers, c’est-à-dire en cas d’état de nécessité. Briser le secret professionnel revient à briser la relation de confiance unissant les travailleurs sociaux aux demandeurs avec comme conséquence une confusion possible quant à la répartition des rôles entre les travailleurs sociaux et les policiers. Par ailleurs, cette abolition du secret professionnel stigmatisera les populations les plus précarisées ce qui risque « d’ouvrir la boîte de Pandore »66, c’est-à-dire de déclencher une série d’évènements malheureux. En effet, les personnes dans le besoin risquent de perdre la confiance indispensable envers les C.P.A.S. et par conséquent de ne pas demander l’aide à laquelle elles auraient droit.

Face à cette nouvelle loi, de nombreux C.P.A.S. mais aussi des associations et des syndicats se sont mobilisés pour réagir ensemble. Ils maintiennent tous que cette loi entraine une menace qui mettra en danger le système démocratique. Tous la dénoncent comme étant inutile, en l’accusant de compromettre la déontologie et les fondements même de la relation professionnelle des assistants sociaux. Lorsque cette loi est passée, ils ont attaqué le nouvel article 46bis/1 devant la Cour constitutionnelle, demandant son annulation.

Monsieur EL KTIBI, président du Conseil bruxellois de l’Action sociale, s’est exprimé sur le

problème posé par cette loi : « le problème est qu’elle crée une obligation de dénonciation active et passive. Il faut répondre aux injonctions du procureur du Roi lorsqu'il y a une suspicion de radicalisme et terrorisme et on oblige nos propres assistants sociaux à dénoncer des situations qu'ils jugeraient suspectes. La subjectivité est donc totale. Et il ne faut pas oublier que derrière, l'assistant social peut encourir une sanction pénale ».

Ces nombreuses réclamations ont finalement abouti : la Cour constitutionnelle a rendu son arrêt le 14 mars 201967. Celui-ci sera exposé et expliqué lors du dernier chapitre de ce travail pour être mis en lien avec le respect de la vie privée dans les C.P.A.S.

64 Stéphane ROBERTI (Ecolo/GROEN), Samir AHROUCH CDh), Alain DE JONGE (SPA), Caroline DUPONT

(PS), Béatrice FILEE (PS), Henri GILLARD (PS), Nicolas LONFILS (Ecolo/GROEN), Jacques PUTSEYS (PS), Anne RAKOVSKY (Ecolo/GROEN), Michael VAN VLASSELAER(Défi).

65 Loi du 17 mai 2017 modifiant le Code d'instruction criminelle en vue de promouvoir la lutte contre le

terrorisme, M.B., 3 juillet 2017, p. 69494.

66 X., « Non à l’abolition du secret professionnel des assistants sociaux », disponible en P.D.F. sur

http://www.cpasforest.irisnet.be.

(28)

II.

Les délégations sont-elles envisageables ?

A. Délégations aux forces de police ?

Il n’est pas rare de voir certains C.P.A.S. confier aux policiers la réalisation des enquêtes sociales qui sont pourtant réservées aux travailleurs sociaux. Depuis longtemps, la cour du travail de Liège a estimé que « tous les rapports de police communale qui se substituent à une enquête sociale doivent être purement et simplement écartés des débats, hormis le cas où ils sont établis dans le cadre d’une instruction pénale et communiqués avec l’autorisation de l’Auditeur du Travail ou du Procureur du Roi »68.

En 2008, le tribunal du travail de Liège avait jugé une enquête sociale de résidence confiée à la police comme étant contraire à la loi sur le droit à l’intégration sociale. Celle-ci a donc dû être écartée des débats. En effet, l’article 5 de l’arrêté royal du 11 juillet 2002 pris en exécution de l’article 19, paragraphe 1 de la loi de 2002 exige que les enquêtes soient du ressort exclusif des personnes qualifiées à cet effet, c’est-à-dire les assistants sociaux. Le tribunal a décidé qu’une enquête sociale de résidence déléguée à la police locale est purement et simplement prohibée tant par l’esprit que par le texte de la loi69. Il justifie donc sa décision sur deux moyens :

- L’esprit de la loi : le travailleur social vise à aider les personnes qui en ont besoin avec des méthodes d’aide aux personnes, alors que le but poursuivi par les autorités de police est un contrôle social qui use d’autres méthodes adaptées à ses missions. En d’autres mots, la police et le service social sont deux institutions bien distinctes qu’il ne faut pas confondre et dont le travail ne peut être délégué.

- Le texte de la loi : le monopole des enquêtes sociales est confié à des professionnels du travail social par l’article 19, paragraphe 1 de la loi du 26 mai 2002 et l’article 5 de l’arrêté royal du 11 juillet 2002.

Le tribunal considère donc qu’il y a lieu d’écarter l’enquête de police. Cette décision n’est pas isolée, il s’agit d’une jurisprudence constante puisque la cour du travail de Liège s’est régulièrement prononcée dans le même sens70. L’enquête de police sollicitée par le C.P.A.S.

ne peut dès lors être considérée comme une enquête sociale, le recours à la police n’étant pas adapté à la mission sociale dévolue au C.P.A.S.

Plus récemment encore, le tribunal du travail Liège, division Namur71, rappelle l’importance du secret professionnel auquel un assistant social du C.P.A.S. est tenu. Il ne peut demander une enquête de police sur le domicile d’un bénéficiaire du revenu d’intégration.

68 C. Trav. Liège, 24 septembre 1991, J.L.M.B., 1991, p. 1357.

69 C. Trav. Bruxelles, 11 décembre 2008, R.G. n° 50.173, disponible sur terralaboris.be.

70 C. trav. Liège, 24 septembre 1991, J.L.M.B., 1991, p. 1357 et s., voy. également C. trav. Liège, 6 février

2003, R.G. 30649/02, Justel et C. trav. Gand, 22 novembre 1993, Chron. Dr. Soc., 1995, p.83.

(29)

Le tribunal a donc conclu, une nouvelle fois, que les enquêtes de police réalisées à la demande d’un travailleur social sont illégales.

Cependant, les demandes de lever le secret professionnel viennent aussi, et de plus en plus souvent, de la police notamment dans le cadre de la lutte contre les domiciles fictifs. C’est une conséquence directe de la volonté de l’Etat de lutter contre la fraude sociale, mais les C.P.A.S. y travaillent déjà en menant rigoureusement les enquêtes sociales telles qu’elles sont prescrites par le SPP Intégration sociale.

Dans son arrêt du 30 juillet 201372, la cour du travail de Liège s’est prononcée sur la valeur d’un élément qu’un policier avait transmis par écrit au C.P.A.S., dénonçant un probable travail au noir. L’arrêt précise : « Il conviendrait que le C.P.A.S. comprenne une fois pour toute que la réalisation de l’enquête sociale qui doit précéder la décision à intervenir en matière d’octroi, de refus, de retrait ou de révision du droit à l’intégration sociale, doit être faite exclusivement comme le prévoit l’article 19, § 1er, de la loi du 26.5.2002 par des travailleurs sociaux et non par des policiers, qui ont d’autres tâches à accomplir, de même qu’il serait souhaitable que les policiers soient correctement informés des devoirs qui sont les leurs dans l’accomplissement de leurs tâches fonctionnelles »73. Nous voyons donc que la

Cour pointe du doigt les nombreuses incompréhensions qu’il peut y avoir entre les compétences de chacun.

Les délégations aux forces de l’ordre sont donc fermement condamnées par les juridictions qui estiment que les forces de police ont un rôle tout à fait différent de celui des institutions d’action sociale.

B. Valeur probante des enquêtes illicites réalisées par les forces de police

Quel sort les juridictions donnent-elles à ces enquêtes qui sont considérées comme illégales ? Un arrêt rendu par la cour du travail de Liège74, mentionné ci-dessus, s’est penché sur la

question. En effet, la Cour s’était prononcée sur la sanction à appliquer en raison du caractère illégal de la preuve invoquée par le C.P.A.S. lorsqu’elle avait eu connaissance d’un travail non-déclaré par l’intermédiaire d’un inspecteur. Elle avait estimé que l’information donnée par le policier directement au C.P.A.S. ne privait pas les demandeurs du droit à un recours et à un procès équitable.

Quelques mois plus tard, un arrêt de la cour du travail de Liège75 traite de la valeur des renseignements obtenus par le biais d’autres autorités que les travailleurs du C.P.A.S. Les assistants sociaux qui rédigent un rapport social ne sont pas des inspecteurs sociaux et ne

72 C. trav. Liège, 5e ch., 30 juillet 2013, R.G. 2012/AL/647. 73 Ibidem.

74 Ibidem.

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