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L'oeuvre romanesque de Jean Basile.

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

ABSTRACT

Dans l' intro,~uction, nous présentons Jelin Basile et donnons le pla.n de notre th~se qui por~e sur la trl1o-'Si e

"

basili enne 1 "La Jument des Mongols", "Le Gr~nd Khan", et

~

"Les Voyap:,es d • Irkou tsk" •

I~

..

, ,

Le premier ,chapitre est cons8.cré ~ Montréal. Dans

,

"La Jument des Mongols''', nous" I?arlons de la Main, fami li~

---________ .Jéréml ~ et ~ Judlt-h,. --l>ifNrroT'Tu-.::!s~e~srrc>!:aï1I"a;-;d:f"oru:;-n~s--:le Mont-Royal d' o~ nous avons une vue en plongée sur la ville. Nous descendons ensuite dans le quartier du campus de McGl1l o~ habitent Jérémie,

Judith et Jonathan.

/

Dans "Le Grand ~han", Jonathan nous entratne dans le centre-ville o~ 11 habite, travaille et clrcule~ Il

fréquente aussi la Main, les restaurants du secteur Mansfield-de la Montagne. Il nous fait connattre le Vieux-Monfréal et

le quartier noir oh l'on joue du jazz •.

Avec JUdi th, dans "Les Voyages d' Irkoutsk""', nous

\ "

visitons les endro~ts privilégiés du Montréal "underground" des' habitués de la drogue,' le port, la rue Saint-Denis et le Carré Saint-Louis.

Le deuxi~me chapitre tra.ite des personna.ges de

chacun des romans. Nous faisons un portrait physique et moral

(2)

-,

des personnages principaux de la trilogie. Jérémie, Jonathan et Judith, des personnages secondaires 1 Armande, Victor, Adolphe. Anne, Adélaide, Anatole, Aurélien et Victor-Axel. Nous parlons des liens qui unissent les trois "J",

évolution et de leurs relations avec les

-Le sur le style. La

---_~_----structure des romans, des phrases, le choix du vooabulaire,

o

....

,,~

~les procédés littéraires utilisés, les niveaux de langue constituent un style varié et original.

Nous concluons en démontrant l'apport personnel de Jean Basile dans notre littérature québécoise .

(3)

---

---~-~

In the introduction, we make Jean Basile known

and W~ 'give the scheme of our thesisl Jean Basile's trllogYI "La Jument des Mongols", "Le Grand Khan" and "Les Voyages d • Irkoutsk".

/

-The/first chanter ls devoted to Montreal. #> In

. )

"La. Jument des ,MOMOls" , we describe the Main faml1iar to '

1

Jérémie and Judith. We cli~b on Mount-Royal from which we-have an extensive vlew of the town. After whlch we go down into the district of McGill Campus where Jéré~le, Jonathan

')

and Judl th live.

In "Le Grand Khan", Jonathan takes us to the heart

....

of the city where he lives, workO and walks around. He also goes to the Main, ·to restaurants of Mansfield and de la

Montagne. He introduces us to le V1eux-Montréal and the black ghetto where they play jazz.

---With Judith in "Les Voyages d'Irkoutsk", we vis1t the privl1eged places of the "underground" Montreal of. the

~

drug add1cts, the harbor, rue Saint-Oeh1s and Carré Saint-Lou1s.

"

v ~

The second chapter deals wlth the characters. We

make the physlcal and moral portrait of the Most 1mpo!tant ;

. ,

(4)

, 1

1

1

.

'

L

characters of the trilogyr Jérémie, Jonathan and \Udlth,

then~

of the secondary'charactersl Armande, Victor,

AdOI~e,

Anne,

n \

\

Adélaide, Anatole, Aurélien and Victor-Axel. 'We explain the relationships be~ween the three "3", their evolut1°on and

the1r relationships w1th the other characters.

The thlrd chapter'deals with style. Thè structure of the novel$" syntax, the choice of words, the lit~ry forms

\

that Jean Basile uses, the variou~ levels of spëech, create a varied

of Jean

! •

and ori~inal style~

",

In the Bas 1/1 e to

conclusion, we the

h

teratur'~

\

\

\

L r :ontr'l but1 Jn show ~ personal of Québec.

..

(5)

\

.

1

i

"'\ l .-. f ~~ )

'L'OEUVijE ROMANESQUE DE JEAN BASILE

~ fI

\

1, If par, ( JEAN-BERNARD JOBIN , ,

Th~se présentée au Département de Français de l'Université McGil1 comme complément aux cond1t1ons d'obtent1on de la

Mattrise ~s Arts.

-

'Aollt

1973.

~ . ....-' .... oF'

i-"

.

... ~ , Q / /

(6)

,

TABLt DES MATIERES

1. Introducti on

...

pa~es l - 6.

2. Chapitre I l Montr~al • . . . • . . • . • . . • pa~es

7 - 48.

3.

Chapitre I I I Les personnages •.••••..•. pages

49 -

126.

4. Chapitre III. Le style ...•••.••..••••.. pages 12~ - 139.

5.

Conclusion ••.••.•.•.•••••••••••••.•••.• pages 140 - 146. r 6. Bibliographie ••••••••..••••••..•••••••• pages 147 - '150. ' ... o

1

, 1 {

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(7)

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INTRODUCTION

Jean Bas1le, pseudonyme de Bezroudnoff, est né en Russ1e, l Vlad1vostok, en 1932. Quelques années plus tard, ses parents s'install~rent l Paris o~ il poursuivit ses études. Jean Bas1le dét1ent une licence ~s lettres de l'Université de Paris. Il décida d'émigrer au Canada et s'établit

A

Montréal en 1955.' Il devint critique littéraire et dramatique au jo~rnal

"Le Devo1r" en 1960 et publia en 196) son prem1er roman "Lorenzo". (1)' L'ftnnée suivante, paraissait aux Edit10ns du Jour, son

-

.

, deuxi~me roman -La Jument des Mongols". (2 ) Nous ut1liserons pour ce travail de recherche, l'édition de Grasset, parùe en 1966. En 1965, le romancier se fit po~te et pr&senta son ...

"Journal poétique". (3) L'écrivain désirait atteindre un " nouveau pub11c et se laissa tenter par le théâtre. "Joli Tambour" \ (4) fut publié en 1966. En 1967, le romancler récidiva vec "Lé Grand Khan", (5) publié aux Editions Estérel.

/

1 \ ,

(1) Jean Basile', Lorenzo,

1963), 120 pages. (Montréal. Les Edit10ns du Jour,

(2 )

(3)

(4)

~

(5)

Jean Basile, La Jument des MOngols,

Bernard Grasset, 1966), 221 pages. (Paris.

Jean BastIe, Journal poétique,

du Jour, 1965), 95 pages. (Montréal.

Ed1t1ons Les Ed1 t10ns

Jean Basile, Jo11 T!!bour, (Montréal. Les Edit10ns du

Jour, 1966), 167 pages.

Jean Basile, Le Grand Khan, (Paris. !!di tlons Bernard ' Grasset, 1968), 238 pages.

(8)

'.

Nous avons préféré la version remaniée du roman paru chez

~rasset. Cette m~me année, en 1967, Jean Basile fut nommé directeur de la section "Arts et Lettres" du "Devoir", poste qu'1l occupa jusqu'en 1970. Jean Basile livra aux' presses HMH son dernier roman "Les Voyages d'Irkoutsk"i! (1) en 1970, Depuis 1970, Jean Basile a quitté "Le Devoir" et dirige la

Cl

revue "Mainmise".

Nous ne parlerons ni de la poésie, ni du théAtre de -Jean Basile. Seule son oeuvre romanesque nous lntéresse,

ç

l savoir "La Jument des !ongols", "Le Grand Khan" et "Les

-2-Voyages-d'Irkoutsk". Nous avons délibérément exclu de notre étud~ "Lorenzo", l cause de son manque d'intérêt~ Pour Monique BoGco', ~il s'agi t do!"un bien mauvais et superficiel premier

român" . (2) Jean-Ethier-~lais déclare que "C'était l'oeuvre d'un jeune romancier qui,

A

la façon d'un aveugle, tAte le terrain

ah

il s'aventure." (J) Gilles Marcotte n'a~as aimé "les faux pe~it~ drames, faussement atroces de Lorenzo". (4)

(l) (2)

(3)

(4)

Jean Basile, Les Voyages d'Irkoutsk,

Rd! tions HMH, Lt~e, 1970), 166 pages. (Montréal.

Monique Bosco, "Quand le8 critiques sautent la c18ture ••• " ~

Le Magazine MàcLean, Vol.

5,

numéro

3,

mars 1965, p. 60, ' col.

3-4-

5., .

Jean Ethier-B1ais, "La Jument des Mongols de Jean Basile", Le Devoir, Vol. 55, numéro 281, novembre 1964, p. 15,

col. 2-.5..

Gilles Marcotte, "Jean Basile ou le go~t de parler", La Prèsse, "Arts et Lettres", 9 janv1er,196S, p. 6.

r ,

(9)

,"

<,

Apr~~ av01r parcouru ce roman, Gérard Bessette nourr1t "des doutes sér1eux sur le talent de son auteur". Nous

partageons l'av1s de ce dern1er crit1quel "Jean Bas1le aurai~

d~ laisser dormir cette oeuvre de jeunesse dans ses t1ro1rs."

li

Dans l ' "avert1ssement" de "La Jument des Mongols,", Victor, un des personnages du roman, d1 tl "Il Y a quatre choses

importantes dans la vie,'~~~r, la création, l'enfance et la mort." (2} Et Jean BaS1le)d'enchafnerl "J'a1 1mag1né en effet de séparer la v1e d'un homme en quatre branches et de

!

leur consacrer

A

chacune un roman." ()) Cette t'tralog1e est détestablement 1ntitulée, (selon G1lles Marcotte)

"Roma-Amor". (4) Le romancier a

d~.modifier

son plan init1al,

<.-pu1sque le premier roman tra1te de l'amour, le second, de la création et le tro1B1~me des halluc1nog~nes. La tétralog1e est·donG' rédu1te

A

une tr1logie.

(J)

"La Mongols de Jean Basile", 6 , Panorama de la ~~--~--~~~r-~---r~~--~~ et p.

13.

Jean Bas1le, 1966), p. 7.

"

"La Jument Ibid., p. 7.

ols, (Par1a, Grasset,

(4) Gllles Marcotte, "Jean Bas)le ou le go~t de parler", La Presse, "Arts et Lettres", 9 janvier,1965, p. 6.

(10)

- i'"

-4-L'intrigue de "La Jument des Mongol~" s'av~re

assez simple. Jérémie, le narrateur, âgé de trente ans, travaille le jour dans un bureau et vft avec sa mattresse Armande', une jolie jeune femme au passé obscur. Jona~han ne

trav~ille pas, r~ve d'écrire son oeuvre et vit aux dépens du narrateurt Jud1th, l'amie d'enfance de Jérémie et de Jonathan,

est une nymphomane bourgeoise qui adore copuler avec de jeunes mâles athlétiques, qu'elle rencontre dans des bottes du

boulevard Saint-Laurent. De plus, elle est amoureuse d'un jeune étudiant, Adolphe. A ces personnages s'ajoute Anne, la narve seorétaire de Jérémie, éprise de son patron. Enfin, il est souvent question de Viotor, personnage abse~t dont on cite

~!,.,

"'v

souvent les brillantes sentences et qui a eu une influence marquante sur les trois "J" pendaht leur ~dolesoence. Armande devient enceinte de Jonathan. Jérémie, furteux, exige qU'ilS se marient mais Armande et Jonathan ne s'aiment pas et refusent. Jérémie se renferme dans sa chambre et échange des billets avec Jonathan par l'intermédiaire de Judith. Jérémie se réconoilie avec sa mattresse et Jonathan. Armande déoide pourtant de quitter Jérémie et va se réfugier chez Judith. Elle se fait avor,ter avec de la quinine et une son~e et retourne chez Jérémie

-,

oh se sont réunis Judi th, Jonathan et Anne.':~~ Ils la laissent

-mourir d'hémorragie avant d'appeler le médecin et la police.

Coup de théâtre a~ ~econd roman,

"Le

Grand Khan", Jérémie épouse Anne. Ils vont passer leur lune de miel

l

Paris.

,

(11)

'0

,.

,

A Adolphe, l'étudiant révolutionnaire. Quant Jonathan,

a.

Adélafde, étudiante en médeoine A MoGill, tente en vain de le

tr

séduire. On oél~bre ohez Jérémie, le retour d'Anne et de son époux. Jonathan commet une bévue ~ leu~ arrivée. il a revêtu

,

la robe que portait Armande au moment de sa mort. Jérémie, assez conciliant, pardonne oette faute 1 son ami

Jonaf~n.

p '

1

Anne est enoeinte et donne naissanoe

A

un fils difforme, qui a un bec de li~vre. A la demande des parents, Jonathan le tue. Judith tente de se suicider, parce qU',Adolphe lui avoue qu'il ne l'aime pas et est amoureux d'une jeune fille de son !ge. Jonathan a trouvé un éditeur et son roman sera publié.

\

NQUS retrouvons les trois "J" et Anne dans "Les

Voyag~s d'frkoutsk". Mais cette foiS~i, la narratrice est

,

Judith. Elle reoherohe la sainteté et l'amour et s'adonne aux

halluoinog~nes' avec Jérémie, 'Jonathan, Anatole, un homosexUel et Aurélien, un des amants louches de la narratrice. Il est sorti de la pr,ison de Bordeaux. Jérémie et Anne déménagent de la rue Peel au Carré Saint-Louis. Judith est nommée l la direction d'une galerie d'art. Elle,s'~urache d'un jeune ~eintre médioore, Viotor-Axel, qui veut Btre exposé A la galerie d'art que dirige Judith. Celle-oi aooepte mais

l

condi tion que le~ peintre ~,ouohe avec elle. Les différents

(12)

),

1) , ,>

-.

,

-6-_ ~ personnages font l'expérience de plusieurs drogues, écoutent

...

"

de la musique, 'oausent et \

s·~usent.

Victor, ~n personnag~~

. It

1 ~

du prem1er roman, revient ohez Jéréltlie. ~'Ce dernier le trouve o

vieux et médioore et l'assassine.

Si nous nous arr~tons aux titres de oes trois romans, nous constatons que Jean Basile est fid~le

A

son

origine russe. Cependant, ce n'est q~'un procédé littéraire, ;,.,'~

puisque l'action se déroule A Montréa~ dans les années 1960-70. Nous analyserons donc, dans le chapitre premier la ville de Montréal et les différents quartiers déor1ts.- Le , deuxl~me

chap1tre sera consac~é aux personnages et le troisl~me traitera du style. Nous conclurons en démontrant l'o~gina1ité'~

l'auteur dans notre littérat~re québécOise.

"

,.

o

o "

(13)

1 _ _ . ; - _

"

Selôn André Sirois, depuis 1940,"lf~re des romans consacrés

l

la vie rurale et

A

l'aventure héroïque est presque close 1 la vie urbaine devient désormais ob,jet d'observation",

(1 )

dans' la littérature canadienne-française. Montréal a

()

servi de cadre l de nombreux romans tant p~ur les écrivains

\.

d'expreasion française que pour ~es écrivains d'expression anglaise. Ce phénom~ne s'explique ,facilement puisque Montréal

,

et ses banlieues regroupent presque ~a mo1tié de la population du Québec. André Sirois rel~ve vingt-neuf romans ep langue, française, écrits par vingt-deux auteurs et 'douze romans en

langue anglaise, écrits par neuf auteurs pour

l~trer

Ba

th~se. Citons-en quelques-unsl "Les Velder" de Robert

.1

Choquette, publié en 1941, "Bonheur d'occasion" ,de Gabrielle Roy, publi~ en 1945, "Les Vivants, les morts et les autres" de Pierre Gélinas, en 1959,"Un Amour maladroit" de Monique Bosco, en 1961, "Amour'àu godt de mer" d'Yves Thér1ault, _en

"-1961, "Le Couteau sur la table" de Jacques Gcdbout J' en

:t96'5;-"Nouvelles montr'éalaises" d'Andrée Maillet, en 1966 et "La Jument des Mongols" de Jean Basile en 19~4. Pour les romans

... """ "

de langue anglaisel "Two Solitudes" de Hugh MaoLennan, en 1945,

(1) André Siroisl Montréal dans le roman canadien (Montréal 1

Didier, 1968), p. ).

(14)

-8-"The Luck of Ginger Coffey", de. Br1an Moore, en 1960, , "The

c

Loved and the Lost" de Morley Callaghan. en

1961,

"The Pavourite Game" de Leonard Cohen, en

196),

et "Son of a Smaller Hero" de Mordecai RichIer, en

1965.

La v1lle de Montréal, objet de ce chapitre, sera

·.~tud1ée dans chaque roman, séparément. Nous nous proposons d'analyser les différents aspects de la ville que nous présente

~ chacun des narrateurs. L'auteur de "La Jument des Mongols" précise dans l'"avertissement" qu'il "n'invente rien, ni héros, ni décor, ni situations". (1) Cette précision vaut certes pour' le décor, car Montréal est déorite de façon réa11ste.

Comment le romanc1er déf1n1t-il sa v1lle? Quel quartier les personnages préf~rent-ils~et pourquoi?

oh

habitent-lIs? O~ vont-ils s'amuser et se distraire? Sortent-ils souvent de oette ville? L'aiment-Sortent-ils? Telles sont les questions auxquelles nous répondrons.

Pour Jérémie, "Montréal, ce n'est décidément ni Florence ses madones blondes, ni Venise sa lagune ses oanaux, ni Babylone ses jardins suspendus et Sémlramls~ ni mAme

Carthage ses ruines. (2) Une ville cosmopolite. "Un peu

Ath~nes oependant avec ses nombreux Grecs qui ouvrent ioi et

(1) Jean BaSile, La Jument des MOngols (Parls1 Gras~et,

1966),

p.

8.

(2)

"

Ibid., p. 14.

(15)

"

1

;1

raussel

l~ clubs et restaurants remplis immanquablement de

fleurs, pergoias, cieux" (lJ et"la cupidlt~ vraie". (2) Les

.

ménag~res hongroises de la Main, "le fin fond nord de la ville plus italienne cette fois que grecque" (3 ) et le "quartier chinois quadrillé par de beaux policiers"." (4)

On n~rçolt ce cosmopolitisme dans la Main qui

"collpe-la-vllle-en-deux-d~llmitant-alnsi-l'est de l'ouest".

"Lorenzo" (transformation évidente du nom du boulevard Saint-Laurent) racontait l'histoire du monde interlope de la Main. A elle seule, la Main représente tout un univers avec

ses odeurs, ~es cris, ses gargottiers, ses cin~mas, ses clubs

et ses ,tavernes t ses salles de billard, ses restaurants et

son

o~icine

de tatoueur.

Ses odeurs 1 "celles-cl corporelles, qui varient entre l'odeur de pieds et .d'aisselles et celle de fiente qui

(

provient ( ..• ), du march~ de volailles voisin ( ••• ), pà~um du c~.Rq...-d ix-quinze, halei ne parf'umée" au lire-saver,

Ci)

Jean Basile, La'Jument des Mongols (Parisl Grasset,

1966) , p.

14.

D (-2 )

"

Ibid. , p.

15.

( 3 ) n, Ibid. , p.

15.

(4)

"

Ibid. , p. 22. (5)

"

Ibid. , p. 11. ~ ,r. ...

(16)

c

-10-brillantine non grasse genre Brylcream ( ••• ), cambouis, essence de vo1ture. pétrole lampant, ~out cela dans une seul&. bou~fée

d'air et s1· 1ntimement mêlé et secoué comme un ooquetel dans un shaker ( ••• )" (1 ) Ses cris, en traversant un quartier sans doute francophone, Jérémie entend des jurons. Ses

"gargottiers qui vendent des frltes, du mars dit blé d'Inde' cuit l l'eau et réôhauffé l la vapeur pour lui enlever ce qui lui reste de godt, des chiens-chauds, des hamburgers, plus de nombreux sandwichs ( ••• ), des tartes ( ••• ), cr~me glacée, beignets grecs et autres ,friandises maison, des cafés cr~me­

sucre, divérsea l1monad~s, coke, seven-up, b1~re d'épinette,-o

pepai ~ssentiellement, la vraie bi~re nous la trouvons dans d'autres établissements ( ••• ) " (2)

(3)

Ses cinémas pouilleux. "le Mldrtfght e't le Savoy", selon Judith, "11 faut ,pour les fréquenter pratiquer avec innocence une hygi~ne l l'américaine qui constste l se saupoudrer

~oigneuBemen~

avec de la poudre DDT ( ••• ) " •

(4)

(1 ) Jean :BaSile, La Jument

1966), p. 12.

des MOngols (Paris. 6rasset,

(2)

"

Ibid. , pp. 11-12.

(3) ft Ibid. , p. 12. (4) ft Ibid. , p. 12.

.

(17)

Ses clubs, "le Saint-John ou l'Ar1zona ( ••• ), le Rodéo mais ce dernier fréquenté plus ordina1rement par des provinciaux

en goguette dont les femmes se régalent Plaoe des Arts au réoltal Bellafonte." (1) Les salles de billard "et tous ces jeunets qui V~UB regardent en coin ( ••• ), ils ne trava111ent pas et pourquQi travailleraient-lIs je vous le demande, [de s'exciamer:ï'

~

Judi tn

J '

apr~s tout Ils ont leurs fesses et

l'assurance-

..-\

chômage, quand ça descend de sa province, voyez-vous, un pet1t jeune ça va au coll~ge class1que si iapa paie ou ça ne travaille

(2) d

pas ( .•• )"

l

~

Jér~mle s'émervel1le du "Ben Ash, non'pas le nouveau

\ ~

"

tout en ohrome, lanternes ohinoises made 1n Japan, arborite ~

imitant le bois si blen que les termites eux-mAmes s'y trompent,

,

l'ancie6 Ben Ash o~ personne sauf les voyous et la po11ce n'osalt ,,,.:'" -e-ntrer , ,~ns escorte, le Ben Ash du bon vieux temps ( ••• ), vral

~'

\

site touristlque avec ses toilettes aux murs recouverts

d'inscriptions (.~.)" (3) ·Ce n'est pas assez parler de la Main sl j'en omets l'offlclne du tatoueur que l'on trouve assez pr's du port, somme toute, pour que les,marlns la fréquentent falsant ainsi marcher par tradltion un des oommerces les plus vieux du

( ' ). (4)

monde

.

• • • •

(1) Jean Basile, La Jument des MOngols (Pari,. Grasset, 1966), p. 13.

(2)

Ibid. , p.

13.

'(3 )

"

Ibid. , pp. 1)-1,,",.

..

(4 )

"

" . Ibid. , p.

22.

0 >;1 .,1

(18)

"

\J ,'...t

-12-VoilA une description minutieus~ de la Main, de ses ~tablissemebts et de sa c1ien~~le. Nous sommes informés du menu des gargottes, respirons l'odeur du boulevard et de

\

.

\

ses c1némas, savons que nous pouvons jouer ùne partie de

'"

billard en attendant de nous rendre au club ou de nous faire , tatouer. Enfin le "Ben Ash"restaure la cllent~le du quartier

jus~u'A l'aube. ( Jérémie et ses compagnons n'ont-ils pas

raison d'affirmer que RIa topographie de ces

11euxCn'~]

plus de secrets pour [ eux] R1 (1)

A l'ouest de la Main habitent Jérémie, Armande et Jonathan. Au flanc du Mont-Royal, vraisemblablemen~, ~uièque,

"'~es fen~tres

de son ap;,artement. Jétémie voi t "le8 buildings '

'"

de~a vi1~e, 1~ CIL, la Sun Lire, un coin du Beine Elizabeth,

la t·colonnade du Bell Telephone, le dame vert de Marle aèine du 1 )

...

Konde, les quarante-deux étages de la'Plaoe Ville-Marie ( ••• ),

l'immeuble de l'H~dro-Québect le seul illuminé toute la nuit ( ••• ).

(2) (~)

Jonathan Aemeure

l

·deux cents pas· j de chez Jérémie

' .

"

et Armande. Quant l Judith, on ignore oh elle loger elle passe la plus grande'partie de ses loisirs avec ses amis qui l'hébergent.

(1) Jean BaSile •. ·:-~a Jument des JIIangols (Paris 1

1966 ), p. Il. (2)

(3)

" R

Ibid. ~ p.

37.

Ibid., .p. 90. " / Grasset, ~

(19)

..

.

4",A~

f

e

{

Judith et Jérémie vont Jeter leur gourme dans leur quartier favori, la Main. Le narrateur décrit de façon précise le trajet qu'ils empruntent

pour~rendre

l "oe_bar étudiant ou artiste" (1) Nous supposons, que

l'~ppartement

de Jérémie est sur la rue Peel. Ainsi Jérémie éorit. "Nous descendons C ••• )

la rue Peel entre les vagues des belles façades en briques rouges des maisons ~our rejoindre d'abord la rue Sherbrooke o~

nous attend toujours la devanture ddPetit Musée ( ••• ) (2)" pour gagner le centre de la ville nous passons par la rue

Guy ( •••

l,

PU1~s.e:bOUChons

la rue sa1nte-cathet\

~C(

... ),

nous déambulons sur le trottoir nord pour profiter u speotacle que nous offrent les devantures des grands magasins ( ••• )"

"Passé le square Philippa, nous h&tons le pas pour ne nous arrêter plus, un peu essouflés, que devant l'antre des

1

(J)

mo~cyclistes ou de tous les apprentis oow-boys de la métropole,

A

l'est de la rue Bleury, ( ••• ) enfin nous arrivons, ( ••• ) oet endroit est minable et minable cette olient~le de trop jeunes enfants pour la plupart vatus de blue-jeans et de blousons."

(1) Jean Basile, La $ument des MOngols (Paris. Grasset, 1966), p. 60. (2)

"

Ibid. , p. 60. (J)

Ibid. , p. 62. (4),

Ibid. , p •

63.

(4)

/

(20)

:

-14-Pourtant, on y rencontre les "plu 1 beaU:l'f'8pécimens

Iatino-indiens de l'est de la

vl11~,"

(I) qui se racontent les ,potins du quartier et de la pl Cet endroit n'a rien

\

d'attrayant l e~ juger par "1~ saleté du l~eu,

<":)

la

laideur des affiches qui

déc~~~nt

les murs

~

bariolage vomitif," (2) A la page

solxant~, ;ud~th

a parlé ,"d'un bar .

c

étudiant ou artiste,"a1ors que dix pages plus loin, Jérémie~-~~----­ ignore "quel drame se joue

dan~

cette taverne et quelle

mis~re

o

y r~gne." (J)

A la sortie de cette taverne, Judith rencontre "un garçon, presque un homme 1 tête d'assassin, (",)[ qUi1

(4)

./

descend directement des rives du Lac Saint-Jean,"

Jérémie., Judith et sa conquête se rendent au"Salnt-Joh~o~

:~irémie

se paie une fille. Il compare le club l un "enfer" (S)

l

cause de la fumée et du bruit. Un chanteur comique s'égOSille "devant le cruel auditoire."

(1 ) Jean Basile, La Jument 1966) , p. 6). (2)

"

Ibid, , p. ()

"

Ibid. , p. (4 )

Ibid, , p. (S)

"

Ibid. , p. (6 )

Ibid. t p. (6 ) des Monaola

64.

70.

70.

7~.

71.

(Paris 1 Grasset, , ' " " , 1 , \ / ,

.'

(21)

• v

Les deux couples vont satisfaire leurs"instinots \ dans un "tourist rooms", (l) dont les "murs sont décidément (JJ

en carton." (2) Jérémie nous décrit les meubles e~ la chambre. Ensuite, Judith et Jérémie vont se restaurer "au Lotus Bleu, dans la ville chi-;;:oise

L

et oommandent] un repas confortable et incohérent arrosé d'alcool de riz," (3) Enfin, une

1---n1I'"TT11m't'm1'I~dans .. le port ~t Jérémie rentre chez lui en taxi

alors que Judith continue de déambuler seule.

'\

,

"'"

Jona~qan n'a-t-il pas raison de se demander ce '

qU'ils peuvent "trouver d'attrayant dans ces lieux nauséabonds." (4) Jérémie répond. "Parce qu'ainsi nous prenons mieux la

ville aux tripes

et

que les trlpés, dans l'animal, c'est ce qu'il y a de plus intéressant. If'

-l.(

5) Judi th renchéri t r "La Maln, c'est notre dimension tragique ( ••• )"

(6 )

L'atmosph~re de ces clubs est tragique et la client~le est blasée!

Apr~s cette nuit épuisante sur la Main, Jérémie a besoin d'al~frais et escalade le Mont-Royal avec Jonathan.

(l) Jean Basile, La Jument des Mongols (Paris 1 Grassflt,

1966), p.72.

(2) Il Ibid .. , p.

74.

()}

"

Ibid. , p.

76.

(4) Il Ibid. , p.

15.

(5)

Il Ibid. , p.

15.

(6)

"

Ibid. , p. ,

15.

~ "'" .,...", ,.~i 1 "

(22)

....

,

e

_ u

Ce dernier~hoisit pour grimper les escarpements les p'lus

rala~s,,,

(1) au mllieu des taillis et des arbres. Les deux amis débouchent "sur là terrasse en hémicycle qu1 s'étend devant le chalet", (2)

d'o~ l~on

volt la

v~lle

"coincée

-

.

entre le fleuve et le flanc de cette colline." (J) Le narrateur aper901t~n petit chemin emprunté souvent par des promeneurs parfois aussi par des cavaliers amateurs montés

r

sur de gros chevaux de labour." (4) "Le vert des arbres se déploie dans toute la gamme de leur diversité noire pour les

conif~res, acide pour l'orme, argenté pour le tremble, si on regarde loin devant soi, c!est la vraie ville." (5) "Le

-16-fleuve nous apparaft ( ••. ) et les trois~ponts Cartier, Mercier, Champlain ( ••• ) rampent presque au niveau de l'onde,· (6)

·Cette bande étroite de maisons qui nous renseigne

aéâ;z

sur

t

la petitesse de la ville trouée dans son oentre, (.,.)[ de

J

hautes murailles d'émail et de vitre des nouveaux buildings ( ••• ), plus loin enoore les grosses

ollo~es

sombres des usines l

\

(1 ) Jean BaSile, La Jument des Monsols (Parisl Grasset,

1966) ,

p.

96.

(2) .' ,:

..

Ibid. , p.

97.

(3) < ... Ibid.. , p .. .

97.

...,

..

\. ~- '" (4 )

.,..

Ibid. , p.

98.

,

(5)

Ibid. , pp.

98-99 •

y (6 ) te Ibld~ , pp.

99-100.

,~ ',1

..

\, ~ "

(23)

gaz propane et les ballons d'argent des distilleries d'huile

(1 )

lourde ( ••• ) "

Jérémie, véritable citadin, n'aime pas la eampagne " et "n'apprécie gu~re ( ••• ) que les pelouses du campus de

l'université (sic) McGill, les vieux ormes, ( ••• ) les vieux hêtres, ( ••• ) la fontaine dont la vasque en forme de coquille ,saint-Jacque. est soutenue par trois athl~tes un peu ridicules

soigneusement caleçonnés quoique imités de Michel-Ange." (2) Jérémie se sent en sécurité "dans cette fausse campagne

vallonnée, avec pour bruit de fond 1e8 pétarades des voitures et pour odeur celle des gaz dJéchappement." ()

~

<-"'"

~ Un soir d'été, Jérémie rejOin~ son ami Jonathan' au campus de l'Un1vers1té McGill. Il en profite pour décrire "les façades néo-gothiques qui prennent dans la noirceur d'aimables proportions, non moins que le fronton de style dorien (sio), colonnes et ohapiteaux se dressant sur la route du savoir comme un avertissement de l'ennui qui se cache derri~re

les murs-de l'auguste demeure, ( ••• )" (4)

(1) Jean Basile, La Jument des MOngols (Paris 1 Grasset,

1966), p. 100. (2)

"

Ibid. , pp.

42-4).

(J)

"

Ibid. , p.

4).

(4)

"

'Ibid., p. \6

5•

J

/ 'J /

'\

(24)

-18-N'est-il pas significatif que Jérémie et Jonathan

pour se réconcilier,fuient les bruits de la ville et se retrouvent dans cette "fausse campagne" du campus de McGill? De mAme,

lorsque Jérémie constate que sa maftresse l'a qUitté,il cherche la paix et l'évasion dans la montagne~ "Il est des soirs oa

l'âme plus que le corps a besoin de se sentir entourée d'arbres.·

(1 )

Jérémie se mêle l la foule, lorsqu'il apprend

qu'Armande va mourir, il aime vivre ~au milieu de la ville et des hommes ( ••• ) et [ 11 voudrait

J

se marier pour toujours A

cette foule en fête qui se prom~ne et( le) frôle, voici l'école des beaux-arts, polyteChnique et ses chapiteaux ridicules,[ 11J passe devant l'église grecque, aborde en courant la petite côte du boulevard Sai nt-Laurent, (. ' •• ) ignore Ben-Ash tout étincelant v

de lumi~re,[ ses] cinémas Savoy, Midnight dont l'entrée

A

oette

heure ressemble A un trou noir ( ••• )" (2)

Aux promenades l pied de Jérémie, succ~de une

,/ __ t

J

promenade en voiture avec Judith. Ils s'arr3tent'"sur l'esplanade de l'hôtel de ville qui

l

cette heure sert de champ de manoeuvre

A

je ne sais quelle fanfare." (J) Nos héros savent sans doute

(1) Jean-BaSile, La Jument des MOngols (Parisl Grasset, 1966), p. 185. (2) (J)

"

ft Ibid., pp. 207-208. Ibid., pp. lJ9-l40.

(25)

~

e

que la meilleure façon de connaftre une ville, o'est de s'y promener A pied, pour en découvrir les~ndroits typiq~es,

observer les gens et l'architecture.

Pourq~l Jérémie, personnage'princ1pal du roman,

• ... • ~"O

(' 1) JI'

a-t-il horreur de la campagne? Le narrateur de répondre 1 ~

"parce que je m'y ennuie n'arrivant pas A me mettre en accord avec le grand souffle du vent." (1) Il Y a auss1 beauooup de "moust1ques qui habitent par myriades les alentours du grand chalet que poss~de Judith dans le nord." (2)

\"

Quant au Mont-o

Royal, d'apr~s Jonathan, "pour qui n'aime pas la ~~mpagne, cette

\l'{i--~\

col118e plantée Il, au mi11eu de la v111e doit

lUi~rartre

une sorte de monstrueuse, stupide et inut1le verrue."

"

() Voici ce que pense Victor de Montréal 1 "une ville la1de avec ses rues

mal pavées continuellement en réparation, ses petites maisons,

(

lesoescaliers de fer, ses enseignes lumineuses, ses vitrines, ses angles droits, les pots de fleurs accrochés aux réverb'res, seS fenêtres l gu1110tine, ses toits peints, ses h6tels de luxe et même ses habitants."

(4)

(1) Jean BaSile, La Jument des MOngols (Paris 1 Grasset,

1966), p. 42. (2)

"

Ibid. , p.

42.

() )

...

Ibid. , p.

97.

(4)

Ibid. , p. 0

4).

~ -t..

,

... • 10

...

~ ~:''''' ... ~ '~, ." ~'1"''' . . , .

..

.

J'if

(26)

~,

L~s sentiments que Victor, Jérémie, Jonathan et Judith éprouvent pour Montréal, semblent assez confus. Ces personnages, véri tables ci tadins" t,:rouvent laide leur ville t

mais ils y restent,car Ils préf~rent:la ville

A

la campagne.

'" ,

-20-Jérémie avoue aimer "le spectacle des rues défoncées, le~ trous ~, de boue, les empilements de briques, les carcasses d'acier des

f.

~ ~.. J';.

l,

futures bâtisses qui grimpent, les grues et les pelles ex-cavatrices." (1) Montréal, une ville dynamique qui se

transforme sous nos yeux, qui s'agrandit. Victor, le penseur du groupe, d,éQ,Îara~ t 1 "Sa,ns la MAi fi , mes enfants, je orois bien

, 0

que je détesterais Montréal." (2) Nous comprenons maintenant

.

pourquoi Judith et Jonathan aiment tant le boulevard 8aint-Laurent~'

ses bottes, ses restaurants qU'ils connaissent sl bien et oh ils .L

se rév~lent

A

eux-memes ~t au lecteur. De fait, l'intér~t des trois

"J"

est centré sur la Main, dans le premier roman.

, ,

Dans "Le Grand Khan", il sera encore question de ....

,;\

la Ma1n, oh se rend Jonathan pour assouvir ses passions. Mais

, l,:

dans ce roman, l'importance du centre-ville l'emporte sur le . boulevard Saint-Laurent. Jérémie, Ann~, Jonathan et Adélalde ont élu 'domicile pr~s du oampus de MeGill. Nous suivrons

(1) Jeàn BaSile, La Jument des MOngols (Paris 1 Grasset,

1966 ), p. ~ 7 0 •

(27)

Jonathan de Bon domioile

l

son travail. Le narrateur, pendant ses loisirs nous entratnera dans de nombreux restaurants, au oinéma, au théâtre, avec lui, nous ferons des promenades nocturnes au c,r:>eur de Montréal. Montréal influencera le narrateur qu1 imag1nera sa ville. Nous verrons donc les rapports entre la ville et l'écrivain.

Dans "La Jument des Mongols·, Jonathan n'accompagnait pas Jérémie et Judith qui fréquentaient la Main. Mais Jonathan change d'avis. Il en a assez d'3tre sage et chaste. "Admettons-leI oette rue Saint-Laurent est tracée avec justice par Judith et par Jérémie oomme une voie royale orteil n'a] qu'A rs'Jengager

l

[son~1

tour ( ••• )" (1) La soirée débute par la visl te des

bars. "l'Arlequin", le "Frenoh Casino","Ie Main Caté", "la Casa Loma" et se termine au "PaIl Café." Comme Jérémie, Jonathan

est impressionné par le cosmopolitisme de la Main. Dans ce club sordide,du ·Pall Café", joue un ·orchestre oosmopolite, ~ Noir saxophone ténor, un Blanc pianiste, un Jaune japonais qui chante un peu ou gratte une gui tare éleotrique, pour annoncer [une fille qui exécute] un strlp-tease qui s'arr'te

àu

slip et aù

soutien-. 'soutien-.

'"f ." .

gorge, la loi mUnicipale de

la

moralité les obllgeant

l

~

"

mont~r

que les épaules, les

bras,

les Jambes, le

ve~~r~,

ie seul

( 11

Jean Bas lIe, Le Grand Khan

1968),

p.

1)9.

"

(Paris. Bernard ~asset,

...

(28)

nombril devenant par

Il

m&me d'un érotisme dément." (1) Cette fille se nomme Daisy-Sexy et lorsqu'elle a terminé son numéro, elle se prom~ne parmi les clients, un "parterre de rois campagnards indifférents." (2) Jonathan, grisé par ~ l'alcool, s'offre Daisy-Sexy et rentre chez lui avec elle.

-22-Il demeure rue Prince-Arthur. "Je serai ( ••• ), le prince de ma steppe et de ma chambre, de la rue Prince-Arthur, le grand Khan." (3) Son royaume n'impressionne

gu~rè'

Sa chambre est ·placée si pr's de la chaudi~re du chauffage central que l'éternel gargouillement de l'eau, qui entre et sort dans la bonde par la tuyauter1e,[luD rend les nu1ts longues et insupportables."

!4)

Jérém1e et Anne séjournent

A Parls, pendant leur lune de miel et -Jonathan prof! te Ide leur 1 appartement bourgeois"de la rue Peel." (5) Notons

qu~

Jérémie

i

ne nous avait pas ind1qué le nom de' la rue, dans le pr~.ler

1

roman. Adélaïde, étudiante en médecine

l

l'Univers1té/ MoGlll habite dans le quartier.

(1) .r.éan Basile, Le Grand Khan 1968), p. 1"'2. (2)

"

Ibid. , p. 142

()

"

Ibid. , p. 1). (4 ) , Il Ibid. , p. 129. (5) Il Ibid •• p. 14.

.

~ 1 -.

(Parlsl Bernard Grasset,

/

(29)

En l'absence de son méc~ne, Jonathan s'est mis ~

écrtre. De plus il travaiJle comme journaliste. Avant' de se rendre au bureau, Jonathan aime "musarder longtemps, longtemps,

.,)

( ... ) traverser Saint-Laurent au coin de Prince-Arthur, acheter quelques fruits, les man~er en tranversant le carré Saint-Louis, son bassin, sa statue de plomb argenté, toujours un Hongrois

o

endormi sur un banc" puis la rue Saint-Denis et ses maisons

bour~eolses aux escal~ers en tire-bouchon, puis le Select au

J

coin de la rue Sainte-Catherine, ( ••• ) puis l'ancienne université,

puis le carré Viger ( ••. ), la pet1 te fontaine gueule de lion,

.r .>

tout cela bouleversé p~r le métro qu'on creuse, ( ••• ) puis la préfecture de Pollce et la maison du ~raveur Gaucher." (1) Tout comme l'auteur, Jonatran travaille sans nul doute au ,

~ ,

'-"Devolr"~" On inaulr,ura le métro en 1966. Le roman fut écri t

'r," , J ~ •

~ ~

.

,-avant cette année.

o Le journalisme laisse ~ Jonathan beaucoup de temps

libre. célibataire, Jonathan n'aime pas cuisiner et mange dans de no~breux restaurants, ceux des rues de la Montagne et Mansfield, "chez Bens"" rue Metcalfe; il se rend aussi A un club interlope de la rue Peel, ou va au théâtre ou au cinéma. Il n'est pas Avare de détails, sur la c11ent~le, le menu et le décor.

Jonathan se permet des jugements de valeur peu tendres sur les genS qu 'ils rel')contrent·;~ ... Cas: :~ratés du Bi strot, (" ••• ) Q

" , , '

du Carmén, du Parn-Parn, ( ••• ) tous ~eux qui se prom~nent l

'\

(1) Jean Basile, Le Grand Khan (Paris. Bernard Grasset,

1968), p. 15.

\

Q ..

,

" ~, o 9

r

t

(30)

-24-découvert entre la rue Sainte-Çather1ne et Sherbrooke, su~

les rues de la Montagne et Mansfield, mangeant

A

la Cr8pe Bretonne ou, plus modestement, avalant' un veau Marengo ~u Colibr1, arborant une morgue que rien{nfautorise sinon, parfois, une certa1ne grAce dans un visage ou une"~émarche, faux art1ste, mais tout cela ntest r1en pour moi qu1 le sals,"

"L,e B1strot'" a droit l presque deux pag~s dans oe

::-~

roman. Le décorl "compto1r en laiton et table de marbre, un" petit ~arls d'opérette oomme dans "Irma la Douce" hollywood1en

(1 )

( ••• ), cela est sympathique quand m3me et, du m01ns, les garçons

1900,

A

moustaohe en croc, les cheveux séparés,par une raie au mi11eu de la t!te~ le petit doigt rococo crochetant les boutons de baguettes françaises l boutons, et non pas, comme icl, A

fermeture-éclair, permettent un pet1t rAve de dépaysement (.,,).

(2)' Jonathan nuance. son Jugement sur la

client~le

et s'inclut parm1 les ratésl "je Buis lA chez moi pour quelque temps enoore,

,

avec les pe1ntres sans galerie, les ooméd1ens sans théâtre, les chanteurs sans varîétés, moi sans livre." (3)· L'atmosph're noua rappelle oelle du bar non identifié de "La Jument des MongolS·,

(1 ) Jean Basile, Le Grand Khan (Paris 1 Bernard Grasset,

1968),

p.

87.

;

(2)

"

Ibid. t pp.

97-98.

(31)

~ 0 o~ l'on se raoontait les potins de l'endrolt et du quart~er.

')

,.

"-" /

~u ·Blstrot~ "le seul plalsir véritable est d'éoo~~s les

co~érages qui se colportent de table en table, les secrets qui

y naissent, les ceroles pour initiés qu1 p~éparent, su~ les nappes de papier, des projets fabuleux de longs métrages, les sculpteurs et leur 1ntégration de l'art',oela m'amuse, [ oontinue Jonathan] puis me tue dè les volr .louer ·,.vec oes beaux ballons

(1) :., ,1'

crevés."

Tard dans la soirée, ou apr~s m1nuit, Jonathan et Judith vont se restaurer'"chez Bens". Comme d'habitude, ils s'y rendent l pie~ et nous pouvons suivre m1nutieusement le trajet qu'ils empruntent de chez Jonathan au restaurant. Ils passent par "les rues Aylmer et Burnside, ( ••• ) [ s 'arr3tent] devant le nouvel immeuble de la rue Milton", (2)

o~

l'on peut louer un appartement pour six oents dollars par mois. Ils trave:y;sent ·le oher campus de MoGlll o~ [lIs chant'rent

J

bien,· des allélulas lafques, la rue Mansfield, son,magas1n de ohaussons de ballet, tutus, p~illettes, postiohes ohor'graphlqueB, en ~ace du parking automatique, puis la rue Burnslde détonoée, le futur métro passera par

Il dans un rouooulement de gros jouet sur

roulettes pneumatiques ••

~

(3) ,

(1)

Jean Basile, Le Grand Khan (Parisi • Bernard

Grass.t,

1968,

p.

98.

(2)

1 Ibid., p.

155.

~

{

(J)

Ibid. , p.

156.

(32)

"Tout est atroce, safran et n01r, chez Bens, l"éclalrage au néon donne l la c11ent~le un a1r oo11queu%,

/ '

les t01lettes sont au sous-sol avec les téléphones, les cl1ents n'y pullulent pas avant trois heures du matin, .quand les oabarets ferment et que les art1stes en col~re,

peur se consoler de l'épouvantable et d1ff1c!le c11ent~le

-26-buvant, fumant, oriant, rot~nt pendant qu'1ls ohantent,

v1ennent en cet endr01t olos manger un smoked-meat ( ••• )W (1 )

Jonathan no~s am~ne ausS1 dans le Vieux-Montréal, rue Sa1nt-Pau1.· La oérémon1e du mar1age 4e'Jérém1e ét d'Anne

,

se déroule l la chapelle Notre-Dame-du-Bon-Seoours. Le

narrateur a l'odorat f1n et sur le parv1s de la ohapelle, 11 sent "l'odeur des ohoux et oelle des pommes de terre fermentées

(2)

( ••• )" Façon orig1na1e de nous 1ndiquer qu'on peut aoheter des légumes au ~rohé, non loin du parv1s. Qui dIt légumes

pense repas et nous revoill dans un autre restaurant. Jud1th

,1\

... trouve oet endroit tout l fait charaant mai gré les lIeubles e~ .•. la ouis1ne canadiens. Nous avons reconnu wLes F1l1es du

~w

avec wles serveuses en robes de lainage longues, les oheveux oo1ffés en ohignon soua une sorte ~ ooiffe blanche." () )

(1) Jean BaSile, Le Grand Khan 1968), p. 1;6. (2)

()

W W Ibid., p.

17.

Ibid., p. 20. \

(Paris 1 Bernard. Grallset',

(33)

Pr~s de la rue Saint-~aul, demeure Judith, rue Notre-Pame. Dans

i

ce quartier on rénove~ démolit, construit et la locataire se • plaint des -camiot (. j.) qui passent, le'9's moteut's immenses

font vibrer les vitres de la maison.- (1)

Au chapitre de l'alimentation, nous ne saurions passer sous silence les co~rses de Judith, Adolphe et Jonathan qui préparent un banquet pour le retôur de Jéréaie et d'Anne. Il,semble qU'on soit saturé des restaurants, puisqu'on donnera ce repas ohez Jérémie. Adolphe recherche des "mets inoonnus chez Van Houtte ou chez Dionne.- (2) Le trio se regroupe et

va dévaliser un Steinberg du oentre-ville. Jonathan s'émerve~~le

de tous oes produits de consommation qui s'alignent Bur lès étalages. Le narrateur oonsacre cinq pages l nous énumérer le oontenu du magasinl

L'estomao bien rempli, Jonathan parcourt Montréal.! Il lui arrive d'aller au théltre "Stella" ou au ·TNM·. Mals

11 préf're le oinéma. "Au System, [il va vOir] pour un dollar ( ••• ) des films de

guer~e."

() Ou encore 11 va dans l'est, au

(1) Jean BaSile,

1968), p.

65.

Le Grand Khan (Paris 1 Bernard G:r:JI.sset,

(2) ,

Ibid. , p. 114. ()

Ibld. , p. )2 • . ~ ,

.

J

.

"

(34)

...

... ~ ' ...

cinéma "Amherst ( ••• ) qu1 présente trois ·~llms."

Cl)

C1néma

.

spécial, "endro1t de rendez-vous, dans sa péno~bre oompl10e, pour les r~lles hétaïres ( ••• ) et quelques jeunes exaltés du sexe ou oélibata1res qui préf~rent encore la vieillesse d'une femme A pas de femme du tout." (2)

t

\ Spéoial aussi, oe club, de la rue Peel, pr~s de

"

.

l'hôtel Mont-Royal. Jud1th et Jonathan veulent "surprendre Adolphe en flagrant délit d'adult're pédérastique et réaotion-naire", (3) au-Tropicana". Dans ce club, deux sallesr

éolairage violent, "petites tables, juke-box", (4) dans la . preml~re. Dans la deuxi~me, un projecteur éclaire la sc~ne

remplie de poussi~re et de fumée, alors que "les Fabulous Volcanoes se déchatnent sur un podium stratfoPdien". (S)

""

Les musiciens, avec leurs instruments, oassent les oreilles

)

des consommateurs de bi're et des danseurs, ~es réduisent au silence et les forcent

l

oub11er "le rembourrage désuet

, -' . ,. "

( 1 ) 'J ean Basil e, Le Grand Khan-,. (Pari S 1 1968), p. 89.' < , , (2) ()} (4) (S)

"

"

"

"

Ibid. , Ibid. , -Ibid. , Ibid. , p. 89. p.

158.

p.

159.

p.

159.

1 Bernard Grasset,

•.

k

(35)

[ des Si~gesJ dont les ressorts ( ••• ) rentrent dans les fesses". (1) L'odorat subtil de Jonathan constate ·une

,

baisse dans l'emploi d'Old Spice au profit d'East Jade en provenanoe des Etats, sans doute en l'honneur des soldats au Vietnam." (2) La

o11ent~le

est constituée d'éléments "mâles

trop males en veste de cuir, adolescents attardé. dans'des

~

chemins roses, garçons calamistrés l l'oeil glauque

atte~dant

un je-ne-sais-quoi de rose dans leur finesse élancée et leur pantalon de velours garance mais des filles, il y en a,~

asslsés parfo1s, debout parfo1s, dansant ensemble.· (J)

Nu1t fatigante pour un journaliste qu1 travaille ,

le jour et écrit un roman. Le nootambule Jonathan se ~rom~ne aussi '-, seul, "dans ce qua~tier qu' [11 connart] si bien, l

l'est du eampus de MeGill enoore hanté de petites maisons fantomatiques dont les escaliers extér~eurs, les pignons, &font place, peu l peu, l des blocs appartements de vingt

étages". (4) Sur son parcours Jonathan croise "les étudiants de l'Université McGlll qul se prom~nent en groupe sifflant des

(1) Jean Bas11e, Le Grand Khan (Paris 1 Bernard Gra~

1968) , p •. 161. 1> \ '( 2)

"

Ibid. , p. 161.

(3 )

..

Ibid. , p. 161. (4 )

..

Ibid' , p.

41.

, . , : ' ... (

(36)

!-!'

. \

.

airs de Bob' Dylan mais r~~nt de vivre comme Frank Sinatra, parlant, riant fort, un peu niais, touchants quand même et

",

témoins d'ûne immense bonne volonté de vivre heureux." (l ) Malgré la vie du quartier, on laisse ~es pelouses

A

l'abandon et c'est un "vieux quartier qui meurt," (2)

,

"Montréal peut, la nuit, prendre en certalns endrol ts une allure un peu nostalgique et dangereusement\: ,

,

-)0-h~~Ùrle d.àn~

çe

dé.8ert~

déjl:,. de la

l"U.~

<

Sa1nte~Cathe~lne

entre

. . . . l ' \ " , ( t l,

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les rues

,:M~tcalr_e->'.~t Pê~l;

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"'''" " , ~ 1 <0/': "''':' ,..t l , .. \ 1 . ., , " ~ , "

1 _'1.. ' • • j ~ , - . ~ ~ 1 ::

"seulement par le bnui t sec des drapeaux- qui, blaqu'ent>au vent. tout est fermé horm1s Peppe's et Bens, depu1s longtemps le Monterey et le bal espagnol, se s~nt éteintes derni~rement~~~' luml~res de la Sun L(.e ( ••• ), ,le portier de l'h~tel Windsor sommeille ( ••• ), deux taxis attendent de peu éventuels ollents

( ••• ) Je marche lente~ent (de poursu1vre Jonathan). je vols

,

deux agents que j'lnqui~~e, qui m'observent, je passe devant

,

Wilfrid Laurier et les saints, penChés sur le toit de Marie-Relne-du-Monde, metdo~ent l coups de crosses~ de mitres, d'alles, leur béné4ict~Ont

le

boulevard Dorchester est vierge

.

-(1) Jean Basile, Le Grand Khan 1968), p. 41.

(2)

Ibid., p. 42.

,.

.

,

(Paris. Bernard Grasset,

, ..

..

,

(37)

\

.

~,. 'j

"

de voitures A cette heure". (1 ) Jonathan jette un coup d'oeil sur "l'exposition des peintres du dimanche", (2) au carré Domlnl~n. "Je connais ici ohaque tronc, chaque plante,

, P

chaque brih-d'herbe",

(3)

d'affirmer Jonathan. Il passe ensuite devant le palais cardinalice, longe la guinguette, "les banos pour les hommes d'affaires du Reine Elizabeth, "

-... ,

du Laurentien". , (4)

'-Il desoend ensuite dans "le quartier noir, le Harlem, \le Rockhead Paradise, aux speotaoles pornographiques

! ~

une

fOl'~ 8~r

d'etrl''.1nterdi ts par la préfecture,

o~

[i'l se rend]

..

'"

parfois pour voir les n~gres issus par quel biais de Halifax, de Moncton, de Sàlnt-Jean, boire de la bi're en éooutant du

jazz" • Jonathan aboutit finalement au port.

Nous 'avons fai t un

tour~lle

beaucoup plus complet dans "Le Grand Khan" que dans "La Jument des Mongols". L'instinct sexuel a poussé Jonathan sur la Main. L'amitié l'a

,

guidé quant au choix de sa ohambre, située au centre-ville,

(\1 ) Jean Basile, Le Grand Khan (Paris r Bernard Grasset,

1968), pp. 50-

51.

(2)

"

,

Ibid •• p. 51. (3 )

"

' Ibid •• p. 51. (4 ) If Ibid •• p. 52. 1) .... (5)

"

- Ib1d •• p. 52. r

(38)

-)2-pr~s de chez Jérémie, Anne et Adélafde, l proximi té de son,.

travail et de chez Judith, non loin des restsurants, des cinémas, des théAtres et des clubs qu'il fréquente. Il nous a fait oonnattre différents types de Montréalats. Nous avons aussi déambulé dans les rues tranquilles de la ville, la nuit. Ces longues promenades nous ont épuisés. Maintenant que nous avons satisfait notre curlosité et nos sens, l~ moment est

1

, ,

venu de réfléchir avec Jonathan sur oe que rep~spnte Montréal pour un écrivain.

Entre la ville et le narrateur se tlssent des liens tr~s étroits, semblables A ceux qui unissent la m~re l son

enfant. "Un cordon ombélioal me relie l Montréal." (l) Jonathan se démande ce qU'il ferait "sl Montréal n'était pas lA oa. du moins [ i l peut s·] engloutir et [se] perdre, obj~t peut-~tre foetus dans sa m~re, sans yeux, sans bouohe et sans oreilles, parlant, voyant, éooutant, et pourtant n~~nifestant

pas d'autres ~e.naoes contre [lUi] - même que ses lisses façades ,

d'émail bleu, ses escaliers en tire-bouohon, son thermom~tre

sur l' édifioe de la Hudson Bay(. •• }. saint-Joseph, la "Vierge t saint Jean-Baptiste, sur la façade de Notre-Dame, mais laide

(I) Jean BaSile, Le Grand Khan 1968), p. 1.30 •.

(Paris 1 Bernard Grasset,

..

'

.

'

..

(39)

( "

statuair&~, et par I l même réconfortant dans ce qu'

r

il a

J

en [lUi

J

d'ho~riblement

ve-lléitaire". (1) L'eJnfant

ressemble

A

sa m~re.

<7

Montréal emprisonne le narra~eur qui est l la recherche de l'lnsplrtation. "Je suis, en vérité, coincé ~~ dans une terre sans flamme, ne trouvant de ressource ni dans

ce que je vois ni dans ce que je sens, t!chant de retrouver,

BOUS les visages nus des plaques d'émail des bu~ldings ou

parfois même des gens, ~ travers la terne apparence des pierres ou des briques des anciennes maisons, dans les escaliers d~ la rue Saint-Denis ou les arbres du carré Dominion, ce que je peux, modestement sans être dupe des \),\ vitrines ni de l'apparence des gens, cela qu'il faudra bien

finir par appeler un coeur mais ne le trouvant

~as

•• ,(2)

L'air d~ cette prison que devient Montréal, est pollué. Jonathan compare "Montréal

l

un étron, le Saint- ~ Laurent

[1]

une oataraote de pisse, Outremont

Il]

des aisselles puantes, Ville Mont-Royal [

11

de~

-pieds malodorants, Lachine

[a]

des orottes de nez, Verdun

[1

JI'

oire des oreilles,

- (1)

Jean-Basile, Le Grand Khan (Paris. Bernard Grasset,

1968),

p.

70.

(2)

"

Ibi1i., pp.

38-39.

'.

-, ., :.. .-,

-, t

(40)

'.

.~-,- - Ville d'Anjou,

[~

un pet,

Longueu~l

[lJ

un rot". (1) Le narrateur désire partir de cette ville qu'il se prend l

trouver"9bsc~ne '( ••• ), ses gratte -ciel et ses petites maisons (le manque d'uniformité dans l'arohitecture), ses pelouses vertes, l'h~tel de ville Tudor de Westmount, la côte de Liesse et la o~te des Neiges, McGill, la Montagne, les bas quartiers, la haute ville, le port, le System, tout ce qui est inclus y compris les Tarzans dans cette p+aine marécageuse emprisonnée entre la Rivi~re-des-Prairies et îe

.

Saint-Laurent". (2 ) ,

"

-34-"Dans ma ville de presque Amérique, je m'ennuie", chante Robert Charlebois. Ce refrain, Jonathan le fait siens ~ "l'ennui me p~se comme une bête morte que Je porteraiS". ()

1

Alors que le premier roman se déroUlait en été, le second se

~tt,

passe en automne et en hiver. Jonathan est sensible l "la nostalgie agressive de certaines soirées d'hiver, l la

fermeture d'Eaton ou de Morgan, quàhd~la toule se retrouve dans la boue, glacée, transie d'un seul coup apr~s la chaleur des bouohes d'air, les

(l)~ean

Bas1le, _~1196~}, p. 66. (2) (3) (4 )

"

..

>' " 1

gens désolés et tremblants".

(4 )

Ces

images.___---~

Le Grand Khan

(par1S~~-~rasset,

,..--..---'----

---Ibid.,

P}).----52;;;:

5~ Ib1d., p.

5).

<>

(41)

1 ,'t'

-e"

" t.. ... ~ <, ,

contrastent avec celles de l'été "o~ les jeunes garçons vont la chemise flottant au vent, bras nus ". ( ••• ) et les :c.t'll~~ en

,

,-sandales, ( ••• ) le parc Lafontaine, Jeanne-Mance, lès petites rues dans l'est plu~ chaudes (00.) " (1)

Aussi perdu que Maria Chapdelalne, Jonathan enjambe les bancs de neige, "la rue Sainte-Catherine est ple1ne de monde, la circulation automobile est bloquée, touk g~let s'immobilise, meurt dans un trépignement de pieds martelant la nuit de si~ j_

heureso" (2) En hiver, on s'ennuie, on songe l la mort. , , "cette imagë d'une ville morte grandit notablement en moi dans un déslr{ ~~int~ ,'d,~t!f'froi,d 'abord les ma;solls i, p~.is les h9mmes,

, .. ~ 'f • "

sentant con~ment que mon travail est dè'la faire vivre sous peine de me retrouver un beau jour tou~seul, moi aussi, sur elle transformée en 1ceberg." (3)

Comme Victor de "La Jument des Mongols", Jonathan du "GrandJKhan~ qualifie de laide , la ville de Montréal. 11

--

---faut lui donner "sa beauté qu'elle n'a pas, trop jeune qu'elle est

e~

déjl

Pleine'~l'1d-ea-.----_J4)

Mais le miraole se produit,

(1) Jean Bas1le, Le Grand Khan 1968), pp. 70~7l.

(2) If

Ibid. , p. 190.

(Paris 1 Bernard Grasset,

(3) Il Ibid. , pp.

31-320

(4 ) If Ibid •• p. 1)4.

Do

(42)

0-'"

..

1 J

/

-36-/

~t

grâce

A

l'inspiration de l'éorivain. -je ohange d'aspeot

Montréal ohange d'aspeot, me voioi jouant le triomphe de, muses sur les nymphes transformées en oiseaux ( ••• ), tout est beau désormais, grand. noble, Montréal devient la' Venise "'nordl<\ue oa je suis, ( ••• )

m3m~:,cela

pourra dono 3tre a1lDé.. (1)

- J ' . 1...

~

On voit Montréal, avec l'oell de Jonathan "comme dans un tableau de mattre, Rembrandt ou Delacroix." (2) Et tout l coup, l'écrivain nous transporte au pays des merveilles!

~ontréal, vue de la fenêtre de l'h8pital (Notre-Dame), me semble comme une ville des Mille et une Nuits, les arbres prosaïques du parc Lafontalne, des palmiers, les enfants patinant l'h1ver, des ohameaux, les promeneurs nocturnes et peu rares, des marchands d'olives n01res, c ... )-

(3)

Mime si la vi11e'de Montréal n'offrë rien de poét1que en s01, ni ses rues, n1 son arch1tecture, n1 sa pollut1on, n1 son h1ver, n1 son ennui, ni ses habitants, Jonathan transforme cette

réalité par amour pour cette vi1le-m~re. Pour le Montréal

physique, jean Basile, n'invente rien comme 11 nous le préo1sait dans l'avertissement de la "Jument des Mongols", mais l'éorivain imagine aussi Montréal.

(1) Jean Bas1le,

Le

Grand Khan 1968), p. 198. (2 ) (3)

"

Ibid. f, p. 102. Ibid., p. 229.

(Par1s 1 Bernard. Grasset,

"

1 1 1 1 "!

(43)

"Les Voyages d' Irk.outsk" compl~te le~ d erni er volet du triptyque sur Montréal. Avec la narratrice Judith, nous voyageons dans de~ "lieux dits privilégiés qui, de leurs ondes concentriques, nourrissent chacun de nouS selon les bons

voulo1rs des plaisirs, chaqu~ lieu su~citant un bombardement sensuel et cérébral de moments culturels'quand la culture

oublie ses mécan1smes livresques pour passer de l'environnement aux zones se~sitives." (1) Sensuelle,_Judith l'est

A

volonté et elJe nous rév~le un Montréal tr~s particulier.

Irkoutsk, c'est une ville imaginaire ~qui pourrait, fi"

parmi tant de steppes glacées, s'appeler Oka, Hochelaga, ou encore Ben Ash de la rue Saint-Lau~ent quand les Indiens et les cowboys enfants attendent ~es clients, chacun marqué,

selon son goût, de l'étoile défunte de la taverne de Montréal, du soleil du ROdéo, de ltarc-en-ciel du Saint-John, ou, les

jours de plUie, tous flambant en guirlandes dans la nuit stroboscopique des cinémas Midway et Crystal o~ trots films

coûte~t vingt-cinq cents, chacun ayant suivi le même chemin de la cour juvénile de la rue Saint-Denis à une quelconque

ferme située dans un quelconque Saint-Lin, mais revenant toujours

A

la source preml~rel Montréal gravée dans leur coeur, ,par '

1 un coeur, les jeux de mains sous les escaliers de la rue

Saint-Hubert, le patin au Parc Lafontaine, la preml~re auto

(1 ) Jean BaSile, Les vOia~es d'Irkoutsk Editions HMH, Ltêe,

9

O~, p. 6~~~

(Montréal,

\ -'.

(44)

.

~-,

-

.

-38-.

du grand fr~re, le dimanche dans les Laurentides, tes hot dogs et le Cooa-Cola,au café du ooin et le p4té chinois fait par

une

m~re, plut~t

grasse, l la main leste." (1) Une phrase

aussi longue, remplie de noms de ~es, de olubs, de "c-t.hémas, laisse ~ongeur. On dirait une séquence filmée de l'Est de Montréal 1

Judith retourne sur la Main et dans l-Eat,paroe qU'elle veut nous présenter la sexualité de Mont~éal. Elle reprend "le chemin de ce que Jonathan nomme [ses]

"MYst~res

d'Eleusis" en cette époque pas si lointaine o~ pour un oui

et un

no~ ~lle di~paraissaitl

pour des journées

enti~res

au

Crystal et au Midway, ces cinémas fermés,

~lle aval~un

repas léger chez Ben !sh ou un hot dog chez Maggie qu'

[ell~

.,...

arrose un peu apr's d'une ~i~re l l'Arlequin ou au Main Café, aimant y retrouver parmi les filles de gaffe et tous les gars de la Main, une sorte de Québeo périmé, oe western nordique par nul Ford immortalisé." (2) Le Québec a trouvé son Ford en la personne de Gilles Carle qui a tourné "La mort d'un bûcheron" et qui raconte ce western de la Main.

(1 )

(2)

Jean Basile, Les vorages d'Irkoutsk (Montréal.

Editions

HMH,

Ltêe,

970),"

pp.

60-61.

"

Ibid., p. 21.

"

, , ' ... ( .

Figure

table  et  l'horrible ,stylographe  A  la  main  inventer  plus  ou  moln~

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