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Efficacité d'un programme de régulation des émotions à l'intention des hommes proches aidants d'une personne malade atteinte de troubles neurocognitifs majeurs

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Academic year: 2021

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Efficacité d’un programme de régulation des

émotions à l’intention des hommes proches aidants

d’une personne malade atteinte de troubles

neurocognitifs majeurs

Mémoire doctoral

Alex-Émanuelle Langis

Doctorat en psychologie

Docteure en psychologie (D.Psy.)

Québec, Canada

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Efficacité d’un programme de régulation des émotions à

l’intention des hommes proches aidants d’une personne

malade atteinte de troubles neurocognitifs majeurs

Mémoire doctoral

Alex-Émanuelle Langis

Sous la direction de :

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Résumé

L’objectif de cette étude était de déterminer l’efficacité d’un programme de régulation des émotions à l’intention des hommes proches aidants d’une personne atteinte de trouble neurocognitif majeur. Dix participants ont pris part à l’intervention qui s’est déroulée à l’Université Laval. L’intervention avait lieu une fois par semaine pendant 13 semaines consécutives et elle était d’une durée de 90 minutes. L’implication des participants nécessitait qu’ils répondent à une série de questionnaires à trois reprises; avant l’intervention, après l’intervention et au suivi de trois mois. Des Anovas de Friedman ont été effectuées sur les variables détresse psychologique, l’humeur dépressive, la réaction face aux troubles comportementaux ainsi que la fréquence, les stratégies non adaptées, les stratégies adaptées, les aspects positifs et négatifs rapportés, et la qualité du soutien perçu face à la prise en charge de leur proche. Seules les variables fréquence rapportée des troubles de comportement et de mémoire de leur proche ainsi que les stratégies inadaptées ont révélé des résultats significatifs. Contrairement à ce qui était attendu, une augmentation significative des stratégies inadaptées et une diminution de l’utilisation de certaines stratégies adaptées ont été remarquées. Cette intervention ne s’est donc pas révélée efficace pour les hommes proches aidants. Avant de conclure définitivement, reproduire l’étude avec un plus grand nombre de participants, considérer leur niveau d’adhérence aux stéréotypes masculins et la présence d’un groupe contrôle permettrait d’obtenir une meilleure puissance statistique et des résultats plus représentatifs de la réalité.

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Table des matières

Résumé ... iii

Liste des tableaux ... vi

Remerciements ... vii

Introduction ... 1

Répercussions sur la santé psychologique... 4

Répercussions sur la santé physique ... 5

Répercussions sur la dimension sociale ... 6

Répercussions sur les aspects financiers ... 6

Facteurs de risque associés aux aspects négatifs du prendre soin ... 7

Facteurs de protection associés aux aspects positifs du prendre soin ... 9

Comparaisons entre les proches aidants hommes et les proches aidants femmes ... 12

Effet de la prise en charge sur les hommes proches aidants ... 14

Les interventions offertes aux hommes proches aidants ... 17

Lacunes méthodologiques et conceptuelles des études ... 19

Intervention basée sur la régulation des émotions ... 21

Fondements théoriques d’une approche cognitive émotionnelle ... 21

Description de l’intervention proposée ... 24

Objectif ...28

Hypothèses ... 28

Méthodologie de la recherche ...29

Devis expérimental et procédure ... 29

Critères d’inclusion et d’exclusion de l’étude ... 30

Participants... 30

Procédure d’évaluation ... 30

Instruments de mesure... 31

Implantation et intégrité de l’intervention ... 33

Analyses statistiques ... 34

Résultats ...36

Profil des participants ... 36

Analyses intra-groupe ... 36

Les tailles d’effet ... 37

Effet de l’intervention sur les proches aidants ... 38

Implantation de l’intervention et niveau de participation des hommes aux rencontres ... 40

Discussion ...41

Limites de cette étude ... 46

Conclusion ...48

Références ...51

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Annexe 1: Objectifs et contenu de l’intervention...75 Annexe 2: Formulaire de consentement ...77 Annexe 3 : Questionnaire d’admissibilité ...83 Annexe 4 : Questionnaires Pré-intervention, post-intervention et au suivi trois mois .87

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Liste des tableaux

Tableau 1 ...72 Résultats des analyses non paramétriques Anovas de Friedman effectuées en pré-test,

post-test et suivi de l’intervention (n= 10, K=3) ainsi que les médianes de chacune des variables mesurées.

Tableau 2 ...73 Résultats des tailles d’effet et du seuil de signification de l’intervention pour chaque

variable mesurée incluent dans les analyses de comparaisons multiples à posteriori pré-test, post-test et au suivi de l’intervention 3 mois (n= 10, K=3).

Tableau 3 ...74 Nombre de participant ayant vu leur résultat s’améliorer, se détériorer ou rester le même

aux variables d’intérêts selon les mesures pré-intervention, post-intervention et au suivi 3 mois.

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Remerciements

Ce mémoire a pu être réalisé grâce à la collaboration de différentes personnes. D’abord, je tiens à remercier mon directeur de recherche, Jean Vézina, de m’avoir donné l’occasion de travailler sur ce sujet comme projet de mémoire doctoral. Malgré les divers obstacles qui se sont présentés, travailler avec les proches aidants masculins a été une expérience riche tant au niveau intellectuel qu’émotionnel.

Ensuite, je remercie Caroline Camateros, ma collègue, mais également l’animatrice des groupes d’intervention. Elle s’est impliquée de manière exceptionnelle auprès des participants afin de susciter leurs intérêts et s’assurer de leur bien-être tout au long du processus d’intervention. Par le fait même, un énorme remerciement pour le temps qu’Andrée-Ann Shaw-Cloutier a pris pour faire passer les différents questionnaires aux participants ainsi que pour tout le temps passé à la clinique de mémoire afin d’assurer un recrutement continu. Sa disponibilité, sa rigueur, son professionnalisme et sa bouille sympathique ont permis d’alléger les difficultés et les frustrations que peut créer la période de recrutement.

Je tiens également à remercier le docteur Robert Laforce de la clinique de mémoire du CHU de m’avoir permis de recruter au sein de son unité.

Je termine ces remerciements en soulignant toute l’importance du soutien, de la patience, de l’amour et des encouragements dont ma famille et mon copain ont fait preuve au cours des dernières années.

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Introduction

Selon l’étude Raz-de-marée, la prévalence de personnes atteintes par la maladie d’Alzheimer ou d’une affection apparentée doublera d’ici une génération en touchant près de 1,1 million de Canadiens en 2038 (Société Alzheimer du Canada, 2009). À l’heure actuelle, environ 100 000 nouveaux cas de démence sont diagnostiqués chaque année au Canada, ce qui en fait un problème de santé publique d’une grande importance.

Depuis 2013, les démences décrites comme des maladies dégénératives peuvent être regroupées sous l’appellation générale de troubles neurocognitifs majeurs (DSM-5). L’American Psychiatric Association (2013) définit ces troubles par la présence d’un déclin cognitif significatif chez la personne par rapport au niveau de fonctionnement antérieur dans un ou plusieurs domaines cognitifs qui interfèrent dans les activités de la vie quotidienne de la personne atteinte et qui ne surviennent pas exclusivement dans le contexte d’un délirium. De plus, les déficits cognitifs ne doivent pas être mieux expliqués par un autre trouble mental. Cette appellation peut être spécifiée selon la maladie spécifique dont la maladie d’Alzheimer, la démence fronto-temporale, la démence à corps de Lewy ainsi que les maladies vasculaires (American Psychiatric Association, 2013).

La prise en charge de personnes atteintes d’un trouble neurocognitif majeur nécessite beaucoup de soins de la part de leur proche. De fait, un des enjeux majeurs entourant cette maladie touche la situation de vulnérabilité des proches aidants. Selon le guide d’accompagnement à l’intention des proches aidants (Guay, 2011), un proche aidant est défini comme étant une personne qui offre sans rémunération du soutien moral et de l’aide à une personne âgée en perte d’autonomie. Les aidants doivent apprendre à gérer les nombreux changements qui apparaissent chez leur proche tant au niveau cognitif que fonctionnel et comportemental. En plus, une supervision constante et de plus en plus importante s’avère nécessaire en raison de la perte d’autonomie que provoque l’évolution de la maladie (Langa et al., 2001). L’assistance fournie par les proches aidants comprend diverses tâches dont l’aide aux activités de la vie quotidienne et domestique (s’occuper des travaux ménagers, de l’entretien extérieur, de la gestion du budget, du transport, de la préparation des repas), l’organisation des soins et le suivi de l’état de santé (accompagner le proche aux rendez-vous médicaux, veiller à la prise de médication), les soins personnels

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(donner le bain, aider le proche à s’habiller, à faire sa toilette personnelle) et le soutien émotionnel (conseiller, écouter, rassurer le proche) (Alzheimer’s Association Report, 2014; Gaugler, Kane & Kane, 2002; Givens, Mezzacappa, Heeren, Yaffe, & Fredman, 2014; National Alliance for Caregiving, 2009; Schulz, & Quittner, 1998; Thomas, Hazif-Thomas, Delagnes, Bonduelle, & Clément, 2005). La particularité des proches aidants de personnes âgées atteintes d’un trouble cognitif est qu’ils consacrent significativement plus de temps à dispenser des soins en comparaison aux proches aidants d’une personne âgée sans trouble cognitif (CSHAG, 2002; Langa et al., 2001; Ory, Hoffman, Yee, Tennsted, & Schulz, 1999). Wimo, Winblad et Jonson (2007) rapportent que les proches aidants de personnes âgées avec trouble cognitif dédieraient environ 7 heures d’aide et de supervision par jour. Également, il est rapporté que les proches aidants de personne avec troubles cognitifs assumeraient ce rôle sur une période de plusieurs années contrairement à ceux n’ayant pas de trouble cognitif (Alzheimer’s Association Report, 2014; National Alliance for Caregiving, 2009).

Actuellement, il y a 55 % de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer qui vivent à domicile grâce à l’implication des proches aidants (Société Alzheimer du Canada, 2009). Il n’est plus nécessaire de démontrer toute l’importance de l’aide et du soutien associés aux proches aidants et des retentissements négatifs également associés à ce rôle. Il est reconnu que prendre soin d’un proche atteint de troubles cognitifs engendre davantage d’épuisement qu’une personne atteinte d’une maladie chronique (Nordtug, Krokstad, Sletvold, & Holen, 2011; Papastavrou, Charalambous, Tsangaris, & Karayiannis, 2012). L’étude de Nordtug et al. (2011) rapporte que les aidants de personnes atteintes de démence utiliseraient plus les services professionnels, rapporteraient moins de soutien de la famille et des amis et percevraient moins de soutien contrairement à ceux ayant une maladie chronique pulmonaire obstructive (MCPO). De plus, les personnes MCPO seraient en mesure de demeurer seules à la maison, parviendraient à prendre soins d’elles-mêmes et présenteraient moins d’agressivité que celles ayant une démence. Aussi, ces aidants seraient plus à risque de dépression, d’anxiété, de colère et d’hostilité (Pinquart & Sörensen, 2003a; Sörensen, Duberstein, Gill & Pinquart, 2006). On peut donc largement reconnaître qu’accompagner un proche atteint d’un trouble neurocognitif majeur a des conséquences importantes sur le plan de la santé mentale, de la santé physique, ainsi que sur les aspects

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sociaux et financiers (Etters, Goodall, & Harrisson, 2008; Moon & Dilworth-Anderson, 2015; Ulstein, Wyller, & Engedal, 2007).

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Recension des écrits

Actuellement, très peu de services s’adressent spécifiquement aux aidants et ceux-ci ne répondraient pas à leur besoin de soutien psychologique (Ducharme, 2009). Dans ce contexte, intervenir auprès des aidants semble primordial d’autant plus qu’il est largement reconnu qu’accompagner un proche atteint de démence a des conséquences importantes sur le plan de la santé mentale et physique, ainsi que sur les aspects sociaux et financiers.

Répercussions sur la santé psychologique

La prévalence des symptômes dépressifs chez les proches aidants d’une personne souffrant de démence s’élève entre 20 % et 50 % (Cuijpers, 2005; Givens et al., 2014; Laks, Goren, Dueñas, Novick, & Kahle-Wrobleski, 2015; Zarit & Femia, 2008). Entre 40 et 70% des proches aidants présentent des symptômes cliniquement significatifs de dépression où environ 25% d’entre eux satisfont les critères diagnostiques d’une dépression majeure (Gallagher, Rose, Rivera, Lovett, & Thompson, 1989; Redinbaugh, McCallum, & Kiecolt-Glaser, 1995; Schulz, O’Brien, Bookwala, & Fleissner, 1995; Bookwala, Yee, & Schulz, 2000; Zarit, 2006). L’étude de Joling et al. (2015) rapporte que l’incidence de la dépression ou d’un trouble d’anxiété chez les proches aidants s’élève à 60%. De plus, ces personnes présentent des niveaux plus élevés de symptômes dépressifs associés à des maladies chroniques que la population générale (Kielcolt-Glaser, Dura, Speicher, Trask, & Glaser, 1991; Pinquart & Sörensen, 2007; Schulz & Sherwood, 2008; Schulz et al., 2003; Vitaliano, Zhang, & Scanlan, 2003).

La présence de pensées suicidaires chez 16 % des aidants démontre bien l’importance des bouleversements que ce rôle peut susciter sur le plan émotionnel (Black et al., 2010). Une autre étude rapporte que 26% des proches aidants d’une personne atteinte de démence ont pensé plus d’une fois au suicide dans la dernière année (O’Dwyer, Moyle, & Zimmer-Gembeck, 2013). Seulement la moitié d’entre eux s’était confié à quelqu’un alors que 30% ont rapporté qu’ils tenteraient de s’enlever la vie par suicide dans le futur. Les proches aidants qui ont rapporté avoir des pensées suicidaires ne possèdent pas une bonne santé mentale, perçoivent un faible sentiment d’auto-efficacité pour utiliser les services de

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soutien de la communauté et utilisent des stratégies d’adaptation dysfonctionnelles (O’Dwyer, Moyle, & Zimmer-Gembeck, 2013).

Entre 25 % et 31 % des aidants présentent des symptômes d’anxiété (Cooper, Katona, Orrell, & Livingston, 2008; Laks et al., 2015; Mahoney, Regan, Katona, & Livingston, 2005;) et ils auraient des niveaux plus élevés de stress associés à des maladies chroniques que la population générale ainsi que des problèmes immunitaires (Kielcolt-Glaser et al., 1991; Pinquart & Sörensen, 2007; Schulz & Sherwood, 2008; Schulz et al., 2003; Stalder, Tietze, Steudte, Alzander, Dettenborn, & Kirschbaum, 2014; Vitaliano et al., 2003).

Aussi, il a été relevé que la consommation accrue de psychotropes chez cette population constitue un autre indicateur des répercussions qu’entraîne la prise en charge d’une personne atteinte de démence sur leur bien-être psychologique (Pérodeau, Lauzon, Lévesque, & Lachance, 2001; Schulz et al., 1995; Thomas, Hazif-Thomas, Pareault, Vieban, & Clément, 2010; Van Houtven, Wilson, & Clipp, 2005).

Répercussions sur la santé physique

De nombreuses études mettent également en relief la précarité de l’état de santé physique des aidants (Haley, Roth, Howard, & Stafford, 2010; Vitaliano, Scanlon, & Zhang, 2003). Environ 60 % des aidants cohabitant avec la personne atteinte d’un trouble neurocognitif majeur déclarent que leur état de santé s’est détérioré depuis qu’ils prennent soin de leur proche (Black et al., 2010; Joling et al., 2015). Les aidants rapportent significativement plus de problèmes de santé physique comparativement à la population générale (Pinquart & Sörensen, 2003a; Schulz et al., 1995; Vitaliano et al., 2003). Les proches aidants seraient plus susceptibles de présenter de l’hypertension (Laks et al., 2015; Moon & Dilworth-Anderson, 2015), des maladies cardiovasculaires, du diabète (Laks et al., 2015), un taux d’hormones du stress élevé dans le sang ainsi qu’une faible réponse immunitaire (Damjanovic et al., 2007; Mausbach et al., 2007; Stalder et al., 2014; Vitaliano et al., 2003). D’ailleurs, le fait d’être un aidant a été associé à un risque élevé de mortalité (Fredman, Cauley, Hochberg, Ensrud, & Doros, 2010; Pinquart & Sörensen, 2007; Schulz et al., 1995; Schulz & Beach, 1999). D’autres effets délétères sont observés comme la fatigue (Black et al., 2010; Ferrara et al., 2008; Teel & Press, 1999) et les difficultés de

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sommeil (Creese, Bédard, Brazil, & Chambers, 2008; D’Aoust, Brewster, & Meredeth, 2014; Laks et al., 2015; Peng & Chang., 2012; Simpson & Carter, 2015; Thomas et al., 2010).

Répercussions sur la dimension sociale

L’engagement auprès d’un proche malade a également des conséquences négatives au niveau social. Étant donné leurs nombreuses responsabilités, les aidants ont peu de temps pour s’occuper d’eux-mêmes (Ferrara et al., 2008), réduisent leurs activités de loisirs (Clark & Bond, 2000; DiLauro, Peirera, Carr, Chiu, & Wesson, 2015; Mausbach, Chatillion, Roepke, Patterson & Grant, 2013; Seltzer & Li, 2000; Stevens et al., 2004; Thomas et al., 2005), ont moins de contacts sociaux (Mausbach et al., 2013; Ory et al., 1999) et ressentent davantage de solitude (Beeson, 2003; Raivo, Laakkonen, & Pitkälä, 2015). Leurs sources de soutien social diminueraient significativement avec le temps (Clay, Roth, Wadley, & Haley, 2008), les confrontant ainsi au risque d’isolement (Kerhervé, Gay, & Vrignaud, 2008). Leurs relations sociales subissent diverses pressions, notamment lors de la présence de conflits familiaux (Ferrara, Langiano, Di Brango, De Vito, Di Cioccio, & Bauco, 2008; Neufeld & Harrison, 2003) et de modifications au sein de la dynamique conjugale inhérentes à la maladie (Braun, Scholz, Bailey, Perren, Hornung, & Martin, 2009). Cependant, il apparait que le nombre de personnes procurant du soutien social n’ait pas d’effet sur la dépression des proches aidants, mais que ce soit plutôt la qualité du soutien avec la famille et les amis qui serait lié à la dépression (Roth, Mittelman, Clay, Madan, & Haley, 2005). Une récente étude effectuée par Han et al. (2014) rapporte que la présence de peu d’interactions sociales positives et peu de soutien émotionnel seraient associés à une augmentation du résultat à l’échelle de dépression

Répercussions sur les aspects financiers

Entre 57 % et 71 % des aidants de personnes atteintes de démence rapportent être confrontés à des difficultés au niveau de leur travail en raison de la gestion de la maladie de leur proche (Alzheimer’s Association Report, 2014; Black et al., 2010; Ferrara et al., 2008). Plusieurs mentionnent avoir été contraints à réduire leurs heures de travail (Black et al., 2010; Laks et al., 2015), quitter leur emploi ou à prendre leur retraite de façon hâtive (Black et al., 2010; Ory et al., 1999). De plus, il n’est pas rare que les aidants doivent

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assumer pour leur proche les coûts relatifs au transport, à la médication (prescrite ou non) (Black et al, 2010; Yang & Lee, 2015), à l’entretien ménager et au recours à divers services de soin (personnel soignant, répit, etc.) (Black et al., 2010; Yang & Levey, 2015). Des problèmes financiers peuvent également s’ajouter à leur fardeau, situation d’ailleurs associée à une moins bonne santé physique et mentale (O’Dwyer, Moyle, & Zimmer-Gembeck, 2013; Pinquart & Sörensen, 2007; Sun, Hilgeman, Durkinn, Allen, & Burgio, 2009) ainsi qu’à une moins bonne qualité de vie (Alvira et al., 2015).

Facteurs de risque associés aux aspects négatifs du prendre soin

De façon générale, les variables associées aux effets négatifs de l’aidant concernent deux principales catégories, soit les caractéristiques du proche aidé et celles de l’aidant. Une des conclusions univoques pouvant être tirée soutient que la présence de troubles psychocomportementaux (p. ex.: apathie, comportements agressifs, errance) constitue un des meilleurs prédicteurs du fardeau et de la dépression des aidants (Arango Lasprilla, Moreno, Rogers, & Francis, 2009; Bédard, Pedlar, Martin, Marlott, & Stones, 2000; Ornstein & Gaugler, 2012; Pinquart & Sörensen, 2003b). Une revue systématique effectuée par Chiao, Wu, et Hsiao (2015) soulève que le facteur primaire associé à l’épuisement des proches aidants sont les problèmes de comportements ou psychologiques. D’ailleurs, c’est la présence de ces mêmes troubles qui incitent les aidants à héberger leur proche (Gaugler, Yu, Krichbaum, & Wyman, 2009; Kunik et al., 2010; Soto et al., 2008). Un pourcentage substantiel d’aidants proches indique d’ailleurs qu'ils souhaiteraient obtenir davantage de soutien pour apprendre à gérer les troubles de comportement de leur proche (Alzheimer’s Foundation for Caregiving in Canada, 2008; Rosa et al., 2010). Il n’est donc pas surprenant dans ces conditions que ces problèmes comportementaux soient répertoriés dans plusieurs modèles (p. ex. Sörensen & Conwell, 2011) comme étant des stresseurs primaires. Pour leur part, les études évaluant l’impact des atteintes cognitives et des déficits fonctionnels du proche sont plus ambigües et plusieurs montrent une relation faible, voire nulle entre ces variables et les conséquences sur les aidants (Bédard et al., 2000; Di Mattei, Prunas, Novella, Marcone, Cappa, & Sarno, 2008).

Certaines caractéristiques sociodémographiques (p. ex., âge, genre) ainsi que des facteurs contextuels (p. ex., lien de parenté, cohabitation) liés à l’état de détresse des

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aidants ont également été cernés (Adelman, Tmanoca, Delgado, Dion, & Lachs, 2014; Haro et al., 2014). Une revue clinique effectuée par Adelman et al. (2014) a permis d’identifier différents facteurs de risque à l’épuisement des proches aidants. Ils rapportent que le fait d’être une femme, avoir un faible niveau de scolarité, cohabiter avec le proche aidé, passer de nombreuses heures à prendre soin du proche, avoir une dépression, s’isoler socialement, présenter un stress financier et le fait qu’ils n’ont pas choisi d’être proches aidant sont considérés comme étant des facteurs de risque à l’épuisement. Une faible estime de soi et le manque de soutien familial seraient des variables corrélées avec l’épuisement et le bien-être psychologique du proche aidant (Alvira et al., 2015). Des associations ont également été révélées entre les conflits d’horaire et l’épuisement, le bien-être psychologique et la qualité de vie. Les problèmes de santé se sont révélés comme étant clairement associés avec l’épuisement, le bien-être psychologique et la qualité de vie (Alvira et al., 2015). En général, plus les aidants sont âgés, plus ils sont susceptibles d’éprouver du fardeau et des problèmes de santé physique augmentant alors le risque de dépression (Lawton, Moss, Kleban, Glicksman, & Rovine, 1991; Ory et al., 1999; Rinaldi et al., 2005; Vitaliano, Russo, Young, Teri, & Majuro, 1991). Le lien de parenté entre l’aidant et le proche aidé a aussi une influence sur le niveau de détresse. Les conjoints et les enfants du proche semblent plus vulnérables par rapport à d’autres liens relationnels (Haro et al., 2014; Jones et al., 2015; Rinaldi et al., 2005). Les conjoints rapporteraient vivre plus de détresse que les enfants et serait plus à risque de s’isoler socialement (Mittelman, 2013; Pinquart & Sörensen, 2003b; Schoenmakers, Buntix & Deleipeleire, 2010a). Aussi, Labra et al. (2015) rapportent que ceux qui perçoivent leur rôle comme un fardeau vivraient moins de satisfaction à l’égard de leur rôle d’aidant.

En ce qui a trait à la cohabitation avec le proche, les résultats des études sont plus divergents. Certaines révèlent une association significative entre le fait de vivre avec le proche, un sentiment de fardeau élevé et un bien-être réduit (Brodaty & Luscombe, 1998; Raccichini, Castellani, Civerchia, Fioravanti, & Scarpino, 2009; Zanetti, Frisoni, Bianchetti, Tamanza, Cigoli, & Trabucchi, 1997) tandis que d’autres ne rapportent aucune association (Rinaldi et al., 2005; Russo, Vitaliano, Brewer, Katon, & Becker, 1995).

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L’utilisation de stratégies d’adaptation négatives telles qu’une utilisation fréquente de la pensée magique et le blâme des autres est associée avec un haut niveau d’anxiété chez les proches aidants et ils rapporteraient un nombre élevé de conditions médicales (Snyder et al., 2015).

Facteurs de protection associés aux aspects positifs du prendre soin

Des facteurs de « protection » favorisant le maintien de la santé psychologique des aidants ont également été mis en lumière. L’étude de ces facteurs permet de mieux comprendre pourquoi l’expérience d’aidant est vécue différemment d’un individu à l’autre. Il semblerait que la présence d’un soutien social et plus spécifiquement le fait de percevoir celui-ci positivement (p. ex., disponible, adéquat, satisfaisant) soient liés au bien-être (Chappell & Reid, 2002; Ducharme, Lévesque & Cossette, 1997), à une meilleure adaptation (Wilks & Croom, 2008) et inversement associé au fardeau (Kerhervé et al., 2008; van den Wijngaart, Cernooij-Dassen, & Felling, 2007) ainsi qu’au suicide (O’Dwyer, Moyle, Zimmer-Gembeck & De Leo, 2013). Dans leur étude pilote de nature qualitative, qui porte sur les idées suicidaires et la résilience que les proches aidants peuvent ressentir, O’Dwyer, Moyle, et van Wyk (2013) ont relevé 4 facteurs qui leur permettent de s’adapter. Les auteurs soulèvent l’utilisation de stratégies d’adaptation pratique (recherche d’information et de soutien, s’engager dans des activités agréables, être actif dans la communauté, l’utilisation de services de répit), les caractéristiques personnelles du proche aidant (flexibilité, détermination et compassion), le soutien social (famille, amis et services d’aide) et l’espoir. Ces facteurs permettraient à l’aidant de persévérer malgré les adversités et par le fait même de prévenir une mauvaise santé physique et mentale. Cela leur permettrait donc d’améliorer le stress des proches aidants et de leur donner un gain d’énergie.

De plus, les croyances des aidants à l’égard des troubles comportementaux de leur proche ont une influence tout aussi importante, voire même plus grande, sur leur santé que la présence objective de ces troubles (Campbell et al., 2008; Mittelman, Roth, Haley, & Zarit, 2004; Sörensen & Conwell, 2011) et celles-ci expliqueraient 80 % de la variance du fardeau (Campbell et al., 2008). Les aidants qui considèrent les troubles comportementaux comme faisant partie de l’évolution naturelle de la maladie sont moins susceptibles de

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ressentir de symptômes dépressifs contrairement à ceux qui les considèrent comme des actes contrôlables par le proche ou intentionnés (p. ex., manipulation) sont susceptibles de ressentir des symptômes dépressifs (Martin-Cook, Remakel-Davis, Svetlik, Hynan, & Weitner, 2003), du ressentiment et de l’hostilité (Martin-Cook et al., 2003; Polk, 2005; Tarrier, Barrowclough, Ward, Donaldson, Burns, & Gregg, 2002; Williamson et al., 2005). D’autres études soulignent que le fait d’envisager négativement leur rôle est lié à la détresse (Losada, Márquez-González, Knight, Yanguas, Sayegh, & Romero-Moreno, 2010; Mausbach, Roeple, Depp, Patterson, & Grant, 2009; van den Wijngaart et al., 2007). Les proches aidants qui perçoivent l’adoption de ce rôle comme une obligation vont rapporter davantage de stress émotionnel et de fardeau contrairement à ceux qui croient avoir eu le choix d’adopter ce rôle (Campbell et al., 2008; National Alliance for Caregiving, 2009). Ceux qui ont une perception de contrôle élevé et qui favorisent le défi plutôt que la stabilité (O’Rourke et al., 2010) présentent moins de symptômes dépressifs (O’Rourke, Kuoferschmidt, Claxton, Smith, Happel & Beattie, 2010) et vivent moins de fardeau (Cohen, Colantonio & Vernich, 2002; Hilgeman, Allen, DeCoster, & Burgio, 2007; Liew, Luo, Chionh, Goh, & Yap, 2010; Pinquart & Sörensen, 2003b). Aussi, les aidants qui ont un sentiment d’efficacité personnelle élevé perçoivent davantage d’aspects positifs (perception de bénéfices, sentiment d’utilité, sentiment d’être apprécié et trouver un sens) dans l’adoption de ce rôle auprès de leur proche (Semiatin & O’Connor, 2011). De plus, les proches aidants qui utilisent plus de stratégies positives tendent à s’engager de façon proactive dans leur rôle et perçoivent un certain contrôle dans leur choix (Labra et al., 2015). Ce sentiment d’efficacité personnelle (ou auto-efficacité) apparaît comme comme étant déterminant dans l’expérience de soin. Les aidants qui ont confiance en leurs ressources personnelles pour faire face aux différents stresseurs rencontrés rapportent moins de symptômes dépressifs (Adams, Smyth, & McClendon, 2005; Gallagher et al., 2011; Gilliam & Steffen, 2006; Labra et al., 2015; Losada et al., 2011; Nogales-González, Romero-Moreno, Losada, Márquez-González, & Zarit, 2015; Rabinowitz, Mausbach, Thompson, & Gallagher-Thompson, 2009). La satisfaction des aidants dépendrait aussi de la perception de la qualité de la relation avec le proche aidé (Sánchez-Izquierdo, Prieto-Ursúa, & Caperos, 2015) ce qui indique que plus la relation est bonne, plus la satisfaction est élevée. À l’inverse, plus la relation est perçue comme étant conflictuelle, plus la

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perception de satisfaction du proche aidant se voit diminuer (Sánchez-Izquierdo et al., 2015).

Finalement, certaines stratégies mises en œuvre par les aidants pour gérer leur situation semblent avoir un effet bénéfique sur la santé psychologique. Classiquement, les stratégies de résolution de problème ont été associées au bien-être alors que les stratégies centrées sur la régulation des émotions ont été associées à la détresse psychologique (Kneebone & Martin, 2003). Cependant, plusieurs auteurs ont critiqué cette dichotomie jugée trop simpliste (Del-Pino-Casado, Frias-Osuna, Palomico-Moral, & Pancorbo-Hidalgo, 2011; Stanton, Parsa, & Austenfeld, 2002). En fait, les études récentes qui ont évalué plus spécifiquement les stratégies de la régulation émotionnelle démontrent que certaines de ces stratégies seraient adaptatives pour les aidants tandis que d’autres ne le seraient pas. L’évitement (Dulin & Dominy, 2008; Mausbach et al., 2006; Mjelde-Mossey et al., 2004; Sun et al., 2010) et le fait de se blâmer (Almberg et al., 1997b; Batt-Leiba et al., 1998; Dulin & Dominy, 2008; Mausbach et al., 2009) amèneraient les aidants à vivre des sentiments négatifs. L’acceptation (Kneebone & Martin, 2003; Spira et al., 2007), l’attribution d’un sens à leur expérience de soin (Morano, 2003; Quinn, Clare, & Woods, 2010) et le recadrage ou la réévaluation (Haley et al., 1996; Knight, 1991; Mjelde-Mossey, Mor Barak, & Knight, 2004; Neundorfer, 1991; Wright, Lund, Caserta, & Pratt, 1991) seraient liés à un niveau moindre de stress. Certains auteurs démontrent d’ailleurs (Ducharme, Lévesque, Lachance, Giroux, Legault, & Préville, 2005b; Lavoie et al., 2005) que les proches aidants considèrent le recadrage (ex. Travailler sur les pensées permet un soulagement émotionnel ou travailler sur une redéfinition du rôle d’aidant semble aider à diminuer la détresse psychologique et le fardeau ressenti) comme une stratégie plus pertinente et aidante que la résolution de problème.

En somme, les différents facteurs de risque (par ex. : présence de troubles de comportement, etc.) sont des dimensions à considérer afin d’identifier les aidants en détresse et susceptibles de profiter d’une intervention. De plus, les facteurs de protection représentent des cibles d’intervention importantes. Les études soulignent que la perception des aidants par rapport à leur rôle, aux troubles de comportement de leur proche ou à leurs capacités personnelles contrebalance les effets négatifs vécus. Ainsi, modifier la perception

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des aidants face aux troubles psychocomportementaux, les amener à évaluer positivement leur rôle et favoriser l’emploi de stratégies adaptatives constituent des leviers à employer pour améliorer leur bien-être.

Comparaisons entre les proches aidants hommes et les proches aidants femmes

En général, malgré le fait que les femmes présentent un niveau plus élevé de dépression que les hommes (Baker & Robertson, 2008; Mittelman, Roth, Coon & Haley, 2004), il n’en demeure pas moins que cette problématique est présente chez la clientèle masculine. La différence est que les hommes ont moins tendance à rechercher du soutien social que les femmes (Ashley & Kleinpeter, 2002). Les femmes présenteraient un niveau de fardeau plus élevé que les hommes (Alzheimer’s Association Report, 2014; Gibbons et al., 2014), car les hommes atteints de démence présenteraient davantage de problèmes de comportements que les femmes (Gibbons et al., 2014) et que ces dernières assumeraient leur rôle d’aidante plus longtemps (Alzheimer’s Association Report, 2014).

Les femmes tendent à rapporter davantage d’épuisement que les hommes proches aidants (Alzheimer’s Association Report, 2014; Chappel et al., 2014; Garlo, O’Leary, Van Ness, & Fried, 2010; Kim, Chang, Rose, & Kim, 2012) et une plus faible estime de soi (Kim, Baker, & Spillers, 2007). Environ 30% des aidants, femmes ou hommes rapportent se sentir isolés (Alzheimer’s Association Report, 2014). Cependant, l’isolement serait accompagné de sentiments dépressifs surtout chez les femmes. En raison de leur rôle d’aidant, plus de problèmes conjugaux, une réduction du temps passé avec leur époux et plus de conséquences à l’égard de leur emploi seraient rapportées par les femmes en comparaison aux hommes (Alzheimer’s Association Report, 2014). D’autres études n’ont trouvé aucune différence entre les hommes et les femmes au niveau de l’épuisement (Rosdinom, Zarina, Marhani, & Suzaily, 2013) ou de la dépression et de la détresse (Mohamed, Rosenbeck, Lyketsos, & Schneider, 2010). Les hommes perçoivent leur qualité de vie comme étant meilleure que celle des femmes aidantes et présenteraient moins de problèmes en relation avec leur qualité de vie (Sánchez-Izquierdo et al., 2015; Thomas et al., 2006).

Dans la majorité des cas, ce sont les femmes qui assument cette responsabilité, mais il n’en demeure pas moins que les hommes sont de plus en plus nombreux à agir à titre de

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proches aidants (Baker & Robertson, 2008) d’où la nécessité d’élaborer des interventions s’adressant également à la clientèle masculine.

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Effet de la prise en charge sur les hommes proches aidants

Comme il est possible de le constater, prendre soin d’un proche atteint d’un trouble neurocognitif a des effets délétères sur plusieurs sphères de fonctionnement de l’individu. Ainsi, intervenir auprès des aidants semble primordial. Par contre, à l’heure actuelle, très peu d’études ont tenté de comprendre l’expérience vécue par les hommes aidants (McDonnel & Ryan, 2014; Sanders & McFarland, 2002; Snyder et al., 2015). De plus, il n’est pas clair à quel point les répercussions chez les hommes aidants sont différentes de celles des femmes (Baker & Robertson, 2008). En effet, selon McDonnel et Ryan (2013), il ne serait pas tout à fait juste de dire que les hommes vivent moins de stress que les femmes dans la mesure où les hommes semblent réfractaires à dévoiler leur vulnérabilité face aux chercheurs. Aussi, Hong et Coogle (2014) soulignent l’importance de sensibiliser le public au rôle de l’homme proche aidant afin qu’il soit socialement reconnu puisque les hommes aidants peuvent, tout comme les femmes, s’adapter difficilement à leur rôle et éprouver de la détresse psychologique (Lévesque, Ducharme, Zarit, Lachance & Giroux, 2008). Ils sont confrontés à des sentiments de captivité et de pertes (Ducharme, Lévesque, Éthier & Lachance, 2007). Toutefois, il est reconnu que les hommes sont beaucoup moins enclins que les femmes à recourir à des services d’aide psychologique (Addis & Mahalik, 2003; Baker & Robertson, 2008; Vessey & Howard, 1993).

D’ailleurs, un regard sur la documentation permet de constater rapidement que les hommes aidants sont généralement sous-représentés dans les programmes d’intervention qui sont évalués au sein d’un échantillon mixte. À l’aide d’une cohorte de 323 hommes aidants, Ducharme et al. (2006) rapportent que seulement 22,7% d’entre eux croyaient que prendre part à des groupes de soutien pouvait être utile. Ce résultat ne s’avère guère étonnant puisqu’un groupe de soutien consiste principalement à permettre un partage sur les difficultés vécues dans la situation de vie actuelle du proche aidant et qu’il a été rapporté que les hommes vont préférer des interventions éducatives et orientées vers l’apprentissage d’habiletés (Lauderdale, D'Andrea & Coon, 2003; McFarland & Sanders, 2000). Ainsi, il s’avère impératif de choisir un type d’intervention qui permettrait d’attirer davantage la clientèle masculine. Il faut également prendre en considération qu’il a déjà été suggéré que les hommes seraient moins enclins à dévoiler leurs sentiments de détresse en présence de

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femmes (Englar-Carlson, Stevens & Scholz, 2010), démontrant une fois de plus la nécessité de groupes exclusivement composés d’hommes.

Ces données appellent au développement de stratégies d’intervention qui permettraient de rejoindre davantage la clientèle masculine. Les effets bénéfiques des interventions telle la diminution de la dépression, sont plus importants lorsque les échantillons incluent une grande proportion de femmes (Pinquart & Sörensen, 2006b). Cela laisse donc penser que ces dernières ont tendance à bénéficier davantage des interventions que les hommes. Cependant, cette différence pourrait simplement refléter le fait que les hommes sont moins enclins à dévoiler leurs sentiments de détresse ou leur haut niveau de stress ressenti face au thérapeute comme mentionné précédemment (Englar-Carlson, Stevens, & Scholz, 2010; McDonnel et Ryan, 2013). Dans une certaine mesure, il est réducteur de toujours mentionner que c’est en raison de la difficulté des hommes à se dévoiler qu’aucun résultat n’est trouvé. Il est possible de penser que les interventions offertes aux hommes ne s’adressent pas adéquatement à eux ou qu’ils n’en ont pas nécessairement besoin. Aussi, des groupes mixtes composés majoritairement de femmes engendrent une situation qui est susceptible d’empêcher la mise en évidence d’une amélioration chez les hommes. En fait, ces derniers se retrouvent toujours sous-représentés dans les groupes d’intervention et il est donc possible de penser que les résultats obtenus ne permettent pas de déterminer à quel point les hommes bénéficient réellement de l’intervention. De plus, certaines études mettent en lumière des différences attribuables au sexe en ce qui concerne les stratégies d’adaptation. Notamment, les femmes semblent avoir davantage tendance à ruminer et à adopter un dialogue intérieur encourageant ou positif (positive self-talk) (Tamres, Janicki, & Helgeson, 2002). Certains auteurs soulèvent que les hommes ont tendance à utiliser surtout des stratégies de résolution de problème alors que les femmes utiliseraient des stratégies centrées sur les émotions (Baker & Robertson, 2008; Geiger, Wilks, Lovelace, Chen, & Spivey, 2015; Hong & Coogle, 2014). Les sources de stress perçues par les femmes et les hommes seraient différentes; ce qui influencerait les stratégies d’adaptation utilisées (Hong & Coogle, 2014). Ces résultats vont dans le même sens que plusieurs autres études (Devries, Hamilton, Lovett & Gallagher-Thompson, 1997; Garity, 1997; Lutzky & Knight, 1994).

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Concernant les sources de stress à l’égard des comportements dérangeants et perturbateurs et de non collaboration du proche aidé, les hommes en rencontreraient plus souvent que les femmes (Hong & Coogle, 2014). La violence serait cependant une inquiétude plus souvent présente chez la femme et cela serait surtout à l’origine de l’institutionnalisation de leur conjoint. Au niveau des stratégies d’adaptation, les hommes et les femmes tentent de minimiser les perturbations que peut entrainer le rôle de proche aidant. Les hommes auront donc tendance à maintenir les activités extérieures ou de voyager le plus souvent possible comme auparavant tandis que les femmes tenteront de garder le même style de vie (Hong & Coogle, 2014). Par rapport à la distance émotionnelle, les hommes tenteraient de gérer les situations difficiles soit par l’utilisation de la coercition ou en restant stoïques (Hong & Coogle, 2014). Les femmes, quant à elles, tenteraient à l’inverse de ne pas utiliser la coercition (ex. ne pas obliger son mari à prendre son bain pour respecter son désir ou encore ne pas forcer son conjoint à aller à une journée de répit) en considérant les émotions de leurs partenaires. Ainsi, elles ne parviendraient pas à se distancer de leurs émotions (Calasanti & King, 2007; Hong & Coogle, 2014). Lorsque les proches aidants ont besoin de parler avec d’autres personnes, les hommes rapportent préférer leur fils comme confident tandis que les femmes préfèrent leur fille (Hong & Coogle, 2014). Les femmes rapportent significativement plus d’épuisement et de symptômes dépressifs que les hommes (Gibbons et al., 2014). À l’inverse, les hommes indiquent avoir une meilleure santé physique et mentale que les femmes et il semble que ces derniers aient davantage tendance à pratiquer des activités favorisant leur santé. Les hommes recevraient plus d’heures d’aide que les femmes proches aidantes (Alzheimer’s Association Report, 2014; Gibbons et al., 2014). Pourtant, d’autres auteurs rapportent que les femmes auraient davantage recours aux services d’aide que les hommes (Baker et al., 2008). Aucune différence concernant la perception du soutien reçu par les amis n’aurait été remarquée. Ainsi, malgré ces éléments, rien n’indique que les hommes ne bénéficieraient pas d’une intervention orientée vers les émotions puisque l’utilisation de la stratégie « blâme des autres » est associée avec un nombre élevé de problèmes de santé rapportés par les hommes (Snyder et al., 2015). Même si les conséquences négatives semblent avoir un retentissement plus prononcé chez les femmes que les hommes (Campbell et al., 2008; Koerner & Kenyon, 2007; Schoenmakers, Buntix, & Delepeleire, 2010a; Thompson et al.,

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2004), Pinquart et Sörensen (2006a) rappellent dans leur méta-analyse que si la détresse est plus élevée chez les femmes aidantes, elle atteint néanmoins un niveau de sévérité problématique chez les hommes aidants. D’ailleurs, l’Alzheimer’s Association Report rapporte que 47% des femmes et 24% des hommes mentionnent que leur rôle d’aidant est stressant physiquement et que 62% des femmes et 52% des hommes mentionnent que leur rôle amène un stress émotionnel. Ces données démontrent la nécessité de considérer les hommes dans nos interventions.

Ainsi, la nécessité d’offrir des interventions particulières et ciblées aux aidants afin de limiter l’impact de ces conséquences néfastes est non seulement justifiée, mais incontournable. La conceptualisation des interventions devrait préférablement cibler différents facteurs qui semblent exercer une influence sur le niveau de détresse des aidants.

Les interventions offertes aux hommes proches aidants

Depuis les trente dernières années, plus d’une centaine d’études d’intervention visant à contrer les effets négatifs du prendre soin ont été développées (Pinquart & Sörensen, 2006b). Les interventions diffèrent grandement en regard de leur contenu (souvent peu détaillé dans les études), leur durée, leur format (groupe, individuel), leur fréquence, leurs critères d’admissibilité ainsi qu’aux mesures d’efficacité utilisées (Carradice, Beail, & Shankland, 2003; Thompson, Spilsbury, Hall, Birks, Barnes, & Adamson, 2007). Les groupes psychoéducatifs sont ceux qui ont été les plus étudiés au cours des vingt dernières années (Chien et al., 2011; Vézina, Ducharme & Landreville, 2005). Ces interventions de groupe tablent entre autres sur l’acquisition de nouvelles compétences (p. ex., résolution de problème, gestion des comportements, stratégies de communication, modification de l’environnement) (Acton & Kang, 2001; Gallagher-Thompson & Coon, 2007) pour contrer les effets négatifs.

Comme d’autres auteurs, mon directeur de recherche Jean Vézina et Marie-Ève Fortin, doctorante en psychologie ont réalisé une méta-analyse de 16 interventions psychoéducatives administrées en groupe publiées depuis 2000, et six ont la particularité d’inclurent seulement des femmes (Au et al., 2010; Coon, Thomson, Steffen, Sorocco, & Gallagher-Thompson, 2003; Ducharme et al., 2005b; Gallagher-Thompson et al., 2003; Gallagher-Thompson, Gray, Dupart, Jimenez, & Thompson, 2008; Hosaka & Sugiyama,

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2003). Ils ont remarqué que les critères d’admissibilité sont souvent non spécifiques et que plusieurs études vont tenir compte de la durée de prise en charge (généralement 6 mois) ou du nombre d’heures de soins assumés par jour (de 2 à 8 heures/jour) (Au et al., 2010; Ducharme et al., 2005b; Fisher & Laschinger, 2001; Gallagher-Thompson et al., 2003; Gallagher-Thompson et al., 2008; Hébert et al., 2003; Márquez-González et al., 2007). Seulement trois études établissent leurs critères d’admissibilité à l’aide du niveau initial de détresse ressentie par les aidants ou par la présence de troubles de comportement chez le proche (Akkerman & Ostwald, 2004; Hébert et al., 2003; Martin-Cook et al., 2003). Les groupes contrôles les plus souvent employés sont de type liste d’attente. Les mesures utilisées afin d’évaluer l’efficacité des interventions concernent plus fréquemment la dépression, l’auto-efficacité, le niveau de réactivité face aux troubles de comportement, le sentiment de fardeau et les stratégies d’adaptation (« coping »). Aussi, seulement sept études recueillent des données lors d’un suivi et celui-ci peut s’échelonner de 6 semaines (Akkerman & Ostwald, 2004) à 12 mois (Hepburn et al., 2005) après l’intervention.

Peu d’études évaluent l’implantation de leur programme alors que six auteurs indiquent appliquer une telle démarche (Akkerman & Ostwald, 2004; Au et al., 2010; Ducharme et al., 2005a; Gallagher-Thompson et al., 2003; Hébert et al., 2007; Márquez-González et al., 2007). Les méthodes qui ont été employées afin de s’assurer de l’adhérence de l’intervenant au modèle de l’intervention concernent le fait d’offrir une supervision régulière, d’employer un manuel détaillé du contenu de leur intervention, d’enregistrer chacune des rencontres, d’observer directement l’intervenant et finalement, l’utilisation par l’intervenant d’un journal de bord. De plus, l’adhérence des participants a été évaluée en comptabilisant les présences aux rencontres.

La grande majorité des programmes ont des rencontres de 120 minutes, mais leur durée ne dépasse pas 10 séances à l’exception des études réalisées par Au et al. (2010), Gallagher-Thompson et al. (2008) ainsi que d’Hébert et al. (2003). La taille des groupes varie entre 4 à 8 participants. Les modèles cognitivo-comportementaux ainsi que le modèle du stress et du coping sont les plus prisés même si certaines études n’ont aucun appui théorique apparent (Hosaka & Sugiyama, 2003; Lewis et al., 2009; Martin-Cook et al., 2003; Ulstein, Sandvik, Wyller, & Engedal, 2007). Seulement deux interventions (Coon et

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al., 2003; Gallagher-Thompson et al., 2003) incluent dans leur protocole des rencontres visant le maintien des apprentissages (rencontres de suivi) et le taux d’abandon gravite en moyenne autour de 15 %.

En général, la taille de l’effet varie de faible à modérée, et est conforme à ce qui est retrouvé dans les autres méta-analyses (Acton & Kang, 2001; Brodaty, Green, & Koshera, 2003; Pinquart & Sörensen, 2006b; Schoenmakers et al., 2010b) alors que la taille d’effet varie de nulle à 0,20 pour le fardeau subjectif et entre 0,03 à 0,36 pour la dépression. La majorité de ces études récentes font ressortir au moins un résultat significatif comme une diminution des symptômes dépressifs (Gallagher-Thompson et al., 2001, 2003, 2008; Hepburn et al., 2001; Hosaka & Sugiyama, 2003; Lewis et al., 2009; Márquez-González et al., 2007), du fardeau subjectif (Ducharme et al., 2005; Hepburn et al., 2001; Lewis et al., 2009), et de leur réaction face aux problèmes de comportements (Gallagher-Thompson et al., 2008; Hébert et al., 2003; Hepburn et al., 2001; Márquez-González et al., 2007), une amélioration de l’efficacité personnelle (Au et al., 2010; Coon et al., 2003; Ducharme et al., 2005; Fisher & Laschinger, 2001), une augmentation dans l’utilisation de stratégies d’adaptation (Au et al., 2010; Coon et al., 2003; Gallagher-Thompson et al. 2003). Toutefois, seulement 3 études parviennent à maintenir l’ensemble des résultats positifs obtenus en post-test (Akkerman & Ostwald, 2004; Hébert et al., 2007; Lewis et al., 2009).

Lacunes méthodologiques et conceptuelles des études

Malgré le fait que les études récentes sont méthodologiquement plus robustes que les premières tentatives, force est de constater que d’importantes faiblesses demeurent. Tout d’abord, les chercheurs ont tendance à ouvrir leurs études à l’ensemble des aidants ce qui donne des échantillons trop hétérogènes et non représentatifs de la réalité des hommes proches aidants (Geiger et al., 2015; Schoenmakers et al., 2010b; Zarit & Femia, 2008). Une attention particulière devrait aussi être plus souvent accordée à la présence de troubles de comportement chez le proche et surtout à la signification de ces comportements pour l’aidant (Sörensen & Conwell, 2011; Vézina et al., 2005). Les proches aidants n’ont pas tous un niveau de détresse minimal en raison des critères d’admissibilité très larges (Zarit & Femia, 2008). Un seuil minimal de fardeau, de détresse ou de symptômes dépressifs devrait faire partie des critères d’admissibilité puisqu’en recrutant seulement sur la base du statut

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de proches aidants, il est possible que les effets de l’intervention soient masqués (Tanner et al., 2015). De plus, plusieurs interventions ne sont pas encore basées sur des modèles théoriques qui pourtant permettent d’augmenter l’efficacité des programmes d’intervention (Chien et al., 2011). Une autre lacune est la durée trop courte des programmes. La brièveté de ces interventions fait en sorte que leur contenu est souvent chargé et que les aidants ne disposent pas d’assez de temps pour intégrer ce qui leur a été enseigné (Chien et al., 2011; Vézina et al., 2005). Dans leur méta-analyse, Chien et al. (2011) font la démonstration que la taille des effets des programmes de plus de 8 rencontres et de plus de 16 heures d’interventions est d’au moins 6 fois plus grande que les interventions plus brèves. La taille des groupes s’avère également une variable importante à considérer. Il a été démontré que des groupes de six à dix participants permettaient d’obtenir des effets plus élevés et plus proéminents puisque les participants peuvent mieux communiquer et interagir entre eux contrairement au groupe plus large où les participants ont peu de temps. De plus, les groupes plus larges font en sorte que les participants sont moins satisfaits et qu’il est plus difficile d’atteindre un consensus (Chien et al., 2011).

Ce point souligne aussi l’importance de sélectionner des instruments qui sont sensibles aux changements. Bien que l’on ignore encore la raison, le fardeau subjectif tel que mesuré par l’Inventaire du fardeau (Zarit, Orr, Zarit, 1985) est insensible aux changements (Chien et al., 2011; Schoenmakers et al., 2010b). De plus, les interventions peuvent paraitre inefficaces en raison d’une inadéquation entre leur contenu et les variables dépendantes mesurées (Jensen, Agbata, Canavan, & McCarthy, 2015; Williamson et al., 2012; Zarit & Femia, 2008).

Finalement, une lacune importante est que les chercheurs évaluent peu souvent l’implantation de leurs interventions et l’adhérence des participants au traitement (Burgio et al., 2001; Gitlin, Jacobs, & Earland, 2010; Selwood, Johnston, Katona, Lyketsos, & Livingston, 2007). Pourtant, s’assurer que l’intervention est mise en œuvre telle qu’elle doit l’être permet de juger adéquatement de son efficacité (Boersma, van Weert, Lakerveld, & Dröes, 2015). De même, documenter le niveau d’implication des aidants lors de l’intervention s’avère important. Il a été démontré qu’amener l’aidant à jouer un rôle actif (p. ex., jeux de rôle, devoirs, application des connaissances, solliciter la participation)

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semble être un élément clé associé au succès d'une intervention (Belle et al., 2003; Kuske, Hanns, Luck, Angermeyer, Behrens, & Riedel-Heller, 2007; Pinquart & Sörensen, 2006b). D’ailleurs, la recension des écrits effectuée par Boersma et al. (2015) dévoile que l’utilisation de méthodes variées d’enseignement dans laquelle un proche aidant peut pratiquer un nouveau comportement permet habituellement d’obtenir des résultats positifs.

Intervention basée sur la régulation des émotions

À partir de ces constats, Fortin et Vézina (2012) ont élaboré un programme pilote de groupe, financé par les IRSC, destiné aux proches aidantes d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer (Fortin & Vézina, 2012; Fortin & Vézina, en préparation), en ciblant un stresseur primaire central — les troubles du comportement —, en considérant certains facteurs de protection et ceux associés à l’efficacité d’une intervention. Le fondement conceptuel dérive des études qui ont souligné l’importance d’amener les proches aidants à élaborer une vision positive de leur rôle, à interpréter adéquatement les modifications comportementales de leur proche et à employer des stratégies adaptatives. Ils avaient émis l’hypothèse générale que l’enseignement de stratégies de la régulation cognitive des émotions, qui influencent le sens donné à une situation, pourrait donc avoir des effets positifs pour les aidants. Très peu de programmes se sont intéressés à transférer à l’intervention ces stratégies d’adaptation et à étudier leur efficacité. Il semblait donc pertinent de développer et d’évaluer une intervention qui permet aux aidants d’acquérir des stratégies pour mieux gérer leurs émotions difficiles et les amène à réagir de façon moins alarmiste devant les comportements perturbateurs de leur proche.

Fondements théoriques d’une approche cognitive émotionnelle

La conceptualisation de l’intervention est inspirée du modèle transactionnel du stress et du coping de Lazarus et Folkman (1984) qui accorde une importance particulière à la dimension subjective entourant la question du stress. Ainsi, ce ne sont pas tant les caractéristiques objectives de la situation telles que les tâches quotidiennes, la sévérité de la maladie ou la présence des troubles comportementaux qui sont associés aux effets négatifs, mais plutôt la perception qu’entretient l’aidant face à la situation. Ceci expliquerait pourquoi des aidants confrontés à des stresseurs similaires n’ont pas la même réaction émotionnelle (Zarit, Femia, Kim, & Whitlatch, 2010). Les croyances des aidants à l’égard

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des troubles de comportement (Tarrier et al., 2002; Williamson et al., 2005), leur capacité à voir des aspects gratifiants (Cohen et al., 2002) et à donner un sens au rôle d’aidant (Quinn et al., 2010) sont des variables qui influencent l’impact. L’évaluation cognitive (cognitive appraisal) joue donc un rôle clé dans la manière dont sera vécue l’expérience de soin (Sörensen & Conwell, 2011).

De plus, selon le modèle, les stratégies adaptatives mises en œuvre dans le but de maîtriser un évènement stressant permettraient d’en moduler les effets négatifs et les conséquences du prendre soin (Lazarus & Folkman, 1984). Au plan théorique, l’efficacité de ces stratégies varierait par contre en fonction du contexte. Ainsi, devant une situation sur laquelle l’individu a peu de contrôle, comme dans le cas des aidants, la stratégie adaptative centrée sur la régulation des émotions (emotion-focused coping) devrait être privilégiée. Cette prémisse trouve d’ailleurs appui dans une étude d’intervention antérieurement menée indiquant que la régulation émotionnelle est jugée par les aidants comme la stratégie la plus utile du programme d’intervention de groupe psychoéducatif (Lavoie et al., 2005). De plus, les aidants utilisant la stratégie d’adaptation centrée sur la régulation des émotions présenteraient moins d’anxiété un an plus tard contrairement à ceux utilisant la stratégie d’adaptation centrée sur la résolution de problème (Cooper et al., 2008). À l’instar d’autres chercheurs (Coon & Evans, 2009; Gignac & Gottlieb, 1997; O’Rourke & Cappeliez, 2002), nous sommes d’avis que les aidants de personnes atteintes de démence sont confrontés plus souvent à des situations non, ou très difficilement, modifiables. Le caractère dégénératif de la maladie, l’absence de traitement curatif, la survenue imprévisible des troubles de comportement de leur proche et l’évolution idiosyncrasique des personnes atteintes sont des exemples de situations sur lesquelles les aidants ont peu de contrôle. De plus, comme l’accompagnement d’un proche atteint de démence se prolonge sur plusieurs années et qu’ils sont amenés à vivre de nombreuses pertes (Adams, 2006; Frank, 2008; Meuser & Marwit, 2001; Noyes et al., 2010), la capacité à réguler leurs émotions est sans aucun doute grandement sollicitée. Plusieurs auteurs ont souligné l’importance que revêt la régulation des émotions pour les aidants et leur besoin à mieux les gérer (Cooper et al., 2008; Gallagher-Thompson & Devrie, 1994; Gignac & Gottlieb, 1997; Nichols, Martindale-Adams, Greene, Burns, Graney, & Lummus, 2009; Nolan, Ingram, & Watson, 2002; Turner & Street, 1999). Intervenir en mettant davantage l’accent sur les stratégies de la

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régulation des émotions représente ainsi une voie thérapeutique prometteuse et davantage adaptée à leur réalité.

Les stratégies de la régulation des émotions regroupent plusieurs stratégies, notamment l’humour, l’évitement, l’acceptation, la distraction, la relaxation et la modification de pensées. Les différentes recherches menées dans ce domaine ont permis d’identifier des stratégies de régulation émotionnelle adaptatives alors que d’autres le seraient moins (Del-Pino-Casado et al., 2011). Par exemple, l’évitement et la rumination seraient positivement associés à un moindre bien-être et à la psychopathologie alors que la réévaluation serait inversement associée à ceux-ci (Aldao, Nolen-Hoeksema, & Scweizer, 2010; Garnefski, Kraaij, & Spinhoven, 2001; John & Gross, 2004).

Comme proposé par le modèle du stress et du coping, l’intervention de régulation cognitive des émotions vise à diminuer les conséquences négatives découlant de la prise en charge en travaillant la perception que les aidants ont de leur situation et des différents stresseurs auxquels ils sont confrontés grâce à l’utilisation des stratégies adaptées de la régulation des émotions. Depuis les dix dernières années, des approches thérapeutiques qui accordent une plus grande place aux processus émotionnels ont vu le jour. Cet intérêt grandissant à l’égard des émotions et leur valeur adaptative fait partie d’un courant en émergence appelé les thérapies de la « troisième vague » (Hayes, Follette, & Linehan, 2004; Philippot, 2007). Ces approches valorisent, entre autres, la reconnaissance et l’acceptation des émotions vécues. Ainsi, la présente intervention d’inspiration « cognitivo-émotionnelle » s’inscrit dans ce mouvement de troisième vague.

Il serait possible de penser que notre intervention ait moins d’effet pour les hommes surtout au niveau de la rumination puisqu’ils sont moins susceptibles d’utiliser cette stratégie inadaptée (Tamres, Janicki, & Helgeson, 2002), mais elle pourrait permettre d’augmenter chez eux l’application de stratégies favorisant la modification de pensées (p. ex. : centration positive). Cependant, rien n’indique que les hommes ne pourraient pas profiter d’une intervention adressant les difficultés qu’ils peuvent vivre sur le plan émotionnel. En faveur de notre approche, les hommes n’ont pas seulement besoin d’être accompagnés sur le côté pratique (résolution de problème ou instrumental), mais également sur les aspects émotionnels puisqu’ils vivent des difficultés de cet ordre (Couture, 2010;

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Ducharme et al., 2007). De plus, la perception que les hommes aidants ont de leur situation joue également un rôle dans leur niveau de détresse vécue (Lévesque, Ducharme, Zarit, Lachance, & Giroux, 2008).

Description de l’intervention proposée

L’intervention est composée de petits groupes de six aidants et elle comprend 13 rencontres hebdomadaires de 90 minutes chacune. Le déroulement des premières rencontres permettent à l’intervenant d’expliquer les objectifs de l’intervention, de mettre en place les règles du groupe, de travailler à créer un lien entre les différents membres du groupe afin de favoriser les échanges sur des difficultés vécues et finalement d’entamer le travail d’auto-observation des émotions chez les proches aidants. Un des buts de ces rencontres est également d’amener les participants à réfléchir et à se questionner sur les différentes fonctions des émotions (p. ex., elles sont nécessaires à la survie en plus d’être une source d’informations importante pour la communication, elles apportent une valeur aux évènements, encouragent l’action, etc.) et aux effets de leurs émotions sur leurs propres comportements. L’intervenant explique également qu’une émotion douloureuse ou envahissante peut biaiser la mise en place d’une stratégie efficace pour régler un problème. Donc, les participants sont sensibilisés au fait que les comportements adoptés à la suite d’une émotion ne sont pas toujours adaptatifs ou adéquats (Paivio & Greenberg, 2001; Philippot, 2007). Ainsi, les proches aidants apprennent à repérer leurs différents « signaux d’alarme » découlant des informations externes comme une émotion inappropriée au contexte, et internes comme des émotions intenses ou prolongées, des sensations physiques désagréables de même que les pensées dysfonctionnelles. Une fois ces deux sources d’information bien définies, l’intervenant tente d’amener les participants à comprendre qu’une émotion doit être régulée, c’est-à-dire diminuer son intensité. Le fait d’amoindrir l’intensité d’une réaction émotionnelle abaisse les risques de poser des actes inadaptés ou impulsifs.

Au fil des rencontres, des stratégies de régulation des émotions sont enseignées. Les participants apprennent que la respiration, la relaxation et la modification de pensées font partie de ces stratégies. La respiration est donc présentée comme une stratégie à utiliser dès qu’une émotion intense se fait ressentir et, durant toute l’intervention, les proches aidants

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sont encouragés à l’appliquer. Il y a également une rencontre exclusivement réservée à l’enseignement et à la mise en pratique de la relaxation où deux techniques de relaxation sont suggérées aux aidants, soit la relaxation progressive (Bernstein & Borkovec, 1973) et le training autogène (Schultz, 1958). Finalement, les rencontres subséquentes permettent d’aborder plus en profondeur les éléments théoriques concernant le lien entre les pensées et les émotions. Il y a donc une initiation à la modifications des pensées qui s’opère chez les proches aidants grâce à l’utilisation de stratégies adaptatives de la régulation des émotions comme l’acceptation (l’idée que le proche ne sera plus celui d’autrefois, accepter le passé, ses déficits), la réévaluation positive (donner un sens à ses expériences, redéfinir son rôle), la centration positive (se remémorer les bons moments de la journée, penser aux projets agréables à venir, réaliser ce qui a été accompli et non pas à ce qui n’a pas été fait) et la mise en perspective (comparer sa situation actuelle à d’autres événements éprouvants).

Un autre objectif poursuivi lors des rencontres est d’apprendre aux participants à reconnaître et à éliminer l’utilisation des stratégies émotionnelles dysfonctionnelles (se blâmer, blâmer les autres, ruminer et dramatiser). Cette partie de l’intervention se base sur les travaux de Garnefski et al. (2001) qui ont démontré que les stratégies adaptatives de la régulation des émotions sont liées aux indicateurs d’une bonne santé mentale tandis que les stratégies inadaptées engendrent un bien-être psychologique amoindri. Étant donné que la modification des pensées touche également les interprétations inadéquates que pourraient avoir les aidants par rapport aux troubles de comportement de leur proche, un des objectifs de ces rencontres est d’amener les aidants à réfléchir sur la manière qu’ils vivent ces comportements dérangeants de même que l’influence découlant des interprétations de leurs émotions face à ceux-ci. Par exemple, ils sont amenés à voir ces comportements comme des conséquences de la maladie au lieu de voir de la manipulation ou de la mauvaise volonté dans les gestes posés par la personne atteinte d’Alzheimer. Pour clore ce volet, l’intervenant amène les aidants à réfléchir sur les différentes causes tant psychologiques qu’environnementales, que l’état de santé de la personne atteinte ou sur les besoins insatisfaits qui viennent toutes contribuer à la manifestation des comportements dérangeants. Dans la continuité des objectifs à atteindre, l’avant-dernière rencontre est principalement orientée sur la réévaluation positive. Elle permet de faire prendre conscience aux aidants des aspects positifs de leur rôle car ceux-ci sont souvent oubliés ou

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