• Aucun résultat trouvé

Urbanisme rural sous influence métropolitaine. Ressources et épreuves des pratiques planificatrices locales en Ile-de-France et en Loire-Atlantique

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Urbanisme rural sous influence métropolitaine. Ressources et épreuves des pratiques planificatrices locales en Ile-de-France et en Loire-Atlantique"

Copied!
303
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: tel-03181151

https://pastel.archives-ouvertes.fr/tel-03181151

Submitted on 25 Mar 2021

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Urbanisme rural sous influence métropolitaine.

Ressources et épreuves des pratiques planificatrices

locales en Ile-de-France et en Loire-Atlantique

Camille Le Bivic

To cite this version:

Camille Le Bivic. Urbanisme rural sous influence métropolitaine. Ressources et épreuves des pratiques planificatrices locales en Ile-de-France et en Loire-Atlantique. Environnement et Société. Université Paris-Saclay, 2020. Français. �NNT : 2020UPASB020�. �tel-03181151�

(2)

Thèse de

doctorat

Urbanisme rural sous influence

métropolitaine

.

Ressources et épreuves des pratiques

planificatrices locales en Ile-de-France et

en Loire-Atlantique

Thèse de doctorat de l'université Paris-Saclay

École doctorale n° 581, agriculture, alimentation, biologie, environnement et santé (ABIES) Spécialité de doctorat: Sociologie Unité de recherche : Université Paris-Saclay, INRAE, AgroParisTech, UMR SAD-APT, 75005, Paris, France Référent : AgroParisTech Thèse présentée et soutenue à Paris-Saclay, le 16 décembre 2020, par

Camille LE BIVIC

Composition du Jury

Xavier DESJARDINS

Professeur, Université Paris Sorbonne

Nadia ARAB

Professeure, UPEC

Éric CHARMES

Directeur de recherche, ENTPE

Président

Rapporteur & Examinatrice

Rapporteur & Examinateur

Charlotte DA CUNHA

Maîtresse de conférence, UVSQ (CEARC) Examinatrice

Romain MELOT

Directeur de recherche, INRAE, Centre IdF-Versailles-Grignon

Directeur de thèse

Laurent DEVISME

Professeur, ENSA Nantes

Co-Directeur de thèse

Bertrand LEROUX

Chef de projet, docteur en sociologie,

CEREMA Invité NNT : 202 0U PA SB 020

(3)
(4)

Urbanisme rural sous influence

métropolitaine

.

Ressources et épreuves des pratiques

planificatrices locales en Ile-de-France et en

Loire-Atlantique

Thèse de doctorat de l'université Paris-Saclay

École doctorale n° 581, agriculture, alimentation, biologie, environnement et santé (ABIES) Spécialité de doctorat: Sociologie Unité de recherche : Université Paris-Saclay, INRAE, AgroParisTech, UMR SAD-APT,

75005, Paris, France Référent : AgroParisTech Doctorante : Camille Le Bivic Direction : Romain Melot (INRAE-SADAPT), Laurent Devisme (AAU-CRENAU)

Cette recherche a été financée par l’ADEME (Agence de la transition écologique) et a été menée grâce au soutien de l’INRAE, d’AgroParisTech et du CRENAU

(5)
(6)
(7)
(8)

7 Remerciements

Je tiens à remercier mes directeurs. Romain Melot pour son implication, son écoute attentive et sa curiosité interdisciplinaire depuis l’écriture du projet de thèse jusqu’au bouclage du manuscrit. Laurent Devisme pour sa disponibilité et pour les discussions toujours ouvertes et constructives. Leur enthousiasme constant et la confiance accordée ont grandement contribué à cette recherche. Je remercie Nadia Arab, Éric Charmes, Charlotte Da Cunha, Xavier Desjardins et Bertrand Leroux pour avoir accepté de participer au jury de thèse et pour le temps consacré à la lecture de ce travail. Le développement des questions de recherche doit à Bertrand Leroux à travers sa contribution à l’analyse et la pertinence de ses remarques, et à Thierry Vilmin à travers les échanges riches et bienveillants. Je remercie également des membres du comité de thèse qui se sont prêtés à l’exercice de suivi annuel et dont les avis ont participé au cheminement de cette étude.

Je profite de cette occasion pour remercier mes collègues de l’INRAE-SADAPT, attentifs et toujours disposés à échanger, et l’équipe du CRENAU et de l’ENSAN pour le travail stimulant sur l’enseignement auquel j’ai été convié. J’ai une pensée particulière pour les doctorants de SADAPT et du CRENEAU avec qui j’ai eu le plaisir de partager des questionnements et des savoir-faire.

Cette thèse a été financée par l’ADEME. A travers Sophie Debergue et Valérie Pineau, je remercie donc l’agence de la transition écologique pour l’appui durant ces trois années de doctorat.

Ce travail doit également beaucoup à mon entourage. Je remercie mes proches pour leur soutien à travers leur présence, les encouragements, l’hébergement lors des séjours nantais ou encore la relecture de dernière minute.

Enfin, je remercie l’ensemble des personnes enquêtés, pour le temps qu’ils m’ont accordé et l’attention portée aux questions posées.

(9)
(10)

9 SOMMAIRE

Introduction générale ... 11

Chapitre 1.Urbanisme rural : des principes urbanistiques à l’écriture réglementaire locale ... 19

1.1.L'urbanisation rurale sera-t-elle forcément compacte ? ... 19

1.2. L’urbanisation diffuse, un objet émergent pour les sciences sociales ... 29

1.3.Écrire la réglementation de l’urbanisation dans les communes rurales sous influence urbaine ... 34

Conclusion chapitre 1 ... 38

Chapitre 2. Les municipalités rurales à l’épreuve de la programmation de l’urbanisation ... 41

2.1. Explorer les pratiques de régulation et de gestion de l'urbanisation future dans les communes rurales : une approche empirique de la planification ... 42

2.2.Méthodologie de l’enquête ... 52

2.3. Les profils de la production de logement dans les territoires ruraux. Une étude quantitative des dynamiques de construction résidentielle dans les communes rurales à l’échelle nationale 65 2.4. L’écriture réglementaire de l’urbanisation future. Une étude quantitative basée sur les plans locaux d’urbanisme en Ile-de-France ... 87

Conclusion chapitre 2 ... 99

Chapitre 3. Des campagnes sous le prisme de processus de fragmentation ... 101

Introduction du chapitre 3 ... 101

3.1. Vers une intensification de la fragmentation spatiale ... 116

3.2. L’accompagnement public de la planification locale : un paysage institutionnel composite et des compétences mouvantes ... 133

3.3. Le rôle des aménageurs et des constructeurs dans le système d’acteurs de l’urbanisme .. 162

Conclusion chapitre 3 ... 190

Chapitre 4. Du ménagement communal au management territorial ? gestion du projet urbain dans les communes rurales et ajustements réglemetnaires ... 193

Introduction du chapitre 4 ... 193

4.1.L’urbanisme rural saisi par la gestion par projet ... 207

4.2. L’instrument réglementaire activé par les pratiques de révision ... 231

4.3. Un retrait de la gestion publique au profit des opérateurs privés ? ... 252

Conclusion chapitre 4 ... 267

Conclusion générale ... 269

Références... 279

Annexes... 289

Acronymes ... 295

Index (figures, tableaux, encarts) ... 296

(11)
(12)

11 INTRODUCTION GÉNÉRALE

S’intéresser à l’urbanisme rural sous influence métropolitaine, c’est considérer deux enjeux contradictoires portés par les politiques publiques. Le premier est un enjeu de production de logements. La croissance démographique métropolitaine et les difficultés d’accès au foncier conduisent à un déficit considérable de logements abordables dans ces territoires. Les métropoles exercent en effet une pression sur leur périphérie rurale, constituée de communes qui sont certes éloignées des pôles d’activités, mais sont encore bien connectées aux bassins d’emploi. Ces communes disposent de terrains et de logements plus grands et plus accessibles.

Le second enjeu est celui de la préservation des espaces non-urbanisés. Les milieux et les ressources que représentent ces espaces sont visés par des politiques publiques destinées à limiter l’étalement urbain et ses conséquences : perte de biodiversité, consommation des terres agricoles, augmentation des déplacements, dégradation des paysage, gestion de l’eau.

La conjonction de ces enjeux génère des tensions qui sont autant de défis pour l’action publique locale et les choix d’urbanisme concernant l’évolution des usages et des espaces. Nous souhaitons ici introduire notre travail sur la planification d’urbanisme dans les communes rurales sous influence métropolitaine, en évoquant le lien qu’il entretient avec deux objets de recherche importants pour la sociologie de l’action publique et la sociologie urbaine : la trajectoire des instruments d’urbanisme et la propriété foncière. Bien que ces objets ne constituent pas l’entrée principale de notre travail, nous les évoquons dans la mesure où ils ont contribué aux questionnements initiaux et accompagnent notre travail sociologique. Ces considérations liminaires nous conduiront à la formulation des questions de recherche et de la structure du document de thèse.

Une chronique de la planification d’urbanisme

Les enjeux que nous avons mentionnés plus haut ne sont pas nouveaux. Mais ils sont aujourd’hui devenus plus saillants par la multiplication des territoires soumis à des impératifs en matière de production de logements et de préservation des espaces ouverts. Le logement et l’agriculture sont considérés comme des services de première nécessité : à ce titre, les collectivités locales ont un rôle à jouer pour limiter les comportements spéculatifs relatifs au foncier et à l’immobilier (Halbwachs, 1908 ; Pisani, 1977). Pour répondre à ces enjeux, toute une série d’instruments de régulation spatiale ont été institués au cours du XXe siècle. La définition de l’urbanisme n’est pas arrêtée, mais

(13)

12

nous proposons de retenir ici qu’à travers la planification urbaine, l’action publique à vocation à orienter une situation vers une condition jugée préférable, en influençant notamment les initiatives spontanées et non coordonnées (Merlin, 2015).

En France, la loi d’orientation foncière (1967) a introduit une rupture importante dans les pratiques de planification et d’aménagement. Elle s’inscrit dans une période caractérisée par l’ampleur de l’expansion urbaine et l’importance du développement des villes nouvelles et des infrastructures de transports piloté par l’État (années 1950 à 1970). La loi de 1967 représente alors une réponse à un phénomène urbain qui questionne les moyens et la capacité des politiques publiques à gérer l’évolution du foncier dans le temps (maitrise du développement urbain et effets spéculatifs). En effet, la loi d’orientation foncière a mis en place des instruments centraux en matière de planification spatiale (schéma, plan), de gestion fiscale (taxe locale d’équipement) et d’aménagement (zone d’aménagement concertée). Parmi les outils de planification, le « schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme » oriente le développement à l’échelle supra-communale et le « plan d’occupation des sols » (POS) régule l’urbanisation municipale, notamment à travers la définition des droits au niveau de la parcelle. Thierry Vilmin a retracé précisément l’évolution des pratiques d’urbanisation qui ont suivi la loi d’orientation foncière, en décrivant un cadre urbanistique ajusté par la pratique, qui tend au développement de l’« aménagement négocié » combinant l’activité réglementaire et l’activité opérationnelle (Vilmin, 2019).

Au-delà de ces réformes du cadre juridique de la planification, l’évolution du contexte économique et social a imposé des adaptations aux instruments de l’action publique urbaine. La fin des Trente Glorieuses et le retrait de l’État de la gestion locale (lois de décentralisation 1982-1983) se sont traduit par le développement des prestataires privés dans les opérations d’aménagement. Ce mouvement soulève notamment des questions, en particulier concernant la capacité de ce nouveau cadre de gouvernance à formuler des problèmes et à mener des actions pour les résoudre (Lorrain, 1993). L’expertise en matière d’urbanisme s’est externalisée : ce processus favorise la division thématique des problèmes et oriente les processus de décisions en matière d’aménagement vers des réponses plus techniques et moins débattues (Gaudin, 1999). Les sujets se sont complexifiés et les soutiens publics se sont amoindris, contribuant ainsi à la multiplication d’acteurs privés porteurs de compétences diverses. L’émergence des sujets environnementaux et leur intégration dans le domaine de l’urbanisme a participé de ces reconfigurations de l’expertise sur la planification (Mathieu et Guermond, 2011).

(14)

13 De nouvelles d’incertitudes, relatives à l’économie locale, aux concurrences territoriales, aux évolutions environnementales ou à la présence de porteurs de projets privés, orientent l’action publique et les processus de planification vers la gestion par projets (Genestier, 2001 ; Pinson, 2005). Une plus grande souplesse des dispositifs est censée permettre une adaptation des cadres d’action aux aléas, aux opportunités et aux nouvelles connaissances. Au-delà des attentes, ces changements de pratiques font évoluer le travail des acteurs de l’urbanisation, par exemple à travers les instruments de contrôle et de gestion des autorités publiques. Les communes rurales, parfois démunies en matière de moyens (compétence, budget) et soumises à des pressions foncières, semblent particulièrement concernées par ces modes opératoires mouvants qui influencent les relations entre acteurs et les processus de planification d’urbanisme.

Le nombre de municipalités en France est particulièrement important. Les politiques gouvernementales qui se succèdent depuis une vingtaine d’années incitent les communes rurales à transférer leur compétence en matière d’urbanisme au niveau intercommunal. L’objectif poursuivi par ces transferts est de mener une réflexion stratégique sur la planification territoriale à une autre échelle et de mutualiser les moyens humains et financiers, relativement faibles à l’échelle communale. Très souvent, les élus municipaux des communes rurales préfèrent cependant conserver leur compétence d’urbanisme, c’est-à-dire le droit et la responsabilité d’aménager leur commune à travers un panel d’outils (document d’urbanisme, délivrance de permis d’aménager et de construire, préemption).

En définitive, les transformations qu’a connu le cadre institutionnel de l’urbanisme, le rôle joué par les décisions des services intercommunaux, les arbitrages des prestataires privés et la transition d’un urbanisme réglementaire vers un urbanisme de projet sont autant d’enjeux qui interrogent aujourd’hui la planification foncière dans les communes rurales qui font l’objet de notre travail.

Des pratiques de maitrise du sol non-urbanisé

« C’est le PLU [plan local d’urbanisme] qui a fait sauter l’équipe. Le projet de l’ancienne équipe

créait de grandes tensions […] On a été élu en 2008 avec le projet de PLU qui a pris quatre ans. On a marché sur des œufs pendant quatre ans et on a appris. On a travaillé mètre carré par mètre carré sur la commune. On a divisé la commune en douze zones pour travailler morceau par morceau.

(15)

14

par rapport à l’existant. Sachant que les zones étaient ouvertes [à l’urbanisation] depuis 1985 avec le POS [plan d’occupation des sols, document antérieur au PLU], donc il a fallu tailler dans les zones. Il a fallu fermer 2,5 ha constructibles. En 1985, il n’y avait pas de grande différence entre constructible et agricole, les gens étaient au conseil et avaient une bonne partie du terrain. Et puis, les prix ont explosé à Amponville à la fin des années 1990, début des années 2000. On est passé d’un ratio de 1 à 100 entre agricole et constructible. Si on était à 7 000€/ha, on est à 70 000€/ha aujourd’hui. L’argent a pris le dessus. Il faut comprendre, pour les gens c’est leur patrimoine, leur bas de laine. […] [la planification d’urbanisme] a été un jeu mathématique. On a assuré un maintien du nombre de terrains constructibles en réduisant la taille des terrains. J’ai reçu les personnes, l’objectif étant de faire comprendre que c’est la position du terrain et pas la personne qui explique ce choix. […] Ma chance c’est que je ne suis pas originaire d’ici. Je n’avais aucun intérêt dans l’affaire. Je ne connaissais pas les parcelles, au moins au début. C’était un atout. Je ne cherchais pas savoir au début, mais bon au bout d’une semaine on sait exactement à qui appartient quoi. »

Entretien avec le maire d’Amponville, en Seine-et-Marne, le 26 mars 2018

Nous avons choisi de mettre en exergue cet extrait d’entretien mené avec le maire d’une commune rurale d’Ile-de-France pour rappeler que les élus développent une connaissance à la fois empirique et fine des processus d’urbanisation communale. Cet extrait a également l’intérêt de dérouler toute une série de thématiques que nous allons traiter dans ce travail sur l’urbanisme rural : la proximité entre les acteurs locaux ; les conflits générés par la planification d’urbanisme ; les adaptations municipales du projet d’urbanisation ; enfin, les évolutions qu’ont connu les dispositifs supra-communaux.

Le plan local d’urbanisme est un instrument qui a des conséquences directes sur les droits des propriétaires : lorsque les élus décident de réduire des possibilités d'aménagement ou de construction, cette décision publique ne donne droit à aucune compensation pour les propriétaires. Or, comme le rappelle l’extrait d’entretien, le sol est un objet complexe. Il peut être envisagé comme un héritage, un moyen de production, un paysage et, en définitive, comme une ressource plus ou moins partagée sur laquelle peuvent intervenir différents types d’acteurs. Dans un contexte où les intérêts deviennent multiples et complexes, comment les acteurs locaux s’organisent-il pour écrire les règles d’un futur commun ?

Les questions relatives au rapport au sol et à sa maitrise sont sous-jacentes à notre travail sur les pratiques de planification. Notre recherche n’a pas vocation à définir les notions de terre et de

(16)

15 propriété ni à discuter leurs fondements. Nous pouvons néanmoins rappeler l’apport de travaux menés en économie et en anthropologie sur les rapports entre droits de propriété et maitrise du sol. Dans la mesure où la terre est considérée comme un bien qui ne peut être déplacé, son usage productif implique généralement la définition de droits (accès, gestion, possession ou exclusion) et de dispositifs (limite physique, titre, règlement, zone ou récit) (Le Roy, 2011 ; Li, 2014). L’approche qui tend à considérer la terre comme un bien marchand, à l’isoler et à orienter sa gestion, soulève des questions d’accès au foncier et de privilèges associés à sa propriété (Polanyi, 1944, chapitre 6). La propriété, source d’inégalités, dépend largement de la définition qu’en donnent les dispositifs (institutions, instruments) et de la mobilisation de ces dispositifs par les acteurs du système foncier. L’objet de notre travail de recherche est de comprendre le processus d’écriture réglementaire de l’urbanisation dans les communes rurales sous pression foncière. Nous souhaitons montrer de quelle manière les outils réglementaires sont mobilisés par les acteurs locaux et leur importance dans l’orientation de l’urbanisation. Les hypothèses qui sous-tendent le travail sont les suivantes : (1) les décisions en matière de construction d’habitat, dans les communes rurales sous pression foncière, restent aujourd'hui entre les mains des élus locaux ; (2) l’écriture de la réglementation urbaine locale est le fruit d’un urbanisme négocié dans lequel les pratiques d’opérateurs de l’aménagement et de la construction jouent un grand rôle. Nous interrogeons dans ce travail la manière dont les territoires à la fois de faible densité et sous influence métropolitaine sont redéfinis localement au travers de la planification d’urbanisme.

La structure du manuscrit

Pour introduire notre recherche, nous proposons d’exposer de manière synthétique la structure du document, les objectifs des chapitres et des sections, ainsi que les sujets qui y seront traités. La thèse est construite en quatre chapitres. Chaque chapitre est décomposé en sections, elles-mêmes construites en sous-sections. Chacun des chapitres propose un état de l’art international relatif aux questions qui y seront traitées. Nous avons mobilisé ainsi différents corpus de références tout au long du manuscrit. Nous avons choisi de séparer quatre corpus de références bibliographiques permettant de discuter plus directement des résultats qui sont présentés par la suite. Les deux premiers corpus sont généraux : le premier introduit le contexte et les débats liés à

(17)

16

l’urbanisation diffuse, le second pose le cadre théorique. Les deux autres corpus, en chapitre 3 et 4, sont resserrés sur les thèmes des chapitres.

Le premier chapitre présente, à travers une analyse de la littérature, le contexte de planification dans lequel interviennent les acteurs locaux. Dans la section 1.1, il nous a semblé important d’introduire deux concepts structurants : « durabilité » et « densification ». Notre travail n’a pas vocation à les discuter de manière approfondie. En revanche travailler sur l’urbanisme rural sous influence métropolitaine implique de resituer les débats autour de ces concepts, dans la mesure où ils influencent fortement l’activité des élus locaux et des techniciens travaillant sur la planification urbaine.

En effet, comme indiqué plus haut, les communes rurales sont concernées par des enjeux importants en matière de production de logements et de préservation des espaces agricoles et naturels. Dans ce cadre, l’état des connaissances sur la « durabilité urbaine » et le processus de « densification urbaine » marque l’environnement dans lesquels agissent les acteurs des municipalités rurales sous influence métropolitaine. Dans la section 1.2, nous proposons un état de la recherche sur la question de l’urbanisation diffuse dans les sciences sociales, en resituant l’apport de notre travail en regard de ces analyses. La section 1.3. revient sur l’émergence de l’objet « territoires ruraux » dans les sciences sociales et permet de structurer les choix méthodologiques qui sont présentés ensuite.

Le second chapitre expose la méthodologie de recherche, ainsi que les résultats de deux études quantitatives. Nous détaillons, dans une première section 2.1, le cadre théorique mobilisé à travers les champs de la sociologie du droit, la sociologie des outils de gestion et la sociologie de l’action publique. Dans la section 2.2, les méthodes, les données et les terrains relatifs aux analyses quantitatives et qualitatives sont exposés et deux objets centraux de l’étude sont définis : « les communes rurales sous influence métropolitaine » et le « plan local d’urbanisme ». Les sections 2.3 et 2.4 présentent le résultat des deux études quantitatives qui ont été menées. La première a été réalisée à l’échelle nationale et porte sur les pratiques locales de construction de logement. La seconde étude traite des pratiques de planification locale de l’urbanisation future dans les communes rurales de l’Ile-de-France. Dans ce chapitre, nous proposons une typologie originale relative à des profils de communes rurales définis en fonction des processus d’urbanisation observables (planification, construction de logement). Cette typologie nous permet de mettre en évidence une certaine hétérogénéité des territoires au regard des pratiques communales. Nous

(18)

17 tentons d’identifier les facteurs favorables à des dynamiques de « densification rurale » (réduction des surfaces constructibles dans les différentes catégories de communes). Ces résultats sont remobilisés dans les chapitres suivants et mis à l’épreuve des enquêtes de terrain.

Dans le chapitre 3, nous prenons le parti d’analyser les dynamiques d’urbanisation dans des communes rurales marquées par des processus de fragmentation, que nous définissons au sens large comme une fragmentation des espaces, des institutions et des filières d’aménagement. Dans la section 3.2, nous rendons compte d’une intensification de l’émiettement urbain dans les terrains étudiés. La section 3.3 met en évidence les cloisonnements institutionnels dans le domaine de la planification et leurs conséquences sur la régulation et la gestion spatiale dans des petites communes qui tendent à renforcer l’importance des décisions municipales. La section 3.4 porte sur le rôle des opérateurs de l’aménagement et de la construction de logements dans l’urbanisation des communes rurales. Ce chapitre souligne notamment l’existence des pratiques de coopération entre communes, en dehors des cadres de l'institution intercommunale pour planifier l’urbanisation communale. Nous traitons également des effets des politiques nationales territorialisées d’aides à la construction de logement.

Le quatrième chapitre porte sur les pratiques planificatrices des acteurs publics, qui alternent entre gestion managériale du territoire et « ménagement » des acteurs locaux. Une revue de travaux sur le domaine ouvre le chapitre et revient sur une série d’enjeux centraux des travaux empiriques sur la planification territoriale : l’évolution des relations entre autorités publiques et opérateurs privés dans les projets urbains ; les stratégies locales de mobilisation des instruments locaux employées par les acteurs pour orienter l’urbanisation. La section 4.1 traite de la montée en puissance des méthodes d’urbanisation « par le projet » et de la traduction de ces démarches dans les communes rurales. La section 4.2 examine les pratiques locales d’adaptation du règlement dans les zones ouvertes à l’urbanisation et identifie les incertitudes propres aux communes rurales. La section 4.3 analyse les modalités d’intervention des opérateurs de l’urbanisation dans la planification et les pratiques d’écriture réglementaire des acteurs publics locaux (élus et techniciens) pour intervenir et orienter l’urbanisation. Le chapitre met l’accent sur les rapports de force qui s’instaurent entre les acteurs. Il conclut notamment que, dans les communes rurales également, la programmation de l’urbanisation est un processus complexe, à rebours d’une vision qui considérerait sans nuance les territoires ruraux comme marqués avant tout par un « laissez-faire » en matière d’urbanisme.

(19)
(20)

19 CHAPITRE 1.URBANISME RURAL : DES PRINCIPES URBANISTIQUES À L’ÉCRITURE RÉGLEMENTAIRE LOCALE

A travers ce chapitre, nous proposons d’identifier le contexte général, dans lequel l’urbanisation à faible densité est étudiée et discutée. Nous abordons différents éléments de contexte, de manière non-exhaustive, dans la mesure où ils structurent des approches urbanistiques et marquent les pratiques de planification urbaine dans les communes rurales sous influence métropolitaine. Les trois sections permettent de développer le sujet de l’urbanisation au prisme des questions de durabilité, de faible densité et de planification des espaces ruraux. A partir des grands constats et enjeux qui sont relevés, nous proposons de structurer les questions de recherche et les hypothèses qui sous-tendent notre travail.

1.1.L'urbanisation rurale sera-t-elle forcément compacte ?

Nous souhaitons tout d’abord revenir sur quelques modèles urbanistiques contemporains, orientés par l’enjeu du développement durable et les objectifs de la densification. Ces notions ont été développées dans le domaine de l’urbanisme et se sont traduites dans les politiques urbaines depuis une trentaine d’années. Il s’agit ici avant tout de comprendre 1) les enjeux sous-tendus par ces notions, 2) les prescriptions voire les injonctions auxquelles sont soumises les communes rurales sous pression démographique et les difficultés de mises en œuvre de mesures, et enfin 3) de revenir sur les principales controverses qui concernent ces modèles.

Urbanisme rural durable : concept, modèle et controverse

Nous proposons de revenir sur le concept de « durabilité » en matière d’urbanisme, afin de comprendre les controverses qui lui sont liées, et de saisir le contexte dans lequel les acteurs locaux sont amenés à travailler et à orienter l’urbanisation des communes. Notre travail ne vise pas à définir, affiner ou évaluer des objectifs et des méthodes urbanistiques, mais à comprendre ce qu’impliquent leur mise en œuvre dans les communes rurales sous influence métropolitaine, en matière de pratiques et d’urbanisation.

(21)

20

Le phénomène d’extension urbaine, à l’écart des centres urbains, est identifié comme un problème par les politiques publiques dans la mesure où cette urbanisation peut représenter un contre-exemple face au modèle de la « ville durable » . Ce modèle renvoie à la mise en place de dispositifs pour répondre aux enjeux du développement durable dans le domaine de la gestion des transports en commun, la préservation des ressources naturelles ou encore la répartition des services. Les définitions et usages du concept de « ville durable » sont multiples et controversées. Il ne s’agit pas ici de préciser ou retracer l’histoire du concept, mais plutôt de pointer l’influence de celui-ci sur les théories et pratiques urbaines dans les territoires ruraux.

Au niveau international, le rapport Meadows dans les années 1970 et le rapport Brundtland dans les années 1980 ont fortement contribué à l’évolution de la pensée en matière d’aménagement des territoires. Le premier portait sur la limitation des ressources face à la croissance (rapport Meadows, 1972) et le second sur les enjeux de conciliation des besoins écologiques, sociaux et économiques définis par le concept de « développement durable » (rapport Brundtland, 1987). Cependant, c’est surtout dans les années 1990 que les enjeux de durabilité intègrent le champ de l’urbanisme (Emelianoff, 2004 ; Mathieu et Guermond, 2011 ; Theurillat, 2011). La Conférence de Rio (1992) marque notamment le développement du concept de « ville durable » et des besoins de territorialisation des objectifs de développement durable au travers du plan d’action qu’est l’Agenda 21. Par ailleurs, Mathieu et Guermond soulignent le développement contrasté, car plus tardif et plus timide, des déclinaisons de ces enjeux dans les concepts de « ruralité durable » et « région durable » .

Mathieu et Guermond analysent le concept de « ville durable » en tant que catégorie de pensée et d’action, utilisée pour traiter des différentes dimensions (écologique, sociale, économique, éthique). En identifiant l’importance de la notion de développement durable dans les « sciences de la ville », ils s’interrogent sur la réorganisation d’un champ scientifique autour du concept de « ville durable ». En effet, l’introduction de ce concept dans les études urbaines a fortement marqué la production scientifique et les politiques publiques. De ce point de vue, l’intérêt accordé (par le débat académique et public) aux processus et aux finalités de l’aménagement local du territoire varie dans le temps, dans la mesure où les collectivités locales prennent de l’importance. Les deux géographes considèrent que les collectivités locales ont été des protagonistes majeurs de la mise en œuvre des politiques urbaines « durables » (Mathieu et Guermond, 2011).

(22)

21 L’ « urbanisme durable » fait référence à des pratiques professionnelles plus qu’à un concept scientifique ou un objectif politique orientant les évolutions à long terme (Emelianoff, 2007). C’est ce que montre notamment Cyria Emelianoff à propos de la mise en place de l’Agenda 21, par le biais d’actions locales, dans les villes de Barcelone et Nuremberg (Emelianoff, 2011). Ces deux villes sont présentées comme des modèles en matière de contextualisation de l’Agenda 21, notamment du fait de l’implication d’acteurs locaux dans la construction de plan d’action local. Elle conclut cependant que, si le concept d’ « urbanisme durable » pose la question du décloisonnement de l’action publique, la mise en œuvre effective d’une coordination entre acteurs locaux publics et privés reste un impensé de l’urbanisme : la prise en compte des enjeux de durabilité dans l’aménagement des villes demeure limitée. C’est dans cette perspective que l’on peut s’interroger sur la transposition de ces débats dans les communes rurales. Les spécificités de ces territoires (petite taille des communes rurales et la proximité entre acteurs) favorisent-elles les interactions entre acteurs et le développement de la commune ? Permettent-elles de définir un intérêt collectif sur le long terme ?

Le concept d’ « urbanisme durable » a par ailleurs marqué de son empreinte les dispositifs juridiques et réglementaires. Selon Emelianoff, l’évolution des documents d’urbanisme s’est traduite par une vision paradoxale qui tend à mettre au second plan des choix politiques. Autrement dit, les injonctions à l’urbanisme durable par les services de l’État et les associations sur le territoire ont contribué à une dépolitisation du débat en s’imposant aux élus et en primant sur les stratégies politiques en la matière (Emelianoff, 2004).

Ce constat doit être remis dans son contexte car il a été formulé à un moment où le régime juridique des documents locaux d’urbanisme était réformé en France dans le cadre de la loi SRU (loi relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbain du 13 décembre 2000). La loi, encore récente à cette période, imposait aux élus locaux une prise en compte d’enjeux nouveaux dans les documents d’urbanisme, notamment dans le cadre du projet d’aménagement de de développement durable. Pour Emelianoff, cet effacement du politique s’est accompagné d’une complexification des documents et d’une professionnalisation de l’expertise sur le développement urbain durable. Deux sujets qui posent selon elle la question du partage du pouvoir et des ressources. C’est précisément sur ces enjeux d’accès aux ressources en expertise que nous reviendrons plus loin à propos de nos recherches menées dans les communes rurales.

(23)

22

Ce virage pris par les politiques d’urbanisme au début des années 2000 pose la question du degré d’intégration des enjeux de développement durable par les collectivités locales. C’est dans cette perspective que le géographe et urbaniste Nicolas Persyn a étudié l’usage des outils d’urbanisme dans des agglomérations moyennes en manque de logements (Persyn, 2015). À propos de l’élaboration du plan local d’urbanisme par les municipalités enquêtées en France, il observe que « […] le discours est unanime selon les communes, qu’il s’agisse des élus et des techniciens : l’heure est à la densité,

à la compacité, au recentrement ». Il constate une assimilation des objectifs et des mesures énoncés par

la loi SRU, même si ce processus s’est étalé dans le temps selon les observateurs supra-communaux. Concrètement, l’intégration des enjeux, tels que la limitation de l’étalement urbain et la préservation des terres, se traduit dans le document local par des choix explicites, comme le fait de rendre constructible toutes les « dents-creuses » ou de soutenir le renouvellement urbain en privilégiant le développement des projets sur le foncier mutable (Persyn, 2015).

La traduction des enjeux de « durabilité », portés par les objectifs européens de limitation de la consommation des terres1, a pris différentes formes selon les pays. Bovet et al. ont mené une

comparaison des politiques de régulation de l’usage des sols et de l’étalement urbain, en prenant comme angle d’analyse les enjeux de durabilité (Allemagne, Suisse, Pays-Bas, Espagne et Pologne) (Bovet et al. 2018). Dans le cadre de cette étude comparative, quatre critères sont retenus pour observer la prise en compte de la durabilité : la formulation d’objectifs de qualité environnementale par l’État ; l’intégration des enjeux écologiques (évaluation, formulation, prise en compte) dans les instruments juridiques ; la possibilité d’introduire de nouvelles formes d’expertise dans les plans ; la participation des acteurs au processus de planification. L’étude conclut que seuls l’Allemagne et la Suisse fixent des objectifs chiffrés. En Allemagne, l’objectif énoncé est la limitation de l'artificialisation (résidentiel et transport) à trente hectares par jour. Cette mesure s’applique au niveau fédéral et n’engage pas légalement les Länder ou les municipalités. Les chercheurs soulignent qu’en Suisse la consommation de foncier est limitée à 400 m² par habitant. Il est intéressant de retenir que même si cette limite n’est qu’une ligne directrice sans valeur légale, elle semble connue et prise en compte par les différents acteurs.

Les travaux comparatifs de Bovet et al. ont en outre souligné l’importance de l’échelle municipale dans la régulation de la consommation des terres dans les différents pays. La présence et l’utilisation des instruments locaux varient selon les pays. En Allemagne, le document municipal est central, dans le sens où le développement urbain n’est autorisé que s’il respecte un nombre de conditions

(24)

23 (économie d’utilisation des sols, développement de friches, faible artificialisation). A l’inverse, en Pologne, il n’y a pas d’obligation pour les municipalités d’avoir un document d’urbanisme : c’est l’autorisation de construire qui représente l’instrument local de limitation de la consommation du foncier. En Suisse, les instruments règlementaires mobilisés par les municipalités sont avant tout fiscaux : la loi énonce en effet que 20 % des bénéfices générés par le changement d’occupation des sols (lorsque le terrain devient constructible) doivent être versés par le propriétaire à la municipalité. La spécificité ici tient surtout au fait que cette dernière a l’obligation d’utiliser le montant pour compenser les pertes environnementales liées (financement de mesures écologiques, de renaturation).

Il est important d’analyser ce rôle joué par ces objectifs de durabilité en se situant à l’échelle des pratiques locales de planification urbaine, car c’est à cette échelle que sont majoritairement prises les décisions favorisant l’urbanisation diffuse. Les études portant sur la « durabilité urbaine » se réfèrent souvent aux effets de l’étalement urbain, de l'artificialisation des sols et des morphologies urbaines. Dans ce cadre, l’urbanisation diffuse fait généralement figure de « contre-modèle ». En effet, le processus est consommateur d’espace, il entraîne un allongement du temps de transport et éloigne les populations des centralités (services, emplois, équipements).

Cependant, depuis les années 2010, des recherches remettent en question les attaques portées à l’encontre de l’urbanisation à faible densité. Ainsi, Hélène Nessi interroge les objectifs de densité sous le prisme de l’énergie et des mobilités. Selon la chercheuse en urbanisme, si les périurbains consomment plus d’énergie dans le transport pour les trajets domicile-travail, la tendance s’inverse à partir du moment où les trajets des weekends et des vacances sont pris en compte. Dans la mesure où la densité est corrélée positivement aux mobilités de loisirs (distances plus longues et notamment recours à l’avion, trajets pour shopping et activités culturelles), les objectifs de densité ne suffisent pas à définir la « ville durable » et doivent être questionnés (Nessi, 2010).

À rebours de discours dominants, qui condamnent les comportements individualistes et la standardisation des paysages, une étude ethnologique portant sur les espaces pavillonnaires à Rennes et Marne-la-Vallée montre que ces espaces ne sont pas figés et recouvrent une diversité de pratiques spécifiques (Frileux, 2010). En étudiant l’objet de la haie, Pauline Frileux met en évidence que même si les pratiques de plantation des habitants tendent à isoler la cellule familiale du voisinage, elles ne sont pas synonymes de repli (échanges de savoir-faire, entre-aide, plants ou d’outils). Elle souligne par ailleurs que les effets de standardisation des paysages et la perte de

(25)

24

biodiversité généralement associés au tissu pavillonnaire doivent être fortement nuancés (le développement de haies horticoles, par exemple, est plus propice à la biodiversité que les usages antérieurs) (Frileux, 2010).

C’est également ce que montre un ensemble d’études qui remettent en question la standardisation face aux potentiels de mutabilité de ces espaces à travers : l’évolution du tissu social, les changements des pratiques de consommation et de mobilité, ou encore l’autonomisation des plus petits pôles vis-à-vis de plus grands (Nessi et al., 2016). Nessi et al. mettent en évidence de nombreuses marges de manœuvres dont disposent les acteurs, contrastant avec des approches qui tendent à homogénéiser et figer les pratiques et les espaces périurbains. A cet égard, les territoires à faible densité, caractérisés par leurs capacités de mutabilité et d’adaptation, ont un certain potentiel de « durabilité ».

Le concept de « durabilité » appliqué à l’urbanisme diffus présente par conséquent des limites qui sont aujourd’hui identifiées par la recherche. De multiples approches portant sur le développement urbain élaborées par les urbanistes, chercheurs et praticiens, invitent à penser différemment les critères de qualité urbaine. À titre d’exemple, le terme « intensité urbaine » permet de prendre en compte des critères de densité, centralité et cadre de vie (Nessi, 2010) ; ou encore la notion de « ville circulaire » qui vise à concevoir le territoire urbain comme un écosystème (Grisot, 2020). Cet aperçu non-exhaustif des études portant sur le concept de durabilité en urbanisme, permet de prendre la mesure des controverses qui structurent et orientent le travail des élus et techniciens, principaux acteurs de l’élaboration des documents locaux d’urbanisme. Il est nécessaire selon nous de prolonger cet aperçu par une discussion, dans la section suivante, sur une notion devenue centrale dans les politiques d’urbanisation et qui est souvent adossée aux débats sur la durabilité, celle de « densification urbaine ». En effet, le processus de densification est envisagé, par une majorité de chercheurs et praticiens en urbanisme, comme un moyen pour répondre aux enjeux de durabilité et un objectif porté par de nombreux modèles urbanistiques contemporains. Dans la mesure où les communes rurales proches des métropoles sont explicitement visées par les politiques publiques en matière de densification, il nous semble important de revenir sur une sélection de résultats récents traitant de ces enjeux.

(26)

25

La densification urbaine : les limites d’une mise en œuvre publique

Les enjeux de la densification sont portés par les institutions publiques à différentes échelles. Le besoin de recherches sur les pratiques réglementaire et la mise en œuvre de la densification, est clairement identifié dans les travaux en études urbaines. Notre travail a pour ambition de comprendre et de décrire 1) la manière dont les prescriptions et les obligations supra-communales (intercommunalité, région, État) en matière de densification urbaine sont traduites par les municipalités locales à travers la régulation et la gestion de l’urbanisation ; 2) l’influence de l’action publique locale sur les processus d’urbanisation à plus grande échelle. Dans ce cadre, nous mettons en évidence les résultats majeurs de travaux portant sur ces questions et qui orientent notre approche.

La croissance urbaine des métropoles et la mise à l’agenda des enjeux de durabilité sont deux phénomènes déterminants dans le développement des politiques publiques en faveur d’une densification (Dembski et al., 2020). Le numéro spécial publié récemment par la revue Town and

Planning fournit par exemple des recherches menées actuellement sur les stratégies en matière de

politiques foncières visant à une urbanisation plus compacte (Dembski et al., 2020). Le terme « densification » ne présente pas une définition claire : les recherches sur les pratiques de planification urbaine tendent avant tout à décrire des processus caractérisés par un usage plus ou moins intensif du foncier. Les indicateurs croisant des informations sur la nature des usages et les emprises foncières sont en effet centraux dans les études urbaines (population ou emplois par surface, part ou évolution des surfaces en fonction de leur occupation). Dans ce dossier spécial, les auteurs prennent le parti d’étudier le phénomène de la densification sous l’angle de la croissance nette de logements par unité dans l’espace urbain préexistant. Deux études en particulier peuvent retenir notre attention : celles de Jehling et al., menée en Allemagne, et celle de Meijer & Jonkman, conduite au Pays-Bas.

Dans leur étude menée en Allemagne, Jehling et al. se demandent dans quelle mesure les politiques locales de densification sont susceptibles de diverger selon les échelles de planification spatiale. La recherche porte sur l’évolution des zones urbaines de la région de Francfort sur la période de 2011 à 2017, au regard des prescriptions du plan régional d’urbanisme (approuvé en 2011) et des politiques locales (Jehling et al., 2020). Ils s’appuient sur les approches de « justice spatiale » pour analyser les choix de planification et les politiques de densification. Trois dimensions de la justice spatiale sont en particulier retenues pour discuter les choix en matière de densification : utilitariste

(27)

26

(optimiser le nombre de bénéficiaires de droits), sociale (rééquilibrer les droits selon les inégalités initiales) et libertaire (l’égalité des opportunités à construire). L’étude pointe les contradictions portées par un document tel que le plan régional, notamment à travers la manière d’allouer des possibilités de densification aux municipalités (prescriptions, obligations). Parallèlement, une étude quantitative est menée dans les zones urbaines sur l’observation des changements de densité entre les périodes, et l’évolution des règles édictées par les documents (régional et local).

Les résultats montrent que le plan régional de Francfort se situe plutôt dans une dimension de « justice utilitariste » les possibilités de densification sont allouées dans la perspective d’un bénéfice à l’échelle régionale. Cela passe notamment par des règles de priorité entre municipalités, afin de limiter la consommation des terres à l’échelle de la région. Cependant, la pratique locale suit souvent une autre logique que celle du plan régional : le document local tend plutôt à garantir une égalité d’opportunités entre les municipalités. Les auteurs soulignent également l’influence des municipalités dans le développement urbain et les choix de densification : 1) les documents locaux d’urbanisme sont un support pour élaborer le document régional 2) les élus locaux interviennent au sein de l’institution régionale notamment à travers l’approbation du document supra-communal (Jehling et al., 2020).

En outre, l’étude quantitative révèle des caractéristiques propres aux plus petites communes. Les municipalités moins densément peuplées (0 à 38 habitants par hectare) et avec un degré d’accessibilité plus faible, connaissent une densification plus importante (augmentation des surfaces construites entre 2011 et 2017 en valeur absolue) que les municipalités « moyennes ». Ces derniers résultats, a priori contre-intuitifs, nuancent fortement l’idée suivant laquelle les petites communes seraient systématiquement caractérisées par 1) une moindre capacité à mobiliser le foncier déjà urbanisé (« dents creuses », friches, divisions parcellaires) ; 2) les pratiques réglementaires en matière de densification moins contraignantes que les communes « moyennes » (censées être davantage contraintes par le coût du foncier et prix de l’immobilier).

L’étude menée par Rick Meijer et Arend Jonkman aux Pays-Bas apporte un autre éclairage sur les politiques locales de densification, en ciblant les motivations des autorités locales qui mobilisent les instruments d’urbanisme pour densifier le tissu urbain (Meijer et Jonkman, 2020). Aux Pays-Bas, ce sont dans les « zones urbaines » que sont construits la majorité des logements depuis 2010 (dans un contexte où le nombre de logements construits chaque année décline) : 69 % des nouveaux logements sont réalisés en zone urbaine et 31 % en zone « à urbaniser » entre 2012 et

(28)

27 2017, alors que les périodes précédentes présentaient une distribution inverse (42 % des logements construits en zone urbaine entre 2000-2005 et 47 % entre 2006-20112). L’étude de deux

municipalités (120 000 et 150 000 habitants) montre des spécificités en matière de maîtrise foncière et de mobilisation d’instruments, mais des contraintes communes qui limitent les possibilités de densification du tissu urbain. Par exemple, les autorités publiques sont moins « actives » (achat de terrains, portage de projet de logements) depuis les années 2010 et la construction d’habitat est plus fortement le fait d’initiatives privées. Dans les deux cas, les municipalités mettent en place des stratégies pour orienter le développement urbain (acquisition ponctuelle et ciblée de terrain, collaboration avec les opérateurs, révision annuelle du document local d’urbanisme). Les résultats soulignent les difficultés de plus en plus importantes des autorités publiques locales à acquérir des terrains en zones urbaines. Ce phénomène est lié à l’augmentation des coûts de transaction et s’explique notamment par la fragmentation des parcelles et la multiplication des propriétaires (Meijer et Jonkman, 2020).

Ces recherches font écho aux travaux qui ont été menés en France sur les trajectoires de densification. En Ile-de-France, l’étude sur les processus de densification urbaine menée par Anastasia Touati-Morel a révélé différentes stratégies d’urbanisation communales (Touati-Morel, 2015). Ce travail a permis la réalisation d’une typologie de communes au regard des processus et des objectifs de densification fixes par les collectivités. Les communes caractérisées par un processus de densification « doux » correspondent aux villes les moins peuplées de l’échantillon (autour de 10 000 habitants) et, dans ce cas de figure, les collectivités ont souvent pour objectifs d’éviter le déclin démographique et de maintenir le cadre de vie. Sur ces terrains, la densification a lieu à travers la division et la construction des parcelles privées. Le processus bénéficie en ce sens plus largement aux propriétaires et aux promoteurs immobiliers. Touati-Morel explique que « les

petits promoteurs locaux peuvent profiter des dispositions offertes par la politique de densification si les conditions sont réunies pour que les projets de construction soient rentables (c'est-à-dire des valeurs immobilières élevées, des prix fonciers bas et des contraintes techniques peu coûteuses) ».

Dans cette étude, les communes de la densification « douce » sont urbaines et plus peuplées que les communes rurales sous influence urbaine de notre échantillon. Il est cependant intéressant de souligner que 1) ces municipalités franciliennes rencontrent des difficultés à densifier par des opérations d’aménagement et que 2) les autorités mobilisent majoritairement des méthodes visant à orienter les opérations privées qui se développent à l’échelle des parcelles.

(29)

28

Deux types de municipalités sont par ailleurs caractérisées, dans cette étude, par une densification « forte » . L’urbanisation s’y développe au travers d’aménagements urbains relativement importants (en contraste avec les divisions parcellaires). Ces deux catégories de communes se distinguent par leur politique urbaine : « volontariste » pour l’une et laissant des marges plus importantes aux opérateurs privés pour l’autre. Mais dans les deux cas, les municipalités motivent leur choix par l’objectif d’attirer une nouvelle population et de développer l’activité, notamment dans le but de peser sur la stratégie métropolitaine (Touati-Morel, 2015).

Ces résultats issus de travaux récents portant sur les stratégies locales de densification, questionnent les relations entre les différentes institutions et les concurrences locales en matière de stratégies démographiques à l’échelle des communes. Les résultats soulignent les divergences d’interprétation concernant les enjeux et les objectifs des politiques publiques en matière de densification urbaine selon les territoires. Nous proposons, dans la section suivante, de rendre compte des travaux portant plus largement sur les processus d’urbanisation à faible densité et sur les effets qui en sont issus.

(30)

29 1.2. L’urbanisation diffuse, un objet émergent pour les sciences sociales

La croissance de l’urbanisation depuis la seconde moitié du XXe siècle a suivi majoritairement une

trajectoire d’étalement urbain dans les pays développés. Ces dynamiques sont devenues un objet à part entière pour les sciences sociales. On peut rappeler ici succinctement les spécificités des différentes approches de l’urbanisation, qui ne recoupent pas nécessairement des différences disciplinaires. Les recherches centrées sur les dimensions socio-économiques s’intéressent aux inégalités d’accès au logement ou la formation de bassin de vie spécifiques qui résultent de ces dynamiques urbaines. L’approche spatiale met en évidence les processus de développement (couronne/radiant/quadrant) et les effets d’une situation « en périphérie ». Les approches environnementales sont davantage ciblées sur l’identification des flux d’énergie et des coupures écologiques liées au développement d’infrastructures. Dans le cadre de cette section, nous proposons de revenir sur les principales approches qui contribuent à l’analyse de la régulation et de la gestion de l’urbanisation, en ciblant notre propos sur les dynamiques qui caractérisent les territoires ruraux, à savoir une urbanisation résidentielle de faible densité.

Notre travail de thèse porte sur les « espaces ruraux sous influence métropolitaine ». Les espaces que nous avons étudiés sont soumis à l’urbanisation sous l’effet de dynamiques métropolitaines. Selon les terrains et les lunettes portées par les observateurs, ils peuvent être assimilés aux « espaces périurbains ». C’est pour cette raison qu’il est important pour nous de discuter de ces travaux menés sur l’objet « périurbain », et d’identifier les connaissances et les thèmes de discussion auxquels le travail de thèse peut contribuer.

Le terme « périurbain » se développe en France dans les années 1960 (Bretagnolle, 2015; Damon

et al. 2016). Il apparaît initialement au travers de travaux portant sur le développement

métropolitain de Montréal et menés par le géographe suisse Jean-Bernard Racine (Racine, 1967). L’idée sous-jacente est celle d’un espace de rencontre entre deux milieux, « urbain » et « rural », qui renvoie à de nouveaux modèles d’urbanisation. Le terme « périurbain » a été utilisé dans un premier temps pour traduire le terme « suburbia », utilisé aux États-Unis. Il est sans doute le plus employé aujourd’hui pour évoquer un modèle urbanistique en frange d’agglomération. Des concepts concurrents ont été proposés, tels que celui de « rurbain » dans les années 1970 (Bauer et Roux, 1976) pour désigner le déploiement de l’urbanisation dans les espaces ruraux proches de centres urbains et l’arrivée d’une population citadine.

(31)

30

Le phénomène d’extension urbaine, les espaces qu’il transforme et ceux qu’il génère, ou les modes de vies qui s’y développent, représentent alors des nouveaux objets de recherches pour les sciences sociales. Les travaux se sont multipliés depuis les années 1990 et proposent différentes lectures selon les approches et les enjeux.

L’extension de l’urbain est au centre des travaux menés par les urbanistes dans la mesure où celle-ci particelle-cipe à l’émergence d’espaces nouveaux. L’expression « celle-città diffusa » (Indovina 1990 ; Grosjean, 2007) permet de qualifier la forme issue de l’extension urbaine de villes historiques (premières recherches sur les villes de Venise et Bruxelles). Ces espaces sont notamment caractérisés par l’absence de centre principal, le modèle de la maison individuelle et de nouveaux modes de vie. L’étude de la situation des espaces (en périphérie, en front-urbain) est caractéristique des travaux qui ont porté sur les « edge-cities » aux États-Unis (Garreau 1991 ; Lang and LeFurgy, 2003). Ces travaux soulignent que la nouvelle configuration et le développement des grandes infrastructures de transport (autoroute, aéroport) contribuent au polycentrisme (services, activités, centres commerciaux).

En France, le concept de « ville franchisée », développé par David Mangin, décrit une urbanisation sectorisée sur les franges des pôles urbains (Mangin, 2004). Pour l’architecte-urbaniste, cette sectorisation tend à favoriser le développement d’enclaves « privées » (parkings, centre commerciaux, parcs de loisirs, lotissements) et soulève des questions d’inégalités sociales (accessibilité, entre-soi, ségrégation) et spatiales (mobilité, coupures infrastructurelles). L’approche relativement stigmatisante de l’urbanisation périphérique (individualiste, consommatrice) conduit depuis plusieurs années à des travaux critiques apportant d’autres lectures des espaces et des pratiques.

D’autres travaux envisagent le périurbain sous l’angle des espaces agricoles (activités, production et paysages). C’est dans ce cadre que sont développées des typologies visant à qualifier les fonctions de production et les ressources propres au territoire. En Suisse, le géographe-urbaniste Jean Ruegg et l’agronome Chantal Deschenaux ont proposé le terme de « territoires ruraux intermédiaires », notamment dans l’objectif d’améliorer la cohérence de l’action publique en matière d’aménagement du territoire (Ruegg et Deschenaux, 2003). C’est la même perspective qui a conduit en France à la typologie « nouvelles campagnes », commandée par la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) dans le but de caractériser les espaces ruraux de plus en plus complexes et difficiles à appréhender. Les chercheurs qui ont

(32)

31 contribué à cette typologie (issus d’équipes de l’INRA et de l’enseignement supérieur agricole3) ont

notamment proposé d’inclure, en plus de données classiquement mobilisées sur l’occupation du sol, la démographie et le profil socio-économique des résidents, des variables liées aux fonctions des espaces (productives, résidentielles, récréatives, environnementales) (DATAR, 2012). Le terme « campagnes » est dans cette perspective préféré à « espaces ruraux », afin d’intégrer les espaces périurbains. Faire figurer ces derniers comme un type de territoire agricole, c’est aussi considérer la multifonctionnalité de ces espaces pour améliorer la compréhension et les politiques publiques territorialisées qui s’appliquent aux « franges rurales ».

La diversité des concepts développés depuis une vingtaine d’années reflète des points de vue qui soulignent les spécificités des lieux périurbains et des dynamiques propres, sans les réduire à de simples espaces « en marge ». C’est ce que fait par exemple le géographe Martin Vanier, en réactualisant le terme de « tiers-espaces », pour refuser les stigmates associés à l’espace périphérique, et afin de qualifier un territoire évolutif « ni ville, ni campagne, mi-ville mi-campagne » (Viard, 1990 ; Vanier, 2003). En géographie toujours, Monique Poulot s’appuie sur le terme « agri-urbain » pour marquer l’importance des espaces ouverts, des activités agricoles et des pratiques urbaines caractérisant le périurbain (Poulot, 2008). Suivant une approche sociologique, Marie-Christine Jaillet se concentre sur la pluralité des dynamiques en employant le terme d’ « espace mosaïque « (Jaillet, 2004). Retenir ces différentes approches, c’est admettre que les territoires périurbains sont le support de dynamiques complexes, dont les contours sont mouvants et relatifs aux perspectives adoptées.

Du point de vue de la sociologie, Hervé Marchal et Jean-Marc Stébé développent le concept de « pré-urbain » pour désigner un territoire qu’ils situent entre les espaces périurbains et ruraux (Marchal et Stébé, 2017). Ce territoire n’est ni périurbain ni rural. Il échappe dès lors aux catégories statistiques actuelles. Ils soulignent la nécessité de catégories intermédiaires de ce type sans lesquelles les études tant urbaines que rurales tendent à invisibiliser une population relativement jeune et en augmentation, sur ces territoires éloignés des centralités urbaines. Le pré-urbain naît « suite à l’augmentation des prix du foncier et de l’immobilier dans les zones les plus densément peuplées – les

centres-villes, les banlieues et les premières couronnes du périurbain – et, d’autre part, suite à l’appauvrissement d’une partie des classes moyennes trouvant de quoi réaliser leur idéal résidentiel, incarné par le pavillon individuel ». L’espace

ainsi nommé permet de décrire des phénomènes morphologiques et sociaux (étalement urbain,

3 UMR CESAER (Inra/AgroSup Dijon), UMR ThéMA (Université de Franche-Comté/CNRS), UR DTM

(33)

32

appauvrissement des classes moyennes, pression foncière) et d’identifier des enjeux « pré-urbains » dans un système territorial (Marchal et Stébé, 2017).

Dans cette perspective, les enquêtes sur la planification urbaine peuvent apporter des clés de compréhension sur les pratiques d’aménagement communales et les problèmes de cohérence entre les échelles de l’action publique. Notre travail de recherche n’a pas pour objet premier de définir ces territoires, qualifiés par Marchal et Stébé de « pré-urbains », mais de décrire leurs conditions d’évolution et d’adaptation.

On peut également rapprocher ces discussions des travaux de Davoudi au Royaume-Uni, laquelle propose le terme « city-region » qui invite à penser le territoire comme un système et un ensemble de ressources dans lequel s’inscrit l’extension urbaine (Davoudi, 2009). Dans le champ des « planning studies », elle critique les frontières administratives qui cadrent la planification, et appelle à l’affirmation politique d’une vision régionale. Envisager l’espace rural comme partie d’un système territorial offre à cet égard un cadre pour proposer d’autres visions de l’identité d’un espace et inclure ainsi les actions menées par une plus grande diversité d’acteurs concernant le développement urbain.

Au-delà de la seule dimension quantitative de l’étalement urbain, l’urbanisation fragmentée du périurbain a suscité des analyses davantage axées sur ses dimensions qualitatives, notamment à travers la notion « d’émiettement urbain » (Castel, 2007 ; Charmes, 2011). Les spécificités des espaces concernés en matière de fabrique urbaine, d’action publique et d’effets sur le territoire expliquent le développement de recherches ciblées sur ces terrains d’étude. Éric Charmes met par exemple en évidence, sur certains territoires périurbains, une gestion publique se rapprochant de celle d’un club privé. Les choix réalisés par les municipalités tendent à réserver un cadre et des services à une population et à exclure des ménages modestes (accès limité à l’achat et la construction par le biais des règles locales d’urbanisme, utilisation de la carte scolaire) (Charmes, 2007). Les travaux d’Éric Charmes proposent ainsi une analyse des pratiques de planification communales et de leurs effets sur le territoire, en portant une attention particulière aux stratégies locales en matière de foncier et d'aménagement.

Cette section nous a permis de présenter la diversité des approches adoptées par les recherches sur l’urbanisation nouvelle et les espaces qu’elle génère. Certains concepts originaux ont en particulier retenu notre attention dans la mesure où ils invitent à une vision globale des phénomènes

(34)

33 d’influence métropolitaine. Cette vision globale favorise une prise en compte des interdépendances locales qui forment le territoire et agissent sur les petites communes, et une prise en considération des stratégies locales d’aménagement spatial pour envisager l’urbanisme rural. Ce panorama des études sur le développement de l’urbanisation de faible densité nous invite à présent à traiter plus spécifiquement, dans la section suivante, des espaces ruraux que nous avons pris pour objet d’étude.

(35)

34

1.3.Écrire la réglementation de l’urbanisation dans les communes rurales sous influence urbaine

Cette troisième section a pour objectif de montrer la spécificité des espaces ruraux comme objet de planification et développement urbain. En nous appuyant sur les résultats de travaux menés dans différents champs disciplinaires en sciences sociales, nous mettons en évidence des questionnements propres aux espaces ruraux, qu’il s’agisse d’enjeux de définition, de développement ou de gestion spatiale.

Autrefois considérés dans les études de planification comme une partie marginale du système territorial (périphérie, arrière-pays), les espaces ruraux sont devenus un sujet pour les études urbaines depuis les années 1960 (Cloke, 1989 ; Gallent et al., 2008).

L’approche tendant à opposer urbain et rural a largement été remise en question dans le contexte contemporain des économies mondialisées. Le développement des réseaux et des moyens de communication, entrainant la mobilité des acteurs, des biens et des pratiques, a semblé brouiller la définition des espaces et rendre inopérantes les définitions binaires au regard d’enjeux contemporains, de besoins d’évaluation et de nouvelles politiques publiques (Bell, Lloyd, et Vatovec, 2010 ; Frank et Reiss, 2014).

De nombreux auteurs soulignent cependant les spécificités et les enjeux propres aux espaces ruraux. Parmi ces spécificités, la question de la faible dotation des espaces ruraux en ressources (moyens financiers, humains, cognitifs) apparaît comme centrale. Par ailleurs, du point de vue des pratiques de planification, la présence de l’activité agricole est un élément qui s’impose comme une spécificité incontournable dans les choix de réglementation relatifs à l’occupation des sols. Enfin, la proximité entre élus et propriétaires, plus étroite dans les communes rurales, oriente fortement l’attribution des droits à construire. Ces caractéristiques soulignent l’intérêt d’envisager la singularité des pratiques d’aménagement spatial dans les territoires ruraux. Il s’agit, dans les lignes qui suivent, de détailler les enjeux relatifs à ces espaces et les débats dans lesquels s’inscrit la thèse.

Les définitions du rural sont aujourd’hui multiples et restent controversées. Différents auteurs nuancent la distinction stricte entre la catégorisation de l’espace « rural », « périurbain » et « urbain », à la fois en Europe et en Amérique du nord (Depraz, 2009 ; OCDE, 2013). Les catégories statistiques (aux échelles nationales et internationales) ont été développées sur la base

Figure

Figure 1. Schéma de synthèse : le plan local (resitué au sein d’une hiérarchie de documents d’urbanisme) ; les acteurs de la  planification locale et l’écriture des zones à urbaniser
Figure 2. Carte de l’échantillon de communes (n=13442) pour l’analyse de données (cartographie : auteur, source : Enquête  sur le prix des terrains à bâtir (EPTB) produite par le CGDD)
Figure 3. Typologie de communes en fonction des espaces (naturels, agricoles ou forestiers) artificialisés entre 2009 et 2017  (cartographie : auteur, source : Fichiers fonciers, Cerema)
Figure 4. Typologie de commune en fonction de la part de maisons construites par des propriétaires appartenant à la catégorie  socioprofessionnelle « ouvriers et employés » entre 2006 et 2016 (cartographie : auteur, source : EPTB)
+7

Références

Documents relatifs

Pour gagner en représentativité, on a volontairement sur-représenté certaines aires (Flandres, Alsace, Moselle, Corse, Pays catalan, Pays basque, Bretagne), avant de

Nous constatons que les trois indicateurs (taux de recouvrement moyen, volume global des cuves de stockage et le volume annuel récupéré) du modèle II sont en baisse par rapport ces

1 Voir le tableau 4.4 pour les acteurs interviewés.. proposer des solutions pour les surmonter. La recherche exploite deux avenues méthodologiques pour mener à bien son

Enfin, les conflits qui sont liés aux usages agricoles de l’espace, ou encore à l’extension des espaces à vocation agricole représentent la plus petite proportion des

"les vingt dernières années ne sont pas marquées par un arrêt de la mise en place des ouvrages de défense du trait de côte : c'est un constat intéressant au regard du changement

Après avoir précisé les aspects méthodologiques choisis pour l’étude, nous tente- rons de répondre à ces questions avec deux entrées complémentaires; un premier niveau

A partir d’une étude croisée des trajectoires des politiques de transport et d’urbanisme dans quatre agglomérations suisses et françaises (Berne, Genève,

Cette rupture ne doit cependant pas masquer d'une part, un effritement régulier de l'engagement sportif avec l'âge: dans la continuité des moins de 50 ans, la part des