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FACULTE DES SCIENCES DE L ’EDUCATION

THESE PRESENTEE A

L'ECOLE DES GRADUES DE L'UNIVERSITE LAVAL POUR L'OBTENTION DU

grade de maître es arts (M.A.) PAR

BRUNO DUFOUR

BACHELIER ES ARTS DE L ’UNIVERSITE LAVAL.

La rééducation de la lecture chez un enfant atteint d'aphasie développeraentale.

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La présente thèse, qui s'intitule La rééducation de la lecture chez un enfant atteint d'aphasie développemental e , vise à démontrer que l'appren­ tissage de la lecture chez une catégorie d'enfants aphasiques peut aider à compenser le déficit de l'évocation du mot.

Notre réflexion s'appuie sur une expérience clinique de quinze (15) mois auprès d'un enfant aphasique d'âge scolaire: nous l'avons rencontré dans un centre de jour pour enfants atypiques dans un hôpital psychiatrique de la ré­ gion de Québec.

Concevant l'aphasie développementale comme un syndrome de l'élaboration du langage ou encore de la fonction sëmiotique du langage, il nous fallait éla­ borer un projet réëducatif adapté à la pathologie présentée par l'enfant et approprié aux caractéristiques de son développement cognitif.

Dans ce but, nous avons entrepris une revue détaillée du dossier de notre sujet et nous estimions que Pierre "pouvait apprendre à lire", c'est-à-dire qu'il pouvait être initié à une lecture pratique et fonctionnelle du langage.

Nous appuyant sur une assertion de Roberts (1966) qui affirmait que les en­ fants aphasiques apprennent à lire assez bien et que cela se réalise bien avant

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et plus facilement que l'apparition du langage spontané, nous avons soute­ nu l'hypothèse qu'il serait plus pertinent d'apprendre à lire à un enfant aphasique, parce que le support visuel et graphique inhérent à l'acte de lecture peut suppléer aux pertes auditives et aux difficultés d'intégration observées chez la personne aphasique. De plus, ce processus de lecture amè­ ne davantage l'enfant atteint d'aphasie développementale à actualiser son po­ tentiel et à le rendre fonctionnel.

Notre méthodologie a prévu les aspects suivants de notre intervention thérapeutique: une approche multisensorielle de matériel signifiant pour le sujet, une démarche d 'objectivation progressive de la lecture, des critères de sélection du matériel présenté à l'enfant, des types d'évaluation des pro­ grès réalisés et, enfin, une intervention de qualité auprès de l'enfant. No­ tre méthodologie a été élaborée à partir de cette idée que la rééducation n'est possible que si nous connaissons bien notre malade et sa maladie.

La rééducation s'est déroulée entre le 9 avril 1980 et le 20 juin 1981. Cette rééducation se divise en quatre grandes étapes et, pour chacune d'elles, le présent travail passe en revue les objectifs spécifiques, le matériel pé­ dagogique utilisé, les résultats obtenus, l'analyse des résultats, la pensée de l'enfant et la thérapie par le dessin.

Nous concluons cette recherche en admettant la pertinence de notre hypo­ thèse. Il est possible d'entreprendre et d'obtenir des résultats significa­ tifs en rééducation de la lecture auprès d'un enfant aphasique: l'enfant qui

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ne lisait qu'une dizaine de mots en connaît maintenant, à la fin de l'expéri­ mentation, plus de cent cinquante (150). Nous nous intéressions au développe­ ment général de cet enfant aphasique: la lecture a permis une élaboration pro­

gressive du sens, une plus grande clarification du handicap, une précision gra­ duelle de l'aide que nous voulions lui fournir... C'est en recourant aux for­ ces de l'enfant, aux aspects valorisants de sa personnalité que nous avons cons­ tamment opté pour une pédagogie de la réussite.

Il s'agit en fait d'une expérimentation clinique, basée sur une approche naturelle de la lecture, qui s'est préoccupée énergiquement d'identifier le langage intérieur de l'enfant, ses mots, ses perceptions de la réalité et ses intérêts. Il nous semble que cette approche serait bénéfique à d'autres en­ fants aphasiques.

Il faut souligner l'importance de l'équipe multidisciplinaire sans laquel­ le cette expérience n'aurait pu avoir la même qualité. Plus particulièrement,

nous pensons au psychiatre et à 1 'orthopédadogue du département pour enfants aphasiques.

On se doit d'être réaliste: cet enfant demeurera aphasique, mais bien des espoirs sont permis. Ces espoirs vont nécessiter de la part du milieu psychiatrique une somme d'énergie et de travail dont il est bien difficile d'évaluer 1 'ampleur.

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"Souvent les enfants aphasiques appren­ nent à lire assez bien. Cela se réalise bien avant, et plus facilement, que le langage spontané (1)."

"La rééducation est fondée /•••/ sur une étude complète du malade et de sa mala­

die (2).'»

1. A.C. Robert, The Aphasie Child, Ch. C. Thomas Publisher, U.S.A., 1966, p. 61.

2. André Roch Lecours et François Uiermitte, L'aphasie, Flammarion, P.U.M., 19791 p. 533.

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REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier les autorités de l'hôpital Hôtel-Dieu du Sacré-Coeur de Jésus de Québec qui nous ont autorisé à y effectuer l ’expérimentation de la présente recherche pendant plus de quinze mois.

Nous remercions spécialement le personnel du C.J.E.A. (Centre de jour pour enfants atypiques) de cet hôpital, plus particulièrement le docteur André Lemieux, psychiatre, et mademoiselle Louise Morin, ortho­ pédagogue, qui ont collaboré de façon soutenue et si enrichissante à l'ensemble de nos travaux.

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TABLE DES MATIERES

Pa^e

R E M E R C I E M E N T S ... ... iii

TABLE DES MATIERES ... iv

B I B L I O G R A P H I E ... vii

INTRODUCTION ... 1

Première partie: DEMARCHE C O N C E P T U E L L E ... 4

CHAPITRE I : L'aphasie et les traits généraux de la per­ sonne aphasique 5 CHAPITRE II : Des données de recherche effectuées en rééducation des aphasiques... 13

CHAPITRE III: L'hypothèse de rééducation de la lecture auprès d'un enfant aphasique... 23

A. Eléments pertinents de son dossier médical. . 24

B. Elaboration de notre hypothèse... 35

Deuxième partie: EXPERIMENTATION... 40

(8)

V

CHAPITRE V : La rééducation.

(Description de l ’expérimentation.) ... 52

I PREMIERE ETAPE DE LA REEDUCATION: 9 avril au 21 mai 1980... 53

I.A. Les objectifs... 54

I.A.a. Evaluation du langage au niveau de la compréhension. ... 54

I.A.b. Amorcer la rééducation de la lec­ ture. ... . . . . 55

I.A.c. Relation entre le rééducateur et 1 ’ enf ant... 57

I.B. Le matériel pédagogique: Et si on l i s a i t ! ... 58

I.C. Les résultats... 60

I.D. L ’analyse des résultats... 63

I.E. La pensée de l'enfant et thérapie. . . 64

II DEUXIEME ETAPE DE LA REEDUCATION: Juillet et août 1980. ... ... 67

II.A. Les objectifs... . 67

II.A.a. Horaire de la demi-journée... 67

II.A.b. Description de la période de rééducation... 68

II.A. c. Collaboration des parents... 68

II.B. Le matériel pédagogique... 70

U . C . Les résultats de cette étape... 70

II.D. L ’analyse des résultats... 72

II.E. La pensée de l ’enfant et thérapie. . . 72

III TROISIEME ETAPE DE LA REEDUCATION: Septembre 1980 à janvier 1981. . . . 75

III.A. Les objectifs. . ... 76

III.B. Le matériel pédagogique... 76

(9)

III.D. L ’analyse des résultats... 79

III.E. La pensée de l ’enfant et thé­ rapie 80 IV QUATRIEME ETAPE DE LA REEDUCATION: Février à juin 1981... ... 33

IV.A. Les objectifs... 84

IV.B. Le matériel pédagogique... 85

IV. C. Les résultats... 86

IV.D. L ’analyse des résultats... 88

IV.E. La pensée de l ’enfant et thé­ rapie 89 CONCLUSION et PERSPECTIVES... 91

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BIBLIOGRAPHIE

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INTRODUCTION

Le but de la présente recherche est de démontrer que l ’apprentis­ sage de la lecture chez une catégorie d'enfants aphasiques peut aider à compenser le déficit de l'évocation du mot.

Pour ce faire, notre travail comprend deux grandes parties: la pre­ mière partie tente de définir notre hypothèse de travail et le cadre

conceptuel qui en a permis l'élaboration; la seconde analyse les don­ nées d'une expérimentation visant à vérifier notre hypothèse de départ auprès d'un enfant aphasique.

Dans la première partie, notre exploration théorique s'intéresse plus particulièrement à trois aspects.

Le premier aspect porte sur les traits généraux observés auprès de la personne aphasique: lenteur intellectuelle, présence de raisonne­ ment intuitif, présence de troubles perceptifs, présence de troubles de la représentation mentale, grande fatiguabilité et propension à l'in­ trospection.

Le second aspect nous permet de nous pencher sur des données empi­ riques tirées d'expériences de rééducation de personnes aphasiques: l'approche pédagogique, les principes de rééducation, les techniques de

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2

rééducation, le plan de rééducation, les qualités de l ’intervention du rééducateur et les perspectives de régression possible de l ’aphasie.

Le troisième aspect sera directement relié à l'élaboration de no­ tre hypothèse de travail. En effet, nous compléterons ces informations générales par une étude systématique des éléments majeurs du dossier médical de Pierre, enfant de huit ans et demi, atteint d ’aphasie de dé­ veloppement: nous passerons en revue ses antécédents familiaux, ses diagnostics aux plans neurologique, neuro-psychologique, psychiatrique, pédiatrique et autres, son histoire scolaire, ses évaluations et trai­ tements thérapeutiques (en orthophonie, psychomotricité et orthopédago— gie). L ’ensemble de ces informations nous permettra d ’élaborer une hy­ pothèse pertinente en fonction de l ’objectif poursuivi et de concevoir une approche adaptée à la rééducation de la lecture auprès d ’enfants aphasiques.

La seconde partie de la présente recherche tente de rendre compte, et cela le plus fidèlement possible, de la rééducation de la lecture auprès de Pierre pour la période allant du 15 mars 1980 au 18 juin 1981

.

Nous présentons les quatre grandes étapes de la rééducation de la lecture chez cet enfant atteint d ’aphasie de développement en concen­ trant notre attention sur les objectifs spécifiques de chacune des éta­ pes, sur la présentation du matériel pédagogique utilisé, sur les résul­ tats obtenus, sur l ’analyse des résultats obtenus en regard des objec—

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3

tifs fixés et enfin, sur l'analyse de la pensée de l'enfant et la thé­ rapie que nous avons assurée.

Nous terminons cette recherche en tirant des conclusions générales tant sur l'hypothèse de notre travail que sur son expérimentation. En­ fin, nous projetterons les possibilités d'évolution d'un tel projet réé­ ducatif ...

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CHAPITRE I

L'aphasie et les traits généraux de la personne a phasique.

Il apparaît important de situer d'abord le désordre neurologique dans le processus d'expression de la personne aphasique. Au sens lit­ téral, l'aphasie signifie une absence de langage, ou encore l'existence d'une pensée sans langage. Cette définition assez primaire de l'aphasie situe relativement bien le problème de la personne aphasique, mais il faut préciser davantage.

L'aphasie est perçue essentiellement comme un syndrome de l'élabo­ ration du langage ou encore de la fonction sémiotique du langage dû à une lésion, une pathologie ou à un trouble diffus au niveau du cerveau.

Pour illustrer ce trouble de langage, j'aurai recours à un schéma d'Isaac W. Karlin, qui visualise ainsi la complexité de l'élaboration du langage :

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4» urgamsaiaon aes con­ tractions musculaires: — performances motrices volontaires. 2. Recognition: visuelle auditive 5. Centres moteurs: — contractions musculai­ res volontaires. 1. Perceptions. Sensations primaires: -visuelles auditives

Figure 1: Elaboration du langage (l).

Cette figure illustre qu'au cours de sa croissance, l'expérience de l'enfant tend à utiliser des niveaux de plus en plus complexes de son cortex cervical. Dès la naissance, l'enfant perçoit des messages par la vue, l'ouïe, le toucher... Il développe ainsi (figure 1, point 1) un niveau de perceptions qui lui permet d'emmagasiner progressivement un bagage d'expériences sensorielles.

Ce bagage le mènera au second niveau de son fonctionnement cortical qu'est la récognition. A ce niveau (figure 1, point 2), l'enfant ac­ quiert l'habileté pour reconnaître des objets variés et il en déduit des symboles. C'est à ce niveau d'ailleurs qu'intervient la mémoire pour créer des réseaux de rappel ou d'intégration de connaissances.

1. Isaac W. Karlin, "Aphasias in Children", American Journal of Desea< ses of Children, No 87, 1954, P* 752.

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7

A partir de dix*4iuit mois approximativement, l ’enfant pourra éla­ borer la formulation de ses idées, de concepts ou, en d'autres mots, passer progressivement à l'utilisation normale de la fonction symbolique du langage: c'est le niveau du langage situé au point 3 de la figure 1.

Ces trois étapes sensorielles vont s'actualiser à l ’aide de deux niveaux psychomoteurs: les centres moteurs du cerveau. Un niveau in­ férieur de la motricité (figure 1, point 5) permet de développer des contractions musculaires différenciées, tandis qu'un niveau intermé­ diaire permettrait d'organiser ces contractions pour arriver à articu­ ler des performances linguistiques plus ou moins complexes (figure 1, point 4)» La conjugaison des perceptions, tant sensorielles que motri­ ces, permettra d'atteindre l'expression significative de la parole, de la langue.

Or, la pathologie appelée aphasie, c'est précisément la lésion du troisième niveau du fonctionnement cortical, due à une atrophie d'une

zone du cortex cérébral. L'aphasie se conçoit donc comme une défail­ lance de la fonction symbolique du langage.

En aphasie de développement, on explique cette carence soit par une dysfonction d'une zone cervicale, soit par l'immaturité d'une zone du cerveau ou encore par un dommage causé au système nerveux central:

t

-"Cependant, cliniquement, l'aphasie de développement se définit par ex­ clusion de toute autre cause, car le désordre neurologique se démontre

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8

rarement de façon absolue dans les cas particuliers (2)."

Traits généraux de 1*enfant aphasique.

S'il est pertinent de croire que chaque personne aphasique présen­ te une symptomatologie qui lui est propre, nous croyons qu'à partir d'une vue d'ensemble des constances énoncées de façon fragmentaire par différents auteurs, nous pourrions tracer quelques-uns des traits géné­ raux observés auprès de la personne aphasique. Ce tableau nous semble une étape préalable à la formulation de notre hypothèse de recherche qui guidera l'ensemble de nos travaux et dont l'essentiel visera à l'élaboration et à l'expérimentation d'une hypothèse de rééducation de la lecture auprès d'un enfant atteint d'aphasie de développement.

- Lenteur intellectuelle;

Blanche Du c a m e dira de tous les aphasiques qu'ils "souffrent /.../ du manque de promptitude intellectuelle, de la perte de l'es­ prit de créativité, ainsi que de l'usage souvent défectueux du rai—

2. Judith Levasseur, "L'image mentale chez l'enfant atteint d'aphasie de développement", Séminaire de recherche/doctorat, Université La­ val, Québec, 12 décembre 1979, P» 5» (Document inédit)

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sonnement inductif au profit du raisonnement intuitif (3)". Ces pre­ miers traits communs, nous les associons à ce que monsieur Lhermitte et monsieur Lecours ont appelé "la grande lenteur" des personnes apha­ siques (1979).

Que dire de ces caractéristiques, sinon qu’elles peuvent être déterminantes dans la perception plutôt négative dont l'entourage fait preuve à l'égard des aphasiques, les considérant plutôt comme des "paresseux", ou encore comme des personnes "sans pensée intérieu­ re". Ces préjugés proviennent sans doute des comportements consé­ quents à la présence du handicap cérébral chez l'aphasique.

- Raisonnement intuitif:

Roch Lecours et François lhermitte précisent que les aphasiques connaissent une courbe irrégulière dans leurs apprentissages et qu'ils se montrent sensibles à l'effet d'un enseignement pratique dont ils peuvent assurer le transfert sur d'autres niveaux d'intégration et dont ils peuvent tirer les lois, les procédés qui conduiront à la gé­ néralisation.

3. Blanche Ducame, "La rééducation des troubles de langage d'origine cérébrale", Acta neurologica belgica, Bruxelles, 1967, p. 1072.

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- Troubles perceptifs:

De nombreuses recherches menées au cours des vingt dernières an­ nées ont tenté d ’expliquer l'aphasie de développement en émettant l'hypothèse que des troubles perceptifs étaient à l'origine de cette pathologie. De nombreuses autres ont plutôt insisté sur la présence de troubles de la représentation mentale, de l'imagerie.

Les recherches de Rodda (1976) expliquent que les troubles per­ ceptifs de l'enfant aphasique sont indéniables et sont dus, selon son hypothèse, à un niveau d'excitation corticale anormalement élevé: "Cette surexcitation du cortex cérébral brouille les stratégies de sélection de l'information, accroît la dispersion de l'attention, in­ fluence la rétention à long terme, elle^nême compromise par une at­ teinte trop sévère du système nerveux central à court terme (4)*"

- Troubles de la représentation mentale:

A ces troubles perceptifs observés chez les enfants aphasiques, on émet l'hypothèse que pourraient s'ajouter certains troubles de la représentation mentale, certaines difficultés dans l'élaboration de l'image mentale:

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11

"En résumé, que savons-<ious de la représentation chez l'enfant aphasique? Il semble qu'elle soit déficiente dès ses débuts dans le jeu symbolique, du moins en termes quan­ titatifs (Lovell et al., 1968; Morehead et Johnson, 1972a). En second lieu, une difficulté au niveau de l'image men­ tale peut être déduite à partir de trois types d'observa­ tion: l) une difficulté dans des épreuves piagétiennes d'anticipation imagée (inhelder, 1963» 1966; de Ajuria- guerra, 1966; de Ajuriaguerra et al., 1963» 1965); 2) une lenteur dans des tâches visuelles de pairage au modèle (Grondstaff et al., 1962); et 3) une quasi absence d'habi- tuation des réponses d'orientation visuelle (Mackworth et al., 1975) (5)."

Les enfants aphasiques présenteraient à des degrés divers des troubles perceptifs et des troubles de la représentation mentale, ce qui expliquerait pour une bonne part leurs difficultés à acquérir le langage et nécessite auprès d'eux une méthodologie particulière pour en assurer l'apprentissage.

— Fatigabilité:

Une autre considération signalée par la majorité des chercheurs sur l'aphasie, c'est la fatigabilité de l'aphasique. Il est admis que les personnes aphasiques présentent des difficultés particulières pour concentrer leur attention. Blanche Ducame et A.R. Lecrours ont précisé à ce sujet:

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"Cette fatigabilité recouvre deux faits différents: d'une part, certains exercices requièrent une attention et un effort volontaire qui sont réellement fatigants; d'autre part, faire parler un aphasique met en jeu des systèmes dont l'activité n'est pas normale et qui s'épui­ sent vite, tout se passe comme si les circuits mis en ac­ tivité conservaient une certaine prégnance et que les p a t t e m s évoqués n'étaient pas assitôt inhibés, en sor­ te que les persévérations se multiplient /.../. De

courts instants de distraction suffisent pour permettre de reprendre l'exercice ou, plus souvent, de passer à un au­ tre (6)."

Conscient de son handicap, 1*aphasique adoptera en général un comportement de gêne, de retrait ou encore d'introspection. En effet, comme souvent il comprend mal le langage, comme il ne le parle prati­ quement pas, tout contact avec les autres lui rappelle ses déficien­ ces. Certaines frustrations peuvent amener chez l'aphasique certains moments d'irritation ou certaines manifestations d'agressivité. Il faut percevoir ces dernières comme des expressions évidentes de la conscience de ses difficultés. L'échec peut parfois entraîner une anxiété, une angoisse qui risque de compromettre tout effort de commu­ nication.

6. François Lhermitte et Blanche Du c a m e , "La rééducation des aphasi­ ques", La revue du praticien. Vol. 15, Paris, 1965, p. 2345.

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CHAPITRE II

Des données de recherches effectuées en rééducation des aphasiques»

Il importe aussi de dresser une synthèse des données de rééduca­ tion de personnes aphasiques. S ’il est un facteur qui peut être consi­ déré comme commun à la majorité des recherches en rééducation des apha­

siques, c’est sans contredit qu’on y signale partout la complexité d ’une telle entreprise thérapeutique. Autre constat qu’on se doit de rappe­ ler maintenant: il s'agit de la nécessité de concevoir une adaptation spécifique de la rééducation aux troubles de la personne aphasique.

- Une approche pédagogique adaptée.

Auprès des enfants aphasiques, on ne peut pas vraiment parler d ’une rééducation, contrairement à l ’aphasie de l ’adulte. En effet, l'objectif dans ce dernier cas n'est—il pas, comme le signalaient si pertinemment F. Lhermitte et B. Ducame, de "faire resurgir" ou "d’actualiser" de

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fa-14

çon spontanée et propositionneUe des activités psycholinguistiques troublées ou perdues... (l)."

L'enfant aphasique doit, quant à lui, apprendre une langue, se fa­ miliariser avec les éléments constitutifs de cette langue qu'il utili­

sera lui aussi, nous l'espérons, "de façon spontanée et propositionnel- le". C'est d'ailleurs sur cette différence fondamentale que le but de notre recherche de rééducation d'un enfant aphasique se perçoit davan­ tage comme une contribution à l'élaboration d'une approche pédagogique appropriée aux troubles de l'enfant présentant une aphasie de développe­ ment, d'amorcer une réflexion sur ce qu'implique une telle adaptation de l'éducation de la lecture auprès d'un enfant aphasique.

Cette divergence d'objectifs dans les deux démarches pédagogiques que nous venons d'énoncer semble créer un fossé infranchissable entre la rééducation de l'aphasie acquise et celle de l'aphasie de développe­ ment. Mais attention, évitons de tirer des conclusions trop hâtives.

En effet, le propos de ce chapitre tente de démontrer que, dans ces deux domaines, les principes de rééducation, ses stratégies et ses étapes, de même que le rôle de l'intervenant et les possibilités de réussite présentent une analogie significative qui nous amènera à con­ cevoir une approche pédagogique adaptée à des enfants aphasiques.

1. François Lhermitte et Blanche Ducame, "La rééducation des aphasi­ ques", La revue du praticien. Vol. 15, 1965, P» 2345.

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- Principes de rééducation de l ’aphasie.

Que ce soit A.R. Lecours, F. Lhermitte, H. Schuell, C. Durieu, B. Ducame, Weisenberg et McBride ou Th. Alajouanine, chacun de ces au­ teurs a énoncé quelques principes de rééducation pour intervenir auprès des adultes aphasiques.

Nous considérons que l ’on peut regrouper l ’ensemble de leurs prin­ cipes sous cinq (5) titres généraux à la base de la rééducation en aphasie:

1. Déjà énoncé précédemment, il s'agit du principe de l ’adaptation de la rééducation, adaptation raffinée aux troubles spécifiques de la personne traitée;

2. Un second principe, rappelé par plusieurs de ces auteurs, est l ’uti­ lisation de méthodes multisensorielles d ’apprentissage où l ’on a re­ cours à une variété de comportements et de stimuli. C’est la re­ connaissance que l ’approche multisensorielle facilitera les appren­ tissages chez l ’aphasique;

3- Un troisième principe précise que l ’on doit fournir le matériel le plus propice à la performance visée et ainsi éliminer tout ce qui pourrait distraire ou nuire à l ’attention ou à la concentration de

Ê-l ’aphasique; en bref, une sélection très judicieuse de son matériel pédagogique;

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4. "Rééduquer par l'utilisation des possibilités persistantes et non en voulant réapprendre ce qui fait défaut (2)": un quatrième prin­ cipe qu'on se doit de respecter;

5« Et enfin, susciter le plaisir de la communication verbale, en éta­ blissant une relation très personnelle avec le malade, ou ce que

Colette Durieu appelle "le plaisir du colloque", en utilisant des mots ou des expressions familières à l'aphasique.

Ces grands principes sont repris à peu de choses près par ces deux éminents aphasiologues de l'enfance que sont A.C. Roberts et I.W. Kar­ lin. Nous rapportons ici les principes de thérapie, tels que formulés par Karlin:

1. La stimulation des performances d'une zone du cerveau peut entraî­ ner d'autres performances de cette même aire corticale;

2. Il faut accorder à l'enfant aphasique un long temps d'observation en présence d'un stimulus: c'est le principe de la prolongation du temps de réaction chez l'enfant aphasique;

3. Les stimuli doivent être réduits au minimum pour éviter toute dis­ traction ou déconcentration des enfants aphasiques, qui sont portés à être distraits et éprouvent des difficultés particulières à se

2. Th. Alajouanine, L'aphasie et le langage pathologique, Baillière, Paris, 1968, p. 204.

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concentrer;

4» La collaboration des parents est obligatoirement insérée dans tout programme de rééducation;

5. Enfin, cinquième et dernier principe, de loin le plus important dit Karlin, c'est que le thérapeute doit rechercher une adaptation très particulière aux troubles spécifiques de son patient.

Pour sa part, madame Alice C. Robert s parlera de l'approche multi— sensorielle en ces termes: "L'association de stimuli variés facilite l'efficacité du processus d'apprentissage (3)»" Elle ajoutera égale­ ment: "Nous tentons par tous les moyens de traduire le monde environ­ nant de l ’enfant et nous l'aidons à trouver les mots pour communiquer ses pensées à son entourage (4)."

Autant de similitudes ne sont pas dues au hasard. Si ce n'est l'insistance de l'intégration des parents dans le programme de rééduca­ tion de l'aphasie de développement, on conçoit assez aisément que les principes de rééducation, tant en aphasie congénitale qu'en aphasie ac­ quise, sont les mêmes. Et même il serait pertinent de croire que l'in­ tégration de la famille, dans une rééducation d'une aphasie acquise, est

3. "Such association of varied stimuli adds up to an effective learning process" in A.C. Roberts, The Aphasic Child, C. Thomas Publisher, U.S.A., 1966, p. 39.

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souhaitable, voire indispensable à la réhabilitation de l'adulte apha­ sique.

— Techniques de rééducation.

Sous ce vocable se retrouve une série de stratégies précises lors d'une rééducation d'une personne aphasique. Hildred Schuell en a dres­ sé une liste exhaustive:

1. L'utilisation des consignes d*action;

2. L ’utilisation d'images pour nommer des objets; 3. Le recours aux automatismes;

4. La répétition de mots, de phrases; 5. Le jeu de compléter des phrases; 6. Le jeu des antonymes;

7. La technique de la question directe;

8. L*utilisation d'une série de 40 à 50 cartes d'objets à nommer;

9» La récognition de lettres, de mots et de phrases; 10. La lecture à l'unisson;

11. La recherche de l'idée principale d'un texte; 12. La lecture de mots, de phrases;

13» L'écriture de lettres de l'alphabet en dictée; 14» L*épellation de mots;

15. L'écriture de mots en dictée;

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Ces techniques très détaillées sont parfois reprises sous des ti­ tres plus globaux:

"La thérapie du langage doit chercher à intégrer des modèles linguistiques. Selon Karlin, on doit commencer par présenter à l ’enfant aphasique des mots concis qui sont ac­

compagnés d ’un objet ou d ’une image. Ces mots sont répé­ tés fréquemment. Il faut commencer par les noms, puis les verbes, et enfin les adjectifs, les adverbes et les mots- liens. Il est important d ’encourager l ’enfant et de préve­ nir ses frustrations (5)."

— Plan de rééducation.

Déjà annoncé dans la situation précédente, il faut prévoir un plan d ’ensemble de la rééducation de l ’aphasique. Toute spécifique qu’elle

soit, la rééducation doit tout de même se doter de quelques points de repère. J ’emprunte à un article de Joyce Sefer et Hildred Schuell (6) la description des étapes de la rééducation:

a) La première étape consiste à assurer une présentation à la fois vi­ suelle et auditive des matériaux thérapeutiques;

b) Savoir recourir â la répétition pour installer des processus de ré­ cognition et de rappel;

5. I.W. Karlin, "Aphasias in Children", Development and Speach in Childhood. U.S.A., I960, p. 170.

6. J. Sefer and H. Schuell, "A Year of Aphasia Therapy: British Journal of Disorders of Communication, April No 1, p. 76.

Disorders of A Case 1969, Vol.

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c) Présenter, tout en tenant compte de leur longueur, des imités pho­ nétiques: on commence par utiliser des unités de mots, mais en ayant soin d'insérer ces mots dans leur contexte, dans des phrases brèves mais significatives;

d) Attendre une réponse à chaque unité linguistique, à partir de sti— muli soit visuels (l'image), soit idéo-graphiques (les mots);

e) Obtenir une répétition d'un stimulus sonore;

f) Se servir d'exercices phonétiques pour préciser la discrimination auditive, outil indispensable à l'apprentissage de la lecture ora­ le et de l'écriture;

g) Se servir simultanément de la lecture et de l'écriture pour favori­ ser une stimulation multisensorielle et obtenir un feed-back.

C'est en créant une progression de difficultés dans ces activités de rééducation que l'on définit le trait fondamental d'un programme de rééducation auprès d'un aphasique: aller du plus simple au plus com­ plexe, en graduant de façon très progressive et très prudente.

— Analyse de l'intervention du rééducateur.

f

-L'appui du rééducateur agit comme un renforcement indispensable aux progrès réalisés par la personne aphasique. Une intervention "anar­ chique'* provoque inévitablement un échec de la rééducation. Ce qui ca­

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ractérise le comportement du thérapeute en aphasie, nous en devons la description à F. Lhermitte et B. Ducarne: "Il n ’est pas besoin de dé- crire les qualités de patience, de sollicitude et d ’enthousiasme affec­ tueux dont les rééducateurs et l ’entourage doivent faire preuve (7)«"

Sur le plan quantitatif, il est recommandé que le rééducateur in­ tervienne pendant plusieurs heures par jour, si l'état de la personne aphasique le permet; en général, on ramène cette fréquence à une séan­ ce de rééducation par jour auprès de l'enfant aphasique. Le principe présenté précédemment de l'implication parentale dans le programme de rééducation se justifie par le fait que les parents pourront assurer un suivi quotidien auprès de leur enfant.

La principale tâche du rééducateur se perçoit sous trois volets complémentaires. Elle prétend que le rééducateur:

"définisse les renforcements à employer et leur mode d'appli­ cation;

"procède au modelage des conduites du sujet, c’est-à-dire en­ gage le processus d ’apprentissage en suscitant des comporte­ ments d ’imitation;

"détermine les moyens de favoriser la généralisation des ré­ ponses correctes et leur transfert dans le répertoire spon­ tané du sujet (8)."

7. F. Diermitte et B. Ducarne, "La rééducation des aphasiques", La re­ vue du praticien. Vol. 15, Paris, 1965, p. 2345»

8. A.R. Lecours et F. Lhennitte, L ’aphasie, Flammarion/P.U.M., Mont­ réal, 1979, p. 545.

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Enfin, il est bon de préciser que le rééducateur, tout comme le mi­ lieu, se doit d'exiger, à tout le moins d'inciter la personne aphasique à s’exprimer correctement. Il se doit de ne pas se satisfaire du lan­ gage gestuel du sujet, mais il suscite, attend et corrige le langage de 1*aphasique. C*est par ces actions soutenues que l'on verra appa­ raître un langage propositionnel et spontané chez l'aphasique.

- Perspectives de régression de l'aphasie.

Il est rassurant de lire F. Lhermitte ou T. Alajouanine lors­ qu'ils affirment que toute rééducation sera bénéfique à la personne aphasique. Il est admis par un certain nombre de chercheurs que l'inef­ ficience de la rééducation de l'aphasique prendra un des aspects sui­ vants: la stéréotypie verbale, 1*agrammatisme ou l'absence absolue de discrimination auditive.

On parlera de stéréotypie verbale lorsque l'aphasique répétera de façon permanente et involontaire des formules verbales dont il ne peut se départir. L'agrammatisme qualifie l'impossibilité pour certains aphasiques d*établir une organisation grammaticale de la langue. Un autre échec sera inévitable lorsque l'aphasique éprouve une incapacité totale de percevoir des sons, due à une agnosie auditive totale ou à. une faiblesse telle de son quotient intellectuel que toute incitation verbale s*avère inhibée.

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CHAPITRE III

L*hypothèse de rééducation de la lecture auprès d ’un enfant aphasique.

Pierre et l ’apprentissage de la lecture.

Il nous faut rappeler ce grand fondement de la rééducation auprès de la personne aphasique, tel qu*énoncé par François Lhermitte et André Roch Lecours (1979) et que nous endossons totalement: "La rééducation

est fondée, du moins dans la conception que nous en avons, sur une étu­ de complète du malade et de sa maladie (l)."

C’est d ’ailleurs pour répondre à la première partie de cet axiome que nous entreprenons dès maintenant une étude assez détaillée du dos­

sier médical de l ’enfant. Nous avons ratissé ce dossier pour en tirer le maximum d ’informations sur son histoire familiale, son histoire

sco-1. A.R. Lecours et F. Lhermitte, L ’aphasie. Flammarion, P.U.M., Mont­ réal, 1979, p. 146.

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laire, les évaluations et diagnostics médicaux, les évaluations et traitements thérapeutiques reçus.

A. Eléments pertinents de son dossier médical.

Pierre est un jeune garçon de 5 ans lorsqu'il est amené au Centre de jour pour enfants atypiques d ’un hôpital psychiatrique du Québec: il y était alors référé par un psychologue de sa région. Sa mère, qui l ’accompagnait, dira alors que son fils est intelligent mais qu"il lui manque la parole" (29 novembre 1976).

Pierre est le quatrième enfant d ’une famille de cinq. Le père tra­ vaille comme vendeur dans le domaine de l'automobile, alors que la mère reste à la maison et se montre très fière des succès de ses autres en­ fants. L'histoire familiale ne signale rien de particulier qui puisse annoncer l'aphasie congénitale de Pierre. Le seul point signalé est le décès du grand^ière, dû à une cirrhose du foie, et cela semble sans rapport direct avec les problèmes linguistiques de l'enfant.

Depuis 1976, Pierre est traité à cet hôpital psychiatrique où on tente par tous les moyens d'investiguer sa maladie et de lui assurer les meilleurs traitements thérapeutiques possibles, sous l'autorité du psychiatre qui suit de très près l'évolution de son patient.

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Rappelons toutefois qu’avant d ’être admis à cet hôpital, quelques intervenants ont rencontré l ’enfant. Dans un autre hôpital de la ré­ gion, un neurologue avait examiné Pierre alors qu’il n ’avait que 4 ans (septembre-octobre 1975). Il avait alors eu recours à une radiogra­ phie du crâne, un électroencéphalogramme et un échoencéphalogramme. Après étude des résultats, il évalua que l ’enfant montrait "un délai primaire de maturation du langage": "J’avais conclu à ce moment—là à un délai primaire de maturation du langage, tant au point de vue expres­ sion que compréhension. Il s’agit en fait, comme tu l ’as mentionné, de ce qu’on appelle "l’aphasie congénitale" (2)." Suite à son diagnos­ tic d ’alors, le neurologue avait conséquemment prescrit une orthopho­ nie suivie.

L ’orthophoniste rencontrera Pierre pendant six mois, à raison d ’une heure par semaine. L ’évaluation du langage de l ’enfant nous ap­ prend qu’à près de 4 ans, il ne dit ni "papa", ni "maman", que sa com­ préhension du langage le situe au niveau des enfants de deux ans et de­ mi à trois ans, qu’il ne sait guère répéter les mots de deux syllabes, qu’il ignore totalement la structure d ’une phrase, etc. La faiblesse des progrès réalisés pendant cette année est noyée sous l ’ampleur de ses erreurs au niveau de la parole et de son langage expressif. Devant un tel échec, l ’orthophoniste dirigera l ’enfant auprès d ’une clinique

de psychologie.

2. Extrait du rapport neurologique, Dossier médical de l ’enfant, 31 janvier 1977. (Document inédit)

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Le psychologue ne rencontrera Pierre qu’à quatre reprises. Il est signalé à plusieurs reprises que la mère et l ’enfant ne prisaient guè­ re ces rencontres (septembre^>ctobre 1976). L ’essentiel de ces entre­ vues est occupé par des jeux: jeu de repassage, du téléphone, du bain, du manger, etc. Ces quatre entrevues apprennent peu sur l ’enfant, mais elles permettent à la mère d ’exprimer son besoin de se séparer de

son enfant pendant quelques heures par jour. Devant cette situation, le psychologue acheminera l ’enfant vers l ’hôpital psychiatrique.

En mars 1980, lorsque nous observons Pierre pour en étudier quel­ ques traits de son caractère et de son comportement avant d'entrepren­ dre directement la rééducation de la lecture auprès de lui, il a déjà vécu pendant quatre ans dans un milieu thérapeutique. Nous tenterons ici de donner les grandes lignes du volumineux dossier qui couvre cette période.

D ’abord sur le plan médical, le diagnostic d ’aphasie congénitale sera confirmé en janvier 1980 par le test T.A.C.O. (tomographie axiale du cerveau sur ordinateur). Cependant, dès janvier 1977, le psychiatre le retenait parmi les deux hypothèses qui allaient guider les recher­ ches, la seconde étant le mutisme suite à la naissance de son jeune frère, né alors que Pierre avait 2 ans.

Les autres recherches médicales démontraient que Pierre se situait dans la normalité, que ce soit des radiographies crâniennes, des élec— troencéphalogrammes ou encore des examens oto-rhino—laryngologiques;

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ces tests ne décelaient aucune anomalie physiologique susceptible d'ex­ pliquer les retards sévères de l'enfant. Ce n'est donc qu'en janvier 1980 que le neurologue^jédiatre décèlera une atrophie au niveau du cer­ veau, dont la présence sera confirmée par un autre test du même type

(T.A.C.O.) en janvier 1981.

Une rencontre avec le docteur André Lemieux, psychiatre, nous a permis d'analyser les résultats du test tomographique. La tomographie est un procédé d'examen radiologique. Des perfectionnements de ce pro­ cédé, tels qu'au moyen de l'ordinateur, donnent nom de "tomographie axiale du cerveau sur ordinateur" (T.A.C.O.) à l'examen du cerveau.

L'intérêt de ce test vise à vérifier la tomodensiométrie du cer­ veau. Cet examen permet d'évaluer le volume des ventricules cérébraux. Il permet aussi, dans les cas les plus heureux, de différencier substan­ ce grise et substance blanche, de visualiser certaines atteintes (per­ te de substance ou masse occupant de l'espace, c'est-à-dire tumeur).

Dans le cas de Pierre, les pertes de substance ou le déficit de structure (c'est ce qui a été vu) se situent dans les régions posté­ rieures. Or, les structures motrices du langage ont toujours été con­ nues pour être localisées dans les régions antérieures. Par consé­ quent, l'aphasie de Pierre s'avère un cas intéressant pour continuer la recherche de la localisation des structures du langage.

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Par hypothèse, on pourrait croire que la lésion observée chez l'enfant ne trouverait d'explication que dans l'inefficience des ré­ seaux associatifs entre les régions postérieures et l'aire de Broca. La dysfonction du quatrième ventricule pourrait également restreindre

le passage du liquide céphalo-rachidien et compromettre l'alimentation suffisante de l'aire de Broca. Ces hypothèses exigeraient des recher­ ches que nous laissons à d'autres spécialistes le soin de diriger.

L'histoire scolaire de Pierre se résume de la façon suivante... C'est en septembre 1977 que débute la scolarisation de l'enfant. A l'âge de près de 6 ans, on considère qu'il est apte à s'intégrer à un groupe restreint d'enfants et à débuter ses apprentissages scolaires en "groupe ouvert", c'est-à-dire en enseignement individualisé. En 1978, Pierre sera à demi-temps dans un groupe-classe restreint et il continuera à recevoir des sessions individuelles pour faciliter ses pro­ grès académiques en français et en mathématiques. Depuis septembre 1979, il est en groupe-classe à plein temps, dans un groupe de six à huit enfants, sous la tutelle d'un éducateur spécialisé en enfance ina­ daptée et d'une institutrice.

Ses résultats scolaires s'avèrent assez faibles. Une discussion de cas en mars 1980, qui réunissait un psychiatre, une orthophoniste, une orthopédagogue, une institutrice et un éducateur spécialisé, évaluait que Pierre, après trois années de scolarisation, avait approximative­ ment réussi le quart de la première année académique en français et on

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le situait à la demi de la première année en calcul. Des améliora­ tions sensibles étaient notées au niveau de la socialisation. Devant

ce bilan, l'équipe multidisciplinaire convenait de continuer les inter­ ventions thérapeutiques individuelles: orthophonie, orthopédagogie et psychomotricité. Afin d ’avoir plus d ’informations sur l ’enfant, on fe­ ra une évaluation psychométrique de ses possibilités sous la responsabi­ lité d ’un conseiller en orientation et enfin, on s'entendit pour souhai­ ter la mise sur pied d'une classe spécifique pour les enfants aphasi­ ques... (Ce dernier point ne pourra cependant se réaliser.)

Il serait essentiel également de revoir les considérations anno­ tées par l'orthophoniste, le conseiller en orientation, le travailleur

social et le spécialiste en psychomotricité qui sont intervenus auprès de l'enfant ou de son milieu.

L'une des principales interventions thérapeutiques sera menée par l'orthophoniste. Dès son arrivée à l'hôpital psychiatrique, le psychia­ tre a jugé, et cela était bien à propos selon nous, d'assurer l'inter­ vention constante d'une orthophoniste auprès de Pierre, à raison d'une heure par semaine pendant la période scolaire.

De novembre 1976 à janvier 1977, on procéda à une évaluation dé­ taillée du langage de l'enfant. On note qu'au plan articulatoire, beaucoup de voyelles sont produites de façon imprécise, que les occlu­

sives sonores sont assourdies et que les constrictives et liquides sont remplacées par un ”n". Au niveau de la parole, on note que la plupart

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des mots sont si déformés q u’on n ’arrive pas à les reconnaître et qu’il réussit à produire des mots de une ou de deux syllabes. Sa voix connaît de grandes variations dans l ’intonation, passant d ’une voix haute assez mélodieuse à une voix basse plus tendue et forcée. On signale à ce propos un gros bégaiement, de type surtout tonique et parfois clonique.

En juillet 1978, l ’orthophoniste évaluera avoir rencontré Pierre pour quarante-sept entrevues. Elle signale que l ’enfant a beaucoup progressé. Au niveau articulatoire, tous les phonèmes isolés sont ob­ tenus en répétition. Elle note toutefois que l ’association des phonè­ mes demeure très difficile en syllabes et que la tension augmente le bégaiement. Au niveau de la parole, le discours est plus compréhensi­ ble mais demeure très déformé. S'il peut mémoriser des séquences sono­ res plus longues, il n'exerce pas encore de contrôle sur sa parole spon­ tanée. Enfin on signale que le bégaiement tonique se manifeste surtout sur les consonnes occlusives. L'opinion de l'orthophoniste sera expri­ mée en ces termes: "On note des progrès au niveau réceptif; sur le plan de l'articulation, l'apprentissage du langage écrit sera une aide très précieuse pour Pierre, surtout avec la méthode phonétique et ges­ tuelle de Borel-Maisonny (3)»"

Les progrès de l'enfant sont lents. En 1979 et 1980, on signale qu'on a misé sur l'intégration des fricatives et du "r", qu’on a tra—

3« Extrait des notes évolutives en orthophonie, Dossier médical de l'enfant, 31 janvier 1977» (Document inédit)

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vaille à élargir le vocabulaire de l'enfant à l'aide d'un cahier d'ima­ ges et qu'on croit qu'il obtiendra une meilleure compréhension du lan­ gage par l'utilisation du mot—phrase, agrammatical, mais fonctionnel pour établir une communication avec les autres.

Ces informations sont riches et c'est grâce à ce travail assidu et patient de l'orthophoniste que Pierre pourra entreprendre l'apprentissa­ ge de la lecture: la connaissance des phonèmes est sans contredit un point majeur pour faciliter l'apprentissage du langage écrit.

En mars 1980, un conseiller en orientation procédera à une évalua­ tion psychométrique de l'enfant qui nous transmet des informations in­ téressantes sur le développement intellectuel et les possibilités de l'enfant. Globalement, à un âge chronologique de 8g- ans, Pierre sera considéré comme un enfant de 6 ans d'âge mental et dont l'intelligence non-verbale est estimée à la frontière de la déficience mentale légère. Que ce soit au test Wisc^ï. ou à l'échelle de maturité mentale de Colum­ bia, ou encore au test des matrices de Raven, il n'obtient jamais un

score supérieur au 10 percentile de son âge chronologique. De plus, des tests perceptivo-cioteurs du type Bender-^îestait ou des figures graduées de Noelting confirment les résuitats précédents, en ajoutant que Pierre présente plusieurs indices d'atteinte organique. On y signale aussi "des signes d'anxiété, d*égocentrisme et de difficultés à rencontrer la

réalité (4)»"

*-4. Extrait du rapport psychologique, Dossier médical, 10 janvier 1978. (Document inédit)

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Les cubes de Kohs révèlent que l'enfant a une mémoire visuelle faible, alors que sur le plan moteur et perception des formes, il ob­ tiendra son meilleur résultat, qui le situe au niveau des garçons de 7 ans 5 mois approximativement. Cette dernière remarque nous laisse croire qu'il saura éventuellement retenir les formes graphiques à la base de l'écriture.

Il ressort de cette évaluation psychométrique que l'aphasie congé­ nitale dont est atteint Pierre gêne considérablement le développement

de ses capacités intellectuelles. Cependant, son niveau de déficience étant léger, on peut croire qu'une rééducation limitée est envisagea­ ble.

Des éléments sur la personnalité de l'enfant nous seront dévoilés par le travailleur social et le spécialiste en psychomotricité. En travaillant davantage auprès des parents, le travailleur social identi­ fiera une dynamique familiale où la mère joue un rôle excessif de pro­ tection et de possession de l'enfant. Niant la gravité du handicap dont est atteint son fils, la mère se montre volubile, sûre de ses pos­ sibilités d'éduquer elle-^nême son enfant et très réfractaire aux pres­ sions qui lui sont adressées pour intégrer son fils auprès du voisina­ ge, auprès des groupes de loisirs de son quartier, etc. Le père, plus

conscient du handicap de Pierre, pourrait collaborer davantage; mais sa femme lui rappelle avec force qu'elle est la responsable de l'éducation de ses enfants et que la réussite de ses quatre autres enfants est une preuve de sa compétence. Consciente également des efforts déployés par

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le travailleur social pour modifier cette dynamique familiale, la mère de Pierre s’en prendra à la personnalité du travailleur social, scléro­ sant ainsi tout progrès à ce niveau. Cette attitude surprotectrice de la mère favorisera chez son enfant une attitude signalée par plusieurs intervenants: Pierre ne veut pas faire d ’efforts, il est enclin à faire des petites crises, il boude assez souvent. On le voit comme un enfant égocentrique, porté à des sautes d ’humeur fréquentes et peu habitué & faire des efforts pour répondre aux exigences qu’on lui destine.

Le spécialiste en psychomotricité écrira, dès les premières séan­ ces avec l ’enfant, que Pierre présente des lacunes dans son schéma cor­ porel, que la latéralisation n ’est pas acquise et qu’il évalue le re­ tard de son développement moteur à près d ’un an. Il signale aussi que l'enfant se montre très ludique, qu'il aime les activités motrices à caractère sportif et qu'il collabore bien dans ce type d'activités. Il note toutefois que l'enfant a une tendance à prendre en charge l'acti­ vité, à décider des rôles de chacun, cela afin de se sécuriser. Pierre utilise la main gauche pour l'ensemble des activités, sauf pour le dé­

coupage, alors que l'oeil droit et le pied droit semblent dominants. Cette latéralité croisée avait été notée par le psychiatre dès son ar­ rivée à l'hôpital et certaines faiblesses motrices l'avaient incité à recommander dès 1976 qu'on entreprenne une rééducation en psychomotri— cité.

En résumé, Pierre est issu d'une famille de classe moyenne et de milieu normal. On identifiera médicalement son aphasie alors qu'il

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sera âgé de 8g- ans. Depuis sa jeune enfance, il présente des difficul­ tés de langage qui s’apparentent à ceux d ’un retard sévère de langage.

Ses possibilités intellectuelles sont évaluées au seuil de la débilité légère. L ’aphasie compromet la plupart de ses progrès académiques; il se montre difficile, égocentrique, mais moteur et ludique. Les progrès les plus évidents se situent cependant au niveau de la socialisation où il est passé d'une attitude purement individualiste à une attitude de gaieté et de camaraderie avec ses pairs.

Conclusion:

Après une revue détaillée de son dossier médical, nous estimons que Pierre peut apprendre à lire. Il faut ici préciser le sens que nous donnons à ce tenne: "Lire consiste à prélever des informations

dans la langue écrite pour construire directement une signification ( 4) • ** Nous n'avons pas pour objectif d'en faire dans l'immédiat un lecteur averti, mais nous voulons le doter d'une lecture pratique et fonction­ nelle. Nous croyons qu'il est de première importance pour un enfant aphasique d'apprendre à décoder le langage écrit, élément majeur pour son insertion sociale future.

5. Jean Foucambert, La manière d'être lecteur. O.C.D.L., Sermap, Paris, 1976, p. 53.

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B . Elaboration de notre hypothèse .

Ce qui caractérise l*aphasie de 1*enfant par rapport à celle de l ’adulte, c’est qu’elle intervient avant que la personne n ’ait acquis la capacité de communiquer par la parole, et ce jusqu’à l ’age de douze ans: ce qui nous amène à observer que l ’enfant aphasique ne parle pas et qu’il n ’a jamais parlé (Lecours et Lhermitte, 1979)*

Cette réduction du langage chez l ’enfant prend souvent les carac­ téristiques d ’un retard sévère de langage, à savoir: absence de langage spontané, difficultés sévères en langage répété et faiblesse plus ou moins marquée de la compréhension du langage.

L ’objectif premier de la rééducation de la lecture s’insère dans une volonté plus vaste de lui apprendre à communiquer avec son entou­ rage par le langage. Il nous semble cependant qu’il soit plus perti­ nent de poursuivre ce but par le biais de l ’apprentissage de la lectu­ re. Pour étayer ce choix, rappelons l ’affirmation suivante: "Souvent, les enfants /aphasiques/ apprennent à lire assez bien. Cela se réali­

se bien avant et plus facilement que l ’apparition du langage sponta­ né (1).»

1. "Often, these children learn to read quite well. This come long before, and much easier, than spontaneous speach", in A.C. Roberts, The Aphasic Child. Ch. Thomas Publisher, Springfield, 111., 1966, p. 61.

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Notre hypothèse soutient qu’il sera plus pertinent d'apprendre à lire à un enfant aphasique, car le support visuel et graphique inhérent à l'acte de lecture peut suppléer aux pertes auditives et aux difficul­ tés d'intégration observées chez la personne aphasique. Ce processus amène davantage l ’enfant atteint d ’aphasie développementale à actuali­ ser son potentiel et à le rendre fonctionnel.

De plus, ce choix de passer par l ’écrit plutôt que par le son s'appuie sur le diagnostic voulant que l ’aphasie de Pierre soit une aphasie de Broca (appelée parfois aphasie motrice) résultant de réseaux associatifs inefficients à partir de la zone postérieure ou du quatriè­ me ventricule où l ’atrophie a été observée en laboratoire à l ’aide d ’un test tomographique (T.A.C.O.). Pierre présente des difficultés irrégulières au niveau de l ’articulation du langage, quelques maladres­ ses physiologiques à émettre des lettres et des sons et, de façon plus visible encore, des hésitations psychomotrices importantes dans l ’uti­ lisation du côté gauche de son corps (jambe, bras, pied, main); or, en dépit de l ’ensemble de ces symptômes, plus apparentés à des aphasies de Broca, en accord avec les diagnostics neuro-pédiatriques posés, nous prétendons que l ’aire de Broca est intacte et qu’on peut la rendre fonctionnelle en créant des néo—réseaux associatifs entre la zone lé­

sée et cette dernière. Il s’agit en fait de rendre efficients de nou­ veaux réseaux associatifs entre ces deux zones, en organisant des sti­ mulations volontaires de façon régulière et soutenue à partir de stimu- li visuels, sonores ou multisensoriels. Par la fréquence de ces

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stimu-37

li, nous essayerons de provoquer des "shunt", terme médical ou physi­ que qui désigne des dérivations d'influx électriques vers de nouveaux réseaux du cerveau. (François Lhermitte et André-R. Lecours, 1979)

Les recherches en rééducation de l'aphasie adulte nous fournissent plusieurs points pour élaborer l'expérimentation de notre hypothèse. Si l'aphasie de l'adulte et l'aphasie de l'enfant présentent des symp­ tomatologies particulières, il n'est est pas de même au niveau de la méthodologie, du plan, de l'évolution et de l'organisation de la réédu­

cation de l'aphasie de l'enfant. En ce sens, nous nous inspirons tout autant des aphasiologues de l'enfance tels Alice C. Roberts et Isaac W. Karlin, mais aussi et peut-être davantage auprès des aphasiologues de l'âge adulte tels François Lhermitte, André-R. Lecours, Blanche Ducarne, Hildred Schuell, etc. Il faut préciser toutefois que nous nous limiterons bien souvent aux données résultant de rééducation d'a­ phasies de Broca puisque c'est de cette dernière dont Pierre présente le plus de symptômes. Ces données nous permettront de personnaliser notre rééducation, car nous endossons cet axiome de base formulé par A.R. Lecours et F. Lhermitte: "La rééducation est fondée, /.../, sur l'étude complète du malade et de sa maladie (2)."

Les données des autres rééducations d'aphasiques de Broca seront

2. A.R. Lecours et F. Lhermitte, L ' a p h a s i e , Flammarion/P.U.M., Mont­ réal, 1979, p. 58.

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donc utilisées dans cette perspective d'élaborer une rééducation spé­ cifique à l'aphasie tout aussi spécifique de Pierre.

Un dernier élément de notre recherche consiste à vouloir saisir l'expression de la pensée de l'enfant comme une condition essentielle à l'efficacité de notre rééducation. Oomme l'expression verbale fait dé­ faut, nous nous intéresserons à l'ensemble du comportement, du langage non-verbal, mais plus particulièrement à l'utilisation du dessin comme mode d'expression privilégié auprès de cet enfant. Non seulement il ai­ me dessiner, mais tout en se valorisant dans cette activité, il nous traduira, estimons-nous, les grandes données de sa pensée intérieure. Nous nous appuyerons sur les analyses du psychiatre responsable du dé­ partement et aussi sur les données analytiques présentées par P.A. Os— terieth dans la Traité de psychologie de l'enfant. Selon cet auteur, la période de 7 à 9 ans du dessin enfantin se caractérise par un "inflé­ chissement du schéma vers une représentation plus souple, plus anecdo- tique, plus réaliste" (3)» L'enfant de ce stade, en général, est en voie de passer des premières tentatives de représentation du temps et de l'espace (5-^> ans) vers le réalisme plus conventionnel qu'il atteindra vers les âges de 9 â 13 ans. C'est en s'appuyant sur ce tableau sché­ matique de l'évolution graphique de l'enfant que nous tenterons de sai­

sir l'expression de la recherche du réalisme dans les dessins de Pierre.

3. P.A. Osterieth. "Le dessin de l'enfant". Traité de psychologie de l'enfant, vol. 6: Les modes d'expression, sous la direction de H. Gratiot—Alphardery et René Zazzo, P.U.F., Paris, 1976, pp. 5-69»

Figure

Figure 1:  Elaboration du langage (l).

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