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Le chômage involontaire dans les analyses du circuit

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-01527217

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Submitted on 24 May 2017

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Le chômage involontaire dans les analyses du circuit

Patrice Bouvet

To cite this version:

Patrice Bouvet. Le chômage involontaire dans les analyses du circuit. [Rapport de recherche] Labora-toire d’analyse et de techniques économiques(LATEC). 1994, 17 p., ref. bib. : 1 p. 1/4. �hal-01527217�

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n° 9402

L E CHOMAGE INVOLONTAIRE DANS LES ANALYSES DU CIRCUIT

Patrice BOUVET

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L E CHOMAGE INVOLONTAIRE DANS LES ANALYSES DU CIRCUIT.

Patrice BOUVET Allocataire de recherche

LATEC-CEMF - Université de Bourgogne 4, Bd Gabriel 21100 Dijon FRANCE

Résumé: Uétude du chômage s*effectue généralement en terme de marché. Dans ce cadre d'analyse il n'est toutefois pas facile de mettre en évidence le chômage involontaire. Pourtant, il est maintenant difficile de nier l'existence de cette dimension du sous-emploi. Dans la continuité de la théorie keynésienne, il nous parait donc intéressant de se tourner vers l'analyse en terme de circuit. En la matière trois schémas d'interprétation s'affrontent. Si l'on donne crédit à l'idée de thésaurisation, apparemment, le chômage involontaire s'explique par un déficit de l'écoulement. Malheureusement, à l'échelle macroéconomique cette explication ne peut pas être acceptée; si ce n 'est pas à la suite d'un achat spontané, l'achat du produit de la période s'opère par un achat forcé. Lorsqu 'elle ne retient pas l'idée de thésaurisation, l'analyse qui s'appuie sur une conception "circulatoire " du circuit économique, affirme que le développement du chômage résulte de l'insolvabilité de certaines firmes. Hélas, dans les faits, cette explication ne peut pas non plus être retenue car le paiement des salaires n 'endette pas les entreprises envers les banques, mais, au travers de celles ci, envers les titulaires

de revenus. ' Pour parvenir à une explication satisfaisante du chômage involontaire il faut se tourner vers une autre conception du circuit économique; il est alors possible de montrer que le développement du sous-emploi résulte de la dépense d'un profit "induit" sur le marché des services producteurs.

Summary: Studying unemployment is generally done in terms of market. In this type of analysis is not, however, easy to show compulsory redundancy. Furthemore, it's nowadays difficult to deny the existence of this kind of underemployment. According to the keynesian theory it seems interesting to consider the analysis in terms of circulation. In this respect three outlines are in confrontation. If we accredit the idea of the building up of capital, compulsory redundancy could be explained by a deficit in the flow. Unfortunately, from a macroeconomic point of view this explanation cannot be accepted; if a product is not bought spontaneously, the sale of the product is implemented by force. Tlie analysis based on the "circulatory" conception of the economic circulation (when rejecting the idea of building up capital) states that the development of unemployment is the result of the insolvency of certains firms. Unfortunately, in reality, this explanation can no longer be accepted because the payment of salaries doesn't make the firms get into debt with the banks, but trough the banks they get into debt with the income holders. In order to arrive

at a satisfactory explanation of compulsory redundancy it's necessary to consider another conception of economic circulation: it's then possible to show that the development of underemployment results from the expense of an "induced" profit on the service production market.

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Le chômage n'est pas une catégorie immuable mais un phénomène qui évolue. Reconstituant la genèse du phénomène, R. SALAIS, N. BAVEREZ, B. REYNAUD1 situent

Témergence du statut de chômeurs dans la seconde moitié du X I Xé m c siècle, lorsque le salariat

s'affirme comme forme dominante des rapports de travail. La chômage se différencie alors progressivement dans le vocabulaire économique et dans celui du syndicalisme des autres formes d'absence de travail. Au niveau théorique, la notion de chômage telle qu'elle est aujourd'hui conçue est apparue lorsque les économistes néoclassiques, notamment L. WALRAS et W. PARETO, ont commencé à raisonner en termes de marché du travail. Dans le cadre des hypothèses de la théorie néoclassique, il ne peut exister que deux formes de chômage:

- le chômage volontaire qui apparaît lorsque les demandeurs d'emploi n'acceptent pas de travailler au salaire qui se forme sur le marché.

- le chômage frictionnel qui correspond aux périodes d'inactivité de courte durée liées au passage d'un emploi à un autre.

Fondamentalement, la théorie néoclassique repose sur deux postulats:

- les entrepreneurs embauchent de la main d'oeuvre jusqu'au point où la productivité marginale est égale au salaire réel en vigueur ( 1e r postulat)

- les salariés choisissent de travailler tant que le pouvoir d'achat de leur rémunération est supérieur à la valeur monétaire de l'effort que leur demande le travail (2*"° postulat). En fonction de ces deux postulats, il existe un niveau de salaire réel qui permet d'égaliser l'offre et la demande et d'assurer le plein emploi. A ce niveau d'emploi, étant donné les capacités de production disponibles, on peut associer un certain volume de production qui correspond à l'activité de plein emploi. LM. KEYNES fut l'un des premiers à remettre en cause le deuxième postulat de la théorie néoclassique. Ce rejet le conduisit à reconnaître l'existence d'un type de chômage exclu de la théorie néoclassique: le chômage involontaire. Il en donna la définition suivante: "Il existe des chômeurs involontaires, si en cas d'une légère hausse du prix des biens de consommation ouvrière par rapport aux salaires nominaux, l'offre globale de main d'oeuvre disposée à travailler aux conditions courantes de salaires et la demande globale de main d'oeuvre s'établissent toutes deux au-dessus du niveau antérieur de l'emploi."2

A. LEIJONHUFVUD a proposé une interprétation assez claire3 de cette définition.

Malgré cela, un grand nombre d'auteurs la considèrent encore comme trop elliptique pour vraiment

V A L A I S , B A V E R E Y , R E Y N A U D ( 1 9 8 6 ) .

2K E Y N E S ( 1 9 7 5 ) p. 3 7 .

3L E I J O N H U F V U D ( 1 9 6 8 ) p. 9 4 .

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permettre de se prononcer quant à la nature du chômage, notamment en raison de l'imprécision du concept de "taux de salaire courant". En dépit de ces difficultés pour J-P. FITOUSSI il est tout de même possible d'envisager une "méthode" pour tester l'existence du chômage involontaire. "On peut cependant suggérer une autre méthode complémentaire pour tester la présence du chômage involontaire: si le salarié révise dans le sens de la baisse, le taux de salaire qu'il considère comme normal à mesure que sa situation de chômeur dure, il doit être considéré comme un chômeur involontaire."4 Dans la mesure où elle est elle aussi basée sur la notion de "salaire normal", cette

méthode butte en fait sur la même difficulté que la définition keynésienne. La seule "méthode" qui permettrait de véritablement tester l'existence du chômage involontaire serait de faire en sorte que les conditions de concurrence entre les firmes soient telles que les salaires réels puissent s'ajuster à la baisse jusqu'au minimum de subsistance. Dans ces conditions, si une fraction de la population ne parvenait pas à trouver un emploi, il faudrait conclure à l'existence d'un chômage involontaire.

Bien évidemment, la réalisation d'une telle "expérience" n'est pas envisageable; l'affirmation selon laquelle le chômage est toujours volontaire n'est pas une conjecture réfutable au sens de Popper5. Ainsi, la seule solution permettant de se prononcer quant à l'existence du

chômage involontaire consiste à interroger les faits. Or, que montrent les statistiques? Depuis quelques années, le chômage de longue durée ne cesse de progresser, y compris dans les pays à faible protection sociale.6 Dans la mesure où Ton peut légitimement penser que peu de ménages

souhaitent rester au chômage lorsqu'ils sont privés de rémunération, force est donc de conclure à l'existence du chômage involontaire. Une chose est de constater l'existence du chômage involontaire, autre chose est de l'expliquer. Lorsqu'elle ne s'appuie pas sur l'idée de "circulation", la théorie du circuit est un instrument analytique particulièrement bien adaptée pour mener à bien cette tache. En effet, comme nous allons essayer de le montrer, si les deux premières tentatives d'explication du chômage involontaire issues de la théorie du circuit ne sont pas satisfaisantes (§1 et 2 ) , l'explication du chômage involontaire par la dépense du profit induit sur le marché des services producteurs s'avère quant à elle beaucoup plus fructueuse ( § 3 ) .

I) L'explication du chômage involontaire par la thésaurisation pathogène.

Lorsqu'on raisonne en terme de circuit, la première idée qui vient à l'esprit est

4FITOUSSI ( 1 9 7 3 ) p. 1 3 8 .

5Dans une optique poppérienne: "un système faisant partie de la science empirique doit pouvoir être réfuté

par l'expérience." P O P P E R ( 1 9 7 8 ) p. 3 7 .

6Pour les chiffres concernant les principaux pays de l ' O C D E voir O C D E Statistique de la population active,

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d'attribuer le chômage à un déficit de l'écoulement. En effet, apparemment, rien ne s'oppose à ce que les ménages conservent une partie de leur revenu sous la forme même où ils l'ont reçu. Ainsi, la thésaurisation ferait obstacle à l'écoulement du produit créé dans la période. Plus que le concept de thésaurisation, ce sont les conséquences qui en résultent qui semblent particulièrement graves pour l'économie. En effet, qu'adviendrait-il si une partie du revenu n'était pas obligatoirement dépensé? Incontestablement, les revenus soustraits aux dépenses sur tous les marchés condamneraient l'économie au sous-emploi puisque aucune firme n'aurait intérêt à produire des biens qui ne pourraient trouver preneur. "S'il existe une «fuite» hors du circuit économique, c'est-à-dire un rétention d'une partie des avances, celles-ci ne sont pas entièrement réalisées et les entrepreneurs sont conduits à réduire le niveau de la production et donc de l'emploi."7

Bien que la "rétention" puisse être à la fois le fait des entreprises8 et des ménages,

c'est généralement aux ménages que l'on attribue la responsabilité du déficit de l'écoulement: lorsque les titulaires de revenu s'abstiennent de consommer le chômage involontaire augmenterait. Mais ce n'est pas tout. Dans une optique keynésienne, dans la mesure où le niveau de l'emploi mis en oeuvre par les entrepreneurs dépend de la demande qu'ils anticipent, lorsque les chefs d'entreprise anticipent une baisse de la demande pour leur produit, ils diminuent leur demande sur le marché du travail. Conformément au principe de la demande effective, la production anticipée s'ajuste alors à la baisse, ce qui risque de plonger l'économie dans une crise durable.

Que penser de cette explication? En fait, tout dépend du niveau d'analyse auquel on se place. Lorsqu'on considère isolément certaines firmes ou certains secteurs, l'explication précédente peut être acceptée puisqu'il est tout à fait possible que les titulaires de revenu renoncent à certains produits qu'ils trouvent inintéressants ou technologiquement dépassés au profit d'autres produits plus à même de répondre à leur besoin.9 Il n'en reste cependant pas moins vrai qu'au

niveau global, la mévente ne peut être générale, les pertes des uns définissant automatiquement les gains des autres. En effet, lorsque certaines firmes ne parviennent pas à écouler la totalité de leurs produits, ces mêmes firmes sont obligées de trouver un financement (par l'impôt s'il s'agit d'entreprises publiques, en cédant une partie de leurs actifs lorsqu'il s'agit d'entreprises privées) pour compenser les pertes auxquelles elles doivent faire face. Ainsi par exemple, si comme cela est prévisible le financement du Tunnel sous la Manche ne peut être complètement assuré par la société qui en a la charge, le paiement du Tunnel se fera finalement à concurrence du montant exact de la rémunération des facteurs de production par les impôts payés par les contribuables Anglais et Français. Que ce soit à la suite d'un achat forcé ou d'un achat spontané, dans leur écoulement

7GRELLET (1975) p. 201.

8Sur ce point Cf A.BARRERE (1975) pp. 13-63.

notons d'ailleurs que lorsqu"un produit est définitivement délaissé par le public il est même possible que toute une industrie disparaisse dans la faillite.

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les produits absorbent la totalité des revenus issus de la production. Pour nous en persuader définitivement, étudions les quatre possibilités qui épuisent le problème.

lè r e possibilité: les titulaires de revenu dépensent eux-mêmes leur revenu. Dans ce

cas, l'écoulement des biens est réalisé spontanément.

2è n i c possibilité : le retrait des biens s'effectue grâce à un emprunt auprès du système bancaire

effectué par les ménages. Ce deuxième cas de figure est identique au premier à ceci près que l'emprunteur se substitue au prêteur pour l'écoulement du produit. Comme dans le cas où les biens sont retirés par le titulaire initial du revenu, les revenus sont ici dépensés dans des achats spontanés.

3*** possibilité : les firmes anticipent la réalisation d'un profit. Pour financer ce profit, elles émettent des obligations. Par la vente de celles-ci, elles empruntent l'épargne des titulaires de revenus. Tout comme dans le cas précédent, les revenus sont alors dépensés dans un achat spontané.

4e 1 1 1 6 possibilité: certaines entreprises ne parviennent pas à écouler leur stock parce que les

consommateurs se tournent vers d'autres produits. Apparemment, cette quatrième possibilité confirme la possibilité d'un déficit de l'écoulement. En réalité il n'en est rien, car lorsque l'entreprise subit une perte, celle-ci définit exactement le montant de l'emprunt des revenus que l'entreprise doit effectuer. A la différence du cas précédent, l'écoulement des produits est alors réalisé par un achat forcé et non pas par un achat spontané.

"L'insuffisance de l'écoulement spontané se traduit par des pertes, c'est-à-dire par un écoulement forcé subi par les bailleurs de fonds de l'entreprise, ces derniers écoulent les biens invendus en subissant une perte d'actif. En d'autre termes, les pertes signifient que les propriétaires

des firmes sont contraints d'échanger une partie de leur patrimoine contre les biens invendus."10

Le critère de l'écoulement des biens est indéniablement un critère permettant de juger de la pertinence des choix effectués par les chefs d'entreprise. Il s'agit cependant là uniquement d'un critère microéconomique, car pour l'ensemble de l'économie, les pertes individuelles définissent toujours un endettement auquel correspond soit une épargne (volontaire ou forcée) soit le profit d'autres entreprises.

Lorsque les auteurs ne perçoivent pas la thésaurisation au travers de son effet, le déficit de l'écoulement, ils la perçoivent parfois au travers de son origine. Le public aurait la possibilité de retirer la monnaie du système bancaire pour la conserver chez lui. Cette possibilité est-elle accordée au public? Au premier abord répondre par la négative semble impossible. Affirmer que toute monnaie déposée en banque ne peut plus en être retirée semble en effet étrange, voir même paradoxale. A quoi bon travailler pour obtenir un revenu sous forme de monnaie, si celui-ci est nécessairement consigné dans la banque où il voit le jour? Pour savoir si la monnaie peut être

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oui ou non retirée du système bancaire, procédons de façon expérimentale en demandant à un agent A qui a constitué en banque un dépôt de X unités monétaires dans une période antérieure d'en retirer une fraction x. Lorsque A se présente au guichet de sa banque pour retirer x, de deux choses l'une. Soit il désire effectuer un retrait pour faire un dépôt dans une autre banque, soit il désire effectuer ce retrait au profit d'un autre agent.

Etudions ces deux possibilités.

- Lorsque A retire x pour effectuer un dépôt dans une autre banque, le dépôt subsiste inchangé dans l'ensemble des banques.

- Quand A retire x au profit de l'un de ces correspondants, le dépôt subsiste dans l'ensemble du public: dans ce cas le retrait de x conduit simplement à un changement d'identité du déposant. Là encore, deux possibilités sont offertes au nouveau détenteur de x. Soit il utilise x pour régler une dette antérieurement constituée, soit il conserve x. Cependant, dans l'une ou l'autre de ces deux alternatives, A ne "recouvre" aucunement la fraction du dépôt mobilisée. Ainsi, tant que l'agent A retire x pour effectuer un paiement, il ne peut en aucun cas "extraire" une fraction de monnaie de sa banque. A ce stade du raisonnement, il nous reste cependant encore à considérer la dernière éventualité possible, celle qui consiste à retirer x pour l'affecter à aucun paiement. Mais cela est-il vraiment possible? La réponse est négative. Pour A, le seul moyen de retirer x sans effectuer un paiement serait de redéposer x dans le mouvement même du retrait. Or, il est clair que si A redépose instantanément x sur son compte, le retrait est nul. Tout agent qui "retire" une partie de ses dépôts effectue nécessairement un paiement. Or, effectuer un paiement signifie constituer un dépôt, soit au profit d'une autre banque, soit au profit d'un autre agent, par conséquent il est impossible de détenir une somme de monnaie à l'extérieur du système bancaire. Les agents qui conservent précieusement des billets de banque dans leur coffre ne possèdent qu'un titre à la monnaie bancaire.

Lorsqu'on admet que la partie du revenu des ménages qui n'est pas consommée ne reflue pas vers le système bancaire, il apparaît une fuite dans le circuit économique. Dans la mesure où un circuit ouvert n'est pas un circuit, l'acceptation de l'idée de thésaurisation invalide par avance cette première conception du circuit économique. Pourtant, c'est sur ce même type d'analyse que repose l'explication du chômage structurel par l'insolvabilité des firmes.

H) L'explication du chômage involontaire par l'insolvabilité des firmes.

Selon une première conception du circuit économique, le reflux de la totalité de la monnaie injectée dans le circuit par les banques s'opère à la fois (directement ou indirectement) par l'épargne des ménages mais aussi par le remboursement effectué par les entreprises à la suite de la consommation.

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"Le bouclage du circuit s'opère selon deux mécanismes: - la vente du produit

- l'absorption de l'épargne des ménages."11

Lorsque les entreprises décident de mettre en oeuvre le processus de production, soit parce qu'elles ne possèdent pas un fonds de salaire suffisant, soit pour des raisons de rentabilité financière, elles s'adressent au système bancaire qui leur "avance" les sommes nécessaires à la monétisation de la production. Ce prêt n'est cependant pas consenti aux firmes pour une durée illimitée. A une échéance convenue contractuellement, les entreprises doivent rembourser le préfinancement initial. Cette nécessité de rembourser "l'avance" initiale faite par les banques est appelée par A. PARGUEZ "contrainte d'annulation de la monnaie". "La contrainte d'annulation impose à chaque entreprise de recevoir dans la phase II1 2 une quantité de monnaie ou moins égale

à celle que dans II1 3 elle a distribué comme revenu."14 En fonction de ce raisonnement, les

entreprises qui n'arrivent pas à satisfaire à cette condition sont condamnées à la faillite: le chômage structurel résulterait alors de l'impossibilité rencontrée par certaines entreprises de satisfaire à la "contrainte d'annulation".

Pour d'autres théoriciens15, dans le circuit économique il y a toujours un excédent

de création monétaire sur sa destruction parce que dans l'économie, il existe en permanence une masse monétaire ayant pour contrepartie l'excédent des crédits accordés sur les crédits remboursés. Ainsi, bien que chaque entreprise soit soumise individuellement à une "contrainte de remboursement", au niveau global, le flux de préfinancement initial correspond à une création nette de monnaie. Dans cette optique, bien qu'elle s'inscrive dans une macroanalyse en terme de circuit, la "contrainte de remboursement" est une contrainte d'essence microéconomique qui ne permet pas directement d'expliquer le développement du chômage structurel. Toutefois, d'après cette analyse, il semble qu'indirectement, elle peut tout de même conduire au sous-emploi. En effet, lorsque le reflux de consommation est insuffisant, les entreprises doivent chercher à "s'enrichir" pour faire face à l'insuffisance des recettes qu'elles doivent supporter. Trois possibilités sont offertes aux entreprises pour parvenir à ce résultat:

- les entreprises peuvent demander aux banques de prolonger ou de renouveler le prêt initial. Dans ce cas, le problème est simplement reporté à une date ultérieure. A l'échéance de cette date, deux possibilités restent envisageables: "La solvabilité des entreprises est en fait liée à leur aptitude

nP A R G U E Z ( 1 9 8 7 ) p. 2 4 .

12I1 s'agit du "reflux" du circuit.

, 3I1 s'agit du "flux" du circuit.

1 4P A R G U E Z ( 1 9 8 1 ) p. 3 7 .

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5POULON ( 1 9 8 2 ) p. 3 4 3 .

à capter l'épargne qui s'est constituée."16

- les entreprises peuvent s'adresser aux ménages en leur proposant des obligations. Dans ce cas, les créances ne font que changer d'ensemble. Aussi, si l'on admet que les analystes financiers tiennent compte du ratio d'endettement global des firmes et pas uniquement du ratio d'endettement bancaire, il est peu probable que les banques accordent de nouveaux prêts aux entreprises dans les périodes futures. C'est pourquoi les entreprises sont en fait obligées de proposer une fraction de leur capital aux ménages.

- les entreprises s'adressent aux ménages en leur proposant des actions. Devant cette troisième possibilité, toutes les entreprises ne luttent pas à armes égales. Seules les entreprises pouvant offrir aux acheteurs potentiels une perspective d'augmentation de leur patrimoine parviennent à s'approprier une partie de l'épargne des ménages. Parmi l'ensemble des entreprises, il apparaît alors une partition en deux sous-ensembles: un premier sous-ensemble Ea constitué par

les entreprises qui ont réussi à capter une partie de l'épargne des ménages et un autre sous-ensemble Eb constitué par les entreprises qui n'y sont pas parvenues et qui sont donc obligées

de licencier.

Dans la mesure où un certain nombre d'entreprises (en particulier parmi les PME nouvellement créées) font faillites non pas à cause d'un manque de débouché mais à cause de problèmes strictement financiers, cette explication semble confirmée par la vie des affaires. En fait, à l'échelle macroéconomique, elle est irrecevable pour deux raisons. D'une part, le versement des salaires n'endette pas les entreprises envers les banques mais au travers de celles-ci envers les titulaires de revenus. En effet, lors de la monétisation de la production bien que les banques deviennent créancières des entreprises (pour qui elles émettent les salaires), elles deviennent aussi(tôt) débitrices des travailleurs (à qui elles versent les salaires). Cette opération à la fois positive et négative n'est donc aucunement à l'origine d'une contrainte d'annulation ou de remboursement. D'autre part, l'épargne des ménages est obligatoirement prêtée aux entreprises détentrices des biens stockés. Montrons-le rapidement. Soit deux entreprises Ea et Eb ou Eb

est l'entreprise qui absorbe une partie de l'épargne des ménages au détriment de Ea. Si Eb prête

cette épargne captée à une troisième entreprise, il faut étudier comment est utilisée cette épargne par la troisième entreprise et éventuellement par une quatrième ou cinquième entreprise (si l'épargne est à nouveau prêtée). En définitive, l'épargne est dépensée. Supposons qu'elle l'est par Eb. Cette dépense ne signifie cependant pas effacement de l'épargne puisque la dette de Ea subsiste.

Or, comme la comptabilité est en partie double, il existe obligatoirement une créance correspondant à cette dette. La dépense de l'épargne captée n'équivaut donc pas à sa destruction mais à sa transmission. Les nouveaux détenteurs de cette épargne disposent alors du pouvoir d'achat nécessaire à l'écoulement des biens correspondant à l'épargne captée. Ainsi finalement, l'épargne ne disparaîtra définitivement que lorsqu'elle reviendra aux mains de l'entreprise qui possède les stocks correspondants.

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Même dans le cas extrême où une entreprise est obligée de déposer son bilan, la liquidation de ses biens équivaut à la destruction de l'épargne correspondante. Les entreprises dans leur ensemble n'ont jamais a "récupérer" la partie de l'endettement non remboursé. Bien au contraire, dans nos économies un grand nombre d'entreprises réalisent des profits que la théorie économique se doit d'expliquer.

L'intégration du profit dans le circuit économique ne va cependant pas sans poser un certain nombre de problèmes. A priori: "On ne voit pas comment un objet réel ou monétaire empruntant un circuit peut voir sa valeur croître pendant son cheminement."17 Peur essayer

de comprendre la réalisation du profit, il faut avoir présent à l'esprit la distinction fonctionnelle existant entre les entreprises et les ménages.: grâce au préfinancement accordé par le système bancaire, les entreprises versent les salaires aux ménages en contrepartie de leur activité productrice. Comme il est tout à fait possible que le prix de vente s'écarte des coûts de production, le profit semble pouvoir être défini comme la différence entre la valeur du travail et la valeur du produit. Si par exemple dans la période considérée, 100 unités de salaires sont distribuées en contrepartie de la fabrication de 100 unités de produits et que par ailleurs le taux de marge est de 100%, les services producteurs ne peuvent finalement se procurer que 50 unités de produits (s'ils n'épargnent pas): le profit réel réalisé par les entreprises est alors de 50 unités de produits. Aussi, bien que les salariés aient la possibilité de négocier les salaires nominaux, ils ne peuvent que constater ex-post leur salaire réel. Dans ces conditions, même si le partage du profit peut se faire grâce à la monnaie, il semble que le profit soit réel: "Un profit global ne peut être monétaire, il est donc composé directement des biens d'investissement. C'est l'autofinancement."18

En réalité cette explication ne peut être retenue car elle conduit à assimiler le profit aux invendus. Pour que le profit soit réalisé, il faut que le profit réel soit vendu19. Or, lorsque

l'on raisonne en terme de circuit, ni les salariés (puisque dans la période considérée, ils ne peuvent dépenser plus qu'ils n'ont gagnés), ni l'étranger (puisque par hypothèse, le raisonnement s'effectue dans un circuit fermé sans état) ne peuvent permettre aux entreprises d'écouler le profit réel. C'est pourquoi seules les deux explications suivantes peuvent être envisagées. La première consiste à admettre que les entreprises peuvent financer leur propre profit par recours au crédit. En fait, cette première explication ne peut pas non plus être retenue, car les entreprises doivent finalement

1 7V A L L A G E A S ( 1 9 8 6 ) p. 2 4 .

, 8V A L L A G E A S , op cit, p. 4 8 .

^Fondamentalement, le véritable inconvénient de raisonner en terme de profit réel est que l'équivalence prix valeur ne pourrait être respectée en raison de l'appropriation des biens profits. Il est vrai que l'on pourrait envisager que les invendus soient utilisés pour rémunérer les travailleurs dans une postérieure à la période de formation des profits. Mais, dans ce cas la rémunération des travailleurs de la deuxième période serait simplement le résultat d'un troc biens anciens/biens nouveaux qui ne résoudrait en rien le problème de l'équivalence prix/valeur.

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rembourser le montant des crédits qui leur sont accordés. Dans ces conditions, il faut envisager la deuxième explication qui consiste à introduire une deuxième firme. La solution proposée est alors la suivante. En distinguant deux sous-ensembles EA et EB dans l'ensemble des entreprises, il est

possible que certaines entreprises appartenant au premier sous-ensemble puissent écouler le profit réel auprès des entreprises appartenant au deuxième sous-ensemble. En fait, dès que l'on effectue l'analyse non pas au niveau des sous-ensembles mais au niveau de l'ensemble E , on s'aperçoit que ce raisonnement permet uniquement d'expliquer le profit microéconomique, mais en aucun cas le profit global, c'est-à-dire ici le profit qui se forme entre les ensembles (les pôles du circuit). En effet, en poursuivant le raisonnement précédent, il est possible de maintenir l'explication en rajoutant à chaque fois une entreprise supplémentaire EC, EQ, ... mais il est impossible d'expliquer

le profit monétaire de l'entreprise située "en bout de chaîne".

Le profit tel qu'il vient d'être défini est interne à l'ensemble E , or la réalisation d'un profit de cette nature implique logiquement une perte équivalente par d'autres entreprises, par conséquent il ne peut s'agir d'un profit macroéconomique. En matière d'explication causale du sous-emploi, cette insuffisance est particulièrement rédhibitoire.

III) L'explication du chômage structurel par la dépense du profit induit sur le marché des services producteurs.

La formation du profit macroéconomique ne peut s'expliquer en faisant référence au seul marché des produits. Pour parvenir à une explication satisfaisante, il faut porter son attention à la fois sur le marché des produits et sur le marché des services producteurs. Lorsqu'il existe une différence positive entre le prix et le coût de production des biens salaires20 la formation des

profits se déclare sur le marché des produits mais intervient simultanément sur le marché des services producteurs. Sur le marché des produits, l'écart entre le prix de vente des biens salaires et leur coût donne la mesure du profit monétaire, sur le marché des services producteurs, ce profit monétaire définit une demande de biens non salariaux qui échappent alors aux salariés: il s'agit de la dimension réelle du profit. Dans le flux d'émission, profits et salaires coexistent. C'est seulement lors du reflux que les premiers achètent les biens non salariaux et les seconds les biens salariaux pour leur exacte contre-valeur, cependant, rétroactivement, la partition des biens existe dès l'émission initiale, ainsi, une fraction du produit est dès le versement des salaires soustrait au pouvoir d'achat des ménages. "La formation des profits indique à posteriori quelles parts des salaires les entreprises ont dépensées (par anticipation) pour leur propre compte et pour le compte des salariés. Bien que l'émission des salaires introduise la totalité du produit dans la catégorie des bien-salaires, leur dépense sur le marché des produits a donc pour effet de soustraire

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rétroactivement une partie des biens de cette catégorie. C'est ainsi que la dépense des salaires, dans la circulation, qui est à l'origine de la répartition, exerce un effet rétroactif, un feed-back, sur leur formation, définition de la production."21

Beaucoup d'auteurs arrêtent leur analyse à la formation du profit monétaire et ne considèrent pas son affectation. Pourtant, il s'agit d'une opération essentielle du système économique puisqu'elle est la condition permissive de la formation du capital fixe (l'investissement net).2 2 Dans sa dépense, le profit monétaire peut être redistribué ou investi. Considérons donc ces

deux alternatives.

- Lorsque le profit monétaire est redistribué, il ne diffère en rien d'un salaire qui aurait temporairement changé de nature. Il peut en particulier être dépensé dans la période même de sa formation sur le marché des produits.

- Lorsque le profit monétaire est investi, il définit le paiement des salaires d'une nouvelle période. A priori, les deux "conditions" contenues dans cette assertion sont extrêmement contraignantes. A la réflexion , elles ne le sont pas vraiment. Dans la mesure où lorsque la période de référence choisie arrive à son terme tous les produits sont écoulés23 soit directement par les

dépenses des ménages soit indirectement grâce à l'intermédiation financière du système bancaire,le profit monétaire ne peut être dépensé sur le marché des produits. Il est donc forcément dépensé sur le marché des services producteurs. De plus, il l'est nécessairement dans une nouvelle période, car si tel n'était pas le cas, cela reviendrait à expliquer la formation du profit par sa dépense. Or, comme nous l'avons vu, si cette explication peut être retenue au niveau microéconomique en distinguant plusieurs sous-ensembles parmi l'ensemble des entreprises, elle ne peut l'être au niveau macroéconomique, niveau où il est par contre possible de s'apercevoir que la dépense du profit monétaire conduit à la formation du capital fixe.

Le profit n'est pas monétaire ou réel mais simultanément réel et monétaire. Aussi, lorsque les entrepreneurs dépensent la dimension monétaire du profit sur le marché des services producteurs deux stocks de biens sont finalement face à face. Comme logiquement le profit monétaire ne peut absorber que l'un de ces deux stocks, une partie des biens ne peut pas parvenir aux ménages et demeure stockée dans les entreprises. Ces biens sont à jamais fixés dans les entreprises qui les stockent : il s'agit des biens capitaux. "La dépense du profit définit la transformation interne du capital fixe, dont le contenu, d'abord constitué en biens salaires, se

2 1GNOS ( 1 9 8 4 ) p. 1 7 8 .

^ E n fait, il s'agit même de la seule source de financement de l'investissement puisque l'emprunt sur le marché financier n'est que l'avance d'un profit futur.

^Pour simplifier le raisonnement, nous faisons ici l'hypothèse que la période passée ne connaît pas de profit, mais le raisonnement pourrait tout aussi bien être mené sans cette hypothèse.

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'SCHMITT ( 1 9 8 4 ) p. 1 7 1 .

^ S C H M I T T , op cit, p. 5 1 9 .

change en biens capitaux ou capital instrumental."24

Le capital fixe est un stock de biens salaires transformés par la consommation productive de telle sorte que son écoulement est perpétuellement reporté. Le capital ainsi formé n'a cependant pas une durée de vie illimitée. Ce capital doit donc être périodiquement remplacé et renouvelé. L'opération économique qui permet de remplacer le capital usé ou technologiquement dépassé est l'amortissement. Ainsi, outre la production de biens salaires et de biens capitaux, les entreprises doivent donc également produire des biens d'amortissement qui se substituent aux biens capitaux devenus obsolètes. Tout comme les biens capitaux, les biens d'amortissement sont des biens qui appartiennent aux firmes. Cependant, bien que ce soient les entreprises les propriétaires des biens d'amortissement, ces biens comme tous les biens, sont produits par les services producteurs qui à cette occasion reçoivent une rémunération. Si les biens d'amortissement étaient en tout point identiques aux biens salaires, ils seraient en attente d'être écoulés sous forme de stocks dans les entreprises et pourraient donc être acquis par les services producteurs. Mais comme les biens d'amortissement sont justement des biens qui par destination vont être fixés dans le capital, ils échappent aux ménages. "Par nature, les biens d'amortissement fusionnent avec les biens capitaux qu'ils «réparent» ou «maintiennent»; or, les biens capitaux sont la propriété des firmes, bien que les titulaires de revenus «fassent les frais» de l'amortissement du capital fixe, il serait ainsi illogique de conclure que ce paiement qui leur incombe les rende propriétaires des biens d'amortissement."25

Si l'on fait l'hypothèse que dans la période considérée les revenus versés aux services producteurs ne sont pas financés par un profit monétaire réalisé dans une période antérieure, les revenus formés dans la période peuvent uniquement se porter sur les biens salaires. En effet:

- les revenus ne peuvent pas se porter sur un stock de biens salaires issu d'une période antérieure puisque par hypothèse le versement des salaires de la période n'est pas réalisé à partir d'un fonds de profit

- les ménages n'ont pas accès au marché des services producteurs car seules les firmes peuvent effectuer des dépenses sur ce marché. Par conséquent la dépense de la totalité des revenus ne s'exerce que sur une partie des biens produits ce qui permet aux firmes de réaliser un profit monétaire: il s'agit d'un profit induit. Tout comme précédemment, il serait prématuré d'arrêter l'analyse a ce stade du raisonnement, car tout profit monétaire est finalement dépensé.

A priori, le profit induit peut être dépensé de trois façons.

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était le cas, les services producteurs pourraient obtenir indirectement les biens d'amortissement. L'amortissement se serait pas pathologique. En réalité, nous savons déjà que cela n'est pas possible puisque les biens d'amortissement sont dès leur production la propriété des entreprises.

- On pourrait également envisager que ce profit monétaire soit redistribué et puisse ainsi se porter sur le marché des produits. En fait, cela n'est pas non plus possible car cela reviendrait à diminuer les sommes disponibles pour le financement des biens d'amortissement et donc la production même de ces derniers.26

- Le profit induit est donc nécessairement dépensé sur le marché des services producteurs. Nous savons déjà quel est le résultat d'une telle dépense. Lorsqu'une entreprise utilisé un "fonds de profit" pour rémunérer les ménages, les biens produits sont immédiatement accaparés par les firmes. Ainsi, dans le régime du capitalisme le mécanisme de l'amortissement ne permet pas la simple reproduction du capital devenu obsolète. Il donne naissance à des biens, les biens profits, qui coexistent parallèlement au capital initial et auxquels les entreprises doivent trouver un débouché. Trois types de débouchés sont envisageables pour ces biens:

- les biens profits peuvent être distribués à un certain nombre d'ayant droit. En effet, dans notre système économique, les entreprises sont totalement libres d'utiliser les biens profits comme elles l'entendent. Elles peuvent par exemple décider de les affecter à la consommation de luxe ou augmenter les frais généraux de leur entreprise.

- Les biens profits peuvent être investis. S'ils ne sont pas absorbés par la consommation de luxe, les biens profits peuvent venir s'ajouter aux investissements nets. Cette deuxième possibilité suppose cependant que le taux de rendement des investissements soit tel qu'il n'existe pas dans l'économie d'autres possibilités d'affectation plus rémunératrices.

- Les biens profits peuvent être revendus. Si les entreprises estiment que le taux de rendement des investissements n'est pas suffisant, ils peuvent décider de revendre les biens profits aux titulaires de revenus.

Si la loi de la baisse tendancielle du taux de profit n'existait pas, rien ne conduirait les chefs d'entreprise à choisir prioritairement l'une de ces trois solutions. Mais cette loi existe et comme l'avait pressenti K. MARX, elle introduit un grave désordre dans nos économies car elle incite les entrepreneurs non pas à produire pour augmenter les moyens de production, mais au contraire pour revendre. En effet, conformément à l'un des postulats de base de la théorie du circuit, le produit national est mesuré dès la production par la rémunération des services producteurs. Ainsi, il est logiquement impossible que les revenus de transfert dépassent la moitié des revenus résultant de la production des biens salaires. En effet, si la production des biens dividendes occupait plus de la moitié du temps des travailleurs, cela reviendrait à réduire d'autant

^ E n d'autres termes, si cette dépense s'effectuait sur le marché des produits cela signifïrait que les firmes achettent les biens d'amortissement pour le compte des ménages (puisqu'il n'est pas logiquement envisageable que les firmes se portent acquéreur de biens qu'elles possèdent déjà). Or, cela est rigoureusement impossible car les biens d'amortissement s'identifient aux biens capitaux qu'ils remplacent et sont donc eux aussi la propriété économique intangible des firmes.

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la production des biens salaires. Comme les biens dividendes sont obtenus à partir de la production des biens salaires, cela conduirait en fait à réduire la "base" nécessaire à la production des biens dividendes. Le profit ne peut croître indéfiniment. Dans la mesure oirle capital s'accroît pour sa part sans limite, il devient de plus en plus difficile de rétribuer le capital à un taux suffisant. Les chefs d'entreprise choisissent donc de proposer les biens profits aux ménages. La question qu'il faut alors se poser consiste à se demander si les ménages ont un revenu suffisant pour les acquérir. La réponse est négative. Les ménages ne peuvent pas utiliser les revenus salariaux (direct ou indirects) puisque ceux-ci sont nécessaires à l'écoulement des biens salaires. Seuls les revenus relatifs aux biens profits restent apparemment disponibles. En fait ces revenus ont déjà été détruits dans le paiement des salaires qui ont permis la formation des biens profits.27 Dans ces conditions les biens

proposés aux ménages ne peuvent pas trouver d'acquéreur. Il en résulte un déficit de l'écoulement qui oblige les entrepreneurs à licencier les travailleurs dont la production n'est pas écoulable.

CONCLUSION

Beaucoup d'économistes pensent que la notion de crise est incompatible avec une analyse en terme de circuit. Dans ces conditions il serait vain (sauf dans une optique purement positive) d'étudier le circuit; celui ci étant toujours parfait, il ne serait jamais capable de rendre compte des dysfonctionnements de l'économie nationale. Cette façon de voir les choses s'explique par le fait qu'un grand nombre de théoriciens du circuit pensent que la monnaie se déplace entre les pôles du circuit. Comme nous l'avons vu, il en est effectivement ainsi dans le "circuit circulation". Or, fondamentalement les circuits de ce type ne peuvent pas être acceptés pour deux raisons:

- étant avant tout des circuits monétaires, ils font en quelque sorte abstraction des phénomènes réels,

- ne pouvant à la fois rendre compte de l'augmentation des prix et du chômage ils semblent définitivement invalidés par l'existence de la stagnation. Pour dépasser cette difficulté certains28

pensent qu'il faut se tourner vers une situation de compromis et accepter l'idée d'un circuit ouvert. Pour justifier cette position, ils affirment que les pertes d'information et de compréhension résultant du choix opposé porte atteinte à l'une des principales qualités du circuit économique: son réalisme. Dans la mesure où un circuit ouvert n'est pas un circuit nous pensons pour notre part que cette solution est bien peu satisfaisante. Pour parvenir à une explication de l'augmentation du sous emploi il faut dépasser l'analyse du "circuit circulation": l'étude du chômage involontaire est alors une

2 7Notons que dans le parfait respect de Videntité de l'offre et de la demande globales, les biens peuvent

toujours être écoulés une fois. Si le chômage involontaire se développe c'est parce que certains biens sont proposés à la vente deux fois.

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application privilégiée (analytiquement) de la théorie.

Bien que conformément à la logique la stricte égalité entre l'offre et la demande globales soit respectée, il peut arriver qu'il existe dans l'économie des écarts non nuls entre ces deux grandeurs: lorsqu'une partie de la production fait face à un pouvoir d'achat déjà annulé au profit de la suraccumalation le chômage involontaire se développe indépendamment des anticipations des chefs d'entreprise. Au delà des particularités propres à chaque pays, le développement du chômage s'explique en partie par le fonctionnement même des régimes économiques basés sur le capital; il est donc illusoire d'espérer qu'une reprise de la croissance puisse mettre fin au développement du chômage. En matière d'explication causale du sous-emploi, le temps est peut-être maintenant venu de remplacer le "théorème" d'E SCHMIDT: les profits d'aujourd'hui font l'investissement de demain et l'emploi d'après-demain par ce que l'on pourrait appeler le "théorème" de B SCHMITT selon lequel les profits d'aujourd'hui font l'investissement de demain, mais, via l'amortissement du capital fixe, le sous-emploi d'après-demain.

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