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Dessin inédit d’une mosaïque de Vienne (Isère)

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Dessin inédit d’une mosaïque de Vienne (Isère)

Henri Lavagne

To cite this version:

Henri Lavagne. Dessin inédit d’une mosaïque de Vienne (Isère). Gallia - Fouilles et mon-uments archéologiques en France métropolitaine, Éditions du CNRS, 1979, 37 (1), pp.101-117. �10.3406/galia.1979.1597�. �hal-01935514�

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DESSIN INÉDIT D'UNE MOSAÏQUE DE VIENNE (Isère) par Henri LAVAGNE

L'ouvrage de F. Artaud1, Histoire abrégée de la peinture en mosaïque, suivie de la description des mosaïques de Lyon et du midi de la France, paru à Lyon en 1835, constitue pour toutes les études sur la mosaïque gallo-romaine un travail de référence d'une importance exceptionnelle. Les cinquante-huit planches aquarellées qui composent ce grand in-folio sont précédées d'une brève synthèse sur l'évolution de l'art de la mosaïque, et chaque planche est accompagnée d'une notice succincte qui relate les circonstances de la découverte et donne un bref commentaire sur le style du pavement examiné.

Mais on oublie souvent que ce texte élégant et dense s'appuie sur une recherche considérable, menée sur place par Artaud entre 1812 et 1835, et dont nous avons le

témoignage sous forme de liasses de documents, carnets de notes, croquis, etc. conservés aujourd'hui par les soins de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon2. En dépouillant systématiquement ces manuscrits préparatoires3, nous avons eu la chance de découvrir un dessin d'une mosaïque de Vienne, aujourd'hui détruite, qu'Artaud n'avait pas jugé bon de mettre au net et de reproduire dans son ouvrage, et qui, pour cette raison avait jusqu'ici échappé à l'attention des spécialistes. Ce dessin se présente sous l'aspect d'une simple ébauche, mais les annotations qui le complètent sont suffisamment précises pour qu'il soit possible de restituer la presque totalité des parties manquantes, à l'exception des motifs figurés4. Outre qu'il a l'intérêt de nous montrer comment Artaud lui-même exécutait ses relevés5, ce document nous fait connaître une mosaïque sur laquelle nous n'avions aucun renseignement.

1 Sur ce personnage, cf. H. Lavagne, Un précurseur, F. Artaud, dans Bulletin des Amis d'Orange, n° 68, 1977, p. 8-10.

2 Nous tenons à remercier M. Wasner, Conservateur de la bibliothèque de l'Académie, et M. Hours, Conservateur des Archives municipales, pour l'amabilité avec laquelle ils nous ont reçu. Nous remercions également M. R. Lauxerois, Conservateur des Musées de Vienne, dont l'aide sur le terrain et dans les archives de Sainte-Colombe- les- Vienne, nous a été d'un grand secours.

3 Manuscrit n° 101 (289), tome 1.

4 Nous devons cette restitution à Richard Prudhomme, sans qui cette étude n'aurait pas été possible. 5 Nous ne traiterons pas ici de ce sujet. Il suffît de dire que chaque detail est noté avec minutie (nombre Gallia, 37, 1979.

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1 Vienne. Quartier de Sainte-Colombe, d'après le cadastre de 1808.

L'Invenlaire des Mosaïques de la Gaule6 dû à G. Lafaye, se contente de reprendre deux lignes de J. Savigné qui, dans son Ilisloire de Sainle-Colombe'1, indiquait qu'une mosaïque « d'environ 15 mètres sur 7 » avait été découverte en 1822, « au clos de M. Guilhermet, appelé la Charité, au midi des ruines du Palais du Miroir ». La description, très médiocre, « ronds et carrés entourés d'entrelacs »8 permettait seulement de deviner qu'il devait s'agir d'un pavement dit « à décor multiple », où médaillons circulaires et panneaux carrés étaient disposés en alternance dans une trame en quadrillage. La note d'Artaud n'est guère plus explicite quant à la localisation de la mosaïque : « chez M. Guilhermet, à qui appartient la Tour du Rhône, en 1822, derrière M. Michoud ». Mais il est possible, en étudiant le relevé cadastral de 1808 et le plan de la commune de Sainte- Calombe dressé à la même époque9, de préciser l'emplacement du pavement.

La famille Guilhermet était propriétaire de plusieurs parcelles sur le territoire de la commune, entre le Rhône au nord, le « chemin de Rive-de-Gier à Sainte-Colombe », et l'actuelle route nationale 86 (fig. 1). Mais la seule terre appartenant à un Guilhermet10 d'éléments géométriques composant chaque ornement décoratif, largeur des différentes bordures, couleurs des motifs figurés, etc.). On pourrait donc être tente d'accorder une confiance presque totale aux planches exécutées à partir des relevés d'Artaud. Toutefois, certaines lui ont été envoyées par des coirespondants locaux, et il faut ajouter que les graveurs ne respectent pas toujours l'original qui leur était fourni, comme l'attestent les lettres d'Artaud (correspondance inédite conservée aux Archives municipales d'Orange).

6 G. Lafaye, Inventaire des mosaïques de la Gaule, I, Aarbonnaise, Aquitaine, 1909, n° 202 (cité ci-dessous Inv. Mos. I).

7 E. J. Savigné, Histoire de Sainle-Colombe-lès-Vienne, Vienne, 1906, p. 187.

8 Le texte porte également la mention « séparés par des rosaces », qui nous reste inexplicable. 11 est vrai que Savigné, maire de Sainte-Colombe, n'avait pas de competence particulière en mosaïque et écrit son livre quatre-vingts ans après la découverte.

9 Plan conservé au Service du Cadastre à Lyon. Matrices cadastrales en dépôt aux Archives départementales. 10 « Fleury Guilhermet, aubergiste ».

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MOSAÏQUE DE VIENNE 105 qui soit à la fois « au midi des ruines du Palais du Miroir » et « derrière le terrain de M. Michoud » est celle qui porte le n° cadastral 143. Elle est située à la limite des deux communes de Sainte-Colombe et de Saint-Romain-en-Gal, et Artaud devait nécessairement la connaître puisqu'il était lié avec Michoud qui l'avait autorisé à pratiquer des fouilles dans son terrain en 181 111. Toute la zone limitrophe du Palais du Miroir12 fut d'ailleurs extrêmement fertile en découvertes archéologiques pendant le xixe siècle : « torses, pieds, mains et têtes s'y sont rencontrés par charretées » écrit Artaud13.

On peut penser qu'on est en présence du prolongement du quartier résidentiel de Saint-Romain-en-Gal que les fouilles récentes ont mis au jour. La mosaïque Guilhermet aurait donc orné quelque riche villa suburbaine du faubourg de la rive droite du Rhône. Mais la localisation exacte de cette mosaïque n'a pas simplement un intérêt topographique; elle permet également de la situer à proximité immédiate d'autres pavements qui présentent avec elle des analogies de décor particulièrement frappantes. Ce sont d'une part la mosaïque dite Michoud, trouvée en 1811 (fig. 2)14, et de l'autre, le célèbre pavement représentant Achille à Skyros (fig. 3), dont Artaud nous dit qu'il fut dégagé « dans la même vigne » que la mosaïque des Planèleslà. Or, le plan de situation qu'il fournit16 montre que cette dernière était placée dans la même domus que la mosaïque Michoud. Il est impossible d'assurer avec une certitude absolue que la mosaïque Guilhermet faisait partie du même ensemble architectural que la mosaïque Michoud et celle d'Achille à Skyros, mais il est hors de doute qu'elles sont l'œuvre d'un même atelier, comme le montre l'étude comparée de leur répertoire décoratif.

Les indications portées par Artaud au bas de son dessin, et les dimensions qu'il signale, autorisent à restituer un pavement d'une largeur de 6,40 m. La longueur est plus difficile à déterminer puisqu'il précise : « découvert sur 22 pieds (soit 7,04 m), le reste étant brisé. Il est à présumer que si on cherchait davantage on trouverait peut-être le tableau ». L'hypothèse d'un « tableau », ou pseudo-emft/ema, comme par exemple dans la mosaïque d'Achille à Skyros, quoique probable dans ce genre de pavements à Vienne, n'est qu'une hypothèse. Si l'on adopte le chiffre de 15 m fourni par Savigné pour la longueur, on a les dimensions d'une pièce considérable, avec un pavement qui dépasse les plus grandes surfaces de mosaïques viennoises, puisque la mosaïque d'Achille à Skyros devait avoir 10,88 m x 7,68 m, et l'Hercule ivre 10,33 m x 6 m17. La fonction de la pièce qu'il décorait (triclinium?) reste également du domaine des suppositions.

11 F. Artaud, Histoire abrégée..., p. 80.

12 Sur cet édifice et les fouilles qui y furent pratiquées, cf. J. Leblanc, Le Pont du Rhône entre Vienne et Sainte-Colombe, Palais du Miroir, Tours, 1890, p. 24-25, et Héron de Viliefosse, Le Palais du Miroir à Sainte- Colombe-lez-Vienne, dans Compte rendus Acad. Inscriptions et Belles-Lettres, 1907, p. 60.

13 F. Artaud, Lyon souterrain, Lyon, 1834, p. 104. 14 Inu. Mos. I, n° 200.

15 Ibid., mosaïque d'Achille à Skyros (n° 198), mosaïque des Planètes (ri0 203). 16 Artaud, op. cit., p. 62, 79. 81 et plan de situation, pi. XLV.

17 Hercule ivre, Inv. Mos. I, n° 174. On ne connaît pas encore exactement les dimensions de la mosaïque de Neptune de Besançon. Dans la premiere note publiée sur ce pavement, J.-P. Morel (Informations archéologiques, dans Gallia, 32, 1974, p. 404) donne comme mesures 11 m x 16 m, «si l'on suppose, comme il est vraisemblable, que Vemblema... occupe le milieu de la composition ». Cette hypothèse est très fragile, car dans la plupart des cas connus Vemblema est, au contraire, excentré.

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4 Sainte-Colombe. Mosaïque Guilhermet (sens de lecture des panneaux).

La composition du tapis n'a rien que de très classique : quadrillage droit avec

succession alternée de médaillons circulaires portant dans les écoinçons des motifs animés ou végétaux, et de panneaux carrés renfermant un décor géométrique couvrant la totalité de la surface du caisson (fig. 4 et 5). Chaque panneau (1,06 m) est entouré d'une tresse polychrome (larg. 10,8 cm) à deux brins, l'ensemble étant relié par une double ligne de petits carrés noirs se touchant par les pointes.

Tous les motifs sont dessinés par un double filet de cubes noirs, comme c'est toujours le cas à Vienne18. Seule la bordure innove par rapport aux exemples connus jusqu'ici de cette trame. Dans la mosaïque d'Achille à Skyros, on avait un rinceau végétal relativement simple, dans la mosaïque Michoud une tresse à quatre brins, dans la mosaïque dite Séguin (fig. 6), également trouvée à Sainte-Colombe19 un rare motif d'enroulement végétalisé et un guillochis; ici, la variante consiste à utiliser le méandre de svastika, accompagné d'une large bande de raccord noire (10 cm) et d'une bordure intérieure de trois rangs de cubes également noirs. Ajoutons une dernière notation d'Artaud, sur la technique : « Les cubes sont très fins ». L'état de conservation au moment de la découverte était médiocre, puisque sur les vingt-cinq cases du quadrillage dont l'existence est assurée par le dessin, dix-sept seulement étaient encore visibles au moment du relevé d'Artaud.

Case n° 1 : décor couvrant de sept rangs d'octogones adjacents, noirs, chargés d'un rectangle blanc alternativement couché et dressé.

Case n° 2 : roue de huit carrés sur la pointe, orné chacun d'un double carré emboîté inversé, en opposition de couleurs, ces carrés étant disposés entre les huit pointes d'une étoile blanche,

18 Janine Lancha, Mosaïques géométriques. Les ateliers de Vienne (Isère), Rome, 1977, p. 24. 19 Inv. Mos. I, n° 158.

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MOSAÏQUE DE VIENNE 107 elle-même frappée d'un octogone. Celui-ci devait comporter un remplissage interne, probablement

un fleuron qu'Artaud n'a pas dessiné. Ce motif radial apparaît déjà à Pompéi sous une forme approchante20, et revient à plusieurs reprises dans les pavements à décor multiple, mais presque toujours avec un aspect géométrique plus complexe. Ainsi, dans le 44e caisson de la mosaïque de l'Ivresse d'Hercule (fig. 7) où, entre les branches de l'étoile, s'intercalent des losanges. Nous retrouvons ce jeu de carrés et de losanges dans la case 16, mais beaucoup plus élaboré.

Case n° 3 : probablement déjà détruite au moment où Artaud fit son relevé, car le dessin ne comporte aucune indication sur ce point.

Case n° 4 : en partie « ruinée », note Artaud. Composition d'hexagones en nids d'abeille, chacun étant dessiné par un filet double de cubes noirs. Motif trop fréquent pour qu'on y insiste, car il est employé aussi bien comme décor de fond à toute époque, que comme remplissage de médaillons circulaires dans ce type de mosaïques. On serait d'abord tenté de penser qu'Artaud a oublié de préciser la façon dont était garni chaque hexagone (six-feuilles comme dans un pavement à décor multiple de Lyon21, ou comme dans le 40e caisson de la mosaïque de V Ivresse d'Hercule!), mais il arrive également que ce motif garde sa simplicité linéaire, même au milieu de caissons très travaillés, comme c'est le cas pour le 26e carré de la mosaïque d'Hercule.

Case n° 5 : composition d'hexagones tangents par tous leurs sommets, déterminant des triangles équilatéraux. Les hexagones sont chargés d'un six-feuilles inscrit, en opposition de couleurs. Motif lui aussi très fréquent et bien représenté à l'époque ancienne en Italie, puis, dès l'époque flavienne à Besançon22 et Orange23, le plus souvent avec le six-feuilles inscrit. Par sa structure, il se prête bien à garnir des médaillons circulaires comme dans une mosaïque de Vaison-la-Romaine24 ou dans un caisson de la mosaïque d'Admète à Nîmes25 où les hexagones sont timbrés d'un svastika. Dans les écoinçons, deux motifs typiques des pavements à décor multiple sont notés par Artaud : une amphore « rouge, jaune et blanche », entourée de deux tiges végétales à longues feuilles, et un calice de fleur « vert et bleu clair », encadré par deux feuilles cordiformes « rouges, jaunes et blanches ». L'amphore apparaît, exactement identique, dans le 9e caisson de la mosaïque d'Achille à Skyros; elle est accompagnée de feuilles plus développées, avec des vrilles, dans le 15e caisson de la mosaïque Séguin; dans le 42e caisson de Y Hercule ivre, les vrilles naissent non pas du pied de l'amphore, mais des anses, comme dans le caisson décoré d'un chien courant du pavement n° 187 de l'Inventaire de Lafaye26. Mais la ressemblance la plus proche est à chercher dans le dessin de l'amphore représentée dans la mosaïque Michoud (5e caisson) où les tiges se prolongent, comme ici, par un groupe de trois feuilles élancées. Cette identité de facture dans un détail mineur d'un motif passe-partout est pour nous un indice d'appartenance à un même atelier. Le motif des calices et fleurs est également bien connu dans le décor multiple, même si sa forme plus ou moins végétalisée peut varier avec chaque mosaïste. On citera seulement l'exemple du 20e caisson de la mosaïque d'Hercule, ou le 12e carré de la mosaïque d'Achille à Skyros, ou le 3e de VAdmèle de Nîmes.

Case n° 6 : composition de triangles rectangles adjacents, en opposition de couleurs, qui rayonnent en quatre directions, faisant apparaître un motif en croix de Saint-André constituée par quatre bandes de triangles superposés. C'est une des compositions les plus classiques du décor 20 E. Permce, Pavimenle und fujurhche Mosaiken, t. VI de Die hellenistiche Kunsl in Pompeji, Berlin, 1938, pi. XLVI, 5.

21 Recueil general des mosaïques de la Gaule, Xe suppl. à Galha, II, 1, n° 59, pi. XLI, caisson r. 22 Recueil I, 3, n° 265, avec historique de son évolution en Italie.

23 Recueil III, 1, n° 57.

24 L. H. Labande, Enlèvement de mosaïque romaine à Vaison, dans Mem. Acad. Vaucluse, XXIV, 1905, p. 217-218 et J. Sautei., Vaison dans l'Anliquile, I, p. 29 et n° 2143.

25 Inv. Mos. I, n° 329.

26 Lafaye, Inv. Mos. I, n° 187. Photographie dans J. Lancha, op. cit., fig. 3 bis e, qui signale ces ressemblances, p. 21.

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multiple, héritée de motifs italiques27. Nous la trouvons par exemple dans le 17e caisson de l'Hercule ivre (la couleur des triangles est inversée : noirs sur fond blanc), mais aussi dans le 10e carré de VAchille à Skyros, le 14e de la mosaïque Séguin, le 8e de la mosaïque Michoud, et dans la case c du pavement n° 53 de Lyon, ou j du n° 59 de la même ville.

Case n° 7 : damier de losanges en opposition de couleurs. Composition géométrique très simple, qui peut exister également en opposition de trois couleurs comme dans le 18e caisson de Y Achille à Skyros, mais figure, identique, dans le 13e carré de la mosaïque Michoud, et dans la case y de la mosaïque n° 59 de Lyon.

Case n° 8 : le médaillon circulaire est entièrement rempli par une composition en damier de triangles équilatéraux, en opposition de couleurs. Le dessin n'étant pas achevé sur le document laissé par Artaud, il est possible que le centre du motif ait été un hexagone comme dans le 38e caisson de la mosaïque de VHercule ivre.

Case n° 9 : composition de cercles sécants déterminant des quatre-feuilles blancs et des carrés curvilignes noirs chargés d'une croisette. Motif extrêmement courant aussi bien en tapis de fond que dans le décor multiple. On comparera avec le 19e caisson de Y Achille à Skyros, ou avec le 4e carré de la mosaïque Michoud. On soulignera ici que le filet intérieur qui forme le cadre du carré est à denticules noirs et blancs, comme dans la case n° 14.

Case n° 10 : bouclier de triangles frappé en son centre par un six-feuilles blanc sur fond noir. Thème décoratif des plus fréquents, qui revient particulièrement souvent dans le décor multiple, notamment dans le 7e caisson de la mosaïque Michoud (avec un fleuron au centre), dans le 9e de YAchille à Skyros, dans le 22e de Y Hercule ivre, dans le 13e carré de la mosaïque Séguin et dans la

case g de la mosaïque n° 53 de Lyon.

Case n° 11 : le décor de cette case est plus original et reprend, en réduction, une structure dite « à redans », bien attestée dès l'époque haute en Italie, qui apparaît à Orange dès le Ier siècle28, et connaît son plus grand développement en Gaule et en Suisse à partir de la seconde moitié du ne siècle ap. J.-C. Il semble que la bande de triangles superposés qui souligne les ressauts soit le traitement le plus ancien par rapport à la tresse. Le schéma détermine quatre carrés en encoignures et un carré central. Celui-ci est chargé d'un petit fleuron de type rhodanien courant (quatre pétales lancéolés en croix entre quatre pétales cordiformes) dont la vive polychromie est notée par Artaud : « La fleur du milieu est rouge, blanche, et jaune, les cœurs verts et bleus. » Dans les quatre carrés d'angle, coquille alternant avec un fleuron composite formé de quatre calices pointus. Le schéma à redans dans le décor multiple n'est pas inconnu, mais il est souvent plus élaboré : dans le 9e caisson de Y Hercule ivre, il détermine huit ressauts, avec un traitement analogue en lignes de triangles superposés, mais dans le 27e carré, il est rendu par une tresse, avec dans les deux cas, des remplissages purement géométriques. Les coquilles ici représentées sont présentes dans les 22e et 32e caissons de YHercule ivre, dans le 10e carré de la mosaïque Séguin (quoique beaucoup plus développées) et dans le 28e de Y Achille à Skyros.

Case n° 12 : composition couvrante de caissons bipartites losanges en opposition de couleurs. Sous cette forme, le motif n'apparaît dans aucun autre exemple de décor multiple.

Case n° 13 : probablement le médaillon le plus soigné de toute la mosaïque. On remarque qu'il est le seul à comporter une double bordure interne, constituée par deux lignes de postes opposées de part et d'autre d'un filet blanc. Le centre du médaillon est couvert par une composition de cubes adjacents d'une belle polychromie (rouge, vert, jaune, relève Artaud), avec effet de trompe-l'œil. Dans la mosaïque d'Achille à Skyros, un médaillon analogue (le 18e caisson) est à rapprocher, à la 27 Pernice, op. cit., pi. XVIII, 2. — Cf. également un exemple à Aquilée (dans Fasti Archeologici, X, 1957, p. 342, n° 4292, fig. 110) et à Altino (dans Not. Seau., 1930, p. 464, fig. 4).

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MOSAÏQUE DE VIENNE 109 fois par sa double bordure de postes, par son décor très apparenté (le damier de losanges) et une polychromie également recherchée. Dans les deux mosaïques, il occupe une position à part, au milieu de médaillons et de panneaux carrés qui ne comportent aucune bordure intérieure29. Ce trait peut également indiquer une origine commune aux deux pavements. Le 19e et le 34e caissons de la mosaïque d'Hercule ivre, quoique légèrement différents, sont traités dans le même esprit. Dans les écoinçons, les remplissages figurés appartiennent au répertoire traditionnel du décor multiple : les doubles rhytons sont identiques à ceux de la mosaïque Séguin (15e caisson), mais apparaissaient aussi dans le 12e caisson de la mosaïque d'Hercule (avant sa restauration), à l'état simple, comme dans le fragment FI du pavement n° 213 de l'Inventaire30. Les deux autres écoinçons sont remplis par des calices à deux corolles, accompagnées de deux feuilles allongées, l'ensemble étant polychrome.

Case n° 14 : damier de losanges blancs et noirs, traité en chevrons décalés, ici souligné à l'intérieur du cadre du carré par une ligne denticulée comme dans le caisson 9. Il est intéressant de relever que ce détail est commun avec les quinze panneaux de la mosaïque Michoud et avec les 12e et 14e caissons de la mosaïque Séguin, alors que cette particularité est absente de toutes les autres mosaïques à décor multiple de la vallée du Rhône. On la retrouve toutefois dans trois panneaux de la mosaïque d'Ouzouer-sur-Trézée31. Ce trait est ancien, fréquemment attesté à Pompéi32 et dans les mosaïques du Ier siècle de la Provence romaine, à Orange, Vaison, Apt33, etc. Le damier de losanges existe également dans la mosaïque n° 53 de Lyon (case ce).

Case n° 15 : à partir d'un hexagone central chargé d'une étoile à six pointes, composition radiale de triangles équilatéraux rayonnant en six directions, et séparés par des bandes d'épines noires sur fond blanc. Ce schéma est une variante de celui qui figure à la case n° 6. On le retrouve également dans le 12e caisson de la mosaïque d'Achille à Skyros. Dans les écoinçons, quatre dauphins en positions opposées, dont Artaud donne les couleurs : « corps vert et bleu-clair, nageoires et queue rouges ». Ces dauphins, dont la forme sinueuse prête souvent à garnir des écoinçons, se retrouvent également dans le 16e caisson du pavement d'Achille et dans le 6e de V Hercule ivre, sans oublier le fragment F2 du n° 213 de V Inventaire3*.

Case n° 16 : c'est la composition géométrique la plus complexe de tout le pavement. Au centre, une étoile de six losanges polychromes est inscrite dans un hexagone à fond noir, flanqué sur ses côtés de six carrés alternativement roses et blancs sur fond noir (carré emboîté inversé) ; entre ces carrés sont disposés six losanges quadripartites en opposition de couleurs. Sur ce motif s'appuie une seconde rangée composée de carrés sur la pointe, en ligne concentrique à la première. Enfin, sur les côtés des six premiers carrés sont placés six triangles équilatéraux qui complètent ainsi les pointes d'une étoile à douze branches dont les six autres sont les losanges quadripartites. Ce jeu très savant sur l'hexagone, le carré et le losange étroitement imbriqués, est, en fait, la complication du motif de la case 2. Il est à comparer également avec les 10e et 44e caissons de la mosaïque d'Hercule ou avec le 22e de la mosaïque d'Achille, ou encore avec la case z de la mosaïque n° 53 de Lyon. Mais dans ces trois derniers cas, la construction du motif est fondée sur les rectangles qui s'appuient sur les côtés de l'hexagone central, alors que dans notre mosaïque, le motif de base qui permet cet combinaisons est le carré, comme dans la case o de la mosaïque n° 59 de Lyon. On peut également noter des compositions presque analogues dans le 9e caisson de la mosaïque Michoud, ou le 15e de

29 Le fait est remarqué par J. Lancha (op. cit., p. 21). 30 Lancha, op. cil., fig. 8.

31 Recueil II, 3, n° 467, caissons i, o, r.

32 M. L. Morricone-Matini, Mosaici a casseltoni del 1° secolo a.c, dans Archeologica classica, XVII, 1965, p. 86, n. 33.

33 Pour Orange, Recueil III, 1, 38; Apt, n° 199. Pour Vaison, cf. H. Lavagne, Trois mosaïques inédites de Vaison-la-Romaine et de Sainl-Paul-Trois-Châleaux, dans Revue archéologique de Narbonnaise, X, 1977, p. 172, flg. 1.

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MOSAÏQUE DE VIENNE 111 la mosaïque Séguin. Dans les écoinçons, le dessin d'Artaud donne deux volatiles, du type caille ou perdrix, polychromes. Ce motif est très répandu dans les écoinçons des mosaïques viennoises, particulièrement dans V Hercule ivre (caissons nos 2, 8, 16, 24, 28), mais aussi dans le fragment d du pavement n° 187 de l'Inventaire*5, et dans les panneaux a et c du n° 19736. Dans la mosaïque Michoud, les oiseaux reparaissent également, mais un peu différents puisqu'ils picorent une branche.

Case n° 17 : damier de losanges chargés alternativement d'un petit losange en position inversée, ou d'un carré sur la pointe blanc, inscrivant lui-même un carré noir droit. Composition très rare, qui ne se retrouve que dans la mosaïque Michoud (2e caisson), avec une légère variante qui est l'absence du carré emboîté en opposition de couleurs.

Case n° 18 : composition de six lignes concentriques de peltes noires sur fond blanc. La dernière rangée avant le cercle central est une simple ligne de festons noirs. Dans un écoinçon, un canard, le reste n'ayant pas été dessiné. Le motif des peltes en rangs concentriques est assez rare, même dans le décor multiple. On le rencontre une fois dans la mosaïque Michoud (3e caisson), avec le même canthare au centre du cercle, mais aussi dans les fragments F2 et F4 de la mosaïque n° 213 de Y Inventaire37. C'est une variante plus stylisée dans laquelle les peltes ne sont que des écailles, que l'on peut relever dans un caisson d'une mosaïque de Lyon38, ou dans la mosaïque de Neptune récemment découverte à Besançon39.

L'analyse détaillée de ces motifs, et le relevé des comparaisons auxquelles elle entraîne, si fastidieux qu'il y paraisse, était néanmoins nécessaire pour préciser la place de ce pavement dans une série bien illustrée, particulièrement à Vienne et à Lyon. Une partie du décor (cases 4, 5, 7, 8, 9, 10, 12) appartient à un répertoire ornemental très communément utilisé par toutes les mosaïques qui participent de ce que l'on appelle le « décor multiple », les autres motifs (cases 2, 6, 11, 13, 15, 17, 18) sont plus originaux et ne se retrouvent que dans la mosaïque Michoud, la mosaïque Séguin et le pavement cVAchille à Skyros. Encore faut-il souligner que la proportion des traits communs avec la mosaïque Michoud est nettement plus forte, dans la mesure où celle-ci ne comporte que quatorze cases

conservées, contre vingt et une dans YAchille chez Lycomède. Si l'on rappelle que la mosaïque Michoud était située à proximité immédiate de la mosaïque Guilhermet, il paraît légitime de considérer qu'elles sont toutes les deux les œuvres d'un même atelier travaillant peut- être pour le même propriétaire. Il nous semble simplement probable que le pavement d'Achille à Skyros doit être également attribué à cet atelier. On restera plus sceptique sur l'appartenance de la mosaïque Séguin à cette même série, son caractère très lacunaire interdisant, au reste, des rapprochements suffisamment nombreux pour être probants. Ces trois mosaïques viennoises ne sont malheureusement pas datées de façon sûre, et leur confrontation avec la mosaïque Guilhermet ne peut donc servir à situer — ipso facto — celle-ci dans le temps. On pourrait être tenté d'avoir recours aux pavements trouvés dans le Couvent du « Verbe Incarné » à Lyon40, dont nous avons noté certaines analogies avec la mosaïque qui nous occupe, mais, là encore, les datations sont contestées. Il nous faut

35 Ibid., fig. 3 bis, fragment d. 36 Ibid., fig. 4.

37 Ibid., fig. 8.

38 Becueil II, 1, n° 59, caisson a.

39 Cf. Informations archéologiques, dans Gallia, 32, 1974, p. 405, fis*. 6. Autreexemple à Biches, dans Becueil II, n° 335, case 6.

40 Sur cette série découverte dans le Couvent du « Verbe incarné », à Lyon (rue Roger-Radisson) voir H. Stern, Becueil II, 1, p. 49-59 et la discussion des datations proposées par Kl. Parlasca, p. 59-60.

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112 HENRI LAVAGNE

donc reprendre l'examen de ce dossier pour essayer de préciser la place — au moins dans une chronologie relative — de la mosaïque Guilhermet.

Dans un article réunissant les principaux exemples du « décor multiple » dans la Vallée du Rhône, II. Stern41 a montré que ce répertoire était commun à divers types de trames, notamment au quadrillage droit (ou en échiquier), et à sa variante, le quadrillage de bandes croisées. Par la suite42, le même auteur a précisé la datation qu'il avait proposée (première moitié du me siècle) en indiquant que la mosaïque de YHercule ivre et le pavement en quadrillage de bandes croisées n° 173 de Y Inventaire, appartenaient au même atelier, travaillant « dans la deuxième et troisième décade du 111e siècle », situant du même coup les mosaïques de Lyon nos 53, 58, 59 («Verbe Incarné») du Recueil à la même époque. L'ouvrage récent de Janine Lancha43 remet en cause cette datation traditionnellement admise et propose une évolution chronologique dans laquelle les deux séries de trames se succéderaient. Dans une première phase (première moitié du ne siècle) apparaîtraient les quadrillages droits, puis, entre 150 et 220, se développerait une deuxième phase au cours de laquelle le quadrillage de bandes croisées remplacerait le quadrillage droit, en lui empruntant des éléments de son répertoire décoratif. Selon Mlle Lancha, trois pavements pourraient illustrer ces différents tournants : la mosaïque de YHercule ivre serait à situer dans le troisième quart du IIe siècle et constituerait « le chef-d'œuvre du décor multiple » dans une grille en quadrillage droit; le n° 173 de Y Inventaire aurait été «posé sans doute en même temps ou peu après », et serait « la première ébauche du quadrillage de bandes croisées inspiré des réussites du canevas à décor multiple »44. Dans « le dernier quart du IIe siècle ou au début du me siècle », on placerait le n° 190 de Y Inventaire (aujourd'hui

au Musée Saint-Pierre de Vienne), qui représenterait «la forme la plus achevée du quadrillage de bandes croisées ». La mosaïque d'Anse (Rhône)45 ferait la charnière entre ces deux phases puisqu'on y voit un « assemblage de ces deux canevas ». Il faudrait la dater du « troisième quart du IIe siècle ». La séquence ainsi proposée retient de l'analyse d'H. Stern, que YHercule ivre (n° 174) et le n° 173 de Y Inventaire appartiennent bien au même atelier, mais elle les remonte tous les deux au troisième quart du ne siècle. Ce décalage n'est pas sans importance puisqu'il entraîne à sa suite les mosaïques de Lyon construites sur les mêmes canevas; et notamment la plus grande des mosaïques du « Verbe incarné »46 qui passe du premier quart du me siècle (selon H. Stern) au troisième quart du ne siècle pour J. Lancha.

Le point d'ancrage de cette nouvelle chronologie est évidemment la date des nos 173 et 174 de Vienne. Si l'on accepte l'hypothèse d'A. Pelletier47 dans sa thèse sur Vienne, qui indique que ces deux pavements faisaient partie d'une même domus détruite à la fin 41 H. Stern, Ateliers de mosaïstes rhodaniens d'époque gallo-romaine, dans Colloque de la mosaïque greco- romaine, Paris, 1963, p. 233-243.

42 Id., Deux mosaïques de Vienne, dans Monuments Piot, 56, 1965, p. 42. 43 Cf. n. 18.

44 Lancha, ibid., p. 30.

45 Pour Anse, Recueil II, 3, n° 175. 46 Recueil II, 1, n° 53.

47 A. Pelletier, Vienne antique de la conquête romaine aux invasions alamanniques. Exemplaire dactylographié, I, p. 326.

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114 HENRI LAVAGNE

du 11e siècle, et que le quartier où elle était située sur la rive gauche du Rhône, une fois inondé par une crue catastrophique, ne fut pas réoccupé par la suite, nous tenons là un terminus de première importance : en tout état de cause, les nos 173 et 174 de Vienne ne sauraient plus être placés au ine siècle, comme le voulait H. Stern.

On pourrait étayer cette affirmation en soulignant qu'à Lyon, on peut également s'appuyer sur un terminus acceptable, pour trois des mosaïques du « Verbe Incarné » :

d'une part, la présence d'un diplôme militaire trouvé sur le pavement en quadrillage de bandes croisées n° 53, et daté du 16 mars 192, de l'autre, l'incendie de Lyon en 197 lors de la victoire de Septime-Sévère sur Albin. Cet événement est précisément rattaché à l'histoire de ces mosaïques par Kl. Parlasca48 qui veut dater les réparations apportées à la mosaïque n° 61 des lendemains de la victoire sur Albin. Or, pour II. Stern, les

réparations visibles sur la mosaïque n° 58 (en quadrillage droit, et assez proche de notre mosaïque Guilhermet par ses remplissages géométriques) sont « probablement de la même main que celles du n° 61». En admettant que l'ensemble des pavements du «Verbe incarné» (nos 53 à 63) soit bien homogène, comme l'affirme II. Stern, la fin du IIe siècle et l'incendie de 197 pourraient constituer, pour Lyon, un terminus analogue à celui de l'inondation des quartiers riverains du Rhône à Vienne.

Si ces recoupements étaient fondés49, on aurait là le moyen de rapprocher la

production de Vienne et celle de Lyon qui, à tant d'égards, mais surtout pour ces deux types de trames, apparaissent liés par des rapports étroits, au point que II. Stern n'hésitait pas à « attribuer à un même atelier, sans doute fixé à Vienne » les pavements nos 53, 58, 59 de Lyon et les numéros 158, 198 et 200 de Sainte-Colombe50. La mosaïque Guilhermet, appartenant à cette série, se trouverait ainsi datée avant la fin du ne siècle.

Cette théorie, relativement satisfaisante pour l'esprit, si elle ne vise qu'à proposer un terminus post quern à cet ensemble de mosaïques, est beaucoup plus contestable lorsqu'il s'agit de fixer le terminus ante quern et de faire évoluer les deux séries de trames l'une par rapport à l'autre, comme le fait J. Lancha. L'auteur, en effet, commence par admettre un postulat éminemment contestable et qui est le « décalage d'un demi-siècle environ existant entre l'utilisation d'un canevas en Italie et sa forme provinciale ». A partir de cette prémisse gratuite, elle fixe à 150 après J.-C. la date avant laquelle le quadrillage de bandes croisées de la mosaïque n° 173 de Vienne ne saurait avoir été exécuté. A supposer même que l'on accepte ce postulat, la succession quadrillage droit chargé d'un décor multiple, puis, après 150, quadrillage de bandes croisées, ne s'impose pas pour autant.

48 Kl. Parlasca, Die rômischen Mosaiken in Deutschland, Berlin, 1959, p. 48, n. 1.

49 M. F. Boucher nous a fait remarquer que l'inondation du quartier de Saint-Romain-en-Gal, de Sainte- Colombe et du chantier de la Plaine reste une hypothèse de travail. En effet, on ne trouve nulle part de couche de limon datable du debut du me siècle, et susceptible de correspondre à un tel événement. Cependant, il est indéniable que la grande période de développement de Saint-Romain-en-Gal semble avoir été le ne siècle, comme l'atteste un abondant matériel trouvé en stratigraphie, alors qu'on est obligé de constater l'extrême rareté d'éléments datables du me siècle. De la même façon, pour Lyon, les repercussions de l'incendie de 197 ne sont qu'indirectement décelables, mais la presque totalité de la céramique récupérée dans les nouvelles fouilles du Couvent du « Verbe Incarné » par M. Lasfargues se situe avant cette date. Il est à souhaiter que la poursuite des sondages dans la zone des riches villas dégagées de 1911 à 1914 par G. M. Montauzan, permette d'en établir de façon catégorique la datation.

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MOSAÏQUE DE VIENNE 115 Un détail du décor des quadrillages sur lequel l'attention n'a pas été suffisamment attirée, et qui est la présence des bordures intérieures, inviterait plutôt à considérer que ces deux variantes d'une même trame se développent parallèlement.

On s'accorde à penser que, dans le répertoire du décor multiple, les bordures intérieures de chaque panneau (qui peuvent revêtir les formes de lignes de carrés sur la pointe, lignes de triangles superposés, chevrons, etc.) sont les restes, ou les organes-témoins de leur origine italique, que l'on doit chercher dans les mosaïques à caissons de l'époque républicaine et proto-augustéenne. Le meilleur exemple, en Gaule, en est la grande mosaïque d'Orange51 à placer dans la première moitié du Ier siècle. La dérivation des mosaïques « a cassettoni » est encore très évidente : les petits panneaux qui composent le quadrillage ont chacun une bordure intérieure et un fleuron simplifié, qui s'enlève sur fond noir, rappelant le décor des plafonds à lacunaria de Pompéi.

Quant à l'utilisation dans la vallée du Rhône du schéma à quadrillage de bandes croisées, elle apparaît bien contemporaine et non postérieure. On en a un témoignage dans un fragment trouvé à Aix-en-Provence52, daté du début du Ier siècle par les fouilleurs, dans un pavement d'Orange53 probablement du milieu du Ier siècle, et dans une mosaïque mutilée de Vaison-la-Romaine, probablement du début du me siècle54. Dans ces trois exemples, les panneaux du quadrillage ne comportent aucune bordure intérieure, comme c'était déjà le cas dans les mosaïques italiques dont ils reprennent les schémas, et certains remplissages géométriques simples55. Même dans la partie Nord de la Gaule, la composition en quadrillage de bandes croisées apparaît à époque haute sous une forme très proche56.

Le premier cas qui montre que les deux schémas, quadrillage droit et quadrillage de bandes croisées se côtoient et s'empruntent réciproquement leur répertoire décoratif nous semble être un pavement de Vienne57, aujourd'hui au Musée Saint-Pierre. Son caractère hybride se traduit précisément par la présence de petits caissons carrés ornementés intérieurement d'une ligne de triangles superposés. Or, cette mosaïque a toutes les caractéristiques d'un pavement d'époque ancienne : finesse de la technique, sobriété de la "polychromie (noir, rouge, blanc, et un jaune seulement dans la tresse), austérité des remplissages géométriques (motifs emboîtés dans les losanges et les petits carrés

d'intersection), simplicité des fleurons dans des caissons de dimensions très réduites (identiques à ceux de la mosaïque d'Orange, et sur fond noir), aspect très classique de Yemblema central (tête de vieillard, ou masque, dans un bouclier d'écaillés bi-partites noires et blanches), schématisme du rinceau à boules qui rappelle les exemples particulièrement grêles de

51 H. Lavaginf, Recueil III, 1, n° 58.

52 Informations archéologiques, dans Gallia, XVIII, 1960, p. 302, flg. 22. 53 Recueil III, 1, n» 45.

54 J. Lassus, Remarques sur les mosaïques de Vaison-la-Romatne, dans Gallia. XXVIII, 70, p. 61, fig. 3. 55 Exemples à Mantoue dans N. Se, 1970, p. 11, flg. 5 ; à Padoue, dans Atli Memorie delV Accademia Palavina, LXV, 1952-1953, p. 176 et s. ; à Libarna dans Rlake, I, p. 110 et pi. 40, 1 ; à Imola, dans .V. Se, 1900, p. 251, flg. 3 ; à Spolete, dans N. Se, 1886, p. 327, et 1913, p. 66. Trois exemples, également anciens, à Nîmes, dans E. Espérandieu, Les mosaïques antiques de Nîmes, Pans, 1939, n08 16, 35, 47.

56 Exemples de Nizy-le-Comte, dans Recueil I, 1, 49 B et I, 2, p. 14, et de Naix-aux-Forges, dans Recueil I, 2, n° 244. Ces deux pavements sont datés respectivement de 120-140, et du « iie-me siècle ».

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116 HENRI LAVAGNE

Pompéi, l'ensemble étant ceinturé par une large bordure noire; tous les traits en font indiscutablement une mosaïque ancienne et non pas, comme le propose J. Lancha, un point d'aboutissement. Nous la daterions volontiers des années 120-140, comme la mosaïque de Nizy-le-Comte dont elle reprend le motif (rare), de l'étoile à quatre pointes chargée d'un carré concave.

De la même façon, et à peu près contemporaine, serait à placer la mosaïque d'Anse58, où l'on voit dans la bordure alterner les caissons les plus traditionnels entourés

intérieurement de lignes de triangles superposés, de lignes de carrés se touchant par la pointe, de chevrons, tandis que le champ lui-même est constitué par les cases d'un quadrillage à bandes croisées où figurent des remplissages de type classique, notamment la roue tournoyante59, ou les scula qui figurent sur les pavements et les plafonds d'époque républicaine. Les autres éléments décoratifs confirment cette impression d'ancienneté, tout

particulièrement la bordure en proues de navires qui apparaît précisément dans un pavement à caissons de Rome, daté du milieu du Ier siècle avant J.-G.60, ou encore le motif cordiforme de la seconde bordure intérieure assez proche d'un exemple pompéien61, et d'une bordure d'une mosaïque de Saint-Paul-Trois-Châteaux62, que nous datons du Ier siècle. La mosaïque d'Anse ne nous paraît donc pas devoir être datée du troisième quart du 11e siècle, encore moins de l'époque sévérienne63, mais bien du début du ne siècle, comme on l'avait proposé lors de la première publication64.

Ainsi les mosaïques nos 190 de Vienne et 175 d'Anse ne marquent pas, selon nous, un « achèvement », ou la victoire du schéma à quadrillage de bandes croisées sur le quadrillage droit dont il conserverait quelques traces; elles constituent, au contraire, le témoignage d'un moment charnière de l'évolution où les deux trames qui se sont développées parallèlement finissent par se rejoindre en puisant l'une et l'autre à une même source, qui est le décor multiple. Celui-ci n'est pas lié à un quadrillage particulier65, mais offre seulement un répertoire commode pour les ateliers qui, au début du IIe siècle, utilisent concuremment le quadrillage droit et le quadrillage de bandes croisées.

On n'en voudra pour preuve que la grande mosaïque du « Verbe Incarné »6*, très justement rapprochée de la mosaïque d'Anse, jusqu'à proposer qu'elle soit de la «même époque et du même atelier »67. On ajoutera à ce rapprochement, celui de la mosaïque n° 190 de Vienne. En effet, dans cette dernière, on note que les caissons sont presque identiques aux trois premiers panneaux carrés de la mosaïque du «Verbe Incarné» (rangées extérieures

58 Recueil II, 3, n° 175.

59 On retrouve ce motif, notamment à Naix-aux Forges, à Orange (Recueil II, 3, n° 58), à Luc-en-Diois {Inv., n° 46).

60 M. L. Morricone-Matini, op. cit., p. 82-88. 61 Permce, op. cit., pi. 50, 4.

62 Recueil III, 1, n° 103.

63 Datation proposée par H. Stern et M. Blanchard-Lemee, dans Recueil II, 3, n° 175, p. 31. 64 P. -M. Duval, J. Guey, Les mosaïques de la Grange-du-Bief, dans Gallia, XVIII, 1960, p. 102. 65 On le trouve dans des compositions en étoiles de huit losanges (par exemple à Besançon, dans Recueil 1, 3, n° 302 ; Riez, dans Inv., n08 11, 12, etc.).

66 Lyon, Recueil II, 1, n° 53. 67 Cf. n. 63.

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MOSAÏQUE DE VIENNE 117 a, e, i), le quatrième caisson (caisson h) apparaissant dans la seconde mosaïque d'Anse68. Si on ne considérait que les rangées extérieures de la mosaïque lyonnaise, nul doute que la répétition des motifs géométriques qui remplissent les cases carrées (rectangles et losanges étant simplement emboîtés) n'orienterait la comparaison avec des mosaïques du type de celle de Vienne n° 190. Au contraire, à ne prendre en compte que les rangées intérieures de ce pavement, on serait tenté de ne penser qu'à la variété des remplissages dans les mosaïques viennoises les plus élaborées, ou encore aux motifs couvrants des pavements en quadrillage droit, tels que les mosaïques Séguin, Michoud, ou Y Achille à Skyros de Sainte-Colombe. Examinons les motifs couvrants des carrés c, d, g, z, de la mosaïque du « Verbe Incarné » : on constate que ce sont ceux des mosaïques à quadrillage précédemment cités, et tout particulièrement ceux de notre mosaïque Guilhermet (c, d, g, z, y figurent). La mosaïque en quadrillage droit de Lyon (n° 59) olïre même à la fois des motifs couvrants, traditionnels dans cette trame, et deux panneaux carrés divisés en quatre éléments (panneau g, et p) qui regroupent, comme en une sorte de compendium des motifs de quadrillage de bandes croisées, et notamment les trois premiers caissons de la mosaïque lyonnaise n° 53. On voit par cette intrication des thèmes ornementaux et ces multiples rappels de motifs, combien les deux séries de trames sont liées dans leur développement, sans qu'il soit possible de distinguer une succession chronologique dans leur apparition et leur vogue. On peut seulement tirer argument de la plus ou moins grande fréquence des emprunts dans les remplissages qui chargent l'une et l'autre pour en déduire que les pavements les plus composites dans leur décor ont toutes chances d'être les plus tardifs, c'est-à-dire de la fin du ne siècle, tels la grande mosaïque du « Verbe Incarné », ou le pavement n° 59 qui était placé à côté d'elle. La mosaïque Guilhermet, comme la mosaïque d'Achille à Skyros, ou le pavement Michoud, par leur registre un peu moins étendu, sont probablement légèrement antérieures.

La conclusion qui nous paraît s'imposer est qu'il est vain de vouloir discerner une évolution chronologique dans l'utilisation de ces deux trames à l'intérieur du ne siècle. La confrontation des exemples de Lyon et de Vienne est suffisamment claire en elle-même. Dans les deux villes les plus fécondes en découvertes de mosaïques, il se trouve que nous avons deux domus dans lesquelles voisinent des pavements représentant des exemples typiques de canevas en quadrillage droit et de trames en quadrillages de bandes croisées. Pourquoi se refuser à les considérer comme contemporains et ne pas y voir le reflet de deux courants artistiques également à la mode? Les liens d'atelier entre Vienne et Lyon apparaissent si nombreux qu'il n'est pas étonnant de trouver deux schémas de

constructions très voisins, objets d'une même vogue et à la même époque, dans deux cités très proches.

Henri Lavagne. 68 Recueil II, 2, n" 182.

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