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Vers une compréhension conceptuelle de l'interculturel : conception et réalisation d'une grille de médiation interculturelle

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Academic year: 2021

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Submitted on 18 Aug 2018

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interculturelle

Amel Maouchi

To cite this version:

Amel Maouchi. Vers une compréhension conceptuelle de l’interculturel : conception et réalisation d’une grille de médiation interculturelle. Colloque international “ Acteurs et formes de médiation pour le dialogue interculturel ”, (Université de Padoue), 2016, Padova, Italie. �hal-01858006�

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Vers une compréhension conceptuelle de l’interculturel :

conception et réalisation d’une grille de médiation interculturelle

Amel Maouchi

Université les Frères Mentouri Constantine1

The literary text as social and cultural imaginary is recognized intercultural literature like a mediator in the meeting and the discovery of the other. This is an excellent gateway to teach otherness and intercultural dialogue to reconcile the universal and the individual.

How to select and adapt a literary text for intercultural awareness? Any text is it carrying interculturalism? What type of literary text improves intercultural competence of learners, what type turns them into "intercultural speaker"?

We propose in this paper to present a cross-cultural grid designed as part of a doctoral thesis in the field of science and literary texts that could measure the degree of interculturalism of a literary text.

L’objectif de cette contribution est de concevoir une grille1 capable de surmonter quelques difficultés qui entravent la communication interculturelle tout en restant attentifs aux spécificités du texte littéraire.

FAISABILITE : La faisabilité s’est largement inspirée de travaux antérieurs de chercheurs qui ont montré qu’en utilisant des dimensions de valeurs, les cultures peuvent être comparées. Les classifications les plus répandues dans la littérature interculturelle sont :

- La grille d’analyse des conduites culturelles du psychosociologue néerlandais Geert Hofstede, généralement appelée Dimensions Hofstede (Hofstede1994), exploitée à l’heure actuelle par les spécialistes et praticiens de l’interculturel et qui aident à mieux comprendre les interactions interculturelles dans des situations pratiques.

-Les recherches de l’anthropologue Thomas Hall (Hall 1990) ont complété celles de Hofstede, en suggérant les principaux facteurs culturels. Hall invite à étudier les cultures sous trois angles : le

temps, l’espace et le contexte de communication.

-Les travaux de Fons Trompenaars et Charles

Hampden-Turner(Hampden-Turner&Trompenars 1997)notamment leur taxonomie définissant sept dimensions de la culture dont les cinq premières concernent les relations humaines.

CONTEXTE D’ELABORATION DE LA GRILLE

1 En concevant une Grille d’interrogation et de lecture des déterminants socio-culturels, des manières d’être et d’agir de

l’Autre, Michel Sauquet, formateur en communication interculturelle, explique que le mot « grille » « est malheureux parce

qu’il peut donner l’idée d’une démarche de mise en catégories, de typologie, d’enfermement », in « Grille d’interrogation et de lecture des déterminants socio-culturels des manières d’être et d’agir de l’Autre », 2009, [En ligne] <http://www.la-guilde.org/IMG/pdf/grille.d_interrogation.michel-sauquet.pdf,>, (page consultée le 10/02/2011), sauf que nous y recourons tout de même car Pierre Bourdieu, en décrivant le capital culturel part du principe que « nous sommes tous des classeurs

classés ». Pierre Bourdieu cité par Louis Porcher dans « L’alter ego-Hommage à Pierre Bourdieur », in Groux, D.(direction)

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Fournir un outil capable de mesurer le degré d’interculturalité d’un texte est à notre sens un défi à relever, mais qui ne sera pas sans utilité puisqu’il permettra non seulement de sortir de cet empirisme dans lequel est cloisonné le concept de l’interculturel mais aussi d’opérationnaliser quelques concepts issus d’approches interculturelles variées.

En effet, il existe peu de recherches qui s’intéressent à la conception d’outils dynamiques. Le champ se montre encore démuni et peu de moyens sont donc actuellement exploités visant l’élargissement du champ de l’éducation interculturelle. La carence est reconnue par Jacques Demorgon qui signale dans son article intitulé « L’interculturel entre réception et invention. Contextes, médias, concepts » (Demorgon 2003 :43-70) que les questions et les soupçons demeureront autour de cette notion du moment où le champ de l’interculturel laisse à désirer sur le plan conceptuel. Il n’hésite pas à souligner certaines insuffisances relevées par quelques partisans de l’interculturel. Gilles Verbunt (Verbunt 2001 :10). par exemple note que « l’outillage conceptuel traditionnel est incapable de décrire de façon adéquate ce qui se passe »

Une autre critique faite par Lucette Colin et Remi Hess (Hess 2003, XI). : « S’il n’y a pas encore de théorie de l’interculturel, c’est parce qu’il est le résidu des théories qui n’ont pas su intégrer sa réalité et sa signification. ».

Pour contribuer à la constitution de ce champ, Demorgon pense avec Roselyne de Villanova, Marie-Antoinette Hily et Gabrielle Varro (Varro 2001 :1) « qu’il faut aller de la notion aux pratiques » et construire selon Gille Deleuze (Deleuze 1990). « […] des concepts capables de mouvements intellectuels ».

La grille qui puise son architecture globale du CECR(2001)2 sera l’outil qui guidera l’enseignant lors de l’élaboration de son cours sur l’interculturalité et lors du choix du texte à utiliser avec ses apprenants. Les descripteurs de la grille orienteront les réponses possibles, relatives à l’interculturel et à sa mise en place.

Le recours à la grille s’explique aussi par les caractéristiques de la notion d’interculturalité considérée comme un fait de société exigeant une approche pragmatique, qui certes en tant qu’action ne permet ni de la décrire, ni de la définir mais plutôt de la cataloguer et de la classer pour reprendre les propos de Martine Abdallah-Prétceille qui explique que la notion d’interculturalité n’est qu’« un indice de quelque chose que le chercheur se doit d’évaluer et de cerner. » (Abdallah-Prétceille, 1996 :1).

RÔLE ET FONCTIONS DE LA GRILLE

Le cœur de ce travail est cette perspective qui mobilise bon nombre de théories voire d’études et recherches interculturelles, afin de bâtir et de mettre au point, à l’appui de leur outillage conceptuel, une grille structurée en quatre niveaux et qui aura pour fonction globale de décrire, d’évaluer, de catégoriser et d’identifier les caractéristiques d’un texte littéraire susceptible d’être proposé pour/à des fins interculturelles.

La démarche vise à autonomiser l’enseignant. Elle met en avant une lecture interculturelle du texte littéraire, favorisant une sensibilisation interculturelle à la fois de l’enseignant et de l’apprenant. Elle encourage l’enseignant à porter un regard nouveau sur le texte littéraire, sur son utilité et sur son exploitation. Elle permet aussi une compréhension conceptuelle de l’interculturel. Globalement, la grille a l’intention de fournir:

2 Nous nous sommes imprégnée de l’esprit du Cadre Européen Commun de Référence pour les langues vivantes. Ce dernier

s’adresse à tous les acteurs de l’enseignement/apprentissage des langues partout dans le monde. Il part de l’analyse des besoins des apprenants et offre une base pour la définition des compétences langagières et culturelles.

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des éléments pour analyser les textes littéraires et juger de leur dimension interculturelle ; des balises à la base desquelles on pourrait choisir et mettre à la disposition des élèves des

textes littéraires dont la charge interculturelle est assez riche ;

Cette grille, avec ses niveaux d’approche, évitera une exploitation superficielle du texte : « il est souhaitable d’éviter de les exploiter (parlant des documents authentiques utilisés en classe) selon une approche simplement descriptive, ethnographique, culturaliste, où la culture de l’autre est considérée comme un objet statique à décoder. » (De Carlo 2003 :58).

La grille stimule la réflexion interculturelle, la pratique de l’interculturel du moment où la perspective interculturelle est, « une formation à l’observation des différences, à la compréhension à l’interprétation, à la relativisation des données culturelles » (Cambria2003). Soulignons la grande place accordée à la dimension pratique que Louis Porcher confirme par ce propos : « on ne reçoit pas l’interculturel tout fait, on le fabrique » (Porcher1988 :49). L’enjeu de cette grille réside dans sa transversalité, celle-ci peut être appliquée sur tout type de texte et s’adresse à des acteurs divers. Aussi dans sa faculté de pointer un certain nombre d’aspects du texte littéraire jusque là ignorés, pouvant rendre l’apprenant capable d’apprécier la culture évoquée dans le texte.

La grille impose toutefois une démarche rigoureuse de la part de l’enseignant, appelé à bien observer son texte, et à prévoir une série de décentrations qui consistent à trouver un point de repère différent du sien.

PISTES MÉTHODOLOGIQUES DE LA CONCEPTION DE LA GRILLE

La base théorique sur laquelle nous avons arrimé notre travail est composée de travaux qui relèvent en grande majorité de la littérature interculturelle francophone3 dont l’arrière plan est élaboré à travers une conception pragmatique de la culture - la culture en acte-, et qui se fixent comme objectif principal de trouver des stratégies d’approches interculturelles dans le domaine de l’éducation.

Ce choix des références est fondé sur le fait que la littérature interculturelle francophone, par rapport à l’anglophone, est qualifiée par les critiques de l’interculturel, en sus de la prédominance des méthodes qualitatives (Ogay 2000 :11), de « recherche-action, adoptant une méthodologie qualitative et une approche pluridisciplinaire » (Ogay 2000 :21).

ARTICULATION DE LA GRILLE

Premier niveau de la grille : la démarche interculturelle

Cette grille prend abondamment appui sur les travaux de Martine Abdallah-Prétceille et Louis Porcher(1996) et plus précisément sur leur réflexion en termes de démarche interculturelle, retenue pour développer le cadre phare de la grille, elle représente son premier niveau de mesure.

3 Les travaux sur l’interculturel se sont actuellement enrichis grâce à l’Association pour la recherche interculturelle (ARIC)

créée par Pierre Dasen avec un groupe d’universitaires chercheurs en 2004. Nous assistons à une extension thématique dans le champ de l’interculturel qui n’est plus réservé aux stricts problèmes de l’immigration. Avec l’ARIC, on parle d’Espaces interculturels. Tania Ogay explique cette expansion en recourant aux propos d’Yves Winkin qui note que : ʺLa

communication interpersonnelle est encore souvent perçue comme « l’affaire des psy » et la communication interculturelle, celle des « socio-cul » qui s’occupent des immigrés. Il faut donc, sans reproduire artificiellement le développement institutionnel de ces disciplines aux états unis, montrer que l’interpersonnel et l’interculturel sont des objets de savoirs -pourvu qu’ils soient construits théoriquement –et que +ces savoirs exigent une matrice disciplinaire spécifiques au sein des sciences de la communicationʺ. Yves Winkin, cité par Tania Ogay dans De la compétence à la dynamique interculturelles : des théories de la communication interculturelle à l’épreuve d’un échange de jeunes entre Suisse romande et alémanique,

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Le propre de la démarche interculturelle, c’est qu’elle permet à l’apprenant de négocier le savoir global, en l’évaluant et en l’intégrant avec le savoir local. Elle met en synergie, selon Marc Thomas trois plans :

- l’élaboration de l’équilibre identitaire du sujet et ses aménagements successifs, provoqués par les questionnements et tensions vécus dans des contextes interculturels ;

- l’analyse des ressemblances et différences entre les personnes et les groupes en contact coopératif ou conflictuel ;

- la « méta-communication » sur les interactions (c’est-à-dire la possibilité d’analyser en commun ce qui se passe dans les situations de communication), qu’il s’agisse de gestion de malentendus et de conflits ou de création de modes de coopération.(Thomas 2000 :9-10)

Cette approche a fait ses preuves sur terrain et de manière spécifique dans l’apprentissage d’une langue étrangère : pour apprendre à communiquer clairement, pour combattre les stéréotypes, la xénophobie ou encore le déni de sa propre culture. Martine Abdallah-Pretceille et Louis Porcher expliquent que l’objectif de la démarche interculturelle est celui d’« instaurer et d’alimenter sans cesse les circulations entre cultures, les échanges, les passerelles dans les deux sens, les connexions, les partages. S’enrichir de ses différences parce que, fondamentalement, nous sommes identiques, telle est la philosophie de l’hypothèse interculturelle » (Prétceille et Porcher 1996 :19-20).

Fig.: L’apprenant au centre de la démarche interculturelle L’idée de l’immersion interculturelle dans la grille

L’immersion interculturelle telle qu’elle a été suggérée par Margalit Cohen -Emérique et que nous proposons à notre tour dans ce travail, est : « désir de s’intégrer et de comprendre la culture et la langue de l’autre et de s’y adapter le plus possible » (Demorgon&Lipiansky 1999 :234). M.Cohen-Emérique explique que l’immersion est à la fois formatrice et déformatrice car dans ce processus d’immersion (totale), on essaye d’oublier sa propre culture et même sa langue.

Dans la présente contribution, nous empruntons l’idée développée autour de cette notion : d’abord il n’est pas question d’une immersion totale mais plutôt d’une immersion partielle, ensuite dans l’approche sus-citée, l’immersion est une finalité en soi tandis qu’ici nous en faisons un moyen pour atteindre un objectif éducatif, celui de créer le désir chez l’apprenant de découvrir l’autre et d’apprendre à le connaitre. L’apprenant Pénétration du système de l’autre Négociation Décentration

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325 L’immersion partielle

Lors de l’élaboration de la grille, nous avons procéder à une lecture personnelle de la démarche interculturelle afin d’affiner certains indicateurs de la grille, notamment ceux relatifs à la notion d’immersion interculturelle.

En effet, l’approche interculturelle passe par trois étapes ainsi explicitées par Cohen-Emérique : « Nos termes d’approche et d’attitude se décomposent ici en trois démarches : la décentration, pour mieux cerner sa propre identité socioculturelle, la pénétration du système de référence de l’autre, et enfin la négociation et la médiation. » (Cohen-Emérique 1993 :71-92)

Trois points ont suscité notre curiosité, les deux premiers présents dans l’extrait cité ci-dessus, le troisième n’est qu’un aboutissement de notre réflexion sur l’extrait en question :

D’abord l’emploi distinctif des mots « approche », « attitude » et « démarche » par l’auteure, nous a poussée à revoir leurs définitions dans le dictionnaire. Une « approche », d’après l’extrait, n’est pas une « attitude » puisque les termes sont cités séparément4 et liés par une conjonction de coordination « et ». Ensuite pour définir « l’approche » et « l’attitude », on introduit un autre terme, « démarche », et emploie le verbe « décomposer ». Ainsi l’approche et l’attitude se décomposent en démarches, en trois démarches précisément : décentration, pénétration, négociation et médiation.

Nous avons aussi revu l’explication du verbe « Décomposer » dans le dictionnaire, selon le Robert (1998) : « Décomposer c’est diviser en plusieurs parties » même le dictionnaire ne caractérise pas le lien entre ces parties.

Cette analyse de la définition de la démarche interculturelle a convoqué ces interrogations :

Les démarches (décentration-pénétration-négociation et médiation) sont-elles autonomes ou plutôt interdépendantes ? S’auto suffisent- elles ? Sont –elles étanches ?

Uniquement les préalables et les principes de la démarche de négociation ont été annoncés par les spécialiste de la démarche interculturelle, nullement ceux de la décentration ou de la pénétration du système de référence de l’autre. Un autre questionnement s’impose : Les démarches composant l’approche et l’attitude interculturelles sont–elles linaires ou au contraire modulables ?

Les travaux des chercheurs dans ce domaine ne se prononcent pas sur la relation entre les trois étapes. Ce silence a autorisé la définition d’un indicateur prépondérant pour la grille, celui de « l’immersion interculturelle partielle» que nous appelons aussi le seuil interculturel qui dans le cas de notre recherche s’effectue quand l’une des étapes de la démarche interculturelle est accomplie. Autrement dit la réalisation de l’une des démarches citées (soit décentration, soit pénétration, soit négociation et médiation) à notre sens est suffisante pour que soit réalisée une immersion interculturelle de l’apprenant. Il s’agit de prévoir et de développer chez l’apprenant des stratégies afin de prendre connaissance de sa propre culture et aussi de celles des autres et d’y faire face.

Deuxième niveau de mesure : la compétence interculturelle

Travailler sur l’interculturel en classe de langue c’est penser directement à développer chez l’apprenant une compétence interculturelle lui permettant « d’agir en situation ». Pour rendre un élève compétent sur le plan interculturel il faut le doter de trois niveaux de connaissances :

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«▪ La connaissance de soi, de son propre fonctionnement et de sa propre identité culturelle ;

▪ la connaissance de l'autre et de sa culture (et la conscience des possibles différences) la conscience de l'interaction, et de ses divers niveaux (valeurs, non-verbal, styles de communication, etc…) »5

Nous retenons pour la conception de la grille la définition proposée danse le CECR6 qui la présente

comme une somme de connaissances, d’attitudes, de compétences pouvant mener à des rencontres et des relations interculturelles efficaces.

Aussi la définition d’Antonella Cambria (Cambria 2003) est d’un grand apport pour la formation à l’interculturel, elle est présentée en termes d’aptitudes, de savoir-faire, de capacités interculturelles et d’intentions interculturelles. Antonella Cambria définit l’interculturel comme mutation épistémologique et méthodologique centrée sur « un apprenant critique qui passe à travers des cultures différentes », et retient trois (03) savoirs constitutifs de la compétence interculturelle.

L’auteure accorde une grande place à la dimension pratique, elle évoque la perspective interculturelle comme « une formation à l’observation des différences, à la compréhension à l’interprétation, à la relativisation des données culturelles, dans les dernières années s’est élargie aux situations de contacts permanents entre cultures différentes. »

Elle décrit ces savoirs comme une prise de conscience interculturelle englobant la connaissance, la

conscience et la compréhension. Pour Cambria, les différences distinctives entre « le monde d’où l’on

vient » et « le monde de la communauté cible » sont à l’origine de la prise de conscience interculturelle.

Marc THOMAS dans Acquérir une compétence interculturelle. Des processus d’apprentissage

interculturels au quotidien (Thomas 2000), propose un outil exploratoire de la compétence

interculturelle dont les différents aspects sont détaillés dans une matrice renfermant les compétences à acquérir ou à développer en termes de savoir, savoir être et de savoir-faire, et qu’on peut considérer comme fil conducteur aidant l’enseignant et l’apprenant à pratiquer l’interculturalité en classe. Cet outil ressemblant aussi à un portfolio, offre à l’enseignant des éléments pour observer, installer et/ou développer la compétence interculturelle de ses apprenants ; de décider aussi du degré d’interculturalité à introduire et de la démarche à adopter dans le cas où la situation nécessite une négociation.

La compétence interculturelle l’aide à travailler sur les types d’évaluation du culturel/interculturel, à savoir le sommatif et le formatif (Humery et Dervin2006 :46-58)

Troisième niveau de mesure : L’enrichissement de Gilles Verbunt

L’enrichissement7 (Verbunt 2005 :417) en tant qu’action volontariste, est la valeur ajoutée issue des différences interculturelles. C’est une action faisant appel à l’intelligence et à l’affectivité de

5Dossier : Compétence interculturelle dans la coopération internationale, [En ligne]

<http://www.unite-ch.org/12archiv/archiv06_training/competence-interculturelle.pdf>

6 La compétence interculturelle dans le CECR est déclinée en Savoir (détaillé en pages 82-83 du CECR) ; Aptitudes et savoir-

faire (détaillés en page 84 du CECR) ; Savoir être (détaillé en page 84 du CECR) ; Savoir apprendre (détaillé en pages 85 à 86 du CECR).

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l’individu, elle incite l’apprenant à connaître les particularités de sa propre culture, à partager avec autrui les valeurs qui lui tiennent à cœur. Pour cerner ce paradigme, Verbunt retient trois éléments :

- La relativisation de sa propre culture, cela permet une attitude d’ouverture, sur l’avenir et sur la négociation ;

-L’extension de son champ d’expérience de la vie, en donnant goût à la découverte ; - L’enrichissement proprement dit.(Verbunt 2005 :418)

En se référant au schéma de la culture proposé par Hofstede-Turner, Trompenaars comparant la culture à de pelures d’oignon représentant ses différents niveaux de manifestation, l’enseignant peut identifier les strates de la culture qu’il peut étudier avec ses apprenants ou les leurs fait découvrir. C’est pour atteindre ce même objectif que Madelena de Carlo propose un modèle de construction du

savoir culturel en spirale, à travers lequel, l’apprenant construit son savoir culturel en partant de soi,

en se projetant vers l’Autre pour revenir enfin à un soi modifié.

Par la découverte de sa culture maternelle, il sera (l’élève) amené à comprendre les mécanismes d’appartenance à toute culture .Plus il aura conscience des critères implicites de classement de sa propre culture, plus il sera capable d’objectiver les principes implicites de division du monde de la culture étrangère (De Carlo 1998 :44).

L’élève devrait comprendre et interpréter la société étrangère d’une part, et de l’autre, relativiser son propre système de références.

Quatrième niveau de mesure : Obstacles et difficultés par Marc Edmon Lipiansky

Ce niveau est aussi pris en charge par la grille. L’enseignant doit connaitre les types de difficultés qu’il peut affronter et auxquels il doit faire face. Il est vrai que les textes littéraires regorgent de marques voire de figures d’interculturalité, mais comment choisir ceux qui seraient susceptibles d’intéresser les apprenants ? Certains thèmes sont porteurs comme le racisme, l’exil, l’immigration mais, sans étude préalable, il y a risque de tomber dans la xénophobie et l’ethnocentrisme.

Dans son article « Pédagogie des rencontres interculturelles » (Demorgon & Lipiansky 1999), Lipiansky signale sous forme de réflexions pédagogiques tournant autour de la notion de rencontre, les obstacles pouvant entraver cette rencontre comme modèle prêt à penser, il recense les préjugés, les a priori, la conception individualiste de la personne et aussi les trois types de l’ethnocentrisme qui sont : l’exotisme ; la minimisation des différences ; la réapparition des archaïsmes.

CONTRAINTES LIÉES A L’ÉLABORATION DE LA GRILLE

L’objet d’application de cette grille est le texte littéraire, difficile à saisir car multi-dimensionnel, il est reconnu par sa polysémie (Séoud 1997 :45-46). La lecture de ce type de texte « […]peut fournir des contenus fort divers selon les lecteurs compte tenu de leurs expériences, de leur idéologie, de leur culture, voire même du contexte particulier de la lecture» (Cuq 2004). Sa plasticité (Bertrand&Ploquin 1991 :32-39) offre la possibilité de visions plurielles puisque « Toute œuvre d’art, écrit-il, alors qu’elle est une forme achevée et close dans sa perfection d’organisme calibré, est ouverte au moins en ce qu’elle peut être interprétée de différentes façons sans que son irréductible

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singularité ne soit altérée » (Eco 1985 :27) . Il s’agit donc d’une contrainte majeure, imposant une clarté et une rigueur quant au choix des indicateurs de mesure.

En effet, le texte littéraire, de par sa nature, ne se laissera jamais enfermer dans une grille ; notre but est d’essayer, à travers celle-ci, de l’encadrer tout en restant attentif à ses caractéristiques.

Elle concerne le rôle et à la place du texte littéraire dans les programmes officiels. La grille suggère un regard nouveau et différent qui préconise une approche qui valorise le texte littéraire et le détache un peu du rôle qui lui a été inféré dans le contexte actuel celui de l’amélioration de la compétence communicative. Tout texte dans le manuel, assume une fonction finalisée vers les apprentissages. En relation avec la nature du concept interculturel, qui est, selon Martine Abdallah-Prétceille « […] une réalité mouvante, mal définie qui engendre un certain impressionnisme, lui-même néfaste à toute élaboration conceptuelle» (Prétceille 1996 :28). La problématique interculturelle véhiculée par cette grille conforte la démarche de l’auteure, celle qui par effet de miroir, établit des questionnements sur les autres cultures et sur sa propre culture.

Nous avons retenu la définition de Bourdieu, qualifiée de simple et d’opératoire par Louis Porcher : « La culture, c’est la capacité de faire des différences » (Porcher 1994 :8) qui précise aussi que faire des différences veut dire « ne pas confondre, mélanger, amalgamer » et ajoute que : « Chaque société se différencie des autres par sa culture, c'est-à-dire par les différences qu’elle opère. Chacune possède sa manière de distinguer. Pour dialoguer vraiment avec, il faut apprendre, à l’extérieur, comment elle distingue, selon quels choix et quelles modalités».

CONCLUSION

La grille suggère une application à la fois pondérée et partielle de l’apprentissage interculturel. Nous ne pouvons prétendre ou garantir une application directe mais plutôt graduelle car nous croyons fortement à l’idée que l’interculturel est une construction. Cette double démarche permet à l’enseignant de conduire des apprentissages qui traitent ou accordent une importance à tel ou tel aspect interculturel en dotant l’enseignant d’une certaine autonomie, car lui seul peut juger du niveau de ses apprenants et de ce dont ils ont besoin afin d’atteindre son objectif final.

Il est question d’amener l’apprenant de manière progressive à une prise de conscience interculturelle telle qu’elle a été détaillée dans le CECR qui recommande une approche plurilingue privilégiant une entrée dans les apprentissages par des contenus culturels tout en considérant les compétences langagières : « Dans une approche interculturelle, un objectif essentiel de l’enseignement des langues est de favoriser le développement harmonieux de la personnalité de l’apprenant et de son identité en réponse à l’expérience enrichissante de l’altérité en matière de langue et de culture..

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